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Le projet de loi sur les partis politiques au Maroc

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par Hassan Bentaleb
Université Montpellier 1 - Master recherche en science politique 2005
  

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C- La problématique du financement au sein des partis politiques 

1- Financement des partis et la question de la transparence.

 

La question de la transparence dans la gestion du financement des partis est très importante du fait que l'argent attribué aux partis doit être dépensé selon les objectifs désignés. C'est pour cette raison que certain pays ont élaboré des lois concernant la transparence financière. Comme le cas de la France, avec la loi du 11 mars 1988, ainsi que la loi du 29 janvier 1993, concernant « la lutte contre la corruption et la transparence de la vie économique et les marchés publics ».

Au Maroc, l'absence d'une telle loi, rend la gestion financière des partis politiques obscure. En effet, Cette absence de transparence se pose à plusieurs niveaux. Le plus important, c'est  l'ignorance totale des membres des partis du patrimoine de leurs partis, et le manque de rapports financiers annuels réservés à la gestion financière des partis. Personne ne connaît exactement la liste des biens ou les comptes bancaires des partis politiques, ni les moyens de leur financement, ni la liste de leurs sponsors, ainsi que les domaines où l'on dépense cet argent, ni les rétributions des personnels des partis politiques... Si le Dahir des libertés publiques a donné à chaque parti, en plus d'acquérir les cotisations des membres du parti, le droit d'achat et vente comme n'importe quelle personne naturelle, les partis ont pu se procurer des sièges sociaux centraux ou provinciales, des journaux, des revues et des imprimeries, ainsi que des comptes banquiers. Souvent les partis politiques ne déclarent pas ces biens, et du coup, les membres du parti, et parfois même des dirigeants ne savent rien sur ces biens.

Cette question des biens pose un autre problème, celui de l'enregistrement, puisque souvent ces biens sont enregistrés au nom du secrétaire général du parti, ou au nom de délégué du parti sur le plan local (pour les biens locaux). Et en d'autres cas mais limités, au nom d'un membre fondateur ou membre du bureau politique. On trouve même - mais c'est très rare- les biens du parti prendre la forme d'une société anonyme où les membres du bureau politique sont des actionnaires. Les biens de presse du parti sont aussi enregistrés au nom du secrétaire général du parti, ainsi que les comptes bancaires du parti (si ce parti a un compte bancaire). Donc, dans tous les cas les biens du parti sont enregistrés non au nom du parti, mais au nom des personnes.

Cette méthode d'enregistrement des biens partisans a suscité des tensions dans de nombreux partis. Pour certains, si cette méthode existe, c'est pour une raison : garder les biens du parti contre les scissionnistes qui réclamaient ces biens comme leurs droits partisans. C'est pourquoi ce dispositif est devenu une loi reconnue au sein de tous les partis politiques, au point que les scissionnistes ne réclament plus le partage des biens, puisqu'ils savent déjà qu'ils sont enregistrés au nom d'autres adhérents influents. Et ces mêmes scissionnistes reproduisent la même procédure, quand ils constitueront leur propre parti politique.

Pourtant, ce phénomène n'est pas récent. Si on prend l'exemple du PI, on voit qu'à un certain moment de son histoire -l'époque du protectorat- où le parti vit dans la clandestinité, les biens du parti ont été enregistrés au nom du président du parti. Après, c'est au nom du secrétaire général après la disparition du statut de président avec la mort de Allal El Fassi. A partir de l'indépendance, le parti va connaître une série de départs collectifs de ses militants - soit suite à la scission, ou soit pour adhérer à d'autres partis, ou soit un retrait de l'action politique. Ces départs vont se distinguer par des séries de dérobades des biens du parti, ce qui va pousser le parti a enregistré ses biens au nom de son secrétaire général, avec l'obligation pour ce dernier, de signer un autre document qui montre que ces biens sont la propriété du parti.

Les problèmes posés par les biens matériels sont aussi posés par les biens moraux, et ça concerne exclusivement le nom du parti en cas de scission. Dans les années 2001/2002, trois affaires ont été exposées devant la justice, pour le même motif : qui a le droit de garder le nom du parti ? . Dans la première affaire, la justice a décidé que le nom du parti restait au profit du plaignant qui n'était ni d'autre que le secrétaire général de l'USFP, contre certains membres du parti, qui ont essayé en 2001 de déposer une demande pour faire leur congrès au nom du parti. Dans le deuxième cas, la justice a donné raison aux personnes incriminées, qui sont les membres de bureau politique du parti CS, qui ont destitué, après un congrès exceptionnel, le fondateur du parti, ainsi que son secrétaire général. Le troisième cas, ce qui était désigné comme « l'affaire El Chabiba El Itihadia et l' USFP »- il s'agit d'une réunion du comite central de Chabiba tenue par le secrétaire général de l'USFP, sans le feu vert du bureau national de Chabiba. La justice n'a pas encore tranché dans cette affaire. Pour certains, cette problématique trouve sa source dans les statuts internes des partis politiques, puisque ces statuts proclament le président, ou le secrétaire général, comme le représentant juridique du parti. C'est pourquoi chaque fois qu'il y a scission au sein du parti, chaque clan réclame le nom du parti. D'ailleurs, la justice considère le droit du nom revient à la personne au nom duquel le parti a été enregistré, même si les dissidents sont nombreux. C'est le cas en 1983, avec certains dissidents de l'USFP, et qui ont gardé le même nom pendant 10 ans, mais en fin de compte, ils ont changé le nom de leur parti en PADS. Le même scénario va se reproduire en 2001, avec d'autres dissidents de l'USFP, et qui ont fini après une année de changer le nom du leur parti en CNU3(*).

A ce problème de déclaration des biens du parti, il faut ajouter l'absence des rapports comptables. Si les statuts internes des partis politiques insistent sur l'obligation d'exposer les rapports financiers à chaque session devant les instances du parti : comités centraux, conseil national...durant toute l'année, la pratique des partis ne corresponde pas à ces dispositifs. Seulement, il reste le congrès national comme l'unique occasion pour exposer ces rapports mais certains partis ne se plient pas à cette obligation.

En 2001, sept partis politiques ont fait leur congrès. Sur ces sept partis, seulement quatre vont exposer leurs rapports financiers (USFP, FFD, PSD, RNI), et sur ces quatre, deux vont publier ces rapports à travers leur presse. Et sur sept partis, un seul a publié le rapport financier réservé aux recettes et dépenses de congrès, lors de sa tenue (FFD). Il faut ajouter que sur ces sept partis, deux ont formulé un rapport sur une période longue (l'USFP, 1989/2000, l'RNI, 1984/2000), ce qui rend le contrôle de ces rapports difficiles, voir même impossibles. Certains parlent même d'une méthode préméditée par les dirigeants des partis politiques pour entraver tout contrôle, voir même le rendre impossible. Et même si ces rapports ont été publiés à temps, on remarque qu'ils se limitent à décrire les dépenses et les recettes, sans rentrer dans les détails.

Ce manque de transparence et ce grand secret qui entoure la question financière chez les partis politiques ne peuvent pas trouver leur unique explication dans la volonté des partis de cacher les trous de leurs rapports, mais dans une sorte de culture adoptée par toute la classe politique, et qui devenait un objet structurant du champ politique. C'est « la politique secrète », comme la qualifie un certain chercheur marocain, et c'est ce que va affirmer Ahmed Elmsyoi, l'un des dirigeants de l'UC : « il existe une culture du secret chez tous les partis politiques marocains, puisque la totalité des militants dans les partis ne savent rien sur le financement de leur parti, le principe chez les dirigeants : c'est cultiver le mystère afin que personne ne sachet notre vraie force ou faiblesse »4(*) .

2- Le financement secret de la vie partisane au Maroc :

S'il n'existait pas de financement public global, ni de réglementations du financement avant la lettre royale de 1986, il serait cependant excessif de prétendre que rien n'existait jusqu'à cette date. Ce qui veut dire que la décision de subvention publique aux partis politiques, dès 1986, n'est qu'une reconnaissance publique de la part de l'Etat de ce qui a été un soutien secret. Si ce soutien n'a pas concerné tous les partis, il a toutefois concerné au moins la majorité.

Ce soutien secret de l'Etat est resté longtemps comme matière de discussion entre les intéressés du champ politique, sans pouvoir pour autant le prouver avec des documents ou preuves matérielles. Ce sont ces mêmes discussions qui ont nourri la polémique entre les partis dits « nationaux démocratiques » et « les partis du Makhzen », où les premiers taxent les derniers de bénéficier de soutien financier et logistique secret de l'Etat. Cette situation forte longtemps mystérieuse, commence à s'élucider avec le changement politique qu'a connu le champ politique marocain, notamment avec l'émergence d'une presse indépendante qui a pu transgresser les murs du silence qui entourent les partis politiques, ainsi que l'Etat. Du coup, ce qui était rumeurs à certain moment, est devenu des données relatées par des acteurs politiques, eux-mêmes étaient témoins ou acteurs dans l'affaire.

C'est dans ce sens que Mohamed Eljabri raconte qu'en 1977, lorsqu'il était membre de bureau politique de l'USFP : « avant le départ de la compagne électorale -les élections de 1977- j'ai rendu visite à Abdraheme Bouabid, et il m'a dit en souriant : Drisse Basri m'a rendu visite avec une valise de 120 millions centimes, il a dit que c'est pour soutenir notre parti dans sa campagne, je lui explique que je ne peux pas accepter cette valise et qu'aussi le parti ne peut accepter de telles choses, et s'il y a une vraie volonté d'aider le parti dans le financement de sa campagne électorale, que ça soit par décret. Du coup, le ministre de l'Intérieur est parti avec sa valise». Eljabri ajoute : « après quelques jours, je suis repassé chez Bouabid, et j'ai su que le ministre de l'Intérieur a rendu visite à Elyajgi, et il a laissé la valise de 120 millions centimes chez lui. Bouabid a décidé de garder la valise jusqu'à la fin des élections, et après il va voir comment la rendre à son propriétaire, et il a chargé Lahbabi de cette affaire. La valise est restée donc chez Lahbabi qui dépose la somme dans la banque, jusqu'à l'adoption d'un décret de soutien public aux partis politiques. A ce moment, le bureau politique a décidé que cette somme est légale, et donc l'utiliser dans l'achat de son siége de Rabat ». Eljabri poursuivit : « c'est ça l'histoire de la décision de l'Etat de soutenir les partis politiques dans leurs compagnes électorales, c'est clair que le but de la valise offert à l'USFP n'est pas la préparation de terrain devant la décision de soutien public, mais un pas parmi d'autres pour coopter le parti contre l'honnêteté des élections. Et les autres pas sont : la proposition d'un accord préalable sur les résultats des élections, et l'exigence de l'abandon de la candidature de Bouabid à Agadir ».

Si ce « témoignage » montre bien que la décision de l'Etat de soutenir publiquement les partis politiques n'est qu'une reconnaissance d'une réalité qui a existé déjà, d'autres témoignages vont confirmer cette réalité, en insistant sur le fait de recevoir des aides de l'Etat, à une époque où ces aides sont considérées comme illégales. Parmi ces témoignages, celle de Abdallah El Kadri, le secrétaire général du PND. Il dit qu'à l'époque où il était secrétaire général du parti, il a reçu 2,5 millions DH, comme don de Hassan II, avant d'ajouter que son parti va être honoré une deuxième fois avec un don royale de 1 million DH.

Ces deux témoignages montrent aussi les positions des partis politiques à l'égard de ce soutien. Si les partis de gauche le refusent et le considèrent comme moyen de corrompre les partis, comme le témoigne les propos de Bouabid, les partis de droite, à l'inverse, le considère comme un honneur, voire même de la «  baraka ».

Mais il faut relativiser ces positions puisqu'on trouve dans le témoignage d'El Jabri que El Yazghi a accepté de garder la valise, ce qui permet de parler de pluralité des positions au sein d'un même parti politique. La rareté de ces témoignes montrent bien le grand secret qui entoure ce sujet, soit de la part de l'Etat, ou soit par les partis politiques eux-mêmes. Certains pensent que cela revient au fait que la révélation de ces secrets, peut avoir des effets néfastes sur la vie politique, et spécialement pour la vie partisane. Pour d'autre « la culture du secret » qui domine le champ politique marocain enchaîne encore les acteurs politiques et ne leur permet pas de telle révélation. Si parfois il y a eu des révélations, c'est pour des règlements de compte, à cause des conflits partisans. Mais, dans ce cas on reproche à ces révélations leur manque de pertinence, du fait que le révélateur mélange l'information avec sa propre interprétation5(*).

Il faut ajouter que le soutien secret de l'Etat aux partis politiques peut prendre d'autres formes qui allient le licite à l'illicite. Parmi ces formes :

-les dons, les cadeaux, et les récompenses offertes directement au membre de l'élite politique (permis de pêche, facilité bancaire...).

- la création d'un grand nombre de conseils, de circonscriptions électorales, et différents comités afin d'offrir des postes à l'élite politique. C'est ce qui explique la très forte inflation institutionnelle que vit le Maroc, et qui pose la question sur l'utilité de ces institutions, puisqu'on note souvent l'existence, par exemple, des conseils consultatifs privés de cadres juridiques et de compétences précises, parfois même, on trouve des conseils qui font la même chose. Ce qui montre clairement que leur création répond à des objectifs politiques prémédités qu'à autre chose.

- La participation des cadres des partis, dans des recherches, des activités, des études. Pourtant, des preuves solides montrent que le choix de ces cadres a été fait sur leur appartenance partisane que sur leur savoir-faire académique.

- Le silence de l'Etat sur les transgressions commises par les partis politiques dans la gestion des institutions publiques.

- La primauté donnée à un certains nombres d'entrepreneurs, de professions libérales, et bureaux d'études, dans des opérations commerciales ou boursières, à cause de leurs appartenances partisanes.

- Le bénéfice des crédits, avec des taux de remboursement réduit, ce qui explique pourquoi les noms de certains responsables politiques figurent dans les rapports de contrôle des instituons publiques.

* 3 - Ibid, Assahifa, op.cit.

* 4 - Ibid.

* 5- Ibid.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle