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Dépénalisation des délits de presse en République Démocratique du Congo : analyse de l'action de journaliste en danger (JED). Approche sociologique du droit de l'information.

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par Innocent OLENGA LUMBAHEE
IFASIC - Licence 2010
  

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II.2. Offense au chef de l'Etat, outrages aux autorités et propagation de faux bruits

L'offense au chef de l'Etat évoquée à l'article 77 de la loi du 22 juin 1996 est l'une des infractions de lèse-majesté qui sont généralement imputées au journaliste congolais. Contenue dans l'ordonnance n° 300 du 16 décembre 1963, elle est punissable de trois mois à deux ans de servitude pénale et/ou une amende. Tshimanga Mukeba35(*) qui cite la doctrine, précise qu'il s'agit des « faits, paroles, gestes, ou menaces, les calomnies, les diffamations, les actes d'irrévérence, de manque d'égards, les grimaces, les imputations ou allégations de faits de nature à froisser la susceptibilité, la distribution ou la diffusion d'affiches offensantes pour le chef de l'Etat ou d'un journal, d'une revue, d'un écrit quelconque contenant un article ridiculisant ».

Concernant par contre les outrages aux autorités qui ne sont pas explicitement cités dans la loi du 22 juin 1996 comme l'offense au chef de l'Etat, ils rattrapent le journaliste aux articles 136 et 137 du Code pénal : « sera puni d'une servitude pénale de six à douze mois et d'une amande de cinquante francs au maximum, ou de l'une de ces peines seulement, celui qui, par paroles, faits, gestes ou menaces, aura outragé soit un membre de l'Assemblée nationale ou du Sénat, soit un membre du Gouvernement, soit un membre de la Cour constitutionnelle, dans l'exercice de son mandat ou de ses fonctions ». Cette peine est de trois à neuf mois et d'une amende de trente francs au plus ou l'une de ces peines seulement, celui qui, par paroles, faits, gestes ou menaces, aura outragé soit un membre des cours et tribunaux, soit un officier du ministère public, soit un officier supérieur des Forces armées et de la Police, soit un gouverneur dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

Pour Tshimanga Mukeba36(*) qui se réfère toujours à la doctrine, « les outrages envers les autorités publiques consistent dans toutes paroles, gestes, menaces, écrits, dessin ou expression de mépris de nature à blesser l'honneur ou la délicatesse du représentant de l'autorité ». Il s'agit pour lui de « l'expression d'une pensée injurieuse s'attaquant directement à la personne protégée et à ses fonctions, ou des actes de dérision, de moquerie, ou de mépris envers l'autorité ».

Aux prescrits de ces dispositions légales, il est clair que le journaliste qui qualifierait un ministre, un inspecteur de police ou une autre autorité « d'incompétent » par exemple, qui dénoncerait un comportement immoral d'une autorité, qui critiquerait le chef de l'Etat, tombe sans aménagement sous le coup d'outrage ou d'offense.

Qu'il s'agisse ainsi d'offense au Chef de l'Etat ou d'outrage aux autorités, JED s'interroge jusqu'à quel seuil le journaliste peut-il critiquer les agissements du président de la république ou la politique du Gouvernement sans être accusé d'outrage. Comment le journaliste peut-il s'assurer que par sa critique, il ne se met pas en marge de l'espace public de libre discussion circonscrit par la loi ? Visiblement, seul le juge dans son interprétation, peut élargir cet espace en faveur du journaliste ou encore le restreindre davantage suivant sa conception du respect de l'autorité.

L'expérience démontre souvent que devant la justice, le journaliste est toujours fautif lorsqu'il critique les actions du chef de l'Etat ou toute autre autorité qui s'en plaint. Non sans raison, pour avoir lié la non apparition prolongée de Joseph Kabila dans le public à un état de santé critique, Nsimba Embete37(*) et Davin Tondo avaient purgé 10 et 9 mois au Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa (CPRK) pour « offense au chef de l'Etat ». Alors que pendant que la rumeur persistante courait dans la ville de Kinshasa sur l'état de santé de Joseph Kabila, aucun service compétent (présidence ou gouvernement) n'apportait la lumière pour couper court à cette rumeur ! Aussi, Patrice Booto38(*), pour avoir insinué que Joseph Kabila avait fait un don de 30 millions de dollars américains au système éducatif tanzanien, avait respiré pendant 9 mois l'air du CPRK.

Quant aux faux bruits, cette infraction mentionnée à l'article 199 du Code pénal civil est souvent associée à celles d'imputations dommageables, offense au chef de l'Etat ou outrage à l'autorité. Elle est aussi souvent évoquée lorsque le journaliste est poursuivi pour atteinte à la sûreté de l'Etat ou divulgation des « secrets » de défense nationale ou d'Etat.

Polydor Muboyayi, éditeur du quotidien Le Phare, avait passé, en 1997, trois mois au CPRK via le cachot du Conseil National de Sécurité (CNS) sur les hauteurs de Binza. Son tort aura été que son journal, très proche de l'opposition à l'époque avait titré en manchette « Kabila crée sa Dsp » en référence à la Division spéciale présidentielle, garde prétorienne de Mobutu. Muboyayi sera poursuivi pour « propagation de faux bruits », évidemment une infraction associée à celle d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Mais l'information divulguée signée d'un pseudonyme par un journaliste se révélera vraie. Car quelques mois après naîtra le GSSP (Groupe Spécial de Sécurité Présidentielle), ancêtre de l'actuelle GR (Garde Républicaine)39(*).

Mêmement pour Freddy Loseke40(*) de La Libre Afrique qui prévenait en 2000 « un complot d'assassinat contre le président Laurent-Désiré Kabila », il avait été cloué sans aucun aménagement au CPRK pour « propagation de faux bruits ». Mais en janvier 2001, ce que Freddy Loseke craignait pour Laurent-Désiré Kabila arriva !

Pour JED, s'il est vrai que l'obligation première du journaliste est celle de vérité et qu'une fausse nouvelle est contraire au journalisme, il n'est pas moins vrai que « l'information fausse » aujourd'hui, peut s'avérer vraie demain et vice versa.

* 35 Ancien procureur général de la République, dans son allocution, le 3 novembre 2007, au Palais du peuple à l'occasion de la rentrée judiciaire.

* 36 TSHIMANGA MUKEBA, loc. cit.

* 37 Rapport annuel 2008 de JED.

* 38 Rapport annuel 2005 de JED.

* 39 Rapport annuel 2008 de JED, p.9

* 40 Rapport annuel 2000 de JED.

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