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Apéritif et sociabilité. Etude de la consommation ritualisée et traditionnelle de l'alcool

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par Anaà¯s Gayot
Université d'Aix-en-Provence - Master 1 d'anthropologie sociale et culturelle 2007
  

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c- La guerre des cabarets

La bataille des forces religieuses et morales, parfaitement décrite par l'ethnologue Jocelyne Bonnet et par l'historien Gilbert Garrier, est fixée sur les consommateurs. Les cabaretiers sont, quant à eux, davantage méprisés puisqu'ils servent leurs boissons à toutes heures, jours de fête et dimanche inclus. Mais pire encore, le cabaret fait concurrence à l'église et occasionne bruit et désordre. Il est alors perçu comme une "contre Église", comme "la perte et la ruine de nos paroisses"41(*), comme le "parlement du peuple"42(*), que l'on cherche à fermer le dimanche. L'approche moralisante des temps de repos tentera, dans sa lutte contre le péché, de faire fermer les débits de boissons et de règlementer les distractions traditionnelles (consommation d'alcool et fréquentation des cabarets, chants et danses, fréquentation des spectacles...)43(*). Toutefois les interdits ne cessent d'être violés, le peuple est trop attaché à la détente et aux divertissements que procurent ces lieux. Il est clair que la consommation d'alcool suscite la crainte du pouvoir catholique et du pouvoir politique par extension. Ce dernier ne cessa d'augmenter les taxes liés aux débits de boissons. Lucienne Roubin expose les difficultés des chambrettes qui sont pour la plupart des "cabarets clandestins"44(*). Boire collectivement dans des endroits appropriés permet au peuple de se réunir, entraîne la solidarité autour de l'alcool, favorise les conversations contestataires, et ce dont craint le plus les autorités est sans doute l'éveil des consciences. Les réunions alcoolisées sont finalement perçues comme un contre pouvoir qu'il est préférable de maîtriser.

Le pouvoir ecclésiastique a ainsi conditionné durant de nombreux siècles les manières de boire. Les traces de ce façonnement des idées sont imprégnées dans les mémoires collectives. Qu'elle soit bonne pour la santé ou au contraire un poison pour le corps et l'esprit, la boisson alcoolisée revêt une double connotation toujours présentes dans les comportements. Bien que les moeurs aient évolué, nos gestes, paroles, actes et pensées sont ancrés et régis par un passé chargé d'interdits d'ordre moral.

Aujourd'hui, aller boire un apéritif à la sortie du travail, n'est-ce pas une manière conventionnelle et tolérée par tous, pour décompresser ? N'est-ce pas une adaptation sociale à une pression morale et religieuse anciennement exercée ? Lorsqu'on étudie la question du boire au travers la pensée religieuse, on s'intéresse finalement à une anthropologie politique qui explore, nous rappelles Lionel Obadia, "les institutions, formes du pouvoirs, luttes des idées et des hommes, mouvements anti et pro-alcooliques..."45(*). Effectivement, l'ambivalence dans laquelle se trouve la réflexion accordée aux boissons alcoolisées répond également à des enjeux économiques et politiques important que la littérature ne rapporte étrangement que succinctement.

On repère clairement la place des boissons fermentées dans les sociétés, depuis au moins l'époque sumérienne. Elles contribuent fortement à la cohésion du groupe, en s'intégrant régulièrement aux repas et aux fêtes religieuses, politiques ou autres. Pour revenir sur notre problématique précise, on remarque que ce travail historique met en valeur l'aspect thérapeutique des apéritifs et de l'alcool en général. On comprend mieux les "à votre santé !". Cette phrase qui résonne à chaque toast est finalement en décalage avec les idées actuelles définissant l'alcool comme mauvais pour la santé. Les gestes et les expressions du boire, si souvent empruntés lors de l'apéritif, sont le signe de la présence d'un passé enfui dans les mémoires mais toujours prégnant. On a vu comment les rôles positifs, attribués à l'alcool, se sont si fermement installés. La culpabilité, sentiment propre à l'idéologie chrétienne, de boire des boissons enivrantes, a probablement pu s'annihiler, ou s'atténuer, si on leurs accordait des raisons moralisantes et justifiées. Amado Millan évoque ainsi la question du scrupule alimentaire. Il place les boissons alcoolisées transparentes et les boissons pétillantes au plus haut degré de scrupule. Le contrôle social permet alors de maintenir l'ordre alimentaire et évite la transgression des normes46(*).

* 41 _ Abbés Reguis. 1773. La voix du pasteur. Discours familier d'un curé à ses paroissiens... Cité par GARRIER, Gilbert. 1989. Ibid., p. 189.

* 42 _ Balzac. 1823. Les Paysans. ... Cité par GARRIER, Gilbert. 1989. Ibid., p. 185.

* 43 _ BONNET, Jocelyne. 2004. Dimanche en Europe. Strasbourg : éditions du Signe, p.22.

* 44 _ ROUBIN, Lucienne A. 1970. Chambrettes des provençaux : Une maison des hommes en Méditerranée septentrionale. Paris : Plon, 61-62.

* 45 _ OBADIA, Lionel. 2006. « Le "boire" : une anthropologie en quête d'objet, un objet en quête d'anthropologie », Socio-Anthropologie, n°15, (Boire).

* 46 _ MILLAN, Amado. 2000. « Le scrupule alimentaire : une approche socio-culturelle ». In (dir.) : Alimentation et pratique de table en Méditerranée, éd. GERIM, p.131-133.

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