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La crise ivoirienne

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par Sayba DANFAKHA
Université Cheikh Anta Diop de dakar - Maitrise relations internationales 2003
  

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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

SUJET

Présentée par

Seyba DANFAKHA

Etudiante 4ème année de Droit Public

Option : Relations Internationales

Sous la Direction de

M. Seydou Nourou TALL

Docteur en Droit Public

Relations Internationales

Année académique 2002-2003

DEDICACES

Je dédie spécialement ce travail:

§ Amon père Samba DANFAKHA et à ma mère Maïmouna KANTE eux qui ont su m'indiquer très tôt le chemin du savoir et consentir moult sacrifices pour que je le suive

§ A ma tante Néné SARR

§ Ames frères Lamine, Pisco, Fadigui (Barcelone), Ibrahima (Valence)
Bathie, Mountaga, Dady, E! Hadji en signe d'encouragement.

§ A mes soeurs : Ndèye Saly et Kama

§ A mes amis Ndiaga Ngom, Cheikh Ly, Lamine Ndiaye, Alpha Dieng

§ A Adama Diallo et sa famille,

§ A Marième Sy,Paris Cergy

§ A tous mes amis de la promotion

REMERCIEMENTS

Je saisis cette opportunité, pour formuler de sincères remerciements:

§ Amon encadreur M. Seydou Nourou Tall non seulement pour l'assistance précieuse qu'il m'a apportée dans le cadre de ce mémoire mais encore et surtout pour le bon enseignement qu'il m'a prodigué.

Je remercie également

§ Le Personnel de la Médiathèque (CESTI)

§ Aboubacar Demba Cissokho, journaliste à l'APS

PLAN

INTRODUCTION 7

1ÈRE PARTIE: LES FACTEURS ET LES ACTEURS DE LA CRISE 13

CHAPITRE I : LES FACTEURS DE LA CRISE 14

SECT I : LES FACTEURS POLITICO-ÉCONOMIQUES 14

Par I : Les facteurs politiques 14

A- Une guerre de succession 14

B- Les tensions politico-militaires subséquentes 15

Par II : Les facteurs économiques 18

A- La récession économique 18

B- Une économie géo-ethnique 20

SECT II : LES FACTEURS SOCIO-JURIDIQUES 21

Par I : Un état à composante hétérogène 21

A: Un pays d'immigration 21

B- Un Etat multinational 22

Part II : Une nation en construction 24

A- La Préexistence de 1'Etat 24

B- L'ivoirité 26

CHAPITRE II : LES ACTEURS DE LA CRISE 29

SECT I : LE CAMP DES LOYALISTES 29

Par I : La famille présidentielle. 29

A- Le Président Laurent Gbagbo 29

B- Simone Ehivet Gbagbo : une militante dans l'âme 31

Par II : Le proche entourage présidentiel 32

A- Mathias Doué 32

B- Laurent Donan Fologo 33

SECT II : LES OPPOSANTS AU RÉGIME DE GBAGBO 33

Par I : Les héritiers de la pensée d'Houphouët 34

A- Les « fils spirituels d'Houphouët 34

B- Robert Guei 35

Par II : Les Mouvements Rebelles « Forces Nouvelles » 36

A- Le Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire 36

B- Les autres mouvements rebelles 37

DEUXIÈME PARTIE : LES TENTATIVES DE SORTIE DE CRISE 39

CHAP. I : LES MÉDIATIONS INTERVENUES 40

SECT I : LES MÉDIATIONS RÉGIONALES 40

Par I: Les médiations individuelles 40

A- La médiation sénégalaise 40

B- La réconciliation de Bamako 41

Paragraphe II : Les médiations institutionnelles 42

A. La création du groupe de contact 42

B- L'échec du sommet de Lomé 43

SECTION II : LES MÉDIATIONS INTERNATIONALES 44

Paragraphe I : La table ronde de Linas-Marcoussis 44

A. La naissance d'un processus de normalisation et de réconciliation 45

B- Un accord de réformes juridiques 47

paragraphe II: Les obstacles à l'application des accords de Marcoussis et de Kléber 48

A- Les blocages relatifs à l'attribution des portefeuilles de la défense et de l'intérieur 49

B- La Naissance d'un nationalisme ivoirien 51

CHAPITRE II : LA RECHERCHE DES CONDITION D'UNE PAIX DURABLE 53

SECT I: LE SOMMET D'ACCRA 53

Par I : La nouvelle donne issue du sommet d'Accra 53

A-- La création du Conseil National de Sécurité 53

B- La signature d'une délégation de compétence 54

Par II : La nécessité d'une sécurisation de l'intégralité territoriale 55

A- La rencontre de Kara 56

B- La signature de cessation des hostilités entre les mouvements rebelles et l'armée Ivoirienne (FRANCI). 56

SECT I : UNE SITUATION PRECAIRE 57

Par I : Un front politico-économique instable 57

A- Les difficultés liées à la conduite d'une politique gouvernementale 58

B-- Un timide redynamisme économique 59

Par II : Une réalité permanente des hostilités 60

A- - Un cessez-le-feu fragile 60

B- Une flagrante violation des droits humains 61

CONCLUSION 64

BIBLIOGRAPHIE 66

LISTE DES ABRÉVIATIONS 68

ANNEXES 69

INTRODUCTION

Constituée comme colonie française par un décret du 17 Octobre 1899 mettant fin au Soudan français, la Côte d'Ivoire fut réorganisée dans le cadre de l'Afrique de l'Ouest par les décrets du 1er Octobre 1902 et du 18 Octobre 1904. Elle devint indépendante le 07 Août 1960.

La Côte d'Ivoire est limitée au Nord Est par le Burkina, au Sud par le Libéria, à l'Est par le Ghana, au Nord Ouest le Mali, à l'Ouest par la Guinée.
Pays en pointe, la Côte d'Ivoire occupe en Afrique une place privilégiée. Les conditions naturelles ne constituent pas en Côte d'Ivoire une entrave au développement économique.

Le pays, vaste, quadrilatère de 315 000 km2 est peu accidenté. On n'y rencontre que quelques petits massifs dont la hauteur n'excède général pas 600 m, sauf dans la région de Man où quelques pitons rocheux émergent du massif du mont Nimba et atteignent 1340 m d'altitude.

Comprise entre 4° 20' et 10 ° 50 ` de latitude Nord, la Côte d'Ivoire fait la transition entre les climats équatoriaux et les climats tropicaux.
Mais du point de vue agricole, la Côte d'Ivoire a des possibilités de cultures très diverses. Au Sud dans la zone forestière aux essences très recherchées, le climat et les sols sont favorables à la production du café, du cacao et de la banane de chine. Le manioc, le maïs, la banane Plantin, le riz fournissent la majeure partie de l'alimentation. Au Nord, la région des savanes boisées convient surtout aux cultures vivrières et à l'élevage. Dans ces conditions, les ressources agricoles sont essentielles et la Côte d'Ivoire se manifeste à l'échelle mondiale par ses exportations.
La Côte d'Ivoire constitue la première puissance de l'Afrique occidentale, francophone, et deuxième en Afrique subsaharienne après le Nigeria.
Economiquement viable le café et le cacao dont elle est le premier producteur mondial ont permis une accumulation de capitaux et un développement économique sans précédant dans la sous -région.

La Côte d'Ivoire détient 45 % de la masse monétaire de l'UEMOA et de 40% du produit intérieur brut. La croissance due au café et au cacao ont entraîné « le miracle Ivoirien ». Cependant ce miracle va subir un coup du fait des cours du café et du cacao au milieu des années 80.

Erigée en colonie de peuplement, la Côte d'Ivoire est forte d'une population de 15 millions dont 40 % d'étrangers. On retrouve au pays des lagunes ébriées en grande partie des ressortissants Burkinabé, des Maliens, Sénégalais, Libano - Syriens et autres européens. Sur le plan ethnico-religieux, la Côte d'Ivoire présente une mosaïque où se côtoie une soixantaine d'ethnies, parlant 60 dialectes différents, répartie en quatre groupes : les Bétés à l'ouest les Baoulés au centre-ouest, les dioulas et les Senoufs au Nord.

Cette diversité ethnique se double d'autogamismes religieux entre 50 % de musulmans, 30 % de chrétiens et 20% d'animistes.

Le phénomène de la composante nordiste peut s'analyser à travers la volonté manifeste d'Houphouët Boigny d'exporter la main d'oeuvre de l'ex-Haute Volta (actuel Burkina).

La Haute Volta à été pendant longtemps une partie intégrale de la Côte d'Ivoire jusqu'à sa dissolution en 1947 en trois parties : une partie a été rattachée à la Côte d'Ivoire, une autre au Soudan français, et enfin la dernière au Niger. Elle a été reconstituée en 1947.

La côte d'Ivoire, éléphant d'Afrique, depuis la mort d'Houphouët Boigny le 7 décembre 1993 n'a jamais été en paix avec elle-même. Son héritage n'était qu'une « bombe à retardement ». Dès sa mort on assista à des problèmes de succession qui sont aussi liés à la situation actuelle du pays. Ils étaient quatre à se battre pour sa succession. Il s'agit respectivement du Général Gueï, de Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié.

Invoquant l'article 11 de la Constitution qui permet au Président l'Assemblée nationale d'assurer la vacance, Bédié devint président par intérim. De ce fait quelques mois après la mort de Houphouët, effectivement en septembre 1994, naîtra le Rassemblement des Républicains d'Alassane Ouattara parti implanté dans le nord. Ce qui explique son caractère identitaire et régional.

Henri Konan Bédié introduit le concept d'ivoirité dans la Constitution. La polémique sur l'Ivoirité qui impose de prouver ses origines pour participer à la compétition électorale n'est qu'un des épisodes de la domination d'élites issues du sud. Cette identification sectaire a servi, depuis la mort d'Houphouët, les hommes qui se sont succédés à la tête de l'Etat ivoirien.

C'est en décembre 1999 que la situation a totalement basculé avec la mutinerie qui avait fini de se transformer en coup d'Etat et porter le Général Gueï
au pouvoir. Avec l'insurrection du 19 septembre 2002, déclenchée par une partie de l'armée en rupture de ban, la Côte d'Ivoire renoue avec la crise.
Par crise il faut entendre la période où les difficultés économiques, politiques et idéologiques sont ressenties comme paroxystiques.

La crise qui secoue la Côte d'Ivoire se rapproche plus à une lutte armée qui oppose au sein d'un même Etat d'importantes fractions de la population.
Pour sortir de la crise, différentes médiations ont été entreprises. La médiation
se définit comme un mode de règlement politique des conflits consistant dans l'interposition d'une tierce personne qui ne se borne moins pas de persuader les parties mais leur proposer en plus une solution.

Elles se sont opérées au plan individuel, sous -régional, régional, et enfin l'échelle internationale.

Au plan individuel, nous pouvons retenir les médiations du président Sénégalais Abdoulaye Wade et du président malien Amadou Toumani Touré.

Le sommet du 29 septembre de la CEDEAO Accra s'est concrétisé par la
création du groupe de contact dirigé par le président Togolais Gnassimbé
Eyadéma, avant de connaître un nouveau lifting avec le sommet d'Accra du 6
mars 2003.

La France longtemps confinée dans une politique non interventionniste depuis le fiasco politico-militaire rwandais de 1994 avec l'opération turquoise, a envoyé un contingent militaire pour non seulement sécuriser ses ressortissants mais aussi protéger ses intérêts économiques. En effet, il y a 210 filiales d'entreprises françaises sur le territoire Ivoirien, soit le quart de filiales françaises implantées dans la zone franc.

Pour trouver une solution diplomatique à la situation, un accord été signé à Marcoussis dans la banlieue parisienne après 10 jours de conclave. Ont pris part à ce huis clos, les différents protagonistes de la crise à savoir les trois mouvements rebelles (le MPCI, MJP, MPIGO) et les différentes entités politiques. Les accords de ce huis clos ont été avalisés par le Sommet des Chefs d'Etat de Kléber le 25 et 26 Janvier 2003.

Dans le cadre de l'étude de ce sujet, un certain, nombre de questions doivent être posées.
Dans un Etat multinational comme la Côte d'Ivoire, quel sont les critères de détermination de la nationalité ?

A quelle ivoirité se réfère la Côte d'Ivoire ?

Pourquoi les rebelles contestent-ils le pouvoir ?

Etaient-ils en droit de contester un pouvoir démocratiquement élu ?

En Afrique, un coup d'Etat, une rébellion ne sont-ils pas en train d'être érigés en mode d'accession au pouvoir?

Le processus de l'intervention française, n'est-il pas signe d'un grand retour du néocolonialisme?
L'Etude du sujet à travers de multiples données nous permet de déceler un intérêt au triple plan : géo-économique, politique et actuel.

Sur le plan géopolitique, la Côte d'Ivoire est en proie à des conflits ouverts ou mal éteints avec le Libéria et la Sierra-Léone. Situé au Sud-Ouest le Libéria est aujourd'hui le principal pourvoyeur de milices tant du côté gouvernemental que celui des mouvements rebelles. Au nord Est, Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso est accusé par Abidjan de déstabiliser la Côte d'Ivoire par son aide supposée aux rebelles. Sur la moitié Nord Ouest, la Côte d'Ivoire partage une frontière avec le Mali fermée sans attendre le début de la présente crise. La Guinée ayant également fermé sa frontière à l'Ouest semble se murer dans une certaine neutralité. Cependant, le Ghana, à l'Est ne souffre d'aucune friction sérieuse de l'ivoirité. De surcroît, la Côte d'Ivoire offre un marché juteux aux trafiquants d'armes.

Sur le plan économique, la crise a eu d'importantes répercussions sur la bonne marche de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). En effet, la Côte d'Ivoire contribue à 40 % du PIB. De surcroît, le port d'Abidjan constitue une des principales portes d'ouverture pour les pays enclavés tels le Mali, le Niger et le Burkina.

Avec la suspension du trafic, ces derniers réorganisent les circuits d'approvisionnement vers d'autres ports notamment à Lomé, à Cotonou, à Dakar et même à Téma au Ghana.

Au plan politique, la crise en Côte d'ivoire s'explique par une dynamique de pouvoir. Les différents protagonistes luttent pour la conquête ou le maintien du pouvoir. En effet, d'abord corporatistes, les revendications des mutins deviennent par la suite politiques en demandant le départ du Président Laurent Gbagbo et l'organisation d'élections où prendraient part toutes les sensibilités politiques. Il est surtout actuel.

La Côte d'Ivoire réputée stable, renoue avec la spirale de la violence susceptible d'embraser toute la sous-région.

L'objet de notre réflexion sera basé sur une approche synthétique mettant en exergue d'une part les divers éléments qui sont inter-relation entre eux et d'autre part, les facteurs historiques, socio-politique et économiques. C'est pourquoi, l'étude de ce sujet appelle différentes questions :

Quels sont les différents déterminants sous -jacents la société ivoirienne ? et qui sont les protagonistes de la crise ?

Quelles sont les solutions qui ont été préconisées pour sortir de la situation de crise ?

Les questionnements nous conduisent à exposer dans un premier mouvement les facteurs et les acteurs de la crise et de montrer dans un deuxième mouvement les tentatives de sortie de crise.

1ÈRE PARTIE : LES FACTEURS ET LES ACTEURS DE LA CRISE

La mutinerie du 19 septembre 2002 apparaît à tous les observateurs avertis de l'évolution de la Côte d'Ivoire comme l'aboutissement d'une accumulation de phénomènes dont 1e pays a été le théâtre au cours de cette décennie1(*). La mutinerie déclenchée par une partie de l'armée en rupture de ban n'est qu'une des facettes de la crise qui secoue le pays. En effet, la particularité de la Côte d'Ivoire au plan politico-ethnique et économique a instauré une situation de rébellion pour combattre une répartition du pouvoir politique ou des richesses.
Par facteur de la crise, il faut entendre les nombreux déterminants sous jacents la société ivoirienne car l'instabilité qui caractérise le pays trouve ses fondements dans des racines profondes. Quant aux acteurs, ce sont les différents protagonistes. Ils se subdivisent d'une part en la famille présidentielle en la personne de Laurent Gbagbo et son épouse Simone et de l'entourage présidentiel, et d'autre part les opposants au régime à savoir les « fils spirituels» de Houphouët Boigny avec Henri K. Bédié, Alassane Ouattara et Robert Guei et enfin les mouvements rebelles que sont le Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), principal mouvement, du Mouvement pour le Justice et la Paix (MJP) et du Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO) né plus tard. Qu'ils soient du pouvoir, de l'opposition ou de la rébellion, leur principal objectif reste la lutte pour la conquête ou le maintien au pouvoir.
Circonscrite en Côte d'Ivoire, la crise menace la stabilité de la sous -région.

CHAPITRE I : LES FACTEURS DE LA CRISE

Deux séries de facteurs sont à l'origine de la crise. Ils sont à la fois politico - économique et socio -juridique

SECT I : LES FACTEURS POLITICO-ÉCONOMIQUES

L'environnement politico-économique est l'un des facteurs les plus marquants car obéissant à la logique des événements internes liés aux institutions. Ces facteurs s'expliquent par une guerre de succession entraînant des tensions politico -militaires subséquentes.

Par I : Les facteurs politiques

De tous les facteurs, ils apparaissent comme les plus récurrents. En effet, la crise politique engendrée par la succession de Houphouët Boigny dans des conditions controversées a entraîné une situation d'affrontassions entre Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara, débouchant du coup à des tensions politico-militaire après le refus en 1995 de la candidature de Alassane Dramane Ouattara.

A- Une guerre de succession

Dès la fin des cérémonies funéraires qui ont suivi le décès du Président Houphouët le 07 Août 1993, une bataille de succession s'est engagé entre le Président de l'Assemblée Nationale, Henri Konan Bédié, successeur en vertu de l'article 112(*) de la Constitution et le Premier Ministre d'alors Alassane Dramane Ouattara. Ce dernier a été soupçonné de vouloir commettre un «hold-up»
constitutionnel3(*) au mépris des textes qui l'écartaient du pouvoir pour investir automatiquement Henri Konan Bédié au trône. L'hésitation de l'ancien Premier
Ministre Alasane Dramane Ouattara à passer le pouvoir au Président de l'Assemblée Nationale, Henri Konan Bédié avait suscité une grave crise politique qui avait fait craindre le chaos à la Côte d'Ivoire. Car en 1992, suite à une sortie politique télévisée Ouattara annonçait son intention de succéder à Houphouet Boigny.

La crise s'est accentuée à la veille des élections présidentielles lorsque l'ancien Premier Ministre a annoncé sa candidature à la magistrature suprême. Le Président Bédié a refusé sa candidature en contestant l'éligibilité de Ouattara au motif de sa nationalité Burkinabé. Le Côte d'Ivoire était au bord de la guerre civile lorsqu'in extremis, Ouattara s'est retiré. On s'attendait donc à un apaisement du climat politique et social lorsque Laurent Gbabgo, candidat du Front Populaire Ivoirien, a lancé un mot d'6rdre de boycott. Les manifestations furent réprimées violemment par le pouvoir en place en application du décret N°95-721 du décret N°95-721 du 25 septembre 1995 qui interdisait les manifestations publiques. La tension politique était à son paroxysme : 30 morts furent dénombrés. Le Général Robert Guei était également soupçonné de connivence avec Alassane Ouattara4(*).

B- Les tensions politico-militaires subséquentes

Bédié élu en 1995, les marches et sit-in du Front Républicain se sont poursuivis pour contester sa légitimité « entachée de fraude » et « entachée de violence et de sang »5(*). Pour désamorcer la crise, le Président Bédié a formé un gouvernement d'ouverture en faisant appel d'abord à Bernard Zadi Zaourou de l'USD, ensuite Francis Wodié du PIT et enfin Adama Coulibaly du R.D.R mais l'opinion n'a accordé une grande importance à cette ouverture parcimonieuse faite au cas par cas. La tension politique n'a donc pas baissé puisque le F.P.I a non seulement refusé l'offre mais accusé d'autant, l'USD et le PIT de trahison à la cause de l'opposition. Par ailleurs, le Rassemblement Démocratique des Républicains frustré de n'avoir pas été consulté par l'intégration d'Adama Coulibaly l'a exclu du parti. Néanmoins, le FPI qui a fait un pari sur l'avenir a réussi à conclure des accords avec le gouvernement sur les conditions de déroulement des élections de l'an 2000. Ce qui n'était pas le cas du RDR. Dès lors, l'échiquier politique ivoirien s'est trouvé transformé : Le Front Républicain FPI-RDR faisait désormais place à l'Alliance PDCI-FPI. Rassuré au niveau interne par cette alliance et se fondant sur la décision des chefs d'Etat au dernier Sommet de l'OUA à Alger en Juillet, de ne plus siéger avec un gouvernement issu d'un putsch, le Président Bédié pensait avoir suffisamment de marge de sécurité pour relancer le débat sur la nationalité d'Alassane Ouattara. C'est ainsi que, démarrant sa campagne électorale, il affirmait sans ambages « qu'Alassane est Burkinabé par son père »6(*) remettant à l'ordre du jour la nationalité et l'éligibilité de Ouattara.

La scène politique s'est de nouveau mise en ébullition et la riposte s'est traduite par une série de marches dont la dernière a conduit à l'arrestation de neuf leaders du RDR.7(*)

Robert Guei arrivé au pouvoir par le biais du putsch a formé un gouvernement d'ouverture. Mais très vite des fissures sont apparues.

La perspective de l'élection 2000 a déchaîné des luttes partisanes. Le FPI s'est allié de fait avec le PDCI. Après neuf mois d'expectative, l'élection s'est jouée à guichet fermé ; la Cour Suprême n'ayant validé que cinq candidatures sur dix sept postulants, éliminant Ouattara et tous les prétendants du PDCI. Gbagbo est élu avec 62 % d'abstention. La présidence de Gbagbo a commencé sous de mauvais auspices. En effet, dès les élections de décembre, la candidature à la députation de Ouattara était refusée.

Sous la pression de ses partenaires, le Forum de réconciliation s'est tenue d'Octobre à Décembre 2001 constituant ainsi le point d'orgue du processus avec les quatre leaders : Bédié, Ouattara, Gbagbo, Guei, débouchant ainsi à l'octroi d'un certificat de nationalité à Alassane Ouattara. Mais ce Forum était illusoire comme le révèlent les violences actuelles.

Cette crise s'est déroulée aussi sur fond de crispations militaires.

En effet, une fois installé, Guei s'est brouillé avec ceux qui l'ont porté au pouvoir. Il limogea ainsi les officiers généraux du Nord qui l'avaient porté au pouvoir à savoir : le Général Abdoulaye Coulibaly et Lansana Palenfo. D'autres n'ont pu s'échapper qu'en prenant le large (Ibrahima Coulibaly « lB »). Il recrute
de centaines de miliciens de sa région d'origine, Man, se constitue une garde personnelle de plusieurs dizaines d'hommes de son village Guessessou. C'est
avec cette force de frappe(Zinzins) qu'il s'engage dans l'épreuve de l'élection
présidentielle.

Après son élection Gbagbo tente de restructurer l'armée. Il remplace le Chef d'Etat Major le général Diabakhaté, officier du Nord par Mathias Doué. Il décide de démobiliser les Zinzins car devant faire face «aux impératifs de la masse salariale de la fonction publique ». Cette démobilisation a été le facteur déclenchant de la mutinerie du 19 septembre.

La mutinerie a lieu sur fond de crise économique.

Par II : Les facteurs économiques

La crise économique des années 1980 a mis fin au miracle ivoirien. Longtemps considérée comme le grenier de l'Afrique francophone, la Côte d'Ivoire est en proie à une crise économique. La géographie du pays a correspondu à une structuration économique.

A- La récession économique

La crise économique est due à des facteurs aussi bien internes qu'externes.

S'agissant des facteurs externes il faut retenir trois éléments dont les effets ont été néfastes pour l'économie ivoirienne et pour les ivoiriens : le programme d'ajustement structurel, la dévaluation du franc cfa ; et la baisse des cours du prix du café et du cacao.

Le programme d'ajustement structurel appliqué à la Côte d'Ivoire n'a pas donné de résultats satisfaisants quant au relevant de l'économie. Le désengagement de l'Etat dans les investissements sociaux pour s'orienter vers des secteurs productifs, la privatisation des entreprises publiques qui implique nécessairement des licenciements massifs, et l'alignement sur les prix mondiaux qui conduit à la disparition des entreprises non concurrentielles, ont débouché sur un accroissement de la pauvreté.

La dévaluation, du CFA, intervenue en janvier 1994 a été imposée par la banque mondiale et le F.M.I et acceptée par la France et les pays de la zone franc. Elle devait permettre à l'économie ivoirienne de mieux se comporter sur le marché international notamment au niveau des exportations, mais le prix des biens importés augmentant, la dévaluation a signifié pour la population une diminution de son pouvoir d'achat et une augmentation du coût de la vie.
La baisse des cours des prix du café et du cacao revêt une importance capitale en côte d'Ivoire, puisqu'elle aggrave l'état de pauvreté des populations rurales.
En effet, le café et le cacao étant les principales productions rentières de la côte d'Ivoire, la variation de leur cours reste le baromètre de l'état de richesse ou
de pauvreté de ces populations.

S'agissant des facteurs internes, leur impact sur les populations a été plus important en raison de leur lien avec la morale, d'autant plus que les scandales financiers et l'affairisme ont marqué la société ivoirienne.

En effet, la scène politique ivoirienne a été émaillée de n ombreux scandales économiques et financiers. Ces différents scandales qui défient toute morale politique, économique et sociale ont terni l'image de la Côte d'Ivoire tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.

Il ressort également à l'intérieur que les différents scandales prouvés ont révélé que le trésor public a été l'objet de plusieurs détournements de deniers publics.8(*)
Il ressort également de ces scandales que des investissements faramineux ont été effectués sans couverture budgétaire dans le chef lieu et dans le village natal de Bédié.9(*)

A l'extérieur c'est le détournement de fonds d'aides de l'Union Européenne à la Côte d'Ivoire destinés à la santé qui est à l'origine de la détérioration de son image. Cette affaire conduisant au relèvement des fonctions du ministre de la santé M. Guikahué, qui a amené l'union Européenne à suspendre sa coopération avec la Côte d'Ivoire, a causé un préjudice énorme à l'état qui non seulement a été privé de tout appui budgétaire, mais également de tout nouveau projet d'investissement.
En outre la Côte d'Ivoire présente un économique géo -ethnique.

