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Le droit de l'OMC dans le sillage du commerce des aéronefs civils

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par Simon TURMEL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master 2 Droit international 2006
  

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2.2.2 Les litiges futurs?

Un aspect important de cette lutte que se livrent les compagnies Boeing et Airbus ne sera pas examiné par les deux groupes spéciaux de l'ORD, à tout le moins pas devant les groupes actuellement mis en place. Malgré qu'il n'y ait pas de litige actuellement quant à cet aspect, il s'agit néanmoins d'un élément qui ne peut être occulté car il pourrait conduire, dépendamment de la volonté politique de l'Europe, à un litige avec le Japon. La possibilité d'un recours contre l'Italie pourrait également être une possibilité, mais il serait fort surprenant de voir les CE s'en prendre à l'Italie devant l'OMC328(*). Cet aspect important que nous examinerons maintenant tire son origine d'une nouvelle tendance329(*) de la compagnie Boeing à la décentralisation en concevant et construisant en partie à l'extérieur des États-Unis ses aéronefs. Ainsi, outre les mesures accordées par les États-Unis et ses démembrements à l'industrie aérienne que nous avons examiné précédemment, les gouvernements du Japon et de l'Italie ont accordé certaines aides à Boeing dans le cadre du développement du Boeing 787 Dreamliner. La légalité de ces aides au regard du droit de l'OMC n'a pas été formellement, à ce jour, mise en cause devant l'ORD. Néanmoins, ces aides ressemblent fortement à des aides au lancement.

La tendance chez Boeing à extérioriser une partie importante de la conception et de la réalisation des aéronefs semble s'accentuer avec chaque nouveau modèle. Alors que le contenu étranger du Boeing 727, conçu dans les années 60, n'était que d'environ 2%, il a atteint 30% pour le Boeing 777 qui est né dans les années 90. Certains estiment que le contenu étranger du Boeing 787 Dreamliner pourrait, quant à lui, atteindre 70%330(*)!

Au-delà de ces chiffres, c'est encore plus fondamentalement la relation entre Boeing et les divers sous-traitants ou partenaires qui est en cours de mutation. Historiquement, la relation entre Boeing et un sous-traitant en était une de type « build to print », id est que le sous-traitant ne faisait qu'accomplir exactement la tache demandée par Boeing, par exemple fabriquer une pièce conformément aux instructions précises fournies. Dorénavant, cette relation est davantage de type «Design and build». Cette nouvelle approche implique que le sous-traitant, qui a maintenant davantage un rôle de partenaire, est directement impliqué dans la conception de certaines parties de l'aéronef et dans le financement.

C'est essentiellement avec le Japon et dans une moindre mesure avec l'Italie que Boeing développe cette nouvelle approche. Cette relation particulière avec le Japon n'est d'ailleurs pas étrangère à l'ambition du pays du soleil levant de se lancer, à terme, dans la construction d'aéronefs civils331(*). Un consortium, le Japanese Aircraft Development Corporation (JADC) a été mis sur pied afin de coordonner la participation des compagnies japonaises oeuvrant dans l'aéronautique dans le cadre de grands projets internationaux promus par le Ministère de l'économie, du commerce et de l'industrie. L'objectif poursuivi par le Ministère est clairement la revitalisation de l'industrie aéronautique du pays. Pour de tels projets, le Ministère a mis sur pied et financé une fondation à but non lucratif, le International Aircraft Development Fund (IADF).

C'est avec le Boeing 767 que la collaboration entre l'industrie aéronautique japonaise et Boeing a commencé. Les raisons alors évoquées pour un tel montage sont : le partage du risque, une capacité industrielle accrue résultant de la coopération entre les deux pays, une participation dans le développement du marché et une prise de profit mutuelle. Les mêmes acteurs ont également collaboré au Boeing 777.

En 2004, JADC et Boeing s'entendent pour une collaboration au développement du 787. Une contribution financière de la part des autorités japonaises de l'ordre de 1,5 milliards de dollars US serait octroyée pour le Boeing 787 comme aide au lancement. De ce montant, 30% serait consenti sous la forme d'un don non-remboursable et 70% sous la forme d'un prêt remboursable332(*). En plus, un prêt de 3 milliards $US à faible taux d'intérêt aurait été consenti à un consortium formé de trois entreprises japonaises333(*) afin d'assurer la participation du Japon au projet du 787 Dreamliner. Le consortium japonais concevrait et construirait environ 35%334(*) de la structure du 787335(*).

Cette façon de faire avec les industriels japonais, principalement en regard des fortes subventions accordées par le gouvernement japonais afin de développer l'industrie aéronautique, n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes en regard des règles de l'OMC. Elle n'est pas non plus sans démontrer une certaine ironie. En effet, le Japon permet à Boeing de profiter d'une aide au lancement, exactement le reproche adressé par les États-Unis à l'encontre d'Airbus. Des universitaires ont fait les remarques suivantes sur cette situation :

«It is interesting to note that the current WTO dispute between EU and US governments concerns precisely this kind of `launch aid' subsidy. The US government is complaining that EU governments subsidize Airbus through royalty-based loans. Ironically it seems that whilst Boeing complains about this system being used by its competitor, it is happy to see the same or an even more generous system used by its Japanese suppliers to reduce its own manufacturing costs for the 787. If the US government is successful in topping the EU system through WTO litigation, this will probably result in Boeing also suffering from similar sanctions applied to the Japanese system.»336(*)

La légalité de ces subventions accordées par le Japon est assez contestable en regard de l'Accord SMC et les CE pourraient donc à ce titre entreprendre une action devant l'ORD. Les conséquences d'une telle action devant l'OMC pourraient être importantes pour l'économie du Japon puisque l'intérêt d'une telle alliance est, pour Boeing, essentiellement économique. Si les pouvoirs publics Japonais ne peuvent subventionner l'industrie aéronautique japonaise, on peut se questionner sur la pertinence pour Boeing de continuer à extérioriser une partie si importante de la conception et de la production d'autant qu'on remet en question de plus en plus aux États-Unis sur l'opportunité de transférer une partie de la conception des aéronefs civils à l'étranger et sur les conséquences à long terme d'un tel transfert. En effet, certains craignent un déclin de la capacité américaine d'innover ainsi qu'un effet direct sur les fournisseurs américains337(*).

L'autre pays ayant des liens avec Boeing est l'Italie. L'apport de l'Italie, un pays membre de l'Union Européenne, mais qui n'a jamais participé directement à l'aventure Airbus, à l'industrie aéronautique américaine, a commencé avec McDonnell-Douglas pour les programmes MD95 et MD11. Cet apport se fait par l'intermédiaire d'Alenia, une compagnie appartenant à l'état italien. Selon certains chiffres avancés, la contribution des pouvoirs publics italiens au développement du 787 serait de l'ordre de 500 millions d'euros. L'investissement du gouvernement italien servirait à mettre à jour les installations d'Alenia dans le sud de l'Italie et permettrait ainsi l'embauche de 1000 employés supplémentaires338(*). La contribution de la compagnie Alenia Aeronautica se situe au niveau du fuselage arrière.

* 328 D'autant plus que la compagnie italienne Alenia, qui a été retenue comme fournisseur pour le 787 en contrepartie des investissements italiens, est également un partenaire dans le cadre du Airbus 380 à hauteur de 4% du projet. Alenia est également très proche de Airbus puisqu'elle est coactionnaire avec EADS de ATR.

* 329 Un observateur prédit même que le modèle traditionnel pour construire un aéronef est vers sa fin et que le 787 représente la nouvelle approche, donc le début d'un nouveau mode de production qui mise sur la décentralisation. Certes, la décentralisation existe déjà chez Airbus, mais elle résulte alors davantage d'une nécessité politique, donc une collaboration par nécessité, que d'un nouveau modèle de production. Steven McGUIRE, Op. Cit., p. 8.

* 330 David PRITCHARD et Alan MACPHERSON (2005), Op. Cit., p.3.

* 331 En 2002, Mitsubishi avait annoncé une étude de faisabilité avec Boeing pour la construction d'un jet régional d'une trentaine de places. Il n'y a aucune information plus récente quant à ce projet.

* 332 David PRITCHARD et Alan MACPHERSON (2005), Op. Cit., p. 9.

* 333 Mitsubishi Heavy Industries, Kawasaki Heavy Industries et Fuji Heavy Industries. En plus de ces trois entreprises, plusieurs autres entreprises japonaises agissent comme sous-contractants ou fournisseurs.

* 334 Il s'agit d'une estimation, il n'y a pas de chiffre exact disponible pour l'apport du Japon au 787, Steven McGUIRE, Op. Cit., p. 28.

* 335 Pour l'anecdote, le 787 sera le premier avion de la famille Boeing à voler à l'aide d'ailes conçues et fabriquées ailleurs qu'en territoire américain. La compagnie Mitsubishi a acquis une expertise particulière pour le développement d'ailes en matériaux composites. Cette expertise particulière découle, en partie, du développement conjoint avec Lockheed-Martin de l'avion militaire F-2. Steven McGUIRE, Op. Cit., p. 19.

* 336 David PRITCHARD et Alan MACPHERSON (2005), Op. Cit., p. 10.

* 337 Steven McGUIRE, Op. Cit. p. 27. À titre d'exemple, Boeing a choisi la compagnie japonaise comme l'unique fournisseur de fibre de carbone, un matériau composite, pour le 787. Ibid, p. 29.

* 338 David PRITCHARD et Alan MACPHERSON (2004), Op. Cit., p. 69.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein