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L'encadrement de l'histoire par le droit dans les démocraties européennes

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par Pierre RICAU
Université Paul Cézanne Aix- Marseille 3 - Master de sciences politiques 2009
  

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CONCLUSION

A partir d'un débat français qu'on peut penser conjoncturel, la réflexion sur l'histoire s'est animée et les historiens ont pu enfin crier, calmement et doctement, le droit à s'émanciper du politique qu'ils avaient patiemment conquis.

Les lois mémorielles, loin d'exprimer une véritable tentation du législateur à dicter l'histoire comme le faisaient les « hussards noirs de la République » au début du siècle, ont surtout mis en avant le malaise des dirigeants démocrates, vis-à-vis d'une histoire devenue plus complexe et moins certaine.

Ce vieil instrument qu'était l'école pour former les jeunes esprits à devenir des citoyens libres et égaux en droit, se heurte à une crise de l'autorité doublée d'une perte d'efficacité de son rôle d'ascenseur social. Dans les nouvelles sociétés de la connaissance, elle perd beaucoup de son rôle central de transmetteur de savoir et peine à unifier et combiner les points de vue d'une jeunesse qui revendique à l'image du reste de la société ses particularités et sa mémoire.

Le Républicain engagé doit donc agir avec tous les pouvoirs juridiques, politiques et médiatiques qui sont en son pouvoir pour rassembler les communautés divisées au sein de la cité et il se fonde pour cela en grande partie sur le pouvoir de la science qui a nourri sa formation: l'histoire, et de sa célébration.

158 B. Accoyer, op.cit., p. 107

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Si l'histoire transformée en mémoire institutionnelle est largement surestimée pour son rôle identitaire, l'histoire scientifique n'en reste pas moins un instrument de pacification sociale par sa capacité à arbitrer et à encadrer les mémoires individuelles. Par ses déclarations sur l'histoire l'homme politique cherche à accélérer la marche normale des facultés que possède cette science pour l'homogénéisation de la mémoire à long terme. Et qu'est-ce qu'une science sociale sinon un discours qui par l'utilisation d'observations, de références et de paradigmes communs cherche à mettre tout le monde d'accord ou du moins dans la capacité de se communiquer.

C'est pourquoi, même si les lois mémorielles françaises sont nées de carences regrettables de la Constitution de la Vème République, elles ont eu le mérite de révéler la place acquise par l'histoire scientifique au sein de la République, celle d'un savoir scientifique autonome essentiel pour une démocratie de plus en plus communautarisée.

C'est en temps que savoir scientifique au rôle démocratique central que l'histoire doit être protégée par le droit. Dans l'idéal démocratique elle doit être un langage critique et commun, facilitant le travail des mémoires et le débat politique, et ne le sera que si elle est garantie contre le détournement et l'usurpation.

C'est ce que prétendent faire, quoi qu'on en dise, les lois anti-négationnistes qui tentent de délimiter la frontière entre un discours fondé sur une analyse, même partisane, de l'histoire et un discours fondé sur la négation de l'histoire et l'affirmation d'un relativisme absolu qui ouvre la voie à tous les crimes et toutes les injustices. Ces lois cherchent certainement une protection de la mémoire commune mais plus encore de la scientificité de l'histoire.

La protection du travail des historiens est donc garantie par de multiples règles de droit: libertés publiques et libertés professionnelles, accès aux sources et protection de celles-ci, accès aux médias et aux moyens de transmettre le savoir historique. Si ces droits souffrent encore des limitations, ils se sont jusqu'ici beaucoup accrus et la loi bien loin de commander à l'histoire lui a surtout aménagé un espace privilégié.

Reste que l'accroissement des droits de l'histoire ne donne pas pour autant à la discipline l'autorisation de concurrencer le droit lui-même. L'historien peut politiquement s'engager contre un verdict, pour la révision d'un procès ou pour la transformation d'institutions jugées illégitimes. Il doit éviter d'utiliser sa science pour porter des jugements sur le présent, pas plus qu'il ne devrait d'ailleurs le faire sur le passé.

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Les enjeux du droit, s'ils rejoignent par certains côtés ceux de l'histoire: la recherche de faits réels passés et de leur enchainement, vont au-delà de la simple recherche de la vérité et servent à assurer un ordre social parfois injuste mais nécessaire et, dès lors que l'on est en démocratie, politiquement combattable.

Comme l'écrivait Paul Ricoeur, « l'histoire est une permanente réécriture ». Au contraire, le droit doit figer une version du passé à un moment précis, sur laquelle on ne pourra revenir qu'au terme d'une procédure spécifique.

L'histoire libre n'est pas une grande histoire maîtresse d'elle-même, de tous les savoirs et de tous les jugements, c'est juste une histoire capable d'offrir chaque jour des petits savoirs nouveaux et inattendus capables de nous faire repenser un peu notre passé, notre présent et notre futur.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo