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Le projet de loi sur les partis politiques au Maroc

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par Hassan Bentaleb
Université Montpellier 1 - Master recherche en science politique 2005
  

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2- La réception du texte.

2-1 - Réactions des partis politiques vis-à-vis du projet de loi :

Passons maintenant au volet relatif à la réception de cet avant projet de loi par la classe politique. Le premier constat est que cette mouture a provoqué et provoque encore un grand débat. Comme on peut le remarquer, la presse écrite et les deux chaînes de la télévision lui consacrent une place importante. Il est aisé de suivre (via la presse quotidienne et hebdomadaire et les émissions télévisées) le débit des interviews, les déclarations, les prises de position, les évaluations d'experts en la matière. Il se ne passe pas un jour sans que cette question ne soit soulevée. Ce constat d'effervescence, qui marque une participation active, s'explique certainement par le degré de frustration capitalisée par les acteurs concernés directement par cette loi ainsi que par l'opinion publique soucieuse à juste titre des gains politiques potentiels qu'elle peut se procurer réellement suite à la mise en place des nouvelles dispositions législatives.

Bien évidemment, à ce jour, les partis politiques ne se sont pas encore prononcés officiellement sur cette question, sauf l'USFP et PI, qui ont envoyé un mémorandum au ministre de l'Intérieur ainsi que certains partis qui ont publié leur position dans leurs journaux. Quoique émises à titre personnel, les réactions suscitées jusqu'à présent par la publication-invitation de l'avant-projet de loi permettent de cerner de manière prospective la modulation aspectuelle de l'état de la réponse. On peut résumer la situation actuelle relative à ce que pourra être la réponse à venir d'une manière très économique et à la fois élégante3(*)2. Il s'agit de trois types de réponses :

- le oui,

- le oui, mais,

- le non.

Cette représentation aspectuelle de la réponse s'articule autour de positions qui oscillent entre le négatif et le positif avec une variante intermédiaire constituée à la fois du positif et du négatif. Il faut donc s'attendre à ce que certains acteurs politiques acceptent cette livraison législative sans réserves ; que d'autres tout en l'acceptant ne manqueront pas de souligner leur désaccord par rapport aux dispositions qu'ils jugeront négatives ; Et d'autres encore qui, pour des raisons stratégiques et/ou idéologiques, vont la rejeter. De même, par conséquent, il faut prévoir tous les amendements que les partis apporteront à ledit projet de loi, pour remédier aux insuffisances constatées ou aux dispositions qui ne répondent pas aux attentes en termes de libertés publiques et politiques, d'idéal démocratique et de respect de l'Etat de droit. .

L'argument selon lequel l'élaboration de ce projet s'imposait et que « ce texte est inspiré par la volonté de réhabilitation de l'action partisane et s'inscrit dans l'option d'édification de l'Etat de droit et de la démocratie », émane des principaux partis, aussi bien de la majorité que de l'opposition. Mais c'est aussi à partir de ce présupposé, apparemment accepté, que le débat va prendre la mesure du « oui, mais » ou du « non ». Ce sont effectivement les questions relatives à la « réhabilitation », à « l'Etat de droit » et à la « démocratie », qui constituent le point de départ des évaluations produites sur le projet de loi.

Pour ce qui est de la réhabilitation, quand elle n'est pas affirmée clairement comme c'est le cas pour certains membres de la gauche unifiée, elle reste implicite dans le discours des partis de la majorité ou simplement évoquée latéralement par le président du groupe parlementaire de l'USFP, Driss Lchgar, élu à la Chambre des représentants et membre de son Bureau politique, qui a déclaré à l'hebdomadaire Assahifa3(*)3, en substance, que le principal responsable de la défiguration de la dynamique partisane était l'Etat qui a combattu les vrais partis politiques. Cette donne montre clairement que la « réhabilitation » relève plutôt d'une approche systémique qui lie ladite crise actuelle à l'environnement socio-économique et politique, aux choix stratégiques du pouvoir et à la nature des règles constitutionnelles légiférant l'espace public.

Si une réhabilitation devait se faire, elle concerne donc aussi bien l'Etat que la société et non exclusivement les partis politiques. Tel est le point de vue de Moustafa Msdad, l'un des membres du bureau de la gauche socialiste unifiée. En d'autres termes, il s'agit de la réhabilitation de l'ensemble des acteurs de la scène politique nationale et des instruments juridiques y afférents3(*)4.

Tout aussi significative est l'exigence du respect de l'Etat de droit et de la démocratie. Le titre II du projet de loi expose les conditions de la constitution des partis politiques. L'article 8 exige parmi ses alinéas notamment « une déclaration écrite, portant la signature d'au moins 1000 membres fondateurs. » En général, ce chiffre est jugé trop élevé voir exagéré. A ce propos, la position de certains partis de la majorité et de l'opposition est régit par la logique du marchandage très inégal3(*)5. Bref, ils ne critiquent pas le principe mais demandent une réduction (ex : PJD propose 150 à 200 ; PPS : 500). Cependant, à la lumière du principe consacré par la Constitution, loi fondamentale du Royaume, la principale critique de l'OMDH porte sur ces dispositions parce qu'elles sont en « violation flagrante avec le principe de l'égalité de tous devant la loi ». Ceux qui sont contre comme le Parti de l'avant-garde socialiste (PADS - extrême gauche) disent que «c'est une aberration» car cela encouragera le phénomène «du remplissage». D'autres partis traditionnels soutiennent que le Maroc n'a pas besoin de nouvelles formations, mais plutôt de pôles politiques. A ce jour, on estime le nombre de partis à 34, dont 26 se sont présentés aux élections. «C'est trop», disent les représentants du pôle haraki (MP, MNP, UD). «Il faut établir des critères pour arrêter ce foisonnement. Certains partis naissent uniquement pour profiter des subventions. Le temps est venu d'encourager les regroupements», soutient Saïd Ameskane, du Mouvement populaire (MP). Moins tranchant, Saâd Eddine El Othamni du Parti justice et développement (PJD) pense que le parti doit justifier d'une représentativité nationale pour être constitué3(*)6. «Demander un millier d'adhésions est peut-être exagéré, mais l'idée est valable», dit-il. Les partis sont juridiquement assimilés aux associations puisqu'ils sont tous les deux régis par la loi de 1958, amendée il y a deux ans. «Mais, dans la pratique, un parti ne peut être assimilé à une association car il représente l'opinion publique», argumente Larbi Messari de l'Istiqlal. Et d'ajouter: «Pour qu'il y ait une représentativité nationale, on peut envisager que les fondateurs proviennent de la moitié des régions au minimum»3(*)7.


Personne ne remet en cause le principe de la liberté de création. Ce qui est demandé, c'est l'institution de «garde-fous». «Nous ne pouvons pas enlever à un parti le droit d'être créé. En revanche, nous pouvons réguler à travers le financement», explique Ali Belhaj, de l'Alliance des libertés (ADL). Selon lui, c'est au niveau du Parlement qu'on peut imposer un seuil minimum (loi électorale et règlement intérieur).

C'est aussi à partir de ce principe que se trouve rejeté l'article 6 selon lequel tout naturalisé marocain depuis moins de 5 ans ne peut créer ni un parti politique ni être membre fondateur d'un parti. Le parti de l'Istiqlal, qui n'en pense pas moins, préfère par l'intermédiaire, de l'un des membres de son comité exécutif, d'affirmer que trois membres fondateurs suffisent. La règle consiste ici à défendre farouchement les libertés.

C'est encore au nom de la liberté et de la démocratie que le système de l'autorisation des partis politiques tel qu'il est présenté dans cet avant-projet de loi déclenche la foudre des opposants. Le président de l'AMDH affirme que les dispositions proposées « permettent d'assurer la domination totale du ministère de l'Intérieur sur les partis ». « Ce texte ne peut en aucun cas favoriser une vie partisane démocratique ». Par contre, le président du groupe parlementaire de l'USFP, ne s'inquiète point de cette omniprésence du ministère de l'Intérieur dans la mesure où le recours à la justice reste de toute manière ouvert en cas de décisions jugées contraires à la loi. Parmi les solutions médianes proposées pour « éviter que l'Intérieur n'ait un pouvoir discrétionnaire pour interpréter la loi », celle du PPS : il est question de créer une « Commission des partis politiques » présentée comme une instance présidée par « le président du Conseil constitutionnel et composée d'un magistrat de la Cour des comptes, d'un membre du Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH), d'un représentant du ministère de la Justice et d'un représentant du ministère de l'Intérieur ». Cette option réduirait le rôle du ministère de l'Intérieur aux démarches administratives et lui barrerait la route « des appréciations politiques ».

Le problème de la balkanisation suscite le même clivage de positions antagonistes. Le niveau des principes fondamentaux des libertés devant être respectés obligatoirement ne recouvre pas le niveau où s'expriment les craintes du « multipartisme anarchique et pléthorique ». Ce qui veut dire qu'au moment où l'un tente de restreindre l'effet de balkanisation, l'autre rappelle les principes de base de la démocratie en dehors des enjeux stratégiques.

A ce propos, la divergence de position est très nette. Mais la situation n'est pas en fait sans issue. Il suffit, sans doute, de changer la façon de poser le problème pour trouver la solution qui satisfasse tout le monde. Les défenseurs des droits de l'Homme ont certes raison de tenir à leurs principes, mais les stratèges de la politique n'ont pas tort non plus quand ils pensent mettre fin à cette balkanisation.

Le projet de loi prévoit un seuil de 5 % des voix pour pouvoir être représenté au Parlement.. Contrairement à la majorité de la classe politique, le RNI, l'USFP, le PJD et l'Istiqlal restent favorables à la barre des 5 %. Ils savent qu'ils bénéficieront de la disparition des petites formations.

Dans les démocraties occidentales qui constituent des modèles dont on peut s'inspirer, les partis n'accèdent pas tous au Parlement. Il existe des règles législatives, « par exemple, seuil électoral minimal de voix exprimées au niveau national ; 5% en Allemagne et 10% en Turquie », « critères d'éligibilité au financement public des partis » qui rendent plus équitable la liberté du jeu électoral sans pour autant pénaliser ceux qui ne désirent pas prendre le chemin des urnes. Il est clair aussi que la future loi sur les partis politiques implique de facto la révision de la copie dont nous disposons actuellement sur le système électoral.

Comme on pouvait s'y attendre, c'est autour de la question de la « la suspension et de la dissolution d'un parti » que la position des acteurs politiques est identique : le rejet unanime des articles 42 à 45 qui se fait au nom de la démocratie présuppose que de telles décisions relèvent non pas de l'administration ou du pouvoir exécutif, mais qu'elles sont du ressort exclusif de la justice, notamment du « juge constitutionnel (Conseil constitutionnel) ». D'où, logiquement, la demande de révision de la Constitution pour un rôle plus déterminant du juge constitutionnel. Quant à l'AMDH, le texte proposé est inacceptable parce qu'il pénalise les partis qui « ne participent pas aux élections pour des raisons politiques (boycott) ou qui sont de création récente ». Mieux, cet « avant-projet est destiné de toute évidence beaucoup plus aux partis existants, pour les domestiquer, qu'à ceux qui seront créés à l'avenir, s'il s'en crée, étant donné les conditions très contraignantes pour la constitution des nouveaux partis ».

Pourtant, une question demeure : A quoi sert des partis politiques forts et homogènes, si on savait que les élections n'ont aucune légitimité, puisque le palais passe des accords avec les partis politiques avant les élections, car les élections ne doivent pas imposer la carte politique marocaine. Si on savait que le gouvernement n'a pas les moyens juridiques et politiques pour pouvoir mener une véritable politique d'Etat. Si on savait que le gouvernement ne peut pas être responsable devant le Roi, puisque c'est lui nomme le Premier ministre et, sur proposition de celui-ci « nomme les autres membres du gouvernement. Il peut mettre fin à leurs fonctions. Il met fin aux fonctions du gouvernement, soit à son initiative, soit du fait de la démission du Gouvernement " (article 24 de la Constitution) ? Aujourd'hui se pose avec plus d'acuité la question de la réforme de la Constitution, car tout réforme de la scène politique marocaine passe par la constitution.  

* 32 - Abdesselam El Ouazzani," L'avant-projet de loi sur les partis politiques : un état des lieux",16 décembre 2004, sur le site Internet: www.laconscience.com.

* 33 - Assahifa,n°183, 3/9 Novembre 2004.

* 34 - Ibid.

* 35 - Ibid.

* 36 - Ibid.

* 37 - l'Economiste, édition électronique du 20/10/2004, Nadia lamlili, « Les partis politique à l'Etat : « financez-nous, mais restez à l'écart ». .

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery