IV.1.b
Hypothèse 2 : Le vécu des malades de réanimation
correspondrait à une transformation psychique qui peut se conceptualiser
par la notion anthropologique de rite de passage.
Sujets du GROUPE A1 et sujet 13
Phase liminaire du rite de passage : la
marginalisation et la déstructuration psychique :
5/6
Etrangeté d'un lieu
« entre-deux » ou liminaire
Sujet 3 : « je suis allé beaucoup plus
loin, jusqu'à haïr les autres »
Sujet 6 : « je voyais des gens passer, des
étrangers », « comme si je n'allais pas
revenir »
Sujet 8 : « Sans parler, sans bouger, on est
perdu », « sans ma fille, j'étais
perdu »
Sujet 9 : « On ne vit pas d'ailleurs, on ne
sait pas comment on vit »
Le terme général « ici »
(Sujet 6, 7, 8, 9) qui sous-tend un sentiment de rester étranger au
lieu, un sentiment de distance, voulu ou non, est souvent employé alors
les termes plus précis montrant une appropriation du lieu comme
« la chambre de .. », « ma chambre à
... » (Sujet 6), « dans le service de ...»,
« la maison de repos » (Sujet 6), « mon centre de
rééducation » (Sujet 6), etc... sera employé
concernant les services de soins spécialisés et de soins
courants. « C'est un peu particulier ici. Ils ont des drôles de
façon de travailler » (sujet 9)
L'équipe soignante :
« gardiens » du rite
La remarque précédente est valable pour les
soignants désignés par « eux »,
« on » (Sujet 9) « des gens » (Sujet 6,
sujet 8), « ils » (Sujet 8, 9) « des
étrangers » (Sujet 6)
« le chef »,
« l'infirmier » (Sujet 7), « le
docteur » opposé à « mon
médecin » (Sujet 6, 8), « mon
infirmière » pour les soignants des services de soins
courants, « celle qui est gentille » (sujet 6). Sujet 3.
Les 2 aspects peuvent apparaître dans un même
discours : Sujet 7 qui dit à la fois « eux »,
« ici », « ils » et « les
infirmières » par distance et rapprochement. En fait la
différence dans ce cas-là n'est pas persécutive mais
identificatoire, avec un sujet qui se démarque des autres personnes, et
donc à qui un lieu remarquable convient.
Marginalisation
Sujet 4 : « la télé, c'est un
contact avec l'extérieur »
Sujet 6 : « je ne suis plus bonne à
rien », pas de téléphone pour contacter sa famille.
Sujet 7 : métaphore de la prison
Sujet 8 : Remarque sur le téléphone
Sujet 9 : « on vit comme des sauvages, sans
télé, sans téléphone », nombreuses
plaintes sur les privations.
Sur les rythmes
Sujet 7 : connaît toutes procédures et les
anticipe.
Sujet 9 : « ça n'arrête
pas », « j'ai eu des problèmes de sucre
ici »
Corps-Machine et étrangeté de son
propre corps
Sujet 4 : « on se reconnaît même
plus »
Sujet 6 : « me retrouver comme
ça »
Sujet 9 : «branché de partout »
Phase de réincorporation du rite de
passage ou post liminaire : la restructuration psychique:
4/6
Renaissance et réapprentissages
Sujet 3 : « j'ai vu que je pouvais pas me lever
seul »
Sujet 6 : « je dois tout
réapprendre », « On me fait remarcher depuis ce
matin. Des petits pas, c'est dur », « j'espère bien
revenir chez moi sur mes 2 pieds »
Sujet 7 : « la volonté, c'est ce qui
fait tout, tout se passe là-dedans », compare les drains
à des cordons ombilicaux.
Sujet 9 : « j'ai peiné plus qu'un peu
pour reprendre le dessus », « quand on reprend la
possibilité de manger, c'est important que ce soit bon,
non ? », « Maintenant, douche, repos,
sommeil ».
Réactivation d'un traumatisme
passé et de questionnements sur le sens de sa vie: 2/6 +
1
Sujet 6 : évocation de conflits dans le
passé
Sujet 7 : rupture familiale et infanticide symbolique
Ajouter des exemples... de
« pourquoi ? »
Sujet 14 : réactivation du deuil de son mari et
activation de réflexions personnelles philosophiques sur la vie et la
mort.
Les rapports entre théories des malades,
théories de l'équipe soignante : 6/6
Conflit des théories : 6/6
Sujet 3 : « comme un bébé ,
attaché pour ne pas tomber du lit», « je suis allé
beaucoup plus loin, jusqu'à haïr les autres », et
autoextubation
Sujet 4 : aurait souhaité plus de présence
de sa femme, pas de colère
Sujet 6 : « on me lave au lit comme un
bébé » , « on ne m'aurait pas parlé
comme ça chez moi », « je ne pouvais rien
faire », « je suis trop vieille pour tout
ça » et autoextubation, avec colère
Sujet 7 : il nomme un des docteur « M.
pète-sec », « il me prend pour un
mito »
Sujet 8 : « on est pas des animaux quand
même », « Il y a des gens qui vous font
mal » avec colère
Sujet 9 : « c'est une machine maudite
ça », « j'ai attrapé cette
saloperie-là à l'hôpital », « j'ai fait
un peu cobaye quoi », « quand on reprend la
possibilité de manger, c'est important que ce soit bon,
non ? », plaintes sur les nombreuses nuisances avec
colère
Acceptation de la théorie
médicale : 4/6
Sujet 3 : « on m'a toujours
respecté », « ce sont des gens bien en
réa »
Sujet 4 : « c'est comme ça »,
« ils font attention à vous »
Sujet 7 : « il faut être
rationnel », « je me sens un homme neuf »
Sujet 8 : « ici, on est très bien
soigné »
Défenses culturelles :
6/6
le lien familial : 5/6
Sujet 3 : les hallucinations protecteur porte sur le
pays, la famille, les enfants
Sujet 4 : la présence de l'épouse a
manqué dans les moments les plus angoissants
Sujet 6 : appel quotidien des enfants de Martinique
Sujet 8 : « mon meilleur docteur, mon
conseiller, c'est ma fille »
Sujet 9 : « ils sont venus chacun son tour,
heureusement » (les proches)
Sujet 14 : enfants
La religion, la philosophie : 1/6 + 1
Sujet 6 : croyance en Dieu, référence
à la Bible (histoire de Job)
Sujet 14 : référence à un
au-delà, au Souffle qui fonde la vie humaine.
Le lien social : 1/6
Sujet 7
Sujet 14 : la relation a été possible avec
l'équipe soignante dans les moments critiques.
Identité propre (notion de
personnalité)
L'affirmation de soi :
Sujet 6 : en tant que personne qui choisit où elle
veut mourir
Sujet 7 : en tant que personne rationnelle et qui
possède une expertise
Sujet 8 : dans la revendication en tant que personne
humaine qui a droit à du respect « un sourire »
Sujet 9 : dans les plaintes
Nous relevons une ambivalence de sentiment des malades par
rapport à la réanimation :
Les malades dont l'effraction psychique et corporelle est la
plus sévère donnent une description détaillée des
effractions corporelles comme des agressions subies, tout en exprimant la
satisfaction d'avoir été bien soignés.
Une expérience de dissociation psychique liée
à des agressions réelles de l'environnement a
été observée. Les moments de déstructuration
psychique sont également décrits. Les malades expriment avoir
préservé un certain niveau de jugement pendant les moments
marqués par les signes dissociatifs, ou dans le cas du sujet 3, avoir pu
distinguer spontanément la différence entre les
événements réels des hallucinations. Ce malade est
d'ailleurs revenu sur les lieux de réanimation plusieurs fois, afin de
revoir les lieux et vérifier dans ses souvenirs la part qui
correspondait à la réalité. Il a aussi tenu à
revoir chaque soignant, les remercier et à leur montrer sa
récupération physique et psychique.
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