B.1.2 La prise en charge des suicidants au CHI de
Montfermeil
A la suite d'une étude faite sur les jeunes suicidants,
l'équipe de psychiatrie de liaison a organisé une consultation
« suicidant «. Elle permet d'accueillir après la crise
suicidaire et l'acte suicidaire, ainsi qu'après la sortie de
l'hospitalisation, les patients en risque de récidive pour un suivi
psychiatrique et psychothérapeutique de courte de durée en
attendant la décision d'une prise en charge future à long
terme.
Les rendez-vous sont proposés, mais ne sont jamais
imposés et leur organisation est laissée à l'initiative du
patient ou de sa famille afin de valoriser la motivation aux soins. En cas de
crise, un psychiatre de garde est joignable 24 h sur 24 au CHI de
Montfermeil.
Un professionnel référent prend en charge la
coordination de la pris e en charge du patient.
La suite de la prise en charge en ambulatoire peut se faire au
CMP de Montfermeil, rattachée au 15e secteur oü
pratiquent les membres de l'équipe de psychiatrie de liaison. Si la
suite du suivi se fait en intra -hospitalier dans un autre secteur de l'EPS de
Ville Evrard ou dans une autre institution, le professionnel
référent proc»dera à une réévaluation
du patient à la suite de son séjour, à l'aide d'une fiche
de liaison.
Nous avons ainsi pu assister à plusieurs suivis
post-crise par un travail de couple thérapeutique
médecin-psychologue et souvent homme-femme. Cette position a
été favorable à l'instauration d'une alliance
thérapeutique de qualité avec le patient, s'adressant à
l'un ou à l'autre interlocuteur de manière différente mais
complémentaire. Par exemple, nous avons pu constater que le patient
avait un rapport de soumission à l'autorité avec le
psychiatre-homme et un rapport plus argumentatif et explicatif avec notre
position de psychologue et femme.
Cas de Mme B., femme de 53 ans vue pour tentative de
suicide avec maladie de Hotchkin guérie.
Mme B. est une très belle femme de 53 ans et
malgré son arrivée aux Urgences la veille pour tentative de
suicide médicamenteuse, nous sommes étonnés de sa
présentation est très soignée et de sa posture droite sur
son lit.
Elle se dit très fatiguée, très
déprimée et extrêmement triste. Elle explique son geste par
une situation conjugale « sans issue et qui dure depuis bien trop
longtemps «. Mariée depuis plus de 30 ans avec un homme qu'elle
avait rencontré au Bal des Pompiers et qui fut son premier amant, son
mariage est devenu conflictuel au bout de 5 ans et après la naissance de
2 enfants. Son mari a alors tenté de se séparer, mais la survenue
d'une grave maladie chez elle et la nécessité d'aide et de soins
ont fait renoncer son mari à ses projets de séparation. Les
traitements pour la maladie de Hotchkin vont durer 7 années, au cours
desquelles les relations du couple vont plutôt s'améliorer, le
mari s'investissant dans son travail de convoyeur de fonds, dans l'aide aux
soins et à l'éducation des enfants. Mais lorsque son
épouse est déclarée guérie, les conflits reprennent
mais paradoxalement sans que le mari ne souhaite plus se séparer. La
femme trouve un travail à responsabilités et bien
rémunéré, tandis que son mari se désinvestit du
sien, commence à boire et à sortir. « Il mène une vie
d'adolescent, pire que ses fils qui sont de bons étudiants tout en
étant obsédé par l'argent que je gagne.»
Depuis 2 ans, Mme B. fréquente un autre homme,
rencontré dans le RER, dont elle est amoureuse et avec qui elle a des
projets d'installation. Depuis plusieurs mois, elle n'ose pas se séparer
de son mari actuel bien qu'elle ait eu le courage de lui avouer sa relation et
affronte sa colère chaque jour. Entre la peur de quitter son
époux et l'attachement toujours présent à l'égard
du père de ses enfants, elle se retrouve piégée et ne voit
plus d'autre issue que l'acte suicidaire.
Dès le 1 er entretien, cette patiente
critique son geste qu'elle explique par épuisement psychique. Au cours
des entretiens suivants, elle élaborera des projets concrets pour
trouver une solution à sa situation, en réponse aux
encouragements et sollicitations brèves mais fermes de notre part. Elle
prendra la décision de se séparer de son mari et de vivre avec
l'homme qu'elle aime, mais se fera héberger dans un premier temps chez
le frère de son mari, qui connait sa situation et est prêt
à l'aider. Elle a également l'appui de ses deux enfants,
autonomes et qui se proposent aussi de l'aider dans son projet.
B.1.3 La particularité de l'intervention du
psychologue
Dans l'équipe de psychiatrie de liaison du CHI de
Montfermeil, le psychologue clinicien tient une place bien spécifique
par rapport au psychiatre. Bien qu'il participe au diagnostic psychiatrique
et aux décisions d'orientation de prise en
charge, il procede à une evaluation psychopathologique
plus globale. Il prend le temps de laisser le patient exposer son histoire de
crise, sa situation de vie au niveau personnelle, familial et social. Ceci
permet d'affiner par la personnalité et le contexte social le diagnostic
base sur une nosographie psychiatrique (CIM-10 ou DSM-4).
Pour cela, les entretiens du psychologue sont moins directifs
que ceux du psychiatre. Les questions sont plus ouvertes, et la parole du
patient n'est pratiquement jamais coupée avant la fin de son
exposé. Son attitude est également moins autoritaire bien que
parfois ferme concernant la récidive suicidaire.
Il nous a été possible en tant que
psychologue-stagiaire de suivre un patient en complement d'un traitement
psychiatrique, à la fois pour une evaluation de l'évolution et
pour un travail psychologique avec des patients souffrant de depression.
Le psychologue clinicien suit aussi des patients qui n'ont pas
de traitement psychiatrique, dans le cadre d'un suivi psychologique de
soutien.
Bien que les cas de patients vus et suivis dans le cadre du stage
aient été tres varies,
e
ce qui sera vu en détail dans la 2 partie, nous avons
choisi d'orienter notre réflexion sur des cas de patients bien
spécifiques. Il s'agira de patients touches à la fois par une
maladie somatique grave comme le cancer, et une depression s'aggravant sur un
mode délirant de type mélancolique. Ces situations, fort
heureusement peu fréquentes, sont d'une extreme gravité car elles
mettent la vie physique et psychologique du malade en danger, aboutissant
à l'échec de toute tentative de prise en charge
thérapeutique sur les plans psychologiques et somatiques, alors que les
pronostics vitaux sont plutTMt optimistes dans un court et moyen terme.
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