B- Une économie géo-ethnique

En Mai 1961, Houphouët Boigny déclarait à Karogho, ville du nord « Il faut qu'à l'intérieur de notre Côte d'Ivoire nous réalisons l'unité de tous les ivoiriens, et surtout l'égalité entre tous les ivoiriens, qu'ils soient du nord, du sud, de l'ouest ou de l'Est »10(*)

La différence géo-ethnique s'est faite sur fond de différences régionales et de mouvements de populations.

En Côte d'Ivoire, en effet, on distingue le Sud du Nord qui reste déshériter malgré les progrès accomplis. C'est au sud que sont concentrées toutes les grandes productions exportables, de café, de cacao, de bananes, d'ananas.
Ce phénomène a été l'origine d'importants mouvements de populations vers le sud.
Les populations du nord sont largement constituées de Dioulas terme désignant les commerçants. Une analyse détaillée des revenus, des comportements sociaux et du niveau de vie, permet à SAMIR ArviiN11(*) de dire que les populations du nord détiennent une part importante de l'économie. En effet par le biais des vagues de migratoires, le centre -ouest et le sud-ouest ont été submergés par des migrants qui ont occupé la majeure partie des espaces cultivés.
L'agriculture paysanne se développa grâce à une immigration spontanée massive en provenance des zones de savanes de la côte d'ivoire, mais aussi du
Burkina et du Mali. Quant à l'agriculture industrielle elle se développa grâce à l'exécution d'un programme initial de grandes plantations. De véritable « réseaux de recrutement» furent mis sur pied. Le Burkina Faso fournit 35 % à lui seul de travailleurs. Lorsque les populations autochtones ont senti que le glas Krou avait commencé, ils se mirent à jouer le jeu des plantations villageoises dans la décennie 1980. En 1998 la loi sur la propreté foncière, autorisait l'expropriation de tous les « étrangers ». Le conflit foncier qui a opposé en novembre des autochtones Krou dans la sous -préfecture de Tabou à des immigrés Lobi a donné lieu au départ précipité de 15 000 Burkinabé dépouillés ainsi de leurs propriétés foncières.12(*)

Ces facteurs politico-économiques s'ajoutent des facteurs socio-juridiques.

SECT II : LES FACTEURS SOCIO-JURIDIQUES

Pour faire de la Côte d'Ivoire un pays émergent, le président H. Boigny s'est attelé à une intégration de peuples immigrés, nécessitant la construction d'une unité nationale.

Par I : Un état à composante hétérogène

Créée artificiellement par la colonisation, la Côte d'Ivoire est traversée par flux migratoires dus au miracle Ivoirien. L'hétérogénéité de son peuplement explique son caractère multinational.

A: Un pays d'immigration

Dans l'empire colonial français, la Côte d'Ivoire était sélectionnée comme une colonie de plantation qui devait être mise en valeur par la main d'oeuvre transférée de force des territoires voisins alors peuplés. Depuis le début du XXe siècle des milliers de migrants ont été forcés de venir travailler sur les plantations de Côte d'Ivoire. Même après la fin du travail forcé en 1946 ce mouvement migratoire s'est poursuivi jusqu'à l'indépendance et sous l'impulsion de planteurs locaux qui avaient besoin de maintenir cette main-d'oeuvre L'administration coloniale avait aussi recruté du personnel dans les pays où le niveau d'instruction était plus élevé qu'en Côte d'Ivoire en particulier au Sénégal et au Dahomey. Une deuxième vague s'est effectuée au milieu des années 70. Ces migrants sont le plus souvent des hommes adultes venus en Côte d'Ivoire s'installer avec leurs familles. Les impératifs de l'exploitation coloniale ont fait que les limites de la colonie ont fréquemment changé. Elles n'ont été fixées avec celle de la Haute Volta (actuel Burkina Faso) du Mali (ancien Soudan Français) et du Niger qu'en 1947.

Houphouët Boigny a été élu en 1945 député au Parlement au titre d'un territoire de la Côte d'Ivoire qui comprenait alors l'actuelle Côte d'Ivoire et le Burkina.
La Côte d'Ivoire compte aujourd'hui 15 millions d'habitants dont 6 à 7 millions sont originaires de la sous -région.

La politique coloniale de peuplement de la Côte d'Ivoire explique donc le plus le caractère cosmopolitique de sa population par rapport à celle des autres territoires de l'Afrique de l'Ouest.

B- Un Etat multinational

L'Etat multinational se caractérise par une diversité de nationalité en son sein.
Confiant dans les résultats de sa politique, le Président Houphouët Boigny déclarait le jour de la fête nationale en 1964 « la Nation peut comprendre le Gourou, Bétés, des Baoulés, les Yacoubous, des Dioulas et bien d'autres races comme la France par exemple des Bretons, des Auvergnats, des Basques »13(*) frontières coloniales de la Côte d'Ivoire comme celles des autres pays africains ont séparé les peuples naguère unis dans la même aventure historique. E n effet, l'histoire culturelle du Nord du pays s'apparente à celle de certains pays voisins. Ainsi le royaume de Kong fondé par les ancêtres de M. Alassane Ouattara s'étendait du XXè siècle à la conquête coloniale sur un territoire que se partagent la Côte d'Ivoire, le Mali et le Burkina Faso, tout comme le Nigéria, le Tchad et le Niger se partagent le territoire occupé par les anciens royaumes du Kanem et de Bornou ou comme l'ancien Etat de l'Adamtwa qui s'est trouvé divisé entre le Cameroun et le Nigéria. Toute cette diversité a justifié l'expression de «puzzle humain»14(*) qu'emploie Gabriel Rougerie. La diversité ethnique est à l'origine d'une diversité religieuse. En effet, trois religions principales coexistent en Côte d'Ivoire : l'animisme, l'Islam et le Christianisme.

L'Animisme a été pendant longtemps la religion dominante. Certains peuples comme les Koulango, les Lobis du Nord-Est, les Senoufos qui y restés attachés ont été convertis à l'Islam.

L'Islam s'est répandu d'abord dans le nord du pays à partir du XVe siècle puis a été diffusé vers le sud par les dioulas commerçants. Aujourd'hui elle représente la communauté la plus importante.

Le christianisme est beaucoup plus récent. Son implantation date de la colonisation. Sa diffusion a donc suivi le mouvement de pénétration du territoire par les Français, du sud vers le nord s'opposant ainsi aux influences islamiques septentrionales.
La Côte d'Ivoire compte près d'une soixantaine d'ethnies qui se regroupent en 4 grands ensembles.

Le groupe Akan est localisé au Centre et au Sud-Est composé de Agnis, Baoulé et des populations lagunaires Ebriées. Ensuite il y a le groupe Krou au sud constitué de populations isolées et des Bétés ; le groupe voltaïque au nord, nord-est constitué de Senoufo, de Kalango, Lobi ; le groupe Mandé subdivisé en deux branches à l'ouest et centre-ouest, et Mandé du sud avec les Gourou et Dans, Yacoubo, le nord-ouest constitué de Malinkés et de Dioulas.
Il y a une correspondance entre la politique et la géographie. En effet de ces ensembles régionaux, il en résulte que Henry Konan Bédié est issu du sud -est, Robert Gueï de l'ouest, Laurent Gbagbo du sud-ouest et Alassane Ouattara du nord. Comme beaucoup d'Etats Africains, la Côte d'Ivoire présente un substrat national en construction.

Part II : Une nation en construction

La nation est une certaine qualité de la population d'un Etat ou même d'un groupement humain à l'intérieur ou à travers des Etats. Celle de la Côte d'Ivoire s'est trouvée en perpétuelle construction du fait de la préexistence de l'Etat.

Aujourd'hui l'ivoirité se trouve en déphasage de la conception de l'unité prônée par Houphouët. Boigny.

A- La Préexistence de 1'Etat

La Côte d'Ivoire se présentait en 1960 comme un pays profondément divisé. Ses frontières héritées de la période coloniale ne correspondaient pas à des divisions naturelles, physiques ou humaines. Elle englobe de nombreux groupes humains, de races, d'origines différentes, de coutumes différentes, sans compter les importantes minorités étrangères africaines ou européennes. Dans ces conditions, la Côte d'Ivoire était bien en 1960 un Etat mais elle était loin de constituer une nation. C'est pourquoi, le Président Houphouët Boigny déclarait à Ghagnoa en Août 1961 «Nous sommes condamnés à réaliser l'unité ou à périr.15(*)

La Nation se définit comme une communauté dont les membres se sentent liés les uns aux autres par un ensemble de facteurs de nature historique, raciale, linguistique, économique culturelle et qui les distinguent en même temps des autres communautés voisines.16(*)

En Afrique et plus particulièrement en Afrique noire, c'est l'Etat qui s'est imposé comme réalité première, personne juridique, reconnue par les instances internationales. C'est par l'Etat que naît la Nation ou du moins qu'elle s'efforce de naître.

Talcott Person disait « que le drame en Afrique est que, c'est l'Etat qui préexiste à la Nation. »

C'est pourquoi dès son accession accès au pouvoir le Président H. Boigny s'est efforcé de supprimer tous les facteurs de divisions susceptibles de dresser les uns contre les autres les différents éléments de la population ou d'entretenir entre eux un mur d'incompréhension nuisible à la formation d'une Nation par une modernisation des institutions traditionnelles et par une intégration des immigrants.

Mais en réalité comme dit Jean Ziegler « deux rationalités concurrentes se développent, se compénètrent ou s'affrontement dans les germes républicains ». La première étant la genèse de l'intersubjectivité nationale et de la seconde rationalité surgit l'Etat ravissant. Il n'existe pratiquement pas d'Etat-Nation et L.S Senghor, de reprendre que l'Etat en Afrique plus qu'ailleurs « c'est surtout le moyen de réaliser la nation. Seule l'action des pouvoirs publics est capable de faire de nos populations diverses un temple, une communauté où chaque individu s'identifiera à la Collectivité et celle-ci à tous ses membres.17(*)

B- L'ivoirité

Le concept a été inventé par Bédié pour caractériser l'ivorien dans sa vie sociale et culturelle. L'ivoirité peut être appréhendée sous trois aspects.

L'ivoirité est d'abord été conçue comme « une affirmation nationale ». En effet, le pouvoir a entrepris de se doter d'une nouvelle légitimité en proposant que la Côte d'Ivoire s'emploie de travail de réflexivité en déclinant fortement son identité dans le but apparent de s'autopromouvoir comme une nation mature capable de s'appuyer sur son histoire et sa diversité culturelle pour affronter les défis de la modernisation18(*). Ce qui fut appelé ivoirité ou encore «l'esprit du nouveau contrat social du Président Henri Konan Bédié », conception qui sera mise en oeuvre par un cercle d'intellectuels et d'universitaires à travers la cellule universitaire de recherche et de diffusion des idées et actions politiques du Président Bédié (CURDIPHE). Mais ce n'était qu'une définition de surface propre à masquer de très pernicieux ferments de division, car l'ivoirité telle qu'elle commença à servir de fondement légitime au pouvoir de Bédié durant la campagne électorale de 1995 fut à l'origine de vives contestations du côté des principaux partis de l'opposition surtout du RDR. L'ivoirité telle apparue cinq ans plus tard avec l'installation au pouvoir de Konan Bédié, pouvait être interprétée comme une habile stratégie pour se démarquer
résolument des libéralités d'Houphouët Boigny.

Dans la recherche de légitimation, l'ivoirité peut-être comprise comme une volonté de s'aligner sur les politiques menées par l'Europe et notamment la France à l'égard de l'unification en d'autres termes comme une façon semble-t-il assez raisonnable pour un Etat moderne de contrôler ses flux migratoires et définir en toute indépendance les ayant droits à sa citoyenneté.
L'ivoirité s'affirme comme une redéfinition pernicieuse de la citoyenneté.
L'on retrouve ici l'affaire Alassane Ouattara en l'occurrence la détermination obstinée de Konan Bédié à exclure le leader du RDR de la compétition électorale au motif qu'il serait burkinabé. Le Président ivoirien fait voter dès 1995, à l'Assemblée Nationale une loi obligeant tout candidat à la magistrature suprême à fournir la preuve qu'il était ivoirien de sang à savoir que ses deux parents étaient effectivement nés en Côte d'Ivoire. L'ivoirité devient alors « une missile anti Ouattara19(*). Les gens du Nord se trouvent ainsi assignés à une loi draconienne, à une moindre citoyenneté. Ces considérations visaient à diviser arbitrairement les gens du Nord, à ceux du Sud qui les désignaient comme des Dioulas ressortissants des régions soudaniennes qu'ils fussent ivoiriens, maliens voire burkinabés. Ainsi d'une volonté d'affirmation nationale propre à mettre de l'ordre dans la citoyenneté, l'ivoirité dès lors s'érigea en loi, en ethno-nationalisme.

C'est sous cette forme que l'on retrouve plus largement une telle notion sous l'aspect d'une création idéologique émanant de Bédié devenu auteur à travers son ouvrage « les chemins de ma vie» et d'un cercle d'intellectuels et d'universitaires qui considèrent en effet que le bon ancrage de l'voirité est celui d'un monde socio-culturel revêtu d'un caractère d'exemplarité. Il s'agissait du monde Akan et plus particulièrement de Baoulé implantés au Sud ivorien dans ses parties orientales et centrales dont étaient originaires Bédié et ses thuriféraires. Des idéologues voulurent souligner « l'harmonieux» équilibre entre «gens du pouvoir » et «gens des terres », ce que le Président ivoirien n'hésitera
pas d'appeler une «aristocratie » et « une plèbe ».

Les différents facteurs ont influencé l'action des différents protagonistes de la crise.

CHAPITRE II : LES ACTEURS DE LA CRISE

L'Etat de guerre de civile qui, depuis 1e19 Septembre mine le tissu social ivoirien et saigne l'économie de ce que fut le pays phare de l'Afrique de l'Ouest francophone trouve son fondement dans l'action de ses acteurs. Par acteurs, il faut entendre les différents protagonistes dont .le principal objectif reste le pouvoir. Car si pour les uns c'est la lutte pour la conquête du pouvoir, pour les autres c'est son maintien.

C'est pourquoi, il est nécessaire de distinguer les loyalistes d'une part, les opposants et les mouvements rebelles d'autres parts.

SECT I : LE CAMP DES LOYALISTES

Par « loyalistes», il faut entendre ceux qui légalement sont investis, autrement dit, ceux qui exercent la légalité constitution elle et leur proche entourage.

Par I : La famille présidentielle.

Il faut distinguer Président Laurent Gbagbo investi au suffrage universel et son épouse qui joue un rôle non moins important.

A- Le Président Laurent Gbagbo

Laurent Koudou Gbagbo est né le 31 mai 1945 dans le village de Marna, près de Gagnoa (centre ouest). Il a fréquenté le petit séminaire de Gagnao où on lui enseigne le latin et le grec. Une fois son baccalauréat obtenu en 1965 au Lycée Classique d'Abidjan, il s'oriente vers une licence d'histoire qu'il achève à l'université d'Abidjan. Il obtient une maîtrise d'histoire à l'université Paris Sorbonne. En 1969, un affrontement éclate avec le PDCI entraînant l'arrestation de nombreux étudiants parmi lesquels Laurent Gbagbo. En 1970 jusqu' en mars 1971, il enseigne l'histoire et la géographie au lycée classique d'Abidjan. Le 31 mars 1971, Laurent Gbagbo est amené aux fins de « redressement» au camp militaire de Bouaké, ensuite de Séguela pour y. effectuer un service militaire.
Libéré en janvier, après une période d'accalmie en 1978, l'agitation scolaire et
universitaire reprend. Elle aboutit à la crise de 1981-1982 qui met en première ligne Laurent Gbagbo qui dirigeait le SYNARES (Syndicat Autonome
d'Enseignants pour le Supérieur). En 1982, il décide de partir en exil. Ce n'est
qu'en 1988 qu'il prend la décision du retour plus précisément le 31 Septembre
1988. Le premier congrès clandestin du FPI se tint en 1990. Avec l'avènement du multipartisme en 1990, contre l'avis de tous, il se présente aux élections et obtient 18, 36 % des suffrages, 9 députés et 6 maires aux élections législatives et municipales. Lorsque Houphouët meurt en décembre 1993, le F.P.I et les autres
observent le deuil national dans le calme et la dignité. En 1993, il fera cavalier
seul en boycottant les élections. Après s'être détaché du RDR avec qui il forma une coalition au sein de l'opposition dans le front républicain, il s'opposera aux manipulations électorales de Robert Guei en octobre 2000. Elu avec un fort taux d'obtention (62%), suite aux pressions internationales, un forum de réconciliation nationale se tint d'octobre à décembre 2001 dirigé par
Seydou Elimane Diarra, Premier ministre d'alors de Robert Gueï. Le Forum réunit les différents protagonistes à savoir Robert Gueï, Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié. A la suite de ce forum, pour montrer un désir d'apaisement, un certificat de nationalité fut délivré à Alassane Ouattara et un gouvernement d'ouverture était mis en place. Mais la Constitution ne fut point révisée. Gbabgo arrivé au pouvoir, avait remplacé le général Chef d'Etat major des Armées Dabakhaté, un officier du nord par Mathias Doué et démobilisait les troupes Les mesures concrètes issues du Forum n'avaient pas été appliquées. Et Seydou Diarra de vérifier ses craintes confiait dès septembre 2001 à « Jeune Afrique l'intelligent » à la veille de l'ouverture du Forum « si le Forum échoue, s'il ne débouche pas sur un véritable pacte républicain alors j'aurai peur pour mon pays »20(*) Propos prémonitoires qui ont débouché à la mutinerie.

Mais dit-on en Afrique que « Derrière chaque grand homme, il y a l'ombre d'une femme»

B- Simone Ehivet Gbagbo : une militante dans l'âme

Depuis le début de la guerre, Simone Gbagbo est en première ligne. Militante dans l'âme, la première dame galvanise les foules sans s'éloigner des hautes sphères du pouvoir où elle joue un rôle clé auprès du chef de l'Etat. Depuis le début de la guerre, la première dame va d'une caserne à l'autre pour porter la bonne parole et le réconfort aux familles de soldats et des gendarmes massacrés au Nord. Elle organise des séances de prières collectives pour le retour de la paix, fait souvent entendre sa voix à la radio comme à la télévision.

Simone Gbagbo est avant tout une militante, une habituée des pugilats politiques, une amazone. Députée d'Abobo, une agglomération de la banlieue d'Abidjan, Présidente du groupe parlementaire du Front populaire ivoirien, elle s'occupe également des relations privées du chef de l'Etat. Elle déclarait à la mi janvier « si nos hommes vont à Paris pour prendre des décisions qui ne nous 0.satisfont pas, à leur retour, ils ne retrouveront pas dans leurs lits »21(*) lors d'un rassemblement des jeunes patriotes déclaration qui a porté par le rejet, par l'armée et plusieurs grandes formations politiques d'attribuer au sein du futur gouvernement de réconciliation nationale les portefeuilles de la défense et de la sécurité aux insurgés du Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI). Simone Ehivet Gbogbo a connu très tôt les aléas de la vie et la souffrance. Elle perd sa mère en venant au monde, le 20 juin 1949. En 1973 «ADELE» nom de code utilisé en filtrant avec le Marxisme, épouse Laurent GBAGBO en seconde noce .De 1982 à1988, lorsque Laurent Gbabgo était déclare persona non grata, elle hérite du poste de Secrétaire Générale Adjointe du F.P.I , alors qu'elle était secrétaire générale adjointe du syndicat National de la Recherche et de l'Enseignement (SYNARES). Elle poursuit une carrière d'universitaire à l'institut de linguiste ; tout en étant tour à tour la secrétaire chargée des finances et de la formation politique (1988-1990), puis secrétaire générale adjointe chargée de la formation politique.

En croire aujourd'hui, de l'avis générale, Simone Gbabgo est à elle seule, une « République autonome », qui a su batailler ferme pour se hisser à la place qui est la sienne aujourd'hui à 54 ans.

C'est à cette famille présidentielle, qui est relié le mouvement « des jeunes patriotes » le mouvement est dirigé par Charles Blé Goudé considéré comme un des plus fervents partisans du régime de Laurent Gbagbo.

Par II : Le proche entourage présidentiel

Parmi les loyalistes, il est nécessaire de mettre l'accent sur deux personnages savoir le Général Mathias Doué et Laurent Donan Fologo.

A- Mathias Doué

Lorsque la crise se déclenchait, on le donnait pour mort après que des éléments armés eurent pris certains points stratégiques d'Abidjan. Après s'être soustrait de son domicile, il réorganisa les troupes afin qu'Abidjan ne subisse le sort de Bouaké et de Korogho.

A 57 ans c'est un officier formé en France entre autres, à l'école de Saint Cyr-Goetquidan, à l'Ecole d'Application des Blindés et de la Cavalerie, à Sammur, mais aussi en Allemagne dans le Banwehr. Il fut nommé par le Général Robert Guei au lendemain du coup d'Etat de Décembre 1999. Ministre des sports, Instructeur militaire à ses débuts, au cours de sa carrière, il a été commandant du premier bataillon blindé et du premier bataillon d'infanterie d'Akouédo puis juge d'instruction. Il a été aussi attaché d'ambassade au Japon, puis en république.

Populaire de chine. Il parle couramment l'Allemand et l'Anglais et a occupé plusieurs postes au Ministère de la Défense.

B- Laurent Donan Fologo

Il fut longtemps le secrétaire Général, plusieurs fois ministre sous Houphouët et Bédié. Sénoufo de Péguekaha dans le nord, Donan Fologo paraissait devoir ne `plus jamais se remettre du putsch de 1999. Arrêté puis incarcéré au camp militaire Akouedo, il sera relâché après avoir fait acte d'allégeance au Général Gueï. A la fuite de Bédié, il assura l'intérim du Parti (PDCI/RDA).
Après la défait électorale de Gueï, il se rapproche de Gbagbo qui par son intermédiaire s'efforce de rallier à sa cause les militants du Conseil économique et social. Après avoir été battu pour la direction du parti, au Congrès d'Avril 2002, il a dirigé la délégation gouvernementale aux négociations de Lomé.
Aux loyalistes, on met en face les opposants au régime de Gbagbo.

SECT II : LES OPPOSANTS AU RÉGIME DE GBAGBO

Il faut distinguer dans cette section les héritiers du Président Houphouët et les mouvements rebelles.

Les héritiers de Houphouët se réclament tous de son idéologie mais se caractérisent différemment dans leurs démarches

Par I : Les héritiers de la pensée d'Houphouët

On fait ici le départ entre « fils spirituels » à qui il est imputé d'être en grande partie à l'origine de la crise, et Robert Gueï qui mit.fin à la première république.

A- Les « fils spirituels d'Houphouët

Par « fils spirituels », il faut entendre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié
Natif de Dimbokro au centre de la côte d'Ivoire, Ouattara est nommé le 07 novembre 1990, Premier Ministre pour conduire le redressement. Présenté par le régime d'Abidjan comme le commanditaire de l'insurrection de septembre, Alassane Ouattara, 60 ans fait figue de principal opposant politique au Président Laurent Gbagbo Musulman, cet ancien directeur adjoint du Fonds Monétaire International (FMI) est entré en politique en 1990 à la demande du Président Houphouët. Depuis près de dix ans, la vie politique est dominée par la question de son «ivoirité ».

Au cours de sa carrière de haut fonctionnaire, il a occupé en effet plusieurs postes au titre de la haute Volta, actuel Burkina Faso. Les Présidents successifs invoquant sa nationalité douteuse, l'ont empêché de se présenter aux élections de 1995 et de 2000. Pour assurer son accession au pouvoir, il a fondé le Rassemblement des Républicains (RDR), le principal parti d'opposition.
D'abord réfugié à l'ambassade de France lors des affrontements de septembre, le Dioula cristallise sur son nom les clivages religieux et ethniques du pays.
Henri Konan Bédié quant à lui arrivé au pouvoir après 13 ans de dauphinat, s'est enfermé dans une suicidaire politique d'ivoirité pour contrer son principal rival Alassane Ouattara. Le concept a été monté par un groupe d'intellectuel et d'experts pour définir l'ivoirité Akan. Son obsession anti -Ouattara devient presque pathologique : le 28 septembre 1999, Alassane Ouattara est poursuivi pour usage de faux. La surenchère ivoiritaire va conduire à des excès à tous les stades de la société ivoirienne. En 1994, il promulgue un nouveau code électoral, selon lequel pour être éligible, tout candidat à la présidence « doit être ivoirien, né de parents ivoiriens eux-mêmes ». Un pan entier de la société ivoirienne se retrouve «désivoirisé ». Aujourd'hui, si la situation n'était pas confuse, voire légitimiste, Henri' Konan Bédié aurait probablement pu trouver matière à satisfaction dans la crise qui secoue le régime de Gbagbo car il prendrait ainsi sa revanche sur le putsch de 1999. Ce qui regroupe ces deux hommes c'est qu'à un moment donné ils se sont tous réclamés de la pensée du « vieux » mais l'ont peut- être vulgarisée différemment.

A la lumière des mécontentements du régime Bédié, Gueï s'infiltre et le régime de Bédié tombe dans l'indifférence générale.

B- Robert Guei

Propulsé à la tête de l'Etat ivoirien, un soir de Noël 1999, le Général Robert Gueï est trouvé sans vie dans une rue d'Abidjan dans la journée du 19 septembre. Militaire de carrière, originaire de l'ouest, il est promu chef major de l'armée en 1990. En 1995, il refuse de réprimer une manifestation de l'opposition. Il est demis de son poste et nommé d'abord ministre du service civique, ensuite celui de la jeunesse puis mis à la retraite anticipée. Une villégiature où il sera tiré par de jeunes mutins. Au début, le Général est animé de bonnes intentions, il veut se battre contre des « lois confectionnées sur mesure contre un seul homme » et veut mettre fin à la «néfaste politique de l'ivoirité ». Mais il finit par être dévoré par sa propre ambition et celle de son entourage. Il crée une commission consultative constitutionnelle et électorale qui ne tarde pas de reprendre la thèse de l'ivoirité laquelle on ajoute la notion de prévalence. Le texte est validé par le référendum du 27 septembre 2000. Gueï tenta même de se faire investir par le PDCI -RDR. Pour se prémunir de toute surprise, le PDCI et le RDR sont écarté de la course électorale profitant ainsi à Laurent Gbagbo.

Gueï pensant être élu, les urnes décident autrement et c'est dans la confusion qu'il s'enfuit d'Abidjan pour se réfugier dans la forêt de Guessoussou. Le Général tournera le dos à Abidjan où finalement il ne reviendra que pour mourir en civil.

Par II : Les Mouvements Rebelles « Forces Nouvelles »

Il s'agit respectivement du Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), premier mouvement, le Mouvement pour le Justice et la Paix (MJP) et le Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO).

A- Le Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire

C'est le premier mouvement rebelle, il a été l'origine de la mutinerie du 19 septembre. Il est constitué d'une branche politique et d'une branche militaire.
La branche politique est dirigée par un Secrétaire Général en la personne de
Guillaume Kigbafari Soro. Soro est né le 08 Mai 1972 à Ferkessedougou dans le
Nord, il est Sénéfou. Guillaume Soro est l'une des têtes pensantes du
mouvement. De 1995 à 1998, il a été le secrétaire général de la Fédération des
Etudiants et Scolaires de Côte d'Ivoire. Il appartient à la génération des conjoncturés », la génération du chômage, de la crise économique, de l'ajustement structurel et des budgets compressés. Il s'est présenté aux élections législatives de Décembre comme collister d'Henriette Diabaté. A Accra comme à Marcoùssis et à Dakar, il a joué un grand rôle. Il y a aussi Dacoury Tabley qui a quitté le FPI en 1999. A côté des civils, il y a les militaires comme Tuo Fozie est le premier mutin à prendre la parole. Ce militaire de 38 ans est originaire d'odiené dans l'extrême Nord-Ouest. Porte parole de la zone militaire, c'est avec lui u nom de la rébellion que Cheikh Tidiane Gadio a signé l'accord de «cessation des hostilités ». Michel Gueu quant à lui est le premier officier à s'être montré publiquement. Son destin est lié à celui de Robert Gueï car étant originaires de l'extrême ouest. Il a été membre de la délégation de Lomé et de Marcoussis.

B- Les autres mouvements rebelles

Il s'agit du Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest et Mouvement pour le Justice et la Paix.

Le MPIGO est apparu en novembre. Tout comme le MPCI, il réclame le départ du Président Gbagbo, mais il prétend aussi venger l'ex-président Robert Gueï, assassiné au lendemain de la mutinerie du 19 septembre. Le sergent Félix Doh est le chef du MPIGO. Son véritable nom est Ndri Guessan. Il trouva la mort lors d'une attaque de mercenaires à la frontière libérienne. Le numéro deux n'est autre que le métis italo-ivoirien Roger Banchi, un dandy fortuné.

Le MJP est apparu au même temps que le MPIGO en revendiquant la prise de Mam, la capitale de la région des «dix huit montagnes ».Limité au grand ouest du pays, le MJP revendique 250 combattants dont 50 dozas, chasseurs traditionnels. Le MJP est dirigé par le commandant Gaspard Deli. Ces deux mouvements sont accusés d'abriter dans leurs rangs des mercenaires libériens.
Longtemps considérée comme un modèle de stabilité en Afrique de l'Ouest, la Côte d'Ivoire est dans la tournante. Le concept d'ivoirité lancée par Henri Konan Bédié avait fini de diviser le pays en deux : ceux du sud considérés comme citoyen de pure souche, et ceux du nord réduits à une moindre citoyenneté.
Avec la mutinerie de Septembre 2002 déclenchée par une partie de l'armée, le fallacieux concept d'ivoirité est revenu sur Laurent Gbogbo. Mais de telles tensions n'auraient peut être jamais vu le jour sans les difficultés structurelles auxquelles le pays devait faire face lors du passage à la transition démocratique.
Pour sortir de la crise différentes médiations sont intervenue,

DEUXIÈME PARTIE : LES TENTATIVES DE SORTIE DE CRISE

Depuis le 19 septembre 2002, «l'ancienne vitrine de l'Afrique de francophone » est plongée dans la tourmente. Circonscrite le pays, la crise se joue à l'échelle régionale. C'est pourquoi différentes médiations se sont opérées. Elles se sont faites au plan sous régional et régional. D'abord individuelle avec la médiation sénégalaise, puis celle de Bamako, elles e se sont poursuivies dans le cadre de la CEDEAO avec la création du groupe de contact. Enfin au plan régional avec l'adoption d'une résolution de l'organe de gestion et de règlement des conflits de l'Union Africaine.

Après avoir annoncé une «nouvelle politique africaine22(*) interdisant tout intervention militaire, la France a renforcé sa présence militaire en Côte d'ivoire avec l'opération Licorne23(*). Après une position attentiste, un huis clos s'est tenu à Marcoussis en France avec la participation de tous les protagonistes. De cette table ronde est né un gouvernement de réconciliation. La formation de ce gouvernement s'est heurtée à des blocages dont le principal est lié à la distribution de portefeuilles de la défense et de l'intérieur avant de connaître une nouvelle donne avec le Sommet d'accra. Cependant la situation reste précaire

CHAP. I : LES MÉDIATIONS INTERVENUES

Géant aux pieds d'argile, la Côte d'Ivoire comme d'autres pays limitrophes tels que le Libéria, la sierra Léone et la Guinée Bissau, est obligée pour sortir de la crise de s'en remettre à ses voisins. En effet, des médiations individuelles, puis régionales sont intervenues.

Mais face à ces échecs, une table ronde internationale sur la crise s'est tenue à Marcoussis.

SECT I : LES MÉDIATIONS RÉGIONALES

Il faut distinguer les médiations individuelles, des médiations faites dans un cadre institutionnel.

Par I: Les médiations individuelles

Il s'agit principalement de la médiation sénégalaise par le biais de son ministre des affaires étrangères et de celle qui s'est tenue à Bamako sous l'auspice du Président malien Amadou Toumani Touré.

A- La médiation sénégalaise

Ecarté du groupe de contact, le Président Wade avait décidé personnellement de s'impliquer pour la résolution du conflit. Le Président Abdoulaye Wade Président d'alors en exercice de la CEDEAO avait dépêché son ministre des affaires étrangères sur place.

Après moult discussions avec les parties en conflits, ce dernier accompagné du secrétaire exécutif de la CEDEAO Mohamed Ibn Ghabas réussit à obtenir une cessation des hostilités le 17 octobre 2002, là où le groupe de contact sous la direction du Togo n'a pas réussi. Cette action s'est justifiée selon la partie sénégalaise par la présidence en exercice de l'organisation sous régionale et la présence de quelque 700 milles compatriotes résidant en Côte d'Ivoire. Par ailleurs, le Président Sénégalais avant de s'impliquer directement a pris la peine de prendre possession du rapport du groupe de contact.

Le cessez- le feu s'est avéré précaire car la crise plonge ses racines dans une discrimination ethno régionale profonde.

B- La réconciliation de Bamako

Le 03 Décembre 2002, sous l'égide du Président Malien Amadou Toumani Touré, s'est tenu à Bamako un «oral de réconciliation » entre Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré. A la suite de cette intervention, un communiqué final paraphé par les trois hommes a été adopté. De ce communiqué final ressort différentes résolutions à savoir la prise de mesures appropriées pour le renforcement de la cessation des hostilités, notamment par l'accélération du déploiement de la force de contrôle de la CEDEAO, exhorter les parties à favoriser le retour de l'administration de l'Etat sur toute l'étendue de la Côte d'Ivoire dans les meilleurs délais, engager une réflexion approfondie pour des réformes politiques et institutionnelles.

De ce fait, Laurent Gbagbo se serait engagé à assurer la sécurité des ressortissants étrangers et leurs biens en Côte d'Ivoire et procéder à une ouverture politique et Biaise Compaoré d'user de son influence pour ramener les rebelles qui occupent la frange Nord de la Côte d'Ivoire à plus de retenue.
Mais il revenait aussi à l'organisation sous-régionale et régionale de trouver une sortie de crise.

Paragraphe II : Les médiations institutionnelles

Elles se sont opérées dans le cadre de CEDEAO avec la création du groupe de contact, mais aussi par le biais de l'organe de gestion et de règlement des conflits de l'Union Africaine. Mais ces tentatives sont restées timides.

A. La création du groupe de contact

Le 29 Septembre, s'est tenu à Accra un sommet de la communauté économique des états de l'Afrique de l'Ouest convoqué par le président en exercice le Sénégalais Abdoulaye Wade.

Un seul point était à l'ordre du jour : La Côte d'Ivoire. Ce sommet a été rehaussé par la présence du président en exercice de l'Union Africaine le président Sud-Africain Thabo Mbeki et d'Amra Essy président intérimaire de la commission de l'Union Africaine. A l'issue de ce sommet, un groupe de contact a été mis en place.

Il est composé des présidents John Kuffor du Ghana, Amadou Toumani Touré du Mali, Mamadou Tandja du Niger, Koumba Yala de la Guinée Bissau et de Gnassimbé Eyadéa du Togo. Le travail du groupe se fera en liaison avec le représentant spécial de l'union Africaine en la personne de l'ancien président de Sao-Tomé é Principé Miguel Travaodo.

Après l'adoption de la suggestion, une convocation urgente de la commission Défense et Sécurité est lancée pour l'entrée en jeu de 1'ECOMOG en cas d'échec de la médiation. La France a assuré les chefs d'Etat de son soutien. Les USA par le biais du département d'Etat s'implique dans la tentative de mettre fin à la crise en évaluant les besoins de la CEDEAO et l'apport militaire. Le 23 Octobre, Gnassimbé Eyadérna est nommé président du groupe de contact.
Par ailleurs, Convoqué en marge du sommet extraordinaire de l'Union Africaine à Addis-Abeba le 3 Février 2003, l'organe central, mécanisme de gestion et de règlement des conflits, s'est penché sur la crise ivoirienne. Dans s on communiqué final, l'organe central s'est félicité de la signature de l'accord et condamne les violations des Droits de l'homme.

B- L'échec du sommet de Lomé

C'est à la présidence de Lomé II le 30 Octobre 2002, que se sont ouverts les pourparlers entre la délégation gouvernementale dirigée par Laurent Donan Fologo et les mutins, sous les auspices du président Togolais Gnassimbé Eyadéma.

La délégation gouvernementale pose comme préalable aux négociations le désarmement des insurgés. Les mutins par la voix de leur secrétaire général Guillaume Soro, déclarait qu'il n'y aurait point de désarmement pendant les négociations.

L'une des principales revendications des rebelles est l'organisation des élections dans «les six mois à venir». Dans un mémorandum rendu public, les rebelles déclarent .que si la CEDEAO, la France, les Etats-Unis et l'Union Européenne donnent la garantie ferme que des élections seront organisées dans les six mois à venir avec la participation de tous les candidats et de tous les ivoiriens, nous déposeront les armes»24(*). D'une mutinerie corporatiste, leur combat a été transformé en un combat politique global. Les rebelles ont présenté un document de 14 pages mis sur internet. Ils revendiquent entre autres la fin de la discrimination dans l'armée, l'amélioration de la vie des FANCI, la création d'une commission d'enquête pour élucider la mort de trois personnalités le Général Robert Gueï tué le 19 Septembre, l'ancien ministre Balla Keita le 2 Août à Ouagadougou et le ministre de l'intérieur Emile Boga Doudou tué à son domicile le 19 Septembre à Abidjan.

De ce sommet seul le volet corporatiste des revendications de la rébellion a été satisfait. Les autres plus politiques, comme le départ de Gbagbo du pouvoir, la convocation de nouvelles élections et une modification de la constitution n'ont trouvé de solution, la délégation gouvernementale dirigée par Laurent Donan Fologo refusant de les prendre en considération.

Après les blocages des médiations individuelles et régionales, la France par le biais de son ministre des affaires étrangères après la signature d'un cessez-le-feu le 3 et 4 Janvier, convoque la tenue d'une table ronde à Paris le 15 Janvier.

SECTION II : LES MÉDIATIONS INTERNATIONALES

Après avoir renoncé à sa politique de non-intervention (depuis le fiasco politico-militaire au Rwanda en 1994), la France a envoyé 2500 soldats par le biais de l'opération Licorne», pour sécuriser ses 25 000 ressortissants mais aussi l'intérêt de ses entreprises. Elle propose maintenant une solution politique en réunissant les différents protagonistes à Paris afin de faire renaître l'espoir d'un retour de la paix dans le pays.

Paragraphe I : La table ronde de Linas-Marcoussis

Du 15 au 24 Janvier 2003, s'est tenue à Marcousssis une table ronde sur la côte d'Ivoire, dont les résultats ont été avalisés par la conférence des chefs d'Etats réunis à Kieber le 25 et 26 Janvier 2003.

De cette table est né un processus de normalisation et de réconciliation visant une réforme juridique.

A. La naissance d'un processus de normalisation et de réconciliation

Après dix jours de conclave à Linas-Marcoussis, les acteurs de la crise ivoirienne ont tous apposé leur signature au bas d'un accord. Cette table ronde regroupait les différentes sensibilités de la crise. Le MPCI est représenté par Louis Dacoury-Tabley, Guillaume Soro, le FPI par Oulaye Hubert, Pascal Affi Nguessan, le PIT par Francis Wodie, le RDR par Alassane Ouattara et Henriette Diabaté, le MFA par Innocent Koberra Anaky, le MPIGO par Félix Doh, le MJP par Gaspard Deli, le PCI par Alassane S. Ndiaye, l'UAPCI par Paul Akotoyao, Théodore Mel Eg pour 1'UDCY, Alphonse Djédjé Mady et Henri K. Bédié pour le PDCI.

Il y avait la présence des personnalités qualifiées telles que Kéba Mbaye, Seydou Diarra, Mohamed Ibn Chabbas et Cheikh T. Gadio de la CEDEAO, Miguel Travaodo, Ahmed Ouid Abdallah de l'ONU. Les travaux étaient dirigés par Pierre Mazeaud.

Au terme de ces travaux, un accord de trois pages ainsi qu'un programme de gouvernement de 10 pages ont été soumis au conseil de sécurité des Nations Unies. L'accord réaffirme la nécessité de préserver l'intégrité de la Côte d'Ivoire, de respecter les institutions et de restaurer l'autorité de l'Etat, l'accession au pouvoir par les urnes de façon démocratique. Le chef de l'Etat restera en place jusqu'en Octobre 2005, devant partager le pouvoir avec un Premier ministre de consensus. Le gouvernement doit être composé de représentants de chacune des délégations ivoiriennes ayant participé à la table ronde avec attribution équitable des ministères. Parmi les priorités du gouvernement, il y a la restructuration des forces de défense et de sécurité, l'amnistie de tous les militaires détenus, s'assurer aussi qu'aucun mercenaire ne séjourne sur le territoire national.

Un comité international basé Abidjan est chargé de veiller à l'application de cet accord, est composé des représentants de l'Union Européenne, de la commission de l'Union Africaine, du secrétariat exécutif de la CEDEAO, de l'ONU, de l'organisation internationale de la francophonie, de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International, du G8 regroupant les pays les plus riches.
L'accord issu de cette table ronde a été avalisé par la conférence des chefs d'Etat à Kieber.

C'est ainsi qu'est nommé un Premier ministre de consensus en la personne de Seydou Elimane Diarra, un musulman né le 23 Novembre 1933 à Katiola. Les ministères de la défense et de l'intérieur ont été attribués au MPCI, annonce faite publiquement par Guillaume Soro.

Ont pris part à cette conférence le sénégalais Abdoulaye Wade, l'Ivoirien
Laurent Gbagbo, le Sud-africain Thabo Mbeki, président en exercice de l'Union
Africaine, le Français Jacques Chirac, le secrétaire général de l'ONU Koffi
Anan.

Ces travaux ont été sanctionnés par la résolution 1464 des Nations-Unies le 4 Février qui condamne les violations des droits de l'homme, et appelle d'autre part les forces politiques ivoiriennes à travailler avec le président et le premier ministre à la mise en place d'un gouvernement stable.

Durant les discussions de Marcoussis, les différents aspects du contentieux politique qui ont débouché le 19 Septembre à une insurrection militaire, puis à une partition de Côte d'Ivoire ont été longuement débattus.

Sur le plan militaire, il a été déployé une force d'interposition sous l'égide du général Fali, dénommée ECOFORCE, financée par la France et les Etats -Unis.

B- Un accord de réformes juridiques

La Côte d'ivoire va au devant d'un toilettage en profondeur avec les accords de Linas-Marcoussis. Nationalité, identité, statut des étrangers, code électoral, conditions d'éligibilité à la république, régime du foncier rural, droits et libertés de la personne, n'ont été passés sous silence.

Le premier point du lifting institutionnel touche la citoyenneté. La question de savoir qui est ivoirien et qui ne l'est pas a été tranchée par le biais du dosage entre le jus-soli et le jus-sanguini contenu dans la loi 61-415 du 14 décembre 1961 portant code la nationalité, modifié par la loi 72-852 du 21 Décembre 1972. Qualifié de «texte libéral et bien rédigé» par les différentes parties, la loi de 1961 va être largement retouchée en ajoutant par exemple à l'article 12 que» l'étranger qui épouse une femme ivoirienne acquiert la nationalité ivoirienne au moment de la célébration du mariage». Quant à la naturalisation, elle doit faire l'objet dans les six mois, d'un projet de loi du gouvernement de transition.
L'identification des personnes, autre clef de dénonciation d'abus, dont l'option prise par le pouvoir d'identifier les personnes à partir de leur village d'origine avait arbitrairement laissé sur touche des milliers de personnes du fait de leur nom à consonance musulmane. Sur cette question, le processus d'identification en cours doit être arrêté en attendant la prise des décrets d'application de la loi du 3 janvier 2002 relative à l'identification des personnes et au séjour des, étrangers, et la création d'une commission nationale d'identification dirigée par un magistrat et composée de représentants de partis politiques chargés de superviser l'office national d'identification.

Concernant les étrangers, l'accord recommande la suppression immédiate de la carte de séjour pour les ressortissants des pays membres de la CEDEAO et la cessation de toutes les formes d'atteintes aux biens des étrangers. Concernant le foncier rural, la loi 98-750 du 23 Décembre 1998 va être modifiée. Elle était à l'origine de l'expropriation de 20 000 petits exploitants installés à Tabou au sud ouest en 1999. Le litigieux article 26 va être expurgé de sa disposition qui réserve la propriété aux seuls ivoiriens et exige des héritiers dans un délai de 3 ans, qu'ils cèdent leur domine aux nationaux ou qu'ils rétrocèdent à l'Etat.
Mais le conflit ivoirien persistera tant que le désaccord autour des conditions
d'accession à la magistrature suprême ne sera pas levé. Là, entre en jeu le fameux article 35 en vertu duquel le leader du RDR Alassane Ouattara a été interdit de candidature en Octobre 2000. La nouvelle formulation du texte arrêtée se limite à dire que le postulant à la fonction présidentielle «doit être exclusivement de nationalité ivoirienne né de père ou de mère ivoirien d'origine» et non plus de «père et de mère ivoiriens d'origine». Qu'il se soit prévalu d'une autre nationalité importe peu. Tous ces changements annoncés sont toujours à l'état de projets de propositions.

Afin de rendre consensuel le futur gouvernement, le premier ministre Seydou
Diarra garderait lui-même le portefeuille de la défense tout en nommant un
membre du MPCI ministre délégué. Dans la foulée de l'accord inter-ivoirien de Marcoussis, au cours d'une conférence des chefs d'Etat africains, le président de
la commission européenne Romano Prodi a brandi une enveloppe globale de 400 millions d'euros sur 5 ans dont 150 millions à très court terme. L'aide demeure toutefois soumise à un strict respect des accords politiques.
Cependant, la mise en oeuvre de ces résolutions reste difficiles car celles-ci
se heurtent à des obstacles.

Paragraphe II: Les obstacles à l'application des accords de Marcoussis et de Kléber

Les accords de Marcoussis et de Kiéber comportent de nombreux points positifs voire salutaires. Cependant, ils contiennent de nombreux facteurs de blocage à savoir particulièrement l'attribution des ministères de la défense et de l'intérieur aux mouvements rebelles. Ce point de discorde a été à l'origine de nombreuses manifestations anti-françaises entraînant du coup la naissance d'un nationalisme.

A- Les blocages relatifs à l'attribution des portefeuilles de la défense et de l'intérieur

En annonçant publiquement la répartition des portefeuilles ministériels du gouvernement de réconciliation nationale et plus particulièrement ceux de la défense et de l'intérieur au MPCI, Guillaume Soro secrétaire général dudit mouvement avait mis le feu aux poudres. En effet, aussitôt est apparue une ligne d'affrontement entre les signataires de l'accord en fonction d'une géographie d'un côté le MPCI et le RDR qui s'adjugent la meilleure part avec les ministères de la défense, de l'intérieur, de la justice et de l'agriculture ; et de l'autre côté le FPI et le PDCI.

Une telle répartition ne saurait être acceptée par «l'aile dure» de l'entourage présidentiel. Les rebelles de leur part refusent de renégocier la composition du gouvernement. Le président Gbagbo affirmait qu'il n'avait pas gagné la guerre, pour dire qu'il devait par conséquent rester plus humble tel. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que la rébellion forte de trois mouvements unis (MPIGO, MJP, MPCI) dispose d'un armement beaucoup plus important que celui détenu par l'armée régulière. Preuve, il a fallu l'intervention de l'armée française pour empêcher les rebelles d'atteindre leur objectif qui était de marcher sur Abidjan.
Pendant ce temps, le 27 Janvier 2003, l'Etat-major ivoirien était réuni autour du ministre de la défense Bertin Kadet pour examiner les suites de l'accord dont certains points se sont révélés de nature à humilier les forces de sécurité et de la défense. Il s'agit précisément du paragraphe relatif au désarmement des forces en présence à savoir les forces nationales et les mouvements rebelles. Que cherche Laurent Gbagbo en refusant de respecter la lettre et l'esprit de Marcoussis ?

Selon le ministre des affaires étrangères de la France, Dominique De Villepin l'octroi aux rebelles des portefeuilles de la défense et de l'intérieur est tout à fait logique. Dans la mesure où, il serait plus facile dans ce cas de figure de désarmer la rébellion. Et le désarmement constitue à ne pas en douter une étape importante dans le processus de retour à une situation normale au pays d'Houphouët Boigny. Ainsi donc, ce refus à peine voilé dans l'application des accords de Marcoussis par Laurent Gbagbo parlant dans son dernier discours de respecter l'esprit des accords est donc incompréhensible. L'échec de la rencontre d'Accra entre Seydou Diarra le nouveau premier ministre et les rebelles Itou. Ceci pourrait peut-être expliquer l'ultimatum que les rebelles avaient fixé à Laurent Gbagbo le 24 Janvier, mais qu'ils n'ont pas finalement exécuté. Les rebelles avaient attendu la fin au 22ème Sommet France-Afrique qui s'est tenu du 19 au 21 Février à Paris. En outre, ils ont en même temps entrepris une offensive diplomatique dans les capitales de la sous région ouest africaine où selon eux, lors de leurs différents entretiens avec les chefs d'Etat, le maître mot était la patience. A présent, il semble même que c'est la solution politique qui est adoptée du côté du MPCI si on en croit les déclarations de Guillaume Soro, le secrétaire Général du plus grand mouvement rebelle. M. Soro a en effet déclaré : »Nous considérons qu'aujourd'hui la voie militaire a atteint ses limites, il faut coûte que coûte trouver une solution politique négociée »25(*)

Les différents blocages liés à la nomenclature gouvernementale ont donné naissance à un nationalisme ivoirien.

B- La Naissance d'un nationalisme ivoirien

Le rejet des accords par les populations ivoiriennes marque aujourd'hui le retour d'un nationalisme. En effet, la Côte d'Ivoire est restée dans les faits un « territoire français d'outre mer » dans un régime d'indépendance associée avec Paris. A défaut de détenir directement le pouvoir politique, la France a contrôlé étroitement la monnaie et l'économie du pays. L'ivoirien moyen a été longtemps entretenu dans la vision primaire d'une spoliation de son pays par l'étranger africain.

Cela a justifié ses réactions xénophobes. C'est pourquoi, les symboles de la France à savoir l'ambassade, le centre culturel, le collège français Jean Mermoz ont été les cibles privilégiées. Au delà de ces symboles, c'est la politique étrangère de la France qui est désavouée. En effet, la plus part des contrats de ses sociétés arrivent à terme en 2004. L'idée du gouvernement Gbagbo de lancer un appel d'offres international pour des opérations jusque là conclues gré-à-gré entre les entreprises de l'ex-puissance coloniale avait l'effet d'une bombe. Il s'agit de rompre avec une politique officielle de corruption institutionnalisée depuis l'indépendance. L'ancien Président Henri Konan Bédié avait annoncé le bras de fer du désengagement dès 1994 (sans consulter Paris) en rétrocédant de confortables contrats d'exportation de Café -cacao aux géants américain Cargill et Acher Danich Milland et une Licence de prospection de pétrole Offshore à Venco (entraînant un rapprochement avec les intérêts anglo-saxons).

Avec cette crise la Côte d'Ivoire devient le seul pays africain où les rassemblements anti-français se traduisent par une démonstration d'allégeance à l'égard d'une autre puissance occidentale et Abidjan la seule ville où de milliers de manifestants réputés proches de la présidence se soient retrouvés devant l'ambassade américaine pour en acclamer les occupants et ovationner la bannière étoilée. Les manifestants dirigés par Charles Blé Goudé et Richard Dacoury réclament une intervention militaire américaine contre les Paras français de Port Bouet. Ces manifestations pro-américaines ne sont en effet que le prolongement spectaculaire d'une politique de séduction menée par le gouvernement de Laurent Gbagbo en direction des Etats -Unis.

Arrachés aux forceps à une classe politique mise sous pression pendant dix jours, hors de la Côte d'Ivoire et dans un huis clos contrôlé par la France, les accords de Marcoussis ont plutôt été considérés par le « peuple ivoirien comme une lutte contre l'étranger» comme un acte de recolonisation, avalisé par le
«protectorat» défini dans la résolution 1444 du Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations Unis.

Face à ces blocages, il urgeait d'établir de nouvelles conditions d'une paix durable.

CHAPITRE II : LA RECHERCHE DES CONDITION D'UNE PAIX DURABLE

Pour établir les conditions d'une paix durable, les différents protagonistes de la crise se sont réunis à Accra sous l'égide du Président John Kuffuor, Président en exercice de la CEDEAO. Cependant sur le terrain, la situation demeure incertaine.

SECT I: LE SOMMET D'ACCRA

Longtemps constitué comme facteur de blocage à la formation d'un gouvernement de réconciliation, l'attribution des ministères (défenses et intérieur) a débouché sur un compromis avec la création du Conseil de Sécurité entraînant ainsi une nouvelle donne. C'est dans cette perspective qu'a été dégagée la nécessité d'une sécurisation complète du territoire ivoirien.

Par I : La nouvelle donne issue du sommet d'Accra

Réunis à Accra, les mouvements rebelles et les entités politiques après avoir attribué deux ministres clés aux rebelles (administration territoriale et communication) décident de la création du Conseil National de Sécurité. Conformément aux accords de Marcoussis, une délégation de compétence est signée le 10 Mars.

A-- La création du Conseil National de Sécurité

Convoqué sous l'égide du Président John Kuffour du Ghana, Président en exercice de la CEDEAO, cet organe a été créé leO7Mars 2003 d'un commun accord. Il est chargé de désigner les deux personnalités appelées à assumer les fonctions de Ministre de la défense et de la sécurité dans la future équipe gouvernementale. En son sein, outre le Président de la République et son premier ministre, on retrouve le Général Mathias Doué, chef d'Etat Major des Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire (FANCI), le Général de Brigade Touvoly Bi Lobo, Commandant Supérieur de la gendarmerie, le Contrôleur Général Adolphe Baby, Directeur Général de la Police. Mais aussi un représentant de chacun des partis politiques et mouvements armés présents à Marcoussis et le 07 Mars à Accra. De ce fait, le Conseil National de Sécurité sera constitué de 15 membres.

Dans la foulée de ce compromis, le Président ivoirien signait une délégation de compétence le 10Mars.

B- La signature d'une délégation de compétence

Comme prévu par les accords de Marcoussis, le Président Laurent Gbagbo délègue ses pouvoirs au Premier Ministre Seydou Diarra.

La délégation de compétence se définit par le fait pour une autorité administrative, de se dessaisir dans les limites légales d'un ou de plusieurs de ses pouvoirs en faveur d'un agent qui les exécute26(*).

Le décret comporte 3 articles27(*):

Article I : En application des dispositions 53 de la Constitution, le Président délègue au Premier Ministre, chef du gouvernement les compétences en ce qui concerne l'initiative des actions, l'élaboration des avants projets, et projets des textes réglementaires, législatifs et constitutionnels à soumettre au Conseil des Ministres dans les matières ci-après :le désarmement des forces rebelles, le rétablissement de l'intégrité territoriale et de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire, la libération des prisonniers de guerre, le rétablissement de la sécurité de personnes et des bien sur l'ensemble du territoire national ; l'amnistie des militaires détenus pour atteinte à la sécurité de l'Etat ; le refondation et la restructuration des forces de défense et de sécurité de l'Etat ; la réhabilitation et l'indemnisation des victimes de guerre ;la réinsertion des militaires démobilisés, les mesures de redressement économique et la recherche du concours de la communauté internationale au processus de redressement économique.

Article II : La délégation prend effet à compter de la signature du présent décret. Elle est pour une duré de six mois renouvelable. Le Premier Ministre rend compte régulièrement au Président de la République des avancements réalisés dans l'exécution de la mission qui lui est confiée au titre de l'article premier du décret.

Article III: Le Premier Ministre, chef du gouvernement est chargé de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal Officiel de la République de Côte d'Ivoire.

Face à la recrudescence des hostilités dans l'Ouest, et des points stratégiques détenus par les mouvements rebelles, il a été dégagé une nécessité sécurisation de 1' intégrité du territoire.

Par II : La nécessité d'une sécurisation de l'intégralité territoriale

Sous l'égide du Président Togolais Eyadema s'est à Kara un sommet entre Charles Taylor et Laurent Gbagbo pour sécuriser le sud de la Côte d'Ivoire. En outre une cessation des hostilités entre les FANCI (Forces Armées Nationale s de Côte d'Ivoire) et les mouvements a été signée.

A- La rencontre de Kara

Longtemps considéré comme le pourvoyeur de mercenaires tant du côté de l'armée Ivoirienne que celui des rebelles, le Libéria s'est vu confié un rôle de garant de la stabilité dans la crise avec la rencontre de Kara (nord du Togo). A l'issue de l'entretien organisé sous les auspices du président Togolais Eyadema, Gbagbo et Taylor sont convenus de la « nécessité .du déploiement immédiat des forces conjointes composées de troupes françaises de l'opération Licorne, des troupes de la CEDEAO, des forces armées Ivoiriennes (FANCI) et des forces armées libériennes28(*) : le long de la frontière commune entre les deux pays. Ce déploiement concernait les 200 km de frontière au sud de la Côte d `Ivoire, zone sous contrôle gouvernemental. La réunion de Kara exhorte les agence humanitaires à renforcer les mesures de recours « et d'assistance aux populations déplacées, en raison des crises qui perdurent dans la région «. le communiqué rappelle le protocole de non agression de la CEDEAO de 1978 signé à Lagos par lequel chaque Etat membre s'est engagé « à ne pas commettre, encourager ou soutenir des actions de déstabilisation» contre un autre Etat membre. A ce sommet étaient conviés les mouvements rebelles. Ces derniers ont signé une cessation des hostilités avec les FANCI.

B- La signature de cessation des hostilités entre les mouvements rebelles et l'armée Ivoirienne (FRANCI).

Le Samedi 03 Mai, les forces nouvelles (regroupant les 03 mouvements rebelles) et les FANCI ont signé à Abidjan un accord de cessez-le-feu sur» toute l'étendue du territoire national29(*)

Cet accord portant sur cinq points a été signé par le colonel Michel GUEU au nom des forces nouvelles et de Mathias Doué au nom des FANCI.
L'accord de cessation des hostilités « prend effet à compter du dimanche 4 Mai 2003» et prévoit la restauration de l'autorité de l'Etat ainsi que l'administration sur toute l'étendue du territoire national. Les FANCI et les Forces nouvelles se sont engagées à mettre fin au recrutement des mercenaires et d'enfants soldats et acceptant le déploiement des forces impartiales de la CEDEAO et de la force licorne».

Cette signature sanctionne la décision prise lors de la rencontre du 26 Mai à Kara (Togo) entre les présidents Gbagbo, Taylor, de procéder au déploiement conjoint de leurs forces appuyées par les militaires français de l'opération licorne et les « casques blancs « de la CEDEAO le long de la frontière entre les deux pays.

En outre le couvre feu décrété depuis le début de la crise le 19 septembre a été levé par le président Laurent Gbagbo. Mais la situation demeure précaire.

SECT I : UNE SITUATION PRECAIRE

Après huit mois de crise qui déchire le tissu politico -économique, la côte d'Ivoire paraît retrouver un semblant de stabilité. Malgré les efforts déployés tant du côté gouvernemental que des mouvements rebelles, la situation demeure instable. Cette précarité se mesure sur le front politico -social entraînant du coup une réalité permanente des hostilités.

Par I : Un front politico-économique instable

Cette situation s'explique par un environnement politique marqué par des difficultés liées à la conduite d'une politique gouvernementale. Cependant on assiste à un redynamisme économique avec le déploiement des investissements.

A- Les difficultés liées à la conduite d'une politique gouvernementale

L'une des illustrations de ces difficultés, est l'étroitesse des marges de manoeuvre du Premier Ministre Seydou Diarra avec la formation du gouvernement de réconciliation nationale le 20 Mars. La nomenclature a été dessinées par les accords de Marcoussis et du document de Kiéber les 25 et 26 Janvier avant de connaître un lifting à Accra.

En outre, la première réunion du conseil national de Sécurité prévue le 11 mars s'est soldée par un blocage. L'attribution des portefeuilles de la Défense et de la Sécurité objet d'un accord entre Guillaume Soro et Laurent Gbagbo reviendra faute de solution par tous, à titre intérimaire au ministre des Eaux et forêts Abdou Assao du FPI et son collègue de l'enseignement supérieur Zameogo Fofana du RDR.

Pressenti pour prendre en charge les portefeuilles litigieux, Seydou Diarra n'en héritera pas finalement, pas plus que le président du groupe parlementaire du PDCI le général de brigade Ouesséan Koné. La question n'est pas tranchée malgré une deuxième rencontre du conseil national de Sureté. A cela, le portefeuille du Ministère de la famille est refusé à Kandia Kamara du RDR.
Sur le front social, les faits et gestes du premier Ministre sont boycottés par les médias publics notamment la radio et la télévision. Peu d'échos sont donnés à ses audiences et déclarations. La liberté de circulation et le fonctionnement ne sont pas totalement rétablis dans un pays coupé virtuellement en deux et isolé de ses voisins du Mali, de la Guinée et du Burkina même si on note la reprise des
relations diplomatiques avec ce dernier.

Les modifications du régime électoral, des conditions d'éligibilité à la
présidence de la République et du code de la nationalité, la réforme du foncier
rural, principales revendications de la rébellion au début du conflit devront
probablement attendre. Mais aujourd'hui, on assiste à un regain de l'activité
économique.

B-- Un timide redynamisme économique

Le réaménagement puis la levée du couvre feu a entraîné une reprise de l'activité économique avec notamment le retour des investisseurs étrangers.
Le groupe français Accor qui gère plusieurs établissements hôteliers dans le
pays constate un retour progressif de la clientèle. La compagnie Air France qui
assure le vol quotidien affiche désormais complet. C'est dans ce contexte que la
compagnie qui assure la disserte de la capitale économique a décidé de remplacer l'air bus A 330 par un Boeing 777 d'une capacité plus grande.
Quant à la compagnie nationale Air Ivoire dont l'activité redémarre lentement
depuis fin Mars va bientôt assurer des liaisons directes avec Paris.
En outre, le Ministre d'Etat chargé de l'économie et des Finances Paul
Antoine Bahoum Bocrabré lors d'un bref passage le 14 mai a multiplié les
contacts informels avec d'éventuels bailleurs de fonds. C'est ainsi qu'il a
rencontré à deux reprises des hommes d'affaires français. Mais l'aide de l'Union Européenne reste conditionnée par l'application intégrale des Accords de Marcoussis.

Le trafic ferroviaire a repris timidement ses droits.

En effet, un premier train de marchandises de la société internationale de transport africain par rail (SITARAIL) a quitté Abidjan le jeudi 23 mai pour Ouagadougou symbole d'une reprise des activités économiques entre les deux Etats. Un train marchandises de ce réseau ferré transporte environ 800 tonnes par convoi. Un premier train d'exploitation à bord duquel voyageaient les soldats français de la licorne, de la force de la CEDEAO, des FANCI et des rebelles avait effectué avec succès un premier voyage sur la partie ivoirienne du trajet.

Malgré un dynamisme économique naissant la recrudescence des hostilités demeure.

Par II : Une réalité permanente des hostilités

Malgré un cessez le feu entre les rebelles et l'armée Ivoirienne la situation devient instable. En outre, la crise a mis en exergue une violation flagrante du Droit humains.

A- - Un cessez-le-feu fragile

Malgré la signature d'un cessez le feu entre les mouvements rebelles et les FANCI par lequel ils « acceptent de cesser immédiatement et définitivement les hostilités sur toute l'étendue du territoire national et particulièrement dans le grand Ouest Ivoirien». Les combats ont repris de plus belle. En effet, des tirs à l'arme lourde ont opposé, les troupes gouvernementales aux combattants rebelles au nord de Louan Houmien (ouest).Ainsi les troupes loyalistes ont repris le contrôle de Louan Houmien une ville située à une trentaine de kilomètres au sud de Douané que les rebelles avaient évacué peu avant l'entrée en vigueur du cessez le feu le dimanche.. Des combats se sont poursuivis dans la région de Louan Houmien.

En outre, des soldats français de l'opération « Licorne « ont riposté près de Guiglo (à 550 km à l'ouest d'Abidjan) à l'attaque d'une bande d'individus armés, faisant deux tués dans le camp des agresseurs. Ces agresseurs sont présumés être membres d'un groupe supplétif libérien des forces armées.

Cet incident est intervenu alors que les «force nouvelles» structure politico - militaire regroupant les trois mouvements mènent depuis une dizaine de jours une opération de ratissage pour débarrasser l'ouest ivoirien de ses encombrants ex alliés libériens.

B- Une flagrante violation des droits humains

La crise en côte d'Ivoire a montré au grand jour les différentes exactions et atteintes aux droits de l'homme commises aussi bien du côté rebelle qu'à l'ombre du pouvoir.

La liste est déjà longue du général Robert Guei (ainsi qu'une partie de sa famille et de ses proches) tué le 19 septembre, aux premières heures de la crise, au comédien Camara Yéféré, alias Camara H, membre dirigeant du RDR d'Alassane Ouattara retrouvé mort le 1e février, en passant par le Ministre d'Etat chargé de l'intérieur et de la décentralisation Emile Boga Doudou, sans oublier Benoît Dacoury-Tabley, le frère cadet de Louis, un des chefs de file du MPCI. Le mouvement ivoirien des droits humains (MIDH), en attendant de voir les responsabilités clairement établies, tient jour après jour depuis le 19 septembre une macabre comptabilité des victimes et les circonstances de leur mort. Amnesty International qui a déjà mené une mission d'enquête en zone sous contrôle loyaliste en octobre 2002, en a dépêché une autre le 3 mars à Abidjan, une semaine après la publication de son rapport sur la situation des droits humains dans les régions détenues par le MPCI. Début février, c'est le rapport des nations Unis d'une «mission d'établissement des faits » effectuée entre le 23 et 29 décembre dans la partie gouvernementale du pays, qui stigmatise les crimes ciblés et n'exclut pas une implication du pouvoir. C'est pourquoi le Président Jacques Chirac ne s'est embrassé de formules diplomatiques pour évoquer ouvertement, devant ses pairs réunis le 20 et 21 février au Sommet France/Afrique de l'existence d'escadrons de la mort. De ce fait, depuis le début de la crise, les assassinats, les exactions contre les libertés fondamentales et le droit humanitaire dont se sont rendues coupables les « forces de l'ordre » semblent indiquer que certains militaires ont échappé en partie au contrôle de l'Etat pour former une sorte de nébuleuse aux ramifications multiples. L'enquête onusienne d' «établissement de faits» cite des noms dont celui du capitaine Anselvé Séka yapo aide de camp de Simone Gbagbo et celui de Patrice Bahi, un adepte des arts martiaux. Le premier est soupçonné être le chef de l'aile militaire des escadrons et le second d'être à la tête de la branche civile.

Les assassinats ciblés des personnalités politiques ou des membres de leurs famille sont en revanche imputés à celui qui est appelé familièrement Séka Séka et à Patrice Bahi. De nombreux témoignages relayés par les organisations des droits de l'homme et de la presse désignent Séka Séka et ses compagnons comme les auteurs du meurtre le 19 septembre de Robert Gueï, de sept membres de sa famille et de sa garde rapprochée dont le capitaine Fabien. Ils sont également mis à l'index dans la liquidation du docteur Benoit Dacoury Tabley, de deux membres de la famille du secrétaire général adjoint du RDR Amadou Gon Coulibaly et du lieutenant Dosso, aide de camp de Ouattara .Patrice Bahi est celui qui a arrêté le 04 décembre 2000, le porte parole du RDR Ah Coulibaly avant de le déposer à la gendarmerie d'Agban.

Du coté de la rébellion, Amnesty Internationale révèle qu'une soixantaine de personne ont été massacrées, froidement par des éléments armés du MPCI à la prison du IIIème bataillon d'infanterie située au nord du pays. L'image savamment mise au point par le MPCI vole en éclats. Les délégués d'Amnesty International ont rencontré le Secrétaire général du MPCI Guillaume Soro, le premier responsable militaire, l'adjudant Tuo Fozié et le commandant en chef des opérations militaires, le Colonel Michel Gueu à Paris. Ces derniers n'ont pas nié les faits tout n'étant «pas impliqués personnellement »30(*) Pour comprendre ses événements Amnesty International avance l'hypothèse d'un engrenage de la violence qui prendrait sa source dans les événements qui ont marqué la Côte d'ivoire depuis 2000 à savoir l'affaire dite « cheval bleu »31(*) ; «complot Mercedes noire »32(*); « charniers de Youpongon »33(*).

CONCLUSION

Lasse des souffrances et des traumatismes de la guerre, la Côte d'Ivoire se débat
pour retrouver la paix. La mission des Nations Unies du 15 au 18 Mai à Abidjan
constitue un pas dans cette direction L'enjeu de cette visite est le passage du
niveau 3 au niveau 4.

Le Président Laurent Gbagbo veut faire reconnaître que l'état de guerre est
fini et que les conditions pour le retour des capitaux étrangers, des organismes
bailleurs de fond, et des investisseurs sont rétablis. Les Président ivoirien est lui -
même monté au créneau pour satisfaire les conditionnalités posées par la
communauté internationale. Avec la tenue du Conseil ministériel à Bouaké, la
Côte d'Ivoire semble renouer avec la paix.

Toutes ces initiatives si louables soient-elles ne vont pas au fond de l'accord
de Marcoussis du 24 janvier dernier. La Côte d'Ivoire ne pourra jubiler que si les réformes des conditions d'éligibilité, du foncier rural et les procédures
d'identifications arrêtées à Marcoussis ne sont pas effectivement mises en oeuvre. Ce qui n'est pas encore le cas.

Le gouvernement peine à être constitué. Le chef de l'Etat continue de récuser
la candidature de Kandia Kamara du RDR à la tête du Ministère de la famille et
de l'enfance.

Mais le blocage le plus important réside dans les difficultés des membres du
Conseil nationale de Sécurité à pourvoir les ministères de la Défense et de la sécurité. Le consensus qui réunit le PDCI de l'ancien Président Bédié, le RDR, l'UDPCI du défunt chef de la junte militaire, 1'UDCY de Théodore Mel EG et des Forces nouvelles pour Gaston Ouesséan Koné, général à la retraite et Président du groupe parlementaire du PDCI à la défense hypothèque la paix. Autre source d'inquiétude ; la prolifération des milices dans la capitale qui fait craindre le spectre congolais. En outre, la paix demeure fragile d'autant plus que certains observateurs doutent toujours de la volonté du MPCI et de ses clones (MJP et MPIGO) d'abandonner le sentier de la guerre et de désarmer.
Puisque le gouvernement devra durer plus de deux ans, les leaders politiques devraient travailler à retrouver puis à consolider la sécurité pour tous, favoriser l'émergence d'une paix durable en évitant d'instrumentaliser les appartenances ethniques et religieuses et enfin mettre en place des principes et des règles de jeu garantissant pour tous et toutes une vie harmonieuse sur l'ensemble du territoire. La guerre a indéniablement laissé des traces et des plaies ouvertes qui mettront du temps à se cicatriser.

La Côte d'Ivoire ne sera unie, ni solidaire ni prospère en créant des ivoiriens de seconde zone.

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrage Général

Encyclopédie juridique de l'Afrique Tome2. Droit International et Relations Internationales

Ouvrages spécialisés

(Coulibaly) Alban Alexandre : Le Système politique ivoirien - l'Harmattan

(Bédié) Konan Henri Les chemins de ma vie Ed. Plan 1999

(Laporte) Mireille La pensée sociale de Félix H. Boigny Mars 1970

(Amin) Samir Le Développement du Capitalisme en Côte d'ivoire-Paris Ed. Minuit 1967

(Rougerie) Gabriel La Côte d'Ivoire -- Paris PUF

Collection « Que sais-je »1967

Revues

Africa International N°358-3591 Novembre 2002

Jeune Afrique l'Intelligent N°2189 - 2190 - 21.93 - 2194 - 2195

Jeune Afrique l'Intelligent N°2200 - 2201 - 2204 - 22205

Le Nouvel Afrique Asie N°136 Janv. 2001

Jeune Afrique l'intelligent N°2206 - 2207 - 2208 - 2209 - 2210 - 2211

Jeune Afrique Economie N°346

Courrier International N°637

Nouvel Horizon N°347 - 356 - 376 - 357

Articles

Ismaila Koné : Coup d'Etat et refondation politique en Afrique :le Cas de la Côte d'Ivoire RADIC 2000

Jean Pierre Dozon, (Directeur d'Etude à l'EHESS) : La Côte d'Ivoire au péril de - l'ivoirité .Genèse d'un coup d'Etat. Afrique Contemporaine N°193 Premier Trimestre L'Harmattan « Points de vue concrets» - Paris 2002

Claude Hélène Perrot, Professeur Emérite de l'Université de Paris I : Laurent Gbabgo : Portrait d'un opposant historique -- Afrique Contemporaine N°196 4ème trimestre 2000

Professeur Abdoualye Bathily : Une crise, ses origines et ses dimension sous-régionales. Contributions Walfadjri. Vendredi 28 Novembre 2002

Professeur Abdoualye Bathily : A quelle Côte d `Ivoire se réfère l`ivoirité ? Contribution Walfadjri : Samedi 30 Novembre -- Dimanche 1er Déc. 2002

Tiémoko Coulibaly : Lente décomposition en Côte d'Ivoire. Le Monde Diplomatique, Novembre 2002 P.24-25

Philippe Leymari, journaliste à Radio France Internationale: L'Eternel retour des militaires français

Le Monde Diplomatique Novembre 2002 Page 24--25

Bernard DOZA: Naissance d'un nationalisme ivoirien. Le monde diplomatique Avril 2003 p.13-14

Quotidiens

Spécial Côte d'Ivoire : Soleil Décembre 2002

Le « Soleil» du 29 Janvier

Le « Soleil» du 27 Janvier

Le « Soleil» du 13 Mars 2003

Le «Soleil» du 14 Avril

Le «Soleil» du 05 Mai 2003

Le «Quotidien» du 14 Avril 2003

Le «Quotidien » du 17 Mai 2003

LISTE DES ABRÉVIATIONS

F.P.I Front Populaire Ivoirien

P.D.C.I Parti Démocratique de Côte d'Ivoire

R.D.R Rassemblement démocratique

P.I.T Parti Ivoirien du Travail

U.D.P.C.I Union pour le Démocratie et la Paix en Côte d'Ivoire

U.D.P.C.Y Union pour la Démocratie Citoyenne

M.P.C.I Mouvement Patriotique de Côte d'ivoire

M.J.P Mouvement pour la Justice et la Paix

M.P.I.G.O Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest

C.E.D.E.A.O Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

U.E.M.O.A Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

P.I.B Produit Intérieur Brut

FANCI : Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire

ANNEXES

* 1 Coulibaly Alban Alexandre : Le système politique ivoirien, l'Harmattan. « Points de vue couverts » Paris 2002

* 2 qui stipule qu'en cas de vacances de la présidence de la république par décès, démission ou empêchement absolu constaté par la cour suprêmes saisie par le gouvernement, les fonctions de Président de la République sont dévolues de plein droit au Président de l'Assemblée Nationale.

* 3 L'article 13 stipule qu'en de vacances, le Premier Ministre doit expédier les affaires

* 4 Cela a été à l'origine de son limogeage le 21 Octobre 1995

* 5 Cf :Ismaïla Kocié :Coup d'Etat et Refondation :le cas de la Côte d'Ivoire! Revue Africain de Droit International et Comparé Radic 200 N°

* 6 6 Cf :Henri K.Bédié :Les Chemins de ma vie : Ed. Pion 1999

* 7 Cf :Ismaïia Koné

* 8 Affaire Bouadou et Nasra 950 000 000 Affaire UE :Entre 18 et 23 Milliards

* 9 Douakou et Pepresson

* 10 10 Mireille Laporte : la pensée sociale de Feux H. Boigny, chercheur au C:E.A.N Mars 1970

* 11 Samir Amin :Le Développement du Capitalisme en Côte d'Ivoire -- paris Ed de Minuit l967,p 333

* 12 Abdoulaye Bathily :A Quelle Côte d'Ivoire se refère l'ivoirité :Contribution, Walfradjri 1er et 2 Décembre 2002

* 13 Cf Mireille LA PORTE

* 14 Gabriel Rougerie : La Côte d'Ivoire Paris PUF Collection « Que sais-je » 1967 Page 128

* 15 Cf :Mireille Laporte Page 8

* 16 Lexifère des termes juridiques l2eEd

* 17 H. Huevu: «La Question de l'Etat et la Nation en Afrique »(Extraits) In Présence Africaine N°127 -128

* 18 J.P Dozon :Af Contemporaine :La Côte d'Ivoire au péril de l'ivoirité N°193 1C Trimestre

* 19 Babacar Justin Ndiaye : Journaliste et géopoliticien. Entretien

* 20 Afrique l'Intelligent N°2195 page 73

* 21 Jeunes Afrique l'intelligent N°2195

* 22 Courier International N°637

* 23 Animal mythologique grec avec une seule corne traduisant un retenue de la France contrairement au Pélican qui symbolisait l'opération sur le Congo Brazzaville

* 24 Africa International N°358-359 Page 32

* 25 N.H 362 page 15

* 26 Lexiques des termes juridiques 12è Ed.

* 27 JAI N°2201

* 28 Walfadjri 28 Avril 2003

* 29 Walf: 05 Mai 2003

* 30 JM N°2200

* 31 C'est une attaque contre le domicile du chef de 1'Etat Robert Gueï, en septembre 200 qui a provoqué l'arrestation de nombreux hi1itaires. Certains tués, d'autres torturés et d'autres partis en exil qui se trouvent aujourd'hui dans les rangs du MPCI.

* 32 C'est une tentative de coup d'Etat qui avait lieu en Janvier 2001. Elle a entraîné l'arrestation de nombreux sympathisants du RDR.

* 33 Youpongon est le nom d'une commune de la banlieue d'Abidjan où l'on a découvert le 27 octobre 2000, cinquante corps dans un terrain vaque.






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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci