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Dépénalisation des délits de presse en République Démocratique du Congo : analyse de l'action de journaliste en danger (JED). Approche sociologique du droit de l'information.

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par Innocent OLENGA LUMBAHEE
IFASIC - Licence 2010
  

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CHAPITRE IV : ANALYSE DE L'ACTION DE JED

Comme l'indique son intitulé, ce chapitre analyse l'action de JED en vue de la dépénalisation des délits de presse en RDC. Ce chapitre comporte trois sections. La première présente les éléments de méthodologie. La deuxième décrit les démarches de JED en faveur de la dépénalisation. La troisième interprète ces démarches à travers leurs enjeux.

SECTION I : ELEMENTS DE METHODOLOGIE

Notre travail a posé la problématique ci-après : comment l'ONG Journaliste en danger (JED) envisage-t-elle la dépénalisation des délits de presse en RDC.

En guise d'hypothèse, nous avons postulé que, dans la démarche de JED, la souplesse sollicitée du législateur à travers la dépénalisation des délits de presse est une option qui nécessite un certain nombre de garanties. En effet, si la suppression des peines de prison au profit des journalistes est concevable dans un régime démocratique, sa mise en oeuvre requiert assurément des préalables.

Pour recueillir les données de terrain en rapport avec ces variables, nous avons recouru au diagnostic de situation comme technique d'investigation.

Selon Guibert et Jumel30(*), la démarche diagnostique est d'un usage fréquent dans le domaine des organisations. C'est une technique de terrain qui, pour l'analyse d'un secteur professionnel, peut se révéler opératoire.

D'après les deux auteurs précités, le diagnostic de situation rassemble des procédures d'investigation puis d'analyse et des propositions. Il vise à repérer les dysfonctionnements, à en rechercher les causes puis à proposer des améliorations pour définir des perspectives d'évolution31(*).

SECTION II : DEMARCHES DE JED EN FAVEUR DE LA DEPENALISATION

JED estime que la qualité de la démocratie et de l'Etat de droit auxquels la RDC aspire a besoin d'une véritable émancipation des libertés individuelles et publiques, au premier rang desquelles se place notamment la liberté d'information et la liberté de la presse32(*). Mais l'ONG constate qu'il existe un net décalage entre le statut international et le statut national du journaliste congolais tel que formulé par la loi du 22 juin 1996.

A l'analyse des statistiques des arrestations et emprisonnements des journalistes en RDC au cours des dernières années, cette organisation note que les motifs les plus généralement invoqués sont l'imputation dommageable ou la diffamation, la propagation de faux bruits, l'offense aux autorités et l'atteinte à la sûreté de l'Etat ; infractions sanctionnées par le code pénal (civil ou militaire).

Dans son combat, JED se dit convaincu que le plus grand défi qui incombe aujourd'hui à la RDC dans le secteur médiatique, pour autant que le pays se déclare véritablement engagé sur la voie de la démocratie et de la bonne gouvernance, concerne la reforme du cadre juridique de l'exercice de la liberté de la presse, corollaire de la liberté d'expression et d'opinion.

Cette reforme doit viser principalement la suppression des dispositions qui autorisent les emprisonnements fermes des journalistes pour les délits tels que la diffamation ou imputations dommageables, les fausses nouvelles ou l'offense aux autorités, pour les remplacer par des sanctions civiles telles que le payement des amendes ou dommages-intérêts et d'autres sanctions prévues par les instances de régulation et d'autorégulation. Cette démarche de JED ne vise pas les délits d'incitation à la haine ethnique ou raciale, l'apologie du crime et du meurtre et les appels à la violence.

II.1. Imputations dommageables

Concernant la diffamation ou les imputations dommageables, généralement classées dans la catégorie des infractions commises par la parole ou l'écrit (article 74 du code pénal ordinaire livre II), la loi dispose que « quiconque aura imputé à autrui des faits précis, vrais ou faux, sera puni d'une peine privative de liberté à partir du moment où la personne incriminé arrive à démontrer que la publication de ces faits a porté atteinte à sa considération et à son honorabilité ». Les articles 75, 76, 77 et 78 de ce même code catégorisent différentes sortes d'imputations dommageables et les sanctions y afférant.

A la lecture de ces prescrits légaux, il apparaît clairement qu'il n'y a pas meilleure façon de créer une caste des intouchables tant qu'ils peuvent en tout état de circonstance alléguer une atteinte à l'honneur ou à leur considération, condition essentielle d'établissement de cette infraction au sens du code pénal congolais. En effet, il suffit que les faits soient simplement imputés de façon précise et que quiconque prétende qu'ils attentent à son honneur, à sa dignité ou qu'ils l'exposent au mépris public ; peu importe que les faits imputés soient faux ou vrais. En d'autres termes plus clairs, le juge congolais devant qui le journaliste est présenté, n'est pas lié à la véracité ou à la fausseté des faits rapportés. Seuls ne comptent que l'honneur et la considération de la personne qui se plaint. C'est là où JED n'est pas d'accord.

