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Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie

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par Tomasi TAUTU'U
Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012
  

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C. La formation de la dite « communauté  wallisienne-et-futunienne » en Nouvelle Calédonie :

Les personnes originaires de Wallis et de Futuna constituent la plus grande minorité dite « ethnique » en Nouvelle Calédonie avec plus de 20 000 ressortissants après les Kanak269(*) et les Calédoniens d'origines européennes. Avec les Vietnamiens, Chinois, Javanais, Réunionnais, Antillais... Polynésiens, Vanuatais et autres « métisses »... la Nouvelle Calédonie, surtout depuis la fin de l'indigénat après la seconde guerre mondiale, a été perçue et désignée par les auteurs et chroniqueurs comme un pays « multiracial » ou « multiculturel », «  pluriethnique » ou «  pluriculturelle ». «  Diversité : «  ethnique, culturelle, ou de  métissage  », sont des adjectifs souvent employés pour qualifier la spécificité de la population du « Caillou270(*) ». La singularité de la dite communauté wallisienne, tant par son importance numérique, que par sa spécificité socioculturelle met en exergue le problème de l'immigration d'une manière générale qui, selon les autorités locales, constituerait à l'heure actuelle un enjeu économique, sociale et politique.

Ces qualificatifs discursifs sont souvent employés pour caractériser la spécificité de la population « calédonienne271(*) »mais semblent pour certaines critiques et indépendantistes vouloir faire de l'ombre aux « populations premières » qui ont toujours manifesté leur désapprobation à la colonisation de peuplement et aux spoliations foncières272(*) et qui se définissent depuis peu comme des « Kanak273(*) » ayant une culture et une identité propre revendiquant ainsi une émancipation politique. Patrick Pillon, sociologue de l'ORSTOM écrivait en 1988 que :

«  L'appartenance ethnique est l'une des catégories de perception les plus immédiates que les individus puisse s'appliquer les uns les autres en Nouvelle Calédonie. Mais depuis qu'en 1977, la question de l'indépendance - et d'une indépendance canaque - est devenue l'enjeu à partir duquel se structurent les oppositions politiques, les relations inter ethniques ont été constituées en champ d'affrontement idéologique »274(*).

Le terme « ethnie » s'apparente avec le mot « communauté » avec l'idée et le caractère de groupe ou de collectivité. Pourtant ce mot nous renvoi à un terme à connotation plus négative qu'est «  le communautarisme ». De la «Communauté de destin » que représentait aux yeux du général De Gaulle l'Union française, ou celle projetée par l'Accord de Nouméa en 1998 dans son préambule, à la communauté ethnique ou religieuse, il y a une différence et pour certains, il y a une opposition de sens. Dans le premier cas, il s'agit d'une construction intellectuelle à des fins politiques où l'individu est mis en avant alors que dans le deuxième cas, la communauté est fondée sur des caractères innés, donc transcendants et naturels où le collectif est essentiel au détriment de l'individu.

De même, la « communauté wallisienne et futunienne » est une des « communautés ethniques » de la Nouvelle-Calédonie qui constitue une minorité migrante de culture polynésienne. Chaque membre effectivement se reconnaît par son origine géographique, son nom, sa filiation. Vu du dehors, son aspect physique ou extérieur, et sa manière de faire peuvent aussi renforcer son appartenance au groupe. Nous dirons aussi depuis un certain temps, les communautés ethniques se construisent et se constituent non seulement en entité culturelle mais aussi en force politique et électorale d'appoint. Le cas des Wallisiens et des Futuniens sur le Territoire est significatif. Ainsi, faire l'analogie avec la période précoloniale nous était utile pour saisir la portée que nous lui accordions. A la manière de Julien Landfried, directeur de l'Observatoire du communautarisme en France, qui soutient la thèse que :

«  Les communautés en tant que telles n'existent pas. En d'autres termes, elles sont des systèmes de croyance sociopolitiques, plus ou moins modernes selon les cas, mais se distinguant d'autres systèmes de croyance en ce qu'elles impliquent dans leur définition même un critère d'appartenance non choisi ou présenté comme étant identitaire, c'est-à-dire immuable, tel que la race, l'ethnie, la religion, l'orientation sexuelle... si les communautés n'existent pas en tant que telles, les organisations communautaires existent en revanche bel et bien. Menées par des idéologues et des entrepreneurs communautaires, elles ont pour projet, à partir de leur définition de leur « communauté », d'obtenir un monopole de représentation de la ladite communauté auprès des institutions publiques et de la société du spectacle médiatique »275(*).

Et cette formation communautaire, comment s'est-elle créée et comment a-t-elle évolué après plus de un demi siècle de présence ? Nous tenterons de démontrer que l'idée de « communauté » se construit dans le temps et varie selon l'espace ou le contexte, par ceux qui la constitue mais également par ceux qui sont extérieur au groupe et forme souvent en fait la communauté dominante. Les communautés ethniques se caractérisent souvent par leur désir d'affirmer leur identité propre. Pourquoi ? E.Wallerstein écrit en 1980 :

«  Une identité ne se définit pas à partir du néant, on bâtit sur ce que l'on trouve qu'il s'agisse de langue, de religion ou de mode de vie caractéristiques. Néanmoins il est clair que l'homogénéité et la passion linguistique ou religieuse (a fortiori l'attachement à un mode de vie particulier) sont des créations sociales que l'on ne peut se contenter de considérer comme la poursuite d'une tradition éternelle. Ce sont des créations élaborées à grand-peine dans des moments difficiles ».276(*)

L'élaboration d'une identité adéquate apparaît comme la nécessité de base, pour le migrant, lorsque sa présence devient permanente dans son nouveau milieu selon Carmel Camillieri277(*). C'est le cas d'un bon nombre de ressortissants d'immigrés d'origines diverses qui, pour des raisons de représentations légales, se sont constitués en forces politiques, sociales ou culturelles. D'où vient cette effervescence identitaire de ces multiples communautés ? Ce phénomène identitaire et des identités ne remet -il pas en cause la construction « du destin commun » promulguée par l'Accords de Nouméa ?

La bipolarisation constante et quasi permanente dans le discours commun de la rue ou des autorités, fait naître des rapports de force entre les groupes en présence et parfois des rivalités. Chacun voulant voir s'affirmer le groupe auquel il appartient278(*). Nous avons vu dans le chapitre précèdent que les immigrés sont venus en masse à différentes périodes et les groupes hétérogènes ne se sont pas forcément échangés en terme culturel. Effectivement, les communautés diverses ne se connaissent pas ou très mal, vivants plus l'une à côté de l'autre. Or, dès la fin des années 50, la devise de l'Union Calédonienne «  Deux couleurs, Un seul Peuple » pointe du doigt l'idéologie sous-jacente de l'avant-guerre et l'héritage colonial, mettant en évidence les clivages entre le Blanc et le Noir. Faire du Noir et du Blanc un seul Peuple alors que jusqu'à là ils n'étaient pas égaux face à la Loi, à l'école, ou à l'emploi etc.279(*).

Selon Alan Ward :

«  Le caractère «  multiraciale » de la société calédonienne de date pas des années soixante avec le boom du nickel à travers la politique de l'emploi et de l'immigration diligentée par les exploitants miniers et l'Etat français. Cette caractéristique sociétale se dessine au moment de la défaite du Japon dès la fin de la deuxième guerre mondiale, qui marquera en fait le besoin de main d'oeuvre après le départ des japonais et plus tard des tonkinois280(*) ».

Pourtant, cette volonté de s'affirmer en tant que « communauté » n'a pour finalité que de se trouver une place ou la sienne, dans une société pluriethnique. Frederick BARTH281(*) est le premier à parler de «  Le pluralisme culturel » et il estime que chaque groupe jouit du droit d'exister et, en tant que tel, il peut maintenir la particularité de sa culture tout en oeuvrant dans la société. La fin de l'indigénat, dans ce contexte économique de développement les communautés kanak, surtout des îles Loyautés connaissent pour la première fois un exode rural sans précédent. Depuis les années 70, Nouméa devient un carrefour permanent où, ce que l'on va désigner comme « ethnies » -pour ne pas dire « races »- se côtoient dans les quartiers périphériques autour du centre ville. Il est vrai que la catégorisation systématique des populations a, semble t-il, favorisé l'émergence de nouveaux conflits sous ces  étiquettes raciales, ethniques ou communautaires. Pourtant, Hamid MOKADDEM pense que :

« Les conflits politiques ne sont ni ethniques, ni économiques. Ils expriment des jeux de fragmentation du corps politique. Les corps à corps électoraux clivent les représentations et divisent les identifications des groupes sociaux282(*) ».

Effectivement les stratégies électorales ont poussé certains leaders politiques à s'accaparer de groupes socialement ou culturellement homogènes. Pour cela, des pseudos représentants ont été créés de toutes pièces afin de faire basculer l'électorat désigné en leur faveur. Malgré tout, les préjugés sont ancrés dans les esprits et depuis plusieurs générations : les kanak reconnaissent « le Wallis » comme culturellement proche de leur propre culture. Egalement, ils leur attribuent la valeur d'être des travailleurs possédant une force physique. Par contre selon eux les Wallisiens seraient vus comme des « brutes », des vantards et sans- gênes, irrespectueux et se sentant toujours supérieurs aux Kanak. Sous la protection du Blanc, ils bénéficieraient des emplois et des avantages sociaux à leur détriment »283(*). Les Wallisiens eux, reconnaissent en général que les Kanak sont chez eux, au même titre que les Wallisiens dans leur île. Mais selon eux, « les kanak sont sales284(*), fainéants, naïfs envers le Blanc, des incapables qui veulent « le beurre et l'argent du beurre ». Apparemment, les préjugés des uns envers les autres ont traversé le temps et l'espace et les hommes. Les Wallisiens et les Kanak ont les préjugés quasi semblables qu'avaient les colons et missionnaires Blancs envers eux lors des premiers contacts.

Autre phénomène marquant les barrières mentales influencées par les structures politiques du moment c'est le « régionalisme »285(*) ou plus récemment le « provincialisme », phénomène de réticence envers ceux habitants une autre région, bat son plein à partir des années quatre vingt. Pendant ce temps, la communauté kanak commence à s'affirmer politiquement, et demande son émancipation, d'autant plus qu'elle est en situation d'infériorité numérique par rapport aux autres populations non indigènes. On peut déjà à cette époque, entrevoir les prémices de conflits ethniques qui se limitent au début, à des bagarres de bandes au centre ville, lors de fêtes populaires du Carnaval, de la Grande Braderie etc. dans les années 80.286(*)

Le fale fono correspondant à la maison commune des wallisiens de Païta.

* 269 Le mot « Kanak »ici est utilisé comme mot invariable, par contre nous utiliserons les mots : Autochtone, Indigène, Insulaire comme synonyme dans notre exposé.

* 270 Surnom de la Nouvelle Calédonie.

* 271 Même ce terme de « Calédonien » est sujet à toutes les critiques, certains Kanak refusent d'être identifiés comme « Calédonien ».

* 272 On peut citer l'insurrection kanak de 1878, la rébellion de 1917 puis plus récemment les évènements de 1984 qui ont été largement abordé par d'autres auteurs.

* 273 Terme hawaïen signifiant homme : « Kanaka » utilisé pour la première fois par les traders anglophones du 18 et 19ème siècle, désignant de manière péjorative les autochtones des îles de l'Océanie. Il a été officiellement repris par les premiers partisans de l'indépendance à la fin des années 60 comme signe identitaire puis plus tard dans les années 70 par les partis indépendantistes.

* 274 SPENCER Michel & Alan WARD & John CONNELL, Nouvelle Calédonie, Essai sur le nationalisme et la dépendance, Editions L'Harmattan, 1989.p 159.

* 275 Intervention de Julien Landfried, directeur de l'Observatoire du communautarisme, lors du colloque « Intégrismes, Communautarismes et Racisme » organisé par Avenir du MRAP, samedi 12 novembre 2005, Marseille.

* 276Cf. Wallenstein. E, Le système du monde du XVème siècle à nos jours, Editions Flammarion, 1980, p 314.

* 277 Carmel Camillieri

* 278 Entre le riche et le pauvre, entre la droite et la gauche, entre le Blanc et le Noir, entre le colon et le colonisé, l'indigène et l'immigré, l'indépendantiste et le loyaliste, entre le Wallis et le Kanak...

* 279 Une controverse qui ressemble étrangement à la notion de «  citoyenneté » que l'on a actée dans l'accord de Nouméa.

* 280 SPENCER Michel & Alan WARD & John CONNELL, Nouvelle Calédonie, Essai sur le nationalisme et la dépendance, Editions L'Harmattan, 1989. P 109.

* 281 BARTH, F, Ethnic groups and boundaries, London, G.Allen and Unwin, 1969.

* 282, Cf. Hamid MOKADDEM, le destin commun à l'épreuve du corps à corps électoral en Nouvelle Calédonie, op.cit., p 115.

* 283 Dominique PECHBERTY, The journal of Pacific studies, Vol.27 n° 1, 2004. L'auteur aborde aussi ces préjugés interethniques.

* 284 Les Kanak sont désignés par les Wallisiens et les Futuniens « te kau u' li », peut être traduit par « les noirs » ; le mot « uli » en wallisien peut être aussi traduit par « sale, impropre ». Il serait intéressant de faire une étude linguistique de ce terme « uli » dans la langue wallisienne, l'influence missionnaire a sûrement détaché ce mot de son sens originel.

* 285 Le terme de « planches à voile » pour désigner les Loyaltiens par rapport à ceux de la Grande Terre, cette appellation a été utilisée pour la première fois à l'époque où la Nouvelle Calédonie organisée en régions ; terme évoqué aussi par Hamid MOKADDEM, sous la direction de Mounina CHATTI, Nicolas CLINCHAMPS et Stéphanie VIGIER dans, Pouvoir et politiques en Océanie, Editions l' Harmattan, 2007, p 115.

* 286 Dans les témoignages personnels récoltés parmi les Wallisiens, les bagarres en générale contre les kanak commencent souvent par des provocations d'un seul individu, « venant tout juste d'arriver de Wallis  ou de Futuna».

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