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Le rôle et la place des états dans le fonctionnement de la cour pénale internationale

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par Désiré Yirsob Dabire
Université de Genève - DEA de droit international public 2006
  

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Paragraphe 2 : L'intervention du conseil de Sécurité des Nations Unies

Il convient de savoir à quel titre intervient le Conseil de sécurité et quels types de mesures il pourrait mettre en oeuvre en réaction à la violation de l'obligation de coopérer.

A- La Cour et le Conseil de sécurité : quel lien ?

Contrairement aux tribunaux pénaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, la CPI n'est pas un organe créé par le Conseil de sécurité. Il n'existe donc aucun lien quelconque de subordination de la première au second. En outre, ces deux organes ont des finalités différentes. La CPI, organe judiciaire a pour ambition de lutter contre l'impunité par la poursuite des auteurs de crimes internationaux, tandis que le Conseil de sécurité organe politique se voit confier le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Cependant, la compétence rationae materiae272(*) de la Cour couvre des crimes qui surviennent, dans l'immense majorité des cas, dans des situations de conflits armés. En outre, ces crimes sont généralement commis dans des cas de menace ou de rupture de la paix et de la sécurité internationales, domaine de prédilection du Conseil de sécurité. La Cour devra donc s'intéresser à des situations qui relèvent principalement du Conseil de sécurité. Il va sans dire que, de ce point de vu, les deux institutions vont oeuvrer sur les mêmes terrains. Les objectifs de justice de l'une et de paix et sécurité de l'autre seront donc amenés à se concilier pour un meilleur résultat. N'est-il pas vrai que la paix passe par la justice ? Il est donc tout à fait normal que les Etats aient voulu accorder au Conseil de sécurité un rôle dans l'activité de la Cour, sans pour autant lui conférer une main mise sur celle-ci.

De plus, il n'est pas inutile de souligner que les Etats dans leur ensemble sont membres de l'ONU, qui elle-même est liée à la Cour par un accord de coopération en vue de mieux collaborer et coordonner leurs actions respectives 273(*). Il apparaît donc que les Etats membres de l'ONU ont en cette qualité une obligation de coopérer avec la Cour même s'ils ne sont pas parties à la Convention de Rome de 1998. Cette idée se justifie au regard des dispositions de la Charte des Nations Unies. En effet, selon la Charte « les membres de l'Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par elle (...) »274(*). En l'absence de dispositions spécifiques dans l'accord de coopération, il n'est pas contradictoire de dire que la collaboration avec la CPI, peut s'inscrire aussi dans les actions de l'Organisation au titre de ses innombrables missions.

Cette obligation de coopérer avec la Cour pour les membres de l'ONU ne devrait toutefois être reconnue qu'en cas de résolution expresse des organes de décision des NU dans ce sens, précisément du Conseil de sécurité. Ce pourrait être le cas lorsque la saisine émane de ce dernier agissant sur la base du chapitre VII de la Charte. Ceci s'explique par le fait que l'accord ne lie pas les Etats pris individuellement, mais l'ONU avec une personnalité distincte de celle de ses membres.

B- Une plus grande probabilité de sanctions effectives

La probabilité pour l'ASP de sanctionner les Etats qui ne coopèrent pas étant minime, il est important que le Conseil de sécurité puisse se montrer plus rigoureux. D'emblée, les Etats membres des Nations Unies ont une obligation en vertu de l'article 25 de la Charte de l'ONU d' « accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité (...) ».

De plus, la décision par le Conseil de saisir la Cour est prise en vertu du chapitre VII, ce qui lui donne encore plus d'autorité à l'égard des Etats275(*).

De surcroît, les cas de recours au Conseil de sécurité sont limités aux situations qui ont été déférées par lui.276(*) Le Statut veille en effet à limiter les interventions du Conseil aux cas qui entre dans sa compétence en matière de sanction.277(*) Il n'intervient donc pour une éventuelle sanction que lorsqu'il est à l'origine de la saisine de la Cour.

Faire intervenir le Conseil de sécurité peut être une hypothèse qui présente plus de contraintes pour les Etats. Depuis la fin de la guerre froide, cet organe est devenu plus efficace dans son action et a acquis plus de dynamisme dans ses actions de maintien de la paix. En témoignent les nombreuses décisions et interventions dans les multiples conflits qui sont nés ou perdurent encore.278(*)

Il apparaît en effet que les décisions du Conseil de sécurité, notamment les sanctions à l'encontre d'Etats violant les règles internationales ont été dans leurs majorités effectives, et ont été entourées d'une autorité indéniable, même si leur efficacité n'a pas toujours été avérée. De la première crise du Golf aux conflits en Afrique, en passant par la création des tribunaux ad hoc, les Etats ont reconnu dans les décisions du conseil de sécurité des obligations dont il fallait veiller au respect279(*).

Certes, le caractère éminemment politique et le mode de fonctionnement interne de cet organe jettent un léger discrédit sur ces actions280(*). Cette réalité n'enlève rien au fait que le Conseil reste encore le seul organe disposant de moyens de sanction effectifs contre les pays de la communauté internationale.

Au regard de la situation actuelle des enquêtes de la Cour où seulement une affaire sur les cinq est à l'initiative du Conseil, les cas où il pourra intervenir sont très peu nombreux. En conséquence, les situations de non coopération d'Etats qui viendront à être éventuellement sanctionnées risquent fort d'être limitées.

C- La nature des mesures du Conseil de sécurité 281(*)

En tant qu'organe indépendant, le Conseil a une discrétion totale dans le choix des mesures à prendre lorsqu'il est interpellé par la Cour. En outre, il n'apparaît nulle part que la Cour peut suggérer au Conseil les mesures à envisager282(*). Le Conseil devrait avoir recours aux moyens traditionnels dont il dispose dans sa mission de maintien de la paix et de la sécurité internationale en vertu du chapitre VII de la Charte283(*). Le but étant bien sûr d'amener l'Etat en cause à obtempérer et à permettre par sa collaboration le bon déroulement du travail de la Cour là où son concours est nécessaire.

Le chapitre VII de la Charte confère au Conseil de sécurité un pouvoir de décision très étendu quant aux mesures qui peuvent être prises284(*). En effet, il peut sur cette base juridique prendre aussi bien des mesures « n'impliquant pas l'emploi de la force armée»285(*) que celles qui peuvent faire intervenir l'usage de la force286(*). C'est ainsi que dans le cadre des premières, le Conseil a mis en place les tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda287(*), institué un embargo contre l'Irak ou encore la mise en place du programme pétrole contre nourriture toujours à l'encontre du même pays288(*). Concernant les secondes mesures, l'on peut citer l'envoi de contingents de casques bleus comme force d'interposition sur les territoires en conflit ou encore l'autorisation donnée aux Etats par le Conseil d' « user de tous les moyens nécessaires pour faire respecter et appliquer la résolution (...) »289(*). Dans cette dernière, il apparaît que le Conseil peut lui-même prendre des mesures ou laisser le soin aux Etats de les engager sous son contrôle.

Une approche comparative montre cependant, avec l'expérience des tribunaux ad hoc, que dans la pratique le Conseil de sécurité est très réticent lorsqu'il est question de prendre des sanctions pour contraindre les Etats qui ne le font pas à coopérer. En effet, le Conseil s'est maintes fois abstenu de prendre des sanctions quand il en avait l'occasion et quand il était en droit de le faire. Ainsi, par exemple dans une résolution 1019 (1995) il s'est contenté de condamner verbalement les autorités serbo-bosniaques qui avaient été mises en cause par le TPIY pour leur manque de coopération290(*). En outre, lorsque le gouvernement Yougoslave a en 1998 expressément interdit l'entrée du procureur du TPIY sur son territoire, commettant ainsi une violation de son obligation de coopérer avec le tribunal, le Conseil qui a été interpellé n'a pris aucune sanction digne de ce nom comme il fallait s'y attendre. Dans la résolution prise à cette occasion 291(*), le Conseil de sécurité n'a fait que réaffirmer l'obligation de coopération à la charge de tous les Etats et de la Yougoslavie en particulier tout en condamnant cette dernière. Mais une fois de plus, aucune sanction ne s'en est suivie.

Ceci traduit malheureusement les limites de ce pouvoir de sanction du Conseil de sécurité. Pour des raisons d'opportunité, le Conseil peut souvent donc préférer ne pas prendre de mesures contraignantes, spécialement pour réprimer le manque de coopération. Il apparaît en certaines circonstances que le maintien de la paix et la justice pénale ne puisse être mis en oeuvre, en tous cas au même moment, et que le premier vienne à prendre le pas sur la seconde, quelques fois pour mieux permettre cette dernière. Sanctionner un Etat avec lequel sont engagées des négociations de paix lorsqu'il est impliqué dans un conflit n'est vraissemblablement pas une mesure opportune pour le Conseil de sécurité.

Il n'en demeure pas moins que le Conseil reste le plus apte à édicter des sanctions susceptibles d'effectivité et aussi d'efficacité pour obliger les Etats à coopérer.

* 272 V. supra, p. 16.

* 273Cf. l'article 3 de l'accord (ICC-ASP/3/Res.1, cf. le site internet http://www.icc-cpi.int/library/asp/ICC-ASP3-Res1_French.pdf , visité le 30 décembre 2005). Cet accord a été signé entre le SG des Nations Unies et le président de la Cour et est entré en vigueur le 04 octobre 2004, après avoir été préalablement adopté par l'AG de l'ONU et l'ASP.

* 274 Cf. l'article 2-5.

* 275 V. le commentaire de l'article 25 de la Charte. Cf., COT J.P., PELLET A. et FORTEAU M., La Charte des Nations Unies, Commentaire article par article, Paris, Economica, 3è éd., Vol.1, p. 909.

* 276 Dans les autres cas la Cour en réfère à l'ASP. En vertu de l'article 87-7 du Statut.

* 277 C'est-à-dire les cas qui entrent dans le champ du Chapitre VII de la Charte.

* 278 Les années 1990 ont ainsi été qualifiées de « décennies des sanctions », Cf. COT J.P., PELLET A. et FORTEAU M., La Charte des Nations Unies, Commentaire article par article, précité note 278, p. 1195.

* 279 Il convient d'ajouter aussi que la CPI n'est pas la première juridiction internationale à faire référence au Conseil de sécurité. Ainsi, en vertu de la Charte (art. 94), un Etat peut recourir au Conseil pour obtenir de la partie adverse l'exécution de la décision rendue par la Cour internationale de justice à son encontre. Les circonstances sont certes différentes (La CIJ en un organe des NU, et c'est un Etat qui demande l'intervention du Conseil pour l'exécution d'un arrêt), mais ces deux situations se recoupent en ce sens que le Conseil est sollicité pour permettre le fonctionnement efficace d'une juridiction auquel l'application effective des décisions participe grandement.

* 280 Les discussions en cours pour la réforme de l'ONU et surtout du Conseil de sécurité traduisent les critiques qui se font de plus en plus entendre sur l'organisation de cette instance.

* 281 Sur la question générale des sanctions prises par le Conseil de sécurité, V. notamment RUIZ FABRI H., SICILIANOS L.-A.., SOREL J.-M., L'effectivité des organisations internationales, Sakkoulas-Pedone, Athènes Paris, 2000, pp. 9-58. ; Commentaires du chapitre VII de la Charte, COT J.P., PELLET A. et FORTEAU M., La Charte des Nations Unies, Commentaire article par article, précité note 278, pp. 1131 et ss.

* 282 Cette question a été évoquée dans une décision rendue par le tribunal pour l'ex-Yougoslavie. Ce dernier a affirmé dans l'affaire Blaskic que « la détermination formelle du tribunal international ne doit comprendre aucune recommandation ou suggestion relative aux mesures que pourrait prendre le Conseil de sécurité suite à cette détermination. » Cf. arrêt de la Chambre d'appel, le procureur c/ Tihomir Blaskic, Affaire N° IT-95-14-AR, 29 oct. 1997, para. 36, en ligne http://www.un.org/icty/blaskic/appeal/decision-f/71029JT3.html (Visité le 30 décembre 2005).

* 283 Dans la mesure où cette intervention se présente comme une continuité de sa décision de saisir la Cour, décision qui est intervenue dans des circonstances qui ont justifié une référence au chapitre VII.

* 284 Cela a été reconnu aussi par le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie dans l'affaire Tadic, ce tribunal affirmait en effet que « Une fois que le Conseil de sécurité décide qu'une situation particulière constitue une menace contre la paix ou qu'il y a rupture de la paix ou acte d'agression, il est doté d'un large pouvoir discrétionnaire pour choisir son type d'action (...) », Cf. le procureur c/ Dusko Tadic, Chambre d'appel, arrêt du 2 oct. 1995, § 31. http://www.un.org/icty/tadic/appeal/decision-f/51002JN3.htm . (Visité le 30 décembre 2005).

* 285 Article 41 de la Charte.

* 286 Cf. l'article 42 de la Charte.

* 287 Par les résolutions 808 de 1993 et 955 de 1994, prises sur la base du chapitre VII.

* 288 Le programme pétrole contre nourriture a été mis en place par la résolution 986 du 14 avril 1995.

* 289 Cf. la résolution 678 du 29 novembre 1990, para 2, dans le cadre de la première crise du Golf. (Cf. le site http://www.un.org/french/documents/sc/res/1990/cs90.htm visité le 30 décembre 2005).

* 290Cf. le site http://www.un.org/french/docs/sc/1995/95s1019.htm (Visité le 05 octobre 2005). Dans cette résolution le Conseil s'est contenté de poser des exigences sans adopter de mesures coercitives pour en assurer l'application.

* 291 Résolution 1207 du 17 novembre 1998. Cf. le site http://www.un.org/french/docs/sc/1998/98s1207.htm . (Visité le 30 décembre 2005).

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