En effet, que ce soit dans son propre atelier organisé en 2004 au Centre Bondeko à Kinshasa ou dans celui organisé toujours au Centre Bondeko par le ministre de l'information, presse et communication nationale en 2007, JED a toujours exigé et continuer à exiger en cette matière de diffamation que le juge examine la véracité ou la fausseté des faits avancés par le journaliste. Cette recommandation est contenue dans le document d'amendement de la loi de 1996 portant modalités de l'exercice de la liberté de la presse en RDC et dans l'avant projet de la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication (CSAC) devant remplacer la Haute Autorité des Médias (HAM)33(*).

Il s'agit pour JED de redéfinir le délit de diffamation en tenant compte du caractère particulier du travail du journaliste ; celui d'un mandant social lui reconnaissant la latitude de dire ou écrire ce qu'il voit à la place des autres. Mandat qui l'oblige à « s'immiscer » dans la gestion de la chose publique, à fouiner son nez dans tout ce qui attire l'attention de la population ou l'intéresse.

Du fait donc que la presse considérée comme quatrième pouvoir joue son rôle fondamental d'organe de surveillance des agissements des représentants du pouvoir public et de leurs collaborateurs, JED digère mal que la personne qui fait ce travail soit privée de liberté tout simplement parce que certaines personnes mises en cause avec indices de culpabilité probants estiment que leur honneur est souillé ! et pourtant, les dénonciations de la presse servent des véritables garde-fous à la bonne gouvernance et à la démocratie.

Dans le contexte actuel où la RDC qui forge encore sa démocratie est fragilisée par certains maux comme la corruption et l'impunité, JED s'interroge comment peut-on, s'il faut prendre en considération le serment du Président Joseph Kabila lors de son discours d'investiture, le 6 décembre 2006, appliquer la trilogie Démocratie - Bonne gouvernance - Droits de l'homme, prônée comme signe de son mandat de cinq ans, lorsque la presse qui est, à travers le monde dans son rôle, considérée comme l'indispensable chien de garde de la démocratie, est très mise en mal par l'emprisonnement des journalistes qui l'animent parce qu'accusés de diffamation même pour des faits vrais ?

Prenant en exemple le cas du journaliste Jean-Denis Lompoto34(*), JED ne s'explique pas l'acharnement de la justice sur le journaliste que sur ses dénonciations : aucune action judiciaire intentée contre le ministre sur les soupçons de détournements ; aucune confrontation entre le responsable du M17, plaignant, et le ministre incriminé. La faute du journaliste pour le juge c'est d'avoir relayé la plainte d'ailleurs déposée en bonne et due forme au tribunal par le responsable du M17 et de l'avoir commentée. Quant aux griefs contre le ministre, le juge s'en passe alors qu'il est dans ses compétences censé d'en saisir. Ce qui est un paradoxe, selon JED, dans un contexte de la bonne gouvernance.

En bref, pour JED, dans un cas ou dans un autre, si les faits dénoncés par la presse sont vrais, il n'est pas question alors de poursuivre le journaliste pour diffamation. S'ils sont faux, la peine n'est pas forcement la prison du fait que la loi donne d'autres possibilités comme le démenti et le payement des dommages et intérêts.

* 30 GUIBERT J. et JUMEL G., Méthodologie des pratiques de terrain en sciences humaines et sociales, Paris, Armand Colin, 1997, p.112

* 31 Idem.

* 32 TSHIVIS T., M'BAYA D., MABANGA G., La dépénalisation des délits de presse en 10 questions, Kinshasa, 2005.

* 33 Ces deux projets ont été préparés par la Commission Ekambo (du nom du Professeur Jean-Chrétien Ekambo Duasenge, à l'époque recteur de l'Institut Facultaire des Sciences de l'Information et de la Communication et président de cette commission).

* 34 Voir rapport annuel 2004 de JED. Jean-Denis Lompoto, directeur de publication du bihebdomadaire satirique Pili-pili paraissant à Kinshasa, avait été incarcéré à Makala pour « diffamation et imputations dommageables » à l'endroit du ministre des mines, M. Eugène Diomi Dongala. En effet, dans son édition n° 014 du vendredi 19 mars 2004, le satirique Pili-pili avait publié un article intitulé « No comment ». L'article était accompagné d'une caricature montrant un homme politique du M17 (Mouvement du 17 mai), parti proche du pouvoir, en train d'enterrer le ministre Diomi Ndongala. Il s'agissait de la traduction de la plainte déposée, il y a quelques semaines, par M. Augustin Kikukama, secrétaire général du M17, contre le ministre des mines l'accusant de détournement de 3 millions de dollars US, abus de pouvoir et corruption.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote