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Le projet de loi sur les partis politiques au Maroc

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par Hassan Bentaleb
Université Montpellier 1 - Master recherche en science politique 2005
  

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2- Les élections de 2002 et le gouvernement Jettou :

Les élections législatives de septembre 2002 ont constitué à bien des égards une « première ». Ce sont les premières depuis la succession dynastique de juillet 1999, Mohamed VI succède à Hassan II; ce sont les premières organisées par un gouvernement de gauche réunissant l'USFP, PI, RNI, FFD, PPS, et PSD. Ce sont enfin, et c'est sans doute le plus important, les premières qui, depuis 1976, se sont déroulées sans la présence de Driss Basri, le célèbre ministre de l'Intérieur de feu Hassan II. C'est en effet Basri qui avait fait de la gestion contrôlée des élections non seulement l'une des préoccupations majeures, mais également l'une des clés de voûtes du système politique marocain5(*).

Cinq semaines avant ces législatives, le Roi a invité les Marocains à se mobiliser afin de ne pas « rater ce rendez-vous essentiel avec la démocratie. Faute de cela, ajoute-t-il, nous nous trouverions en présence d'institutions tronquées et même hautement préjudiciables à la démocratie, faisant le nid du désespoir et la défection et attisant l'extrémisme et le maximalisme ». Ces législatives qui doivent désigner 295 députés au scrutin de liste, à la proportionnelle et en un seul tour et en dépit des appels au civisme et promesses de «transparence», les Marocains ont boudé les urnes. Près de la moitié des électeurs ont en effet choisi de s'abstenir, Le taux de participation enregistré pour ce premier scrutin depuis l'accession au trône du roi Mohammed VI n'est que de 52%, en baisse de 6 points sur celui de 1997... lequel, il est vrai, avait sans doute été révisé à la hausse par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Driss Basri. Les résultats définitifs des législatives, ont été annoncés le 1er octobre par Driss Jettou alors ministre de l'Intérieur, avaient placé en tête quatre familles politiques sur un échiquier parlementaire composé de vingt-deux formations. Dans l'ordre : les socialistes du Premier ministre sortant, les conservateurs de l'Istiqlal, les islamistes du PJD et deux partis populaires, que l'on disait proches des socialistes, mais s'étaient rapprochés ces derniers jours du pôle conservateur.

Dès le lendemain de l'annonce des résultats, c'est une véritable guerre des tranchées que se livrèrent les deux premiers partis: l'USFP (50 sièges) et l'Istiqlal (48 sièges). Si l'Istiqlal n'a pas caché son rapprochement avec le PJD (42 sièges) - et cela, d'ailleurs, dès la campagne électorale et le jour du vote où ces deux partis se sont mutuellement rendus service - l'USFP a frappé fort, le dimanche 6 octobre, lorsqu'il a annoncé son alliance avec le RNI de Ahmed Osman (41 sièges). Du coup, les annonces d'alliances se sont accélérées donnant lieu à une sorte de match de ping pong où chaque camp compte les points qu'il marque au fur et à mesure.

Le même jour (le dimanche 6 octobre), Abderrahmane Youssoufi, Premier ministre sortant et numéro un de l'USFP recevait, après le RNI, cinq autres partis. Le PPS de Moulay Smail Alaoui (11 sièges), le PSD de Aissa Ourdighi (6 sièges) et Al Ahd de Najib Ouazzani (5 sièges) qui avaient auparavant décidé de constituer un groupe parlementaire commun; puis le FFD de Thami Khiari (12 sièges) et enfin, l'UD de Bouazza Ikken (10 sièges). Tous les cinq rejoignaient le camp USFP-RNI. Ce qui fait un total de 135 sièges. La majorité étant de 163 sièges, il manquait à ce camp 28 siéges. Bien sûr, si les autres composantes de la mouvance berbère avaient rejoint ce camp, il n'y aurait plus eu de problèmes, le MP de Mohand Laenser (27 sièges) et le MNP de Mahjoubi Aherdane (18 sièges) qui ont été rejoints par le MDS de Mahmoud Archane (7 sièges) apportent un appui de 52 sièges. L'Istiqlal aurait alors été relégué dans l'opposition, aux cotés du PJD des islamistes.

Mais l'Istiqlal réservait aussi son effet de manche. Le lendemain, lundi 7 octobre, il se réunissait avec le PJD, le MP et le MNP annonçant son alliance avec ces partis. Le camp de l'Istiqlal se retrouvait alors en possession de 142 sièges. Ce n'était pas non plus la majorité, mais c'était plus que ce qu'avait le camp USFP : 7 sièges de plus.


Des sièges récupérables auprès des petits partis, certes, mais chaque camp en avait autant au service de l'autre. La partie n'était pas gagnée ni pour l'un ni pour l'autre. Surtout en ajoutant les sièges de la chambre des conseillers. Un casse-tête dans la mesure où la coalition la plus large rassemblait droite et islamistes, mais où le parti de tête, au sein duquel se choisit traditionnellement le Premier ministre, était socialiste. Le débat s'était, par ailleurs, vite porté sur les modalités de la participation du PJD au gouvernement.

Pour beaucoup il n'y avait aucun doute : l'USFP socialiste, arrivé en tête, allait conduire un nouveau gouvernement. Le quotidien L'Economiste avait même titré en Une, le 1er octobre : «Youssoufi reconduit pour deux ans». Et si le parti de l'Istiqlal, de l'ancienne coalition gouvernementale, pouvait prétendre à diriger un gouvernement de droite, son leader, Abbas El Fassi, ministre de l'Emploi sortant, était empêtré dans une affaire d'emplois fictifs aux Emirats arabes unis, qui a écorné son image6(*). Entre un Youssoufi au bilan plutôt moyen, un El Fassi jugé ambitieux, des islamistes qui inquiètent et des partis du «centre» versatiles, il était effectivement difficile de composer un gouvernement solide. D'autant plus que la «transhumance» politique d'un parti à l'autre avait commencé dès le lendemain de l'annonce des résultats officiels. Le RNI, «centriste», serait ainsi passé de 41 sièges à 57. Une pratique dangereuse puisque le parti de tête n'avait que deux sièges d'avance.


« Il y avait plusieurs inconvénients à cette situation », a expliqué une source proche du dossier, sous couvert de l'anonymat. « D'abord, un véritable blocage se profilait. Ensuite, il se posait un sérieux problème pour la constitution d'un gouvernement fort ». Cette même source a insisté sur la volonté royale de « mettre sur pied une équipe militante, un gouvernement de proximité, un commando au service du développement du pays » et souligne que le Roi a parlé de "l'engagement de toutes les sensibilités politiques". Le Roi a donc opté pour un homme de consensus, «au-dessus» des partis, comme la Constitution l'y autorise, puisqu'elle précise que «le Roi choisit le Premier ministre». Driss Jettou est apparu comme l'homme de la situation. Les dirigeants économiques lui font confiance, les partis politiques lui reconnaissent une capacité de travail et une rectitude au service de ses objectifs7(*).

Mustapha Ramid du PJD va donner le coup d'envoi des réactions. Il a considéré que le choix royal "marque un recul". Les réactions de l'USFP et de l'Istiqlal sont fort attendues. Et depuis l'annonce de la formation de l'équipe du Premier ministre Driss Jettou, le 8 novembre, il ne se passe pas un jour sans que la presse indépendante n'affiche son scepticisme. Jamais la nomination d'un gouvernement au Maroc n'a suscité autant de tensions.


Ce gouvernement Jettou est d'abord critiqué en raison de la lenteur de sa formation : plus d'un mois d'un processus «empreint d'une opacité en déphasage total avec les professions de foi de transparence du régime», selon l'hebdomadaire indépendant «Le Journal». La mission du nouveau Premier ministre, soutient «Le Journal», est «de verrouiller les ministères sensibles. En d'autres termes : nommer des technocrates ou imposer aux partis de recruter des technocrates pour les intégrer ensuite dans le gouvernement comme ministres partisans.» Le gouvernement de Driss Jettou est également critiqué en raison de sa nature jugée trop consensuelle, écartant «une quelconque velléité de rupture» pour le quotidien indépendant «Maroc le jour» ; ou méritant, selon l'hebdomadaire «Maroc-Hebdo» proche des milieux sécuritaires, d'être considéré comme «juste un lifting». Le quotidien «L'Economiste», proche des milieux d'affaires, ne cache pas son agacement face à l'absence d'une vraie alternance. Dans un éditorial virulent, il souligne que «le gouvernement enfin formé, c'est la déception qui se confirme. Les mêmes partis politiques, la même majorité élargie et encore un peu plus diluée. Pour la plupart les mêmes hommes. A quoi servait-il alors de faire des élections ? Apparemment, dans l'esprit de nos dirigeants, former un gouvernement est une question de partage. »

Or le mécontentement de la presse fait en réalité écho à un mécontentement encore plus menaçant pour la cohésion du nouveau gouvernement, celui de la discorde au sein de la coalition gouvernementale. Selon l'hebdomadaire électronique francophone «L'Observateur», «aucune des formations politiques de la majorité actuelle n'échappe aux soubresauts post-constitution du gouvernement». L'hebdomadaire «La Vie économique» explicite les dessous du mécontentement : «On tire d'abord à boulets rouges sur la méthode utilisée» par les dirigeants des partis qui ont mené les négociations en vue de la formation du gouvernement. Ainsi, nombre de dirigeants de l'Union des forces socialistes (USFP) de l'ancien Premier ministre Youssoufi n'ont pas admis son obstination à mener «les négociations de manière trop personnelle, en mettant en confidence quelques rares proches et en tenant à l'écart le bureau politique» de sa formation, poursuit « La Vie économique ».


Le parti nationaliste l'Istiqlal d'Abbès el-Fassi ne semble pas non plus sortir indemne de ces tractations. «La Vie économique» signale que le parti reproche à son dirigeant vétéran d'avoir accepté que deux des nouveaux ministres nommés dans le gouvernement Jettou «soient imposés au parti en tant que ministres istiqlaliens, alors qu'ils n'ont d'autre relation avec l'Istiqlal que d'ordre généalogique avec deux de ses dirigeants». Quant au Rassemblement national des indépendants (RNI, proche du Palais), le quotidien «Aujourd'hui le Maroc» rappelle qu'il est «secoué par une fronde interne liée au choix des ministres du partis ».


Bref, «les leaders des partis politiques sont devenus les cibles d'accusations et d'offensives pour avoir avalisé des noms qui ne disposaient d'aucune popularité, même au sein de leurs fiefs», comme le résume le quotidien «L'Indépendant». D'où l'appel lancé par «La Vie économique» à «une véritable mise à niveau démocratique de [ces] partis», dans la mesure où leur crise actuelle est révélatrice de leur «déficit de démocratie interne, crise de légitimité des directions, faible renouvellement des élites partisanes, absence de débat d'idées et défaut d'ouverture sur la société et le monde de l'entreprise »8(*).

* 5 - Mohamed Tozy, Béatrice Hibou, «Les enjeux des élections au Maroc». Source non communique.

* 6 -« Pourquoi Driss jettou a été nommé Premier ministre »,le Reporter, version électronique du 14 octobre 2002.

* 7 -« un Premier ministre en dehors des partis », site de RFI, article de Isabelle Broz publié le 10/12/2002.

* 8 -« L'avenir compromis du gouvernement Jettou », Olfa Lamloum, courrier International sur le site: africtime.com/maroc.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci