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La "vie de nuit " dans la ville de Ngaoundéré au Cameroun de 1952 à  2009

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par Nicolas OWONA NDOUNDA
Université de Ngaoundéré Cameroun - Master en histoire 2009
  

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CHAPITRE II : LES TRAVAILLEURS DE LA NUIT

V. DISTINCTION ENTRE LE SECTEUR FORMEL ET LE SECTEUR INFORMEL, ET SITUATION DANS LA VILLE NGAOUNDÉRÉ

Le secteur formel peut être considéré comme le secteur de l'économie sous le contrôle des structures économiques de l'État. On y retrouve des entreprises publiques, privées ou parapubliques. Mais, quelques soit le type d'entreprise, elle est recensée au niveau de la comptabilité Nationale. En ce qui concerne le privé, les opérateurs payent des taxes à l'État pour pouvoir exercer librement. A côté, disons qu'il existe plusieurs définitions du concept de secteur informel. Créée par le Bureau International du Travail, cette expression peut être considérée comme l'ensemble des activités économiques qui se réalisent en marge de législation pénale, sociale et fiscale ou qui échappent à la Comptabilité Nationale. Ou comme l'ensemble des activités qui échappent a la politique économique et sociale, et donc à toute régulation de l'État. Dans tous les cas, les deux définitions se recoupent puisqu'elles soulignent l'idée de fraude.

Paradoxalement, on aurait pu penser que ce secteur d'activité, censé se soustraire au contrôle de l'État, pourrait se pratiquer dans la clandestinité. Et pourtant, il fonctionne allègrement au vu et au su de tous. Des trois secteurs économiques connus (primaire, secondaire, tertiaire), il est difficile de classer l'informel dans un secteur particulier. En effet, toutes les activités des trois secteurs y sont représentées. On y retrouve des banques traditionnelles à travers les tontines, des ateliers de réparation, et même de la médecine de proximité. Le développement du chômage urbain, conséquence logique de la crise économique, s'est accompagné de l'émergence et de l'essor du secteur informel. C'est une question de survie de ces populations refusées par le secteur formel. Le secteur informel joue un rôle d'adoption des migrants et un rôle d'accueil des agents économiques exclus du secteur officiel.

Plusieurs raisons pourraient expliquer l'ascension de ce secteur. Tout d'abord, la fin du troc qui y a poussé la population rurale faute d'être captée par la fonction publique. Ensuite la baisse sans cesse croissante des salaires des travailleurs exerçant dans le secteur formel. Ce qui a pour effet d'inciter les ménages à rechercher des revenus complémentaires dans le secteur informel pour joindre les deux bouts du mois. L'adoption et la mise en oeuvre des politiques d'ajustement structurel avec leurs effets pervers (réduction des salaires, diminution des effectifs de la Fonction publique, privatisation des entreprises d'État...) ont aussi contribué à la dévalorisation du secteur public et donc au gonflement du nombre d'agents opérant dans le secteur informel. Bref, il y a un dédoublement du secteur formel en secteur informel ou chaque activité dite "en règle" a une réplique ; les restaurants modernes dans le formel, les points de vente des poissons à la braise dans l'informel, pour ne citer que ce cas de figure. Tout se passe comme si l'économie des pays d'Afrique en général et le Cameroun en particulier, affichent deux faces. L'informel et le formel sont donc intimement liés. On peut penser que c'est l'incapacité de l'État à répondre aux besoins fondamentaux de la population dans les domaines de l'emploi, de la santé, du logement et de l'éducation qui est à l'origine de la montée en puissance du secteur informel.

Certains critères caractérisent le secteur informel :

1. la facilité d'accès aux activités ;

2. l'utilisation de ressources locales ;

3. la propriété familiale des entreprises ;

4. l'échelle restreinte des opérations ;

5. l'utilisation de techniques simples et le nombre réduit de travailleurs ;

6. des qualifications qui s'acquièrent en dehors du système scolaire officiel ;

7. des marchés échappant à tout règlement et ouvert à la concurrence.196(*)

Dans la ville de Ngaoundéré, le secteur informel obéit à ces différents critères. Il n'a cessé d'évoluer depuis 1952, d'où la nécessité de s'intéresser à la situation économique de la ville de Ngaoundéré par rapport au pays tout entier, et surtout par rapport à sa population.

Niveau de vie des populations de l'Adamaoua (la région est prise en compte en l'absence de données précises sur la ville de Ngaoundéré)

Pourcentages

Sources

Observations

Taux de pauvreté (% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté) dans la province/région de l'Adamaoua

- en 2001

- en 2007

48,4

53,0

Enquêtes camerounaises auprès des ménages (E.CA.M. II de 2001 et E.CA.M. III de 2007)

NB : Au niveau national, taux de pauvreté d'environ 40% en 2001 et en 2007.

Taux de chômage élargi des personnes âgées de 10 ans et + en 2005 dans la province /région de l'Adamaoua

3,6%

E.E.S.I. 2005 (Enquête sur l'emploi et le secteur informel)

Il s'agit du pourcentage de personnes âgées de 10 ans et plus, qui n'ont pas travaillé au cours de la semaine de référence, qui ont cherché ou non du travail, et se déclarent disponibles pour travailler

% des actifs occupés en 2005 exerçant

-dans le secteur informel

-dans le secteur formel

- Total

92,5%

7,5%

100%

E.E.S.I. 2005 (Enquête sur l'emploi et le secteur informel)

Est classée ici dans le secteur informel toute unité de production de biens et services, qui n'a pas de numéro de contribuable et/ou ne tenant pas de comptabilité formelle

NB/ 90,4% des actifs occupés au niveau national y exercent

Tableau I : Tableau représentatif du niveau de vie et du taux des actifs dans la ville de Ngaoundéré.

(Source : Joseph Tedou, I.N.S.)

La situation du travail à Ngaoundéré est à l'image de celle du pays tout entier. En effet, on peut aisément observer dans cette ville les conséquences des problèmes économiques qu'a connus le pays depuis plus d'une vingtaine d'années. Il faut préciser déjà que le Cameroun est parmi les pays d'Afrique subsaharienne qui ont un taux élevé d'emplois en secteur informel, et cette forte "informalisation" de l'économie camerounaise va de pair avec un taux moyen de scolarité des actifs, élevé par rapport aux autres pays de la région. Il existe donc un paradoxe camerounais qui écarte de prime abord toute interaction directe entre types d'emploi occupés et niveaux de formation197(*).

Rappelons que le Cameroun a connu une relative prospérité jusqu'en 1984, soutenue par la hausse des cours des matières premières. Il a dû faire face, depuis la fin des années 1980, à une période de forte récession, avec des taux de croissance oscillant entre - 7,82 % et - 1,82 % entre 1987 et 1994198(*). Depuis 1994, le PIB (Produit Intérieur Brut) camerounais connaît néanmoins une reprise soutenue (de l'ordre en moyenne de 46 % par an), ce qui fait du Cameroun le pays moteur de la croissance de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale), avec une contribution oscillant autour de 45 % du PIB sous-régional. Ce dynamisme est notamment dû aux abondantes ressources minières, agricoles et forestières dont bénéficie le pays. Ainsi, la croissance du PIB réel s'établissait à 4,2 % en 2002 pour atteindre 4,5 % en 2003199(*). La production pétrolière contribue également largement au PIB national. Selon le FMI (Fonds Monétaire International), celle-ci s'élevait à 90 000 barils par jour en 2004 et contribuerait à hauteur de 10 % du PIB et de 40 % des exportations200(*).

Dès lors, considéré sous l'angle de l'indicateur du développement humain, le Cameroun a des défis importants à relever. Inscrit au 148ème rang sur 177 pays au classement de l'I.D.H. en 2003, le pays connaît une pauvreté qui touche environ 17,1 % de sa population. L'analyse de l'I.D.H. au cours des dernières années, laisse entrevoir une évolution en termes de développement en dent de scie, l'I.D.H. étant passé de 0,514 en 1990 à 0,494 en 1995 pour s'établir à 0,497 en 2003201(*).

Ainsi confronté à une crise économique due à la chute des prix des matières premières et de sa production de pétrole au début des années 1990, le Cameroun s'est tourné vers les bailleurs de fonds internationaux, qui lui ont imposé des Programmes d'Ajustement Structurel (P.A.S.). Ces politiques, en visant une réduction importante des dépenses budgétaires publiques, ont entraîné l'arrêt progressif des projets d'investissement en cours, une forte rationalisation du personnel de la fonction publique et ont impulsé un mouvement de privatisation. Elles ont profondément affecté l'emploi, forçant le pays à passer d'une organisation où l'État était le principal pourvoyeur d'emplois, à une organisation où le secteur privé devait en assurer la relève. Selon un rapport du département de la Stratégie sur l'emploi de l'OIT (Organisation Internationale du Travail) à Genève, les 14 coupes réalisées dans les emplois de la fonction publique se seraient traduites par le licenciement de 60 000 fonctionnaires entre 1989 et 1997 et une chute drastique du taux de salarisation, qui est passé de 63,9 % à 22,1 % entre 1983 et 1993 dans le secteur de l'industrie et de 20,6 % à 12,6 % dans le secteur du commerce202(*).

Selon le Rapport de prévisions macro-économiques des pays de la zone franc (Rapport Jumbo)203(*) , un certain ralentissement économique serait apparu à partir de 2004 et se serait accentué en 2005, le taux de croissance passant de 4,3 % en 2003 à 3,8 % en 2004 pour s'établir à 2,6 % en 2005, soit le taux le plus bas observé depuis 1995. Cet essoufflement serait notamment lié au ralentissement de la consommation privée, à l'augmentation des prix (notamment de l'énergie et de certains biens de consommation) et des taxes, et à la baisse de la consommation publique, qui auraient conduit à une érosion du pouvoir d'achat.

La situation économique du Cameroun a un impact considérable sur la vie de nuit. En effet, elle va développer le sous-emploi visible. Il concerne les personnes travaillant de façon involontaire moins de 35 heures par semaine. Il toucherait 12,1 % des actifs occupés, et ce majoritairement en zone urbaine. Par contre le sous-emploi invisible, qui désigne « les travailleurs dont la rémunération est inférieure au minimum horaire garanti » (23 500 f.cfa par mois pour 40 heures de travail), atteint 69,3 % des actifs occupés, dont 78,6 % de ruraux et 45,7 % d'urbains204(*). Globalement, le sous-emploi affecte 75,8 % des actifs occupés, dont 16,7 % des actifs employés dans le secteur public et 23,7 % des actifs occupés du secteur privé formel. Il est par ailleurs moins prononcé chez les scolarisés que chez les non-scolarisés et est fortement représenté parmi les actifs du secteur informel (70,6 % des actifs du secteur informel non agricole et 86,8 % des actifs du secteur informel agricole sont concernés par le phénomène). L'ampleur du sous-emploi pousse les Camerounais à mettre en oeuvre des stratégies d'accroissement de revenus. On remarque ainsi la prédominance du taux de pluriactivité, de l'ordre de 37 %.

Il faut déplorer le fait que le secteur privé soit trop peu développé pour prendre en charge l'afflux de main-d'oeuvre arrivant sur le marché du travail. On assiste alors à la croissance du secteur informel et à une plus grande précarisation de l'emploi. La structure du marché du travail camerounais montre clairement que le secteur primaire reste de loin celui qui occupe le plus de Camerounais (55,7 %), devant celui des services (31,2 %) et de l'industrie (14,1 %)205(*). La dynamique d'évolution de ce marché permet de constater une décroissance constante, depuis le début des années 1980, des emplois en secteur public et une urbanisation des emplois. On constate par ailleurs une recomposition progressive de l'activité en secteur agricole puisque, jusqu'en 2003, les emplois étaient essentiellement créés dans le secteur informel agricole, date à partir de laquelle le secteur informel non agricole a pris le relais. Cette évolution est majoritairement imputable à l'instabilité croissante des revenus liée à la dégradation des cours mondiaux des matières premières206(*).

L'arrêt des recrutements dans la fonction publique, la crise économique, les licenciements, la dévaluation du Franc CFA, les baisses drastiques des salaires ont eu pour conséquences majeures une rupture entre le projet professionnel et l'insertion socioprofessionnelle. Très peu de Camerounais choisissent leur emploi. Ils s'y retrouvent et s'y adaptent. La recherche du "matricule" de la fonction publique est devenue la règle depuis la reprise des concours en 1998. La situation de multi-emploi s'exprime à travers les expériences de certains fonctionnaires, enseignants en semaine par exemple et gérant d'échoppe le weekend. Les jeunes quant à eux se résignent face à la difficulté de réussir ces concours. La rupture dont nous faisons ici état se lit à travers les choix que les étudiants font des filières à l'université, et les emplois qu'ils occupent par la suite. Il est de plus en plus courant de voir des licenciés en Droit se reverser dans l'enseignement de l'Histoire par exemple, comme vacataires dans les établissements secondaires de la ville. La nuit devient un espace clé dans la mesure où la journée de travail change littéralement de sens. La nuit devient avec la conjoncture en vigueur dans le pays un simple prolongement de cette journée. La prostitution prend une autre ampleur, plus accrue, plus présente dans les villes en général, plus violente par les méthodes que ces commerçantes d'un autre genre utilisent, plus ouverte parce que de plus en plus considérée comme normale. Des témoignages dans les bars du Centre Commercial font état d'hommes qui finissent par prostituer leurs femmes faute de mieux. Parfois, c'est en échangeant quelques mots avec un mototaximan que l'on s'aperçoit qu'il n'est certainement pas un illettré.

La situation économique du pays introduit de nouvelle forme de migrations. Les populations se déplacent de plus en plus dans les villes de moindres importances pour y trouver de meilleures conditions de vie. En effet, ces villes représentent l'avantage d'être encore des terrains d'expérimentation de certains métiers. En 2002, au moment de l'ouverture du premier cybercafé dans la ville de Ngaoundéré, à Yaoundé par exemple, il y en avait déjà une pléthore. Investir dans ce secteur d'activité vous garantissait le monopole. Les villes éloignées des deux grandes métropoles deviennent donc des lieux prisés par le fait que des métiers qui à Yaoundé et à Douala par exemple ne rapportent plus véritablement, nourrissent assez bien leur homme ici. L'activité de taxiphone en est un autre exemple. Pendant que dans ces grandes métropoles le coût de la communication est de 75 f.cfa en 2008, il est de 100 voire de 125 f.cfa par endroit à Ngaoundéré, et pourtant le service demeure le même, les opérateurs les mêmes.

C'est donc cet état de chose qui augmente aussi l'exode rural, puisque les populations rurales ne parviennent plus à vivre de leur travail. Dans la ville de Ngaoundéré, il est intéressant de constater que la plupart des actifs dans le secteur informel dans la nuit sont originaires du Grand-Sud. Que ce soit dans la vente des beignets, du poisson à la braise, ou des fruits. Les ressortissants du Grand-Nord se sont spécialisés dans la vente des arachides grillées, des soyas, dans le colportage des marchandises (médicaments, chaussures en tout genre...). Le secteur formel quant à lui emploie très peu de personnes dans la santé, les télécommunications (les cybercafés et cabines téléphoniques), l'agroalimentaire (bars, restaurants et boulangeries), l'enseignement (cours du soir) et l'hôtellerie. Malgré tout, il est à noter que, dans le secteur formel, se sont surtout les entreprises privées qui emploient de nuit. Dans le public, on retrouve juste l'hôpital régional, la police et la gendarmerie.

II- LES ACTIVITÉS DE LA NUIT RELEVANT DU SECTEUR FORMEL

Comme nous l'avons montré dans la partie précédente, la vie en général dans la ville de Ngaoundéré, et celle de la nuit en particulier, a connu de grandes mutations dont la principale cause est la situation économique que connaît le Cameroun depuis les années 1980. A cela, il faut ajouter les conditions de sécurité déplorables dans les pays voisins que sont le Tchad et la République Centrafricaine, dont l'histoire récente est marquée par des guerres civiles. Tout cela a pour effet de permettre le développement de deux secteurs d'activités, dont la limite de démarcation n'est pas souvent très nette, tant ils se confondent. Il s'agit donc dans notre travail, de cibler quelques uns des secteurs d'activités clés, tant dans le formel que dans l'informel.

1. Le secteur de la santé

Le secteur de la santé regroupe les hôpitaux, les cliniques et les pharmacies. Dans le cadre de notre recherche, nous nous sommes penché sur le cas de l'hôpital protestant de Ngaoundéré principalement207(*).

C'est en 1931 que le couple Endressen arrive à Ngaoundéré en provenance de Madagascar où il était en mission depuis 1922. M. Endressen était pasteur et sa femme infirmière. Cette dernière a tout de suite commencé une oeuvre médicale à Ngaoundéré. Cette oeuvre médicale consistait à rendre visite aux malades à domicile et à les traiter. Compte tenu du nombre impressionnant des malades qui affluaient vers elle, elle a eu à demander à la Mission de lui construire une salle où elle pourrait hospitaliser ceux qui nécessitaient une mise en observation. Une case en paille de deux chambres lui fut construite. L'une des salles servait de salle d'hospitalisation pour hommes et la deuxième pour femmes. Elle a également commencé un programme d'éducation sanitaire dans les quartiers. Elle enseignait notamment l'hygiène, la prévention de certaines maladies courantes comme le paludisme, la tuberculose, les vers intestinaux et les maladies sexuellement transmissibles (MST). Malheureusement, elle tomba malade en 1935 et fut évacuée d'urgence en Norvège. Pendant ce temps le dispensaire resta fermé. Elle revint 3 ans plus tard, c'est-à-dire en 1938 et reprit ses activités au dispensaire.

En 1947, la N.M.S. (Société des Missions Norvégiennes) décida d'envoyer un médecin pour renforcer le travail de Mme Endressen. Le Dr Bernt Sigurd Bjaanes est donc arrivé au Cameroun avec sa femme Helene Ofstad au mois de février 1947. Un an plus tard, et précisément le 1er juin 1948, M. John Fosse fut envoyé. Il était infirmier et diacre. Il faut rappeler que la S.M. (Sudan Mission) avait déjà émis en 1945 l'idée de collaborer avec la N.M.S. et la Mission Fraternelle Luthérienne (M.F.L.) au Nord du Cameroun pour la création d'un hôpital commun, parce qu'elle avait reçu suffisamment d'argent pour la construction d'un hôpital. Celui-ci devrait être bénéfique non seulement pour la population autochtone mais aussi pour la prise en charge des missionnaires des trois missions (N.M.S., S.M., M.F.L.). Seulement, la M.F.L. trouva que le choix de la ville de Ngaoundéré ne pouvait pas leur être bénéfique dans la mesure où il se situait loin de leur champ d'action. Toutefois, elle participa avec une somme de 2000 dollars US sans être impliqué dans le projet. Cependant, la N.M.S. qui traversait une période de turbulence financière accepta plutôt l'idée que l'hôpital soit créé à Meiganga. Mais seulement à ce moment-là, le gouvernement avait entrepris la construction d'un hôpital à Meiganga et n'entendait pas voir ériger un autre hôpital dans la même ville. Le projet échoua. Un an plus tard, c'est-à-dire en 1946, c'est au tour de la N.M.S. de revenir sur le sujet. Le Surintendant norvégien, le Rév. Endressen proposa de nouveau Meiganga, car il était convaincu que l'administration coloniale s'opposerait à la création d'un hôpital à Ngaoundéré en raison des relations peu sympathiques qu'elle avait avec la Mission.

Le Surintendant américain, le Pasteur Andersen quant à lui souhaitait que cet hôpital soit à Ngaoundéré. Pour mettre fin à leur discussion, ils étaient allés rendre visite à l'Administrateur colonial qui était, contre toute attente favorable à la création d'un hôpital à Ngaoundéré. La direction Centrale de la N.M.S. fut très ravie de cette décision et entreprit aussitôt le recrutement du personnel. Seulement, les missionnaires américains qui étaient bloqués aux États-Unis pendant la guerre et qui n'avaient pas participé aux discussions se sont opposés de façon énergique à l'idée d'avoir un hôpital à Ngaoundéré au lieu de Meiganga. Il fallait encore laisser tomber cette décision à la grande indignation de la N.M.S. qui avait décidé de s'engager seule malgré ses difficultés financières.

En 1948 le dispensaire de Ngaoundéré fut effectivement lancé, avec la présentation aux autorités coloniales du plan du dispensaire. Jusque là le "dispensaire de Mme Endressen" n'était pas encore reconnu officiellement par les autorités. Ce plan fut présenté par le Surintendant norvégien le Pasteur Endressen. De plus, l'équipe sanitaire était bien renforcée avec l'arrivée du Dr Bjaanes, médecin généraliste et de M. John Fosse, infirmier et diacre. Trois camerounais se sont ajoutés à cette équipe. Il s'agit de MM. Okala de tribu Béti venant du Sud du Cameroun, Mbardouka et Hamaselbé qui étaient tous deux Dii, originaires de l'Adamaoua. Malheureusement Mbardouka va mourir un an plus tard et sera remplacé par M. Moussa Martin. Ces trois camerounais feront partie de la première promotion des élèves infirmiers de 1954.

Le terrain sur lequel l'hôpital de Ngaoundéré a été construit a été attribué à la Mission Norvégienne par l'arrêté n°353 du 24 juin 1949. Les travaux ont été dirigés par M. Ove Aasen. Sur la demande faite au Gouverneur de la France d'Outre-mer, Haut Commissaire de la République du Cameroun résidant à Yaoundé le 4 septembre 1952 et conformément au plan qui lui a été présenté par M. Endressen, il était question de construire : une maison d'habitation et dépendances, un dispensaire (bâtiment central), quatre cases d'hospitalisations, une case de stérilisation, trois cases pour le personnel Noir et l'installation de l'eau et des sanitaires.

En 1956 la Fondation Young208(*) avait donné au total une somme de 48 800 dollars qui a permis de construire un pavillon chirurgical, une clinique dentaire, la résidence du dentiste, la maison de M. Aasen, l'annexe de l'hôpital, deux maisons pour infirmiers, une cuisine pour le pavillon chirurgical, une salle pour le groupe électrogène, dix chambres d'hospitalisation et un bureau. Le tout pour une valeur de 41 600 dollars. Aujourd'hui, le nombre des services de l'hôpital est de 24. Ils travaillent tous en journée. Mais, dans la nuit, il y en a qui ne sont pas du tout fonctionnels ; d'autres qui utilisent des équipes d'astreinte, c'est-à-dire un personnel de garde réduit auquel on peut faire appel uniquement en cas de nécessité ; enfin ceux qui sont fonctionnels 24h/24. La répartition est donc la suivante 209(*):

Ø Les services fonctionnels uniquement en journée :

- Service de kinésithérapie

- Service de l'Aumônerie Hospitalière

- Service Social

- Unité de Prise en charge des Personnes Vivant avec le VIH/SIDA (U.P.E.C.)

- Prévention de la Transmission Mère-Enfant (P.T.M.E.)

- Programme de lutte contre la tuberculose

- Programme Élargi de Vaccination

- Service de Statistiques

- Service d'Entretien

Ø Les services fonctionnels avec une équipe d'astreinte dans la nuit :

- Service d'Imagerie Médicale (radiographie, échographie, mammographie, endoscopie)

- Service de Laboratoire

- Service du Bloc Opératoire

- Service de Maintenance Biomédicale

- Santé Maternelle et Infantile

Ø Les services fonctionnels de jour comme de nuit :

- Service de chirurgie

- Dispensaire

- Service de médecine

- Service de Maternité

- Service Néonatalogie

- Service de Pédiatrie

- Service de Réanimation

- Service des Brûlés

- Service des Urgences

- Service de la Pharmacie et Caisse

Cette répartition nous permet de faire la distinction entre "l'hôpital de jour" et "l'hôpital de nuit". En effet, le premier implique le fonctionnement de tous les services existant dans un hôpital (1, 2 et 3), et le second implique les services d'astreinte (2) et ceux de nuit (3). Les services opérationnels uniquement en journée le sont de lundi à vendredi, de 07h30 à 15h30. C'est aussi le cas avec les services d'astreinte. Mais, les services fonctionnels de jour comme de nuit organisent leur personnel selon des tranches de 8h (de 7h30 à 13h30 ; de 13h30 à 19h30 ; de 19h30 à 7h30). Ainsi, supposons un employé A : il prend son service le samedi à 7h30, il arrête le même jour à 13h30. Le lendemain dimanche, il est de garde de 19h30 à 7h30. Le lundi, il a une journée de repos et revient travailler le mardi de 13h30 à 19h30. Le mercredi, il travaille de 7h30 à 13h30 ; et il est donc logique qu'il soit de garde de nuit le vendredi. Cette répartition se fait selon un ordre bien précis. En effet, en dehors des équipes de médecins qui se relayent, les infirmiers sont organisés selon un organigramme qui place à la tête de l'équipe, le plus gradé des infirmiers et un aide soignant pour le seconder.

Cette répartition des tâches permet au personnel de ne pas se sentir saturé par le travail. Les cliniques quant à elle travaille avec des équipes de garde dans le cas où des malades sont hospitalisés. Leur rôle est de veiller que les malades n'ont pas de complications dans la nuit. Le cas échéant, le médecin peut être appelé d'urgence. Les médecins des cliniques ne travaillent véritablement que sur des urgences dans la nuit.

Les cas de maladies auxquels les travailleurs de nuit des hôpitaux font face sont très souvent :

- Les accidents de la circulation (motos surtout et quelques fois des voitures)

- Les accouchements

- Les urgences chirurgicales (hernie, appendicite, grossesse extra-utérine, césarienne)

Les pharmacies des hôpitaux (Régional et Protestant) fonctionnent toutes 24h/24. Mais, les autres pharmacies de la ville se répartissent les gardes selon un calendrier bien établi. Pendant ses journées de garde, la pharmacie est opérationnelle 24h/24. La garde commence le samedi et s'achève le vendredi suivant. Les pharmacies de la ville de Ngaoundéré sont : Adama, Le Sare, Grand-Marché, Oxygène, La Vina, Espérance, Aoudi. Cette dernière est la plus récente et n'est pas présente dans la répartition des gardes de 2008. Mais, lorsque la pharmacie n'est pas de garde, elle ferme à 19h, et fonctionne du lundi au vendredi.

Photo 7 : Calendrier 2008 de la répartition des gardes des différentes pharmacies de la ville de Ngaoundéré.

Prise de vue : Owona Nicolas.

L'importance du secteur de la santé est aujourd'hui comprise pas les populations. Il faut dire que cela n'était pas acquis au moment de la création des hôpitaux. Tout d'abord, l'hôpital protestant était conçu comme le reflet de la religion chrétienne. En effet, lorsque le pasteur Andresen demande au Lamido de lui trouver où il peut s'installer, on lui montre la brousse infestée par des hyènes. Cet endroit- là, était une forêt, il n'y avait personne.

L'intention voilée à travers cette « offre insolite », était, semble t-il, de décourager le nouvel arrivant, en le poussant à partir. Car ne pouvant supporter ces compagnons d'un autre genre. De cet endroit infesté de bêtes sauvages et dangereuses en son temps, les missionnaires vont s'investir pour en tirer un meilleur parti. La stratégie adoptée était la suivante : parmi les missionnaires américains ou norvégiens qui venaient, il y avait des enseignants, des docteurs etc. Chacun d'entre-deux créait des structures dans son domaine. Ainsi, vont sortir de terre, tour à tour, un dispensaire, la première église en matériau définitif, un collège pour l'éducation des relais de l'évangélisation. Le temps aidant, les collaborateurs indigènes des missionnaires vont s'établir tout autour du camp de la mission protestante.210(*) 

Aujourd'hui, cette idée de la médecine moderne est révolue, si ce n'est entièrement, en grande partie du reste. Ainsi, les hôpitaux ne désemplissent presque pas. Malgré tout, il faut regretter les agressions et les coups de vol dont la nuit est souvent le moment de prédilection.

2. Le secteur agroalimentaire

Dans le secteur agroalimentaire, nous retrouvons l'ensemble des activités relatives à l'élaboration, la transformation et le conditionnement des produits d'origine principalement agricole, destinés à la consommation humaine et animale. La vie de nuit dans ce secteur concerne surtout les restaurants, les bars et les boulangeries pour ce qui est du secteur informel.

Les restaurants sont des établissements publics où l'on sert des repas moyennant paiement. Dans la ville de Ngaoundéré, il en existe surtout de manière informelle. Ceux qui parviennent à vivre de manière formelle sont peu et vivent une véritable précarité économique. Pour Mme Moussa Mbélé, propriétaire du restaurant Coffee Shop, cette précarité est due au milieu et à la suspicion des populations et à un pouvoir d'achat très limité. Il faut donc compter sur d'éventuels touristes. Cette situation est si délicate que la propriétaire avoue être « souvent surprise par les périodes fastes. » Il faut cependant noter une évolution dans les moeurs de la jeunesse qui s'intéresse de plus en plus au restaurant. 211(*)

En ce qui concerne le restaurant Coffee Shop, il est créé en 1993. Sa propriétaire, Gbaya de l'Adamaoua, en a l'idée puisque technicienne en hôtellerie. En fait, le nom véritable du restaurant est Le Meilleur. L'expression Coffee Shop avait pour but de signifier un type de restauration, c'est-à-dire que l'établissement est un café. Le restaurant est ouvert tous les jours de la semaine. Mais, de lundi à vendredi, il est ouvert de 7h30 à 16h et de 19h à 22h. Le samedi et le dimanche, il ouvre de 12h à 16h et de 19h à 22h30.

En plus des problèmes culturels déjà spécifiés plus haut, Mme Moussa note qu'au début, elle a éprouvé des difficultés liés au financement du projet, l'établissement des papiers administratifs, à l'absence d'informations dans le domaine fiscal. Pour cela, elle s'est rapprochée de la délégation régionale du tourisme qui délivre les autorisations d'exploitation des restaurants et de l'administration fiscale212(*). Mais en ce qui concerne la nuit, il est à noter qu'elle n'a jamais eu de véritable problème (agression, vols de la part de personnes venues de l'extérieur...). Le restaurant est situé dans une zone assez fréquentée par la population, de plus, depuis quelques années, les banques (SGBC et BICEC) s'y sont installées. Celles-ci sont surveillées par des policiers armés à toute heure. Ce qui garantit la sécurité des lieux.

Depuis 1993, année à laquelle Mme Moussa a ouvert son restaurant, d'autres ont ouvert leurs portes dans la ville : le Feu de Bois, E.H.T. CEMAC (École d'Hôtellerie et de Tourisme de la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale), Épi d'Or. Ils se sont ajoutés au restaurant La Plazza qui fait aussi dans les activités de snack bar et le cabaret. Plusieurs autres snacks bars offrent les services de restauration à l'instar du Complexe Marhaba. Cela permet de maintenir le client plus longtemps en lui permettant de consommer de l'alcool tout en mangeant.

Le bar est un débit de boissons, « un lieu ou local aménagé pour la vente, aux fins de consommation ou d'enlèvement, de boissons hygiéniques, de vins ou de boissons alcooliques.213(*)» Au regard de cette définition, il apparaît donc comme une entreprise agroalimentaire. Les bars s'étaient déjà développés dans la ville de Ngaoundéré au Centre Commercial à l'époque de la colonisation française, sans grande précision de date exactement. Ils étaient la propriété des Libanais et des commerçants Européens214(*). C'est vers 1958 que le premier bar tenu par un Camerounais (Bamiléké) est ouvert au quartier Baïladji. Depuis cette date, il n'a cessé d'en apparaître dans la ville, la plupart dans les années 1990. Aujourd'hui, le sous-préfet de l'arrondissement de Ngaoundéré I se dit même incapable de déterminer le nombre de bars dans la ville de Ngaoundéré. Il ne faut pas négliger le fait qu'ils poussent de manière incontrôlée et dans la plupart du temps sans autorisation215(*).

Nos différentes enquêtes sur le terrain au quartier Baladji I et Joli-Soir, dans lesquelles nous retrouvons le plus grand nombre de bars, montre que la majorité des propriétaires de ces établissements se sont installés à Ngaoundéré dans les années 1990. Les raisons de leur migration dans la ville le plus souvent évoquées sont entre autres, les compressions dans la fonction publique camerounaise, consécutives aux Plans d'Ajustement Structurels imposés au pays par le FMI (Fonds Monétaire International) ; la précarité des emplois dans le secteur privé ; et les difficultés liées au coût de la vie qui ont fait suite à la dévaluation du Franc CFA. Ainsi, ces anciens fonctionnaires et autres travailleurs dans des entreprises privées, se sont retrouvés à Ngaoundéré pour quitter une vie de plus en plus difficile dans les grandes capitales que sont Yaoundé et Douala. Les bars sont donc ouverts grâce aux économies personnelles, puisque les banques avaient du mal à prêter de l'argent à des personnes sans emplois. Ou encore grâce aux primes de licenciement dont bénéficient les anciens employés d'entreprises. Nous pouvons enfin ajouter les initiatives personnelles de personnes toujours en fonction dans la ville, et qui ouvrent des bars dans le souci d'augmenter les gains mensuels. Nous pouvons à titre d'exemple citer le collectif de travailleurs qui ouvre en 1998 le bar New Satellite au quartier ONAREF216(*). Ces hommes, tous originaires du Nord-Ouest, sont enseignant, fonctionnaire ou tout simplement commerçant.

Dans les bars, ont retrouve des travailleurs dont le portrait est assez commun d'un bar à l'autre. Ce sont très souvent des femmes dont le niveau moyen d'éducation scolaire ne dépasse que rarement le primaire. Elles sont choisies selon le critère de disponibilité, de l'âge et de la situation matrimoniale.

La disponibilité s'observe sous deux plans : le temps et la personne. Le temps intervient ici dans la mesure où la personne choisie doit pouvoir tenir du matin au soir, dans des conditions salariales qui varient généralement entre 15 000 f.cfa et 25 000 f.cfa pour les établissements à forte affluence. Le travail de la serveuse commence à 7h du matin et s'achève à la fermeture vers 22h ou 1h du matin selon les jours de la semaine et les périodes du mois. Les week-ends et les fins de mois apparaissent comme les moments d'intenses activités. Dans certains quartiers tels que Joli-Soir, les bars fonctionnent parfois 24h/24. La disponibilité de la personne s'entend comme la possibilité de supporter tous les excès des clients (attouchements, traitements dégradants...). Les serveuses sont très souvent considérées comme des prostituées par les clients. Cette considération s'explique par le fait qu'elles sont généralement célibataires ou femmes libres (veuves ou divorcées). De plus, les clients ne se préoccupent pas véritablement de savoir si elles le sont ou non. Par ailleurs, les serveuses elles-mêmes se muent souvent en racoleuses, et n'hésitent pas à faire des avances aux clients. Un rapide sondage auprès de quelques clients du Temple D'or au quartier Joli-Soir révèle que les serveuses et leur attitude sont les principales motivations pour un client de revenir dans un bar. Kouamen Tavou nous rappelle que les clients sont très souvent des hommes, et leur but est la détente217(*). À ce titre, la serveuse devient un personnage important dans le bar et doit être choisie avec beaucoup de soin. On comprend aisément la politique de certains circuits comme le Mami Frotambo, qui offrent toute liberté à leurs serveuses qui, en guise de salaire, doivent se contenter de ce que les clients leur donnent en échange de quelques services d'ordre sexuel.

En plus des serveuses, on retrouve dans les bars des agents d'entretien et des serveurs dont les caractéristiques sont presque les mêmes que celles relevées pour les serveuses : niveau d'étude relativement bas et disponibilité. On retrouve ces employés masculins dans quelques bars au Centre Commercial (Adamaoua Loisirs par exemple). Il faut noter qu'avec l'activité de taxiphone, les femmes préfèrent de plus en plus cela, où elles sont autonomes et à l'abri des humiliations des alcooliques218(*).

3. Le secteur de l'enseignement : les cours du soir

C'est en 1976 que les premiers et unique cours du soir de la ville voient le jour, sous l'impulsion d'un enseignant du nom de Tsimi Lazare, originaire de la région du Centre 219(*). D'après notre informateur, ce serait pour attirer les populations locales que le nom Adama est attribué aux cours. De plus, il faut noter que le site est en face du cinéma Adamaoua, dans les locaux de l'École Primaire Annexe.

Aujourd'hui tenus par Mballa Romiald, enseignant dans la ville de Ngaoundéré et proviseur du tout nouveau lycée de Ngangassaouo, les cours du soir Adama fonctionnent de 18h à 21h. Ils ont été déplacés au Lycée Classique de Ngaoundéré entre 1992 et 1996. La raison en est que, Mballa Romiald qui les reprend à ce moment là, y est affecté comme censeur. Les quelques problèmes décriés ici sont surtout les visites de quelques bandits qui de temps en temps viennent attendre les élèves à la sortie des cours. Cette situation aurait été réglée en grande partie par la construction de la barrière et par l'électrification de l'établissement scolaire.

Les élèves sont de tous âges. Très souvent, ils sont eux-mêmes leurs tuteurs et payent leurs frais de scolarité par l'argent qu'ils gagnent en travaillant en journée. Cette situation est avantageuse dans la mesure où ces élèves, conscients de ce qu'ils veulent sont plus responsables que ceux des cours du jour, où ce sont les parents généralement qui dépensent. Cet avantage a aussi son revers car les élèves sont très souvent absents, à cause de la fatigue de la journée de travail ou des responsabilités familiales. Il faut ajouter à cela les payements qui tardent souvent à arriver. Ce qui met les enseignants en difficulté à plusieurs titre, le rattrapage des cours et des écarts qui se créent entre les élèves absents et ceux très souvent présents. Par ailleurs, les enseignants étant payés à la fin de chaque semaine, les retards de payement démotivent le personnel.

Ces enseignants sont recrutés sur le volet parmi le personnel enseignant de la ville. Ils sont fonctionnaires dans les lycées et collèges de la ville, vacataires dans les établissements privés tels que le collège de Mazenod ou le collège Protestant, ou inspecteur pédagogique dont le rôle est de palier à l'absence d'enseignant dans les établissements. Le salaire est fixé à 500 f.cfa l'heure de cours dispensée.

Notons que d'autres cours du soir ont vu le jour depuis les années 1995 dans la ville, mais ont dû refermer à cause du manque d'enseignants et de moyens. Le principal avantage du directeur actuel des cours du soir Adama se révèle être son appartenance au corps enseignant.

7. Le secteur de l'hébergement 

La situation des auberges dans la ville de Ngaoundéré est telle que, l'idée même d'y passer une nuit est considérée comme une atteinte aux bonnes moeurs. Et pourtant, par définition, il s'agit d'un établissement simple et sans luxe, situé à la campagne et offrant le gîte et le couvert pour une somme modique220(*). Dans cette définition, les auberges de la ville ont conservé le côté simple et sans luxe offrant le gîte pour une somme modique. Elles parviennent à peine à joindre les deux bouts. À l'auberge du Temple d'Or, on reconnaît bien volontiers que seules les locations des prostituées et de leurs clients garantissent la survie de ces établissements. Les touristes préfèrent se diriger vers les hôtels (Transcam...) ou vers les foyers d'accueil (Espérance au Petit Séminaire et Charité sur la route qui mène au Collège de Mazenod par exemple).

De nos observations sur le terrain, il ressort que les auberges sont situées le plus souvent dans les quartiers populeux et populaires à l'instar de Baladji I, II et Joli-Soir, plus précisément à proximité des bars. Mais, pour celles qui sont installées dans des quartiers retirés (Posada Style, en face du Collège de Mazenod), elles bénéficient d'une notoriété et d'une relative discrétion très utiles quand on considère que la plupart des clients des auberges ne veulent pas être vus.

Photo 8 : L'auberge Le Temple d'Or, situé à gauche de la boîte de nuit du même nom au quartier Joli Soir.

Cliché : Owona, le 23 août 2009

Tout à côté des auberges, particulièrement actifs de nuit, l'hôtel se définit un établissement commercial qui loue des chambres ou des appartements meublés pour un prix journalier221(*).

8. Les télécommunications 

Les cybercafés sont des espaces dans lesquelles les clients ont à leur disposition des ordinateurs qui leur permettent d'accéder au réseau internet. Ces espaces sont mis à la disposition d'un public de plus en plus jeune, constitué d'élèves, d'étudiants, de travailleurs. Mais, les cybercafés au Cameroun n'ont pas la même connotation qu'en Europe, où ils sont à l'origine, de véritables cafés, c'est-à-dire des établissements dans lesquels on sert des boissons ou de la restauration légère, et qui peuvent de temps en temps servir de cadre pour des rencontres (café littéraire, par exemple)222(*). Dans le langage populaire au Cameroun, on peut entendre très souvent le terme "cyber" uniquement, peut-être parce que le volet "café" n'existe pas dans ces endroits. On y retrouve des ordinateurs mis à la disposition du public moyennant une somme variant entre 300 et 500 f.cfa, selon la durée que l'on choisie pour "surfer" sur internet. Le gérant s'occupe de manager les actions et les demandes des clients.

Dans notre pays, ces espaces ont pris une connotation de plus en plus péjorative à cause des mariages facilités avec les Occidentaux. De jeunes femmes, parfois sans grande instruction, et au nom de la recherche d'un mieux être, s'abonnent aux sites de rencontres en ligne et trouvent des maris. Malheureusement, il est à déplorer le sort parfois triste de ces filles qui, une fois en Europe, deviennent des prostituées à la solde de ce mari.

À Ngaoundéré, le premier cybercafé a ouvert ses portes en 2002223(*), par Djommo Lin Valère oeuvrant avec l'opérateur de téléphonie mobile M.T.N. Cet opérateur économique ne s'est pas limité à l'ouverture d'un cybercafé. Depuis, il a amélioré les capacités de son agence, et aujourd'hui, il est chargé de l'abonnement des clients au réseau internet, de la câblodistribution de Canalsat Horizons.

Précisons que le cybercafé ouvre ses portes au Centre Commercial, pour les raisons de sécurité et surtout afin d'attirer l'attention des populations de la ville. D'après son directeur général, c'était le tout premier cybercafé dans tout le Grand-Nord du Cameroun. Pendant les 16 premiers mois de fonctionnement, le nouveau cybercafé restait ouvert 24h/24. Mais, le problème majeur qui va se poser est celui de l'insécurité. Le gérant était donc dans l'obligation de faire intervenir la police pendant les tranches de nuit, c'est-à-dire entre 18h et 6h.

À cause du manque de clients, certainement dû à l'insécurité qui sévit dans la ville pendant la nuit, le cybercafé a réaménagé ses horaires et ouvre à 7 h 30 min et ferme désormais à 22h. Les employés sont au nombre de deux généralement par journée. Le premier prend service de 7h30 à 15h et le second, de 15h à 22h. Les qualités requises pour ce type d'emploi sont : être titulaire d'un BEPC ou équivalent, maîtriser l'outil informatique, être endurant entre autres. Tout cela pour un salaire de 15 000 f.cfa, qui n'arrive qu'épisodiquement. Ainsi, Bakary, employé du cybercafé pendant trois ans, a jeté l'éponge pour ouvrir une petite école de formation en informatique. Pour lui, les conditions salariales ne permettaient pas de vivre décemment, même en réduisant ses désirs au minimum. Cette précarité de l'emploi et l'instabilité salariale font que les employés changent presque tous les ans. Cet état de chose ne semble pas vraiment gêner le propriétaire pour qui « il y aura toujours des candidats pour remplacer les partants.224(*)»

Photo 9 : L'intérieur du cybercafé de M.T.N. au centre commercial de Ngaoundéré.

Cliché : Owona, le 23 août 2009.

Nous ne saurions négliger les métiers de l'information, et surtout le fonctionnement de la station de radiodiffusion de la CRTV225(*) Adamaoua, dont le siège est au quartier administratif de Ngaoundéré. En effet, cet office émet 24h/24. Pour la directrice des programmes radio, c'est dans la tranche du soir que les émissions propres à la région de l'Adamaoua sont diffusées sur les antennes.

En effet, lorsque les différentes stations régionales sont crées, c'est dans le but déjà de rapprocher les populations du pays du pouvoir central localisé à Yaoundé. Ainsi, la station de radiodiffusion de Ngaoundéré ouvre en 1983 en raison de la création de la Province de l'Adamaoua, et de l'érection de ladite ville en chef-lieu. A ce moment là on parle de la R.D.C., Radiodiffusion du Cameroun. C'est en 1985 qu'elle devient la CRTV.

Jusqu'en 1998, les émissions de nuit étaient essentiellement constituées de programmes de variétés musicales. Mais aujourd'hui, la prolifération des téléphones amène les journalistes à mettre sur pied des émissions interactives, pendant lesquelles les insomniaques peuvent s'exprimer autour de sujets divers qui font l'actualité du pays : politique, santé, sport, éducation...si ces émissions sont programmées dans la nuit, c'est bien parce qu'en journée, les potentiels auditeurs sont au travail, ou occupés à autre chose qu'à l'écoute de la radio. De plus, les émissions qui sont retransmises en journée proviennent en grande partie du poste nationale, donc de la maison mère de Yaoundé. C'est véritablement vers 18h30 que la station de radiodiffusion de l'Adamaoua prend son autonomie, avec des émissions en langues locales (Dii, le lundi et le mercredi et le vendredi; Haoussa, le mardi et le jeudi ; Mboum le dimanche).

Après le journal de 20h, diffusé à partir de Yaoundé, les autres émissions portent entre autres sur la santé des hommes et du bétail (Infos agropastorales, diffusée le mercredi à 20h30 ; Santé magazine, le mardi à 21h30) ; sur la religion ( Savoir en Islam, Eglise en marche, toutes les deux le lundi à partir de 21h30 ; La voix du Salut, Feu de joie, Fréquence Luthérienne les trois émissions se succèdent le dimanche à partir de 20h30). Il faut noté que cette connotation religieuse a aussi pour but de faire concurrence à la radio Sawtu Linjiila, fondée par les luthériens, dont le nom en fulfulde signifie « Voix de l'Evangile », avec un accent très religieux. Les émissions d'informations et de divertissements sont aussi prévues pour ne négliger aucune tranches d'âges (Le droit, Sahel Horizons, Cameroun Sports, Soudou Baba, Saturday night fever, Sports dans l'Adamaoua, Bal des Vétérans...).

Les émissions de la station CRTV Adamaoua s'arrêtent à minuit, et le relais est passé une fois encore au poste national qui propose à cette heure-là des émissions interactives pendant lesquelles les auditeurs de tout le pays peuvent participer. A Ngaoundéré, seule une équipe technique d'astreinte reste sur place afin de veiller à la bonne qualité de la retransmission. Elle est remplacée le matin par une nouvelle équipe.

9. Les transports

Dans la ville de Ngaoundéré, les transports sont assurés par les taxis autos, les mototaxis, et les agences de voyages assurant le transit des passagers entre Ngaoundéré et les villes du Grand-Nord, ou les villes du Grand-Sud.

En ce qui concerne les taxis autos, il faut dire qu'ils desservent les lignes Ngaoundéré-Dang, Bamyanga-Centre Commercial. En effet, jusqu'en 1995, les taxis roulaient dans la ville226(*). Mais, la multiplication des mototaxis et la qualité des routes ont obligé les autorités municipales à mettre fin à la circulation des taxis dans la ville de Ngaoundéré. Dans cette décision la qualité des routes n'est pas à négliger. Dans certains quartiers, elles sont de très mauvaise qualité et freinent les élans des taximen qui hésitent à s'y rendre. Au Centre Commercial, elles sont de plus en plus petites pour un parc automobile en constante augmentation. Il ne leur est donc réservé uniquement la route de Dang, et quelques courses à effectuer en ville, pour déplacer des objets que les motocyclettes ne peuvent transporter. Dès lors, un stationnement est créé à côté du stade Ndoumbé Oumar, pratiquement à la sortie de la ville.

La multitude de syndicats qui se développera dans le stationnement occasionnera moult problèmes dont la solution viendra du préfet du département de la Vina en 2006. Décision sera prise de sectionner la ville en différents stationnements en fonction des syndicats. Ainsi, le SYN.E.T.CAM. (Syndicat des Exploitants de Taxi du Cameroun), voit ses taxis dotés d'une bande bleue. Il leur est attribué un espace à la Place des Fêtes de Ngaoundéré. Le Syndicat National des Chauffeurs et d'Employés de Taxi du Cameroun obtient la bande verte et s'installe au Grand-Marché ; enfin le Syndicat National des Chauffeurs de Taxis, avec sa bande rouge, occupe l'espace entre le Petit-Marché et le Stade Ndoumbé Oumar.

La plupart des stationnements fonctionnent jusqu'à 22h. Passée cette heure, les différents taximen peuvent continuer à faire la navette entre la ville et Dang, mais à leur risques et périls. L'organisation des stationnements est telle qu'il ya un ordre de départ à respecter. Cet organigramme n'est respecté que jusqu'à cette heure. Les problèmes qui se posent justement sont les agressions qui rendent plus difficiles le transit à partir de 18h. Dans la nuit, les clients s'amenuisent. Ce qui explique qu'il n'existe pas un échelonnement des prix en fonction des heures. Depuis la séparation de 2006, le prix du taxi pour partir de la ville pour Dang est de 250 f.cfa. Avant cette date, il était de 300 f.cfa. Malgré l'augmentation du prix du carburant, les chauffeurs parviennent tout de même à trouver leur compte. C'est le cas de Ismaëla Issa, taximan dans la ville de Ngaoundéré depuis 7 ans, il a commencé comme simple chauffeur, aujourd'hui il est propriétaire.

L'activité de mototaxi est plus accrue dans la nuit. Rappelons que, c'est en 1988 que Haman Daligama, jeune homme de 32 ans installé à Ngaoundéré depuis une dizaine d'années eût l'ingénieuse idée de transporter sur sa moto de marque Honda CG 175 les habitants d'un des nouveaux quartiers, moyennant une modeste récompense 227(*). Il faut noter qu'à cette période, la population de plus en plus grande, a des besoins que les taxis autos ne parviennent plus à satisfaire. « Pour les habitants, l'attente d'un taxi pouvait durer des heures, surtout que certains conducteurs refusaient d'exercer sur les routes non bitumées ou de se rendre dans les quartiers périphériques nouvellement créés à la faveur de l'élargissement de la ville. Le transport urbain est devenu une véritable équation difficile à résoudre 228(*)»

Il apparaît qu'au début, les conducteurs de taxi moto circulaient dans la zone périurbaine, parce que d'une part le centre ville était desservi par le taxi auto, et d'autre part, leur activité relevait de la clandestinité. Avec le décret du premier ministre du 2 février 1994 fixant les modalités d'exploitation à titre onéreux des motocycles, entraîne une formalisation des mototaxis et la croissance rapide de cette activité dans la ville. Dans le secteur des transports à Ngaoundéré, les mototaxis semblent être les plus dangereux. Pour y exercer, on peut compter des hommes de tous âges, propriétaires ou simples employés, ces derniers peuvent aussi faire de la sous-traitance et engager à leur tour d'autres chauffeurs parmi leurs connaissances, dans le but de leur venir en aide.

Les chauffeurs de mototaxis ont malheureusement gagné une mauvaise réputation à cause de la recrudescence des accidents dont ils sont très souvent la cause, sans oublier les agressions auxquelles ils participent comme complices ou comme auteurs. Cette généralisation est regrettée par Augustin, mototaximan dans la ville de Ngaoundéré depuis 2 ans229(*).

Augustin est un jeune père de famille, apparemment âgé d'une trentaine d'années, sa vie est un long chapelet de misères. Mboum de Ngaoundéré, il se plaît à penser qu'il est parmi les derniers de cette tribu à proclamer haut et fort leurs origines, pendant que les autres s'estiment Foulbé. C'est en 1984 qu'il perd son père. À ce moment-là, la famille vit à Garoua. S'en suivront un ensemble de problèmes liés au partage de l'héritage. Pour s'en éloigner, il revient s'installer à Ngaoundéré, son village natal. Au départ, c'est comme cordonnier qu'il gagne sa vie. Il ouvre donc un atelier de cordonnerie près de El Blanco Bar au quartier Joli-Soir, après le carrefour Jean Congo. Les revenus qu'il tire de cette activité lui permettent de se marier, de construire une maison au quartier Mbideng et d'élever ses quatre enfants. Ce débrouillard ne recule devant aucun travail honnête. Il a appris la maçonnerie et la menuiserie. Grâce à ce background, il peut inscrire ses enfants à l'école. Son aîné est au lycée technique de Garoua, ses deux filles au Collège Protestant de Ngaoundéré et la cadette au cours élémentaire II.

C'est donc en 2007 qu'il fait l'achat d'un motocycle. D'après lui, les chauffeurs que l'on recrute ne savent pas très souvent quelle est l'importance de l'engin et les souffrances subits par le propriétaire pour l'acheter. Ainsi, il s'organise : dès 5h, il saute sur sa moto et travaille jusqu'à 8h. À cette heure là, il rentre chez lui prendre le petit déjeuner. À 9h, il se rend dans son atelier de cordonnerie, et sa femme, à qui il a réussi à payer une formation de couturière, reste travailler à domicile. Vers 15h, si le travail à l'atelier n'est pas très exigeant, il reprend la moto et travaille jusqu'à 20h, heure à laquelle il doit rejoindre sa famille pour une prière. Il faut préciser qu'en activité annexe, Augustin est catéchiste de l'Église Presbytérienne. Pour lui, tout est question d'organisation.

Son activité de mototaxi n'occupe pas la nuit entière parce que pour lui, la famille passe avant tout. L'insécurité dans la ville est telle qu'il serait risqué de travailler pendant cette période, avec des risques d'embuscades, d'accidents, et les mauvaises conditions climatiques. Ainsi, c'est sa situation matrimoniale qui ne lui permet pas de travailler de nuit, au-delà des risques que cela représente. La situation d'Augustin est tout à fait différente de celle de Jean-Vincent.

Cet habitant du quartier Ndelbe, âgé d'une vingtaine d'années est célibataire sans enfants à charge. Il vit chez ses parents. Cependant, ce qui l'amène à travailler de nuit c'est, dit-il le besoin d'argent et la volonté de satisfaire ses différentes compagnes. Il est employé par un de ses amis du quartier qui lui a confié sa moto. À la question de savoir s'il n'a pas peur des bandits, il vous répond aisément « on se connaît !»230(*).

10. La sécurité

L'insécurité est depuis les années 1990 une préoccupation majeure dans la ville de Ngaoundéré. Les mouvements qui ont émaillé le processus de démocratisation dans tout le pays ont eu ici un terrain d'expression favorable. Ce contexte est venu s'ajouter à une situation qui était déjà prédisposée à une certaine insécurité. En effet, les pays voisins que sont le Tchad et la Centrafrique connaissaient depuis les années 1970 une certaine instabilité politique. Les ressortissants de ces pays étaient obligés d'aller chercher un coin paisible ailleurs. Pour Temde Joseph, c'est un peu comme si les Tchadiens et les Centrafricains n'ont qu'un objectif : « venir à Ngaoundéré ou mourir »231(*). Ces immigrés n'avaient rien à faire et se sont reversés dans l'exercice de métiers dédaignés par les Camerounais, à l'instar de celui de gardien de nuit.

Il faut noter que ce métier est assez récent dans la ville et n'a fait que s'adapter à une mentalité qui n'accepte que très difficilement un tel étalage de richesse. En effet, avoir un "gardi" (le gardien de nuit en fulfulde), c'est affirmer que l'on a quelque chose à protéger, et même montrer que l'on n'a pas envie de la partager. Le mot utilisé en fulfulde pour désigner ce métier est lui-même inspiré de la langue française, preuve de l'inexistence de cette activité dans les moeurs des populations de Ngaoundéré. C'est donc avec les Européens et les fonctionnaires de la nouvelle administration camerounaise des années 1960, que la nécessité des veilleurs de nuit se pose. Mais, la criminalité n'était véritablement accrue comme aujourd'hui232(*). L'un des facteurs qui influence donc leur mise en place sera cette vague migratoire venu des pays voisins dans laquelle on retrouve à la fois les gardiens et les voleurs. En effet, cette dernière catégorie apparaît à cause de la pauvreté qui caractérise ces populations immigrées, et les armes légères avec lesquelles ils traversent la frontière et qu'ils utilisent dans les braquages.

Mais il serait inapproprié de penser que seuls les immigrés des pays voisins sont les seuls acteurs dans ce secteur. Que ce soit du côté des voleurs que de celui des veilleurs de nuit, on retrouve aujourd'hui des ressortissants de presque toutes les régions du Cameroun. Le métier de gardien de nuit est à diviser en deux types : un qui se déroule presque de manière informelle et l'autre formel.

C'est dans le type informel que l'on retrouve justement les ressortissants des pays voisins et du Grand-Nord. Ce sont ces jeunes gens vers qui l'on se tourne pour garder les comptoirs et les boutiques au Petit Marché par exemple. La nuit venue, ils se mettent derrière des sacs étalés, qu'ils accrochent autour des entrées des boutiques surveillées. Ces sacs un pour rôle de dissuader les éventuels brigands. Ainsi, il arrive que parfois, le gardien ne soit même pas dans ce hangar de fortune, mais les sacs en donnent l'impression. Ce sont malheureusement ces comportements irresponsables de la part de certains gardiens de nuit, doublés aux problèmes de plus en plus marqués d'alcoolisme, de consommation de stupéfiants et de vol, qui amènent les sociétés importantes de transfert d'argent ou les banques par exemple, à faire recours aux sociétés spécialisées dans le gardiennage ou la police, nonobstant le fait que les problèmes sont souvent les mêmes.

Photo 10 : Quelques jeunes gardiens de nuit au petit marché de Ngaoundéré.

Cliché : Owona, le 23 août 2009.

Les sociétés de gardiennage ont pour rôle de suppléer la police dans la protection des hommes et de leurs biens. Ainsi, pour mettre sur pied une société de ce type, il faut adresser une demande auprès du Ministère de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation, dossier dans lequel on doit justifier de sa bonne moralité. Il doit être accompagné d'une forte "caution". Après étude de ce dossier, c'est par décret présidentiel que l'agrément est accordé à l'individu de fonder une société privée de gardiennage.

Il faut dire que c'est avec les années 1990 que la possibilité est donnée aux particuliers de mettre sur pied des sociétés privées de gardiennage. C'est pourtant avec la loi n°97/021 du 10 septembre 1997, relative aux activités privées des sociétés de gardiennage, qu'une réglementation claire est fixée à ce propos. Il leur est interdit par exemple de posséder des armes à feu. À Ngaoundéré, nous pouvons citer les sociétés telles que : DAK Surveillance, RADAR, SACUR, et Africa Security.

La société privée de sécurité Africa Security est installée à Ngaoundéré depuis 1999233(*). Elle assure la protection des entreprises mais aussi des particuliers. Parmi ses prérogatives, elle peut aussi être utilisée pour servir d'appui à la police dans le cadre du convoyage d'argent. Cependant, comme le déplore le chef d'agence de la société à Ngaoundéré, les agents succombent très souvent à la tentation et se muent en voleur. Pour remédier à cet état des choses, il s'agit pour les chargés de missions sur le terrain, dont le rôle est de superviser le travail des agents, de multiplier les contrôles inopinés. Mais, le travail le plus important se passe à la base, c'est-à-dire au recrutement.

Avec le manque d'emploi, de plus en plus de jeunes se font embaucher comme gardien de nuit. Ce travail était avant les années 2000 véritablement dédaigné par les populations. Être « vigile » était le signe de notre niveau intellectuel bas, et de notre pauvreté matérielle. Cela s'explique par le fait que les agents de sécurité étaient recrutés dans une population peu encline à la scolarisation. De plus, le salaire était et demeure l'épine dorsale de ces travailleurs de nuit. Oscillant généralement entre 30 000 et 40 000 f.cfa de salaire mensuel selon les agences, beaucoup de jeunes n'osaient donc pas prendre le risque d'exposer leur vie pour une somme aussi dérisoire. On ne saurait oublier le problème des vols et agressions dans lesquels les agents de sécurité sont souvent immédiatement étiquetés comme complices, à tord ou à raison. Ainsi, la paupérisation de la population camerounaise a rendu le recrutement dans les agences de sécurité plus difficile.

Tout d'abord, les candidats doivent fournir un dossier constitué des pièces suivantes :

- Un extrait de casier judiciaire

- Une photocopie de la C.N.I.

- Un certificat de domicile

- Une copie d'acte de naissance

- 4 photos 4x4

- Une demande manuscrite

D'autres conditions s'ajoutent à celles-là, à savoir être Camerounais, savoir parler l'une des deux langues officielles du Cameroun, avoir entre 21 et 40 ans, mesurer au moins 1,70 m. Si ces conditions sont réunies, les candidats qui répondent aux critères subissent un examen médical afin de déterminer leur aptitude aux efforts (état des poumons, état du squelette, tension artérielle, capacités visuelle et auditive). Les signes d'alcoolisme et de toxicomanie sont aussi vérifiés. À l'issue de ces examens médicaux, viennent les examens intellectuels. C'est la réussite à ces épreuves qui permet au postulant d'accéder à la formation au centre militaire de la société. Les notes de 11/20 au stage et 10/20 aux tests physiques et intellectuels permettent donc au candidat d'être embauché comme gardien de nuit dans la société Africa Security, avec cependant une période d'essai de 3 mois 234(*).

Si les sociétés privées de sécurité sont tolérées, c'est souvent parce que la police manque cruellement d'effectifs. En effet, le rôle de la police est d'assurer le respect, la protection des institutions, des libertés publiques, des personnes et de leurs biens, la Sûreté Nationale concourt aussi à la défense nationale, à l'exercice de la police administrative et de la police judiciaire235(*). Les services de la police aux Cameroun sont assurés par les fonctionnaires de la Sûreté Nationale. Ils sont de temps en temps assistés dans leurs missions par quelques éléments de la gendarmerie et des militaires. À cet effet, des patrouilles mixtes sont mises sur pied. À Ngaoundéré, la gendarmerie épaule la police très rarement si ce n'est dans le cas des rafles, ou du bouclage d'une opération menée conjointement. Ce manque de coopération se justifie par le fait que cette force estime être en concurrence avec la police236(*). Ce sont cependant les militaires qui prêtent souvent main forte aux policiers pendant les périodes les plus délicates de l'année, à savoir : avant les fêtes de Ramadan et de Tabaski, pendant les fêtes de fin d'année, les saisons des pluies, les vacances scolaires, et à la rentrée scolaire237(*).

Rappelons tout de même l'évolution de la police au Cameroun. C'est en 1947 que la direction de la sûreté est créée par le Haut Commissaire Français au Cameroun. Elle a pour rôle de surveiller l'immigration et la situation des étrangers tout en suivant l'évolution et les manifestations des associations politiques et syndicales238(*). Mais, la gestion et le commandement des polices urbaines relevaient de la gendarmerie. Cette dernière est aujourd'hui considérée comme la force de l'ordre des zones rurales. Lorsque s'installe la Police, en principe, elle doit lui laisser la place et continuer dans de nouvelles zones plus reculées239(*).

Le 25 juin 1951, par la décision n°3055 du Haut Commissaire, un directeur est nommé à la tête de la police camerounaise ; c'est à cette période que sont installées les premières véritables unités de police dans les différentes régions du pays240(*). À Ngaoundéré, un commissariat spécial est installé, ainsi qu'un poste de sûreté. Le rôle de la police est d'assurer la sécurité des hommes et de leurs biens. Dans la ville de Ngaoundéré, elle s'y efforce tant bien que mal, en utilisant deux types de méthodes, celles préventives et celles répressives.

Les actions préventives de la police se notent par une occupation du terrain, par la présence effective sur le terrain, les contrôles, et les patrouilles. À Ngaoundéré, on compte trois grands secteurs de sûreté :

- Le commissariat du 1er arrondissement, qui couvre le centre Commercial et Administratif, l'E.H.T. CEMAC.

- Le commissariat du 2e arrondissement qui occupe l'espace le plus vaste avec les quartiers Joli-Soir, Baladji I et II, Madagascar, Tongo, Gadamabanga, Troua Malla, CIFAN Nord.

- Le 3e arrondissement s'occupe quant à lui des quartiers Bamyanga, Haut Plateau, et Burkina.

Temde Joseph, le commissaire central de la ville de Ngaoundéré, précise que le poste de sécurité publique de Dang est jusqu'ici un poste virtuel, il a des éléments de police et fonctionne comme tout autre commissariat, mais il n'a pas encore d'existence officielle.

Cette présence sur le terrain s'accompagne de la mise en fonction de réseaux de renseignements criminels, de planques, d'embuscades, de bouclages de certains quartiers (action fréquemment menée à Dang), ainsi que des rafles241(*). Pendant les villes mortes de 1991, ce sont les renseignements généraux qui ont permis de maintenir la paix, en appui aux actions de choc menées sur le terrain par les B.A.G. (brigades antigangs).

Les actions répressives sont plus brutales dans une ville qui très souvent a été classée au 3e rang de la criminalité urbaine au Cameroun, après Douala et Yaoundé. Ces actions se manifestent par la traque sans relâche des criminels. Elles peuvent être augmentées en fonction du taux de criminalité. On peut ainsi citer quelques cas où cette mesure a été nécessaire.

En 1992, les mouvements des villes mortes ont fait naître un gangstérisme urbain sans précédent à Ngaoundéré. La mise sur pied d'unités mixtes d'antigangs a permis de juguler le mal. Le couvre-feu a été instauré. À partir de 19h, on ne devait pas voir de présence humaine dans les rues. Tout contrevenant était traité comme suspect. Les mêmes mesures ont été prises lors du déploiement du Commandement Opérationnel. En 2003, l'opération "Harmattan" a pu mettre hors d'état de nuire des hors-la-loi. Cette opération n'aura pourtant duré que 16 jours. Des policiers venus de Yaoundé ont pu mettre fin aux actions des groupes de criminels tel que le groupe Kotto Bass, spécialisé dans le vol de motocyclettes 242(*). Le travail de cette unité pendant ces 2 semaines consistait à infiltrer, ratisser et boucler certains quartiers dangereux de la ville. À une heure avancée de la nuit, tout noctambule était interpellé. Le succès de l'opération a été tel que le Gouverneur de la Province a demandé la prolongation d'une semaine de l'opération.

Malheureusement, la police en général et les services de Ngaoundéré en particulier connaissent multiples problèmes dans l'exercice de leurs fonctions :

- Le manque d'effectifs et de postes de proximité. Le commissaire central propose ainsi la création de nouveaux postes dans les quartiers Gadamanga, Burkina, Baladji II.

- Le manque de matériels, cette situation est plus délicate lorsque les criminels installés à Ngaoundéré reçoivent de l'aide d'hommes de pouvoir de la ville et d'immigrés des pays voisins qui connaissent la guerre, et où les armes circulent aisément243(*).

- La présence d'éléments dangereux dans les rangs même de la police. Il apparaît aujourd'hui que les jeunes deviennent policiers non plus par vocation mais pour avoir un travail et surtout un salaire.

- Enfin, Temde Joseph dénonce la loi du silence en vigueur à Ngaoundéré. Personne ne se permettrait de trahir son voisin, même si tout le monde sait qu'il est un individu suspect par son comportement ou sa manière de vivre. Et les appels à témoin ne servent à rien, puisque personne n'y répondra. Il faut dire que le problème des populations est d'abord celui de l'analphabétisme et le défaut de carte d'identité. La crainte de se voir emprisonner pour cela fait que beaucoup préfèrent rester dans le mutisme et supporter, en se disant que tant que ce n'est chez moi, ça va !

III. LE SECTEUR INFORMEL À NGAOUNDÉRÉ

6. Le secteur agroalimentaire

La plupart des activités du secteur informel ont donc pris racine à Ngaoundéré à partir des années 1990. La vente des beignets est une pratique très ancienne dans la ville. En effet, Mohammadou Djaouro rappelait déjà que vers les années 1950, des femmes venaient vendre des beignets et de la bouillie sur la place du Grand Marché dans l'après-midi et se retiraient vers 18 heures. Dans le cadre de notre étude, nous nous sommes fondé sur une "étrangère" à la ville de Ngaoundéré : Mme Ngan Jeanne, vendeuse de beignets au quartier Onaref, où elle vit avec ses enfants244(*).

Mme Ngan est une femme âgée de 46 ans, mère de 7 enfants et de 4 petits-enfants. Bassa de la Région du Centre, elle s'est retrouvée contrainte de migrer vers Ngaoundéré à cause des problèmes conjugaux, cela depuis 9 ans. Il faut dire que son mari, toxicomane, mort il y a moins d'un an, était devenu très violent. Il n'hésitait pas à menacer sa famille de les tuer tous à coups de machette. Face à cette situation, sa fille aînée fut la première à quitter la maison familiale et à s'installer à Ngaoundéré. Elle eut la chance de trouver un emploi comme temporaire à la Délégation Provinciale de la Pêche et de l'Élevage. Avec son salaire de 25 000 f.cfa, elle rentra voir sa mère au village trois mois plus tard. En lui remettant quelques économies qu'elle avait réalisées (80 000 f.cfa), elle lui demanda de commencer un petit commerce pour survivre. Cependant, sa fille aînée retourna sur Ngaoundéré avec ses autres frères et soeurs. Au départ, dit-elle, elle voulait faire la navette sur Kribi afin d'acheter du poisson et le revendre au village. Mais elle se dit que ce serait désastreux pour les enfants d'être à Ngaoundéré, le père lui au Centre et la mère entre le Sud et le Centre. Elle prit donc la décision de les suivre à Ngaoundéré.

Arrivée à Ngaoundéré en 2000, elle se consacre d'abord à la vente de bananes pour nourrir ses enfants. Tous les jours dit-elle, elle quittait de Bamyanga où elle s'était installée et se rendait au carrefour Banane à la gare. Avec un capital de départ de 2000 f.cfa, elle achetait un régime de la banane qu'elle dépeçait et, sur un plateau qu'elle transportait sur la tête, proposait sa banane le long de la route du retour pour Bamyanga. Avec le bénéfice de ses ventes, elle augmentait petit à petit son capital. 500 f.cfa étaient utilisés pour la nutrition. De 2000 f.cfa, elle est très rapidement passée à 3500, puis 7000 f.cfa. Après deux ans passés à pratiquer cette activité, son fils aîné lui conseilla de faire des beignets de maïs, au lieu de continuer à jeter la banane invendue, qui de surcroît ne pouvait être conservée longtemps en raison du climat chaud. Malheureusement, elle ne savait pas les faire. Elle commença petit à petit à en faire tout de même. Lorsqu'elle revenait de la gare, elle ne jetait plus la banane mais préparait des beignets qu'elle vendait aux élèves qui rentraient des classes. À sa grande surprise, le commerce des beignets se déroulait sans problèmes, et ceux-ci étaient appréciés par les clients. C'est une de ses connaissances, un médecin, qui lui donna l'idée de développer ce commerce, et d'aller s'installer en ville. Mais avant de le faire, elle demanda conseil à une cousine installée dans la ville de Ngaoundéré, sur la manière de confectionner et de bien préparer ces beignets tant prisés et dont l'ingrédient principal est la banane. Maîtrisant l'art des beignets de maïs, elle vint donc s'installer au quartier Onaref, derrière le Lycée Classique et Moderne.

C'est d'abord devant le chez elle qu'elle installe son foyer pour la cuisson des beignets. Mais, elle constata que le marché était stagnant. Or, à quelques lieux de son domicile, il y a une série de bars (au carrefour Onaref), qui représente aussi une chance du point de vue de la clientèle. Elle vint rencontrer, pour obtenir un espace de travail, le chef de ce bloc, M. Abdoulaye, propriétaire du bar éponyme au quartier Onaref, devant lequel elle eut le droit d'installer son foyer de cuisson de beignets.

Photo 11 : Mme Ngan dans son "bureau" au quartier Onaref, aidée par son fils Prado qui sert le haricot

Prise de vue : Owona, le 02 septembre 2009.

Aujourd'hui, aidée très souvent par l'un de ses fils (Prado) ou sa fille (Nyango) pendant les vacances, et par une de ses nombreuses cousines pendant les jours de classe, elle vend des beignets de maïs et de farine de blé, accompagnés du haricot et de la bouillie.

Mme Ngan commence son travail vers 12h. En effet, il s'agit d'abord de préparer les différents mélanges, l'installation au lieu de vente est à 16h généralement et les premiers clients sont reçus vers 17h. La vente se déroule jusqu'à 22h, quelque soit la qualité du marché. Les quelques problèmes rencontrés par elles sont les réclamations des clients, les intempéries, les jalousies des autres vendeuses de plus en plus nombreuses (en face de la Cathédrale, en face du Complexe Marhaba, au Carrefour An 2000...). Aujourd'hui, cette femme, veuve depuis quatre mois, n'a aucun regret. Elle a pu élever ses enfants, elle loue une grande maison très moderne et parvient à subvenir à tous ses besoins. La migration à Ngaoundéré s'est bien déroulée. Elle encourage même ses soeurs à quitter les grandes villes que sont Yaoundé et Douala où le travail devient de plus en plus difficile à trouver, et à se reconvertir dans les petits métiers qui rapportent dans les autres villes.

Photo 12 : Un restaurant de trottoir devant la société HYSACAM

au quartier Tongo Pastorale de Ngaoundéré.

Cliché : Owona, le 21 août 2009.

Mais le secteur de l'agroalimentaire ne se réduit pas à la vente des beignets dans la nuit. Il s'étend aux restaurants de trottoirs où quelques jeunes hommes vendent du lait, du thé, du pain, des oeufs...Ces restaurants de trottoirs se rencontrent essentiellement dans l'ancienne cité (Carrefour Texaco près du Grand Marché, à Tongo Pastorale en face de la société HYSACAM) ; mais aussi au Centre Commercial (en face du jardin public, et en face du cinéma Adamaoua). Ces restaurants sont tenus par des musulmans originaires de Ngaoundéré, pour ceux dans l'ancienne cité, et du Grand-Nord pour le reste.

Les ressortissantes du Grand-Nord se sont aussi spécialisées dans la vente du bili bili, sorte de boisson traditionnelle faite à base de mil. Cette boisson est introduite dans la ville de Ngaoundéré avec les Laka, capturés dans les conquêtes foulbé. Elle sera par la suite vulgarisée par les Toupouri, dont l'installation dans la ville remonterait aux années d'indépendances. Les premières fabricantes de bili bili sont les femmes des militaires. Il apparaît que c'est justement dans ce quartier qu'en 1965 commence la commercialisation de des boissons traditionnelles que sont : afouk, ngboryanga, arki, nkpata, hankoua, ou kouri, ceci dans quatre domiciles privés245(*). La production n'a cessé de croire depuis 1970, en la faveur du flux migratoire des populations du Nord et de l'Extrême-Nord. Ajoutons à ces populations celles du Tchad qui viennent accroître le nombre de vendeuses de bili bili dans la ville à partir de 1979. Ainsi, de plus en plus de femmes se consacrent à cette activité au point où une rue au quartier Joli-Soir s'est transformée en un véritable repère de cabarets. Ceux-ci se reconnaissaient au « drapeau rouge ou par une bouteille remplie d'eau au dessus de laquelle sont placées des fleurs marguerites 246(*)»

La nuit dans ces cabarets traditionnels peut être considérée comme un moment de rencontre entre les différents consommateurs de la ville. Il existe de plus en plus de cabarets. En plus de ceux déjà présents à Joli-Soir, on en trouve aussi à ONAREF (derrière la Cathédrale Notre Dame des Apôtres), où on peut aussi consommer du vin de palme ; à Socaret ; Sabongari Norvégien ; Burkina et Gadamabanga.

Ces points de vente ont connu une certaine évolution depuis 1965. En effet, face à la recrudescence des points de vente de boissons traditionnelles, les autorités procèdent en 1987 à un deuxième tracé du quartier Joli-Soir. Ce tracé contribue à aérer un quartier qui devenait de plus en plus exigu pour la population qui était installé et pour les consommateurs dont le nombre ne cessait d'augmenter. À cette nouvelle répartition s'ajoute une volonté de réglementer le commerce des boissons. De nouveau quartier sont créés et les Mboumpana s'installent à Onaref, Burkina et Marza247(*). Dès lors, la vente se fait en fonction des jours de commerce et des prix consensuels. Les brasseuses quant à elles s'organisent en groupe de quatre pour louer des locaux commerciaux et arrêter de vendre de l'alcool dans leurs domiciles. Il faut noter que cette mesure n'a pas vraiment eu l'effet escompté, puisque plusieurs femmes ont continué à vendre dans leurs domiciles et les jours de vente n'ont été respectés que quelques temps. Aujourd'hui, la vente de boissons traditionnelles se fait tous les jours et toutes les nuits, dans les domiciles privés ou dans des locaux que louent les vendeuses. Elle commence vers 8h et s'achève à la fin du fût de vin, environ entre 21h et 23h. La location des locaux peut se faire à hauteur de 2000 f.cfa par jour auprès d'une tenancière248(*). Pour la vente de bili bili, elle se fait deux jours par semaine en raison de la complexité de la préparation. Pour palier au manque à gagner des autres journées, les vendeuses se mettent en répartissent les jours de sorte que chacune aie un jour de vente249(*).

Dans les cabarets, on retrouve essentiellement des femmes comme brasseuses. Elles sont plusieurs par cabaret et s'organisent selon des systèmes de rotation de vente. Contrairement aux domiciles où les propriétaires sont autonomes, les cabarets fonctionnent avec une tenancière principale du lieu de vente qui se fait assister de 3 ou 4 brasseuses. Et c'est auprès de la tenancière qu'elles reversent leurs contributions quotidiennes. Toutes ces femmes sont réunies en différentes tontines selon les quartiers et les communautés ethniques. La solidarité entre les brasseuses s'exprime dans les cas où les clients consomment sans payer, ou lorsque les prix du mil sont trop élevés. Mais, dans certains quartiers tel que Joli-Soir, on retrouve très souvent dans le même secteur plusieurs cabarets. Cet état de chose fait souvent naître des jalousies.

Les problèmes rencontrés dans les cabarets traditionnels sont les bagarres, les règlements de compte entre clients qui peuvent souvent exposer la vie des vendeuses. Ainsi, ces lieux sont de véritables milieux d'insécurité où "tout peut arriver". Il faut noter les risques d'empoisonnement pour le client. Celui-ci, sous l'effet de l'alcool peut perdre tout contrôle. Il se désinhibe et peut traiter la vendeuse de manière inconsidérée. Face à cela, nous ne devons pas exclure la responsabilité des vendeuses elles-mêmes qui sont très souvent des femmes libres. Si les consommateurs se rendent dans les cabarets à la recherche d'une compagne pour la nuit, ils savent pouvoir en négocier le prix autour d'une calebasse. Les exploitantes de cabarets se livreraient donc à la débauche dont les revenus sont plus importants que dans la vente de la boisson250(*).

Photo 13: Des cabarets de vente de bili bili au quartier Joli Soir. On peut remarquer quelques clients au fond à droite et, un peu plus en avant les fûts qui servent à la préparation de la boisson.

Cliché : Owona, le 23 août 2009.

La prostitution ne cesse de se développer dans l'univers des débits de boissons traditionnelles. En effet, il est à noter qu'il se développe depuis quelques années le "pari-vente". Il consiste en l'organisation d'un bal nocturne payant, où sont invités des consommateurs nantis et des femmes choisis en fonction des affinités qu'ils entretiennent, certaines peuvent aussi être ciblées par les clients eux-mêmes. Ce sont généralement des moyens pour permettre à ces personnes d'avoir une occasion de se retrouver en dehors de leurs foyers conjugaux par exemple. Les boissons vendues à ces occasions sont de tout genre, et les prix de celles traditionnelles sont doublés. Certains témoignages recueillis au quartier Joli-Soir où ces rencontres sont organisées révèlent que certains des couples se livrent à des rapports sexuels dans les coins obscurs du quartier.

À l'observation, on constate que le secteur agroalimentaire est celui qui emploie le plus de personnes de nuit dans la ville de Ngaoundéré. En plus des vendeuses de beignets et des brasseuses de boissons traditionnelles, nous pouvons y ajouter les vendeuses de poissons à la braise, d'arachide, de fruits251(*), les vendeurs de soya252(*), de porc.

Un commerce se développe de plus en plus dans la ville de Ngaoundéré, celui des soyas de foetus de vache. Pourtant prohibé, ce commerce est l'apanage des ressortissants de la région de l'Extrême-Nord, qui se sont majoritairement investis dans la vente des soyas et des brochettes de viande dans la ville comme nous l'indique le tableau en dessous.

Années

Origine

Des rôtis-

seurs

1970-1976

1976-1982

1982-1988

1988-1994

1994-2000

2000-2006

Années de création non maîtrisées

Fréquence (%)

Total

Montagnards

-

1

1

1

7

8

12

81,58

31

Autres ethnies camerounaises

2

-

1

-

1

1

1

13,16

5

Ethnies non camerounaises

-

-

-

1

-

-

1

5,26

2

100

38

Tableau 2 : Évolution du nombre de rôtisseries par groupe ethniques à Ngaoundéré253(*).

Dans les premières années de la vente du soya par les "immigrés" des monts Mandara à Ngaoundéré, ils se heurtent aux problèmes d'ordre religieux. Ceux-ci ont amené beaucoup de Montagnards à s'islamiser, plus par réalisme économique, dans un contexte de forte influence islamique, que par leur propre gré. L'exemple typique de feu Sani d'origine Mafa semble justifier ce point de vue. Sani qui arrive à Ngaoundéré dans les années 1980 est un Mafa qui respecte les us et coutumes qui lui ont été inculqués par ses parents. De ce fait, Sani se devait de continuer avec la religion des Mafa qui, pendant longtemps, ont fui les plaines pour aller trouver refuge dans les massifs de Mandara pour pouvoir garder leur culture, et surtout ne pas s'islamiser et être gouvernés par les Foulbé 254(*). Mais le désir d'améliorer son statut social à travers la vente du soya dans une région où les clients sont à majorité musulmans l'a amené à s'islamiser.

Le commerce des foetus de vache se passe donc dans la clandestinité, au profit de la nuit et surtout du manque de vigilance des acheteurs, parmi lesquels bon nombre ne sait pas ce qu'il achète. Lorsque vous demandez de quoi il s'agit, le vendeur vous répond promptement que ce sont les « tripes ». Le foetus n'est pas une viande à maturité d'une part, et d'autre part, dans un contexte islamique, il est interdit pour le musulman de manger tout animal mort naturellement, y compris l'animal étouffé, assommé, mort à la suite d'une chute ou d'un coup de corne, ou qu'un fauve a dévoré 255(*). Dès lors, il est logique que ce commerce se passe essentiellement dans les quartiers hors de l'ancienne cité (Joli-Soir, Baladji I ou en face de la boutique NZIKO au Centre Commercial). Toujours devant les bars, les consommateurs d'alcool, qui représentent la clientèle principale, prétextent que la forte teneur en graisse de ces foetus permet d'éviter l'ébriété.

Photo 14 : Point de vente de soyas de foetus de vaches au quartier Joli-Soir.

Cliché : Tanlaka Kilian Lamtur, Tirga Albert et Gnebora Oumarou, le 26/12/05.

7. Les "call-box"

L'activité du taxiphone ou "call box", selon l'expression rendue populaire au Cameroun, prend son envol pour des raisons économiques. La téléphonie mobile qui arrive à peine dans ce pays à la fin des années 1990, n'était pas à la portée de tout le monde et les communications coûtaient encore plus chères (environ 1000 f.cfa. la minute d'appel selon l'opérateur). Pour pallier à cette situation, ce sont les opérateurs de téléphonie mobiles eux-mêmes qui ont l'idée des call box. Aujourd'hui dans presque toutes les grandes villes et même les villages, les jeunes opérateurs économiques en ont fait tout un métier. Ils se font appeler call boxeur ou call boxeuse. Ainsi, parmi les activités du secteur informel les plus en vue actuellement au Cameroun figurent en bonne place les call box. Cette activité occupe de milliers de jeunes. Le moins que l'on puisse dire est que les call box ont le vent en poupe. Les call boxeurs et call boxeuses rencontrés au cours de nos enquêtes de terrain, disent gagner dignement leur vie grâce à ce métier.

Pour Viviane, une call boxeuse au Centre Commercial de Ngaoundéré depuis 2007, « c'est à cause du chômage que je fais ce métier, le monde de l'emploi est tellement difficile surtout que tu peux travailler pour quelqu'un aujourd'hui et demain il te met à la porte ou alors l'entreprise peut faire faillite. Ici je suis ma propre patronne et je ne me plains pas 256(*)». Pour monter sa petite entreprise il lui a fallu trouver une somme de 100 000 f.cfa. une table, un tabouret et un banc pour ses clients, deux téléphones portables ayant chacun une puce commerciale de l'un des opérateurs de mobile en activité au Cameroun. À cela, il faut ajouter un crédit de communication d'au moins 30.000 f.cfa. Elle tient également un cahier pour noter les différents appels émis par les clients et le montant payé par ceux-ci. Ainsi, elle travaille de 8h à 15h, et de 17h à 23h. Si au départ les coûts des appels étaient fixés à 250 f.cfa., ces prix ont été revus à la baisse. Aujourd'hui un appel émis (de 0 à 59 secondes) coûte 100 f.cfa, voire 75 f.cfa. Ces prix subissent des mutations à cause de la concurrence.

L'avantage à Ngaoundéré est que les opérateurs de call box ne payent pas la taxe de l'Occupation Temporaire de la Voie publique (O.T.V.P.) aux services de la communauté urbaine comme cela se fait à Yaoundé par exemple à hauteur de 2000 f.cfa par mois. Elle avoue donc que chaque jour, elle peut faire un bénéfice de 2000 francs, ce qui revient à 60 000 f.cfa par mois. Certains call boxeurs, les plus futés vendent également d'autres accessoires comme les cigarettes, les bonbons, les arachides, les caramels etc.

Quelques mètres plus loin, nous retrouvons les mêmes installations, mais l'acteur cette fois est un jeune homme, la trentaine bien entamée. Pierre a ouvert son « entreprise » après s'être essayé à plusieurs autres petits métiers. « Lorsque j'ai eu un peu d'argent, j'ai pensé à ouvrir un call box que je devais gérer moi même pour pouvoir gagner ma vie 257(*)» se souvient-il. Pierre résume l'essentiel de son activité en quelques phrases : « les clients appellent à partir de mon téléphone. La minute d'appel coûte 100 Francs CFA. Je vends également des cartes de recharges téléphoniques et je fais des transferts de crédits d'appel de mon téléphone vers celui du client ». Pour une durée équivalente, un appel passé à partir d'un téléphone classique coûte entre 150 f.cfa et 250 f.cfa en fonction de l'opérateur et des options d'appel choisis. Pour pouvoir pratiquer de tels tarifs, Pierre comme d'autres gérants de call box achète des cartes téléphoniques à des prix préférentiels et bénéficie ainsi de minutes de communications gratuites. Pour un crédit de communication de 5.000 f.cfa acheté, il reçoit l'équivalent de 9.000 f. L'investissement de Pierre porte des fruits. Les bénéfices tirés de cette activité lui permettent de se loger et de payer les frais de scolarité de sa fille et de ses frères.

L'activité de ce jeune nécessite toutefois de l'endurance et de la patience : « je travaille tous les jours de 7h à 21h parfois 22h. Je peux même dire que je ne me repose pas vraiment car même à la maison, mes voisins viennent cogner à ma porte après 22h pour passer des appels urgents.» Il faut dire qu'il est Gbaya de Garoua Boulaï. C'est en 1997 qu'il arrive à Ngaoundéré, nanti d'un probatoire. Face à la situation difficile du monde du travail, il est passé par le métier de mototaximan, ensuite de veilleur de nuit. Mais à chaque fois, il se sentait exploité par ses patrons. Pour la moto, il n'était qu'intérimaire, c'est-à-dire qu'il remplaçait de temps en temps un de ses cousins installé dans la ville. Cela à l'insu du propriétaire de la moto.

Ce qui a conduit à des problèmes qui ont bien failli les mener son cousin et lui en prison. En qualité de veilleur de nuit, il gagnait à peine 15 000 f.cfa pour un métier dont les risques ne sont pas à préciser dans une ville où l'insécurité est grande. Ainsi, avec le peu d'argent qu'il avait réussi à économiser, il a pu mettre sur pied sa petite entreprise en 2005. Depuis, il a fait et réussi le concours de l'École Normale des Instituteurs de l'Enseignement Général (E.N.I.E.G.). Sa formation a pris fin cette année, et maintenant, il est dans l'attente de l'affectation, qui très souvent arrive après un an que le nouvel instituteur soit sorti de l'école de formation. Pour ne pas avoir à mourir de faim, il est retourné sur le trottoir, plein d'espoir en l'avenir.

Les problèmes rencontrés par Pierre sont communs à la plupart des call boxeurs de la ville. La gestion des humeurs des clients pose toujours problème. Il y en a qui, à la fin de leurs appels se rendent compte qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent pour régler leur facture et veulent s'enfuir. D'autres qui refusent de payer parce que l'appel a été transféré sur un répondeur ; ceux pour qui le gérant est responsable des problèmes de mauvaises communication ; ceux qui composent un mauvais numéro de téléphone et refusent de payer la communication ; et même ceux qui tentent de s'enfuir avec le téléphone du gérant du call box. Ce dernier problème explique la qualité souvent médiocre du téléphone utilisé par les call boxeurs. Dans un cas comme dans l'autre, Pierre utilise tous les moyens possibles pour rentrer en possession de son argent y compris ses poings. À tout cela, il faut ajouter les intempéries et les agressions. Viviane avoue avoir été un jour surveillée par deux bandits qui, la nuit quand elle rentrait, l'ont suivie et agressée. Ils lui ont pris tout son argent et ses téléphones. À ce moment-là, elle exerçait au quartier Baladji II. Elle a été obligée de déplacer son activité au Centre Commercial. Elle précise qu'elle a eu beaucoup de chance d'avoir été secourue lorsqu'ils ont essayé de la violer. Mais les bandits n'ont jamais été arrêtés.

8. Les vendeurs ambulants

Les colporteurs se définissent comme étant des marchands qui vont de place en place pour proposer leurs marchandises. Cette activité n'est pas récente dans la ville de Ngaoundéré, elle existait déjà bien avant l'arrivée des Allemands et était l'apanage des Kanouri et de Haoussa. Avec la crise économique qui touche le Cameroun depuis la fin des années 1980, les bouleversements sociopolitiques des années 1990 et la récession plus récente des années 2000, cette activité emploie de plus en plus de monde, des jeunes et des moins jeunes venus d'horizons divers. Il est assez difficile de dire aujourd'hui que le colportage concerne une seule ethnie. On y retrouve des Sudistes, des Nordistes, des étrangers (Centrafricains, Nigériens et quelques ressortissants de l'Afrique de l'Ouest).

Ces personnes commencent leurs activités très tôt le matin, et s'arrêtent vers 19h-20h. Les produits souvent proposés sont des chaussures, des compacts discs (C.D.), des vêtements, des montres, des fers à repasser, des ustensiles de cuisines, des médicaments...

Les vendeurs de médicaments par exemple commencent la vente de leurs produits au carrefour Texaco en journée, et lorsque vient la nuit, se retrouvent au carrefour Jean Congo où ils peuvent vendre jusque très tard dans la nuit 21h ou même minuit en fonction de l'affluence dans le secteur. Ils proposent des médicaments divers, sans que le client n'ait besoin de présenter une quelconque ordonnance. Généralement peu instruits, ils ne savent que rarement quelle est la posologie des médicaments qu'ils vendent. Renommés par les populations « les pharmaciens des pauvres », ces vendeurs ambulants de médicaments proposent aussi des stupéfiants tels que le Tramol et ses variantes ; le Diazépam ; l'Exol 5 ; la Passion... Si l'activité s'est autant développée en peu de temps c'est aussi en raison du coût élevé des produits en pharmacie. Par ailleurs, ces dernières ne vendent pas en détails, on ne peut y acheter un unique comprimé de Paracétamol, il faut acheter une dose pour un traitement, c'est-à-dire à partir de la dizaine. Dès lors, les "pharmacies ambulantes" deviennent des solutions de repli. En raison du poids assez élevé de leurs marchandises, les vendeurs de médicaments ne se déplacent pas beaucoup, contrairement aux autres colporteurs.

Photo 15: Vendeurs ambulants de médicaments au carrefour Jean Congo au quartier Joli Soir.

Cliché : Owona, le 23 août 2009.

Dans la nuit, ce sont les bars qui sont la cible de ces vendeurs grâce aux flux de clients potentiels qu'ils génèrent. Les colporteurs, sur le chemin du retour après une journée passée à sillonner les quartiers et à écumer les marchés, passent de bars en bars pour proposer leurs marchandises. Les clients des débits de boissons peuvent aisément discuter le prix d'une paire de chaussures ou d'une montre à une somme qui aurait été le double pour le même produit dans une boutique. On peut ainsi acheter un fer à repasser à vapeur à 6000 f.cfa, alors qu'en journée, le vendeur vous le proposerait à 18 000 f.cfa. Cela s'explique dans la mesure où, le soir venu, les vendeurs ont en idée de rentrer chez eux. Après les fortunes diverses rencontrées en journée et la fatigue accumulée, il s'agit de trouver quelque chose pour ne serait-ce que nourrir la famille, payer le loyer ou la scolarité. Les prix de vente ne sont donc plus très élevés et l'objectif est de retrouver le prix d'achat et un bénéfice de 500 f.cfa par exemple. Si on les retrouve un peu partout dans la ville, aux endroits les plus bruyants, certains se déplacent en groupe, soit pour plus de sécurité, soit pour l'initiation des nouveaux arrivants. Beaucoup se retrouvent aussi à la gare-voyageurs au départ du train.

9. Les activités à la gare ferroviaire

Depuis sa création en 1974, la gare ferroviaire de Ngaoundéré est divisée en deux partie : l'une pour les marchandises et l'autre pour les voyageurs. En ce qui concerne la gare-voyageurs, les activités y ont toujours été interrompues dès 18h. Or, la gare-voyageurs fonctionnait jusqu'à 20h20 min, heure de départ du second train quotidien258(*).

En fonction des gares, des marchés se sont aussi mis en place. Celui de la gare marchandise se trouvait aux abords du bureau de la douane, sur le terrain de la REGI.FER.CAM. On pouvait trouver des restaurants, des boutiques, des téléboutiques, des débits de boissons, des ateliers de coutures ou de blanchissage. En effet, les services proposés sont fonction du type de clients auxquels on a affaire. Il s'agit pour l'essentiel, des camionneurs Tchadiens en transit, les manutentionnaires, les employés des sociétés de transit et des personnes venues de la ville. C'est en 1984 que ce marché est reconnu par les autorités municipales et reversent des droits à la commune. Ils sont ainsi relogés à l'ouest de la gare marchandises, de l'autre côté de la route, sur un terrain appartenant à la commune259(*). Les activités ici commencent à 6h et s'achèvent vers 18h. Dans la nuit, cette gare devient un véritable repère de bandits, que côtoient les enfants de la rue. Il est donc compréhensible que cet endroit soit un lieu de recrutement pour les gangs de la ville. Il faut tout de même signaler que certains blanchisseurs y passent parfois la nuit afin de terminer un travail urgent qui aurait été proposé par un camionneur pressé par le temps.

Un peu plus loin, se déploie la gare-voyageurs. Avant la décision de la CAM.RAIL. de réduire à un seul voyage quotidien les déplacements du train, la gare connaissait une grande effervescence à partir de 17h, heure à laquelle les voyageurs et leurs familles commençaient à arriver pour attendre le train. Cet afflux de clients a permis le développement de petits commerces dont la clientèle est constituée de cheminots, d'agents de sécurité et de policiers, d'agents de sociétés de transport, de manutentionnaires, de passagers, de visiteurs, et même de personnes venus de la ville juste pour profiter de l'ambiance que suscite la masse de personnes ainsi rassemblées.

Ces activités commerciales aident bien des familles à subvenir à leurs besoins quotidiens. On retrouve en plus de ces petits commerces (restaurants, boutiques, débits de boissons), des taxiphones, des vendeurs de soya, des vendeuses de poissons à la braise, d'eau, de chaussures, que l'on rencontre même à l'intérieur du quai d'embarquement. Ces activités se sont développées en face du bâtiment principal de la gare-voyageurs, et forment par leurs baraquements, une ligne. Elles sont reconnues par la commune à qui les gérants reversent annuellement des frais d'installation. Cependant, cette mesure ne s'applique pas aux marchants ambulants qui y évoluent de manière informelle.

Dès le départ du train, les activités s'arrêtent et tout le monde se dirige vers la ville. Le poste de police et quelques veilleurs de nuit assurent la sécurité ici. Mais, avec le départ du train désormais fixé à 18h 15 min, les activités à la gare-voyageurs s'arrêtent plus tôt et il ne reste plus pour les commerçants, que l'espoir d'un départ retardé ou un déraillement qui cloueraient les voyageurs sur place. Cette situation arrive assez souvent. Nous pouvons ainsi nous rappeler des évènements récents en fin août et pendant le mois de septembre, évènements consécutifs au déraillement qui eut lieu à l'entrée de la ville de Yaoundé, et dont les conséquences se firent ressentir jusqu'à Ngaoundéré.

Pendant cette période, le train partait de la gare vers 1h du matin, parfois 4h. Ce qui avait pour effet d'obliger les voyageurs à rester sur place. La situation était telle que si un voyageur s'en allait il courait le risque de perdre sa place ou tout simplement de rater le train. Le nombre de wagons avait été réduit et la vitesse des trains baissée au minimum afin d'éviter tout risque. Ces retards, qui n'ont pas commencé cette année, expliquent en grande partie le développement du secteur agroalimentaire. On y retrouve essentiellement des femmes, venus pour la plupart du Sud du pays, par le train qui les fait vivre aujourd'hui. Nous pouvons ainsi citer Mâ Pau, femme Nanga Eboko d'une quarantaine d'années, qui tient un restaurant dans un des hangars de la gare-voyageurs.

Arrivée à Ngaoundéré depuis une vingtaine d'années, elle s'est installée à la gare et loue une maison à Sabongari. Dans son restaurant, qui jouxte l'avant-dernier bar en allant vers l'Est du marché, elle vend du poisson, du poulet, de la viande de brousse (malgré les interdits de la CAM.RAIL. à ce propos). Les prix varient entre 1000 f.cfa et 1500 f.cfa en fonction du mets. De temps en temps, elle se fait aider par une de ses nièces, venue du village pour cette fin. Pour elle, les déraillements sont une aubaine commerciale. Certes c'est dangereux, mais précise-t-elle, « ce n'est pas de sa faute »260(*).

Malheureusement, on peut aujourd'hui se faire dérober facilement le porte-monnaie, le téléphone portable ou tout autre objet précieux. Tout cela peut être imputé à la crise économique qui provoque un exode rural massif. Si les garçons se muent en voleurs, les jeunes filles quant à elles font du commerce du sexe leur principal gagne pain.

10. Le commerce du sexe

Avec l'indépendance, la prostitution est purement et simplement réprimée par la loi, à travers les articles 294 et 343 du code pénal camerounais entre autres. Dans une ville où les lois islamiques et la tradition sont aussi dominantes que dans la ville de Ngaoundéré, il était presque inadmissible de parler ou de pratiquer vertement la prostitution. Elle se pratiquait donc de manière très discrète. Parfois sans rémunération en argent, puisque les clients offraient essentiellement des cadeaux en nature, pagnes par exemple.261(*) Mais, le commerce du sexe prend véritablement de l'ampleur avec l'arrivée des étrangers dans la ville de Ngaoundéré, principalement des Bamoun et la création du quartier Baladji. Elles passent pour être les premières à avoir ouvert des circuits où elles vendaient des boissons alcoolisées, des mets et bien sûr leurs corps dans ce quartier.262(*) Il faut pourtant attendre l'inauguration et la mise en service du chemin de fer Transcamerounais pour que l'activité prenne l'allure que nous lui connaissons aujourd'hui.

Plusieurs raisons expliquent le fait que ce commerce se soit autant développé au fil des années. Tout d'abord, il faut dire que la prostitution la plus flagrante se développe dans des quartiers cosmopolites où l'on retrouve plusieurs groupes ethniques et plusieurs nationalités (Baladji I et Joli-Soir en sont des illustrations patentes). Ensuite, dans ces zones, il prospère des débits de boissons, que les boissons soient modernes ou traditionnelles. Le dicton ne dit-il pas que Bacchus mène à Venus ? On retrouve parmi les personnes pratiquant l'activité de prostituées, plusieurs nationalités, camerounaise, nigériane, centrafricaine, tchadienne. Parmi les camerounaises recensées au cours de nos descentes sur le terrain, on peut énumérer certains groupes ethniques les plus représentés à savoir : les Makia, des Nanga Eboko, et les Kaka. Leur grand nombre peut se comprendre par le taux d'alphabétisation très bas dans la province de l'Est, le plus faible du pays.263(*) Il apparaît en effet que la majorité des prostituées issues de cette région a un niveau intellectuel qui, très souvent, ne dépasse pas le primaire. L'autre raison motivante est le niveau de vie des populations dans cette zone, très bas. La région de Ngaoundéré représente ainsi une sorte non pas d'Eldorado, mais de tremplin vers un avenir un peu plus radieux. Il ne faut sans doute pas négliger l'impact du chemin de fer qui passe par Belabo et Nanga Eboko. Ces deux gares intermédiaires facilitent les déplacements de la population qui, généralement ne paye pas les frais de transport, au profit d'un «arrangement à l'amiable» avec le contrôleur.

On retrouve aussi d'autres groupes ethniques dans ce melting pot d'individus, les Béti en général, les Bamiléké, les Bamoun, et aujourd'hui, il serait difficile de faire l'exclusion d'une ethnie en particulier, tant il est vrai qu'on les retrouve presque toute. Au-delà des raisons déjà évoquées, nous pouvons y ajouter les mauvaises conditions de vie des populations qui n'ont pratiquement pas d'autre issue face à la pauvreté ambiante depuis les années 80-90. Avant cette période, les prostituées étaient essentiellement d'âge mûr. Aujourd'hui, l'âge moyen a considérablement baissé. Il n'est pas rare de retrouver de jeune collégienne de 13-16 ans à peine, se livrer à cette activité. Souvent pour nourrir une famille que le père a désertée et face à la maladie d'une mère, impuissante face à cette dégradation du corps de sa fille aînée.

Telle est le cas de Mélanie, élève au C.E.S. (Collège d'Enseignement Secondaire) de Sabongari, qui ne cache pas le fait qu'elle a deux noms, celui du jour et celui de la nuit, celui qu'elle nous donne, nous dit-elle, est celui de la nuit. Elle est âgée de 16 ans et tient un «comptoir» au carrefour de la joie à Joli-Soir. Son père s'en est allé lorsqu'elle avait l'âge de 10 ans, abandonnant une femme et quatre enfants. Sorti un matin, il n'est plus jamais revenu. Sa mère a dû pendant quelque temps se livrer au commerce des vivres, mais sans un véritable fond, elle a très vite baissé les bras pour se mettre au commerce du sexe. Atteinte aujourd'hui d'une maladie que sa fille n'a pas voulu préciser, elle ne peut continuer ses activités. C'est donc à sa fille, jeune Gbaya, que revenait la lourde responsabilité à 15 ans de s'occuper de la famille. Grâce aux multiples tontines (sorte de coopérative traditionnelle où on reverse et reçoit de l'argent selon une périodicité définie), qu'elle parvient, non seulement à nourrir la famille, mais aussi à les inscrire à l'école. Cette jeune fille, devenue femme avant d'avoir vécue l'adolescence, reconnaît néanmoins l'importance de l'école, pour que sa jeune soeur, âgée de 12 ans, ne suive pas ses traces et celles de leur mère.264(*)

En fait, le cas de la mère de cette jeune fille n'est pas isolé, la plupart des prostituées reconnaissent que c'est à la suite de l'abandon de leurs maris ou de divorce dont elles ne vous diront jamais les raisons exactes, qu'elles ont dû se plier à se commerce.265(*) Cette raison était déjà évoquée par Froelich : « La femme interrogée est d'origine peul ; elle est mariée, mais son mari est parti à Bangui depuis longtemps et n'a pas réapparu (c'est l'explication classique). »266(*) Il faut ajouter à tout cela le fait que les femmes déjà bien installées dans la ville et avec une clientèle régulière, font venir celles qui sont restées au village, soeurs, cousines...pour la même activité.

Le commerce du sexe n'exclut pas de religion. On retrouve parmi les prostituées toutes les obédiences. Il faut dire que les clients aussi sont de toutes les obédiences. En effet, la clientèle des prostituées est aussi variée que la population de la ville elle-même. On y retrouve toutes les catégories socioprofessionnelles. Seuls les expatriés «blancs» ne viennent pas à Baladji, préférant être «servis» dans leurs chambres d'hôtels ou d'auberges.267(*) Cette attitude met en exergue plusieurs formes de prostitution dans la ville de Ngaoundéré.

Dans cette ville, on peut tout d'abord citer les prostituées de la route, celles qui font le «trottoir» ou le «poteau» (expressions qui tiennent au fait qu'elles sont toujours soit au bord de la route, soit accoudées à un poteau électrique dans l'attente d'un éventuel client). Généralement, elles sont plusieurs à habiter dans une maison, où elles reviennent dans la nuit de temps à autre avec un client. Une fois la besogne terminée, elles sont payées et retournent au trottoir. On les retrouve au quartier Joli-Soir entre le Carrefour Gabriel et le Carrefour de la Joie, mais aussi entre le carrefour tissu et le Carrefour de la Joie, sans oublier qu'entre ce même carrefour jusqu'au carrefour à l'entrée sud du Petit Marché, on peut être accosté par une fille de joie à n'importe quelle heure de la nuit. Même si elles disent de prime abord que les prix pratiqués sont à partir de 1000 f.cfa, tout dépend en fait de l'aspect physique du client, de l'allure et de l'âge. Car, ce prix peut très vite dégringoler à 500 f.cfa, voire 300 f.cfa ou alors grimper jusqu'à 5000 f.cfa.

Photo 16 : Quelques prostituées dans la pénombre du bar "Carrefour de la Joie plus" au carrefour Jean Congo ; en par-dessus gris, on peut distinguer leur "protecteur"268(*).

Cliché : Owona, le 23 août 1009.

Ensuite nous avons celles qui louent des chambres dans des auberges et qui s'entendent pour une rémunération avec le propriétaire. A la fin de chaque mois, elles lui reversent des dividendes. Ces auberges de joie se reconnaissent assez facilement à la lumière rouge qui s'allume à l'extérieur à partir de 21 heures ou 22 heures. Il s'agit d'un code pour tout initié. Cette lumière vaut justement le surnom d'«ampoule rouge» à ces auberges. Toujours dans le même style, nous avons des prostituées employées dans des circuits. Elles y viennent pour la nuit, y ont une chambre et s'y installent. Elles sont sous le couvert d'une matrone, gérante et propriétaire, chargée de l'accueil et de l'orientation des clients, à qui l'on doit reverser la recette contre salaire et protection sociale. Un circuit classique est constitué d'un espace réservé aux consommateurs d'alcool, avec un bar attenant. Il est aménagé des espaces pour une certaine intimité des consommateurs tout à côté ; et enfin les chambres où se trouvent les filles de joie. Il faut, dans ce cadre, détenir à partir de 2000 f.cfa. Celles de cette catégorie, une fois le travail terminé vers 2 ou 3 heures du matin, selon les périodes, rentrent dans leurs domiciles, où elles avouent que leurs enfants ne savent pas ce qu'elles font pour les nourrir.

Photo 17 : "Ampoule Rouge" indiquant la présence d'une auberge au carrefour Tissu.

Cliché : Owona, le 23 août 2009.

Il y a à côté de ces prostituées, celles qui se font appeler elles-mêmes «poules de luxe», on ne les trouve pas à Baladji et s'adressent à une clientèle très sélecte. Elles sont en contact avec des hommes d'affaires, des administrateurs, en fait la haute société de la ville. C'est à elles que les hôtels font appel pour égayer les nuits des clients importants. Pour elles, les prix sont indéterminés, juste très élevés pour le Camerounais moyen, c'est-à-dire à partir de 10 000 f.cfa.

Citons aussi les «petites prostituées très embêtantes» (P.P.T.E.) comme on les appelle dans le milieu, et qui baissent gravement les prix de l'avis de Ma Henriette, qui se fait nommer ainsi à cause de son âge avancé, plus de 25 ans de «service» à son compteur. Ces P.P.T.E. sont en général des étudiantes, des élèves et des nigérianes. À cause de leurs corps encore très avantageux, elles ravissent toute la clientèle en mal de chair fraîche.

Enfin, il s'est développé une forme de prostitution assez hypocrite qui se cache sous le couvert de la vente ambulante de produits alimentaires. Certes celle-ci est essentiellement diurne, mais il s'agit du même vice. Les prostituées, pour se protéger, peuvent faire recours aux services d'un protecteur (voir photo 17) ou simplement user de la solidarité qui existe entre elles, lorsque l'une est en danger, elle crie et toutes les autres viennent à son secours, ce cri est strident, comparable aux youyous des peuples de la Région du centre Cameroun.

* 196 Source : www.wikipedia.fr, consulté le 10 août 2009.

* 197 Walther, R., 2006, "La formation professionnelle en secteur informel, rapport sur l'enquête terrain au Cameroun", Agence Française du Développement, département de la recherche. Mis en ligne sur le site www.afp.fr et consulté le 24 août 2009.

* 198 Banque Mondiale, 2005, "African Development Indicators". Rapport en ligne.

* 199 Banque Mondiale, 2005, "African Development Indicators". Rapport en ligne.

* 200 Fonds Monétaire International, 2005, "Rapport du FMI n° 05/164, Cameroun : consultations de 2005 au titre de l'article IV et programme de référence, suivi du Rapport des services du FMI : note d'information au public relative aux délibérations du Conseil d'administration et déclaration de l'administrateur pour le Cameroun." Rapport en ligne

* 201 Walther, R., 2006.

* 202 Njikam G.B.N., Lontchi Tchoffo R.M. et Mwaffo V.F., 2005, "Caractéristiques et déterminants de l'emploi des jeunes au Cameroun", Cahiers de la stratégie de l'emploi, Département de la stratégie en matière d'emploi de l'unité des politiques de l'emploi, OIT Genève, p.10.

* 203 Amprou J. et al., 2006, "Rapport de conjoncture et prévisions des pays de la zone franc", document de travail de l'Agence Française de Développement.

* 204 Institut National de la Statistique, 2005, "Enquête sur l'emploi et le secteur informel au Cameroun en 2005, Phase 1 : Enquête sur l'emploi, Rapport principal".

* 205 Institut National de la Statistique, 2005, "Enquête sur l'emploi et le secteur informel au Cameroun en 2005, Phase 1 : Enquête sur l'emploi, Rapport principal".

* 206 Walther, R., 2006, www.afp.fr, consulté le 24 août 2009.

* 207 La création de l'hôpital est relatée par Løde K., 1990, pp 218-227

* 208 Cette fondation appartenait à un américain nommé Young qui était venu en visite au Cameroun en 1953. C'était un homme généreux et très riche. Face aux difficultés rencontrées par le projet de construction de l'hôpital, il avait promis une somme de 25 000 Dollars US. Cette somme était si importante qu'elle pouvait non seulement construire tout l'hôpital, y compris le service de chirurgie et l'odontologie, mais elle permettrait également de construire une école d'infirmiers, des maisons d'habitations des médecins, et des maisons d'habitations de quelques infirmiers. En plus M. Young dans sa correspondance du 20 avril 1954, avait promis de payer les frais de fonctionnement de cet hôpital pendant une période minimale de 5 ans et une période maximale de 10 ans.

* 209 Répartition faite sur la base des informations fournies par Mboudga Raphael, surveillant général adjoint de l'hôpital protestant de Ngaoundéré, entretien tenu le 3 octobre 2009 à Ngaoundéré.

* 210 Pacthoaké, B., 2009, "Cameroun : le quartier norvégien de Ngaoundéré ou des blancs en pâture aux hyènes." Article en ligne sur www.journalducameroun.com, mis en ligne le 17/05/2009 et consulté le 03 octobre 2009.

* 211 Mme Moussa Mbélé Djilbert Kola, réponses au questionnaire.

* 212 Mme Moussa Mbélé Djilbert Kola, réponses au questionnaire.

* 213 Chapitre I, dispositions générales, article 2 du décret n°90/1483 du 9 novembre 1990, fixant les conditions et les modalités d'exploitation des débits de boissons. Cf. Annexe.

* 214 Entretien avec M. Djiya le 11 août 2009 à Ngaoundéré.

* 215 Kouam David, entretien tenu le 12 août 2009 à Ngaoundéré.

* 216 Entretien avec Nformi Félix, le 20 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 217 Kouamen Tavou, entretien du 01 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 218 Entretien avec Viviane le 10 août 2009 à Ngaoundéré.

* 219 Mballa Romiald, réponses au questionnaire.

* 220 Le Petit Larousse Illustré 2007, p.122

* 221 Le Petit Larousse Illustré 2007, p.553

* 222 Le Petit Larousse Illustré (2007), Ed. Librairie Larousse, Paris/France ; p.191

* 223 Djommo Lin Valère, entretien tenu le 16 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 224 Djommo Lin Valère, entretien tenu le 16 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 225 C.R.T.V., Cameroon Radio and Television.

* 226 Ismaëla Issa, entretien tenu le 25 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 227 Abdoulkarim, S., 2005, "Le taxi moto et l'insécurité urbaine dans le Nord-Cameroun, le cas de la ville de Ngaoundéré". Article mis en ligne sur www.sadou1ngaoundéré.pdf et consulté le 20 septembre 2009.

* 228 Abdoulkarim, S., 2005, www.sadou1ngaoundéré.pdf consulté le 20 septembre 2009.

* 229 Augustin, entretien tenu le 20 septembre 2009.

* 230 Entretien avec Jean-Vincent, tenu le 19 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 231 Temde Joseph, entretien tenu le 24 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 232 Mohammadou Djaouro, entretien tenu le 20 août 2009 à Ngaoundéré.

* 233 Patchami Guy Bertrand, entretien tenu le 20 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 234 Patchami Guy Bertrand, entretien tenu le 20 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 235 Temde Joseph, entretien tenu le 24 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 236 Temde Joseph, entretien tenu le 24 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 237 Temde Joseph, entretien tenu le 24 septembre 2009 à Ngaoundéré.

* 238Nyam a Ngam C., 2007, « La Police et la répression du gangstérisme urbain à Ngaoundéré 1990-2005 », mémoire de maîtrise d'histoire, Université de Ngaoundéré ; p.16

* 239 Temde Joseph, entretien tenu le 24 septembre 2009 à Ngaoundéré

* 240 Nyam a Ngam, 2007, p.16

* 241 Temde Joseph, entretien tenu le 24 septembre 2009 à Ngaoundéré

* 242 Nyam a Ngam, 2007, p. 43

* 243 Temde Joseph, entretien tenu le 24 septembre 2009 à Ngaoundéré

* 244 Mme Ngan Jeanne, entretien tenu le 02 septembre 2009 à Onaref.

* 245 Ngo Nlomée M.M., 2004, « Le bili bili à Ngaoundéré : technique de fabrication, usage et commercialisation 1964-2004 », mémoire de maîtrise d'Histoire, Université de Ngaoundéré, p.61.

* 246 Ngo Nlomée M.M., 2004, p.61

* 247 Ibid., p.62

* 248 Ibid., p.63.

* 249 Entretien avec Natwa le 19 septembre 2009 à Sabongari Norvégien.

* 250 Ngo Nlomée M.M., 2004, p.68.

* 251 Les fruits vendus varient en fonction des saisons. Ainsi, la même personne peut vendre des oranges et des mandarines pendant certains mois, et le mois d'après vendre des prunes.

* 252 Le soya est un mets fait à base de viande, soit de boeuf, de mouton de poulet, de porc ou tout autre ; cuite à la braise sur de grands fours et vendue en tranches. Ce commerce est l'apanage des ressortissants du Grand-Nord, même si en ce qui concerne le porc et le poulet, on retrouve surtout les Sudistes.

* 253 Tableau établi en mars 2005 par Tanlaka Kilian Lamtur, Tirga Albert et Gnebora Oumarou, in "Les immigrés des Monts Mandara et le commerce de la viande à Ngaoundéré : cas de la viande du soya (brochettes) et du rôtis de foetus de vaches (1990-2006)", article inédit.

* 254Boulet, J., 1975, Magoumaz, pays Mafa (Nord-Cameroun). Étude d'un territoire de montagne, ORSTOM, Paris, p.24, cité par Tanlaka Kilian Lamtur, Tirga Albert et Gnebora Oumarou.

* 255 Abou Bakr Djaber Al-Djazaïri, 2002, p.394

* 256 Viviane, entretien tenu le 10 août 2009 à Ngaoundéré.

* 257 Pierre, entretien tenu le 10 août 2009 à Ngaoundéré.

* 258Aladji Abouya Oumar, 1999, « La gare ferroviaire de Ngaoundéré, impact socio-économique et spatial », mémoire de maîtrise de Géographie, Université de Ngaoundéré, p.47

* 259 Ibid., p. 47

* 260 Mâ Pau, entretien tenu le 31 août 2009 à Ngaoundéré.

* 261 Froelich, 1954a, p.39

* 262 Kemfang, H., 1998, p.17

* 263 Tedou J. (I.N.S.)

* 264 Mélanie, entretien du 13 juin 2009 au quartier Sabongari Gare.

* 265 Ma Henriette, entretien du 14 juin 2009 au quartier Baladji I.

* 266 Froelich, 1954a, p.39

* 267 Ma Henriette, entretien du 14 juin 2009 au quartier Baladji I.

* 268 Le "protecteur" est une personne, mâle ou femelle, qui maque la prostituée et l'exploite. Il s'agit d'une pratique assez courante compte tenu du fait que la prostituée est exposée à toute sorte de violence de la part des clients. D'autre part, les filles qui arrivent à peine dans la ville, sont accueillies par des "protecteurs" qui les hébergent et se font payer sur la base des revenues de ces filles. C'est aussi cette pratique qui est mise en exergue dans les circuits tel que nous l'avons évoqué dans la Première Partie, section IV.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo