3. Une « politique paillette » et une
ingérence dans le contenu
scientifique?
En rassemblant un public extérieur, on peut croire
qu'il s'agit d'un effet « m'as-tu vu », nécessaire uniquement
pour assurer la visibilité et sa Communauté Urbaine à une
dimension plus importante que l'échelon local. Cependant,
l'événement mobilise en premier lieu les Nancéiens et
assimilés. De même, on peut croire qu'il s'agit du « fait du
prince », car il est vrai « (...) il n'y a pas de projet sans
l'accord et le soutien sans faille d'un maire et ce, quel que soit le
rôle respectif de lobbying qu'ont pu jouer d'autres protagonistes. C'est
en effet lui qui, en dernier ressort, défend le projet devant le conseil
municipal et en assume la responsabilité devant les électeurs
»165. En outre, il ne s'agit pas d'une politique
décidée sur un coup de tête. Si les élus qui
prennent souvent les initiatives culturelles « n'en maîtrisent pas
toujours les contenus, les logiques propres et surtout les rythmes
»166on l'a vu, par la gouvernance mise en place, il s'agit de
laisser cours à une gestation du projet comme le rappelle André
Rossinot :
« Vous permettrez simplement à l'homme public que
je suis de rappeler qu'il s'agit là du fruit d'une démarche
réfléchie, préparée, qui a mis du temps à
s'enclencher. Et il s'est avéré nécessaire de
fédérer bien des énergies et des bonnes volontés
pour disposer des moyens que cela suppose. »167
On le voit pour le projet Renaissance de 2012, la
genèse du projet remonte à 2007. Le processus se met en marche
également par des automatismes de travail communs récurrents. En
outre, si tous les dynamismes de la ville se « croisent
»168 : universitaires, conservateurs de musées,
scientifiques, sociologues, philosophes, hommes politiques, office de tourisme,
commerçants, restaurateurs, hôteliers et habitants, c'est le fruit
d'une volonté politique qui cherche à plaire au plus grand nombre
et pour ce faire, se justifie en associant tout le monde à
l'événement, dans un souci de transparence : « Il est donc
devenu impérieux et nécessaire d'associer durablement,
au-delà de la légitimité politique que donne
l'élection, toutes les forces vives d'un territoire aux décisions
qui concernent ses
165 Cf. F.Poulard, Les musées de collectivités,
les conservateurs et la mise en oeuvre des politiques culturelles,
p.143.
166 Cf. C. Origet Du Cluzeau, « Culture, tourisme et
développement, les enjeux d'une rencontre » ; p.32
167 Le Bottin des Lumières, p.8-9.
168 Cf. supra, Pierre Rosenberg.
habitants. »169 Dans tous les cas, le risque
politique n'intéressera directement aucun des participants, quelque soit
la façon dont ceux-ci sont impliqués.
Sans parler de philanthropie puisqu'il s'agit - quoiqu'il en
soit - d'un événement qui a nécessairement des
retombées palpables et/ou immatérielles, il importe d'utiliser le
fait culturel comme source motrice du dynamisme d'une ville et du bien-vivre
qui règne au coeur de celle-ci. Si Erhard Friedberg et Philippe
Urfalino, parlent de mécénat de la part des élus, on peut
en se rapprochant de la pensée de Mauss, l'assimiler à un don de
la part du politique. La politique culturelle en mobilisant des actifs
culturels, en fait des facteurs d'amélioration du cadre de vie tout en
multipliant les retombées économiques. On peut les rapprocher
d'une reconnaissance de dette ou d'un contredon des habitants et des acteurs
économiques locaux à la prise en charge de
l'événement.
Si « la ville gère l'ensemble des
équipements en fonction des effets généraux qu'elle attend
plus que pour l'attention portée à un domaine particulier
»170, pour les musées de collectivités
territoriales, la détermination des budgets relève de
négociations entre la municipalité et les acteurs culturels. Les
élus sont là pour accompagner, discuter de l'opportunité
des choix au regard du budget plutôt qu'en matière de
légitimité culturelle. Le politique ne se mêle pas du
détail de l'exposition. Les élus ne mesurent pas forcément
les enjeux de la conservation préventive et/ou de la restauration et ont
une façon différente des conservateurs de se projeter dans
l'avenir. Ils préfèrent parfois des actions visibles du public,
plutôt qu'une action nécessaire mais qui sera connue uniquement
« en interne » 171. Si les conservateurs ont autorité totale
sur le contenu scientifique qu'ils présentent, ils doivent composer avec
le politique qui validera le financement de l'exposition. Les uns comme les
autres sont donc obligés de s'entendre pour garantir une bonne marche de
leurs établissements au sein d'une politique municipale
cohérente. Ainsi, « les élus ont la responsabilité de
la politique et de la stratégie tandis que les fonctionnaires ont la
responsabilité de la mise en oeuvre ».172 La
présence des institutions garantit l'éventualité d'une
ingérence trop forte des politiques dans la gestion des
musées.
169 Le Bottin des Lumières, p.8-9.
170 Cf. F.Lucchini, op.cit, p.126.
171 Cf. F. Poulard, op.cit.p.196.
172D. Lamarzelle, Le management territorial. Une
clarification des rôles entre élus et cadres territoriaux,
Paris, Papyrus, 1997 cité par F.Poulard, ibid., P.123
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