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Le " retour forcé " des roumains en Roumanie, depuis 2007

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par Audrey Guitton
Université de Poitiers - Master migrations internationales 2011
  

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B) Des aides au retour controversées

Les programmes d'aide au retour humanitaire peuvent être perçus de différentes manières. Ils aident les migrants à quitter les campements dans lesquels ils sont installés dans la région parisienne et à rentrer chez eux. Cependant, ils prennent également la forme d'expulsions du territoire français.

1) Les aides au retour en pratique

De nombreuses associations travaillant auprès des étrangers en France, et notamment des Roms roumains et bulgares, relatent des situations qui ne relèvent en rien du domaine de l'aide humanitaire. Le collectif national des Droits de l'Homme Romeurope80 publie des rapports, tous les ans, sur les conditions de vie des Roms en France, dans lesquels de nombreuses associations81 apportent leur témoignages. Bien que tous ces acteurs soient impliqués directement dans cette question, la multitude des témoignages donne, à mon sens, un crédit non négligeable à ces propos. Nous savons que les ressortissants roumains, repartis dans le cadre d'une ARH, sont « quasi exclusivement des Roms ». Ceci confirme, tout d'abord, qu'il y a effectivement une sélection opérée entre les Roumains qui peuvent rester en France, et les autres. Ensuite, cela me porte à croire que le critère de « grande précarité » est un prétexte pour cibler les Roms.

Les forces de police accompagneraient l'ANAEM sur les campements. Des « Obligations à quitter le territoire français » (OQTF) et des « Arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière » (APRF) sont remis par les services de la préfecture. L'ASAV (association pour l'accueil des voyageurs) en témoigne82. « Le dispositif policier mis en place était le suivant : encerclement du site, une dizaine de camions de CRS, 7 fourgons de police [...], un délégué de la sous-préfecture, 2 bus de 55 places [...] avec chacun une remorque à l'arrière pour les bagages, un groupe de traductrices et des travailleurs sociaux du centre d'hébergement de Vaujours. » La direction de l'éloignement de l'OFII se défend de cette collaboration. En effet, les dirigeants de cette section de l'OFII disent ne travailler ni avec les forces de l'ordre, ni avec les préfectures. Or, « la

80 Romeurope, Témoignage sur le déroulement des opérations de retour organisées par l'ANAEM., op. cit.

81 ALPIL (Action pour l'insertion sociale par le logement) - AMPIL (Action Méditerranéenne Pour l'Insertion sociale par le Logement) - ASAV (Association pour l'accueil des voyageurs) - ASET (Aide à la scolarisation des enfants tsiganes) - Association de solidarité avec les familles roumaines de Palaiseau - CIMADE (Comité intermouvements auprès des évacués) - CLASSES (Collectif Lyonnais pour l'Accès à la Scolarisation et le Soutien des Enfants des Squat) - FNASAT-Gens du voyage - Hors la Rue - LDH (Ligue des Droits de l'Homme) - Liens Tsiganes - MDM (Médecins du Monde) - MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) - Mouvement catholique des gens du voyage - PARADA - PROCOM (Agence Européenne de Promotion et Communication) - Rencontres tsiganes - RomActions - Réseau de soutien Rroms de St Etienne - Romeurope Val-de-Marne - Une famille un toit 44 - URAVIF (Union régionale des associations voyageurs d'Ile de France) Et les Comités de soutien de Montreuil et de St Michel-sur-Orge ainsi que le Collectif de soutien aux familles roms du Val d'Oise et des Yvelines et le Collectif des sans papiers de Melun.

82 Romeurope, Témoignage sur le déroulement des opérations de retour organisées par l'ANAEM., op. cit., p. 4.

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redynamisation du retour [...] nécessite en outre de « sensibiliser les directeurs territoriaux sur la nécessité d'être au plus près des préfectures » et notamment de leurs pôles de compétence « immigration-retour » qui viennent d'être mis en place. [...] Et ce d'autant plus que ce sont les préfets qui sont juridiquement responsables des mesures de retour qu'ils décident. »83

Après l'évacuation des terrains occupés par les Roms, et en l'absence de solutions de relogement, les ARH sont proposées aux personnes, avec à la clef, un hébergement jusqu'au départ (dans le meilleur des cas). Parfois, des familles avec des enfants en bas-âges, des femmes enceintes, des personnes âgées, sont laissées sans abri, bien qu'encadrées (au sens propre) par les autorités. Les ARH sont donc proposées aux personnes dans des moments de grand dénuement. Il est possible que ce dénuement soit provoqué et utilisé, par les services de l'État, pour atteindre leur objectif de retour des personnes. Le réseau de solidarité Rroms de Saint Etienne dresse un bilan des premières opérations de retour, entre septembre et octobre 200784. Après avoir décrit la coordination ANAEM/ forces de l'ordre, le réseau affirme que « c'est comme cela que le préfet a réussi à faire partir soixante-six personnes entre fin août et début octobre, dont des familles avec des enfants scolarisés depuis plus d'un an. Ainsi le préfet de la Loire [...] est en passe d'atteindre le quota qui lui a été fixé : il en est à 129 expulsions/rapatriements sur 150 (87 %), dont la moitié sont des Roms roumains partis avec le dispositif de l'ANAEM. »

Souvent, à la signature des documents qui se déroule le plus souvent en l'absence de traducteur, les papiers d'identité sont confisqués par l'ANAEM. Ils ne seront rendus qu'en Roumanie. Ces interventions sont faites très tôt le matin, voire dans la nuit. Les personnes sont réveillées par la police qui les menacerait, dans certains cas, s'ils refusent de signer. Dans d'autres cas les ARH sont signées en garde à vue. À l'inverse l'ANAEM aurait rejeté des demandes d'aide au retour en invoquant le fait qu'une famille non francophone et sans autorisation de travail, serait bien intégrée.

Les départs se déroulent donc, selon ces témoignages, dans une situation d'urgence. L'intérêt d'une telle urgence est peut-être de s'assurer qu'aucun « retour en arrière » ne soit possible. En effet, les personnes n'ont pas le temps de s'adresser à des associations d'aide juridique aux étrangers, ni de mettre en place des recours.

Le 8 mars 2010, le campement de Massy sur lequel, environ 300 personnes, vivaient depuis septembre 2008, a été attaqué par un groupe de 40 à 50 hommes. Il s'agirait d'un règlement de comptes. Romeurope a rédigé un rapport sur cette agression.85 « Environ dix policiers municipaux

83 Chevron S., op. cit., pp. 206-207.

84 Romeurope, Témoignage sur le déroulement des opérations de retour organisées par l'ANAEM., op. cit., p. 7.

85 Romeurope, Agression, maintien forcé dans un gymnase et retour volontaire contraint des familles roms roumaines de Massy (Essonne). Du 8 au 11 mars 2010.

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sont arrivés, selon les témoignages, en même temps ou très peu de temps après les agresseurs. Toutes les personnes affirment que la police municipale a assisté à toute la scène mais n'a rien tenté pour empêcher l'agression, ce qui a contribué par la suite à accroître leur peur [...]. »86 Au cours de cette agression, un incendie s'est déclaré. Des témoins auraient indiqué que « les policiers municipaux incitaient même les personnes à mettre le feu le plus rapidement possible aux baraques. »87. Or, les membres de l'ASFRP que j'ai rencontrés et qui étaient présents lors de ces évènements m'ont affirmé que les forces de police n'avaient pas incité les agresseurs. À la suite de l'incendie, les 300 personnes qui vivaient sur ce terrain, accompagnées de membres d'associations ont entamé une marche vers la Mairie de Massy. C'est alors que le sous-Préfet de l'Essonne a annoncé qu'un gymnase municipal était ouvert pour accueillir les sinistrés. Romeurope affirme que « les moyens prévus pour leur accueil ont été dramatiquement insuffisants. »88 L'ASFRP m'a signalé qu'il y avait eu un manque de nourriture pendant la nuit, mais qu'il avait été rapidement comblé. Les personnes sont restées trois jours dans le gymnase. « Au départ, les entrées et sorties des personnes et des associations dans le gymnase étaient libres. A partir de l'arrivée de l'OFII à 14h, le mardi 9 mars après-midi, les entrées et sorties ont commencé à être contrôlées et restreintes. A partir du mercredi 10 mars à 8h, le gymnase a été totalement fermé jusqu'au soir à 18h30. »89 Romeurope atteste donc d'un enfermement des personnes dans le gymnase. L'ASFRP n'a pas perçu la situation de la même manière.

G. - « Il y a eu, le troisième jour la police qui empêchait les gens d'aller et de venir. Alors, ça c'est peut-être pénible parce que ça pouvait donner l'impression qu'ils enfermaient les gens. Ils mettaient en avant le fait que pendant qu'ils faisaient les dossiers, ils ne voulaient pas qu'il y ait d'appel d'air. [...] On a ressenti une sensation d'enfermement le troisième jour. Mais il n'y a pas eu d'enfermement dans le gymnase, il y a eu un accueil. »90

Bien que G. garantisse qu'il n'y pas eu d'enfermement, les faits semblent prouver le contraire. En effet, le fait que la police ait empêché les gens d'aller et de venir est suffisant, à mes yeux, pour qualifier cette action d'enfermement. De plus, le fait qu'il y ait un « appel d'air » ne serait pas un problème si ces retours étaient volontaires et humanitaires. Ainsi, il est possible que cet enfermement ai eu comme finalité, le retour de toutes ces personnes en Roumanie. Une quinzaine

86 Ibid., p. 3.

87 Romeurope, Agression, maintien forcé dans un gymnase et retour volontaire contraint des familles roms roumaines de Massy (Essonne). , op. cit., p. 3.

88 Ibid., p. 5.

89 Ibid., p. 7.

90 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

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de personnes, seulement, ne serait pas repartie en Roumanie. Ces quelques familles n'ont pas pu récupérer leurs effets personnels épargnés par l'incendie, car la police a rasé les restes du campement, dès le 11 mars, au matin.

Ceci appuie l'hypothèse selon laquelle, le but de la coopération entre les forces de police et l'ANAEM est d'intimider les personnes, pour les fragiliser. Ces éléments sont en faveur de l'hypothèse d'un retour forcé. Cependant, le fait que Romeurope et l'ASFRP, membre de Romeurope, n'aient pas le même point de vue sur ces évènements est révélateur. Ainsi, un même retour peut être perçu différemment par les différents observateurs, selon leurs conceptions respectives de ce que signifie « l'action sociale et humanitaire ». Le témoignage de E. illustre bien cette remarque.

E. - « Ils étaient volontaires, tous. [...] C'est parce que la mairie, les flics, la gendarmerie, la Croix Rouge et l'ANAEM ils sont venus sur le campement les expulser avec le... le papier officiel. Ils disaient le prix et « si vous voulez partir, rentrer pour trois mois... vous voulez ou non ? » »91

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway