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Le caractère illicite des charges face à  la notion d'acte anormal de gestion étude comparée entre la France et le Canada

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par Jamie-Ann Martin
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 professionnel en droit européen et international des affaires 2008
  

Disponible en mode multipage

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Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Faculté de droit


Le caractère illicite des charges face à la notion

d'acte anormal de gestion :

étude comparée entre la France et le Canada

Mémoire soutenu en vu de l'obtention du

Master 2 professionnel en droit européen et international des affaires

Jamie-Ann MARTIN

Sous la direction de

Monsieur le professeur. C. LOPEZ

Année universitaire 2008-2009

Quand un postulant auprès de quelque office

comprend que sous le nom de présent,

de compliment, de pot-de-vin, ou autres synonymes,

on attend de lui quelque récompense

que la loi n'exige pas,

mais sans laquelle son affaire ne marchera point,

il faudrait que la demande fût bien exorbitante

pour qu'il fût de son intérêt d'en faire une plainte ouverte:

dans le cas le plus ordinaire, il trouve son profit à se soumettre

Bentham (Traité des preuves) :

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

C.T.C. Canadian Tax Cases

C.E. Conseil d'État

C.G.I. Code Général des Impôts

D.G.I. Direction Générale des Impôts

D.T.C. Dominion Tax Cases

L.I.R. Loi de l'Impôt sur le Revenu (Canada)

L.P.F. Livre de Procédure fiscal

L.R. Lois révisées du Canada

M.N.R. Ministre National du Revenu

O.C.D.E. Organisation de Coopération et Développement Économiques

R.C.S. Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada

R.J.F. Revue de jurisprudence fiscale

R.J.Q. Recueils de Jurisprudence du Québec

S.C. Statuts du Canada

S.R.C. Statuts révisés du Canada

SOMMAIRE

TITRE I LA DÉDUCTIBILITÉ DE LA CHARGE ILLICITE ET SON TRAITEMENT FISCAL

Chapitre I : La déductibilité des dépenses illicites en droits fiscaux français et canadiens

Section 1 : La dépense illicite en France et au Canada

A La définition de la charge illicite en France et au Canada

B La déductibilité de la charge illicite par le biais de la gestion normale de l'entreprise

Section 2 : Le traitement fiscal des charges à caractère illicite ou émanant d'un acte illicite en France et au Canada

A Le traitement fiscal des pots-de-vin
B Le traitement fiscal des amendes et pénalités

TITRE II LA RÉPRESSION ET LA PRÉVENTION FACE À LA DÉDUCTIBILITÉ DES DÉPENSES ILLICITES

Chapitre II : La répression de la déductibilité des dépenses illicites en droits fiscaux français et canadiens

Section 1 : Les mécanismes de répression en droits pénal et fiscal

A Le fardeau de la preuve
B Les sanctions

Section 2 : L'abus de droit et la fraude fiscale

A Les limites de l'acte anormal de gestion

B Les possibilités de diminution de la corruption par le délit de fraude fiscale

INTRODUCTION

Peu nombreuses sont les études de droit comparé en matière fiscale. Pourtant, nous savons que la nature des règles fiscales adoptées dans un pays exerce une grande influence sur le rendement économique de ses entreprises. Au-delà des avantages fiscaux, l'interprétation des lois fiscales, la doctrine et la jurisprudence sont les éléments qui distinguent le système fiscal d'un pays. La France et le Canada (à l'exception du Québec) possèdent une tradition juridique différente. Ils sont de grands partenaires commerciaux mais se font aussi la lutte pour se voir octroyer des marchés à l'échelle mondiale. Compte tenu de ces considérations, il nous a semblé intéressant de comparer le traitement fiscal des charges illicites, plus spécifiquement celui des pots-de-vin.

En France, la déductibilité des dépenses illicites sous l'égide de l'intérêt social, clé de voûte de la théorie de l'acte anormal de gestion, est une réalité qui, si elle nous laisse perplexe, nous entraîne vers un débat. Èmerge alors un conflit délicat, mettant en opposition des principes de toute première importance en droit fiscal : le principe de non immixtion de l'Administration fiscale et la liberté de gestion des entreprises se voient confrontés à l'obligation de gestion efficace, à la morale des affaires et à une imposition qui est d'ordre public et qui doit respecter les articles 38 et 39 du Code général des impôts (C.G.I.). C'est au croisement de ces principes qu'apparaît la notion d'acte anormal de gestion en droit fiscal français. On ne retrouve pas, en droit fiscal canadien, une théorie comparable à celle de l'acte anormal de gestion. En tant que construction jurisprudentielle du Conseil d'État, la théorie de l'acte anormal de gestion n'en est pas moins basée sur des textes légaux. Aux termes de l'art. 38, al.1er du C.G.I., le bénéfice imposable s'entend « du bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises ». Le même article, dans son 2e alinéa, le définit comme « la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt ». Quant à l'article 39.1 dudit code, il dispose que « le bénéfice net est établi sous déduction de toutes les charges ». C'est sur ces textes que s'est fondé le Conseil d'État pour dégager la théorie de l'acte anormal de gestion.

Au Canada, l'article 9 (1) de la Loi sur l'impôt et le revenu (L.I.R.)1(*) sert de point de départ dans l'analyse de la déductibilité des dépenses. De l'avis du juge Jacobucci de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Symex2(*), « il est maintenant généralement reconnu que c'est le par. 9 (1) qui autorise la déduction des dépenses d'entreprise puisque le concept de bénéfice au par. 9 (1) est en soit un résultat net qui présuppose des déductions de dépenses d'entreprise ». De son côté, l'article 18 (1) L.I.R., ne joue qu'un rôle limitatif par rapport à l'admissibilité de certaines dépenses. Cet article prévoit qu'aucune déduction n'est permise lors du calcul du revenu à l'égard d'une charge sauf dans la mesure où elle a été effectuée dans le but de tirer ou de produire un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Le coeur de la polémique réside en effet, d'une manière très générale, dans la définition du bénéfice imposable : que peut-on considérer comme « charges » déductibles du bénéfice brut ? Dans un arrêt du 1er juillet 1983, le Conseil d'État affirme que :

Pour l'application des dispositions de l'art. 38 du C.G.I. [...] seuls peuvent ne pas être pris en compte les actes ou opérations qui ont été réalisés à des fins autres que celles de satisfaire les besoins ou, de manière générale, servir les intérêts de l'entreprise et qui, dans ces conditions, ne peuvent pas être regardés comme relevant d'une gestion normale de celle-ci [...]3(*).

Ainsi, en France comme au Canada les entreprises pourront, dans une certaine mesure, déterminer elles-mêmes l'assiette de l'impôt qu'elles sont tenues d'acquitter. La liberté de gestion est plus largement animée par les principes du droit commercial : la liberté de choix dans la forme sociétaire, dans les techniques de production, dans les investissements (etc.). Tout cela relève du pouvoir de direction du chef d'entreprise, qu'il doit être en mesure d'exercer en fonction de certaines contingences et contraintes fiscales. Un « droit à l'erreur » lui est donc accordé, et l'Administration ne pourra retenir contre lui une mauvaise gestion. Un arrêt significatif du Conseil d'État du 7 juillet 1958 l'a officiellement affirmé, jugeant que « le contribuable n'est jamais tenu de tirer des affaires qu'il traite le maximum de profit que les circonstances lui auraient permis de réaliser »4(*). Au Canada, de manière générale, peu importe qu'il s'agisse d'une entreprise provinciale ou fédérale, les tribunaux sont réticents à intervenir dans les affaires de cette dernière. Les erreurs de jugement, si absurdes et ridicules qu'elles soient sont rarement sanctionnées5(*). Il faut faire démonstration d'une faute lourde se rapprochant de la fraude pour que la responsabilité des administrateurs soit engagée6(*). Pour être sanctionné, les administrateurs ne doivent pas seulement poser une faute de gestion qui s'avère néfaste pour l'entreprise mais connaître à l'avance les conséquences défavorables de leur geste. Il a été établit par l'arrêt Stubart7(*) que « sauf disposition contraire, le contribuable à le droit d'organiser ses affaires dans le seul but de se trouver dans une situation favorable sur le plan fiscal ». De fait, rien n'empêche le contribuable ou l'entreprise d'optimiser sa situation sur le plan fiscal à condition de respecter le droit mis en place.

Au regard de la déductibilité des dépenses, en France comme au Canada, le problème est de savoir si l'Administration fiscale est fondée à déterminer que certaines opérations ne lui sont pas opposables car elle estime qu'elles n'auraient pas dû être réalisées par l'entreprise. À l'occasion des contrôles fiscaux qu'elle mène, l'Administration fiscale française a fréquemment recours à la théorie de l'acte anormal de gestion pour fonder ses redressements. L'acte anormal de gestion est l'acte qui met une dépense à la charge de l'entreprise ou qui prive cette dernière d'une recette sans que l'acte soit justifié par l'intérêt social. Comme en conclu le commissaire du Gouvernement M. Racine : « En droit fiscal, l'acte anormal de gestion est un acte ou une opération qui se traduit par une écriture comptable affectant le bénéfice imposable que l'Administration entend écarter comme étrangère ou contraire aux intérêts de l'entreprise »8(*).

L'élément substantiel de l'acte anormal de gestion est l'intérêt social de la société - et non des actionnaires. Est également employé le terme de l'intérêt direct de l'exploitation commercial de l'entreprise. Lorsqu'une dépense est effectuée par l'entreprise, il s'agit de se poser la question de savoir si cette dépense a été effectuée dans l'intérêt de cette dernière en opposition par exemple, avec l'intérêt du dirigeant ou d'une tiers personne. Au Canada, cette question se pose différemment. Effectivement, il s'agit de savoir si la dépense a été effectuée dans le but de produire un revenu. Ce sont là deux approches différentes qui induisent une logique distincte quant à l'opération de redressement fiscal. Qu'en est-il des dépenses illicites effectuées dans l'intérêt de l'entreprise ou dans le but de produire un revenu ? Par exemple, le versement de pots-de-vin est un acte illicite qui peut-être tout à fait favorable à la gestion, mais il heurte des principes légaux ou moraux fondamentaux.

À cet égard, une décision rendue par le Tribunal administratif de Lyon datant du 17 juin 1997 concernant des honoraires versés à un bureau d'étude énonce que :

Considérant (...) que le versement de ces honoraires était une condition imposée par les municipalités pour l'obtention de marchés publics (...) que, dès lors, et alors même que ces pratiques constitueraient des infractions aux lois et règlements en vigueur, les charges correspondantes engagées dans l'intérêt de la société ont le caractère de charges déductibles9(*).

D'une part, cette jurisprudence semble difficile à justifier car, s'agissant de pots-de-vin locaux, il ne peut être fait référence au contexte de « guerre économique » qui avait été avancé lors de la discussion de la loi de finance rectificative pour 199710(*) afin de maintenir la déductibilité des bakchichs internationaux. D'autre part, cette affaire soulève une question ancienne et délicate qui sera l'objet de ce travail, à savoir, si le caractère illicite des dépenses supportées par les entreprises est de nature à influer sur leur déductibilité.

À prime abord, nous serions tenter de croire que le dirigeant d'une société qui déduit des dépenses de nature illicite (par exemple, un pot-de-vin) commet une faute pour laquelle il doit être sanctionné. Ceci est vrai en matière de droit pénal. Effectivement, des infractions sont prévues à cet effet : délits de corruption et de trafic d'influence d'une part, abus de biens sociaux d'autre part. Mais du point de vu fiscal, les juges français semblent fermer les yeux sur la déduction de ces dépenses illicites. S'agit-il d'une incohérence du droit interne français ? Plutôt, cela ne découlerait-il pas d'une certaine logique à savoir que, toutes dépenses devant être déclarées, il apparaît naturel que le juge fiscal n'ait pas à se prononcer sur le caractère licite ou illicite de celles-ci mais seulement sur le fait qu'elles aient été effectuées ou non dans l'intérêt de la société ? Au Canada, deux récents articles de la Loi sur l'impôt et le revenu figurant sous le chapeau de l'article 67 L.I.R. sur la restriction générale relative aux dépenses semblent être clairs à propos de la déductibilité de ce type de dépense.

D'une part, l'article 67.5 L.I.R. porte expressément sur la non déductibilité des paiements illégaux tandis que l'article 67.6 L.I.R. se penche sur la non déductibilité des amendes et pénalités. L'article 67.5 L.I.R. a la particularité de faire référence au Code criminel. L'énumération d'une série d'infractions y paraît, dont celle de versement de commission secrète. Le législateur est donc intervenu de façon spécifique. Ce n'est pas le cas en France : non seulement le législateur n'est pas intervenu de façon spécifique quant à la non déductibilité des dépenses illicites, mais la jurisprudence constante du Conseil d'État confirme le fait que ces dernières ne sont pas par essence non déductibles dès lors qu'elles sont conformes à l'intérêt social11(*). Certes, certaines conditions devront être remplies afin que l'entreprise bénéficie de la déduction. En ce qui a trait au versement de pots-de-vin, la justification de la réalité du service rendu par l'intermédiaire s'avère difficile car aucune trace écrite ne permet d'établir la nature exacte de l'intervention. Mais, dans le même temps, le contribuable pourra toujours laisser à l'Administration le fardeau de prouver que la dépense découle d'un acte anormal de gestion.

En ce qui concerne l'article 67.6 L.I.R. portant sur la non déductibilité des amendes et pénalités, il met un terme à l'interprétation faite par les juges de la Cour suprême dans l'affaire British Colombia Ltd. c. Canada (1999). S'appuyant sur le texte de la Loi de l'impôt sur le revenu, la Cour conclut que le seul critère applicable consiste à déterminer si la dépense a été encourue dans le but de tirer un revenu et que, dans un tel cas, à moins d'une disposition expresse à l'effet contraire, la dépense doit être déductible, le rôle des tribunaux n'étant pas de créer des distinctions là où la loi est silencieuse. Dans cette affaire, la Cour a déterminé sur la base de la preuve versée au dossier que la décision du contribuable d'outrepasser son quota en était une purement commerciale, prise effectivement dans le but de gagner un revenu, et puisque aucune disposition expresse n'empêchait sa déduction, cette dépense devait être déductible. Les juges ne pouvaient être plus explicite : il fallait qu'une loi soit adoptée afin que puisse être interdite la déductibilité de certaines charges. En France, nonobstant le principe général de déductibilité, la déductibilité de certaines charges est toutefois expressément exclue par les dispositions du 2 de l'article 39 du C.G.I.. Ceci dit, d'autres cas d'absence de déductibilité des sanctions et pénalités s'ajoutent à cette liste fixée par le législateur au même article, s'agissant des infractions qui correspondent à des faits ne relevant pas de la gestion commerciale normale de l'entreprise. La Direction générale des impôts (D.G.I.) évalue à environ 20 millions d'euros le surcroît annuel de recettes fiscales qui serait engendré par l'interdiction de déduire certaines sanctions et pénalités des bénéfices soumis à l'impôt12(*). Cette remarque à caractère économique ne viendrait-elle pas renforcer l'argument selon lequel, de manière générale, la déduction de ces dépenses devrait être refusée car elle compromettrait l'effet dissuasif recherché et ferait reposer sur l'ensemble des contribuables le fardeau que devrait supporter seul le fautif ?

Bien entendu, l'intérêt social ne peut servir de critère à la déductibilité de toutes les dépenses effectuées par l'entreprise. La notion est utilisée pour apprécier, non pas la régularité de l'acte de gestion, mais son opportunité. L'entreprise qui se voit reprocher un acte anormal de gestion ne commet pas une fraude fiscale à proprement parler puisque ladite théorie repose sur une construction jurisprudentielle. De surcroît, l'acte anormal de gestion ignore l'intention frauduleuse du dirigeant. Celle-ci ne sera pas prise en compte à moins que cet acte soit également constitutif du délit de fraude fiscale. De façon générale, la procédure de répression des abus de droit a pour objet de permettre à l'Administration fiscale d'aller au-delà de l'apparence juridique qu'un contribuable aurait pu conférer à une opération, et d'appréhender sa véritable portée.

Or, lorsque le dirigeant déduit des dépenses illicites du bénéfice réalisé par l'entreprise, il ne dissimule aucun fait, il est probablement même de bonne foi. La question se pose donc de savoir à partir de quand un acte devient anormal ? Cette question est profondément pertinente puisque l'Administration fiscale peut invoquer l'abus de droit13(*). Lorsque l'Administration fiscale entend utiliser cette procédure, elle doit établir que les actes en cause revêtaient un caractère fictif ou pouvaient être regardés comme ayant pour seul but d'éluder les impositions dont était passible l'opération réelle14(*). Au Canada, la fraude fiscale est également punie et la procédure de sanction semble bien cadenassée avec l'ajout de l'article 245 L.I.R. portant sur l'évitement fiscal. Le contribuable et l'entreprise n'ont plus droit à l'erreur.

Au Canada, avant l'entrée en vigueur de l'article 67.5 L.I.R., la déductibilité des dépenses illicites telles que les pots-de-vin ou les bakchichs a déjà été acceptée par l'Agence du revenu du Canada (A.R.C.) sous certaines conditions : que le nom du bénéficiaire soit divulgué et que la dépense soit effectuée pour produire un revenu, le montant devant être raisonnable dans les circonstances15(*). Aujourd'hui, la situation semble avoir évoluée. Pour ces raisons et malgré le fait que la théorie de l'acte anormal de gestion, pilier du droit fiscal français, soit inconnue en droit fiscal canadien, il nous paraît enrichissant de juxtaposer ces deux systèmes afin de suivre l'évolution parallèle d'une réalité fiscale à l'intérieur de deux systèmes juridiques différents.

TITRE I LA DÉDUCTIBILITÉ DE LA CHARGE ILLICITE ET SON TRAITEMENT FISCAL

CHAPITRE I LA DÉDUCTIBILITÉ DES DÉPENSES ILLICITES EN DROITS FISCAUX FRANÇAIS ET CANADIENS

Afin d'aborder la question du traitement fiscal des charges à caractère illicite ou découlant d'un acte illicite en France et au Canada (SECTION II), il convient, dans un premier temps, de définir ce qu'est la charge illicite en France et au Canada (SECTION I).

SECTION I La dépense illicite en France et au Canada

Afin de saisir ce que signifie la déductibilité de la dépense illicite par le biais de la gestion normale de l'entreprise (B), il convient d'en donner la définition (A).

A La définition de la charge illicite en France et au Canada
a) Le régime d'autodéclaration de l'impôt

En France comme au Canada, la perception des impôts repose principalement sur l'autodéclaration. Ainsi, la tâche d'estimer le montant d'impôt annuel payable et d'en informer les autorités compétentes dans une déclaration de revenu incombe aux contribuables. La franchise, l'honnêteté et l'intégrité du contribuable, on le comprendra aisément, apparaissent comme étant les jalons essentiels du système d'imposition. Il peut arriver cependant que les contribuables tentent, pour paraphraser la juge Wilson dans l'arrêt McKinlay Transport (1990), de « tirer profit du régime d'autodéclaration pour tenter d'éviter de payer sa pleine part du fardeau fiscal en violant les règles énoncées dans la Loi »16(*). Cependant, selon le principe à l'effet que tout contribuable est libre d'arranger ses affaires de façon à entraîner le moins d'impôt possible, il est permis de structurer n'importe quelle transaction ou opération dans la mesure où une disposition statutaire spécifique ne l'empêche. Conséquemment, il est nécessaire que le ministre du Revenu du Canada, responsable de l'administration de l'Agence du revenu du Canada et de l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, dispose, en vue de la surveillance de ce régime de réglementation, de larges pouvoirs de vérification des déclarations des contribuables et de l'examen de tous les documents qui peuvent en justifier le contenu déclaratif. En France, l'article L 55 du Livre des procédures fiscales (L.P.F.) donne à l'inspecteur des impôts la possibilité de vérifier les déclarations déposées par le contribuable et ce dernier est tenu de présenter tous les documents permettant de justifier de l'exactitude des résultats indiqués dans sa déclaration. De plus, les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'Administration fiscale. Ce n'est autre que le droit de reprise de l'Administration. Dans ce contexte, il n'est pas improbable que certaines entreprises inscrivent à leur déclaration quelques dépenses illicites comme étant déductibles.

b) La dépense illicite, une dépense non autorisée

Le mot « illicite » a été emprunté au préfixe latin illicitus qui signifie tout simplement « non autorisé »17(*). De manière générale, en droits fiscaux français et canadien, les charges illicites correspondent à celles qui ne sont pas autorisées. Plus spécifiquement, il s'agit de charges pour lesquelles la loi interdit expressément la déductibilité. Tel est le cas en France de certains impôts et pénalités, ainsi que des charges qualifiées de somptuaires selon le Code général de l'impôt et des dépenses prévues à l'article 67.5 et 67.6 de la Loi sur l'impôt et du revenu au Canada.

Dès lors, lorsque de telles dépenses figurent en comptabilité, leur montant doit être rapporté aux bénéfices imposables de façon extra comptable. Il y a donc une distinction à faire entre la nature illicite de la charge et le fait de ne pouvoir déduire celle-ci car elle ne répond pas à certaines conditions générales de déductibilité énoncées par le Code général des impôts ou la Loi de l'impôt et du Revenu. Ainsi, l'entreprise qui déclare une dépense qui ne répond pas aux conditions générales de déductibilité n'est pas une dépense illicite de ce fait. Par exemple, au Canada, une compagnie n'a pu déduire des dépenses qu'elle avait engagées au nom de sa filiale pour couvrir d'importants frais de réparation d'une maison de campagne dont cette dernière devait se servir pour donner des réceptions en l'honneur de fonctionnaires en vue d'obtenir d'eux des contrats. Non seulement les dépenses étaient de la nature du capital mais de plus elles avaient été engagées en vu de produire un revenu non pas pour la compagnie mais pour sa filiale, qui était une entité indépendante18(*). Il ne s'agissait point d'une dépense illicite mais d'une dépense qui ne répondait pas aux conditions générales de déductibilité.

Il en découle que, dans le calcul du revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien, les dépenses sont déductibles ou non déductibles suivant les circonstances dans lesquelles elles sont engagées. Ces circonstances sont liées en partie à la nature de l'entreprise. Elles peuvent aussi être liées à la manière dont le contribuable exerce son entreprise et à la manière dont les dépenses ont été occasionnées, par exemple, intentionnellement, sans motif ou par l'intervention d'une tierce partie, y compris l'intervention gouvernementale. L'organisation des règles fiscales en France et au Canada repose sur une même idée : des règles générales et des régimes particuliers (par exemple, la charge illicite se distingue en France des dépenses somptuaires, au Canada, de celles qui ne sont pas raisonnables.) Entre ce va et vient de règles, on trouve des principes généraux qui apportent de la souplesse au droit fiscal, comme par exemple, la notion de l'intérêt social. La complexité du droit fiscal n'apparaît pas tant dans la technicité qu'entraîne cette multitude de règles que par l'interprétation de ces quelques principes généraux. Dans tous les cas où la loi ne prévoit pas de dispositions particulières en sens contraire, il convient de se référer aux principes généraux pour considérer ou non la déductibilité d'une dépense d'entreprise. C'est l'attitude qu'adopte l'Administration fiscale lorsqu'elle effectue des contrôles des différents types de dépenses.

Par conséquent, se pose la difficulté liée à l'identification d'un paiement de nature illicite. Il n'est pas facile de distinguer une facture frauduleuse d'une facture réelle ou de détecter des versements à des salariés fictifs ou des virements illicites sur des comptes bancaires extraterritoriaux. Dans un premier temps, il s'agit de distinguer les commissions occultes des autres commissions ou charges autorisées. Commission occulte, Bakchich19(*) et dessous-de-table20(*) sont synonymes de pot-de-vin21(*). Il s'agit de sommes d'argent données illégalement à une personne physique ou morale en échange d'un service. Nul doute, le versement de pots-de-vin à un agent public pour se voir octroyer un marché est constitutif d'une infraction sanctionnée par le Code pénal en France et par le Code criminel au Canada. La France et le Canada sont membre de l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE)22(*) et sont tous deux signataires de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales adoptées le 21 novembre 1997. Comme la France et le Canada, la plupart des pays membre ont adopté dans leur législation nationale une loi abolissant la déductibilité de ces commissions secrètes versées à un agent public. En France, l'exclusion de ces déductions est de portée générale et est indépendante de la valeur de l'avantage, de son résultat, des usages ou de la tolérance des autorités locales23(*). En outre, toute présentation à un agent public des impôts de documents attestant du versement d'un pot-de-vin à un agent public national en vue d'obtenir une déduction fiscale conduira l'agent des impôts à faire application de l'article 40 du Code de procédure pénale (C.P.P.) en dénonçant cette infraction au ministère public. De ce fait, dans la pratique, les commissions occultes ne sont pas déductibles fiscalement.

Ensuite, on imagine difficilement que le dirigeant d'une entreprise privée puisse déclarer à l'Administration fiscale le montant se rapportant au versement d'un pot-de-vin qu'il aurait effectué en faveur d'une autre société privée.. Au Canada, la Loi de l'impôt sur le revenu interdit expressément le versement de pots-de-vin. L'article 67.5 (1) L.I.R. énonce que :

Aucune déduction ne peut être faite dans le calcul du revenu au titre d'une dépense engagée ou effectuée en vue d'accomplir une chose qui constitue une infraction prévue à l'article 3 de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers ou à l'un des articles 119 à 121, 123 à 125, 393 et 426 du Code criminel, ou à l'article 465 du Code criminel qui est liée à une infraction visée à l'un des ces articles24(*).

On ne retrouve pas dans le Code général des impôts français un article équivalent. L'article 39-2 bis du C.G.I. fait uniquement allusion aux agents publics étrangers en faisant état que les commissions versées depuis le 29 septembre 2000 à ces derniers en vue de les corrompre sont exclues des charges déductibles. Que ce soit dans le secteur public ou privé, tous les pots-de-vin sont illégaux. Toutefois, ce n'est pas toujours ainsi en ce qui a trait au versement d'une commission.

c) Les types de dépenses illicites

Évidemment, toutes les commissions versées par l'entreprise ne sont pas illicites. Par exemple, au Canada, les commissions payées lors de la vente de produits d'une entreprise sont des dépenses faites dans le but de tirer un revenu d'entreprise et sont déductibles dans la mesure où elles sont raisonnables. La commission versée à une corporation pour l'assistance qu'elle a apportée en obtenant des capitaux supplémentaires pour une tierce corporation est jugée déductible25(*). Tout comme la commission égale à un pourcentage des ventes, versée en contrepartie d'une aide technique26(*). Toutefois, en France, une société ayant pour activité l'impression par photogravure n'a pu déduire de ses résultats les commissions versées à un journaliste salarié d'une entreprise cliente dès lors qu'en se bornant à alléguer qu'elle aurait perdu cette clientèle à la suite du départ de ce salarié, elle n'a pas justifié que les versements avaient une contrepartie effective27(*).

Habituellement, les frais de représentation et les cadeaux, effectués par les entreprises, sont déductibles au titre de dépenses d'entreprise à condition qu'ils ne soient pas de nature du capital ou à caractère social et soient d'un montant raisonnable au Canada et qu'ils soient fait pour l'intérêt de l'entreprise et ne constituent point un acte de gestion anormale en France. En ce qui concerne les cadeaux effectués par des sociétés ou des entreprises, il y a lieu de rappeler qu'en droit fiscal, les frais généraux, soit toutes les dépenses de l'entreprise qui ne trouvent pas leur contrepartie dans l'entrée d'éléments dans l'actif du bilan, sont déductibles sous conditions du respect des règles générales de déductibilité. En revanche, les cadeaux ne peuvent en principe être déduits lorsqu'ils sont illicites ou d'une valeur exagérée. C'est le cas en France comme au Canada si la dépense est excessive et s'il n'est pas prouvé qu'elle a été engagée dans l'intérêt direct de l'exploitation. Pour apprécier le caractère excessif ou non d'un cadeau, l'Administration fiscale examine les usages en cours dans la profession, la taille de l'entreprise, son activité et son développement28(*). Ainsi, sont déductibles, au Canada, les frais pour cadeaux et frais de représentation engagés par les gens d'affaire pour tirer un revenu de leur entreprise29(*). En France, le Conseil d'État a admis la déduction de cadeaux offerts dans le cadre d'une opération commerciale en infraction avec la législation économique, tout en précisant que cette circonstance ne permettait pas de considérer la remise des cadeaux comme un acte de gestion anormale30(*). En ce sens, la jurisprudence française actuelle, ne considère plus, semble-t-il, la licéité de la cause comme une condition obligatoire ou déterminante à la déductibilité de la dépense.

En ce qui concerne les services professionnels, tel que les frais de gestion, les inspecteurs des impôts doivent accorder la plus grande attention aux pièces justificatives correspondant à ces prestations. Ils devront procéder à leur ventilation et vérifier leur exactitude. Toute variation inhabituelle doit susciter la curiosité de l'inspecteur des impôts. Certaines de ces dépenses passées en charge peuvent en effet masquer des enveloppes versées à titre de pots-de-vin. L'existence de volumes importants d'honoraires à des cabinets ou sociétés de conseil peut être un premier indice pour démasquer un pot-de-vin. Ainsi, les honoraires qu'une corporation prétend avoir versés pour les soi-disant services de gestion de deux corporations qu'elle contrôle ne sont pas déductibles si elle ne peut pas démontrer les avoir vraiment versé à ces fins ou qu'il existait même une entente à cet effet. Les montants réclamés étaient aussi disproportionnés par rapport aux revenus31(*). De même, les commissions versées par une entreprise de travail temporaire à un intermédiaire en relations publiques relèvent d'une gestion commerciale normale dès lors que l'entreprise justifie de la réalité de la contrepartie dont elle a bénéficié à la suite de l'opération d'entremise32(*). L'illicéité se réfère donc à une dépense réelle. Il ne s'agit pas du domaine de la fictivité ou de la simulation mais de celui de l'interdit. Ceci étant dit, est-il possible que la jurisprudence permette ce que la loi interdit ?

Selon M. Cozian, on peut supposer comme à priori qu'un acte sanctionné sur le plan juridique comme contraire à l'intérêt social constitue par-là même un acte anormal de gestion et qu'à l'inverse un acte qualifié d'anormal sur le plan fiscal implique qu'il soit contraire à l'intérêt social33(*). De ce fait, peu importe alors le caractère illicite de l'acte si celui-ci présente un intérêt pour la société, il ne constitue pas un acte anormal de gestion.

B La déductibilité de la charge illicite par le biais de la gestion normale de l'entreprise
a) La théorie de l'acte anormal de gestion

Cela est connu, que ce soit en France ou au Canada, dans certains secteurs d'activités, les entreprises n'ont plus le choix pour décrocher des marchés publics locaux soit elles acceptent de verser des pots-de-vin, soit elles perdent des marchés au profit d'une concurrence plus accommodante. D'un point de vue fiscal, la jurisprudence française fait preuve d'une permissivité qui, pour certains, sera considérée comme frôlant l'immoralité. En effet, si, pour obtenir un marché public, une entreprise doit verser une commission, les charges correspondantes, et même les sanctions encourues (à l'exception des sanctions pénales), ne sont pas considérées comme des actes anormaux de gestion. Autrement dit, malgré son caractère illicite, le pot-de-vin est alors déductible du bénéfice imposable de l'entreprise qui le verse34(*).

Tout d'abord, la notion d'acte anormal de gestion est à l'origine d'une construction jurisprudentielle du Conseil d'État. Elle trouve à s'appliquer, pour l'essentiel, en matière de fiscalité des entreprises et d'impôts sur les bénéfices ou le revenu. L'acte anormal de gestion se définit comme étant celui qui met à la charge de l'entreprise une dépense ou une perte, ou bien qui la prive d'une ressource, sans trouver de justification dans les intérêts de l'exploitation commerciale. A contrario, relève d'une gestion normale, la dépense effectuée dans l'intérêt direct de l'entreprise. Parmi les exemples d'actes anormaux de gestion, on retrouve entre autres, les dépenses qui auraient bénéficiées à un dirigeant d'entreprise ou à l'un des membres du personnel sans être la contrepartie de services rendus. Conséquemment, selon les principes du droit fiscal, tout acte ayant pour cause exclusive la satisfaction d'un intérêt non conforme à l'intérêt social est présumé révéler l'anormalité de la gestion. Il s'agit d'une présomption simple mais la preuve contraire n'est pas toujours facile à apporter. De la sorte, cette théorie constitue une exception au principe de non immixtion de l'Administration fiscale dans la gestion des entreprises.

Ensuite, la théorie de l'acte anormal de gestion est singulière au droit fiscal français. On ne retrouve pas, en droit fiscal canadien, pareille théorie. Donc, la construction prétorienne de la notion de l'acte anormal de gestion ne peut se comprendre sans évoquer différentes notions du droit fiscal français tel que le principe de non immixtion de l'Administration fiscale dans la gestion des entreprises, l'intérêt social et le lien entre ce dernier et l'acte anormal de gestion.

b) Le principe de non immixtion

Assurément, le pouvoir de vérification de l'Administration fiscale française ne fait pas d'elle un contrôleur de gestion. De telle sorte que l'Administration fiscale ne peut se substituer aux dirigeants pour apprécier ce qui aurait le mieux convenu à leur entreprise, « elle n'a pas à s'immiscer dans la gestion interne des entreprises »35(*). Ainsi, l'exploitant est seul juge de l'opportunité de sa gestion. Ce principe de non immixtion de l'Administration fiscale dans la gestion des entreprises a été affirmé à plusieurs reprises par le Conseil d'État36(*). En conséquence, ni l'Administration, ni les tribunaux ne sont juges de l'opportunité des décisions de gestion des entreprises, sauf à y déceler des fraudes ou des irrégularités, puisqu'ils n'assument pas les risques de l'exploitation37(*). De la même manière, au Canada, l'article 67 L.I.R. applique ce principe et se base sur une notion intéressante : celle de l'homme d'affaire raisonnable : « Il ne s'agit pas, pour le ministre ou cette cour, de substituer leur jugement à ce qui constitue une somme raisonnable à payer mais plutôt, d'en arriver à la conclusion qu'aucun homme d'affaires raisonnable ne se serait engagé à payer une telle somme en ayant seulement le facteur commercial de l'appelant à l'esprit »38(*). Dans Ankrah (2003), la déduction des dépenses Amway a été accordée, la Cour précisant que l'article 67 ne devrait pas être appliqué pour refuser la déduction de dépenses sur la base d'un mauvais jugement commercial lorsque les dépenses ont été engagées alors que le contribuable croyait honnêtement qu'elles finiraient par produire des bénéfices. Dans les circonstances, il est convenable de se poser la question de savoir si un homme d'affaire raisonnable verserait un pot-de-vin afin que son entreprise obtienne un contrat lui assurant des bénéfices. Le terme « raisonnable » dans l'expression « homme d'affaire raisonnable » semble d'emblée supprimer toutes activités qui pourraient représenter un risque pour la pérennité de l'entreprise. De façon opposée et même paradoxale, en France, la notion de l'intérêt social semble permettre de telles activités représentant un risque pour l'entreprise car dans un premier temps, le pot-de-vin est versé dans le but d'octroyer à l'entreprise un avantage donc il est théoriquement justifié. Néanmoins, à l'égard de l'entreprise, quelles seront les conséquences à court et à long terme de ce genre de pratiques ? Ce genre de risque semble déraisonnable.

Ainsi, au Canada, pour que la dépense soit déductible, celle-ci doit avoir été effectuée dans le but de produire un revenu. Or, pour déterminer si une dépense a été encourue dans le but de gagner un revenu, il faut que les dépenses aient été engagées légitimement dans le cours ordinaire des affaires et dans le but qu'il découle ultérieurement un revenu imposable pour l'entreprise39(*). Il en ressort que, le fait que la dépense doive être engagée légitimement dans le cours ordinaire des affaires semble indiquer, dès lors, que la déductibilité de dépenses illicites ne soit pas envisageable. L'article 67 L.I.R. établit qu'une dépense n'est déductible que dans la mesure où elle est raisonnable eu égard aux circonstances. Le mot « raisonnable » semble référer au montant et à l'importance de la déduction réclamée. Le but de cet article étant d'empêcher les occasions d'évitement fiscal qui se présenteraient le plus souvent lorsqu'une société octroie des salaires, commissions ou frais ou autres formes de paiement à ses employés ou à ses actionnaires. Ainsi, l'application de l'article 67 L.I.R. ne sanctionne pas une fraude fiscale mais le manque de jugement du contribuable en ce qui a trait au montant versé. De même, la complexité qui réside dans l'acte anormal de gestion est que le contribuable ne viole directement aucune prescription de nature fiscale ; il ne commet donc pas une fraude fiscale : le critère n'étant pas fiscal, mais le critère juridique de l'intérêt social40(*).

À cette fin, la définition de l'acte anormal de gestion a notamment été rappelée par M. Fouquet, Commissaire du gouvernement à l'occasion d'un arrêt du Conseil d'État du 27 janvier 1989 ; « (...) il va au-delà de la simple erreur de gestion et implique une intention consciente (donc subjective) dont l'existence est présumée »41(*). De ce fait, il faut préciser que l'acte anormal de gestion n'est pas le dépassement de l'objet social, ni un acte effectué en violation d'une clause statutaire limitative de pouvoir ni l'erreur comptable délibérée mais un acte accomplit en méconnaissance de l'intérêt social. Au Canada, l'intérêt social transposé au droit des sociétés est un sujet peu exploré42(*), contrairement à la France où l'on retrouve plusieurs thèses portant sur cette notion, essayant d'en cerner le contour et d'en définir l'objet. Ceci dit, la notion de l'intérêt social ne produit pas, à elle seule, d'effets juridiques. Aussi, l'acte contraire à l'intérêt social cause un préjudice à la société et il ne procure aucun avantage à la société. De ce fait, les éléments constitutifs de l'acte anormal de gestion doivent être recherchés dans la jurisprudence et la doctrine.

Alors, le juge se trouve partagé entre deux impératifs contradictoires : celui de la neutralité d'une part, celui du contrôle qu'il doit exercer d'autre part, pour s'assurer de la contribution sincère des entreprises à l'effort fiscal national. Dans cette optique, par une construction totalement prétorienne, le Conseil d'État a apporté une exception au principe de non immixtion de l'Administration fiscale dans la gestion des entreprises : la théorie des actes anormaux. Si l'administration ne peut s'immiscer dans la gestion commerciale de l'entreprise, il résulte d'une jurisprudence constante du Conseil d'État que l'appréciation par cette Administration du caractère normal ou anormal des actes de gestion n'excède pas les pouvoirs habituels de contrôle qui lui sont reconnus. Lorsqu'il répond à des buts fiscaux, l'acte anormal de gestion peut être écarté par l'Administration fiscale. Encore faut-il savoir à partir de quand un acte est anormal. Conséquemment, les juges français se retrouvent donc confronté à la question de savoir ce qui est normal et ce qui ne l'est pas.

c) La condition d'une contrepartie effective

La définition qui semble être donnée à la notion de « normalité » réside dans l'idée qu'un acte accomplit seulement dans un but fiscal est anormal tandis qu'un acte effectué dans l'intérêt de l'entreprise est normal. D'une manière générale, la jurisprudence qualifie d'acte anormal de gestion non seulement les opérations qui se traduisent par des dépenses non conformes à l'intérêt de l'exploitation mais également le fait pour l'entreprise de renoncer anormalement à une recette. En revanche, relève d'une gestion normale, les opérations dans lesquelles l'entreprise justifie d'une contrepartie43(*). Par exemple, une entreprise d'imprimerie et de fournitures de bureau avait versé diverses rémunérations au cours de plusieurs exercices à des salariés de sociétés clientes, occupant des fonctions telles qu'agent commercial, chef de publicité, magasinier etc. Le Conseil d'État a considéré qu'en produisant un tableau d'où il ressortait que le chiffre d'affaire réalisé avec les sociétés concernées avait, pour la plupart de celles-ci, progressé de manière significative au cours des années en litige. L'entreprise justifiait que, compte tenu des fonctions exercées par les bénéficiaires des rémunérations, lesquelles étaient proportionnelles au montant des affaires traitées et comportaient donc une contrepartie effective, cette pratique était de nature à entraîner un comportement favorable pour elle. Les rémunérations versées ont donc été admises en déduction des résultats imposables44(*). Donc, il s'avère que la présence d'une contrepartie soit la condition sine qua non à la gestion normale de l'entreprise. Néanmoins, comme l'a rapporté le Commissaire du gouvernement Monsieur Martin Laprade dans le cadre d'une affaire d'un abandon de créance par une société mère au profit d'une filiale en difficulté : « si le caractère normal de l'acte de gestion est une condition nécessaire de la déductibilité de la dépense correspondante, celle-ci ne doit pas avoir pour contrepartie une augmentation de l'actif net de l'entreprise »45(*). Ainsi, la contrepartie doit référer à un service rendu et qui plus est appuyé de preuves solides. La délicatesse de la théorie de l'acte anormal de gestion se retrouve dans le lien entre l'acte anormal de gestion et l'acte contraire à l'intérêt social.

d) Le lien entre l'acte anormal de gestion et l'acte contraire à l'intérêt social

Effectivement, dans le cadre de l'acte anormal de gestion, l'Administration fiscale ne conteste nullement la réalité et la sincérité de l'acte passé ; elle n'invoque aucune dissimulation. Elle prétend seulement que l'acte est contraire à l'intérêt de l'entreprise et ne lui est pas opposable pour le calcul de l'impôt46(*). Aussi, l'acte anormal de gestion doit être caractérisé par rapport à la décision de gestion, d'une part, et à la décision de gestion irrégulière, d'autre part. La décision de gestion est prise par le contribuable dans l'exercice d'une faculté juridique d'option entre deux régimes fiscaux. La décision de gestion régulière est opposable au contribuable qui ne peut en demander la rectification, et est opposable à l'Administration qui ne pourra pas révoquer les avantages fiscaux qui leur sont attachés. Pour sa part, la décision de gestion irrégulière est celle par laquelle un contribuable choisit délibérément dans le cadre de ses écritures comptables d'ignorer la loi fiscale ou de l'enfreindre. Ainsi, sont opposables au contribuable les erreurs volontaires ou frauduleuses constitutives de décision de gestion irrégulière. Enfin, il semble que l'acte anormal de gestion soit celui qui est contraire à l'intérêt social. Faut-il pour autant en déduire que tous les actes réalisés dans l'intérêt de l'entreprise sont normaux ?

e) L'acte illicite

Naturellement, pendant plusieurs années la jurisprudence a considéré un acte illicite comme forcément un acte anormal de gestion47(*). Ce n'est plus le cas aujourd'hui. En effet, il résulte de trois décisions du Conseil d'État rendues en 198348(*) qu'une dépense illicite n'est pas nécessairement anormale si elle est engagée dans l'intérêt de l'entreprise. Indubitablement, la commission d'un acte illicite, par exemple, verser un pot-de-vin, peut-être tout à fait favorable à la gestion de l'entreprise, mais il heurte des principes légaux ou moraux fondamentaux. Ainsi, dans un arrêt du 1er juillet 1983, le Conseil d'État a mis fin à la confusion de l'illicéité et de l'anormalité en ces termes :

Considérant que seuls peuvent ne pas être pris en compte les actes ou opérations qui ont été réalisées à des fins autres que celles de satisfaire les besoins ou, de manière générale, servir les intérêts de l'entreprise et qui, dans ces conditions, ne peuvent pas être regardés comme relevant d'une gestion normale de celle-ci ; que, par suite, ne relèvent pas nécessairement d'une gestion anormale tous les actes ou opérations que l'exploitant décide de faire, en n'ignorant pas qu'il expose ainsi l'entreprise, en vertu d'obligations assorties de sanctions pécuniaires, à devoir supporter de ce chef certaines charges ou dépenses ; que c'est seulement si de telles opérations ont été décidées à des fins étrangères aux intérêts de l'entreprise qu'elles peuvent être réputées relever d'une gestion anormale49(*).

Dès lors, il est aisé de dire que le caractère illicite n'a donc aucune influence sur la déductibilité de la dépense si elle est effectuée dans l'intérêt de l'entreprise. En effet, le pot-de-vin versé dans le but d'obtenir un contrat s'inscrit dans la droite ligne d'un acte accomplit dans l'intérêt social. Est-il normal ? Selon les circonstances cela est plausible. À savoir, si toutes les sociétés appelées ont dû verser un pot-de-vin pour que leur dossier soit étudié, il semble normal de répondre à cette condition. Logiquement, si la dépense est engagée dans l'intérêt de l'entreprise, qu'elle est régulièrement comptabilisée et appuyée d'une pièce justificative, pourquoi ne pourrait-elle pas être déductible ? Il s'agit d'un raisonnement qui tient la route en droit fiscal mais qui risque de provoquer des accidents de parcours aux dirigeants qui ont une trop grande soif de réussite.

SECTION II Le traitement fiscal des charges à caractère illicite ou découlant d'un acte illicite en France et au Canada

Le traitement fiscal des charges à caractère illicite tels que les pots-de-vin (A) est différent de celui accordé aux charges découlant d'un acte illicite (B).

A Le traitement fiscal des pots-de-vin
a) La déductibilité possible des pots-de-vin

Selon la firme conseil Control Risks, une entreprise française sur trois estime avoir perdu un contrat en 2006 au profit d'un concurrent ayant versé un pot-de-vin50(*). Aux Etats-Unis, quatre entreprises sur cinq ont des programmes pour lutter contre la corruption, par rapport à seulement 24% des sociétés françaises51(*). Les pratiques de corruption utilisées antérieurement par les entreprises françaises pour se voir attribuer des marchés internationaux ont, semble t-il, laisser leurs traces52(*). Malheureusement, dans un contexte international, le versement de pots-de-vin pour se voir octroyer un contrat ou une part de marché semble être à certaines occasions une pratique inévitable pour les entreprises qui souhaitent rester dans la course.. Au niveau de la corruption d'agents étrangers, l'intervention de l'OCDE en la matière a fait en sorte que la France et le Canada, comme plusieurs autres pays, ont incorporé dans leur législation nationale des lois interdisant la déductibilité fiscale des pots-de-vin versés à des agents publics. Toutefois, au niveau du secteur privé, les droits fiscaux français et canadiens ont une manière différente d'aborder la déductibilité des dépenses illicites telles que les pots-de-vin.

Curieusement, dans les années passées, la Cour suprême du Canada a déclaré dans certaines décisions rendues que les paiements ou dépenses illégales (pots-de-vin, bakchichs etc.) effectués dans le but de gagner ou de produire un revenu sont déductibles dans le calcul de l'impôt à condition de ne pas être une dépense en capital et que leur déduction ne soit pas interdite par un article spécifique de la Loi de l'impôt sur le revenu. Manifestement, la documentation et les décisions qui portent sur de telles affaires sont, on s'en doute, très rares. On ne retrouve qu'une affaire inscrite au registre de la Cour fédérale de l'impôt traitant de la déductibilité de pots-de-vin. Ces derniers ont pu être déduits dans un cas où la preuve démontrait qu'ils avaient profités grandement à l'entreprise du contribuable et qu'il en réclamait un montant raisonnable53(*). Bien entendu, cette affaire remonte avant l'entrée en vigueur de l'article 67.5 L.I.R.. Il ne faut pas être naïfs, les affaires se rapportant à la déductibilité de pots-de-vin sont embrouillées et l'utilisation de montages financiers sert à dissimuler ce genre d'opération. Le plus souvent, la différence entre la somme reçue et le prix normal est par la suite reversée à un intermédiaire après déduction du bénéfice de l'entreprise concernée. Toute la difficulté tient à l'identification de la personne intermédiaire qui n'apparaît évidemment jamais nulle part dans les livres comptables. L'appel à des bureaux de consultants ou bureaux d'étude semble être la méthode préconisée pour l'entreprise qui souhaite procéder à la déductibilité fiscale de pots-de-vin.

À cet effet, en France, dans une affaire datant de 199754(*), la Cour administrative d'appel de Lyon déclarait que : « doivent être regardées comme des charges engagées dans l'intérêt de l'entreprise les honoraires versés par une entreprise à des bureaux d'étude pour l'obtention de marchés publics ». En effet, une société qui avait pour activité l'enlèvement des ordures avait versé des honoraires à des bureaux d'étude auxquels des communes avaient confié le soin de négocier pour leur compte l'attribution de marchés publics. Dans cette affaire, le versement des honoraires constituait une condition imposée par la municipalité aux entreprises. L'Administration fiscale avait réintégré le montant de ces honoraires dans le calcul du montant imposable. À cet égard, il est difficile de savoir si le tribunal d'appel de Lyon aurait envisagé la même décision dans le cas où le montant versé en guise d'honoraire n'avait pas été une condition imposée à toutes les entreprises.

b) Les conditions de la déductibilité des pots-de-vin

Cependant, si la jurisprudence au regard de cette affaire se montre indulgente à l'égard du principe de déduction des pots-de-vin, elle va se montrer plus exigeante quand aux conditions de cette déduction. À ce jour, la jurisprudence requiert en principe, l'identité du bénéficiaire mais aussi la preuve de la réalité du service rendu par ce dernier. Dans ce domaine, la justification de la réalité du service rendu par l'intermédiaire s'avère difficile car il n'y a aucune trace écrite afin d'établir la nature exacte de l'intervention. Pour sa part, l'Administration fiscale canadienne, du temps où elle permettait la déductibilité des pots-de-vin, n'exigeait pas de preuve écrite sous conditions que le nom du bénéficiaire soit connu et que la dépense ait été faite dans le but de produire ou gagner un revenu. L'Agence du revenu du Canada adoptait cette position dans la circulaire d'information 76-4R2 en date du 27 juin 1977. Cette circulaire fût remplacée par une autre circulaire (Unvouchered Expenditures) le 31 janvier 1986 dans laquelle on pouvait lire entre autres :

1. The purpose of this circular is to set out the Department's position regarding expenditures that are not supported by proper vouchers. It applies to all transactions that affect the calculation of the payor's income for taxes purposes or otherwise reduce the payor's net assets. These transactions include kickbacks, bribes, etc. and expenses claimed but not in fact made or incurred.

Les articles 5 et 6 de la circulaire d'information portaient spécifiquement sur les pots-de-vin :

5. An unvouchered expenditure that may be described as an «under-the-table» payment is not deductible unless de following conditions are met:

a) The recipient thereof is identified and

b) the expenditure was made or incurred to earn income and the amount was reasonable in the circumstances.

6. In the case of a corporation, where the recipient of a payment remains unidentified consideration will be given to including the amount of such payment in the income of the person who authorized it pursuant to subsection (...) depending on the circumstance.

Bien que ces articles de la circulaire administrative ne soient plus valides, leur analyse reste d'actualité. Elle nous permet de mettre en perspective le changement d'orientation effectué par l'Agence du revenu du Canada à l'égard de la déductibilité des pots-de-vin.

Nul doute qu'un changement d'orientation de la part de l'Administration fiscale -comme il s'est avéré au Canada - est plus probable que le revirement de la jurisprudence constante du Conseil d'État. En ce sens, il semble apparent que la voie empruntée par le Conseil d'État mène vers une impasse. Dans la mesure où la preuve matérielle des prestations effectuées est absolument nécessaire, est-il pertinent de parler de pots-de-vin ? L'exigence de la preuve des services rendus est primordiale. Il ne s'agit pas d'une condition dite accessoire ou même faisant partie d'un faisceau d'indices. En ce sens, il semble inapproprié, au regard du droit fiscal de discuter de la déductibilité des dépenses illicite. D'une part, le Code général des impôts n'interdit pas la déductibilité de ce type de dépense, d'autre part, toutes les conditions générales de la déductibilité étant rencontrées, il est dans l'ordre des choses que la dépense soit déductible. En effet, lorsque la dépense a été régulièrement inscrite en comptabilité, que l'on connaît l'identité du bénéficiaire et qu'il y a preuve de la réalité du service rendu, il semble inopportun d'invoquer l'existence d'une commission secrète.

c) La réalité des versements et des prestations

Bien entendu, les honoraires ou les commissions versées à des intermédiaires ne sont déductibles que si la réalité des versements et des prestations peut être établit dans la mesure où l'entreprise justifie l'état de circonstances, de documents et qu'elle se fonde sur le résultat apparent de l'intervention de l'intermédiaire en démontrant, par exemple, une hausse du chiffre d'affaire ou l'obtention de nouveaux contrats. De telle sorte que le juge va s'attacher à l'identité du bénéficiaire, ses fonctions, ses pouvoirs de conclusion en matière de contrat et de donneur d'ordre. Dans une affaire du Conseil d'État datant du 5 décembre 200155(*), il est apparût que le paiement de la commission, à supposer même qu'il soit constitutif d'un acte anormal de gestion, ne pouvait être regardé comme un avantage occulte au sens des dispositions du c de l'article 111 du code dès lors que la commission litigieuse avait été comptabilisée par la société Bernard Tapie Finance selon un libellé permettant d'identifier l'objet de la dépense et son bénéficiaire, la société Bernard Tapie Finance GMBH. C'est dans ce sens que l'on peut dire que le caractère illicite des dépenses supportées par les entreprises n'est pas de nature à influencer leur déductibilité car lorsque la déductibilité est permise, la dépense ne rencontre plus les attributs qui la rendent illicite. Et non en raison de la jurisprudence constante du Conseil d'État au terme de laquelle les dépenses illicites ne sont pas par essence non déductibles dès lors qu'elles sont conformes à l'intérêt social. Ainsi, ne pouvait être admis en déduction les honoraires versés par une société de travaux publics à un bureau d'étude dès lors que la seule convention conclue entre les deux parties de quelques correspondances échangées entre elles et de factures faisant état de mission d'assistance commerciale ne permet pas d'établir la matérialité des prestations effectuées par le bureau en contrepartie des honoraires en cause56(*). Par ailleurs, dans cette affaire, la société versante n'a pas établit que la conclusion des marchés publics qu'elle aurait obtenu résulterait de l'intervention du bureau d'étude.

La jurisprudence considère que l'article 39-1 du Code général des impôts vise toutes les dépenses exposées ou tout manque à gagner supporté dans l'intérêt de l'exploitation. Effectivement, il ne suffit pas que la dépense exposée ou le manque à gagner subi soit la conséquence d'un engagement en bonne et due forme pour que le montant puisse être déduit du bénéfice imposable. Si l'engagement est contracté sans contrepartie utile à l'exploitation, auquel cas il relève d'un acte de gestion anormal, les charges susceptibles d'en résulter ne sont pas déductibles. À cet égard, l'arrêt Sodame du 31 juillet 1992 donne une bonne illustration, il énonce que : « la déduction de tels frais n'est cependant admise que s'ils constituent une charge effective, qu'ils ont été effectués dans l'intérêt direct de l'entreprise et sont appuyés de justifications suffisantes »57(*). De plus, un autre arrêt rendu le même jour vient apporter une autre précision, en abordant l'idée de contrepartie : « les voyages ainsi offerts constituaient la contrepartie de l'activité et des efforts déployés par ceux qui les avaient gagnés »58(*). C'est en quelque sorte un contrôle de proportionnalité auquel se livre le juge de l'impôt avec cette idée de contrepartie omniprésente.

En somme, la déductibilité des pots-de-vin n'est pas tant une question qui relève de la notion de l'intérêt social mais plutôt de la capacité à faire la preuve que les versements sont la contrepartie de services effectivement rendus. L'intérêt social ne devrait pas entrer en compte pour établir la déductibilité des dépenses illicites. Bien sûr, les juges ne peuvent faire fit de l'intérêt social lorsqu'ils jugent les faits, ils utilisent cette notion comme faisant partie d'un faisceau d'indices. Toutefois, la notion est trop large est fait en sorte de scinder l'état du droit. En effet, comment expliquer que le droit fiscal autorise ce que le droit pénal interdit ? Si pour certains cela ne découle pas d'une mauvaise logique, il semble que cet état des chose puisse avoir des effets pervers comme celui d'encourager la corruption. Cependant, l'interdiction de la déductibilité des charges illicites par l'ajout à la loi d'un article spécifique en la matière, comme c'est le cas au Canada, ne semble pas pour autant régler la question.

Effectivement, l'article 67.5 (1) L.I.R. s'applique uniquement à une catégorie limitée de paiements illégaux. Par exemple, certains paiements effectués par une entreprise dans le cadre d'activités illégales (paiement pour les fournitures, services, salaires, etc.) ne sont pas en tant que telles touchées et semblent continuer à être déductibles selon la jurisprudence en place. Ainsi, les dépenses d'un organisme de prostitution qui peuvent être confirmées par des pièces justificatives sont admises comme ayant été engagées dans le but de produire un revenu et sont déductibles59(*). De la même façon, les paiements illégaux effectués dans le cadre d'activités, qui sont elles légales (achat d'inventaires illégaux, services etc.) continueront à être déductibles à condition de ne pas être constitutifs d'une infraction spécifique mentionnée à l'article 67.5 (1) L.I.R. ou représenter un montant devant servir à un complot au Canada ou à l'étranger60(*). Donc, selon la jurisprudence, est déductible la dépense illégale facilitant une activité légale61(*).

Par conséquent, la France et le Canada se trouvent dans une position diamétralement opposée au regard de la déductibilité des dépenses illicites effectuées par les entreprises : en France la règle générale est la déductibilité des dépenses illicites tandis qu'au Canada elle semble être l'exception. Cette divergence semble se renforcée lorsque l'on aborde la question du traitement fiscal des amendes et pénalités.

B Le traitement fiscal des amendes et pénalités
a) L'évolution jurisprudentielle

Les systèmes fiscaux français et canadien ont tous deux eu à se pencher sur la controversée question de la déductibilité des amendes et pénalités. Les amendes et pénalités sont la conséquence d'actes illicites. À cet effet, elles se distinguent des charges illicites telles que les pots-de-vin et tous types de paiements illégaux. La jurisprudence française illustre bien cette différence dans le cas des amendes pénales : « Les amendes qui ont un caractère pénal ne peuvent venir en déduction du bénéfice imposable, « elles ne constituent pas une charge engagée dans l'intérêt de l'entreprise mais la conséquence subie d'un acte qui en lui-même était éventuellement conforme à l'intérêt de l'exploitation »62(*). La question à se poser est donc de savoir s'il est opportun d'admettre la déductibilité de montants payés à titre d'amende ou de pénalité ? Certes, si aujourd'hui au Canada, la Loi de l'impôt sur le revenu et, en France, le Code général des impôts, consacrent un article sur la non déductibilité des amendes et pénalités, l'évolution commune de ces deux législations diffère en de nombreux points.

Au Canada, l'évolution jurisprudentielle marquée par d'importants jugements, s'est échelonnée sur une trentaine d'années avant que le législateur n'intervienne de manière spécifique tandis qu'en France, l'article 39-2 C.G.I. qui prévoit la non déductibilité de certaines amendes et pénalités était issu pour l'essentiel d'une loi du 23 février 1942 avant d'être tout récemment modifié par la loi 2007-1822 du 24 décembre 2007. Antérieurement à 1976, les tribunaux canadiens refusaient généralement de permettre aux contribuables de porter leurs amendes et pénalités en déduction de leur revenu d'entreprisse63(*). La plupart d'entre eux rejetaient d'emblée la question en affirmant que la déduction des amendes et pénalités était à l'encontre de l'intérêt public. Durant de nombreuses années les tribunaux adoptaient un raisonnement à l'effet que permettre la déduction d'amendes et pénalités imposées à titre d'acte punitif ou dissuasif réduirait l'effet escompté et irait à l'encontre de l'ordre public64(*). Cependant, dans certains cas, les amendes ou pénalités imposées pour des infractions relativement mineures ont été considérées déductibles dans la mesure où elles résultaient des opérations journalières de l'entreprise, étaient indispensables ou inévitables et constituaient une dépense nécessaire. C'est ce qui en ressort de l'affaire Day & Ross (1976)65(*) lorsque le tribunal a donné au contribuable la permission de déduire des amendes versées au titre des contraventions de la route comme le poids excédentaire, la perte de plaque d'immatriculation etc.. Le tribunal a admis la déduction pour deux motifs : les amendes et pénalités avaient été imposées lorsque l'entreprise poursuivait ses activités commerciales (le critère d'objet) et les contraventions ne représentaient pas des violations outrageuses à l'intérêt public (le critère du caractère offensif)66(*). Cette affaire marque les premiers pas vers ce qui semble être une certaine ouverture de la part des tribunaux en ce qui a trait à la déductibilité des amendes et pénalités.

Ensuite, l'affaire TNT Canada inc. (1988)67(*) libéralise sensiblement la règle exposée en l'affaire Day & Ross. En effet, la Cour fédérale a rejeté les prétentions du ministre relativement à l'existence d'une politique générale rejetant l'admissibilité de toutes les amendes et pénalités dans le calcul du revenu d'entreprise. Le juge Cullen a déclaré : « (...) je constate qu'il n'existe aucune autorité adéquate pour une politique générale de rejet de la déduction de toutes les amendes et pénalités »68(*). Ainsi, le rejet de la politique générale contre la déduction des amendes constitue une nouvelle direction de la loi telle qu'elle était avant 1976. De telle sorte que la déduction des amendes et des pénalités n'est plus contraire à l'intérêt public. Mais, comme tout ne peut être claire du premier coup, le tribunal se réserve le droit de rejeter des dépenses en vertu de la règle générale de l'atteinte à l'intérêt public, sans toutefois élaborer sur les circonstances dans lesquelles il peut y avoir atteinte à cet intérêt.. Malgré une certaine évolution de la réflexion sur la question, le contribuable reste devant l'incertitude. Le critère de l'atteinte à l'intérêt public reste comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête du contribuable. Néanmoins, le tribunal reconnaît que son approche entraînera de l'incertitude quant à la loi, mais préfère l'incertitude de sa vague formulation à l'alternative qui est d'admettre la déduction de toutes les amendes et pénalités qui rencontrent le critère d'objet commercial et sont encourues dans le cadre de l'exploitation légale d'une entreprise.

À cette époque, en France, en l'absence de dispositions particulières dans le Code général des impôts, toutes les sanctions autres que celles relatives aux impôts et à la réglementation économique sont, en principe, déductibles. Cependant, ce principe trouve une limite dans la règle jurisprudentielle selon laquelle doit être refusée la déduction des amendes qui sanctionnent un manquement de l'entreprise à une disposition d'ordre public ou qui constituent une peine personnelle pour l'auteur de l'infraction69(*). Au Canada, à ce stade le tribunal reconnaît qu'il n'y a pas de principe général de non déductibilité mais hésite à pousser plus loin la réflexion et se contente d'adopter une solution intermédiaire. Il aura fallut l'avènement de l'affaire 65302 British Columbia Ltd. C. Canada (1999)70(*) pour que le tribunal pousse à terme la réflexion et adopte une position annonciatrice de changement. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a conclu que le prélèvement sur dépassement de quota payé par le contribuable à l'égard de ses poules pondeuses constituait une dépense déductible71(*). S'appuyant sur le texte de la Loi de l'impôt sur le revenu, la Cour conclut que le seul critère applicable consistait à déterminer si la dépense avait été encourue dans le but de tirer un revenu et que, dans un tel cas, à moins d'une disposition expresse à l'effet contraire, la dépense devait être déductible, le rôle des tribunaux n'étant pas de créer des distinctions là où la loi est silencieuse. Ainsi, la Cour détermina sur la base de la preuve versée au dossier que la décision du contribuable d'outrepasser son quota en était une purement commerciale, prise effectivement dans le but de gagner un revenu et puisque aucune disposition expresse n'empêchait sa déduction, cette dépense devait être déductible. En France, les tribunaux auraient peut-être affirmé qu'il s'agit là d'un acte illicite mais « normal », effectué dans l'intérêt de l'entreprise.

Dans l'affaire British Columbia, la décision prise par le producteur de dépasser son quota de production constitue un acte illicite (il a agit à l'encontre de la réglementation) à la suite duquel il a dû payer des taxes compensatoires. Toutefois, la Cour suprême a retenu qu'il s'agissait « d'une décision purement commerciale prise dans le but de gagner un revenu ». Afin de motiver la déductibilité des pénalités imposées, au même titre que le critère fondamental de l'acte normal de gestion est celui de l'intérêt de l'entreprise, le critère retenu a été celui de « décision prise dans le but de gagner un revenu ». À ce stade, l'analogie avec le droit fiscal français est intéressante. Il est à observer qu'en dépit de l'absence de la théorie de l'acte anormale de gestion en droit fiscal canadien, les tribunaux canadiens se sont appuyés sur un critère de base différent de celui de l'acte normal de gestion mais ayant la même finalité : permettre la déductibilité de la pénalité. Cependant, là s'arrête l'analogie car la position adoptée par la Cour72(*) dans l'affaire British Columbia Ltd. mettait en lumière une proposition devant enfin clarifier la situation : le législateur devait intervenir. La Cour suprême du Canada a rappelé aux autorités en place qu'à la faculté de légiférer se rattache la responsabilité de le faire d'une façon claire, elle a invité le Parlement à légiférer expressément de façon à rendre non déductibles les pénalités et amendes si telle était vraiment son intention.

b) L'interdiction de déduction par la loi

En France, malgré le fait que le législateur soit intervenu de manière spécifique, la déductibilité des amendes et pénalités relève d'une gymnastique entre le principe général de la déductibilité des charges exposées au 1 de l'article 39 du Code général des impôts et le principe de non déductibilité énoncé au 2 dudit article. Avant la modification toute récente au 2 de l'article 39 du code général des impôts, la déductibilité de certaines charges étaient expressément exclue73(*). Il s'agissait donc d'exceptions au principe général de déductibilité. L'article 39-2 du G.G.I. énonce que « les sanctions pécuniaires74(*) et pénalités75(*) de toute nature mise à la charge des contrevenants à des obligations légales ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt. Par conséquent, la situation semble étrange puisque deux principes généraux se confrontent. Effectivement, le fait par le législateur de ne plus énumérer expressément les charges non admises à déduction permet à l'expression « de toute nature » de prendre toute son emphase et ainsi d'élargir le champ d'application du 2 de l'article 39 du C.G.I.. Serait-ce l'évincement annoncé de la théorie de l'acte anormal de gestion en ce qui concerne la déductibilité de certaines amendes et pénalités ? En effet, étaient en principe déductibles les amendes et pénalités : qui n'étaient pas expressément visées par le 2 de l'article 39 du C.G.I. et qui, ne procédaient pas d'une gestion anormale telle qu'énoncée dans le 1 du même article. À cet effet, si l'intention du législateur est d'interdire la déductibilité des sanctions pécuniaires et pénalités « de toute nature », il semble inopportun d'envisager que le principe de la gestion normale interfère dans le processus décisionnel de ce que doit être une dépense déductible. Les modifications portées au 2 de l'article 39 C.G.I. sont récentes, il faudra qu'il s'écoule un certain temps avant d'en connaître les tenants et les aboutissants. Il est intéressant de constater que le même phénomène s'est présenté au Canada.

En l'espèce, les entreprises canadiennes n'auront pu profiter que de quelques années pour tenter de déduire les amendes et pénalités de leur bénéfice net. L'affaire British Columbia Ltd. a portée ses fruits et suite à celle-ci le législateur est intervenu par l'entremise de l'ajout de l'article 67.6 L.I.R.76(*) portant sur la non déductibilité des amendes et pénalités. De la sorte, l'article 67.6 L.I.R. vient réformer la décision rendue dans l'affaire British Columbia Ltd. en instaurant un régime général de non déductibilité des amendes et pénalités. Ledit article énonce que :

Aucune déduction ne peut être faite dans le calcul du revenu au titre de toute amende ou pénalité (sauf celles visées par règlement) imposées sous le régime des lois d'un pays ou d'une des subdivisions politiques - notamment un État, une province ou un territoire - par toute personne ou tout organisme public qui est autorisé à imposer pareille amende ou pénalité77(*).

De ce fait, l'article 67.6 L.I.R. propose que, sauf deux exceptions78(*), toutes les amendes et pénalités imposées par un gouvernement fédéral ou provincial, par une administration municipale au Canada ou par un pays étranger ne soient pas déductibles. Ceci comprend toutes les amendes et pénalités imposées par un gouvernement, une agence gouvernementale, un organisme réglementaire, une cour ou autre tribunal, ou toute autre personne qui a l'autorité légale d'imposer des amendes et des pénalités. Par conséquent, les pénalités imposées aux termes d'un contrat (par exemple, les pénalités pour exécution tardive) seront toujours déductibles si elles sont conformes aux règles générales de la Loi sur l'impôt et le revenu. Cependant, les pénalités qui ne sont pas assujetties aux restrictions de l'article 67.6 L.I.R. parce qu'elles sont visées par règlement ne sont pas nécessairement déductibles79(*).

En somme, il est simple de comprendre que la démarche de l'Administration fiscale est de rechercher le résultat comptable et qu'elle n'a pas la compétence pour se prononcer sur l'intention frauduleuse. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une illicéité objective, c'est-à-dire, ne supposant aucune appréciation particulière ni recherche d'un élément intentionnel, tel le versement d'un pot-de-vin pour obtenir un contrat, le juge fiscal devrait refuser la déductibilité des charges illicites. Admettre la déductibilité des charges illicites revient à faire supporter le poids de la réparation ou de la sanction par l'État et donc sur la collectivité des contribuables, tandis qu'il supprime le coût financier pour le contrevenant, ce qui est pour le moins curieux et peu à même d'inciter les citoyens à respecter les lois.

Enfin, en France comme au Canada, le législateur a opté pour un régime établissant un principe général de non déductibilité des amendes et pénalités. Le message lancé par les législateurs semble assez clair. Par conséquent, la place laisser à l'interprétation sera réduite. Néanmoins, comme il y a toujours des exceptions au principe, il faudra suivre avec attention les arrêts et décisions rendus sur le sujet.

TITRE II LA RÉPRESSION ET LA PRÉVENTION FACE À LA DÉDUCTIBILITÉ DES DÉPENSES ILLICITES

CHAPITRE II LA RÉPRESSION DE LA DÉDUCTIBILITÉ DES DÉPENSES ILLICITES EN DROITS FISCAUX FRANÇAIS ET CANADIEN

L'abus de droit et la fraude à l'impôt ne semblent pas pouvoir empêcher la déductibilité des dépenses illicites par le biais de l'acte normal de gestion (SECTION II). Toutefois, que ce soit en France ou au Canada, des mécanismes de répression en droits fiscal et pénal ont été mis en place pour contrer le déductibilité de dépenses illicites (SECTION I).

SECTION I Les mécanismes de répression des droits fiscal et pénal

En France et au Canada, les mécanismes de répression des droits fiscal et pénal en matière de déduction de dépenses illicites diffèrent. Toutefois, ces mécanismes se basent sur une même réalité, à savoir qu'il ne peut y avoir de sanction appliquée (B) sans avoir apporté la preuve du délit (A).

A Le fardeau de la preuve
a) Le pouvoir exorbitant de l'Administration fiscale française

Inévitablement, la question du fardeau de la preuve, soit à qui il revient de démontrer le bien-fondé des faits allégués au soutien de sa position, est inhérente à tout litige. À cet égard, le droit fiscal ne fait pas exception. La déductibilité des dépenses illicites pose un double problème à l'égard des exigences de la preuve. D'une part, la preuve matérielle du pot-de-vin est évidemment la plupart du temps inexistante. Aussi, il ne suffit pas d'inscrire en comptabilité certaines dépenses pour qu'elles soient automatiquement déductibles des résultats imposables. Ces dépenses doivent correspondre à une charge réelle et être appuyées de justifications suffisantes. Le plus souvent une facture en bonne et due forme servira de justification nécessaire et suffisante. Encore faut-il que l'on ne soit pas en présence d'une fausse facture. D'autre part, il peut être difficile pour l'Administration fiscale d'affirmer que le pot-de-vin n'a pas été versé dans l'intérêt de la société lorsque tous les éléments démontrent le contraire et que les conditions générales de déductibilité des dépenses sont rencontrées. En ce sens, la théorie de l'acte anormale de gestion permet à l'Administration fiscale de contrôler la déductibilité des dépenses effectuées par l'entreprise.

En effet, en matière d'acte anormal de gestion, seule l'Administration fiscale peut agir d'office. Elle a le pouvoir, mais uniquement pour le calcul de l'impôt d'écarter les actes anormaux de gestion. L'Administration fiscale est ainsi dispensée de recours judiciaire. Toutefois elle doit apporter la preuve que l'acte de gestion n'a pas été accomplit dans l'intérêt de la société comme il en est fait état dans cet arrêt :

La théorie de l'acte anormal de gestion est une exception au principe selon lequel le service ne peut contester les décisions de gestion prises par une entreprise. Elle constitue ainsi la limite au principe de la liberté de gestion des exploitants, limite qui trouve son fondement et sa justification dans le fait que la base imposable ne peut être artificiellement réduite par des écritures retraçant des dépenses qui n'ont pas été exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou témoignant d'une renonciation anormale à une recette. C'est la raison pour laquelle l'Administration qui entend se prévaloir de cette théorie doit, en principe, démontrer que l'acte de gestion a été accomplit dans l'intérêt exclusif d'un tiers et non dans celui de la société80(*).

Cependant, comme cette preuve est difficile à administrer, le législateur est intervenu. L'article 39-4 du C.G.I. a institué ce qui pourrait être appeler des actes anormaux par détermination de la loi81(*). Ledit article interdit la déduction, pour le calcul de l'impôt, de dépenses qui sont présumées présenter un caractère somptuaire. Par conséquent, l'Administration fiscale est ainsi déchargée du fardeau de la preuve. Cela rétablit en quelque sorte l'équilibre entre les parties. Dès lors, en France comme au Canada, le système d'auto cotisation et les spécificités du droit fiscal telle que la présomption de validité des avis de cotisation émis par le ministre du revenu national sont à l'origine de plusieurs questionnements relatifs au fardeau de la preuve : à savoir, à qui il revient, du contribuable ou du ministre, de l'assumer.

b) La présomption d'exactitude de la déclaration

Alors que dans un litige civil, les deux parties ont une connaissance personnelle des faits, le ministre n'a aucune connaissance personnelle des faits qui soutiennent une cotisation. Ces informations sont obtenues du contribuable ou de tiers au cours du processus de vérification. C'est pourquoi il est dit que le ministre base sa cotisation sur des présomptions de faits. Puisque le contribuable est celui qui a une connaissance personnelle des faits, c'est à lui que revient l'obligation de démontrer selon la balance des probabilités que les éléments sur lesquels s'appuie la décision du ministre ne sont pas fondés. Il est facile de comprendre que d'imposer au ministre le fardeau de démontrer l'existence de faits dont il n'a pas connaissance relève de l'impossible. Le contribuable peut se décharger de son fardeau de démontrer que la cotisation n'est pas fondée en établissant que le ministre n'a pas appuyé sa décision sur les faits allégués, que les faits allégués ne sont pas pertinents ou encore en détruisant les présomptions de faits du ministre. Les tribunaux canadiens ont confirmé qu'il appartient au contribuable dans le contexte d'un appel à l'encontre d'une cotisation d'établir selon la balance des probabilités, une preuve capable de soulever à tout le moins un doute sur le bien-fondé de la cotisation82(*). De même, en France, la charge de la preuve qui incombe à l'Administration fiscale, en vertu de la présomption d'exactitude de la déclaration, est aussi d'une portée limitée. En effet, il semble inexact de soutenir que l'ensemble de la déclaration se serait vu conférer une présomption d'exactitude. À vrai dire, pour les éléments que le contribuable entendra déduire, c'est lui qui alléguera avoir droit à cette déduction et la preuve lui reviendra sans qu'il puisse exciper d'une prétendue présomption d'exactitude de la déclaration. Cependant, la charge de la preuve de l'acte anormal de gestion s'avère délicate.

c) L'appréciation souveraine de l'Administration fiscale

En France, le juge administratif n'exerce qu'un contrôle a posteriori des actes anormaux de gestion83(*). Le renversement de la charge de la preuve par une juridiction (par exemple, une commission départementale) ne saurait contrevenir aux dispositions qui fixent l'attribution de cette charge. De plus, l'Administration n'est pas liée par les décisions des tribunaux judiciaires. Autrement dit, même si cela parait choquant au regard de la hiérarchie des normes, la jurisprudence du Conseil d'État n'est appliquée que sous réserve de l'appréciation souveraine de l'Administration fiscale84(*). Cela expliquerait en partie les divergences de position entre le Conseil d'État, l'Administration fiscale et la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Ce qui n'est pas sans compliquer la procédure au regard du fardeau de la preuve en matière d'acte anormal de gestion.

A cet égard, une décision rendue par le Conseil d'État datant du 7 novembre 1979 est explicite :

La circonstance que le juge pénal a relaxé les dirigeants d'une société du chef d'abus de biens sociaux n'implique pas que ceux-ci ont agi dans le cadre d'une gestion commerciale normale, dès lors que le juge pénal s'est fondé sur l'absence d'intention frauduleuse dans les actes incriminés des dirigeants mais n'a procédé à aucune constatation de fait de nature à établir que ces actes entraient dans le cadre d'une gestion normale au sens et pour l'application de la loi fiscale85(*).

d) La divergence de solutions entre le droit pénal et le droit fiscal en France

La divergence de solutions entre le droit pénal et le droit fiscal est plus nette lorsqu'il s'agit de se poser la question de savoir si un acte illicite est ou non contraire à l'intérêt de la société. Selon la Chambre criminelle de la Cour de cassation, une dépense illicite est contraire à l'intérêt social86(*). Pour sa part, le Conseil d'État apprécie au cas par cas si l'acte illicite heurte ou non l'intérêt social, et a estimé à plusieurs reprises qu'un acte illicite pouvait être conforme à l'intérêt de l'entreprise87(*). Dès lors, il semble plutôt fastidieux pour un dirigeant de société de comprendre cette curieuse alchimie judiciaire. Il serait opportun, ne serait-ce qu'au regard du principe de la sécurité juridique, que cet état des choses change. À cet effet, la situation qui prévaut au Canada semble attrayante.

e) La convergence de solution entre le droit pénal et le droit fiscal au Canada

Au Canada, puisque la Loi de l'impôt sur le revenu interdit la déductibilité des paiements illégaux et que, pour ce faire, elle fait référence au Code criminel, l'Administration fiscale ne pourrait accepter la déductibilité de telles dépenses, et ce même si les conditions générales de déductibilité étaient rencontrées. À ce propos, il faut souligner que le droit fiscal travaille de concert avec le droit pénal, ce qui n'est pas le cas en France. Certes, la logique qui prévaut en France repose sur le fait que le juge pénal examine l'intention frauduleuse, alors que l'Administration fiscale, elle, s'intéresse au résultat comptable. Cela est bien, mais de prévenir les infractions n'est-il pas mieux ? De plus, il semble approprié de se demander de quelle manière l'acte anormal de gestion pourrait concerner le droit pénal.

Bien sûr, au Canada, en matière d'infraction prévue par la loi, les règles générales de preuve et de procédure prévues par le Code criminel s'appliquent. Ainsi, il reviendra à la Couronne de prouver hors de tout doute raisonnable les éléments constitutifs de l'infraction de versement d'une commission secrète. Avant d'en arriver à cette étape, les inspecteurs de l'impôt auront certainement effectué un travail de vérification et d'enquête ardu. À cet égard, il est crucial en matière fiscale de faire la distinction entre une vérification et une enquête. Alors que la première a pour but de s'assurer du respect des lois fiscales, la seconde vise à traduire les fraudeurs devant la loi. Donc, en fonction de la nature du stratagème en question et des montants en cause, le rapport de vérification va servir de tremplin à une enquête. Par conséquent, il n'est pas évident pour le vérificateur de déterminer à quel moment un dossier devrait être envoyé aux enquêteurs. Par ailleurs, il sera intéressant de constater dans quelles circonstances l'article 67.5 L.I.R. sera appliqué.

Ceci dit, en France, le versement de pots-de-vin consiste également en une infraction sanctionnée par le Code pénal. De même, en droit pénal, le principe est que la preuve doit être rapportée par le parquet ou par la victime si elle se constitue partie civile. Ainsi, c'est la partie poursuivante qui doit établir les éléments constitutifs de l'infraction. D'ailleurs, de la garantie essentielle de la présomption d'innocence découle que, si un doute subsiste quant à la culpabilité du prévenu, la relaxe s'impose. En cas d'accusations retenues, la situation semble incohérente : les magistrats français reprennent en effet d'une main en matière pénale ce qu'ils donnent de l'autre en matière fiscale.

Cependant, la Chambre criminelle de la Cour de cassation semble renverser la charge de la preuve en posant une présomption de culpabilité du dirigeant dans le cas de prélèvements occultes. En effet, de deux décisions88(*), il ressort clairement que dès lors qu'il est établi que des fonds de nature sociale ont été prélevés clandestinement, c'est au dirigeant qu'il incombe de prouver qu'ils ont été employés pour le compte et dans l'intérêt de l'entreprise. Ainsi, il impartit au dirigeant de démontrer qu'il a utilisé la « caisse noire » dans l'intérêt commun de tous les associés. Il semble que dans cette situation, le dirigeant n'avait qu'à satisfaire aux exigences légales tracées par la loi comptable, qui impose non seulement une inscription des recettes et des dépenses, mais encore des justificatifs sérieux de la réalité des opérations. Dans cette perspective, la non immixtion dans la marche de l'entreprise étant le principe général, il en découle qu'il appartient à celui qui invoque la gestion anormale d'en justifier.

f) La preuve difficile de l'acte anormal de gestion

La gestion des entreprises doit être présumée normale. Mais de la loi fiscale, de la procédure d'imposition et de la nature des écritures comptables découlent d'autres règles de preuve. La charge de la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion a donné lieu à une jurisprudence abondante et complexe89(*) selon laquelle il n'incombe pas au contribuable de prouver que les avantages accordés lorsqu'il s'agit d'une écriture concernant l'actif du bilan sont des actes anormaux de gestion. Le contribuable est tenu des éléments de la preuve (d'acte normal de gestion) quand les écritures mises en cause par l'Administration fiscale concernent le passif du bilan. Selon les dispositions de l'article L 192 du L.P.F., la charge de la preuve du bien-fondé des redressements incombe, sauf cas particuliers, à l'Administration quel que soit le sens de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. La décision du Conseil d'État du 20 juin 2003 société Établissement Le Breton, semble faire le point en ce qui concerne la charge de la preuve devant le juge administratif en matière d'acte anormal de gestion :

En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive90(*).

En fait, lorsque l'Administration fiscale invoque le caractère anormal d'un acte de gestion à l'appui d'un rehaussement, elle doit apporter la preuve que cet acte n'a pas été accomplit dans l'intérêt du contribuable ou de la société. Toutefois, dans le cas où, du fait de la procédure d'imposition, le contribuable apporte la charge de la preuve, il doit démontrer l'intérêt que revêt pour lui ou la société l'opération contestée91(*). Cependant, par un arrêt de principe du 21 mai 2007 Sté Sylvain Joyeux92(*), le Conseil d'Etat est revenu sur cette exigence en établissant une véritable dialectique de la charge de la preuve. Dès lors, se pose la question de savoir si le contribuable établit suffisamment la validité de sa charge comptable par la production de la facture régulièrement émise. De telle sorte que si l'Administration fiscale entend contester la réalité ou l'intérêt social de cette charge, c'est à elle d'apporter des éléments en ce sens et non au contribuable de prouver le contraire. Cet arrêt semble être un rappel envers l'Administration fiscale de ne pas s'immiscer dans la gestion de l'entreprise vérifiée. Par ailleurs, la tâche du vérificateur des impôts est délicate en matière de recherche d'éléments de preuve. Néanmoins, il est à se demander si le cadre juridique actuel ne les restreint pas au niveau de leur pouvoir d'investigation.

Enfin, si en France les juges ferment les yeux sur la déductibilité fiscale des pots-de-vin, les dirigeants d'entreprises ne doivent surtout pas s'illusionner et croire que cette permissivité en droit fiscal les exonère de leur responsabilité en matière pénale. Bien au contraire, les sanctions sont doublement lourdes.

B Les sanctions
a) La personne morale

Indéniablement, en France, l'intérêt social, est une des notions fondamentales dans l'essence même de l'organisation et de la gestion de l'entreprise. Il est par ailleurs, très difficile de donner une définition satisfaisante de cette notion, car le législateur ne l'a jamais prévue. S'agit-il de l'intérêt de l'entreprise mère, de l'entreprise et ses filiales ou celui des associés ? Cette notion protéiforme de l'intérêt social est perçue différemment selon le juge pénal ou le juge fiscal, car ils n'ont pas la même finalité : d'un côté, le juge sanctionne au nom de la Société, de l'autre, le juge va tenter de réintégrer des sommes qui ont été inscrites en diminution du bénéfice imposable. Il est intéressant de constater que la France qui n'est pas comme le Canada un pays de Common Law se retrouve dans une situation ou la jurisprudence joue un très grand rôle et par surcroît est basée sur la notion de l'intérêt social qui demeure floue jusqu'à ce jour.

Dans un premier temps, la répression de l'acte anormal de gestion frappe la personne morale coupable. En effet, le préjudice subi par l'État, en raison de la déduction d'une charge anormale ou en raison d'une renonciation anormale d'un profit faite par l'entreprise, est corrigée par l'Administration fiscale, et par le juge administratif respectivement, par le refoulement de la charge anormale ou par la réintégration du manque à gagner. Le refus de l'Administration de la déduction d'une charge anormale est soit total, si la charge est considérée comme anormale dans son principe, soit partiel, si la charge est estimée en partie anormale dans son montant. Par exemple, les sommes versées par une entreprise (un pot-de-vin) à une collectivité municipale pour l'obtention d'un marché : pour caractériser cette prise en charges de dépenses, l'Administration et le Conseil d'État se posent la question de savoir si la dépense a été effectuée dans l'intérêt de l'entreprise ? De telle sorte, la charge sera considérée anormale ou non dans son principe. De même, l'exemple des rémunérations des dirigeants ou des salariés de l'entreprise est d'autant plus pertinent que le juge administratif procède à une double démarche : il recherche d'abord, l'existence de la contrepartie et, ensuite, son étendue. Ainsi, le juge administratif apprécie, tout d'abord, le travail effectif afin de voir si la charge n'est pas anormale dans son principe. Tel serait le cas si le dirigeant ou le salarié fournissait un travail fictif, du moins, non effectif. Ensuite, le juge administratif apprécie le caractère normal de la rémunération. Dans cette dernière recherche, il est amené à estimer la normalité de la charge dans son montant.

Dans un arrêt du 31 juillet 199293(*), le Conseil d'Etat a jugé que des commissions versées à des salariés d'entreprises clientes correspondaient à des charges déductibles « eu égard à leur montant qui n'était pas exagéré compte tenu de la contrepartie qu'en attendait la société ». Toutefois, l'article 1759 du C.G.I. pose des contraintes afin de bénéficier de cette faveur. Toute société soumise à l'impôt sur les sociétés qui verse de tels revenus à des personnes dont elle refuse de révéler l'identité à l'administration fiscale est passible d'une pénalité égale à 100% des sommes en cause. Ce montant est ramené à 75% si la société mentionne spontanément dans sa déclaration de résultat qu'elle a versé des rémunérations occultes, sans désigner pour autant les bénéficiaires. C'est à ce moment qu'entre en jeu les pseudos bureaux d'études destinés à blanchir les commissions occultes. Or, il ne faut pas confondre les infractions de nature criminelle prévue par la loi avec les pénalités.

Au Canada, la Loi sur l'impôt et le revenu traite des pénalités dans la section I de la partie I et des infractions aux articles 238 à 240 de la partie XV. Toutefois, la distinction n'est pas toujours facile à faire, car les actes du contribuable ou de l'entreprise qui constituent une infraction contiennent fréquemment des éléments qui justifieraient également l'imposition de pénalités. La loi prévoit cependant des allégements à cet égard. Ainsi, lorsqu'une personne a été déclarée coupable d'infraction sous l'article 239, elle n'encourre pas une pénalité prévue aux articles 162 et 163 à moins que cette pénalité lui ait été imposée avant qu'ait été déposée ou faite la dénonciation ou la plainte donnant lieu à la déclaration de culpabilité. L'arrêt La Reine c. Caseley94(*) a traité de l'application simultanée des articles 239 et 163, en établissant qu'elle n'équivalait pas à être poursuivi deux fois pour la même infraction, comme l'empêche le paragraphe 11(h) de la Charte canadienne des droits et libertés. En effet, en appliquant les critères établis par la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Wigglesworth95(*), il faut distinguer les articles 239 et 163, puisque le premier traite d'une infraction criminelle tandis que l'autre ne vise qu'une pénalité administrative. De la sorte, l'application de l'article 67.5 L.I.R. dans le cas de versements de pots-de-vin pourra entraîner des pénalités de nature pénales, administratives et l'accusation à une infraction criminelle pour le dirigeant de l'entreprise. .Pour sa part, le redressement d'actes anormaux de gestion entraîne un phénomène de double taxation. Cette sanction lourde semble justifiée lorsque l'acte anormal de gestion a été animé par une intention coupable. Dans ce dernier cas, l'acte anormal de gestion constitue probablement un abus de biens sociaux.

b) Le cumul des sanctions

La répression en matière d'acte anormal de gestion tend à redresser une gestion anormale de l'entreprise. Donc, en principe, aucun cumul de sanctions ne semble possible. Pourtant, dans le cas où, à partir des même faits, un acte anormal de gestion est reproché à l'entreprise et un délit d'abus de biens sociaux est retenu contre un de ses dirigeants, ce dirigeant pourrait être imposé sur le montant de l'avantage injustifié qui lui a été octroyé et être condamné à une sanction pénale. Dans les cas où l'article 1759 du C.G.I. trouve à s'appliquer, les dirigeants de l'entreprise sont solidairement responsables du paiement de la pénalité (égale à 100% des sommes versées ou distribuées) qui est établie et recouvrée comme en matière d'impôt sur le revenu. En ce qui concerne le « bénéficiaire complice » de l'acte anormal de gestion, il peut être soit une personne physique, soit une personne morale. D'une manière générale, le bénéficiaire de l'acte anormal de gestion est imposé sur le montant de l'avantage injustifié qui lui a été octroyé. Par contre, si l'avantage s'est traduit par une économie de charges pour le bénéficiaire - ce qui a corrélativement entraîné une augmentation des bénéfices imposables - l'Administration ne taxe pas cet avantage une deuxième fois.

Or, comme il l'a été exposé précédemment, le redressement d'un acte anormal de gestion aboutit à une double taxation. Donc, il est envisageable de considérer que le redressement du dirigeant a un caractère de sanction fiscale. Dans cette perspective, il y aurait un cumul de sanctions fiscales et pénales. Si ce raisonnement ne suit pas avec rigueur l'orthodoxie juridique, le résultat du précédent cumul ne semble pas conforme à la règle non bis in idem. Cependant, selon une décision du 20 juin 199696(*), cette règle de droit ne trouve à s'appliquer que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif. Par ailleurs, les versements occultes sont réintégrés dans le bénéfice imposable lorsqu'ils sont découverts. Lorsqu'au cours d'un contrôle, l'Administration fiscale découvre l'existence de rémunérations ou de distributions occultes, elle rehausse le bénéfice imposable de la société (articles 238 et 240 du C.G.I.). Par conséquent, les entreprises perdent le droit de déduire de leurs résultats imposables les commissions, honoraires et autres rémunérations de même nature qu'elles n'auraient pas déclarés à l'Administration fiscale. Enfin, il faut garder à l'esprit que l'Administration fiscale française peut contester la réalité ou la sincérité de l'acte juridique passé qui a pour but de faire échapper à l'impôt des sommes normalement imposables.

SECTION II L'abus de droit et la fraude fiscale

Ni l'abus de droit (A) ni la fraude fiscale (B) ne semblent être efficaces pour contrer la déductibilité des dépenses illicites par le biais de l'acte normal de gestion.

A Les limites de l'acte anormal de gestion
a) La notion d'abus de droit en droit fiscal français

Malgré le fait que les dirigeants d'entreprises bénéficient d'une grande liberté de gestion, celle-ci ne saurait être sans borne. Les limites de la liberté de gestion sont dictées par l'intérêt national, la loi, ou rappelées par la doctrine administrative et la jurisprudence. L'existence d'un principe absolu de la liberté de gestion des entreprises irait, sans contredit, à l'encontre des intérêts financiers et de sécurité de l'État. Ceci dit, la déductibilité possible de pots-de-vin en France n'est-elle pas l'illustration parfaite d'un système juridique qui ne réussit pas à imposer des limites ? Surtout, lorsque l'on constate que ni l'abus de droit ni les délits d'évasion ou de fraude fiscale ne peuvent être invoqués par l'Administration afin d'enrayer la déductibilité de certaines dépenses illicites.

Tout d'abord, il est à souligner que l'abus de droit des juristes n'est pas celui des fiscalistes. Pour les premiers, c'est l'art d'« exercer son droit sans intérêt pour soi même et dans le seul dessein de nature à autrui97(*). Au contraire, pour les seconds, l'abus de droit est un opération intéressée. Il s'agit, par un procédé juridique et fiscal, de ne pas payer ou de payer moins d'impôts. L'abus de droit ne pénalise donc pas l'entreprise, au contraire de l'acte anormal de gestion. Bien qu'elle ait reçu une traduction législative, la notion d'abus de droit reste avant tout d'essence jurisprudentielle. Le Conseil d'État a contribué à en forger la théorie, notamment par un arrêt de Plénière du 10 juin 1981, confirmé par un avis d'Assemblée du 8 avril 1998, Société de distribution de chaleur de Meudon et Orléans98(*). L'article L64 du L.P.F. permet à l'Administration fiscale de contester la réalité ou la sincérité de l'acte juridique passé qui a pour but de faire échapper à l'impôt des sommes normalement imposables. Toutefois, la frontière est ténue entre l'acte licite qui, tout en concrétisant une opération, permet de diminuer le montant de l'impôt, et l'acte illicite qui n'avait d'autre but que de réduire ou d'éliminer l'impôt. Conséquemment, si l'acte dissimule la véritable finalité d'un contrat dans le seul but d'échapper à l'impôt ou d'en réduire son montant, l'Administration fiscale est donc en droit de restituer sa véritable finalité à l'opération litigieuse. L'Administration fiscale peut alors entamer une procédure en invoquant l'abus de droit qui lui permettra de rendre à l'opération son véritable caractère fiscal.

b) La requalification de l'acte

Dans ces hypothèses, l'Administration fiscale peut restituer à un acte juridique effectué par un contribuable sa véritable nature, appréhender la nature réelle de l'acte et en tirer les conséquences fiscales qui s'imposent. Comme l'a observé M. Cozian, « La répression de l'abus de droit se traduit par une déqualification (celle de la portée apparente de l'acte) suivie d'une requalification (celle de la portée réelle de cet acte) »99(*). Ce double mouvement de « déqualification-requalification » illustre la possibilité offerte à l'Administration de remettre en cause, contrairement à la théorie de l'acte anormal de gestion, la nature juridique d'un acte réalisé par l'entreprise. Par ailleurs, il est également possible de les opposer sur un autre point : l'acte anormal de gestion, conclu en contravention avec l'intérêt social, appauvrit indûment l'entreprise et enrichit corrélativement un tiers. À l'inverse, l'abus de droit enrichit fiscalement l'entreprise puisqu'il se traduit par une économie d'impôt ; il est alors difficile de considérer qu'il est contraire à l'intérêt social. Comme il a été mentionné auparavant, bien que l'Administration ne soit pas autorisée à s'immiscer dans la gestion des entreprises, elle peut cependant, conformément à une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, remettre en cause les dépenses qui ne se rattacheraient pas à une gestion normale ou n'auraient pas été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise. Dans ce cadre, la limite au principe de liberté de gestion des entreprises est l'acte anormal de gestion.

c) L'abus de droit et l'acte anormal de gestion

Ainsi que le notait M. Racine, Commissaire du gouvernement, à propos de l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 juillet 1984100(*), l'acte anormal de gestion ne peut pas se confondre avec l'abus de droit : celui-ci, d'après la définition devenue classique qu'en a donné l'arrêt d'Assemblée Plénière du 10 juin 1981, se définit comme : « soit un acte fictif, soit un acte qui n'a pu être inspiré par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supporté eu égard à sa situation et à ses activités réelles »101(*). Par conséquent, si l'on fait abstraction du caractère frauduleux qui se rattache à l'abus de droit, il faut alors reconnaître qu'un abus de droit, dès lors qu'il a pour seul objet de minimiser l'impôt, est un acte normal de gestion ou, tout au moins, un acte conforme à un certain intérêt social. En ce sens, pourquoi les charges illicites ne pourraient-elles pas être déductibles puisque la société cherche de manière légitime à minimiser ses impôts ?

De même que la théorie de l'acte anormal de gestion est venue apporter des limites au principe de non immixtion de l'Administration fiscale dans la gestion des entreprises, la théorie de l'abus de droit est venue limiter le principe de liberté des choix fiscaux par le contribuable. La jurisprudence française a souvent eu l'occasion de rappeler le principe du libre choix de la voie la moins imposée. Cependant, l'habileté fiscale ne doit pas dégénérer en fraude. Compte tenu de la définition qu'en a donné la jurisprudence, l'article L64 du L.P.F. ne fait que reprendre, tout en instituant des garanties pour le contribuable, les principes généraux du droit qui sont la théorie de la simulation et la théorie de la fraude à la loi. Aussi, l'abus de droit ne constitue pas une simple intention frauduleuse. Il suppose une intention de dissimulation et un véritable montage, apparemment régulier. De la sorte, sont visés les actes à caractère fictif ou non fictif, réalisés dans le but exclusif de se soustraire à l'impôt. Enfin, le champ d'application de l'abus de droit est limité (art. L. 64 du L.P.F.)102(*).

d) L'abus de droit avec ou sans simulation

Classiquement, l'abus de droit par simulation se distingue de l'abus de droit par fraude à la loi. C'est cette seconde branche de la théorie de l'abus de droit qui peut être soumise à certaines critiques : comment reprocher à un chef d'entreprise la gestion fiscale la moins onéreuse ? L'abus de droit ne viole aucune prescription légale, sa qualification restera toujours en partie subjective. D'ailleurs, le Code général des impôts ne mentionne pas l'abus de droit, il ne figure explicitement qu'à l'article L64 du L.P.F. La pratique distingue cependant deux types majeurs de manipulations juridiques : la simulation et la fraude à la loi. D'une part, il s'agit de dénoncer les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention. L'exemple le plus courant étant la dissimulation d'une donation déguisée en vente. D'autre part, il s'agit de démontrer qu'il y a eu une volonté expresse d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait normalement supportées. À cet égard, les crédits d'impôt fictifs constituent un exemple de but exclusivement fiscal.

Par ailleurs, l'abus de droit sans simulation est une question délicate pour l'Administration fiscale. Ainsi, en l'absence de simulation et en cas de fraude à la loi, il n'y a aucun acte fictif. Toutes les opérations sont juridiquement correctes, aucun texte fiscal n'est donc violé. Or, la société qui inscrit à son bilan des montants se référant à une charge illicite n'use d'aucune stratégie de simulation pas plus qu'elle n'agit dans un but exclusivement fiscal. Donc, l'abus de droit ne peut être utilisé par l'Administration pour sévir vis-à-vis la société qui agit de telle sorte. Bizarrement, selon le droit fiscal français, le versement de pots-de-vin est certainement un acte illicite mais sa déductibilité ne consiste pas en un acte frauduleux. Le Conseil d'État a repris dans plusieurs arrêts récents très importants103(*) la définition de fraude à la loi dégagée dans l'arrêt Janfin104(*) et l'a appliqué à l'abus de droit prévu à l'article L64 du L.P.F.. Il ressort de ces arrêts que la définition légale de l'abus de droit est identique à celle de la fraude à la loi, retenue en dehors du champ d'application de cet article. Toutefois, la déductibilité de certaines dépenses illicites ne saurait constituer une fraude car aucune loi ne l'interdit. Ainsi, la notion de l'abus de droit ne rejoint, ni la définition donnée pas l'Agence du revenu du Canada de la planification fiscale abusive105(*) ni celle de l'évitement fiscal.

e) L'évasion et l'évitement fiscal

Au Canada comme en France, l'évasion fiscale est le fait d'ignorer délibérément une partie précise de la loi. Par exemple, les personnes se livrant à l'évasion fiscale peuvent ne déclarer qu'en partie des recettes imposables ou demander des dépenses non déductibles ou surévaluées. Ces personnes peuvent également tenter d'éviter de payer des impôts en refusant volontairement de se conformer aux exigences légales en matière de déclaration. Par ailleurs, l'évasion fiscale, contrairement à l'évitement fiscal, a des conséquences sur le plan criminel. En effet, les fraudeurs fiscaux peuvent être poursuivis devant la Cour criminelle.

L'évitement fiscal est le résultat de mesures prises pour réduire au minimum l'impôt et qui, bien que conformes à la lettre de la loi, vont à l'encontre de l'objectif et de l'esprit de la loi. L'article 245 L.I.R contient la règle générale anti-évitement introduite dans le cadre de la réforme fiscale. Il s'agit d'une mesure de dernier ressort, applicable après toutes les autres dispositions de la loi. Cette règle vise, selon le ministre des Finances du Canada, à réduire ce que la Cour suprême du Canada a décrit de manière succincte dans l'affaire Stubart Investments Ltd. c. La Reine (1984)106(*) comme « l'effet incessant d'action et de réaction produit par des mesures fiscales complexes et précises qui visent des pratiques commerciales compliquées d'une part et la réaction inévitable, experte et tout aussi spécialisée du contribuable »107(*).

De manière générale, cette disposition prévoit, au paragraphe 245 (2) L.I.R., qu'en cas d'opération d'évitement, les attributs fiscaux d'une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances, indépendamment de l'opération d'évitement. Une opération d'évitement est une opération qui entraîne un avantage fiscal pour le contribuable au sens du paragraphe 245 (1) L.I.R., soit une réduction, un évitement ou un report d'impôt ou d'un autre montant payable en application de la loi. L'alinéa 245(3)a) et le paragraphe 245(4) L.I.R. limitent la portée très large des termes employés au paragraphe 245(2) L.I.R. L'alinéa 245(3)a) L.I.R. précise qu'une opération dont, en l'absence de l'article 245 L.I.R., découlerait directement ou indirectement, un avantage fiscal, est une opération d'évitement, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables autres que l'obtention de l'avantage fiscal. La plupart des transactions commerciales, familiales ou de placements sont de ce fait exclues du champ d'application de l'article 245 L.I.R.. Enfin, le paragraphe 245(4) L.I.R. est la disposition la plus importante de l'article 245 L.I.R.. Il exempte de son application une opération d'évitement, même lorsqu'un avantage fiscal en découle, directement ou indirectement, s'il est raisonnable de considérer que l'opération n'entraîne pas, directement ou indirectement, un abus eu égard à l'ensemble des dispositions de la loi.

L'ajout d'un tel article au Code général de l'impôt serait-il une solution pour déjouer la possibilité de déduire les dépenses illicites par l'entremise de la théorie de l'acte anormal de gestion ? Tout porte à croire que cela ne représente pas une solution efficace. En effet, la déductibilité des dépenses illicites ne s'inscrit pas dans le contexte de l'évitement fiscal. À moins qu'il ait été prouvé le contraire, le dirigeant qui inclut une dépense illicite au bilan de l'entreprise le fait curieusement en toute bonne foi, à l'intérieur d'un contexte commercial. Il ne cherche pas directement ou indirectement à retirer un avantage fiscal, il se soumet simplement à l'obligation comptable de déclarer toutes les dépenses engagées par l'entreprise. Par conséquent, il semble évident que l'Administration fiscale française se doit de réagir en adoptant une position ferme face à la situation car elle ne peut se permettre d'encourager la corruption.

B Les possibilités de diminution de la corruption par le délit de fraude fiscale

a) Le versement de pots-de-vin, un délit de corruption

La corruption est universelle et elle se pratique tant du côté de l'offre que de la demande. Malgré le fait qu'il est reconnu que la corruption présente une menace à la règle de droit, à la démocratie et aux droits de la personne, qu'elle mine la saine gestion des affaires publiques et privées, qu'elle freine le développement économique, il ne lui est attribuée toutefois pas de définition unique. La plus courante, celle de la Banque mondiale (BIRD), énonce que la corruption est « l'abus d'une charge publique en vue d'obtenir un avantage privé ». Par conséquent, cette définition laisse entendre que la corruption est un problème relevant surtout du domaine public. En revanche, la définition donnée récemment par le Conseil de l'Europe en élargit la portée au secteur privé :

La corruption (...) comprend les commissions occultes et tous autres agissements qui impliquent des personnes investies de fonctions publiques ou privées, qui auront violé indépendant ou d'une autre relation de ce genre, en vue d'obtenir des avantages illicites de quelque nature que ce soit, pour eux-mêmes ou pour autrui108(*).

Ainsi, la corruption englobe un ensemble d'activités illicites (malversation, fraude, extorsion) qui sont, par définition, assujetties aux lois - efficaces ou non -, auxquelles s'ajoutent des activités (favoritisme, trafic d'influence, etc.) qui, elles, sont mal ou aucunement définies par la loi.

Tout d'abord, la corruption se caractérise par le fait que les deux parties en cause y prennent part. Car, si l'une d'entre elles est dissuadée d'agir, le marché ne se conclura pas. Le versement de pots-de-vin s'apparente à la corruption sauf que, dans ce cas, c'est le représentant public ou qui est à l'origine de l'échange et demande de l'argent ou d'autres rétributions du public pour remplir ou ne pas remplir ses fonctions officielles. Au Canada, la corruption et les pots-de-vin relèvent du même article du Code criminel (article 121 ) et il est parfois difficile de les distinguer..

Ensuite, le Code criminel de certains pays (c'est le cas pour la France, au Canada les termes directe et indirecte étant employés) distingue la corruption « active » de la corruption « passive ». La première implique d'offrir ou de chercher à obtenir de l'argent, une garantie ou un avantage en contrepartie de services rendus. La corruption est « passive » lorsque quelqu'un reçoit un cadeau, argent, garantie ou avantage pour lequel il accepte d'abuser de sa charge en vue d'avantager la personne qui est à l'origine de la tractation. La corruption « active » est sanctionnée en ces termes par l'article 433-1 du Code pénal français :

Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif (...), qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat.

En fait, ce texte ne concerne pas que le corrupteur actif, il vise également le dirigeant de société obligé de passer à la caisse, puisqu'est puni des mêmes peines le fait de céder à l'une des personnes susvisées. La corruption « passive » ne sanctionne certes que la personne corrompue mais le dirigeant d'entreprise risque d'être poursuivi pour complicité.

Cela est connu, le secteur privé n'est pas moins concerné par le phénomène de la corruption, ainsi que l'ont notamment souligné les Etats membres de l'Union européenne, dans une décision-cadre du 22 juillet 2003109(*) aux termes de laquelle il est rappelé que la corruption introduit une distorsion de la concurrence et représente un obstacle à un sain développement économique. Cette décision-cadre prévoit notamment d'ériger en infraction pénale les actes de corruption active et passive effectués délibérément dans le cadre des activités professionnelles et de permettre la mise en cause de la responsabilité des personnes morales. La France a donc été conduite à adapter son droit interne en créant une infraction générale de corruption dans le secteur privé, introduite dans le Code pénal par la loi n° 2005-750 du 4 juillet 2005 portant sur diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice. Malheureusement, il n'existe pas au Canada une telle disposition. Néanmoins, le dirigeant d'entreprise qui verse un pot-de-vin pourra faire l'objet d'accusation pour l'infraction de versement de commissions secrètes paraissant à l'article 426 (1) du Code criminel.

Fait intéressant, en France, le secteur privé est défini aux articles 445-1 et 445-2 du Code pénal110(*) par opposition au secteur public. Ainsi, s'expose aux sanctions du délit de corruption dans le secteur privé, toute personne « qui, sans être dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque ». Par ailleurs, les deux nouvelles incriminations des articles 445-1 et 445-2 du Code pénal reprennent la distinction traditionnelle entre corruption passive et corruption active. De même, un avantage offert par corruption se qualifie de « détournement » alors qu'on appelle « extorsion » un avantage exigé par le même moyen. En général, la personne qui soudoie est celle perçue comme la partie active et le fonctionnaire, la partie passive. En réalité, dans bien des circonstances, la situation est inversée. De plus, cette distinction entre corruption active et corruption passive, entre l'extorsion et le versement de pots-de-vin, est assez dénuée de sens puisque les tractations nécessitent de toute manière l'accord des deux parties. Il est donc plus utile de se demander si la personne qui a reçu un avantage en échange de paiement y avait légalement droit.

Dès lors, en ce qui a trait à la déductibilité des dépenses illicites, il ne s'agit plus de se positionner sur le terrain de l'intérêt social mais sur celui de la légalité. De cette façon, un acte effectué dans l'intérêt de la société ne devrait pas être illégale. Dans un arrêt du 27 octobre 1997, la Cour de cassation énonce que :

Quels que soient les avantages à court terme qu'elle procure, l'utilisation des fonds sociaux est contraire à l'intérêt de la société lorsqu'elle a pour seul objet la commission d'un délit et qu'elle expose la personne morale au risque anormal de sanctions pénales ou fiscales et porte nécessairement atteinte à son crédit et à sa réputation.111(*).

Par ailleurs, pour la Cour de cassation, « à moins qu'il ne soit justifié de leur utilisation dans le seul intérêt de la société » (ce qui n'est donc désormais pas le cas s'il s'agit de verser un pot-de-vin) « les fonds sociaux prélevés de manière occulte par les dirigeants l'ont été nécessairement dans leur intérêt personnel »112(*). Reste à voir si les juges continueront à combattre la corruption par l'infraction d'abus de biens sociaux ou si l'adoption du nouvel article 445-1 du Code pénal remettra les pendules à l'heure. Il apparaît inadéquat, dans un contexte de lutte contre la corruption, que l'Administration fiscale admette la déductibilité de dépenses illicites sous le couvert de la théorie de l'acte anormal de gestion.

En France, le droit pénal semble prendre les dispositions nécessaires pour combattre la corruption de manière plus efficace. Qu'en est-il du droit fiscal ? Pourquoi continue-t-il à admettre la déductibilité des dépenses illicites tel que les pots-de-vin ? Le combat contre la corruption est celui de tous les domaines du droit. En ce sens, un revirement de la jurisprudence du Conseil d'État est souhaitable. Par ailleurs, au Canada, l'interdiction de la déductibilité des paiements illégaux énoncée à l'article 67.5 L.I.R. ne prévient certes pas à lui seul la corruption. Toutefois, cet article de loi à comme avantage d'envoyer un signal cohérent aux dirigeants d'entreprises : ni le droit pénal ni le droit fiscal n'admet la déductibilité de pots-de-vin. De telle sorte que le contribuable canadien qui ne respecte pas l'article 67.5 L.I.R. risque de commettre un délit de fraude fiscale.

b) L'infraction de fraude fiscale

Le Code général des impôts ainsi que la loi sur l'impôt et le revenu ne mentionnent pas, à proprement parler, une infraction de fraude fiscale. En France, le délit de fraude fiscale est défini à l'article 1741 du C.G.I. qui punit « quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement partiel de l'impôt », tandis qu'au Canada, on retrouve plutôt un ensemble d'infractions regroupées sous certains paragraphes. Ces dispositions couvrent plusieurs actions ou omissions ayant une connotation frauduleuse, tel que le fait de faire des déclarations fausses ou trompeuses, le fait de faire des inscriptions fausses ou trompeuses à l'intérieur des livres et registres, le fait d'éluder volontairement le paiement d'un impôt. Selon le Ministère du revenu canadien, la fraude fiscale est le fait de poser un acte sciemment, intentionnellement en toute connaissance de cause, dans le but de tromper le Ministère, permettant ainsi de réduire les droits à payer ou à remettre ou d'obtenir un remboursement indu113(*). La fraude vise aussi la conspiration ou la complicité de commettre un tel acte. Que ce soit en France ou au Canada, il y a fraude lorsqu'un contribuable, de façon délibérée, viole les prescriptions de la loi fiscale. En somme, la fraude est la volonté de se soustraire à l'impôt normalement dû en recourant à des procédés illégaux. Elle est donc déterminée par trois éléments cumulatifs : l'irrégularité de l'opération et la mauvaise foi du contribuable, dans le but de réaliser une économie d'impôt. Aussi, la fraude fiscale est concrète pour l'Administration fiscale. Elle aboutit à la dissimulation de tout ou partie de la base imposable ; il y a donc un manque à gagner pour le Trésor public. Donc, s'agissant d'une infraction, l'Administration doit s'assurer de retrouver l'élément matériel et l'élément intentionnel constitutifs de la fraude.

c) L'élément matériel et intentionnel de la fraude fiscale

L'élément matériel consiste donc à augmenter les charges et/ou à réduire les recettes de l'entreprise. Cet élément matériel, comme nous l'avons vu précédemment, doit cependant être démontré par les services des impôts en cas de contrôle. Plus difficile à prouver, l'élément intentionnel revêt une grande importance car il ne pourrait y avoir fraude en l'absence d'une intention frauduleuse. L'infraction est constituée lorsque le contribuable à qui l'on reproche la fraude l'a fait de manière délibérée, de manière intentionnelle. À ce niveau, il y a lieu de faire la différence (comme l'a du reste fait le Code général des impôts français) entre l'acte volontaire, donc frauduleux et l'acte involontaire. Il s'agit alors de distinguer, dans l'application de la loi fiscale, la bonne ou la mauvaise foi du contribuable, la bonne foi étant l'erreur involontaire (on parle également de simple erreur) et la mauvaise foi étant l'acte frauduleux. Cependant, il n'est pas nécessaire de rechercher si, en dehors de l'infraction proprement dite, le contribuable à eu recours à des manoeuvres destinées à tromper l'Administration114(*). La difficulté à l'égard de la déductibilité des dépenses illicites réside dans le fait qu'aucune fraude n'est commise.

d) La difficulté de cerner la fraude fiscale

La complexité de la fraude fiscale relève du fait qu'elle possède plusieurs facettes. Il s'agit de cerner convenablement l'ensemble des comportements de fraude qui, tendant à minorer l'impôt, reposent sur des sous-estimations de prix ou de recettes et des surestimations de charges déductibles, ainsi que sur des dissimulations totales ou partielles d'activités lucratives ou d'éléments du patrimoine. Il faut donc comprendre que, de par cette approche, la déductibilité des dépenses illicites ne peut être sanctionnée par le délit de fraude fiscale. C'est pourquoi, l'ajout d'un article de loi au Code général des impôts interdisant la déductibilité des paiements illégaux semble être une solution judicieuse. Car, on ne peut ignorer ce que la loi interdit (nemo censetur ignorare legem). À partir du moment où la loi interdit la déductibilité des paiements illégaux, ne faut-il pas être de mauvaise foi pour inclure ces derniers à sa déclaration d'impôt ? Plus, ne pourrait-il pas y avoir fraude ? Il ne faut pas être naïf, la loi interdit une multitude de choses et cela n'empêche pas le contribuable d'aller à son encontre. Toutefois, dans un contexte qui est celui de la lutte contre la corruption, il semble indiqué de prendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir son étendu. Cela doit commencer par l'adoption de lois sur le plan interne. Encourager des comportements illicites par le biais de la déduction fiscale, n'est certes pas le meilleur service à rendre aux entreprises, « tout comme il est faut de penser que les encourager à céder à la corruption dont elles peuvent être victimes est conforme à long terme à leur intérêt : il faut se garder du fétichisme économique ambiant auquel paraît céder le Conseil d'État. » 115(*)

Par conséquent, il semble que l'application de la théorie de l'acte anormal de gestion au regard de la déductibilité de dépenses illicites, tels que les pots-de-vin, soit un non sens au point de vu moral et juridique. Enfin, si la théorie de l'acte anormal de gestion est garante de la protection de l'intérêt de l'exploitation commerciale, elle ne doit pas, par un effet de ricochet, aller à l'encontre des intérêts de l'État.

CONCLUSION

Tout d'abord, dans le secteur privé, il semble que le monde de l'entreprise ne s'accommode pas de la corruption, et ce pour plusieurs raisons. La première est que le versement de commissions et les pratiques corruptives créent un surcoût pour l'entreprise et handicapent cette dernière. De plus, les actes délictueux font peser sur les sociétés des risques considérables : d'une part des risques juridiques, mais aussi des risques commerciaux ou de réputation. Dès lors, permettre la déductibilité de dépenses, sans prendre en compte leur caractère illicite, semble aller à l'encontre des idéaux d'une société prônant une éthique des affaires et s'engageant dans un combat contre la corruption. Par ailleurs, que ce soit en France ou au Canada, l'Administration fiscale ne doit pas jouer un rôle de moralisateur auprès des entreprises. Ainsi, en France, l'acte anormal de gestion est souvent critiqué par les praticiens car pour eux, les vérificateurs l'utilisent alors qu'ils ne maîtrisent pas dans la globalité la gestion de l'entreprise. Aussi, l'intérêt social considéré par l'Administration fiscale a toujours été emprunt d'un certain opportunisme. Se méfiant de certaines charges venant réduire en une peau de chagrin le bénéfice imposable, l'Administration fiscale s'est alors trouvée un nouveau rôle de protecteur des intérêts de l'entreprise.

Cela étant, l'état actuel du droit en France démontre que le caractère illicite de la dépense n'a pas d'influence sur sa déductibilité si l'identité du bénéficiaire est connue, qu'il existe une preuve de la réalité du service rendu et que la dépense a été effectuée dans l'intérêt social. Par ailleurs, il paraît insensé de se poser la question de savoir si la dépense illicite a été engagée dans l'intérêt social. Ainsi, comme il en est au Canada, dès que la dépense est illicite, elle ne devrait être déductible, et ce même dans le but de gagner un revenu ou, parallèlement, même si elle a été effectuée dans l'intérêt de l'entreprise. Par conséquent, il paraît évident que les divergences de traitements des dépenses illicites créeront des différends au niveau international. Effectivement, si la France admet la déductibilité de certaines dépenses illicites, cela n'équivaut-il pas à encourager ses entreprises à commettre des délits afin de se voir octroyer des contrats ou des parts de marché sur le plan international ? Cela pourrait, à la limite, se traduire comme étant de la fausse concurrence. Subsidiairement, comment expliquer la divergence de traitement qui existe entre le droit pénal et le droit fiscal en France ? Il semble qu'il soit temps pour l'Administration fiscale de prononcer son mea culpa de l'acte anormal de gestion.

Ensuite, ce qui peut sembler désolant, c'est que la théorie de l'acte anormal de gestion a toujours été floue étant donné qu'elle s'est développée sur des cas d'espèce et selon la subjectivité des juges, ce qui va à l'encontre de la sécurité juridique. De même, la notion de l'intérêt social, clé de voûte de l'acte anormal de gestion, demeure la problématique majeure : il n'existe pas de définition positive. Dès lors, il ne semble pas raisonnable de laisser aux juges le soin de définir l'intérêt social puisque le législateur ne l'a jamais prévu. Par conséquent, ce sont les entreprises qui doivent définir leur propre intérêt social. Par ailleurs, l'adoption d'un article de loi interdisant la déductibilité des paiements illégaux permet de tracer des limites entre lesquelles l'intérêt social pourrait se définir. Ainsi, comme le disait Montesquieu, « pour que l'on ne puisse pas abuser de pouvoir, il faut que par disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Ceci dit, il semble que les critères employés pour caractériser l'acte anormal de gestion ne reposent pas sur des critères objectifs.

Enfin, le Conseil d'État ne devrait-il pas, non plus se placer du côté de l'entreprise, mais mettre en avant de manière explicite l'objet de l'acte anormal de gestion, c'est-à-dire, défendre les intérêts pécuniaires de l'État ? De la sorte, l'acte anormal de gestion pourrait se révolutionner en un acte étranger aux intérêts de l'État. Cela justifierait son existence. Ainsi, la déductibilité des dépenses illicites telle que les pots-de-vin serait, comme au Canada, un phénomène relégué au annales du droit fiscal.

ANNEXES

CODE PÉNAL FRANÇAIS

Article 433-1

Modifié par Loi n°2007-1598 du 13 novembre 2007 - art. 1 JORF 14 novembre 2007

Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, pour elle-même ou pour autrui, afin :

1° Soit qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;

2° Soit qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte visé au 1° ou d'abuser de son influence dans les conditions visées au 2°.

Article 432-11

Modifié par Loi n°2007-1598 du 13 novembre 2007 - art. 1 JORF 14 novembre 2007
Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui :

1° Soit pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;

2° Soit pour abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

Article 445-1

Modifié par Loi n°2007-1598 du 13 novembre 2007 - art. 1 JORF 14 novembre 2007

Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, à une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique, ni chargée d'une mission de service public, ni investie d'un mandat électif public exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale ou pour un organisme quelconque, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'obtenir qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.

Est puni des mêmes peines le fait, par quiconque, de céder à une personne visée au premier alinéa qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.

Article 445-2

Modifié par Loi n°2007-1598 du 13 novembre 2007 - art. 1 JORF 14 novembre 2007

Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, par une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique, ni chargée d'une mission de service public, ni investie d'un mandat électif public exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale ou pour un organisme quelconque, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.


LIVRE DE PROCÉDURES FISCALES FRANÇAIS

Article L64

Modifié par Ordonnance 2004-281 2004-12-25 art. 27 JORF 27 mars 2004 en vigueur le 1er juin 2004

Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses :

a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ;

b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ;

c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention.

L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel.

Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.

CODE CRIMINEL CANADIEN

Commissions secrètes

Article 426 (1)

Commet une infraction quiconque, selon le cas :

a) par corruption, directement ou indirectement, soit donne ou offre, ou convient de donner ou d'offrir, à un agent ou à toute personne au profit de cet agent, soit, pendant qu'il est un agent, exige ou accepte, ou offre ou convient d'accepter de qui que ce soit, pour lui-même ou pour une autre personne, une récompense, un avantage ou un bénéfice de quelque sorte à titre de contrepartie pour faire ou s'abstenir de faire, ou pour avoir fait ou s'être abstenu de faire un acte relatif aux affaires ou à l'entreprise de son commettant, ou pour témoigner ou s'abstenir de témoigner de la faveur ou de la défaveur à une personne quant aux affaires ou à l'entreprise de son commettant ;

b) avec l'intention de tromper un commettant, donne à un agent de ce commettant, ou étant un agent, emploie avec l'intention de tromper son commettant, quelque reçu, compte ou autre écrit :

(i) dans lequel le commettant a un intérêt,

(ii) qui contient une déclaration ou un énoncé faux ou erroné ou défectueux sous un rapport essentiel,

(iii) qui a pour objet de tromper le commettant.

' Fait de contribuer à l'infraction

(2) Commet une infraction quiconque contribue sciemment à la perpétration d'une infraction visée au paragraphe (1).

Peine

(3) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque commet une infraction prévue au présent article.

     Définition de « agent » et « commettant »

(4) Au présent article, « agent » s'entend notamment d'un employé, et « commettant » s'entend notamment d'un patron.

L.R. (1985), ch. C-46, art. 426 ; L.R. (1985), ch. 27 (1er suppl.), art. 56 ; 2007, ch. 13, art. 7.

Loi sur l'impôt et le revenu du Canada

Article 67.5

(1) Non-déductibilité des paiements illégaux -- Aucune déduction ne peut être faite dans le calcul du revenu au titre d'une dépense engagée en vue d'accomplir une chose qui constitue une infraction prévue à l'article 3 de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers ou à l'un des articles 119 à 121, 123 à 125, 393 et 426 du Code criminel, ou à l'article 465 du Code criminel qui est liée à une infraction visée à l'un de ces articles.

(2) Nouvelle cotisation -- Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre peut établir les cotisations, nouvelles cotisations et cotisations supplémentaires voulues concernant l'impôt, les intérêts et les pénalités et déterminer ou déterminer de nouveau les montants voulus pour rendre le paragraphe (1) applicable pour une année d'imposition.

[1994, c. 7, ann. II, art. 46 ; 1998, c. 34, art. 10].

BIBLIOGRAPHIE

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- Colloque du 29 mai 2003, organisé par l'A.P.F.F. : Fraude fiscale : Choix, conséquences et solutions.

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No 227, 55 DTC 20

No 591, 59 DTC 55

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Stubart Investments Limited c. La Reine [1984] 1 R.C.S. 536

Symex c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695 à la page 722

TNT Canada inc. c. La Reine, [1988] 2 C.T.C. 91

Turquand c. Marshall, [1869] L.R. Ch. App. 376

United color and chemicals Limited et al. 92 DTC 1259

90 DTC 6618

[1987] 2 R.C.S.541

DIVERS

Glossaires de L'OCDE. Corruption : Glossaire des normes pénales internationales. OCDE, 2008.

TaxnetPRO. Banque de données en droit fiscal canadien.

TABLE DES MATIÈRES

SIGLES ET ABRÉVIATIONS 1

SOMMAIRE 2

INTRODUCTION 4

TITRE I LA DÉDUCTIBILITÉ DE LA CHARGE ILLICITE ET SON TRAITEMENT FISCAL 12

CHAPITRE I LA DÉDUCTIBILITÉ DES DÉPENSES ILLICITES EN DROITS FISCAUX FRANÇAIS ET CANADIENS. 13

SECTION I La dépense illicite en France et au Canada. 13

A La définition de la charge illicite en France et au Canada 13

a) Le régime d'autodéclaration de l'impôt. 13

b) La dépense illicite, une dépense non autorisée. 14

c) Les types de dépenses illicites. 17

B La déductibilité de la charge illicite par le biais de la gestion normale de l'entreprise. 19

a) La théorie de l'acte anormal de gestion. 19

b) Le principe de non immixtion. 20

c) La condition d'une contrepartie effective. 22

d) Le lien entre l'acte anormal de gestion et l'acte contraire à l'intérêt social. 23

e) L'acte illicite. 24

SECTION II Le traitement fiscal des charges à caractère illicite ou découlant d'un acte illicite en France et au Canada 25

A Le traitement fiscal des pots-de-vin. 25

a) La déductibilité possible des pots-de-vin 25

b) Les conditions de la déductibilité des pots-de-vin. 27

c) La réalité des versements et des prestations. 28

B Le traitement fiscal des amendes et pénalités. 31

a) L'évolution jurisprudentielle. 31

b) L'interdiction de déduction par la loi. 35

TITRE II LA RÉPRESSION ET LA PRÉVENTION FACE À LA DÉDUCTIBILITÉ DES DÉPENSES ILLICITES 38

CHAPITRE II LA RÉPRESSION DE LA DÉDUCTIBILITÉ DES DÉPENSES ILLICITES EN DROITS FISCAUX FRANÇAIS ET CANADIEN 39

SECTION I Les mécanismes de répression des droits fiscal et pénal. 39

A Le fardeau de la preuve. 39

a) Le pouvoir exorbitant de l'Administration fiscale française. 39

b) La présomption d'exactitude de la déclaration. 40

c) L'appréciation souveraine de l'Administration fiscale. 41

d) La divergence de solutions entre le droit pénal et le droit fiscal en France. 42

e) La convergence de solution entre le droit pénal et le droit fiscal au Canada. 42

f) La preuve difficile de l'acte anormal de gestion. 44

B Les sanctions 45

a) La personne morale. 45

b) Le cumul des sanctions. 48

SECTION II L'abus de droit et la fraude fiscale 49

A Les limites de l'acte anormal de gestion 49

a) La notion d'abus de droit en droit fiscal français. 49

b) La requalification de l'acte 50

c) L'abus de droit et l'acte anormal de gestion. 51

d) L'abus de droit avec ou sans simulation. 52

e) L'évasion et l'évitement fiscal. 53

a) Le versement de pots-de-vin, un délit de corruption. 54

b) L'infraction de fraude fiscale 58

c) L'élément matériel et intentionnel de la fraude fiscale. 59

d) La difficulté de cerner la fraude fiscale. 59

CONCLUSION 61

ANNEXE 64

BIBLIOGRAPHIE 69

TABLE DES MATIÈRES 74

* 1 9. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.

* 2 Symex c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, p. 722.

* 3 CE 1er juill. 1983, RJF 1983, n° 10, p. 519.

* 4 CE 7 juillet 1958, n° 35.977, 7· s.-s., DF 1958, n° 44, com. 938, Dupont 1958, p. 575.

* 5 LACASSE (N.). Droit de l'entreprise. Les éditions Narval, 5e éd., 2003, p. 217.

* 6 Turquand c. Marshall, [1869] L.R. Ch. App. 376.

* 7 Stubart Investments Limited c. La Reine [1984] 1 R.C.S. 536.

* 8 CE 27 juill. 1984, RJF 10/84, p. 562. Conclusions de Monsieur le commissaire du Gouvernement Racine

* 9 TA Lyon 17 juin 1997, n° 88-11914 et 88-11915, 4e ch., Sté Rémoise de nettoiement RJF 12/97 n° 1108, confirmé par CAA Lyon 10 avril 2003 n° 97-02550, 2e ch., Sté Rémoise de nettoiement.

* 10 Loi de finances rectificative pour 1997 (n° 97-1239 du 29 décembre 1997), parue au JO n° 302 du 30 décembre 1997.

* 11 CE 11 juill. 1983, RJF 1983, n° 10, p. 519.

* 12 La suppression de la déduction de certaines sanctions et pénalités [En ligne]. Consulté sur Internet : http://www.senat.fr (15.08.2008).

* 13 Article L 64 du Livre de procédures fiscales.

* 14 CE 10 juin 1981, RJF 9/81 n° 787 Cass. Com. 18 avril 1988, RJF 2/89 n°250.

* 15 Circulaire d'information 76-4R du 27 juin 1977.

* 16 McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627.

* 17 REY (A.). Dictionnaire historique de la langue française. Le Robert, p. 2016.

* 18 No 227, 55 DTC 20.

* 19 Emprunt au turc bakîð « pourboire, don » : Centre national des ressources textuelles et lexicales (CNRTL) [En ligne]. Consulté sur Internet : www.cnrtl.fr/etymologie/bachich (12.06.2008).

* 20 Il s'agit d'une somme officieuse versée par l'acheteur au vendeur, qui vient s'ajouter à la somme officiellement déclarée.

* 21 En général se définit comme de l'argent touché secrètement et illégalement, en échange d'une faveur reçue, d'une préférence accordée en vue d'une rémunération. Les conventions internationales (Convention de l'O.D.D.E., Convention du Conseil de l'Europe et la Convention des Nations Unies) décrivent le pot-de-vin comme un avantage indu. Ainsi, tous les avantages ne sont pas interdits, seulement ceux qui sont indus : Glossaire de l'OCDE, Corruption, glossaire des normes pénales internationales, p. 38.

* 22 Entrée en vigueur de la Convention pour la France le 7 août 1961 et pour le Canada le 10 avril 1961.

* 23 Dans le cadre des directives aux vérificateurs d'entreprises, l'instruction réservée aux services (4 C-1-00, n° 205 du 14 novembre 2000) prévoit que le rejet des charges déductibles doit systématiquement être accompagné d'une information du Parquet, conformément aux dispositions de cet article 40 du CPP. Il paraîtrait cependant que la non déductibilité fiscale des pots-de-vin n'est pas garantie au sein de certains des territoires français d'outre-mer disposant d'un statut fiscal autonome. Rapport du GRECO sur la corruption [En ligne]. Consulté sur Internet : http://www.coe.int/t/dg1/greco/default_FR.asp (10.05.2008).

* 24 Pour l'article 426 du Code criminel (commission secrète), cf. Annexes.

* 25 No. 591, 59 DTC 55.

* 26 Bennett & White Construction Co., 49 DTC 514.

* 27 CAA Paris 11 juill. 1989, n° 320, SA Triskel RJF 10/89 n° 1084.

* 28 Le Code général des impôts prévoit que les cadeaux d'une valeur supérieure à 3 000 euros par exercice doivent figurer, sous peine d'amende, sur le relevé détaillé des frais généraux à joindre à la déclaration de résultats.

* 29 Beeson v. Bentleys, Stokes and Lawless (1952) T.R. 239; No. 77, 53 DTC 27.

* 30 CE 11 juill. 1983, RJF 1983, n° 10, p. 519.

* 31 Bronson Homes Ldt. c. M.R.N., 93 DTC710.

* 32 CE 20 fév. 1985 n° 41598, 7e et 9e s.-s. RJF 4/85n° 534.

* 33 COZIAN (M.). La théorie de l'acte anormal de gestion. Defrénois 1994, n° 15, p. 679.

* 34 CE 15 avril 1988, n° 58229, 9e et 7e s.-s. : RJF 6/88 n° 708.

* 35 CE 20 déc. 1963, n° 52308, DF 1964, n° 13. Concl. Marcel Martin.

* 36 CE 7 juill. 1958, n° 35.977, 7· s.-s., DF 1958, n° 44, com. 938, Dupont 1958, p. 575; CE 22 mai 1963, n° 51.394.

* 37 CE 8 mars 1963, n° 59168, 9· s.-s. Concl. de M. Poussière.

* 38Gabco Ltd., [1968] C.T.C.313(C. de l'É.), approuvé dans Pétro-Canada, [2004] 3 C.T.C. 156 (C.A.F.) (demande d'appel rejetée, 2004 CarswellNat 4109 (C.S.C.)).

* 39 Mattabi Mines Ltd. C. Ontario, 1984 1 R.C.S. 536.

* 40 COZIAN (M.). Les grands principes de la fiscalité des entreprises. Litec, 1983, p. 43.

* 41 CE 27 janvier 1989, n° 61422, Plén.

* 42 ROUSSEAU (S.) et TCHOTOURIAN (I..). L'intérêt social en droit des sociétés : Regards canadiens, Revue des Sociétés (à paraître).

* 43 Documentation administrative (DB 4C-11).

* 44 CE 15 avril 1988, n° 58229, 9e et 7e s.-s. : RJF6/88 n° 708.

* 45 CE 11 mars 1988, n° 16253 Plén.

* 46 COZIAN (M.). Les grands principes..., op. cit., p. 43.

* 47 CE 10 déc. 1969, 7· et 9· ss, req. 73973, DF 70, n° 50, com.1429; CE 3 janv. 1973, 8· et 9· ss, req. 83240, DF 73, n° 27, com. 988.

* 48 CE 1er juill. 1983, RJF 1983, n° 10, p. 519; CE 11 juill. 1983, RJF 1983, n° 10, p. 519; CE 5 déc. 1983, RJF 1984, n° 2, p. 62.

* 49 CE 1er juill. 1983, RJF 1983, n° 10, p. 519.

* 50 Control Risks [En ligne]. Consulté sur Internet : http://www.control-risks.com (15.05.2008).

* 51 K. N. Pot-de-vin...français. Les affaires [En ligne]. 1 juin 2007. Consulté sur Internet : www.lesaffaires.com (23.06.2008).

* 52 S'agissant de la corruption internationale, la France, de ce point de vue, a eu des pratiques que l'on peut juger critiquables. En effet, au cours des années soixante, pour développer les grands contrats, la France a institué une procédure dite du confessionnal qui revenait à légaliser la corruption internationale. Lorsqu'une entreprise avait besoin de verser une commission non justifiée par un travail réel correspondant à son montant, l'entreprise pouvait a priori demander l'accord du Ministère des Finances pour que cette commission soit déductible du bénéfice imposable. Après une explication sur le nom du bénéficiaire (qui demeurait confidentiel) et la vérification que la commission était d'un montant raisonnable ne laissant pas présumer un retour d'une partie à des nationaux, l'accord était donné, et quand le contrôle des changes existait, les autorisations de transfert étaient attribuées. Cette procédure avait un double inconvénient : d'une part elle légalisait, si l'on peut dire, la corruption des fonctionnaires étrangers ; d'autre part, en obligeant à créer des circuits financiers pour les transferts de fonds, elle créait un cadre juridique favorable à la corruption de fonctionnaires et d'élus français. Ceci conduisit le Parlement à la supprimer en 1993.

* 53 United color and chemicals Limited et al. 92 DTC 1259.

* 54 TA Lyon 17 juin 1997, n° 88-11914 et 88-11015, 4e ch., Sté-Rémoise de nettoiement, RJF 12/97 n° 1108.

* 55 CE 5 déc. 2001, n° 224350 publié au recueil Lebon.

* 56 CAA Douai 10-4-2001 n° 98-422 BIC-IX-18092.

* 57 CE 31 juill. 1992, n° 82802, Plén., Sodame, RJF 8/9 92.

* 58 CE 31 juill. 1992, n° 114895, Plén., Austin Rover France, RJF 8/9 92.

* 59 MNR v Olva Diana Eldridge, [1964] C.T.C. 545.

* 60Taxnet Pro. Non-Deductibility of Certain Illegal Payments [En ligne]. Consulté sur Internet : http://www.taxnetprofr.com (16.02.2008).

* 61 Gouin Lumber Co Ltd v MNR, 1964 37 Tax A.B.C 11 : Gouin Lumber Company Limited, établie à Trois-Rivières depuis de nombreuses années, vendait du bois d'arrimage dont se servent les navires pour l'installation de leurs cargaisons. Ses deux principaux clients étaient Three Rivers Shipping et J. C. Malone Limited, deux arrimeurs importants à Trois-Rivières. Au cours de ses transactions avec ces deux compagnies, il s'est exercé pendant des années une manigance ou ni plus ni moins une fraude constituant en la remise d'une certaine somme d'argent aux commandants des différents navires aux fins de rester dans les bonnes grâces de ceux-ci et de conserver ses deux clients. Cette fraude se pratiquait ainsi : lorsqu'un capitaine de navire achetait du bois d'arrimage, il faisait en même temps la demande d'une somme quelconque d'argent que l'appelante lui remettait par l'intermédiaire de ses employés ; cet argent était pris à même la réserve d'une petite caisse, garnie des montants des ventes au comptant.

* 62 CE 8 juill. 1998, n° 158 891.

* 63 KRISHNA (V.). La déduction des amendes et pénalités. CGA magazine, sept. 1988, p. 35.

* 64 Amway c. La Reine, 96 DTC 6135.

* 65 Day & Ross Ltd. C. La Reine, [1976] CTC 707 (C.F.).

* 66 Par suite de la décision dans la cause Day & Ross, Revenu Canada publiait, le 5 juin 1978, le bulletin d'interprétation IT-104R dans lequel il est précisé que les amendes et pénalités peuvent être déduites dans le calcul du revenu dans les circonstances suivantes :

a) si des amendes ou pénalités sont un risque ordinaires à courir dans l'exploitation de l'entreprise et que l'imposition de ces amendes et pénalités est inévitable et hors du contrôle du contribuable et de ses employés même s'il prend des précautions raisonnables pour les éviter ;

b) Le manquement ou l'infraction à la loi qui a entraîné l'amende ou la pénalité ne résulte pas de négligence, d'ignorance ni d'une violation volontaire de la loi, ne menace pas la sécurité publique et n'est pas une faute de turpitude morale.

* 67 TNT Canada inc. c. La Reine, [1988] 2 C.T.C. 91.

* 68 Ibid.

* 69 MERCIER ( J.-Y.) et PLAGNET (P.). Les impôts en France. Éd. Francis Lefebvre, 2004, p. 213.

* 70 65302 British Colombia Ltd. c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 622.

* 71 Le contribuable, qui exploitait une entreprise avicole, avait délibérément décidé de produire au-delà de son quota, de façon à répondre aux besoins de son principal client de peur de le perdre, d'où le versement d'une taxe compensatoire pour dépassement de quota d'environ 270 000,00$ qu'il déduisit de son revenu. Il s'était par ailleurs évidemment imposé sur les revenus provenant de la production excédentaire à son quota. Revenu Canada contesta la position du contribuable en prétendant qu'il irait à l'encontre de l'ordre public de permettre la déductibilité de ladite amende. Cinq des sept juges du banc ayant entendu cette affaire rejetèrent les arguments de Revenu Canada et donnèrent raison au contribuable.

* 72 Les principes généraux suivants sont énoncés dans les motifs de la décision :

La caractérisation du prélèvement comme « amende » ou « pénalité » n'a pas d'incidence (c'est-à-dire qu'elle ne rend pas le prélèvement moins déductible) parce que le régime fiscal ne fait pas de distinction entre les prélèvements (qui sont de nature essentiellement compensatoire) et les amendes et les pénalités (qui sont de nature punitive).

- La déduction d'une amende ou d'une pénalité ne peut pas être refusée simplement parce qu'il serait contraire à la politique publique de l'accorder.

- L'interdiction de déduire des amendes et des pénalités est incompatible avec la pratique de permettre la déduction des dépenses engagées en vue de tirer un revenu illégal.

- Pour qu'une amende ou pénalité soit déductible dans le calcul du revenu tiré de l'entreprise ou du bien, l'alinéa 18(1)a) de la Loi exige qu'elle ait été encourue en vue de tirer un revenu de cette entreprise ou de ce bien.

L'alinéa 18(1)a) n'exige pas qu'une amende ou une pénalité soit inévitable pour être déductible.

Même si une amende ou une pénalité peut avoir été encourue en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien au sens de l'alinéa 18(1)a), sa déduction peut néanmoins être interdite par une autre disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu.

* 73 Ainsi, l'ancien 2 de l'article 39 prévoyait-il que : « Les transactions, amendes, confiscations, pénalité, de toute nature, mises à la charge des contrevenants aux dispositions légales régissant la liberté des prix et de la concurrence, le ravitaillement, la répartition des divers produits, l'assiette et le recouvrement des impôts, contributions et taxes ne sont pas admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt. »

* 74 L'expression « sanction pécuniaire » recouvre les transactions, amendes et confiscations de l'ancien 2 de l'article 39 CGI.

* 75 Le terme de « pénalité » vise les intérêts et majoration de retard qui ont le caractère de réparation pécuniaire et ne sont pas assimilables à des sanctions.

* 76 L'article 67.6 L.I.R. a été ajouté par le budget de 2004. Il s'applique aux amendes et pénalités imposées après le 22 mars 2004.

* 77 Article 67.6 de la Loi sur l'impôt et le revenu.

* 78 Les pénalités d'intérêts imposées en vertu de la Loi sur l'accise, la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien et la partie de la Loi sur la taxe d'accise concernant la TPS/TVH continueront à être déductibles.

* 79 Les pénalités de TPS exigibles en raison de la non-remise de la taxe due sur la vente d'une immobilisation peuvent être de la nature du capital. VIEWS doc. 2005-010972 IE5 in SHERMAN (D. M.). La loi du praticien. Thomson Carswell, 16e éd., 2007, p. 467.

* 80 CE 17 juin 1994, n° 122 621, 8e et 9e s-s : Sté Nord Éclair ; R.J.F. 8-(/ 1994, p. 518 conclusion Bachelier.

* 81 COZIAN (M.). Les grands principes..., op. cit., p. 39.

* 82 Hickman Motors Limited c. R., [1997]2 R.C.S. 336.

* 83 CE 6 mai 1996, n° 148572, Succession Devidal, RJF 96, n° 711 et n° 812.

* 84 COZIAN (M.). Les grands principes..., op. cit., p. 15.

* 85 CE 7 novembre 1979, n° 6188, 7 et 9 ss, RJF 01/80, p. 15, n° 11.

* 86 Cass. crim. 6 févr. 1997; Bull Joly 1997 p. 291 Affaire Mouillot; Cass. crim. 27 oct. 1997 : JCP G1998, II, 10017, affaire Carignon.

* 87 CE 7 janv. 2000, 8e et 9e s.-sect., arrêt Philippe.

* 88 Cass. crim. 28 nov. 1994, Dr. pén. 1995, n° 70, obs. J.-H. Robert; D. 1995, Jur. p.506, note J.-F. Renucci; Cass. crim. 20 juin 1996, D.1996, Jur. p.589, note Bernard Bouloc.

* 89 CE 27 juill. 1984, n° 34588, Plén., Renfort Service, RJF 10/84, n° 1233 ; CE 8 janvier 1993, n° 87631, 9e et 8e s.-s., Bernard Spitaletto, RJF 3/93, n° 319.

* 90 CE 20 juin 2003, n° 232832.

* 91 MERCIER (J.-Y.), PLAGNET (R.). Les impôts en France. Francis Lefebvre, 2004. p. 145.

* 92 CE 21 mai 2007, n°284.719, Sté Sylvain Joyeux.

* 93 CE 31 juill. 1992, n° 79635, 8e et 9e s.-s., SARL Nordis RJF 11/92 n° 1467.

* 94 90 DTC 6618.

* 95 [1987] 2 R.C.S.541.

* 96 Cass. crim. 20 juin 1996, n° 94-85796, DF 97, n 15-16, com. 427.

* 97 COZIAN (M.). Les grands principes..., op. cit., p. 42.

* 98 CE 8 avril 1998, n ° 192539, publié au recueil Lebon.

* 99 COZIAN (M.). L'aménagement de la procédure de l'abus de droit, in L'Amélioration des rapports entre l'Administration fiscale et les contribuables, Colloque de la société française de droit fiscal du 15-16 sept. 1988. PUF, 1989, p. 157.

* 100 CE 27 juill. 1984, n° 34588, Publié au recueil Lebon.

* 101 CE 10 juin 1981, n° 19079, publié au recueil Lebon.

* 102 L'article se limite aux droits d'enregistrement, à la publicité foncière, à l'impôt sur le revenu, à l'impôt sur les sociétés, à la TVA, à l'impôt de solidarité sur la fortune. Il ne s'applique pas s'agissant de la taxe professionnelle et des taxes assises sur les salaires. De plus, l'abus de droit ne s'applique pas aux contribuables qui ont respecté à la lettre les termes d'une doctrine administrative. Pour consulter l'article, voir Annexes.

* 103 CE 28 févr. 2007, n° 284565, min. c/ Persicot et n° 284566 ; CE 5 mars 2007, n° 284457 Chalonges.

* 104 CE 27 sept. 2006, n° 260050.

* 105 La planification fiscale abusive désigne les arrangements qui « excèdent les limites » d'une planification fiscale acceptable.

* 106 Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S.536.

* 107 Ministère des finances Canada, La réforme de l'impôt direct, 1987, p. 140.

* 108Le Conseil de l'Europe. La corruption [En ligne]. Consulté sur Internet : http://www.coe.int/DefaultFR.asp (17.03.2008).

* 109 Décision-cadre 2003/586/JAI du Conseil de l'Union Européenne qui abroge l'action commune de l'Union Européenne du 22 décembre 1998 relative à la corruption dans le secteur privé.

* 110 Pour les articles du Code criminel mentionnés, cf. Annexes.

* 111 Cass. Crim., 27 oct. 1997, affaire Carignon n° 96-83.696.

* 112 Cass. Crim., 20 juin 1996, affaire Philippe n° 95-82.078.

* 113 Colloque du 29 mai 2003, organisé par l'A.P.F.F. : Fraude fiscale : Choix, conséquences et solutions.

* 114 LOPEZ (C.). Les pouvoirs d'investigation de l'administration fiscale en France et au Canad. L'Harmattan, 1997, p. 203.

* 115 VIRASSAMY (G.J.). Colloque des 29 et 30 novembre 2001 : L'entreprise et l'illicite. L'Harmattan, 2003.






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