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Le rôle et la place des états dans le fonctionnement de la cour pénale internationale

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par Désiré Yirsob Dabire
Université de Genève - DEA de droit international public 2006
  

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Paragraphe 2 : Les relations entre la Cour et les Etats non parties

au Statut de Rome

La Cour peut avoir des rapports avec des Etats qui ne sont pas parties à son Statut. Bien qu'ayant cette qualité, ces Etats peuvent avoir des obligations envers la Cour (A). En outre, les Etats non parties peuvent, dans certaines circonstances être en relations avec des Etats parties au Statut (B).

A- Les sources de l'obligation de coopérer avec la Cour pour les Etats non parties.

L'obligation de coopération, pour les Etats qui n'ont pas ratifié le Statut, peut trouver son fondement dans le Statut lui-même (2). Cependant une certaine opinion voudrait qu'elle puisse aussi résulter du droit international humanitaire coutumier (1).

1- Le droit international humanitaire coutumier comme source d'obligation de coopérer pour les Etats non parties au Statut?

Tels que définis dans le Statut, les crimes qui relèvent de la compétence de la Cour, sont pour l'essentiel prévus par le droit humanitaire. Des crimes comme le génocide (art. 6) ou les crimes de guerre notamment les infractions graves (art. 7), sont définis aussi par des conventions, telles que la convention du 10 décembre 1948 pour la répression et la prévention du crime de génocide, ou encore les conventions de Genève du 12 août 1949, dont le caractère coutumier est aujourd'hui reconnu95(*). Par ailleurs, en tant que droit coutumier, ces normes valent indépendamment de leur fondement conventionnel, et sont opposables aux Etats qu'ils soient parties ou non à ces conventions96(*). Ceux-ci ont donc l'obligation de les respecter et de les faire respecter  en toutes circonstances97(*). Il s'agit ici de la sauvegarde d'un intérêt collectif qui incombe à chaque Etat à l'égard de tous les autres98(*).

Ce respect du droit coutumier se manifeste non seulement par l'application effective des normes par les Etats, mais aussi par la mise en oeuvre et le concours à la mise en oeuvre de sanctions, en cas de violations constatées. Or, la mission de la Cour est justement d'assurer cette répression lorsque les Etats ne sont pas en mesure de le faire.

Ce raisonnement permet de conclure que, le droit international coutumier requiert des Etats qu'ils assistent les juridictions pénales internationales, en l'occurrence la Cour pénale internationale.

Ainsi, « L'obligation qu'ont les Etats - parties ou non au Statut de la Cour - de coopérer avec elle et d'arrêter les personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt demeure, puisque les Etats sont toujours liés par les exigences du droit international général et du droit international humanitaire »99(*). Ce point de vue, plus avéré pour les Etats qui ont ratifié lesdites conventions que pour les autres, se justifie à certains égards dans la mesure où la convention de 1948 par exemple, bien que n'instituant pas de tribunal international oblige les premiers à extrader les personnes recherchées pour génocide vers un autre Etat 100(*), mais aussi vraissemblablement, vers tout autre instance habilitée à engager des poursuites, en l'occurrence un tribunal pénal international.101(*)

L'existence d'une obligation de coopérer avec la CPI, incombant aux Etats non parties au Statut sur la base du droit coutumier, n'est cependant pas unanimement admise. Certains auteurs expriment en effet des doutes, en s'appuyant sur le droit international, notamment sur la Convention de Vienne sur le droit des traités en ses articles 34 et 35. Ces dispositions affirment le principe de l'effet relatif des conventions internationales, et donc le fait que le consentement d'un Etat est nécessaire pour qu'une obligation puisse être mise à sa charge. Un autre argument est le fait qu'un Etat ne peut recevoir d'« ordres » d'un autre Etat ou d'un organisme international comme l'a reconnu le TPIY102(*).

Ces arguments paraissent peu appropriés, dans la mesure où s'agissant de la Cour, les demandes adressées aux Etats le sont dans le respect de leur souveraineté. Cette souveraineté est d'ailleurs préservée tout au long des dispositions du Statut.

Il résulte de ce raisonnement que l'obligation de coopérer en vertu du droit international humanitaire coutumier pour les Etats non parties, est une approche qui correspond logiquement aux exigences et aux objectifs de ce corps de règles internationales.

Les Etats tiers au Statut peuvent néanmoins avoir des obligations sur le fondement du Statut lui-même.

2- L'obligation de coopérer pour les Etats non parties sur la base du Statut

Lorsqu'un crime est commis sur le territoire d'un Etat non partie, et que l'auteur présumé est aussi le national d'un Etat non partie au Statut, la compétence de la Cour peut être fondée sur une acceptation expresse de l'un ou l'autre de ces Etats (à moins que la Cour ne soit saisie par le Conseil de sécurité de l'ONU). Cette éventualité est prévue à l'article 12(3) du Statut, qui ajoute aussi que l'Etat (non partie) qui donne son consentement coopère « sans retard et sans exception » avec la Cour.

Ainsi, l'obligation de coopérer pour les Etats tiers, résulte directement de leur consentement exprès et ad hoc à la compétence de la Cour pour un crime dans lequel ils sont impliqués. En conséquence, cet Etat n'est plus considéré (dans les faits) comme tiers et se trouve dans le cas d'espèce dans une position quasi identique à celle d'un Etat partie103(*). Les détails pratiques de cette coopération Etat non partie/CPI, dont il est également fait mention à l'article 87 du Statut, sont en principe fixés dans l'accord de circonstance et par le droit national de l'Etat concerné, mais cet Etat reste soumis aux mêmes obligations générales de coopération que les Etats parties104(*). Ceci dans le respect du Statut de la Cour, du droit national de l'Etat concerné et du droit international général. Cet accord devrait en général se référer aux dispositions pertinentes du Statut. Néanmoins, il convient de signaler que la source des obligations de l'Etat non partie est bien l'accord ainsi conclu et non le Statut de la Cour qui ne lui est pas opposable, même si le contenu de cet accord peut procéder des mêmes principes que ceux qui sont prévus par le Statut.

Lorsqu'on sait que bien souvent, l'Etat sur le territoire duquel le crime a été commis est aussi celui de son auteur105(*), il s'avère important pour la Cour de bénéficier aussi du concours de ces Etats non parties pour pouvoir accomplir efficacement sa tâche.

Il existe également l'hypothèse où la Cour est saisie par le Conseil de sécurité et qui entraîne pour les Etats non parties au Statut une obligation de coopérer. Dans cette hypothèse en effet, il n'est nul besoin du consentement de l'Etat non partie, en raison du fait que le Conseil de sécurité agit en vertu du chapitre VII de la Charte et que tous les Etats membres des Nations Unies ont l'obligation d'appliquer les décisions contraignantes prises en vertu de ce chapitre106(*).

B- Les Etats parties et les Etats non parties

Les Etats parties au Statut de Rome pris individuellement, et ceux qui ne sont pas parties ne sont en principe liés par aucune obligation entre eux en rapport avec la Cour. Seuls sont en vigueur dans leurs rapports, les engagements en vertu des accords bilatéraux qui pourraient exister.

Dans certaines hypothèses cependant, en rapport avec l'activité de la Cour, ces Etats peuvent se retrouver en relation, de différentes manières. La situation la plus importante est celle des demandes concurrentes107(*). C'est l'hypothèse dans laquelle, un Etat partie est requis d'une demande de coopération (par exemple de remise) par la Cour et en même temps d'une demande d'extradition par un Etat tiers au Statut ; et que les deux sollicitations ont pour objet la même personne. En effet, un individu qui se trouve sur le territoire d'un Etat partie, peut être réclamé dans le même temps par la CPI et par un Etat non partie à son Statut, parce que les deux entités ont simultanément engagé des procédures contre lui. Ici, l'attitude de l'Etat partie requis est fonction de l'existence ou non d'un accord entre lui et l'Etat tiers, mais également de la nature de l'infraction reprochée à la personne qu'il détient ou abrite. Deux cas se présentent. L'un où l'infraction justifiant les deux demandes est la même, et l'autre où il y a différentes infractions reprochées par les entités requérantes.

Dans le premier cas et lorsqu'un accord, par exemple d'extradition, n'existe pas entre les deux Etats, l'Etat doublement requis privilégie la demande de la Cour et lui accorde la remise de l'individu en cause, si la Cour a jugé l'affaire recevable108(*). Il est tout a fait compréhensible que l'Etat partie accorde cette priorité à la Cour, envers laquelle il a l'obligation de coopérer pleinement. D'autant plus que cette attitude ne contrevient à aucune autre de ses obligations internationales envers l'Etat tiers.

La situation est tout autre lorsqu'un accord existe déjà entre l'Etat requis partie au Statut et l'Etat requérant non partie. Dans cette hypothèse en effet, la décision du premier sera prise en fonction de plusieurs critères d'appréciation des deux demandes. Il tiendra compte de l'ordre des demandes, de l'intérêt de l'Etat tiers et aussi de « la possibilité que la Cour et l'Etat requérant parviennent ultérieurement à un accord concernant la remise de cette personne»109(*).

Dans le deuxième cas, lorsque les deux Etats ne sont liés par aucun accord, on observe la même situation que celle du premier cas110(*). Lorsqu'un accord lie les deux Etats la décision de l'Etat requis est prise en considération de la nature et de la gravité de l'infraction111(*), en plus de l'ordre des demandes et de l'intérêt de l'Etat tiers. La Cour, ayant pour mission de juger les crimes les plus graves, se verra accorder la priorité ou non en fonction du degré de gravité des crimes en cause.

Dans ces différentes hypothèses, l'intérêt de la Cour est primordial pour l'Etat partie, et celui-ci en tient compte dans ces relations avec les autres Etats qui ne sont pas parties au traité de Rome. Il doit donc le concilier avec ses autres obligations internationales.

* 95 Cf. les arrêts du TPIY, Tadic, arrêt du 07 mai 1997, paragraphe 577; kupreskic et consorts, arrêt du 14 janvier 2000, paragraphe 520; Delalic et consorts, arrêt du 16 novembre 1998, paragraphe 306, sur le site http://www.un.org/icty/ (Visité le 30 décembre 2005); V. encore BOISSON DE CHAZOURNES L. et CONDORELLI L., << Quelques remarques à propos de l'obligation des Etats de « respecter et faire respecter » le droit international humanitaire « en toutes circonstances >>, in SWINARSKI C., Etudes et essais sur le droit international humanitaire et sur les principes de la Croix Rouge en l'honneur de Jean Pictet, CICR, Martinus Nijhoff, Genève, La Haye, 1984, pp. 17-35.

* 96 V. le Rapport du Secrétaire général des Nations Unies du 3 mai 1993 sur la création d'un Tribunal pénal

international pour l'Ex-Yougoslavie (Document ONU S/25704, ch. 45), ainsi que l'Avis consultatif de la CIJ du 8 juillet 1996 sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Rec., 1996, para. 81-83. http://www.icj-cij.org/cijwww/ccases/cunan/cunanframe.htm (Visité le 30 décembre 2005).

* 97 Cf. l'article 1er commun aux conventions de Genève du 12 Août 1949.

* 98 BOISSON DE CHAZOURNES L. et CONDORELLI L., « Common article 1 of the Geneva Conventions revisited : Protecting a collective interests », in Revue Internationale de la Croix Rouge, n°837, Genève, CICR, 2000, pp. 67-87.

* 99 Cf. LA ROSA A.-M., Les juridictions pénales internationales : la procédure et la preuve, Paris, P.U.F., 2003, p. 84. Cette affirmation devrait tout de même être nuancée selon la qualité d'Etat partie ou non au Statut.

* 100 Article 7 de la Convention de 1948 sur le génocide.

* 101 Ce point de vue est partagé par PALMISANO G., « The ICC and Third States », in LATTANZI F. et SHABAS W., Essays on the Rome Statute of the international criminal court, précité note 72, pp. 419 et ss; ou encore du même auteur «Cooperation by non-States parties», in LATTANZI F., The International Criminal Court, Comment On The Draft Statute, Naples, Editoriale Scientifica, 1998, pp. 339-366 ; également TRIFFTERER O., Commentary of the Rome Statute of the international Criminal Court : Observer's notes article by article, Baden Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 1999, p. 1061.

* 102 V. CIAMPI A., «The obligation to cooperate», in CASSESE A., GAETA P. et JONES R.W., International Criminal Law, A Commentary on the Rome Statute for an International Criminal Court (Vol.II), Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 1609. V. infra. P. 77.

* 103MATTONE M. C., « Aperçu sur les règles du statut au sujet de la coopération internationale et de l'assistance judiciaire », in CHIAVARIO M. (dir.), La justice pénale internationale entre passé et avenir, précité note 40, pp. 131-140.

* 104 L'article 12(3) du Statut précise aussi en effet que cet Etat coopère « conformément au chapitre IX » qui s'applique aussi bien entendu, aux Etats parties. V. TRIFFTERER O., Commentary of the Rome Statute, précité note 104, p. 341; V. aussi CIAMPI A., «The obligation to cooperate», précité note 105, p. 1616.

La situation diffère sensiblement lorsque l'Etat non partie coopère avec la Cour sur la base d'une invitation en vertu l'article 87(5). Dans ce cas, cet Etat a toute la latitude pour restreindre l'étendue de sa coopération avec la Cour, dans la mesure où ce dernier n'a pas fait de déclaration d'acceptation de la Cour comme il l'aurait fait sur la base de l'article 12(3). Cet avis de CIAMPI A., se justifie sur la base du respect de la souveraineté de l'Etat, mais dans le cas d'une saisine de la Cour par le Conseil de sécurité, l'Etat non partie ne devrait pas avoir ce choix et reste dans la situation de l'article 12(3).

* 105 C'est en effet bien souvent le cas dans les conflits armés non internationaux où les insurgés sont des nationaux de l'Etat et commettent des exactions sur leurs propres populations civiles. C'est l'exemple de la Sierra Léone.

* 106 Cette obligation résulte pour les Etats de l'article 25 de la charte onusienne, qui prescrit le respect des décisions et l'application par les Etats des mesures prises par le Conseil de sécurité. Cette hypothèse se vérifie dans le cas de l'affaire sur le Darfour qui a été portée devant la Cour par une résolution 1593 du Conseil de sécurité du 31 mars 2005.

* 107 Article 90 du Statut.

* 108 Article 90(4) du Statut.

* 109 Article 90(6) du Statut.

* 110 Article 90(7.a) du Statut.

* 111 Article 90(7.b) du Statut.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe