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Asile et réfugiés en droit international

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par Cherif Ly DIA
Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal - Mémoire de maitrise en droit public 2012
  

Disponible en mode multipage

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Sommaire

1e PARTIE : L'asile, un droit du réfugié aux contours juridiques progressivement définis et précisés

Chapitre 1 : L'ancrage progressif des règles juridiques internationales encadrant l'asile du réfugié

Section 1 : La définition d'un droit international à partir de la Seconde Guerre Mondiale

Paragraphe 1 : La Convention de Genève, un tournant important

Paragraphe 2 : Le réfugié, au coeur du droit d'asile contemporain

Section 2 : L'institutionnalisation progressive d'un véritable droit du réfugié par une détermination de son statut

Paragraphe 1 : La notion de DSR

Paragraphe 2 : Effets de la reconnaissance du Statut de réfugié

Chapitre 2 : La réglementation de l'admission et la protection des réfugiés

Section 1 : La procédure de la demande d'asile

Paragraphe 1 : Les critères d'éligibilité

Paragraphe 2 : La Procédure proprement dite

Section 2 : La protection et l'assistance dévolues aux réfugiés

Paragraphe 1 : L'Etat, garant de la protection des réfugiés

Paragraphe 2 : La mission d'assistance et de protection juridique internationale du HCR

2e PARTIE : Le droit d'asile, une actualité sujette de controverses pour les réfugiés dans le Monde

Chapitre 1 : Vers une remise en cause de l'asile du réfugié

Section 1 : L'apport de restrictions diverses à l'asile du réfugié

Paragraphe 1: Un recul important dans l'implication des pays d'accueil face à l'asile du réfugié

Paragraphe 2 : Le développement des politiques anti-migratoires et leurs conséquences sur le droit d'asile des réfugiés

Section 2 : L'effritement dans la rigidité du statut du réfugié

Paragraphe 1 : Des irrégularités diverses dans la DSR

Paragraphe 2 : L'affaiblissement de la protection et de l'assistance aux réfugiés

Chapitre 2 : Des perspectives pour la pérennité de l'asile et du statut de réfugié

Section 1 : La pertinence d'une réforme de l'asile

Paragraphe 1 : L'apport de la consécration expresse d'un droit à l'asile

Paragraphe 2 : La nécessité d'une harmonisation des politiques de l'asile dans le Monde

Section 2 : L'importance de la recherche de solutions durables pour les réfugiés

Paragraphe 1 : Le possible perfectionnement du statut de réfugié

Paragraphe 2 : Réhabiliter l'image écorchée du réfugié

Liste des Abréviations

CESEDA Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

CFDA Coordination française pour le droit d'asile

CNCDH Commission nationale consultative des droits de l'Homme (France)

CNE Commission nationale d'éligibilité

DSR Détermination du statut de réfugié

DUDH Déclaration universelle des droits de l'Homme

FRONTEX Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'union européenne

HCR Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

JORS Journal officiel de la République du Sénégal

OFPRA Office français de protection des réfugiés et apatrides

ONG Organisation non-gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

OIM Organisation internationale des migrations

OIR Organisation internationale pour les réfugiés

OUA Organisation pour l'Unité africaine

RAEC Régime d'asile européen commun

SDN Société des Nations

UE Union européenne

INTRODUCTION

Dans un Etat de droit, tout citoyen, c'est-à-dire toute personne civique membre d'un Etat à part entière du point de vue de ses droits et devoirs, est censé pouvoir jouir pleinement des libertés que lui garantit cet Etat de droit. Toutefois, il peut parfois arriver que, du fait de la réunion de certaines circonstances, l'individu soit confronté à une réduction voire un anéantissement de sa capacité à jouir de ses droits et libertés les plus élémentaires, ainsi qu'à la protection à laquelle il peut prétendre de la part de cet Etat. Ainsi, ces personnes peuvent s'exposer à des persécutions au sein même de leur Etat, persécutions diverses pouvant être motivées par divers facteurs. En somme, ces citoyens ne sont plus en sécurité dans leur propre pays. C'est ainsi que s'offre à eux le droit d'asile, qui est apparu depuis l'Antiquité et dont les contours ont été progressivement dessinés tout au long de l'Histoire, avant de se voir consacré par le droit international aujourd'hui.

L'asile s'entend d'un lieu ou territoire permettant de trouver protection et/ou d'échapper à des poursuites. Ainsi, la DUDH de 1948 stipule en son Article 14.1 : « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays. »

Aujourd'hui, l'asile en droit international permet d'accorder et de réglementer une certaine protection à ces individus faisant l'objet de persécutions. En effet, avec notamment les divers conflits minant certaines régions du globe, beaucoup sont obligés de fuir leur résidence traditionnelle car ils ne se sentent plus en sécurité, et espèrent trouver ailleurs des terres d'accueil plus clémentes.

Il s'agira au terme d'une longue évolution en majeure partie des réfugiés, qui disposent ainsi d'un statut juridique. C'est la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, adoptée le 28 Juillet 1951 et entrée en vigueur le 22 Avril 1954 qui apporte une définition internationale du terme de réfugiés. Selon l'article 1.A2 de cette convention, un réfugié désigne : « toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. »

Cette convention marque un tournant majeur car elle consacre le réfugié, et en plus, prévoit un statut juridique précisément défini avec diverses règles relatives autant à la procédure d'admission des réfugiés qu'à leur protection. Il apparait donc qu'asile et réfugiés entretiennent des rapports évidents que nous proposerons de mettre en lumière dans notre analyse.

Toutefois, il faudrait d'ores et déjà différencier l'asile de certaines notions connexes mais non moins différentes. Il est important de faire la distinction entre l'asile et l'immigration. Les migrations peuvent désigner de manière large tous les déplacements de personnes d'un pays à un autre ou à l'intérieur d'un même pays. Il existe d'ailleurs une distinction juridique possible entre migrations volontaires et forcées, même si l'asile pourrait être appréhendé comme une sorte de migration. Cela motive par ailleurs une autre distinction entre personnes déplacées et réfugiés. Il faut surtout noter que les migrations, notamment en Occident, sont dites illégales et combattues très souvent.

En droit international, le terme de réfugiés désigne toute personne recherchant une protection en dehors de ses frontières, à partir du moment où il a fui son pays. Néanmoins, bénéficier du statut de réfugiés nécessite de remplir préalablement certaines conditions.

Ici aussi, il faudra noter que le réfugié doit être différencié de diverses notions relativement proches. Il en est ainsi des personnes déplacées à l'intérieur du territoire mentionnées plus haut, qui correspondent aux personnes qui, même victimes de persécutions, restent à l'intérieur des frontières de leur pays. On parle de déplacés internes. Il ya aussi les apatrides, qui sont des personnes qu'aucun Etat ne considère comme leurs ressortissants ; ils n'ont pas de nationalité d'origine. Ils sont gérés par le Haut Commissariat des Nations Unies et sont régis sur le plan international par deux conventions, la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction de l'apatridie. S'ils posent un réel problème qui interpelle tous les Etats aujourd'hui à juste titre, ils n'en sont pas moins à différencier des réfugiés.

Ainsi, les questions de l'asile et des réfugiés sont donc indissociables et entretiennent des liens très poussés. Il faut toutefois préciser que la notion d'asile mérite quelques précisions. Si on parle souvent de droit d'asile, il n'en reste pas moins que, sans pour autant entrer dans le fond de la question, il est clair qu'il n ya pas de droit à l'asile, car les Etats d'accueil disposent souvent d'une large marge de manoeuvre en ce qui concerne leur accord ou pas quant à l'admission des réfugiés sur leur territoire, et que la valeur juridique du droit d'asile appelle quelques interrogations.

Mais ce qui est constant, c'est que la notion d'asile a inspiré et fonde le statut de réfugié, qui s'est développé, et constitue une véritable assise juridique sur laquelle peut compter le réfugié pour pouvoir échapper aux persécutions dans son pays d'origine. Il est donc intéressant d'analyser les rapports entretenus par l'asile et les réfugiés.

Ainsi, eu égard à toutes ces considérations, une question mérite d'être posée : comment peut-on appréhender la réciprocité des rapports juridiques entre asile et réfugiés en droit international ?

En effet, asile et réfugiés entretiennent des rapports d'interconnexion car c'est la notion d'asile, qui est apparue et s'est bâtie sur plusieurs siècles, qui fonde la définition internationale du réfugié qui quant à lui, est d'apparition relativement récente. Si ces deux notions ont poursuivi des trajectoires différentes dans leurs développements, aujourd'hui, elles se complètent. L'asile est un droit du réfugié, droit qu'il invoque lorsqu'il se présente aux frontières des pays d'accueil desquels il sollicite cet asile, pour pouvoir être reconnu officiellement comme réfugié, et bénéficier ainsi de tous les droits et avantages qui s'y attachent, avec principalement la protection qui lui faisait défaut dans son pays d'origine à cause des persécutions ayant motivé sa fuite.

Une analyse sur le droit d'asile et les réfugiés ne manque donc pas de présenter des intérêts certains de divers ordres.

Tout d'abord, aujourd'hui, le droit d'asile se heurte à un épineux problème de connaissance de ce droit. Ainsi, sur le plan pédagogique, un sujet sur l'asile et les réfugiés peut s'avérer très instructif pour la promotion de ce droit qui est plus que jamais d'actualité, mais est souvent méconnu et ignoré par les masses, notamment dans nos pays sous-développés, alors que le nombre de réfugiés et de personnes ayant besoin de protection internationale ne cesse d'augmenter jusqu'à atteindre aujourd'hui des proportions considérables. En effet, de la procédure de reconnaissance jusqu'aux droits et prérogatives reconnus aux réfugiés, cela reste souvent relativement méconnu de l'opinion publique.

D'autre part, sur un plan pratique, à travers les liens profonds entretenus entre la notion de réfugiés, le droit d'asile et le droit international humanitaire, un tel sujet peut permettre de se questionner sur l'Etat et l'urgence des questions humanitaires qui gangrènent la planète aujourd'hui avec notamment les conflits incessants. Il faut noter que les causes conduisant à invoquer le droit d'asile et nécessitant des procédures de demandes d'asile pour les réfugiés sont inévitablement liées à des besoins humanitaires. En effet, même si la tradition humanitaire de l'asile est souvent évoquée, avec les conflits entrainant des persécutions à grande échelle avec des déplacements importants de population fuyant les menaces qui pèsent sur leur liberté et même leur vie parfois, il est sans doute légitime de s'interroger sur la réalité d'un respect strict et continu de ce droit d'asile, à cause notamment des pesanteurs politiques.

Et enfin, sur un plan purement juridique, s'intéresser au droit d'asile, et donc aux réfugiés signifiera un approfondissement d'un régime juridique propre aux réfugiés, régime qui s'applique dès la demande conduisant à la procédure de demande d'asile. Pour cela, la définition proposée plus haut et contenue dans la convention de Genève de 1951 sera l'axe de ce régime juridique, et ainsi, la notion de « persécution » apparaitra d'une importance extrême pour la reconnaissance du statut de réfugié. Ce statut juridique du réfugié est prévu, défini et réglementé par la Convention de Genève de 1951.

Par ailleurs, il faudrait aussi noter que même si les liens unissant droit d'asile et réfugiés en droit international sont évidents, l'analyse pourrait soulever un certain nombre de difficultés. D'abord, vu le chemin parcouru par le droit d'asile qui s'est forgé depuis plusieurs siècles, et a traversé diverses étapes (que nous essaierons de relater tantôt) alors que le réfugié tel que reconnu par le droit international aujourd'hui n'a pas encore connu un siècle de vie, une étude chronologique pourrait être tentée, étude que nous ne jugeons pas pertinente. En effet, le XXIe siècle durant lequel s'est construit le système international du réfugié a été marqué, après la Convention de Genève et tout au long de la seconde moitié de ce siècle, par l'apparition de divers textes relatifs au droit d'asile et aux réfugiés. Toutefois, dans notre analyse, nous ne nous attellerons pas à retracer l'historique de l'évolution juridique du système international de l'asile jusqu'aujourd'hui, mais uniquement le régime juridique qui caractérise le statut du réfugié. C'est pourquoi nous tenterons une étude analytique du droit d'asile et des réfugiés en droit international, en envisageant surtout le régime juridique qui caractérise le réfugié avant tout du point de vue du droit international.

Aussi, pour une plus grande compréhension de notre démarche et de l'histoire ayant conduit à cette importance dans les rapports entre asile et réfugiés, nous nous proposerons d'abord de tenter un bref survol de la longue histoire de la notion d'asile, qui a traversé les siècles. Ainsi, le droit d'asile ancien a d'abord existé depuis l'Antiquité et le Moyen Age. Dans l'Antiquité, il y avait l'asile païen. Il prévalait essentiellement dans la Grèce ancienne et la Rome Ancienne. Dans la Grèce ancienne, dans chaque cité, les tombeaux de héros, les temples, les statues des dieux et des rois, sanctuaires inviolables, font bénéficier de cette inviolabilité ceux qui s'y réfugient : esclaves, criminels, débiteurs insolvables, délinquants politiques ; alors que dans la Rome ancienne, l'asile se manifestait par l'édification d'une cité nouvelle. D'ailleurs, la légende de sa fondation en 753 av. J.C. par Romulus autour du temple consacré au dieu Asylaeus veut que ce monument et le bois qui l'entourait soient lieux inviolables.

Par ailleurs, au Moyen Age interviendra la naissance et à la consolidation d'un droit d'asile religieux : l'asile chrétien. En effet, le droit d'asile ancien se christianise à la fin du IVe siècle après J.-C. ; le christianisme était alors la seule religion tolérée dans l'Empire romain (Edit de Thessalonique en 381). D'ailleurs, ce droit fut officialisé notamment par la Constitution du 21 Novembre 419 puis sera garanti par le droit canonique à travers le Code Théodosien. La Loi dispose alors que tout individu est admis à trouver refuge dans les églises chrétiennes s'il cherche à échapper à un quelconque poursuivant, qu'il s'agisse d'un particulier ou d'un agent de l'Etat. Ce droit d'asile chrétien sera régulièrement réaffirmé surtout par le Concile de Tolède de 638, mais aussi préalablement les conciles d'Orléans sous le Franc Clovis en 511. Toutefois, cet asile religieux fera progressivement l'objet de nombreuses restrictions, et de plus en plus d'infractions ou de personnes en seront exclues. Déjà, le règne de Charlemagne sur une partie de l'Europe Occidentale a apporté beaucoup de rigueur à l'asile chrétien. Il considère que les individus reconnus coupables d'un crime quelconque ne peuvent bénéficier du droit d'asile : seuls les innocents et les individus en attente de procès peuvent se réfugier légalement dans une église. Ensuite, les divers abus, la charge que représente cet asile pour l'Eglise, et surtout l'apparition progressive d'Etats au sens moderne du terme, exerçant leur souveraineté sur un territoire délimité, expliquent le déclin de l'asile religieux. Il n'en reste pratiquement rien au début du XVIIe siècle. En effet, dès ce siècle, le droit d'asile sera une matière traitée par les juristes non religieux. Sur ce point, il faut noter l'importance de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts (Art. 166) du 10 Août 1539 sous François Ier. Alors qu'il était perçu par les Anciens et les Médiévaux comme un droit d'essence divine et donc inviolable, le droit d'asile religieux apparaîtra bientôt aux modernes comme une simple concession révocable du pouvoir civil. Et le droit naturel, avec Grotius affirmera le devoir des Etats d'accorder protection aux proscrits pour des raisons politiques et religieuses. Ce ne sera donc plus une enclave limitée sur un territoire donné qui sera lieu de refuge, mais le territoire national lui-même. C'est la naissance de la notion moderne d'asile territorial.

En effet, la période contemporaine est marquée, du fait des divers conflits et des calamités, par des mouvements massifs de population. Citons notamment, à titre illustratif, déjà au XVe siècle l'expulsion des juifs d'Espagne ou l'exil des protestants à la suite de la révocation de l'édit de Nantes, mais aussi, au début du XXe siècle les arméniens chassés de Turquie, les russes blancs fuyant la révolution bolchevique, puis les Espagnols durant la guerre civile, les juifs européens et, plus près de nous, les exodes successifs et dramatiques des populations d'Asie et d'Afrique. Désormais, du fait des mouvements importants de populations, l'asile se révélait de plus en plus nécessaire, et ne pouvait s'enfermer dans un caractère individuel ou dans un cadre territorial limité comme les églises au Moyen Age. Il s'institutionnalisera progressivement.

Il reste toujours que l'institutionnalisation ne se fera pas en un jour. Ainsi, en France par exemple, il ne figure guère dans l'un des textes les plus importants depuis longtemps : La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, mais quatre ans plus tard, l'article 120 de la Constitution montagnarde du 24 Juin 1793 indique que « le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté, et le refuse aux tyrans ».

Toutefois, durant le XXe siècle, divers instruments juridiques nouveaux seront progressivement mis en place. Dès 1921 sera crée le Premier Haut commissariat aux réfugiés, sous l'égide du norvégien Fridtjof Nansen, commissariat qui sera consacré aux réfugiés russes et arméniens d'alors. Soulignons que sous l'impulsion de Nansen, le 5 juillet 1922 sera conclu un premier accord international à Genève instituant une carte d'identité pour les personnes déplacées dite Passeport Nansen qui sera reconnu par 54 pays. Cela contribua fortement à faire évoluer le droit d'asile vers un droit du réfugié.

Toutefois, le droit d'asile conçu désormais comme un droit du réfugié ne sera réellement consacré qu'après la Seconde Guerre Mondiale avec notamment deux instruments juridiques d'une très grande importance : la DUDH de 1948 et la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951 précitée.

D'abord, dans ses articles 13 et 14, la Déclaration Universelle des droits de l'Homme énonce non seulement la liberté de circulation pour trouver refuge dans un autre pays, mais aussi le droit de chercher asile devant la persécution. Néanmoins, il faut noter le caractère non contraignant de ce texte. En effet, cette Déclaration du 10 décembre 1948 n'a pas de force juridique contraignante, car elle a valeur de simple recommandation adoptée par les Nations Unies, représentant « un idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ». Toutefois, cela ne lui enlèverait en rien sa formidable portée historique, politique et même juridique, puisqu'étant aujourd'hui à la base de divers principes reconnus dans le droit interne d'innombrables pays et même dans le droit international. 

Par ailleurs, le droit des réfugiés est essentiellement régi aujourd'hui par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951. Cette convention est le fondement du droit international des réfugiés. Ce traité est entré en vigueur en 1954 trois ans après son adoption, à la sixième ratification (Art 43) et au 1er juillet 2006, cent quarante-six (146) Etats y avaient adhéré parmi lesquels le Sénégal ainsi que la France.

Cette nouvelle convention était à l'origine prévue pour les événements d'Europe antérieurs au 1er janvier 1951. Il en sera ainsi de 1951 jusqu'au Protocole de 1967 qui supprimera la limitation dans le temps ou l'espace.

Dans ce sillage, il faut aussi signaler la création du Haut commissariat des nations Unies pour les réfugiés (HCR), le 14 décembre 1950 et basé à Genève avec un mandat de l'ONU dont le but est de vérifier l'application des accords internationaux consacrés aux réfugiés, et de trouver une solution durable aux problèmes des réfugiés. Le HCR sera institué en remplacement de l'Organisation Internationale pour les réfugiés (OIR) qui fut créée en 1947 pour accueillir les réfugiés du bloc de l'Est, mais s'est heurtée à des tensions internationales ainsi qu'à une impossibilité de prendre en charge les millions de personnes déplacées par la Seconde guerre Mondiale. Aujourd'hui, le HCR est incontournable pour les réfugiés, autant par son intervention dans la procédure de reconnaissance que dans la mission de protection pour ces derniers.

Ainsi, toutes ces précisions montrent que le droit d'asile s'est forgé de façon progressive pour arriver aujourd'hui à ce statut juridique du réfugié.

Notre présente étude scientifique aura pour ambition de permettre une grande compréhension de la notion de réfugié à travers le prisme de l'asile avec qui elle partage des liens profonds. Pour cela, il s'agira de noter que le droit international du réfugié ne s'est pas forgé et consolidé en un jour, mais de manière progressive, l'asile est entré officiellement dans le champ normatif international, et a inspiré la définition internationale du réfugié, et la consécration d'un statut juridique du réfugié. Ce statut renvoie essentiellement à la procédure conduisant à la détermination du statut de réfugié, c'est-à-dire la reconnaissance officielle du réfugié, et aussi la protection qui doit être dévolue à ce réfugié. Mais aussi cette connaissance du réfugié doit indiquer les inévitables difficultés auxquelles est confronté le réfugié. Car de plus en plus aujourd'hui, à cause de divers facteurs parmi lesquels le terrorisme et la méfiance croissante des pays européens, le droit d'asile se voit remis en cause, et son image d'antan n'est plus la même aujourd'hui.

Le régime juridique dévolu au réfugié occupera donc une place importance dans notre analyse. Mais en termes de droit comparé, nous pouvons dire que la phase importante de la procédure d'asile (devant conduire à la reconnaissance officielle du réfugié) peut différer selon les pays, qu'il s'agisse des structures compétentes, mais aussi des règles relatives aux prérogatives reconnues aux réfugiés. Cela se justifie par le fait que des pans entiers du régime juridique des réfugiés n'échappent pas au droit interne des Etats, dans les domaines législatifs et règlementaires. A titre illustratif, on note qu'au Sénégal, c'est la Loi 68-27 du 24 juillet 1968 portant statut des réfugiés qui les définit ainsi que les services et organismes compétents (même s'il est compatible avec la Convention de Genève qu'il reprend d'ailleurs) mais de plus, il ya aussi divers décrets et arrêtés dans le domaine des réfugiés réglementant notamment les organismes compétents avec au Sénégal, la Commission nationale d'éligibilité (CNE).

Aussi, il faut souligner que le cadre juridique international correspond essentiellement à deux phases : la reconnaissance du statut de réfugié aux personnes qui remplissent les conditions préétablies notamment en substance par la convention de Genève, et aussi la protection dont devront bénéficier ces réfugiés une fois reconnus ainsi, ce qui leur octroiera ainsi certains droits. Ces questions sont importantes car elles peuvent résumer la quintessence du statut qui a été défini et accordé au réfugié. La reconnaissance doit obéir à une procédure claire et préétablie qui peut d'ailleurs contenir une part de droit interne. Quant à la protection, il faut noter qu'elle est essentielle car rappelons qu'en premier lieu, le réfugié a fui des persécutions contre lesquelles son pays d'origine n'était pas en mesure de lui apporter une protection.

Toutefois, il ne s'agira pas uniquement de nous intéresser à la description du régime juridique caractérisant le réfugié. En effet, il faut noter que dans les dernières années, le droit d'asile ainsi que le statut du réfugié se sont particulièrement effrités et s'exposent même aujourd'hui presque à une remise en cause. Tandis que des individus continuent à fuir les menaces qui pèsent sur leur vie et leur liberté, les gouvernements ont de plus en plus de mal, pour des raisons diverses, à concilier leurs élans et leurs obligations humanitaires avec les besoins nationaux et les réalités politiques.

Cela est surtout le fait des pays développés qui en sont venus à juxtaposer les problèmes récurrents de l'émigration clandestine avec la question des réfugiés, ce qui fait que les réfugiés, malgré leur statut juridique, sont désormais difficilement distingués des migrants ordinaires. C'est ainsi que l'asile se trouve de plus en plus remis en cause. Après le 11 septembre et la montée du terrorisme, les Etats ont fortement renforcé leurs frontières et ont durci leur politique relative à tous les étrangers, y compris les réfugiés. A cela s'est greffé le problème de l'émigration clandestine. Désormais, l'asile et les réfugiés sont poussés dans leurs retranchements avec les diverses atteintes notées et que nous tenterons d'analyser.

Le présent mémoire a donc pour finalité de montrer la place qu'occupe le réfugié dans le monde d'aujourd'hui, autant sur le plan juridique, c'est-à-dire des normes qui lui sont applicables, que sur le plan pratique c'est-à-dire le traitement concret dans la vie de tous les jours qui est réservé aux réfugiés notamment par les Etats dans le domaine de la protection. Il est évident que pour arriver à cette finalité, une analyse conjointe de l'état du droit d'asile et du réfugié nous paraît plus pertinente, sans pour autant revenir sur l'interconnexion existant entre ces deux notions, interconnexion que nous avons déjà largement relevée.

La genèse de l'asile ayant déjà été abordée dans l'introduction, il s'agira pour nous de montrer que l'asile est un droit du réfugié, mais qui a suivi un processus pendant lequel il a été progressivement défini et précisé (1e Partie). Il s'agira aussi de voir comment ce droit d'asile a été remis en cause, et apparait aujourd'hui comme un objet de controverses pour les réfugiés dans le monde (2e Partie).

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1e Partie : L'asile, un droit du réfugié aux contours juridiques progressivement définis et précisés

Droit d'asile et réfugiés n'ont pas toujours entretenu les relations connexes et poussées qu'ils ont aujourd'hui. En effet, comme l'illustre l'évolution de l'histoire de l'asile retracée plus haut, le droit d'asile n'a pas toujours correspondu à un droit du réfugié.

Même si le droit d'asile a existé depuis des siècles, ce n'est qu'à la moitié du XXe siècle que va véritablement être posée la question de son insertion dans le cadre juridique international. Cette nécessité sera sans doute justifiée par des événements majeurs ayant entrainé des déplacements massifs de populations, des massacres, ainsi qu'une menace permanente sur les libertés les plus élémentaires des individus. Dans ces cas donc, le devoir qui incombe aux gouvernements de protéger leurs citoyens n'est plus respecté. Ces citoyens sont donc confrontés à des violations de leurs droits et libertés, et pourraient demander à d'autres territoires accueillants de les recueillir et de les protéger. C'est le droit international d'asile.

Toutefois, même si sur le plan international, la DUDH de 1948 l'énonce dans ses articles 13 et 14, « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays »1(*), c'est bien la Convention de Genève sur les réfugiés, trois ans après en 1951 qui sera la référence en matière de droit international d'asile. C'est en effet cette Convention qui, avec la définition internationale donnée au réfugié2(*), donnera une dimension internationale au réfugié, qui désormais bénéficiera d'un véritable statut juridique.

Complétée plus tard par d'autres instruments internationaux comme le protocole de 1967 qui élargira les effets de la Convention de Genève, cette dernière posera un véritable droit du réfugié qui sera réglementé dans plusieurs domaines. Ainsi sera-t-il de la procédure conduisant à la reconnaissance du statut du réfugié appelée détermination du statut du réfugié (DSR), mais aussi de la protection dont devront bénéficier les réfugiés.

Ces deux importantes phases que sont la détermination du statut du réfugié et la protection qui lui sera dévolue feront intervenir essentiellement deux principaux acteurs : l'Etat et le haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Il faut préciser que ces deux phases sont essentiellement régies par la Convention de Genève de 1951, mais sont aussi sous-tendues par des principes majeurs comme le principe du non-refoulement, mais aussi d'autres avantages qui seront reconnus au réfugié, une fois qu'il sera admis comme tel.

Nous verrons donc que l'ancrage des règles juridiques encadrant le droit d'asile s'est fait progressivement (Chapitre 1) et a notamment conduit à une réglementation des questions de l'admission et de la protection internationale des réfugiés (Chapitre 2).

Chapitre 1 : L'ancrage progressif des règles juridiques internationales encadrant l'asile du réfugié

Certes, le droit d'asile a été plus ou moins appliqué durant les siècles précédents (avec notamment l'asile chrétien). Néanmoins, le droit international public dans sa forme contemporaine n'étant apparu que récemment, l'avènement d'un système juridique international encadrant le droit d'asile s'est formé et consolidé dans la seconde moitié du XXe siècle.

En effet, les terres de l'Europe ont été tout au long de ce siècle le théâtre d'événements affreux portant une atteinte grave aux libertés mais aussi à l'intégrité même des personnes (Deux guerres mondiales, Shoa etc.). C'est donc en Europe qu'a été ébauchée l'idée d'un droit international d'asile après la Seconde Guerre Mondiale. C'est dans ce contexte qu'apparaitra la Convention de Genève, qui d'ailleurs se limitait à l'Europe dans un premier temps. Complétée ensuite par d'autres instruments internationaux, elle apportera une définition internationale du réfugié qui, progressivement conduira à la mise en place d'un régime juridique du réfugié.

Il y aura donc une véritable institutionnalisation d'un droit du réfugié, qui se déroulera progressivement.

Le terme de réfugié s'appliquera donc à toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays3(*).

Ainsi, nous verrons d'abord qu'une définition d'un droit international d'asile est intervenue à partir de la Seconde Guerre Mondiale (Section 1), mais aussi cette définition conduira à l'institutionnalisation d'un véritable droit du réfugié (Section 2).

Section 1 : La définition d'un droit international d'asile à partir de la Seconde Guerre Mondiale

Le XXe siècle a été sans doute marqué par des déplacements massifs de populations dus aux conflits armés presque permanents dans le monde, et aux persécutions diverses perpétrées sur ces populations. Dans ce contexte, la Seconde Guerre Mondiale, avec son lot d'inhumanités et de barbaries, a occasionné des déplacements sans précédent, rendant nécessaire une prise en charge internationale de ces derniers. La convention de Genève a donc constitué un tournant important (Paragraphe 1) et le réfugié va être au coeur du droit international d'asile actuel (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La Convention de Genève, un tournant important

La Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève, définit les modalités selon lesquelles un Etat doit accorder le statut de réfugiés aux personnes qui en font la demande, ainsi que les droits et devoirs de ces personnes.4(*) Elle est intervenue dans un contexte lourd de migrations massives suite à des persécutions multiples (A) et, complétée par d'autres instruments internationaux, elle sera la base du droit international d'asile actuel (B).

A - Le contexte de migrations massives

Avant que la Convention de Genève ne soit ficelée en 1951, le 20e siècle, notamment dans sa première moitié, a été jalonné par des événements qui auront occasionné des déplacements massifs de populations à des époques différentes et causés par des facteurs divers.

Il faut d'abord noter que la migration humaine, qui est un déplacement du lieu de vie d'individus, est un phénomène très ancien, et qui a quasiment toujours existé. Toutefois, il faut préciser que les migrations humaines peuvent prendre des formes diverses. En effet, il existe des migrations économiques, permanentes, ou des migrations de contrainte (de réfugiés). Ainsi, ce sont essentiellement ces migrations de réfugiés, justifiées par des mobiles de contrainte, à savoir des persécutions diverses, qui conduiront à la convention de Genève. Les persécutions peuvent être diverses : ethniques, religieuses, issues de guerres civiles ou de régimes politiques injustes.

Avant de nous intéresser à ces migrations, il faut sans doute apporter des éclaircissements d'ordre sémantique et conceptuel. En effet, des confusions sont souvent faites autour des notions de migrations, de réfugiés et de l'exil. La notion de migration évoque davantage le mouvement, elle est définie comme « le déplacement d'une population qui passe d'un territoire dans un autre pour s'y établir, définitivement ou temporairement ».5(*) Ainsi, cette notion de migrant est souvent associée à l'idée de recherche de travail et c'est un mouvement consenti, contrairement aux réfugiés pour qui leurs déplacements sont caractérisés par la contrainte.

Ensuite, il ya la notion d'exilé qui évoque davantage la dimension anthropologique de la vie sociale au loin, du sentiment de dépaysement alors que le réfugié a un statut juridique qui est strictement réglementé.

Ainsi, parmi les événements ayant occasionné des déplacements dans la première moitié du XXe siècle, il y a d'abord la Première Guerre Mondiale qui s'est déroulée du 4 Août 1914 au 11 Novembre 1918 essentiellement en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient (aussi brièvement en Chine et dans l'Océan Pacifique). Cette guerre a entrainé des millions de morts, avec aussi d'autres événements survenus pendant cette période avec le génocide arménien (Avril 1915 à juillet 1916), la première bataille de l'Atlantique ou encore la Révolution russe (1917 à 1923) qui ont fortement touché les populations.

Par ailleurs, l'un des événements ayant sans doute occasionné les plus grandes migrations est sans doute la persécution des juifs dans les années 1930. En effet, dès l'accession d'Adolf Hitler au pouvoir, le nombre d'exilés juifs aux frontières allemandes augmente. C'est d'ailleurs cette persécution incessante des juifs, qui s'avérera plus tard en réalité un processus qui conduira au Shoah, processus dont les étapes ont été la définition des Juifs, leur expropriation, leur concentration, et enfin leur destruction6(*).

Ce Shoah se déroulera durant la Seconde Guerre Mondiale, conflit armé à l'échelle planétaire qui s'est déroulé de septembre 1939 à septembre 1945, et qui va définitivement poser le contexte d'une nécessaire intervention en vue de s'occuper d'abord du sort des populations civiles en temps de guerre, mais aussi par ailleurs des millions de déplacés que causa ce conflit. C'est ce bond de conscience qui va engendrer une montée du droit international humanitaire avec en perspective des acquis juridiques non négligeables.

Il conviendra d'ailleurs ici de rappeler le lien clair qui unit le droit international d'asile et le droit humanitaire. En effet, la formalisation juridique de l'asile ainsi que du réfugié est clairement sous-tendue par des considérations avant tout humanitaires.

Cette précision de taille nous permettra de noter qu'ainsi, c'est cette Seconde Guerre Mondiale, avec son lot de millions de disparus et de crimes de masse, qui conduira, pour la première fois, à l'élaboration des notions juridiques de « crimes contre l'humanité » ou encore de « génocides ». Cet élan humanitaire sera même poussé jusqu'à l'adoption des Conventions de Genève de 1949 qui protègent les populations civiles en temps de guerre.7(*)

En effet, cette guerre a causé en Europe des séquelles très importantes. Ainsi, durant cette guerre, les nazis ont poussé à l'extrême leur désir de soumettre les autres peuples à leur idéologie, occasionnant ainsi divers génocides, massacres et déportations. Environ 50 millions de morts dont 35 millions d'européens8(*) seront recensés.

Ainsi, au lendemain de la guerre la plus meurtrière de l'Histoire de l'Humanité, avec les millions de personnes cherchant refuge dans d'autres pays, notamment en Europe avec des régions et des villes presque entièrement ravagées comme la Normandie, des mesures notamment institutionnelles et juridiques ont dues être prises pour ces millions de personnes déplacées. Ainsi, la toute Première Assemblée Générale des Nations Unies en 1946 fit du sort des réfugiés une priorité. Cela conduira à la création de l'Organisation Internationale pour les Réfugiés (OIR) en 1947.

Cette institution aura pour objectif principal d'accueillir les réfugiés provenant du Bloc de l'Est en leur accordant une protection juridique et physique. Toutefois, cette institution fut incapable de prendre en charge les millions de déplacés sur le continent européen au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.

C'est cet échec de l'OIR qui conduira à la création, le 1er Janvier 1951, du Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR).

Le HCR aura d'ailleurs pour objectif principal de veiller à l'application d'une convention d'une extrême importance pour les réfugiés, et qui va constituer une véritable plaque tournante pour le droit international d'asile : c'est la Convention du 28 Juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ou Convention de Genève).

B - La Convention de Genève, base du droit international d'asile actuel

En vue d'apporter un support textuel au processus d'institutionnalisation qui a été motivé notamment par la Seconde Guerre Mondiale, une Convention relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève sera adoptée le 28 juillet 1951.

Il faut d'abord noter plusieurs préalables importants à cette adoption. D'abord, la DUDH du 10 Décembre 1948 avait déjà émis des préoccupations relatives aux victimes de persécutions diverses : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays ».9(*)

Ensuite, en 1950, l'Assemblée Générale des Nations Unies qui s'est réunie a adopté la résolution 428 V de l'Assemblée générale du 14 Décembre 1950 portant statut du Haut Commissariat pour les Réfugiés. Ce statut sera adopté en annexe à la résolution en question.

Il faut toutefois préciser que lors de sa création en 1949, l'objet du HCR était essentiellement la préparation de la Convention de Genève. Néanmoins, le HCR se présentait sous la forme d'une institution subsidiaire (dénuée d'autonomie juridique et financière, et assujettie au contrôle et aux directives de l'Assemblée générale)10(*). C'était une fonction individuelle accompagnée d'assistants, et non pas un organisme d'abord. Il s'agissait de la fonction de Haut-commissaire aux réfugiés, exercée auprès et sous l'autorité du Secrétaire général des Nations-Unies.

Mais avant de nous intéresser à cette Convention, et en vue d'éviter d'éventuelles confusions, il faut ici noter que la Convention du 28 Juillet 1951 relative au statut des réfugiés dite Convention de Genève est à différencier des conventions de Genève (conventions sur le droit international humanitaire) qui depuis 1949 codifient les droits et devoirs des combattants et civils en temps de guerre.

Par ailleurs, ce sera trois ans après la création du HCR en 1949 que celui-ci aboutira à l'élaboration d'une convention internationale sur les réfugiés, comme il en était convenu lors de sa création. C'est ainsi sur la base de la résolution notée plus haut que sera adoptée la Convention de Genève. En effet, la Convention de Genève sera adoptée le 28 juillet 1951 par une conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et apatrides convoquée par l'ONU en application de la résolution 429 (V) de l'Assemblée générale en date du 14 Décembre 1950. Cette convention apparaitra comme l'arc de voute du droit international d'asile. Toutefois, il n'en a pas toujours été ainsi.

La Convention de Genève en 1951 lors de son adoption présentait certaines particularités.

Elle ne pouvait vraiment se départir de la situation qui prévalait alors, à savoir la fin de la Seconde Guerre Mondiale, et comme noté plus haut, cette convention répondait à des besoins humanitaires pressants avec les millions de déplacés. Par ailleurs, divers facteurs s'immisçaient dans ce contexte particulier. Il ya d'abord le fait que la Seconde guerre Mondiale s'étant surtout déroulée en Europe, et que le texte répondait surtout d'abord aux besoins des européens déplacés, la convention de Genève apparaissait comme européo-centré. Ensuite, il ya les exactions diverses commises telles la Shoah, qui obligeaient à plus s'intéresser au sort des peuples sur le plan humanitaire. S'y ajoutera sans doute le contexte pesant de la Guerre froide naissante avec toute sa portée politique.

Toutefois, la plus grande particularité restait sans doute le fait que la convention de Genève, à son adoption, limitait géographiquement son application à l'Europe. Ceci s'explique par le fait que le texte adopté était pensé pour les réfugiés européens déplacés par la guerre.

A la lumière de ces précisions, nous pouvons d'abord dire que la convention a pour titre officiel Convention relative au statut des réfugiés et a été signée à Genève le 28 juillet 1951. Elle se subdivise en 46 articles étalés sur sept (7) chapitres énoncés successivement comme ceci : les dispositions générales, la condition juridique, les emplois lucratifs, le bien-être, les mesures administratives, les dispositions exécutoires et transitoires et les clauses finales.

Conformément au droit international public des traités, nous pouvons noter que la signature d'une convention n'emporte pas automatiquement application des effets. C'est ainsi que pour la convention présente, c'est l'article 43 qui réglemente l'entrée en vigueur de la Convention en la conditionnant à 90 jours après le dépôt de 6 ratifications11(*). Ce sera donc le 22 Avril 1954 qu'entrera en vigueur cette convention, conformément à cet article 43 précité.

La Convention de Genève aura trois apports essentiels : d'abord, elle apportera une définition internationale du réfugié, ensuite, elle proclamera le principe du non-refoulement (Article 33), et enfin il ya l'immunité juridictionnelle des réfugiés (Article 31).

Etant vouée à être la principale source juridique pour le droit international d'asile des réfugiés naissant, la Convention de Genève aura pour article central, c'est-à-dire qui aura sans doute la plus grande portée, notamment sur le plan juridique, l'Article 1.A2 qui, pour la première fois apportera une définition internationale de la notion de réfugié.

Néanmoins, il faut rappeler qu'au moment de l'entrée en vigueur de la Convention de Genève, celle-ci était géographiquement limitée au territoire européen. Cette situation va perdurer durant des années. C'est enfin en 1967 que sera résolu ce problème avec le protocole de New York qui apportera certaines modifications substantielles à la Convention de 1951.

Ce protocole fait suite à la réunion d'experts convoquée par le Haut Commissaire aux réfugiés destinée à étendre le champ d'application de la convention de Genève, surtout sur le plan temporel. Ce protocole en termes minimaux sera conclu le 31 janvier 1967 à New York et va supprimer juridiquement la référence temporelle (la référence aux événements survenus avant le 1er Janvier 1951 pour désigner les réfugiés).

Le protocole, indépendant de la Convention de Genève, même s'ils n'en sont pas moins liés, va ainsi lever les limites géographiques et temporelles contenues dans la Convention.

Ainsi, en Aout 2008,144 Etats (sur les 192 Etats Membres de l'ONU d'alors) ont ratifié la Convention de Genève ou le Protocole de 1967 (ou les deux)12(*).

Par ailleurs, concernant la place de la Convention de Genève ainsi que le protocole de 1967, il convient de noter qu' « elles ont une force supérieure à la loi conformément à l'article 55 de la Constitution de 1958 ». Au Sénégal, c'est l'article 98 de la Constitution de 2001 qui consacre cette supériorité. Il ya aussi la Jurisprudence française, avec l'arrêt Société Café Jacques Vabres de 1975 de la Cour de Cassation française (qui impose le respect d'un traité par une loi postérieure) mais surtout l'arrêt Nicolo de 1989 du Conseil d'Etat français qui consacre la supériorité du traité sur une loi même postérieure.

Toutefois, en plus du protocole de 1967, plusieurs autres instruments, notamment régionaux, vont venir compléter la Convention de Genève. Parmi ces instruments, on peut citer d'abord dès 1969 la convention de l'Organisation pour l'Unité Africaine (OUA) régissant les aspects propres au problème des réfugiés en Afrique. Ensuite en 1984, la déclaration de Carthagène a réuni cette fois-ci d'éminents juristes et des représentants des gouvernements d'Amérique latine. En plus de ces supports, il faut noter qu'une législation nationale est indispensable dans l'ordre interne pour pouvoir prétendre au renforcement de l'asile (notamment la procédure de détermination du statut de réfugié).

En définitive, la Convention de Genève, apparue dans un contexte de migrations massives qui nécessitaient un support juridique, peut être considérée, complétée par d'autres instruments, comme la base du droit d'asile contemporain. Ce droit d'asile contemporain se caractérise par la notion de réfugié dont la définition a été justement apportée par la Convention de Genève de 1951. C'est cette notion de réfugié qui sera au coeur du droit d'asile contemporain.

Paragraphe 2 : Le réfugié, au coeur du droit d'asile contemporain

Le réfugié est aujourd'hui au centre même du droit international d'asile. Il convient sans doute de rappeler que le droit d'asile n'a pas toujours correspondu à un droit du réfugié.13(*) Aujourd'hui, la place qu'occupe le réfugié tient surtout de la définition internationale donnée à la notion de réfugié contenue dans la convention de Genève de 1951 et reprise ensuite par divers autres instruments (A) ; mais aussi, cette définition conduira à la consécration et au perfectionnement d'un véritable statut juridique pour le réfugié (B).

A - La définition internationale de la notion de réfugié

A travers l'Histoire, le droit d'asile a existé depuis des siècles, consacrant ainsi une certaine notion de réfugié qui a traversé les âges. En effet, de tous temps et dans toutes les régions du monde, il ya toujours eu des individus victimes de persécutions diverses et qui cherchaient asile vers des terres plus clémentes. On parlait souvent d'asile religieux (notamment chrétien). Toutefois, il n y eut jamais de normes universelles ou de réglementation de cette notion, même si le terme de réfugié a été utilisé pour la première fois en 1685 (date de la révocation de l'édit de Nantes par Louis XIV mettant le protestantisme hors la loi) pour désigner les protestants huguenots fuyant la France catholique.14(*) Il aura fallu attendre jusqu'au XXe siècle pour assister à un début d'élaboration de normes relatives à la définition et à la protection de ces personnes, normes guidées par la nécessité d'un sursaut humanitaire dans le monde, surtout après des événements tels les deux guerres mondiales.15(*) C'est tout le sens de la Convention de Genève de 195116(*) analysée plus haut qui apportera pour la première fois une définition internationale et juridique de la notion de réfugié.

Toutefois, il faudrait d'ores et déjà préciser que cette définition internationale est à différencier des définitions communes de la notion de réfugié.

En effet, le dictionnaire Le Robert définit le réfugié comme « une personne qui a du fuir le lieu, le pays qu'elle habitait afin d'échapper un danger ».

Par ailleurs, pour le Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse, le réfugié est « une personne ayant quitté son pays d'origine pour des raisons politiques, religieuses ou raciales et ne bénéficiant pas, dans le pays où elle réside, du même statut que les populations autochtones, dont elle n'a pas acquis la nationalité. »

Toutefois, la définition internationale en vigueur est celle apportée par la Convention relative au statut des réfugiés de 1951.

La Convention relative au statut des réfugiés du 22 Avril 1954, dans son article 1. A2, définit le réfugié comme toute personne «  qui, par suite d'événements survenus avant le 1er janvier 1951, et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. »

Cette définition internationale du réfugié sera le point d'orgue d'une définition progressive d'un statut du réfugié. Toutefois, il conviendra auparavant de tenter d'expliciter le sens de cette définition. En effet, la Convention de Genève définit non pas le droit international d'asile, mais plutôt le réfugié. Comme nous l'avons souligné dans nos développements antérieurs, la Convention de Genève est passé d'un texte européo-centré (qui limitait ses effets juridiques au sol européen) à une vocation plus universaliste, avec le Protocole de 1967 qui participera à étendre les effets de la Convention de Genève.

D'ailleurs, il convient sans doute de préciser que la notion de réfugié sur le plan juridique c'est-à-dire au sens de la Convention, est aujourd'hui à distinguer notamment de notions comme celles d'immigré, d'exilé, d'apatride, de déplacés internes ou même de demandeur d'asile.

En effet, la notion d'exilé, comme souligné plus haut dans nos développements, évoque davantage la dimension anthropologique de la vie sociale au loin, du sentiment de dépaysement alors que le réfugié a un statut juridique qui est strictement réglementé. D'autre part, l'immigrant est une personne qui a choisi de s'établir dans un autre pays (l'immigrant reçu désigne le résident permanent) tandis que l'apatride, régi par la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction de l'apatridie, qui se définit comme une personne qu'aucun Etat ne considère comme ressortissant par application de sa législation (il peut être réfugié ou pas)17(*).

Par ailleurs, il ya la notion de déplacés internes, qui ont fui leur foyer mais n'ont pas cherché refuge dans un autre pays, et n'ayant ainsi pas franchi de frontière internationale, ne sont pas couvertes par la Convention de Genève.

Ainsi, nous pouvons dire que dans cette définition internationale du réfugié, il ya divers éléments d'identification du réfugié au sens de la Convention de Genève de 1951.

Il en est ainsi de la persécution. En effet, le réfugié au sens de la convention doit avant tout se caractériser par une crainte (fondée) de persécutions.

Toutefois, il faut noter que le terme « persécutions » qui est pourtant central dans la définition du réfugié, n'est lui-même pas défini dans la Convention de 1951. Néanmoins, celles-ci peuvent être, selon la Convention, du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. La persécution est donc définie par rapport à ces cinq motifs énoncés. Ainsi, la possibilité de subir ces persécutions doit bien être réelle et évaluable pour pouvoir prétendre acquérir le statut de réfugié. La persécution aux termes de la Convention est ainsi un ensemble complexe de raisons, d'intérêts et de mesures.

D'autre part, il ya aussi l'élément territorial. En effet, le réfugié doit avoir quitté les frontières du pays dont il détient la nationalité. Cet élément est important dans la mesure où il est capital dans la distinction entre réfugié et notions voisines telles les déplacés internes (qui n'ont pas quitté leurs frontières).

Enfin, il ya la question de la protection censée être apportée à tout individu par l'Etat, mais qui, pour les réfugiés, n'est pas effective au point où ces derniers « ne veulent ou [...] ne peuvent se réclamer de cette protection ».

Par ailleurs, nous devons noter que, dans l'optique d'intégrer cette définition ainsi que le statut juridique du réfugié dans les champs normatifs communautaires respectifs, divers instruments, régionaux pour la plupart, ont repris la Convention de Genève, pour même y apporter souvent quelques compléments.

C'est ainsi que la Convention de L'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, du 10 Septembre 1969 reprend dans son article 1e, alinéa 1, la définition de la Convention de Genève de 1951 (Article 1 A.2) mais aussi ajoute dan un 2e alinéa que « le terme réfugié s'applique également à toute personne qui, du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'événements troublant gravement l'ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l'extérieur de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité ».

Ensuite, en 1984, un colloque de représentants des gouvernements d'Amérique latine et d'éminents juristes a adopté la Déclaration de Carthagène, qui élargira à son tour le champ de la définition du réfugié contenue dans la Convention de 1951 aux personnes qui fuient leur pays « parce que leur vie, leur sécurité ou leur liberté étaient menacées par une violence généralisée, une agression étrangère, des conflits internes, une violation massive des droits de l'homme ou d'autres circonstances ayant perturbé gravement l'ordre public. »

Aussi, le droit international admet souvent que des réserves soient prises à l'égard d'un traité dans son application. Les réserves sont des déclarations unilatérales d'un Etat tendant à exclure ou limiter les effets juridiques d'un traité multilatéral dans son application à leur égard. Toutefois, en ce qui concerne la convention de 1951, bien que les réserves soient admises, l'intégrité de certains articles est absolument protégée (articles premier : définition ; article 3, non-discrimination ; article 4, religion ; article 33, principe du non-refoulement).

En définitive, nous pouvons dire que la définition internationale de la notion de réfugié posée par la Convention de Genève de 1951, et reprise par divers autres instruments juridiques, va précipiter la consécration d'un véritable statut juridique du réfugié.

B - La consécration d'un statut juridique du réfugié

La définition internationale de la notion de réfugié analysée précédemment a sans doute été le déclencheur de la création d'un statut juridique du réfugié dont le processus a pourtant commencé depuis longtemps.

Toutefois, il faut déjà rappeler que la notion de réfugié, ainsi que ce statut qui s'est forgé, ne se départissent jamais de la notion d'asile, qui les recouvre, et les définit même. C'est dans ce sillage que l'explication de l'avènement d'un statut juridique pour le réfugié invoque forcément l'asile. En effet, la consécration d'un statut juridique du réfugié est progressive. Elle s'est surtout amorcée de 1920 à 1951 avec la convention de Genève.

Sur ce point, les travaux de Fridtjov Nansen sont incontournables. Nansen est un humanitariste suisse qui, au cours du XXe siècle, a contribué fortement à un développement du droit d'asile et d'un droit du réfugié. Il fonde dès 1920 le Comité Nansen pour secourir prisonniers et réfugiés de guerre. Il devint le premier « haut-commissaire pour les réfugiés » de la Société des Nations (SDN). Mais un pas important vers un statut juridique international sera sans doute franchi le 5 juillet 1922 avec la signature d'un accord international conclu à Genève créant le «Passeport Nansen» qui permet à des personnes déplacées de retrouver une identité. Plus tard, le passeport octroyé aux réfugiés recevra d'ailleurs la dénomination « Passeport N » en hommage à Fridtjov Nansen.

Par ailleurs, parallèlement aux travaux de Nansen, il s'agissait durant cette période pour les Etats (notamment les démocraties occidentales) de résoudre les problèmes nés des déplacements forcés de population que les deux guerres mondiales et les régimes totalitaires avaient provoqués dans un élan humanitaire sans précédent.

Toutefois, sans revenir sur la chronologie des événements ayant entrainé durant le XXe siècle des millions et des millions de déplacés (deux guerres mondiales, la Shoah etc.), il conviendra de noter que c'est la Convention de Genève qui va véritablement dresser le statut juridique du réfugié, tel que reconnu aujourd'hui.

En effet, avant 1951, malgré le passeport Nansen ainsi que les diverses avancées notées avec quelques supports textuels (Article 13 et 14 DUDH de 1948), le réfugié constituait une notion sans fondement juridique précis, sans support textuel d'une grande envergure qui créerait des obligations surtout par rapport aux Etats. Un statut juridique suppose en effet pour une notion ou un domaine d'action une réglementation juridique précise mettant en exergue divers facteurs tels la prévoyance de droits et obligations, des règles de procédure applicables selon l'espèce, or cela n'est véritablement apparu pour la notion de réfugié qu'avec la Convention de Genève de 1951, avec notamment la définition internationale analysée dans nos développements précédents.

L'apport essentiel de ce statut juridique sera la prévoyance de critères définis sur la base de divers instruments juridiques et qui permettront de déterminer qui aura la faculté d'acquérir le statut de réfugié, et qui ne l'a pas. On parle alors de détermination du statut de réfugié. Cette détermination est essentielle, et doit être strictement encadrée, car le statut de réfugié, une fois octroyé, produit des effets juridiques, et fait notamment bénéficier son titulaire de divers droits et attributs qui lui seront reconnus et seront protégés par les pays d'accueil. Ce statut juridique prévoit dans une large mesure la protection qui doit être accordée au réfugié, protection qui rappelons-le, lui faisait défaut dans son pays d'origine, car il ne pouvait s'en réclamer. On peut donc dire que ce statut juridique du réfugié consacré tournera essentiellement autour de ces axes, à savoir un encadrement des procédures de détermination, la production d'effets à l'égard des réfugié parmi lesquels des droits et avantages, et enfin la protection dévolue aux réfugiés de la part des Etats d'accueil principalement.

Par ailleurs, ce statut juridique des réfugiés sera explicité puis complété par les divers instruments régionaux mais aussi le droit interne. En effet, il convient de noter que par delà la reprise de la définition internationale du réfugié, le statut juridique du réfugié est surtout appliqué et transcrit dans le droit interne. D'ailleurs, c'est dans le droit interne qu'apparaitra certains mécanismes exclusifs et spécifiques au régime juridique des pays d'accueil. Ainsi, au Sénégal par exemple, c'est la Loi 68-27 du 24 juillet 1968 portant statut des réfugiés qui consacre le statut juridique, mais l'Article 9 précise que « des décrets fixeront les conditions d'application de la présente loi. » il s'agit aussi des services et organismes qui doivent prendre en charge la question des réfugiés, et qui sont différents d'un Etat à un autre. Ces organismes sont définis et réglementés par la législation nationale ou la réglementation. Il apparait donc que le droit interne est d'une importance extrême par rapport à ce statut juridique des réfugiés.

Ainsi, une fois ce droit international progressivement défini, avec notamment la convention de Genève qui constituera le point d'orgue de ce droit international d'asile, un statut juridique du réfugié sera élaboré, statut qui mettra le réfugié au coeur du droit international d'asile. C'est ce statut qui entrainera l'institutionnalisation de ce droit du réfugié, qui tournera essentiellement autour de la détermination du statut juridique du réfugié.

Section 2 : L'institutionnalisation progressive d'un véritable droit du réfugié par une détermination de son statut

Le droit international d'asile s'apparente de plus en plus à un droit du réfugié, c'est-à-dire un système juridique axé autour de la convention de 1951 mais aussi d'autres instruments juridiques et institutions nationales ou internationales, et qui tend à réglementer dans leurs divers contours le statut et le régime juridique applicables au réfugié. Il en est ainsi de la détermination du statut du réfugié. Ainsi, la DSR peut être définie comme « le processus par lequel les autorités du pays ou le HCR établissent qu'une personne qui sollicite la protection internationale est bien un réfugié c'est-à-dire qu'elle remplit les critères d'éligibilité définis par les instruments régionaux ou internationaux relatifs aux réfugiés, par la législation nationale ou par le mandat du HCR ».18(*) Toutefois, il convient ici de préciser que dans ce cadre précis, il s'agira uniquement de dégager les caractéristiques majeures de la DSR, car les questions strictement procédurales seront étudiées dans des développements ultérieurs.

Ainsi, nous nous intéresserons d'abord à cette notion de DSR (Paragraphe premier) mais aussi nous verrons que cette reconnaissance des réfugiés ne manque pas de produire des effets divers (paragraphe second).

Paragraphe 1 : La notion de Détermination du statut de réfugié

La DSR occupe une place importante dans le droit international d'asile. Elle a donc un cadre juridico-institutionnel bien défini, caractérisé par la prévalence de textes régionaux ou internationaux, et la législation nationale, mais aussi l'intervention de diverses autorités compétentes (A). Et par ailleurs, le régime de détermination peut être individuel ou par groupes, `prima facie' (B)

A - Le cadre juridico-institutionnel de la détermination du statut de réfugié

La DSR se caractérise avant tout par un cadre juridique bien défini, avec l'intervention de divers textes, mais aussi par ailleurs il ya des autorités compétentes en matière de détermination de ce statut du réfugié.

Il conviendrait toutefois de procéder à de sommaires précisions relatives à la notion même de DSR. En effet, la DSR correspond essentiellement d'abord à répondre à la question centrale de laquelle découleront toutes les autres à régler : il s'agit de déterminer qui est un réfugié ? Ainsi, cette question, qui sous-tend d'autres interrogations parmi lesquelles les critères d'éligibilité, fait intervenir divers textes, autant régionaux qu'internationaux.

Il faut d'abord noter que la définition du réfugié, dont on a parlé plus haut dans nos développements, a d'abord été apportée par la Convention de 1951 complétée par le protocole de 1967 qui lui donne une vocation universelle. Mais cette définition sera complétée par divers instruments régionaux. Il en est ainsi de la Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique de 1969 et la Déclaration de Carthagène sur les réfugiés de 1984, entre autres instruments. Ainsi, la Convention de l'OUA de 1969, en plus de reprendre la définition du réfugié de la Convention de 1951, apporte des précisions prenant en charge certains aspects spécifiques du réfugié en Afrique.

Toutefois, le cadre juridique de la DSR s'élargit au droit interne. Ainsi, dans le cadre interne, la législation nationale des pays procède souvent à une reprise des définitions internationales. Intégrer le droit international dans la législation nationale revêt une importance particulière dans les domaines que ne couvre pas la convention de 1951, comme les procédures de détermination du statut de réfugié.

Ainsi, au Sénégal, c'est essentiellement la Loi 68-27 du 24 Juillet 1968 relative au statut des réfugiés qui s'impose. Il faut noter que cette loi reprend du point de vue conceptuel les définitions de la Convention de 1951 ; d'ailleurs, l'article premier stipule : « la présente loi s'applique à toute personne étrangère réfugiée au Sénégal qui relève du mandat du HCR ou qui répond aux définitions de l'article premier de la convention de Genève du 28 Juillet 1951 relative au statut des réfugiés ». Mais c'est la réglementation qui prévoit les conditions d'application de cette loi au Sénégal, avec notamment les autorités compétentes en matière de réfugié, la composition et le fonctionnement des commissions, les conditions dans lesquelles les réfugiés peuvent recevoir des documents établissant leur qualité et leur identité etc. C'est ainsi que les Etats parties à la Convention de 1951 parmi lesquels notre pays, s'engagent à communiquer au Secrétaire Général des Nations Unies le texte des lois et règlements qu'ils promulguent pour assurer l'application de la Convention.

Parmi ces textes réglementaires au Sénégal, on peut citer le décret n° 78-484 du 5 Juin 1978 relatif à la commission des réfugiés, modifié, le Décret n° 2003-291 du 8 Mai 2003 portant création du comité national chargé de la gestion de la situation des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées, mais aussi l'arrêté présidentiel n° 3809 en date du 13 Avril 2004 fixant la composition, les attributions et le fonctionnement des organes du comité national chargé de la gestion de la situation des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées.

Par ailleurs, une fois le cadre juridique bien défini et établi, il conviendrait de s'intéresser au cadre institutionnel, c'est-à-dire les organes ou autorités compétentes pour intervenir dans la détermination du statut du réfugié.

Il faut d'ores et déjà préciser que la DSR relève essentiellement de deux autorités qui en sont chargés : il s'agit de l'Etat et du HCR. En effet, nous essaieront d'analyser sommairement les organes ainsi que les compétences qui leur sont dévolues.

D'abord, pour reconnaitre un individu comme un réfugié, c'est généralement l'Etat d'accueil qui intervient, c'est-à-dire l'Etat sur le territoire duquel se trouve le demandeur d'asile, et qui est chargé d'examiner la demande d'asile. Il faut préciser, sans pour autant entrer dans les questions procédurales qui feront l'objet d'analyses ultérieures, que cette détermination se fera selon les modalités prévues par la législation nationale, avec la création d'un certain nombre de services chargés de gérer la question des réfugiés, mais aussi la détermination de leurs compétences, relativement surtout à leur fonctionnement.

Au Sénégal, on peut prendre comme exemple le comité national chargé de la gestion de la situation des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées crée en 200319(*) avec la commission nationale d'éligibilité au statut de réfugié (CNE). Il faut aussi noter que l'Etat dispose dans ce cadre d'une grande liberté, car, il faut le rappeler, il existe aujourd'hui un droit d'asile, mais pas vraiment un droit à l'asile, c'est-à-dire que le demandeur d'asile ne peut revendiquer un statut de réfugié uniquement s'il remplit les critères d'éligibilité préalablement posés : on parle de régime déclaratoire. L'Etat peut donc refuser d'octroyer l'asile sous certaines conditions.

D'autre part, il faut noter que l'Etat n'est pas la seule autorité chargée de la DSR. Il ya aussi le Haut Commissariat pour les réfugiés. Le mandat du HCR en matière de DSR, en plus de se rapporter à la reconnaissance d'individus en tant que réfugiés (possibilité de reconnaissance individuelle) a aussi trait à la protection de ces réfugiés.

L'objectif de la DSR relevant de ce mandat est de permettre au HCR de déterminer si les demandeurs d'asile satisfont aux critères de la protection internationale des réfugiés. L'efficacité de la DSR relevant du mandat du HCR comme instrument de protection dépend de l'équité et de l'intégrité des procédures de DSR mises en place par le HCR et de la qualité des décisions prises par l'Organisation dans ce cadre.20(*)

Ainsi, le HCR peut parfois procéder à une détermination de l'éligibilité au statut de réfugié sur une base individuelle par un examen individuel des demandes.

Néanmoins, que ce soit l'Etat ou le HCR qui procède à la DSR, il existe un régime précis de DSR qui d'ailleurs peut être un régime de détermination individuelle ou « prima facie »

B - La Détermination du statut de réfugié, un régime de détermination individuelle ou par groupe : « prima facie »

Pour procéder à l'octroi du statut de réfugié à des demandeurs d'asile, et reconnaitre ainsi tous les attributs qui en résultent, il convient de noter qu'il existe essentiellement deux modalités : ainsi peut-on procéder à une étude casuistique des dossiers, on parle de détermination individuelle ; mais il ya aussi une détermination par groupes de réfugiés ou prima facie.

Toutefois, avant de nous intéresser à ces modalités de détermination, il convient de préciser un fait important, à savoir que le régime de détermination est un régime déclaratoire. Cela signifie que même si le réfugié sera reconnu comme tel par une décision de reconnaissance prise par le pays d'accueil ou le HCR, il n'en reste pas moins qu' « une personne ne devient pas un réfugié en vertu d'une décision de reconnaissance, mais est reconnue parce qu'elle est un réfugié. En d'autres termes, la décision de reconnaissance est déclaratoire : elle reconnait et confirme officiellement que la personne concernée est un réfugié ».21(*)

Concernant la détermination individuelle, nous pouvons dire que le HCR et l'Etat d'accueil peuvent procéder à un examen individuel des demandes.

En effet, lorsqu'il est dénoté des arrivées individuelles de demandeurs d'asile dans un Etat, même s'il est avéré que les Etats ont l'obligation de protéger leurs frontières, il ne doivent pas moins respecter les textes internationaux sur les réfugiés précités et qui équivalent à divers principes tels le respect du droit de chercher et de bénéficier l'asile, le principe du non-refoulement etc.

La détermination individuelle implique d'abord que tout réfugié arrivant dans un pays à la recherche d'asile est considéré comme un demandeur d'asile. Cette notion de demandeur d'asile est à différencier des autres catégories de migrants, et cette distinction est essentielle car les demandeurs d'asile ont certains droits au sens notamment de la Convention de 1951. Ici, des précisions s'imposent car les trois principes énoncés dans la Convention de 1951 en matière d'entrée sur le territoire s'appliquent strictement aux réfugiés ; toutefois, le bon sens commande de les étendre aux demandeurs d'asile à cause du caractère déclaratoire de la DSR. Parmi ces principes, il ya l'absence de sanction pénale du fait de leur entrée ou de leur séjour irrégulier pour les réfugiés arrivant directement de leur pays d'origine (Article 31, Alinéa 1 de la Convention de 1951), ensuite il y a le fait que seules les restrictions nécessaires pourront être appliquées aux déplacements de ces réfugiés (Article 31, Alinéa 2 de la Convention de 1951), et le troisième principe est le non-refoulement (Article 33)22(*)

Ils auront par ailleurs droit à une procédure équitable. Par ailleurs, nous devons noter que l'étude de ces dossiers individuels s'entoure de certaines questions procédurales que nous analyserons dans nos développements ultérieurs.

D'autre part, en plus du HCR, l'Etat d'accueil aussi peut procéder à la détermination individuelle du statut de réfugié. D'ailleurs, il est sans doute préférable que ce soient les Etats qui procèdent à cette détermination individuelle, car ce sont les gouvernements qui ont la responsabilité de faire en sorte que les réfugiés sur leur territoire soient traités selon les normes internationales23(*). Néanmoins, pour cela, il faut que les Etats aient expressément prévu des procédures nationales effectives, et aussi accédé aux instruments internationaux sur les réfugiés, comme c'est le cas pour notre pays, le Sénégal, mais aussi notons que 102 sur les 146 Etats signataires de la Convention de 1951 et du protocole de 1967 ont établi des procédures nationales. Ainsi, le HCR peut intervenir pour établir la DSR au cas où des Etats n'auraient pas rempli ces conditions.

Par ailleurs, outre cette détermination individuelle, la DSR peut se faire selon des afflux massifs, cette détermination se fera alors par groupes de réfugiés. On parle de détermination collective ou « prima facie ».

Il faut d'abord préciser que cette détermination par groupes peut poser des problèmes de protection adéquate aux circonstances en question, car les situations individuelles ne sont pas ici prises en compte, alors que celles-ci présentent souvent des différences fondamentales.

Ainsi, la détermination collective « prima facie » signifie essentiellement la reconnaissance par un Etat du statut de réfugié sur la base des circonstances apparentes et objectives dans le pays d'origine motivant l'exode. Notons qu'on y a largement recours en Afrique et en Amérique latine ainsi que dans les pays confrontés à des afflux massifs, comme en Asie du Sud, et qui n'ont pas de cadre juridique en matière de réfugiés. 24(*)

La reconnaissance collective du statut de réfugié est donc particulièrement indiquée dans le cas d'un afflux massif, lorsque les personnes en quête de protection internationale arrivent en nombre important et à un rythme rendant impossible la détermination individuelle de leur statut. Le statut de réfugié est donc accordé dans ces situations par les Etats d'accueil et le HCR aux membres d'un groupe particulier sur une base prima facie (à première vue).

Par ailleurs, les personnes reconnues comme des réfugiés à l'issue d'une détermination collective jouiront du même statut que les personnes ayant obtenu ce statut à titre individuel.

Toutefois, il ne faudrait pas que cette détermination collective serve de tremplin à la reconnaissance de certaines catégories de réfugié. En effet, lorsque des afflux massifs arrivent aux frontières d'un pays d'accueil, celui-ci doit vérifier si, par exemple, ce groupe ne contient pas des personnes qui ont été à l'origine des persécutions que fuient les demandeurs d'asile.

En effet, en fonction du contexte, il peut s'avérer nécessaire de mettre en place des mécanismes qui permettent d'identifier les membres d'un groupe qui ne répondent pas aux critères d'inclusion de la définition du réfugié applicable. La qualification de ce groupe devrait se faire sur la base d'informations objectives se rapportant à la situation qui règne dans le pays d'origine. A titre illustratif, nous pouvons dire que lorsqu'un conflit armé dans un pays déclenche un exode massif de réfugiés dans des pays voisins ou autres, des combattants peuvent être mélangés aux réfugiés.25(*) Dans ce cas de figure, il faut préciser que la présomption d'éligibilité ne devrait pas ici concerner ces combattants. Donc le pays d'accueil se doit se séparer ces combattants du groupe, et s'il le faut, procéder à une détermination individuelle de leurs cas.

Par ailleurs, il faut dire que la notion de DSR, conduisant à la reconnaissance d'individus remplissant les conditions comme des réfugiés, n'en produit pas moins des effets divers qui s'attachent notamment aux réfugiés ainsi reconnus.

Paragraphe 2 : Effets de la reconnaissance du statut de réfugié

Une fois le demandeur d'asile reconnu comme réfugié, cela emportera à son égard divers effets qui peuvent prendre plusieurs formes. Il faut noter que ces effets apparaitront essentiellement sous la forme de droits ou avantages reconnus au réfugié. Parmi ceux-ci figure en bonne place le principe de non-refoulement (A) mais aussi d'autres droits et avantages (B).

A - Le principe de non-refoulement

Parmi les effets de la reconnaissance du statut du réfugié, le principe du non-refoulement constitue aujourd'hui un principe important notamment pour la protection du réfugié. Mais il faut néanmoins apporter quelques précisions préliminaires. L'application du principe de non-refoulement n'est pas nécessairement conjuguée à la reconnaissance officielle du réfugié, car comme nous le verrons dans les prochains développements, il n ya pas besoin que le réfugié soit définitivement reconnu et admis comme tel pour qu'il s'applique. En effet, il participe plus à la protection des réfugiés, mais aussi des demandeurs d'asile qui peuvent être réfugiés avec le caractère déclaratoire du statut de réfugié.

Nous pouvons commencer par noter que le droit qu'a un réfugié d'être protégé contre le refoulement est énoncé dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés à l'article 33 alinéa premier, en ces termes : « Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

Un demandeur d'asile ou un réfugié admis comme tel au sens de la Convention de 1951 ne peut donc être renvoyé aux frontières d'un pays dans lequel il encourt les risques de la persécution décrites à l'article 33 ci-dessus.

L'importance de ce principe apparait surtout dans le fait que le principe du non-refoulement soit devenu une norme du droit international coutumier ; elle a ainsi été élevée au rang de norme absolue du droit international, ou Jus Cogens, et il faut ici rappeler que ce caractère fait que le principe est contraignant pour tous les Etats, y compris ceux qui ne sont pas parties à la Convention de 1951 ou au Protocole de 1967.

Par ailleurs, en plus de la Convention de 1951, le principe du non-refoulement est aussi prévu, explicitement ou implicitement, par divers instruments internationaux mais aussi régionaux. Parmi les instruments internationaux, il ya la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Article 3), la Quatrième Convention de Genève de 1949 (article 45, paragraphe 4), Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 7), la déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (article 8), et les principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires (principe 5). D'autre part, parmi les instruments régionaux des droits de l'homme, on peut citer la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 3), la Convention américaine relative aux droits de l'homme (article 22), la Convention de l'OUA sur les réfugiés (article II), et la Déclaration du Caire sur la protection des réfugiés et des personnes déplacées dans le monde arabe (article 2).

Toutefois, malgré une bonne assise textuelle, il n'en reste pas moins qu'il existe dans certaines conditions une possibilité de déroger au principe du non-refoulement. Toutefois, les exceptions au principe du non-refoulement sont définies de manière très rigoureuse. C'est la Convention de 1951 qui prévoit ces dérogations à l'alinéa 2 de l'article 33 : « le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve, ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. »

Ainsi, cet alinéa 2 de l'article 33 ne peut être applicable que si un réfugié représente un danger futur très sérieux pour la sécurité du pays d'accueil (comme une menace contre sa Constitution, son intégrité territoriale, son indépendance ou vis-à-vis de la paix extérieure) ou s'il a été reconnu coupable d'un crime particulièrement grave à l'issue d'un jugement qui ne peut plus faire l'objet d'un recours, et qu'il continue de représenter un danger pour la communauté du pays d'accueil26(*).

Par ailleurs, l'article 33(2) de la convention de 1951 prévoyant ces exceptions ne s'applique pas si l'expulsion du réfugié expose ce dernier à un risque important de tortures ou de traitements ou peines inhumains et dégradants. Il faut noter que cette interdiction du refoulement dans ce cadre fait par ailleurs partie intégrante de l'interdiction de la torture et des mauvais traitements27(*).

Enfin, il faut noter que lorsque ce principe du non-refoulement s'expose à des violations dans un Etat, le HCR peut, dans le cadre de son mandat de protection, intervenir auprès des autorités compétentes, et s'il le faut, informer le public. Dans ce cadre, nous pouvons invoquer les conclusions du Comité exécutif du HCR relatives au principe du non-refoulement. En effet, dans la conclusion No 6 (XXVIII) de 1977, le comité exécutif « a réaffirmé l'importance fondamentale de l'observation du principe de non-refoulement (tant à la frontière qu'à partir du territoire d'un Etat) dans le cas de personnes qui risquent d'être en butte à des persécutions si elles sont renvoyées dans leur pays d'origine, qu'elles aient ou non été officiellement reconnues comme réfugiés28(*) ». D'ailleurs, dans plusieurs autres conclusions, le Comité Exécutif a toujours rappelé l'importance du principe de non-refoulement.

Les personnes confrontées à une mesure de refoulement peuvent aussi saisir les mécanismes compétents des droits de l'homme, comme le comité contre la torture.

Par ailleurs, ce principe de non-refoulement ne constitue pas le seul attribut découlant pour les réfugiés, de leur reconnaissance. En effet, il existe d'autres droits et avantages.

B - Les autres droits et avantages

La reconnaissance officielle du statut de réfugié confère à celui-ci divers attributs. Il faudrait au préalable apporter ici des précisions importantes relatives à la protection internationale. En effet, les réfugiés doivent bénéficier d'une protection et d'une assistance adéquate de la part notamment de l'Etat mais aussi du HCR, qui constitue l'instance majeure en matière de protection des réfugiés, et qui dispose d'un mandat allant dans ce sens. Toutefois, dans le souci d'une meilleure analyse, nous traiterons de cette protection dans des développements ultérieurs plus larges.

Ainsi, les autres droits et avantages auxquels renverra le bénéfice du statut de réfugié découlent certes du fait que le réfugié ait droit à un asile sûr, mais aussi il doit jouir d'un certain nombre de droits. Les normes de traitement qu'un réfugié peut attendre d'un pays d'accueil s'inspirent d'une combinaison du droit international relatif aux réfugiés et des droits de l'homme.29(*) Ces droits découlent donc des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme mais aussi du droit coutumier international.

Ainsi, tout réfugié a des droits civils et démocratiques fondamentaux.

D'abord, il ya d'abord la liberté de circulation, dont les réfugiés doivent jouir dans les mêmes conditions que les ressortissants du pays d'accueil, à moins qu'une personne ne représente une menace particulière à l'ordre ou la santé publics. En effet, l'article 26 de la Convention de 1951 stipule : « tout Etat contractant accordera aux réfugiés se trouvant régulièrement sur son territoire le droit d'y choisir son lieu de résidence et d'y circuler librement sous les réserves instituées par la réglementation applicable aux étrangers en général dans les mêmes circonstances. »

Il ya aussi l'accès à un enseignement adapté, mais aussi une assistance couvrant les besoins élémentaires dont la nourriture, les vêtements, le logement et les soins médicaux.

Par ailleurs, il ya le droit au regroupement le plus vite possible du réfugié avec les autres membres de sa famille dans le pays d'accueil.

Il faut aussi rappeler que les réfugiés bénéficieraient plus facilement de ces droits s'ils disposaient de pièces d'identité. C'est ce qui fait que les pays d'accueil sont tenus par l'obligation de leur fournir de tels documents, à moins qu'ils n'aient des titres de voyage30(*).

Le réfugié a aussi droit d'être protégé contre les menaces à sa sécurité physique dans le pays d'accueil, dont les autorités doivent mettre en place les dispositifs nécessaires pour les protéger contre les violences criminelles pouvant être motivées par le racisme, la xénophobie le racisme, mais aussi les tortures et traitements inhumains. Nous pouvons juste ici rappeler certains instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme et susceptibles de s'appliquer aux réfugiés dans certaines conditions, comme la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Quatrième Convention de Genève de 1949, Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales etc.

Enfin, il faut souligner que toutes les considérations évoquées dans nos précédents développements ont participé à l'ancrage d'un droit international d'asile correspondant aujourd'hui à un droit du réfugié, qui règlemente ainsi l'avènement d'un statut du réfugié.

C'est ainsi qu'aujourd'hui, ces règles juridiques, constituées surtout autant d'instruments internationaux et régionaux que de normes coutumières relatives à l'asile mais aussi aux droits de l'homme, forment aujourd'hui le socle sur lequel repose une procédure complète rigoureusement encadrée pour l'admission et la reconnaissance de réfugiés, mais aussi leur protection.

Chapitre 2 : La réglementation de l'Admission et de la Protection des Réfugiés

Il faut noter qu'autour de la Convention de Genève de 1951 s'est consolidé, depuis, un arsenal impressionnant de normes juridiques internationales, régionales et mêmes coutumières régissant le réfugié dans nombre de ses contours. Il en sera ainsi d'abord de son admission en tant que réfugié, dont la procédure est rigoureusement définie et encadrée.

En effet, des critères précis ont été élaborés dans ce sens, donnant ainsi plus de vigueur au caractère déclaratoire du statut de réfugié. Par ailleurs, la procédure proprement dite est strictement réglementée, et doit même obéir à certains principes que nous ne manquerons pas d'analyser. Il faut aussi noter que le statut de réfugié n'étant pas définitif, cette procédure peut, dans certaines conditions, être élargie à certaines modalités visant l'intégration de solutions durables pour le réfugié face aux persécutions ayant motivé son statut.

D'autre part, en plus de la réglementation de la procédure, il ya aussi la question de la protection internationale des réfugiés, qui est d'une grande importance, si l'on sait que les réfugiés se trouvent dans un pays d'accueil différent du leur, et pourraient se retrouver confrontés à des menaces de divers ordres, autant dans leur intégrité physique que dans la jouissance de leurs droits. C'est ainsi que cet Etat d'accueil est tenu de leur apporter une certaine protection, mais aussi, dans certaines conditions, une assistance adéquate. Toutefois, en plus de l'Etat d'accueil, il ya aussi le HCR, qui dispose d'un mandat de l'ONU allant dans le sens d'une grande protection pour les réfugiés.

Nous verrons donc que la procédure de la demande d'asile est strictement réglementée (Section 1) et qu'ensuite, les réfugiés ont aussi à une protection internationale et une certaine assistance qui sont aussi bien définies et réglementées (Section 2).

Section 1 : La Procédure de la demande d'asile

La demande d'asile devant conduire à la reconnaissance officielle du réfugié doit être étudiée par les autorités compétentes (à savoir l'Etat d'accueil ou le HCR) en suivant certaines règles de procédure bien établies. C'est ainsi que des critères ont été définis pour d'abord participer à reconnaitre les réfugiés : on parle de critères d'éligibilité (Paragraphe premier), mais aussi, d'autre part, la procédure proprement dite est tout autant réglementée (Paragraphe second).

Paragraphe 1 : Les critères d'éligibilité

Pour qu'une personne sollicitant le statut de réfugié (c'est-à-dire un demandeur d'asile) soit reconnue comme tel, elle doit remplir des critères d'éligibilité, qui sont des moyens de reconnaissance du réfugié définis par les instruments internationaux ou régionaux relatifs aux réfugiés, par la législation nationale ou par le mandat du HCR. Il faut noter que ces critères ont été essentiellement dégagés par la Convention de Genève de 1951.

Toutefois, il faut d'une part noter que ces critères peuvent varier selon les Etats, et qu'il existe donc certaines considérations particulières relatives à ces critères que nous verrons (A) mais aussi, d'autre part, nous essaierons d'analyser les principaux critères d'éligibilité, qui peuvent ainsi être des critères d'inclusion et d'exclusion(B).

A - Les considérations particulières relatives aux critères d'éligibilité

Il faut avant tout noter que les critères d'éligibilité, qui constituent le point d'ancrage autour duquel se base la reconnaissance ou pas du statut de réfugié à des individus déterminés, puisent essentiellement leur source de la définition du réfugié contenue dans la Convention de Genève de 1951 à l'article 1.A2, et qui définit le réfugié comme toute personne «  qui, par suite d'événements survenus avant le 1er janvier 1951, et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. ».

C'est la raison pour laquelle on parle souvent de critères d'éligibilité au sens de la Convention de Genève de 1951.

Toutefois, il faut noter que la définition des critères d'éligibilité est plus ou moins propre aux Etats. En effet, même si la Convention de Genève constitue la référence, les Etats disposent d'une plus ou moins grande liberté, à travers leur législation nationale qui participe aussi à apporter une définition du réfugié. Ainsi, dans la majorité des cas, c'est la définition de la Convention de Genève qui est reprise. C'est le cas du Sénégal avec la Loi 68-27 du 24 juillet 1968 portant statut des réfugiés qui reprend essentiellement la définition de la Convention de Genève. Ainsi, l'article premier stipule : « la présente loi s'applique à toute personne étrangère réfugiée au Sénégal qui relève du mandat du HCR ou qui répond aux définitions de l'article premier de la Convention de Genève du 28 Juillet 1951 relative au statut des réfugiés, complétée par le Protocole [...] ».

Néanmoins, certains pays peuvent décider d'appliquer les procédures établies pour examiner une demande en application des critères, à la fois de la Convention de Genève, mais aussi d'autres instruments comme la Convention contre la torture.

Par ailleurs, dans la définition des critères d'éligibilité, un Etat est libre d'adopter des critères plus généreux que ceux énoncés dans la Convention de 1951, par exemple, la définition contenue dans la Convention de l'OUA sur les réfugiés, qui, en plus de reconnaitre et de rappeler que « la Convention des Nations-Unies du 28 juillet 1951 modifiée par le protocole de 1967 constitue l'instrument fondamental et universel relatif au statut des réfugiés, et reflète la profonde sollicitude que les Etats portent aux réfugiés ainsi que leur désir d'établir des normes communes de traitement des réfugiés »31(*) élargit considérablement le champ de la définition de la Convention de 1951.

En effet, l'article premier, alinéa 2 de cette Convention de l'OUA stipule : « le terme `réfugié' s'applique également à toute personne qui, du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'événements troublant gravement l'ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l'extérieur de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité. »

Il faut rappeler qu'en Septembre 2001, le Sénégal ainsi que 44 autres Etats africains étaient parties à la Convention de l'OUA sur les réfugiés32(*). D'ailleurs, le Sénégal fera entrer cet élargissement dans son champ normatif à travers des décrets de 1976 et de 1978.

Par ailleurs, même si un Etat peut inclure des critères plus généreux, il n'en est pas ainsi des critères plus restrictifs. En effet, un Etat signataire de la Convention de 1951 ne peut pas imposer des critères plus restrictifs (et par exemple refuser de reconnaitre les réfugiés handicapés ou les réfugiés originaires d'un pays donné).

Il faut aussi souligner que même si les considérations précédentes s'appliquent surtout aux critères d'inclusion, qui sont les fondements positifs permettant d'aboutir à la reconnaissance officielle du réfugié, et de lui octroyer ainsi le statut de réfugié, il existe des critères d'exclusion et de cessation qui constituent des raisons d'annulation ou de non-reconnaissance du statut de réfugié. Il faut ici d'ores et déjà établir la différence fondamentale existant entre ces deux notions, car si les critères d'exclusion font en quelque sorte partie intégrante de la DSR, il faut dire qu'il n'en est pas ainsi en ce qui concerne les clauses de cessation, qui constituent des cas de figure correspondant au retrait ou à la fin des effets du statut de réfugié pour des raisons diverses que nous verrons dans le cadre de développements ultérieurs. Il faut aussi noter que cette cessation est justifiée par le fait que le statut de réfugié n'est pas un statut définitif, car le problème des réfugiés étant destiné à être résolu par les Etats à travers l'institution de solutions durables, il est compréhensible que le statut de réfugié ne soit pas définitif.

Ainsi, une fois ces considérations relatives aux critères d'éligibilité partagées, nous allons analyser ces critères d'éligibilité.

B - Les critères d'inclusion et d'exclusion

A l'entame de notre propos, il est sans doute pertinent de souligner le fait que chaque Etat peut prévoir et interpréter ces critères, se référant bien sur à la Convention de Genève de 1951, notamment de par la définition qu'elle donne du réfugié33(*) ; mais aussi d'autres facteurs peuvent entrer en jeu, notamment certains instruments régionaux qui peuvent expliciter le sens de cette définition internationale du réfugié de la Convention de Genève. D'ailleurs, dans le cas des Etats parties à la Convention de Genève de 1951/au Protocole de 1967, les critères doivent correspondre au moins à ceux de la définition contenue dans le traité. Les Etats parties à la Convention de l'OUA devraient utiliser la définition qui est donnée dans cet instrument.34(*)

Par ailleurs, comme on l'a précisé plus haut, le HCR peut aussi être chargé de la DSR, et dans ce cas, il utilise aussi un certain nombre de critères, basés sur la Convention de Genève de 1951, mais aussi sur son statut de 1950 qui ne fait quasiment que reprendre la définition du réfugié de la Convention de 1951. Ainsi, dans le cadre de l'analyse de ces critères d'inclusion et d'exclusion, critères qui déterminent l'éligibilité ou non au bénéfice du statut du réfugié, il s'agira pour nous de dresser une liste analytique de ces critères dans leurs diverses présentations pour mieux rendre compte de leur pertinence, mais aussi nous ne manquerons pas de nous intéresser aux considérations spécifiques en vigueur au Sénégal.

Nous nous intéresserons d'abord aux critères dits d'inclusion au sens de la définition du réfugié de la Convention de 1951 contenue à son article premier. Ces critères font référence aux éléments qui forment le fondement positif d'une détermination de statut de réfugié, et qui doivent être présents pour qu'une personne soit reconnue comme un réfugié.

Nous rappellerons donc l'article 1 A.2 de la Convention de Genève qui stipule que le terme `réfugié' s'applique à toute personne qui « ...craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. »

Une personne est donc éligible au statut de réfugié, si elle répond à ces critères. Néanmoins, chacun des éléments de cette définition mériterait sans doute quelques précisions, car les personnes chargées d'examiner les demandes d'asile doivent tenir compte de tous les faits et circonstances pertinents.

Nous pouvons dire d'abord que le requérant doit se trouver hors des frontières de son pays d'origine ou résidence habituelle. Cet élément est par ailleurs essentiel dans la distinction entre réfugiés et déplacés internes.

Le requérant doit aussi avoir une crainte fondée (élément objectif et subjectif), c'est-à-dire une crainte certes subjective, car relevant plus d'un état émotionnel difficilement vérifiable, mais souvent, seul le fait d'avoir demandé le statut de réfugié doit suffire à indiquer l'existence de cette crainte de rentrer. Ensuite, l'élément objectif : « avec raison » réside dans le fait que la crainte doit être analysée objectivement à la lumière de la situation régnant dans le pays d'origine et à la situation personnelle du requérant. On parle de possibilité raisonnable qu'il soit exposé à un préjudice dans son pays d'origine s'il était renvoyé.

Le préjudice craint par le requérant doit donc équivaloir à une persécution, c'est-à-dire des violations graves des droits de l'homme ou à d'autres formes de préjudices graves. Cette persécution doit être liée à l'un des motifs énumérés dans la Convention de Genève de 1951 (race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social, opinions politiques). Il faut ici préciser que lorsque les persécutions émanent de personnes individuelles ou d'entités non-étatiques, la crainte de persécution est fondée uniquement si les autorités du pays d'origine ne veulent ou ne peuvent fournir une protection efficace.

Il faut enfin noter que les personnes fuyant un conflit armé peuvent relever de la définition du réfugié de la Convention de 1951 si elles s'exposent à des persécutions pour l'un des motifs énoncés dans cette définition. Toutefois, même en l'absence de persécutions, de telles personnes peuvent bénéficier du statut de réfugié sur la base des définitions élargies figurant dans les instruments régionaux applicables et/ou de la législation nationale du pays d'accueil, et du mandat de protection internationale du HCR. Ce dernier point nous permettra de rappeler que la définition de la Convention de 1951 peut être élargie de manière plus généreuse, et cet élargissement peut être intégré dans la législation nationale. Il en est ainsi de la Convention de l'OUA dont le Sénégal est un Etat partie, et qui élargit la définition aux victimes d'une «...agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'évènements troublant gravement l'ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d'origine... »35(*)

Le Sénégal intégrera cet élargissement dans le droit interne avec la mise à jour de la Loi de 1968 intervenue avec le décret 1976-014 modifié relatif à la commission et le décret 1978-484 modifié relatif à la commission des réfugiés constatant la définition apportée par la Convention de l'OUA de 1969.36(*)

Par ailleurs, à coté de ces clauses d'inclusion, il existe des clauses d'exclusion au statut de réfugié. En effet, même dans les cas de reconnaissance collective de réfugiés, certains individus ne peuvent bénéficier du statut de réfugié ainsi que des avantages qui vont avec. Toutefois, il faut d'ores et déjà préciser, qu'à la différence des clauses d'inclusion, les clauses d'exclusion ont été définies de manière exhaustive, et ne peuvent donc être interprétées que de manière restrictive.

Pour une meilleure compréhension, il faudrait sans doute s'intéresser d'abord à la notion même de clauses d'exclusion. En effet, l'exclusion signifie qu'une personne qui répond aux critères d'inclusion du statut de réfugié se voit néanmoins refuser la protection internationale accordée aux réfugiés, et les clauses d'exclusion peuvent être définies comme des dispositions légales qui refusent les avantages de la protection internationale à des personnes qui satisferaient par ailleurs aux critères d'obtention du statut de réfugié. Ces clauses figurent aux articles 1.D, 1.E et 1.F de la Convention de 1951, mais il faut noter que l'article 1.D fonctionne autant comme une clause d'inclusion que d'exclusion.

Ainsi, l'exclusion au sens de l'article 1.E et 1.F37(*) signifie qu'une personne qui remplit les critères d'inclusion (développés plus haut) ne peut bénéficier du statut de réfugié parce qu'elle n'a pas besoin de la protection internationale accordée aux réfugiés ou ne la mérite pas.

D'abord, l'article 1.E fait référence aux personnes qui sont reconnues par leur pays de résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays et qui jouissent effectivement de ces droits. On parle dans ce cas de l'exclusion de personnes n`ayant pas besoin de la protection internationale.

Ensuite, il ya l'article 1.F qui fait référence aux personnes ne méritant pas la protection internationale en raisons de certains crimes graves qu'elles auraient commis. Il s'agit de l'exclusion des personnes dont on aura de sérieuses raisons de penser qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes, qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiées, qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Toutefois, il faut noter que cet article doit être traité avec la plus grande prudence, étant donné les conséquences très graves que peut avoir l'exclusion pour la personne concernée.

Il ya enfin l'article 1.D38(*) qui fait référence aux personnes ne bénéficiant pas du régime de la Convention de 1951. Cet article s'applique à une catégorie spéciale de réfugiés qui bénéficient déjà de la protection ou de l'assistance d'un organisme des Nations-Unies autres que le HCR.

Par ailleurs, à coté de ces considérations relatives aux critères d'éligibilité, il existe une procédure particulière conduisant à la reconnaissance officielle du réfugié.

Paragraphe 2 : La Procédure proprement dite

L'étude de la demande d'asile, ainsi que les conditions et règles selon lesquelles cet asile est accepté, et le statut de réfugié octroyé tiennent de la Convention de Genève de 1951, mais aussi et surtout de la législation nationale des Etats. C'est ainsi que, dans l'optique de l'analyse de la procédure y afférente, nous nous intéresserons de manière plus spécifique au cas de notre pays, le Sénégal, tout en n'omettant pas les considérations plus ou moins générales relatives à cette procédure. Ainsi, nous nous intéresserons tour à tour au déroulement de la procédure (A) mais aussi à l'existence de certaines modalités permettant de mettre fin au statut de réfugié, qui, on l'a vu, n'est pas définitif (B).

A - Le déroulement de la procédure de reconnaissance

Il faut d'ores et déjà noter que la procédure en question entretient des relations intrinsèques avec les critères d'éligibilité que nous avons analysés plus haut dans nos développements, et qui, comme nous l'avons dit, servent de référence dans la détermination du statut de réfugié. Il est évident donc que ces critères constitueront la base de la procédure que nous analyserons. Toutefois, cette procédure se fait en diverses phases que nous expliciterons ici, mais aussi elle doit suivre certaines règles, en plus du respect de certains principes relatifs notamment aux droits de l'homme. Par ailleurs, avec le caractère non universel des règles procédurales qui s'explique surtout par l'intervention de la législation interne qui apporte plus de spécificité quant aux Etats, nous nous focaliserons surtout sur cette procédure au Sénégal.

Il faut d'abord commencer par dire que l'organisme chargé de conduire la procédure de demande d'asile peut différer selon les pays. En effet, en France par exemple, c'est l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) créée en 1952, qui est compétente en matière de reconnaissance de réfugiés.

Par ailleurs, au Sénégal, c'est la Commission nationale d'éligibilité, régie par le décret n° 78-484 du 5 juin 1978 relatif à la Commission des Réfugiés modifié39(*), qui est compétente en matière de procédure de reconnaissance des réfugiés. Cette commission a été prévue de prime abord par l'article 3 de la Loi 68-27 du 27 juillet 1968 portant statut des réfugiés40(*), et c'est donc ce décret de 1978 qui prévoira les conditions de fonctionnement de cette commission.

Toutefois, il faut noter qu'un certain réaménagement institutionnel est intervenu en 2003. En effet, le décret n° 2003-291 du 8 mai 2003 porte effectivement création d'un comité national chargé de la gestion de la situation des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées. Ce comité va ainsi englober en son sein, en plus de la commission nationale d'éligibilité, d'autres structures. Le rapport de présentation de ce décret stipule d'ailleurs que « la diversité des expertises nécessaires à la gestion de la situation des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées a conduit à la multiplication des structures d'intervention. »

Ce comité qui sera constitué de quatre commissions, à savoir une commission chargée de la gestion de la situation des réfugiés, une commission chargée de la gestion de la situation des rapatriés, une commission chargée de la situation des personnes déplacées, et une commission nationale d'éligibilité au statut de réfugié. Mais, cette dernière commission, malgré son rattachement au comité, continuera toutefois à être régie par le décret n° 78-484 du 5 juin 1978 relatif à la Commission des Réfugiés, modifié ensuite par le décret n° 89-1582 du 30 décembre 1989 modifiant le décret n° 78-484 du 5 juin 1978 relatif à la Commission des Réfugiés, et donc, cette commission conservera ses propres règles d'organisation et de fonctionnement. Elle est rattachée par le décret n° 2012-437 du 10 avril 2012 portant répartition des services de l'Etat, à la Présidence de la république, dont elle fait partie des services rattachés.

Ainsi, dans le cadre de la procédure, la demande d'asile doit être effectuée auprès de la commission nationale d'éligibilité. Cette commission est composée, comme le stipule l'article premier du décret 78-484 modifié, d'un magistrat, président, désigné par le Garde des sceaux, Ministre de la Justice ; d'un représentant du ministre chargé des affaires étrangères ; d'un représentant du ministre chargé de l'intérieur ; d'un représentant du ministre chargé de l'action sociale. Par ailleurs, le HCR peut siéger à cette commission en tant qu'observateur uniquement.

Ainsi, la procédure proprement dite de reconnaissance du statut de réfugié sera donc essentiellement assurée par cette commission nationale d'éligibilité.

Tout d'abord, il faut noter que toute demande d'admission au bénéfice du statut de réfugié est déposée auprès du président de la commission nationale d'éligibilité, et enregistrée par le secrétaire sur un registre ouvert à cet effet. Il faut dire aussi que cette demande est adressée au président de la république, puisque, rappelons-le, c'est bien un décret présidentiel qui accordera le statut de réfugié.

Ainsi, une fois que le nombre de demandes déposées auprès d'elle, ou que l'urgence de la situation le nécessitent, la commission nationale d'éligibilité se réunit. Toutefois, l'article 10 de l'arrêté présidentiel du 13 avril 2004 précité précise que les commissions du comité national (y compris la commission nationale d'éligibilité) se réunissent au moins une fois par trimestre et chaque fois que de besoin, sur convocation du président. Les séances sont en principe publiques, mais le président peut ordonner l'huis-clos chaque fois que l'ordre public l'exigera. Lors de ces séances, il faut noter qu'un représentant du HCR y assiste, même si c'est uniquement en tant qu'observateur, et qu'il n'est pas totalement associé à la prise de décisions. Néanmoins, il peut être entendu sur chaque affaire.

En vertu du paragraphe 8 du Statut de 1950 et de l'Article 35 de la Convention de 1951, le HCR a la responsabilité de superviser l'application des dispositions de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 dans les États parties à ces instruments. Le HCR exerce son rôle de supervision en suivant à la fois les procédures et les critères appliqués, et par des interventions au nom des demandeurs.41(*)

Par ailleurs, il faut noter que la participation du HCR à la procédure de reconnaissance du réfugié a surtout trait à la protection des droits des demandeurs d'asile, notamment à travers le respect de certains principes comme la confidentialité, qui doivent présider à la procédure. Toutefois, nous étudierons ces diverses questions relatives à la protection dans des développements ultérieurs.

Pour revenir à la procédure et à la commission nationale d'éligibilité, nous pouvons dire que la procédure devant elle est gratuite et sans frais. Aussi, lorsque cette commission se réunit, elle prend des décisions à l'issue de l'analyse des situations des demandeurs d'asile par consensus ou par vote, faute de consensus, avec en cas d'égalité des voix, une prépondérance de celle du président. Il faut aussi noter qu'une certaine obligation de motivation pèse sur les conclusions de la commission sur les affaires examinées.

Ainsi, en cas de décisions favorables à une admission des requérants au bénéfice du statut de réfugié, le secrétariat de la commission doit s'occuper de la préparation des projets de décrets devant porter admission au bénéfice du statut de réfugié. Il est aussi chargé de la notification des décisions intervenues. Il convient ici de noter que les décisions de la commission sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir42(*).

Par ailleurs, le décret de reconnaissance du réfugié, qui est signé par le président de la république, s'accompagne de la délivrance d'un certain nombre de documents pour le réfugié par le ministre de l'Intérieur : il s'agit, conformément à l'article 28 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, d'un titre de voyage mais aussi d'un certificat de réfugié et d'une carte d'identité de réfugié.

D'ailleurs, à propos de la carte d'identité de réfugié, l'article 12 Bis du décret 78-484 modifié précise que sa délivrance vaut autorisation d'établissement.

D'autre part, nous pouvons noter le fait que, même si la procédure est essentiellement de l'apanage de la commission nationale d'éligibilité, le comité national chargé de la gestion de la situation des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées, dont le fonctionnement est régi par l'arrêté présidentiel du 13 avril 2004, comprend d'autres structures comme la commission chargée de la gestion de la situation des réfugiés, qui, selon l'article 6 de cet arrêté a pour missions, entre autres, d'accueillir, de recenser, de procéder à l'identification des réfugiés ; de procéder à l'enquête pour l'octroi de visas et de titres de voyages.

Toutefois, l'admission au bénéfice du statut de réfugié est loin d'être définitive, et sous certaines conditions, il pet être mis au statut de réfugié accordé.

B - L'existence de modalités de cessation du statut de réfugié

Le statut de réfugié, même s'il est accordé dans des conditions légales, n'est pas définitif. En effet, il existe certaines causes et conditions dans lesquelles il serait justifié de mettre fin au bénéfice du statut de réfugié. Cela peut surtout correspondre à ce qu'il convient d'appeler les clauses de cessation du statut de réfugié. La cessation, qui fait référence à la décision officielle de mettre fin à un statut de réfugié parce qu'il n'est plus nécessaire ou justifié, signifie donc la perte du statut de réfugié et des droits qui lui sont attachés.

Toutefois, il n ya pas uniquement la cessation qui puisse causer la perte du statut de réfugié. En effet, il peut aussi y avoir l'annulation, la révocation du statut de réfugié, ou même encore l'expulsion, que nous analyserons tantôt.

Ainsi, la loi de 1968 note que la commission compétente en matière de reconnaissance du statut l'est aussi en ce qui concerne la perte de ce statut. L'article 3 stipule : « les décisions admettant une personne au bénéfice du statut de réfugié ou constatant la perte de ce bénéfice sont prises par une commission présidée par un magistrat et comprenant les représentants des principaux services intéressés ».

Ainsi, c'est donc la commission nationale d'éligibilité qui est compétente, comme le précise l'arrêté présidentiel du 13 avril 2004 fixant la composition, les attributions et le fonctionnement des organes du comité national chargé de la gestion de la situation des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées, dans son article 9 : « la commission nationale d'éligibilité au statut de réfugié, a pour missions :

- D'émettre un avis à la reconnaissance de la qualité de réfugié ;

- D'émettre un avis à la constatation de la perte de la qualité de réfugié ;

- De formuler un avis préalable et obligatoire à toute mesure décidée en vertu des articles 31, 32 et 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951. »

Par ailleurs, le décret n° 78-484 régissant la commission nationale d'éligibilité précise en son article 2, alinéa 2 que la commission émet un avis favorable à la constatation de la perte de la qualité de réfugié pour toute personne ne relevant plus du mandat du HCR pour les réfugiés ou entrant dans les cas prévus à l'article 2 de la Loi 68-27 et à l'article premier de la convention de l'OUA du 10 septembre 1969 ; Ainsi, ces situations constituent donc les cas essentiels de perte du statut de réfugié.

En outre, l'article 2 de la Loi 68-27 du 24 juillet 1968 portant statut des réfugiés dont il est question pose clairement les cas dans lesquels se perd le statut de réfugié : « le bénéfice du statut de réfugié prévu par la présente loi se perd dans les cas prévus à la section C de l'article 1er de la Convention du 28 juillet 1951, et si le bénéficiaire quitte le Sénégal sans titre de voyage régulier ou ne revient pas au Sénégal avant l'expiration de la validité du titre dont il est muni. »

Il faut d'emblée noter donc que le statut de réfugié ne s'accommode pas lorsque les individus ne relèvent plus du mandat du HCR, ou qu'ils relèvent d'un autre organisme des Nations-Unies.

Par ailleurs, la cessation du statut de réfugié peut s'analyser sur un double niveau avec d'une part la cessation fondée sur certains actes du réfugié, et d'autre part la cessation fondée sur un changement fondamental de circonstances. Rappelons que les clauses de cessation sont prévues à l'article 1.C de la Convention de Genève.

Les actes volontaires du réfugié pouvant entraîner cessation de son statut, et prévus aux articles 1.C (1), (2), (3) et (4) sont les suivants :

1- Se réclamer volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité

2- Recouvrer volontairement sa nationalité

3- Acquérir une nouvelle nationalité et jouir de la protection du pays dont il a acquis la nationalité

4- Se rétablir volontairement dans le pays qu'il a quitté ou hors duquel il est demeuré de crainte d'être persécuté.

D'autre part, la cessation du statut de réfugié peut aussi être fondée sur un changement fondamental de circonstances prévu à l'article 1.C (5) et (6), c'est-à-dire si les circonstances à la suite desquelles l'individu a été reconnu comme réfugié ont cessé d'exister. Toutefois, pour que ces clauses de changement de circonstance puissent être appliquées, il faut que la situation objective dans le pays d'origine ou de résidence habituelle ait changé d'une manière stable, fondamentale et durable.

Enfin, relativement à la cessation, il faut noter qu'elle ne fait pas partie de la DSR, par conséquent, les critères énoncés à l'article 1.C ne doivent nullement être pris en compte dès le stade de l'éligibilité.

A coté de ces clauses de cessation pouvant mettre fin au statut de réfugié, il existe des circonstances aptes à justifier jusqu'à l'expulsion des bénéficiaires du statut de réfugié. Ces circonstances sont prévues autant par la Convention de Genève de 1951, la Convention de l'OUA de 1969, mais aussi la Loi sénégalaise n° 68-27 du 24 juillet 1968 portant statut des réfugiés.

Dans ce cadre, l'article 4 de la loi précitée stipule : « les bénéficiaires du statut de réfugié ne peuvent être expulsés du territoire du Sénégal que pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public, et notamment s'ils s'immiscent dans la politique nationale, s'ils se livrent à des activités contraires à l'ordre public ou s'ils sont condamnés à une peine privative de liberté pour des faits qualifiés de crime ou délit d'une particulière gravité. » L'article 32 de la Convention de Genève abonde dans le même sens en stipulant que les Etats contractants n'expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public.

Cette expulsion sera toutefois encadrée dans des conditions strictes. Il est en effet défendu par exemple de refouler ou d'extrader un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée.43(*) De plus, le réfugié doit être admis à fournir des preuves tendant à le disculper des accusations pesant sur lui, mais aussi, un délai raisonnable doit lui être accordé par les autorités en vue de chercher à se faire admettre régulièrement dans un autre pays.

C'est ainsi que dans l'affaire Soering contre Royaume-Uni du 7 juillet 1989), la Cour Européenne des droits de l'Homme dit (pour la première fois) que la responsabilité d'un Etat peut être engagée s'il décide d'éloigner une personne susceptible de subir de mauvais traitements dans le pays de destination.

Néanmoins, cela ne décourage pas certains Etats comme l'Israël, pourtant signataire de la Convention, qui a récemment expulsé des africains (sud-soudanais) demandeurs d'asile en Mai 2012 pour satisfaire aux manifestations des populations vers leur pays d'origine où des menaces de toutes sortes pèsent pourtant sur eux, avec la situation au Darfour notamment, malgré la scission du Soudan en deux Etats désormais.

Ainsi, à coté des procédures d'admission du réfugié, procédures encadrées et présentant certaines garanties notamment dans leur conduite, il ya aussi un autre domaine important, à savoir la protection des réfugiés, qui est d'une importance capitale dans l'application de l'asile et dans la pérennité du statut de réfugié. En outre, cette protection s'accompagne aussi d'une certaine assistance au réfugié sur plusieurs plans.

Section 2 - La protection et l'assistance dévolues aux réfugiés

La reconnaissance officielle du statut de réfugié entraine avant tout des droits et avantages pour le réfugié que nous avons analysés dans nos développements ultérieurs, et parmi lesquels on retrouve le principe du non-refoulement qui est incontournable. Toutefois, la reconnaissance du statut de réfugié à des individus entraîne aussi une certaine protection juridique internationale pour ces réfugiés, qui s'accompagne par ailleurs d'une certaine assistance. Cette protection et cette assistance sont essentiellement de l'apanage de l'Etat, mais aussi de l'institution des Nations-Unes chargée des réfugiés, aujourd'hui, le HCR, qui joue un rôle moteur et incontournable en matière de protection et d'assistance aux réfugiés. Nous nous intéresserons d'abord que l'Etat est le garant de la protection des réfugiés (paragraphe premier) et ensuite que le HCR est investi d'une mission d'assistance et de protection internationale (paragraphe second).

Paragraphe 1 : L'Etat, garant de la protection des réfugiés

L'Etat qui a reconnu officiellement à un individu le bénéfice du statut de réfugié se voit astreindre à un certain nombre d'obligations vis-à-vis de ce réfugié, à cause notamment du caractère déclaratoire du statut de réfugié. Il en est ainsi de la garantie de la protection qui doit lui être assurée sur plusieurs niveaux, notamment dans son intégrité physique. Il convient ici de souligner le fait que la protection internationale, sous ses divers angles, ne nécessite pas toujours que le réfugié soit reconnu comme tel de manière officielle. Nous verrons donc que la protection de l'Etat était en réalité une protection visant surtout à garantir les droits et l'intégrité physique (paragraphe premier), mais aussi par ailleurs nous nous intéresserons aux modalités de cette protection (paragraphe second).

A - La protection de l'Etat, une garantie de l'intégrité physique et de la jouissance des droits

Il faut d'emblée préciser que la notion de « protection de l'Etat » peut souvent être entendue comme faisant référence à la protection diplomatique ou consulaire exercée par un Etat en faveur de ses citoyens à l'étranger vis-à-vis des autorités du pays étranger dans lequel ces derniers se trouvent. Toutefois, nous traiterons dans cette partie des efforts consentis par les pays d'accueil des réfugiés, et même des demandeurs d'asile dans la garantie plus ou moins grande qu'ils accordent à la jouissance d'un certain nombre de droits, et aussi dans la protection de leur intégrité physique etc.

La protection de l'Etat, dans le cadre de l'asile peut bien dépasser le simple cadre des réfugiés officiellement reconnus. Il n ya donc pas seulement les réfugiés qui ont besoin d'une protection internationale. En effet, nombreux sont les étrangers qui, au bord des frontières, ou même lorsqu'ils sont en phase d'intégration, nécessitent une certaine protection de la part de l'Etat. Il faut noter qu'il peut s'agir autant des réfugiés, mais aussi des demandeurs d'asile, et même, sous certaines conditions, d'individus ne remplissant pas les conditions de la Convention de Genève de 1951 et du protocole de 1967, mais auxquels une protection, qui peut être temporaire, est accordée.

Nous nous proposerons d'abord de nous intéresser à la protection des réfugiés de la part des Etats. Le système de protection internationale des réfugiés puise son essence de la convention de Genève de 1951. Il ya aussi le protocole de 1967. Ces deux instruments sont donc au coeur du système de protection internationale des réfugiés. En signant et ratifiant cette convention, qui par ailleurs contient des dispositions allant dans le sens d'assurer aux réfugiés de la part des Etats une protection de leurs droits mais aussi de leur intégrité physique, entre autres, ces Etats acceptent donc les obligations qui leur incombent, et qui sont détaillées dans la Convention de Genève de 195144(*) .

Dans le cadre de cette protection des réfugiés, il faut souligner aussi que l'Etat agit en étroite collaboration avec le HCR, qui est l'organisme des Nations-Unies disposant d'un mandat reposant surtout sur la protection des réfugiés.

Par ailleurs, il n'est pas indispensable d'être un réfugié officiellement reconnu pour se réclamer de la protection des Etats. En effet, il existe des formes de protection aux personnes qui, par exemple, ne remplissent la définition du réfugié de la Convention de Genève. On parle alors de formes complémentaires de protection, qui peuvent notamment prendre la forme d'une protection temporaire. Cette protection temporaire est une solution immédiate et à court terme, utilisée en cas d'arrivée massive de personnes qui fuient un conflit armé, des violations massives des droits de l'homme et d'autres formes de persécution.

D'autre part, il faut aussi dire que cette protection s'exerce aussi dans le cadre du respect de la jouissance par les réfugiés de leurs droits.

Dans ce sillage, on ne peut omettre la possibilité de protection subsidiaire prévue dans le cadre de l'Union Européenne par la directive 2004-83-ce du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts. Cette directive avait l'ambition de mettre en oeuvre le régime d'asile européen commun pour lequel les Etats membres de l'Union Européenne s'étaient engagés depuis 1999 lors du conseil européen de Tampere. Ainsi, cette directive prévoit donc une protection pour les personnes ne remplissant pas les conditions du statut de réfugié, mais qui n'en nécessitent pas moins une protection internationale. Cette protection est essentiellement accordée par l'Etat.

Par ailleurs, il faut noter qu'il s'agisse de la protection accordée aux réfugiés ou des formes de protection complémentaires, ces protections équivalent principalement à une garantie de la jouissance des droits souvent définis comme minimaux mais aussi à certains attributs. C'est ce qui justifie surtout le fait que les réfugiés qui ne sont pas contents du traitement qui leur est réservé dans leur pays d'accueil organisent souvent des manifestations en vue de réclamer une meilleure protection.

Nous tenterons d'analyser les modalités suivant lesquelles sera appliquée cette protection.

B - Les modalités de protection et d'assistance de l'Etat

« Protéger les réfugiés est une mission qui incombe au premier chef aux Etats. »45(*)

Les Etats se doivent d'offrir aux réfugiés légalement admis sur leur territoire la sécurité ainsi que tous les autres droits dont ils doivent bénéficier. Il faut noter que la majorité de ces droits est déjà prévu par la Convention de Genève de 1951, et dont on a déjà fait dans nos développements précédents. Donc, le cadre juridique qui étaye le régime international de protection a été érigé par les Etats, mais ceux-ci sont quasi-intégralement inspirés par la Convention de Genève.

On peut commencer par dire que la première garantie donnée par les Etats pour l'application adéquate de leur protection aux réfugiés constitue sans doute la dispense de réciprocité prévue à l'article 7 de la Convention de Genève de 1951 : « Tout Etat contractant continuera à accorder aux réfugiés les droits et avantages auxquels ils pouvaient déjà prétendre, en l'absence de réciprocité, à la date d'entrée en vigueur de cette convention pour ledit Etat. »

En effet, le principe de réciprocité, en application duquel l'octroi d'un droit à un étranger est soumis à celui d'un traitement similaire par le pays dont l'étranger a la nationalité, ne s'applique pas aux réfugiés car ceux-ci ne jouissent pas de la protection de leur pays d'origine. Il apparaît évident donc que les pays d'accueil ne peuvent pas attendre des pays d'origine des réfugiés cette réciprocité. En plus, toute absence de cette réciprocité constatée ne pourrait en aucun cas constituer un motif de refus de reconnaissance des réfugiés.

Toutefois, il convient de préciser que l'Etat se trouve dans l'obligation de mettre en oeuvre, en ce qui concerne leurs droits, un statut minimum aux personnes reconnues comme réfugiés. Plusieurs dispositions de la Convention de Genève abondent dans ce sens. Il faut aussi dire que l'Etat doit protéger ces droits pour les réfugiés sans privilégier les étrangers ordinaires. On peut citer le traitement relatif à la propriété mobilière et immobilière (article 13), le droit d'association (article 15), le droit d'ester en justice (article 16), les droits économiques concernant les emplois salariés et non-salariés (articles 17 et 18) ou encore la liberté de circuler dans l'Etat-hôte.

D'autre part, les réfugiés, même s'ils entrent ou séjournent irrégulièrement dans le territoire d'un Etat d'accueil doivent faire l'objet d'une certaine protection prévue par la Convention de Genève et applicable. En effet, la Convention stipule dans son article 31 : « les Etats contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée... entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulière.

« Les Etats contractants n'appliqueront aux déplacements de ces réfugiés d'autres restrictions que celles qui sont nécessaires ; ces restrictions seront appliquées seulement en attendant que le statut de ces réfugiés dans le pays d'accueil ait été régularisé ou qu'ils aient réussi à se faire admettre dans un autre pays... »

Par ailleurs, il faut noter que l'étendue et la portée de la protection internationale accordée et qui peut sensiblement différer selon les Etats dès l'origine même, c'est-à-dire à la reconnaissance du statut de réfugié. En effet, cela illustre d'ailleurs tout le débat qui existe aujourd'hui et qui est relatif à l'interprétation de l'article premier de la Convention de Genève. Le débat se situe surtout autour de la notion de « persécution » (que nous avons d'ailleurs analysée dans nos précédents développements). Cela est surtout du au fait que la persécution n'est définie nulle part en droit international, alors que la crainte de persécution constitue l'élément moteur dans l'attribution du statut de réfugié. C'est ainsi que certains pays limitent la notion de persécution au sens de la Convention de Genève à une action commise par l'Etat lui-même ou par ses agents46(*).

Un exemple jurisprudentiel est constitué par l'Arrêt Henni du Conseil d'Etat français du 29 décembre 1999. Il s'agissait en l'espèce d'une décision du préfet de l'Essonne de reconduire à la frontière le sieur Henni.

Par ailleurs, un point important dans la protection et l'assistance de l'Etat aux réfugiés constitue sans nul doute la naturalisation. En effet, l'article 34 de la Convention de Genève stipule que « les Etats contractants faciliteront, dans toute la mesure possible, l'assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s'efforceront notamment d'accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure possible, les taxes et les frais de cette procédure. »

La naturalisation peut être définie comme l'acquisition d'une nationalité ou d'une citoyenneté par un individu qui ne la possède pas par sa naissance. Ainsi, cette naturalisation constitue une assistance majeure aux réfugiés de la part de l'Etat. En effet, elle permet à celui qui en bénéficie de jouir des mêmes droits que les nationaux ordinaires, et permet ainsi de parachever l'intégration du réfugié dans son pays d'accueil en attendant, s'il le désire, de trouver des solutions durables et définitives car, rappelons-le, le statut de réfugié n'est en principe qu'un statut temporaire.

Par ailleurs, il faut dire aussi que dans un cadre plus large que l'Etat, la protection des réfugiés peut aussi être l'apanage de la communauté internationale qui, à chaque fois que des écarts importants dans le respect et la protection des droits des réfugiés sont notés, se lève comme un seul homme pour les dénoncer, et susciter par la même occasion un vif intérêt de la part de tous les acteurs pour le régime juridique censé caractériser le droit de la protection internationale des réfugiés.

D'autre part, outre la protection, le rôle de l'Etat doit aussi se traduire en une assistance pour les réfugiés. Cette assistance est d'autant plus importante qu'on assiste souvent à des conditions vraiment précaires pour les réfugiés un peu partout dans le monde. Ainsi, cette assistance trouve une nouvelle fois sa source d'abord dans la Convention de Genève de 1951.

C'est ainsi l'article 23 qui pose le cadre général de cette assistance publique. Cet article stipule : « les Etats contractants accorderont aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le même traitement en matière d'assistance et de secours publics qu'à leurs nationaux. »

Elle se traduit d'abord en une assistance sociale. L'Etat doit aider les réfugiés du mieux qu'il peut dans leur recherche de logement. En effet, l'article 21 relatif au logement stipule : « En ce qui concerne le logement, les Etats contractants accorderont, dans la mesure où cette question tombe sous le coup des lois et règlements ou est soumise au contrôle des autorités publiques, aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire un traitement aussi favorable que possible ». Cette assistance est valable aussi en ce qui concerne la recherche de travail pour les réfugiés. En effet, l'article 17 stipule que les Etats contractants doivent apporter aux réfugiés régulièrement installés sur leur territoire le traitement le plus favorable en ce qui concerne l'exercice d'une activité professionnelle salariée, mais aussi non-salariées (article 18) et même libérales (article 19).

Par ailleurs, l'Etat n'est pas la seule institution compétente en matière d'assistance et de protection pour les réfugiés. En effet, le HCR, à travers le mandat qui est donné au Haut commissaire par les Nations-Unies, exerce d'importantes missions de protection et d'assistance aux réfugiés.

Paragraphe 2 - La mission d'assistance et de protection juridique internationale du HCR

Souvent en étroite collaboration avec les Etats dans la poursuite des missions qui lui sont confiées dans le cadre de son mandat, le HCR est régi par son statut de 1950 adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies en annexe à la résolution 428 V du 14 Décembre 1950, mais il est aussi guidé dans la conduite de ses missions par la Convention de Genève et le protocole de 1967. Sa mission consiste surtout à aider les Etats à s'acquitter de leurs obligations de protection des réfugiés, à garantir leurs droits et leur bien-être. Ainsi, le HCR exerce essentiellement ses missions, d'abord en garantissant les droits économiques et sociaux des réfugiés (paragraphe premier) mais aussi en établissant et en développant un régime concret d'assistance, de protection et de recherche de solutions durables pour les réfugiés (paragraphe second).

A - Une garantie des droits sociaux et économiques des réfugiés

En matière de protection et d'assistance aux réfugiés, il faut dire que le HCR est un organisme incontournable. Cette mission de protection est d'autant plus importante que le HCR ne la remplit pas seul. En effet, le HCR est chargé aussi de garantir la protection de ces réfugiés à travers une étroite collaboration avec notamment les gouvernements concernés. Ainsi, le HCR, s'il est guidé par la Convention de Genève de 1951 et le protocole de 1967, est aussi et surtout régi par son statut qui a été voté en annexe à la résolution 428 V du 14 décembre 1950 par l'Assemblée générale de l'ONU. D'ailleurs, l'article premier du statut du HCR stipule dans son alinéa premier: « Le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés agissant sous l'autorité de l'Assemblée générale, assume les fonctions de protection internationale, sous les auspices de l'Organisation des Nations unies, en ce qui concerne les réfugiés qui entrent dans le cadre du présent statut, et de recherche des solutions permanentes au problème des réfugiés, en aidant les gouvernements, et, sous réserve de l'approbation des gouvernements intéressés, les organisations privées, à faciliter le rapatriement librement consenti de ces réfugiés ou leur assimilation dans de nouvelles communautés nationales. »

Par ailleurs, il faut aussi noter que le mandat du HCR n'est pas uniquement destiné aux réfugiés. En effet, le comité exécutif du programme du Haut Commissaire et l'Assemblée Générale des Nations Unies ont autorisé l'intervention de l'UNHCR en faveur d'autres groupes. Ces groupes incluent les apatrides, les personnes dont la nationalité est controversée, et dans certains cas les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Néanmoins, ces groupes cités ne constitueront pas l'objet de notre analyse.

La mission première du HCR est donc de chercher à garantir les droits et le bien-être des réfugiés. Pour cela, le HCR s'efforce de s'assurer que chacun puisse bénéficier du droit d'asile dans un autre pays et retourner de son plein gré dans son pays d'origine. Le HCR recherche aussi des solutions durables aux problèmes des réfugiés.47(*)

Ainsi, les objectifs du HCR peuvent surtout équivaloir à une garantie des divers droits des réfugiés. Mais il ya aussi une importante mission de protection, car le réfugié qui s'est installé dans un pays d'accueil qu'il ne connait pas aura besoin de protection et d'assistance. Ainsi, l'article 8 du statut du HCR de 1950 stipule que le Haut Commissaire a une importante mission. En effet, il est chargé d'assurer la protection des réfugiés relevant du Haut Commissariat en plusieurs points que nous nous proposerons de rapporter pour mieux rendre compte de la mission de protection du HCR. En effet, cet article stipule :

Le Haut Commissaire assurera la protection des réfugiés qui relèvent du Haut Commissariat.

a) En poursuivant la conclusion et la ratification de conventions internationales pour la protection des réfugiés, en surveillant leur application et en y proposant des modifications ;

b) En poursuivant, par voie d'accords particuliers avec les gouvernements, la mise en oeuvre de toutes mesures destinées à améliorer le sort des réfugiés et a diminuer le nombre de ceux qui ont besoin de protection ;

c) En secondant les initiatives des pouvoirs publics et les initiatives privées en ce qui concerne le rapatriement librement consenti des réfugiés ou leur assimilation dans de nouvelles communautés nationales ;

d) En encourageant l'admission des réfugiés sur le territoire des États, sans exclure les réfugiés qui appartiennent aux catégories les plus déshéritées ;

e) En s'efforçant d'obtenir que les réfugiés soient autorisés à transférer leurs avoirs, notamment ceux dont ils ont besoin pour leur réinstallation ;

f) En obtenant des gouvernements des renseignements sur le nombre et l'état des réfugiés dans leurs territoires et sur les lois et règlements qui les concernent ;

g) En se tenant en contact suivi avec les gouvernements et les organisations intergouvernementales intéressés ;

h) En entrant en rapport, de la manière qu'il juge la meilleure, avec les organisations privées qui s'occupent de questions concernant les réfugiés ;

i) En facilitant la coordination des efforts des organisations privées qui s'occupent de l'assistance aux réfugiés.

A la lumière de cette disposition, nous pouvons donc dire que le mandat de protection du HCR s'exerce en étroite collaboration avec les gouvernements avec qui le HCR doit entretenir des rapports poussés pour pouvoir d'une part surveiller leur application de la Convention de Genève de 1951 et de tout autre accord international relatif aux réfugiés, mais aussi d'autre part et si besoin est leur apporter toute son assistance logistique, technique, ou autre dans la protection et l'assistance des réfugiés.

Après avoir défini les bases du mandat du HCR et présenté les considérations générales relatives à cette protection et assistance que le HCR apporte aux réfugiés, nous tenterons d'analyser l'application pratique de la protection et de l'assistance apportées par le HCR.

B - Le régime concret de protection et d'assistance du HCR

Le HCR ne se contente pas, à l'instar des organisations non-gouvernementales, d'émettre uniquement des recommandations, ou de dénoncer des abus. Le mandat donné par les Nations Unies au HCR lui permet d'agir concrètement et directement auprès des réfugiés dans plusieurs phases de leur vie. Ainsi, comme nous l'avons déjà analysé, le HCR intervient souvent dans la procédure de détermination du statut de réfugié. Il s'agit notamment des Etats qui n'ont pas consacré de législation interne en ce qui concerne la détermination du statut de réfugié. Ainsi, c'est alors le HCR, à travers ses propres fonctionnaires, qui serait chargé de cette détermination. Mais nous ne reviendrons pas sur cette procédure.

Par ailleurs, la mission du HCR est essentiellement de veiller au bien-être des réfugiés. Pour cela, il agit sur plusieurs fronts, en garantissant l'application par les Etats signataires des différentes conventions relatives aux réfugiés. Mais il faut dire que la protection des réfugiés est la préoccupation qui sous-tend l'ensemble des activités du HCR. Ainsi, il dispose d'un mandat de protection internationale. Ce mandat se traduit surtout par la recherche et la promotion de solutions durables pour les réfugiés, car, rappelons-le encore une fois, le statut du réfugié n'est en principe que temporaire.

Mais avant de nous intéresser aux solutions durables, il faut dire que le HCR s'intéresse tout d'abord à l'accès à l'asile, qui est la base pour que tout réfugié puisse se voir reconnaitre comme tel et bénéficier de toute la protection qui sied à son encontre. Aujourd'hui, ce droit d'asile est de plus en plus restreint par les pays d'accueil, notamment les pays industrialisés, et on note une baisse sensible des demandes d'asile de ce fait. Mais le HCR est là pour aider les réfugiés. Rappelons que la Convention de Genève stipule pour les Etats contractants une certaine obligation allant dans le sens de fournir certaines données et statistiques. L'article 35 de la Convention de Genève stipule :

« 1. Les Etats contractants s'engagent à coopérer avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ou toute autre institution des Nations Unies qui lui succéderait, dans l'exercice de ses fonctions et en particulier à faciliter sa tâche de surveillance de l'application des dispositions de cette Convention. 

2. Afin de permettre au Haut Commissariat ou à toute autre institution des Nations Unies qui lui succéderaient de présenter des rapports aux organes compétents des Nations Unies, les Etat contractants s'engagent à leur fournir dans la forme appropriée les informations et les données statistiques demandées relatives : 

a) Au statut des réfugiés, b) A la mise en oeuvre de cette Convention, et  c) Aux lois, règlements et décrets, qui sont ou entreront en vigueur en ce qui concerne les réfugiés. 

C'est d'ailleurs ce qui justifie l'existence de Refworld, la base de données du HCR, par ailleurs disponible sur Internet et qui contient une vaste collection de rapports et d'informations relatifs aux situations prévalant dans les pays d'origine, de documents et prises de positions politiques ainsi que de documents relatifs aux cadres juridiques internationaux et nationaux transmis sur le terrain par les Gouvernements.

Il faut aussi préciser que pour que le HCR puisse remplir de manière efficace la protection et l'assistance aux réfugiés, il faut impérativement que ceux-ci aient un accès facilité auprès du HCR. De la même manière, le HCR doit aussi avoir un accès facile et illimité aux camps et dans les locaux où se trouvent les réfugiés mais aussi les demandeurs d'asile pour pouvoir leur porter assistance. Ainsi, la conclusion No 108 du Comité Exécutif en 2008 relative à l'accès au HCR « souligne l'importance d'accorder au HCR l'accès aux demandeurs d'asile et aux réfugiés pour lui permettre d'accomplir efficacement ses fonctions de protection ; et exhorte les Etats et d'autres parties à se conformer à leur obligation de coopérer avec le Haut Commissaire dans l'exercice de ses fonctions de protection et d'assistance qui ne peuvent être efficacement accomplies que s'il a accès aux camps et aux sites dont il a la charge. »48(*)

Précisons ici que le Comité Exécutif du HCR, composé actuellement de 87 membres et se réunissant une fois par an à Genève, examine et approuve les programmes et budgets du HCR, mais aussi et surtout émet un avis consultatif sur les questions de protection internationale, et discute d'un large éventail d'autres questions avec le HCR et ses partenaires intergouvernementaux et non gouvernementaux.

Par ailleurs, la mission de protection et d'assistance du HCR se traduit essentiellement, comme nous l'avons dit, par la recherche et la promotion de solutions durables pour les réfugiés. En effet, ces solutions durables peuvent se présenter sous diverses formes, mais dans un premier temps, il est possible de retenir trois solutions durables fondamentales pour le réfugié, il s'agit du rapatriement librement consenti, de l'intégration sur place et de la réinstallation.

D'abord, le rapatriement librement consenti constitue sans doute la solution préférée autant des pays d'asile que des réfugiés. Cela s'explique par le fait que la plupart des réfugiés cherchent et trouvent souvent asile dans des pays voisins au leur, et qui partagent souvent les mêmes frontières, pour pouvoir retourner dans leur pays d'origine dès que la situation aura évolué, et le permettra. Il peut alors s'agir d'un conflit qui a pris fin ainsi que toutes les menaces qui pesaient sur la sécurité de ces réfugiés. Rien ne s'opposerait alors qu'ils retournent dans leur pays d'origine en collaboration avec leur pays d'accueil. Notons que récemment, dans les dernières années, c'est ce processus qui a été enclenché à propos des réfugiés mauritaniens sur le sol sénégalais.

En effet, en Novembre 2007, un accord tripartite entre le Sénégal, la Mauritanie et le HCR avait été signé et concluait au retour des réfugiés mauritaniens victimes des malheureux événements de 1989 (la situation avait dégénéré entre mauritaniens et sénégalais avec des pillages et des morts des deux côtés sur les deux territoires entraînant même à l'époque la rupture de toute relation diplomatique entre les deux Etats). Les opérations débutèrent en Janvier 2008 et le premier contingent de rapatriés avait franchi le fleuve Sénégal le 29 janvier 2008 après 19 années d'exil forcé. Les opérations ont été menées sous l'égide du HCR, et se sont poursuivis malgré le coup d'état intervenu en Aout 2008 en Mauritanie. Notons que la fin des opérations fixée dans l'accord tripartite est intervenue récemment en Mars 2012. Estimés à 12.000 selon les données enregistrées par le HCR, ils seront finalement 20.000 à retourner en Mauritanie49(*).

Néanmoins, même si cet exemple constitue un rapatriement réussi, il faut dire que cette solution peut renfermer des risques notamment de trouver sur place une nouvelle situation répréhensible, et de devoir fui à nouveau. D'ailleurs, le HCR exige un certain degré de sûreté et de sécurité avant de promouvoir activement le rapatriement volontaire qui s'effectue par un accord tripartite entre le HCR et les deux Etats concernés comme dans l'exemple ci-dessus.

Par ailleurs, outre le rapatriement volontaire, il ya l'intégration locale des réfugiés. A cet effet, l'article 34 de la Convention de Genève stipule : « Les Etats contractants faciliteront, dans toute la mesure possible, l'assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s'efforceront notamment d'accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure possible, les taxes et les frais de cette procédure. »

En effet, certains réfugiés qui ne veulent plus retourner dans leur pays d'origine peuvent décider de rester et de s'intégrer définitivement dans leur pays d'accueil. Nous pouvons d'ailleurs prendre exemple sur les réfugiés mauritaniens sur le sol sénégalais, car du fait des nombreuses années passées au Sénégal, beaucoup d'entre eux ont décidé de s'y installer définitivement. Il faut néanmoins préciser que les pratiques des Etats en ce qui concerne la facilitation de cette intégration peuvent différer. Certains utilisent couramment la naturalisation, alors que d'autres accordent un permis de séjour permanent aux réfugiés. Il faut aussi dire que dernièrement, le nombre de pays estimant être en mesure de prendre des mesures d'intégration a diminué considérablement.

Enfin, il ya la réinstallation dans un pays tiers. Cette solution n'est envisageable que pour un nombre réduit de réfugiés qui sont soit menacés dans leur pays de premier asile, ou qui n'ont pas d'autre solution durable. Mais pour cela, ces réfugiés doivent remplir cumulativement les critères fixés par le HCR et aussi ceux définis par le pays de réinstallation.

Il faut aussi noter qu'outre ces solutions durables, le HCR garde un oeil particulièrement vigilant sur les femmes et les enfants réfugiés qui sont particulièrement vulnérables. Le HCR relève d'ailleurs dans ses statistiques que 50,8 % environ des personnes relevant de sa compétence sont des femmes, et qu'environ 41 % ont moins de 18 ans, et 12 % moins de cinq ans50(*). Ces chiffres justifient d'ailleurs amplement que ces derniers, avec aussi les personnes âgées, bénéficient d'une protection et une aide particulière de la part du HCR.

En définitive, nous pouvons dire que le réfugié bénéficie aujourd'hui d'un statut spécifique qui a émergé progressivement pour être aujourd'hui, de par la Convention de Genève et le Protocole de 1967 qui définissent le réfugié, le fondement pour réclamer l'asile dans d'autres pays en cas de persécutions. C'est ainsi que ce réfugié bénéficie d'une procédure rigoureusement réglementé pour sa reconnaissance officielle, mais aussi et surtout d'une protection et d'une assistance de la part notamment des Etats et du HCR. Toutefois, de nos jours, le droit d'asile est sérieusement remis en cause, et le réfugié se voit de plus en plus bousculé dans sa réclamation de ce droit d'asile pour divers facteurs que nous tenterons d'analyser.

2e Partie : Le droit d'asile, une actualité sujette de controverses pour les réfugiés dans le Monde

Il est indéniable que, de nos jours, le droit d'asile est strictement réglementé, avec comme nous l'avons vu un régime juridique propre aux réfugiés, qui s'est consolidé progressivement. Ainsi existe-t-il un statut des réfugiés, qui obéit à diverses règles dans sa détermination, mais aussi qui garantit au réfugié un certain nombre de droits et d'attributs.

Par ailleurs, depuis la Convention de Genève de 1951, entrée en vigueur en 1954, divers instruments juridiques sont intervenus en vue de consacrer et de garantir l'asile pour les réfugiés. Ces instruments peuvent être communautaires, nationaux avec la législation interne, internationaux, ou même régionaux (protocole de 1967, Convention de l'OUA, décrets et arrêtés sur les réfugiés, directives, déclaration de Carthagène, statut HCR, etc.).

En outre, la protection à laquelle l'asile renvoie essentiellement, existe bel et bien, et est assurée par l'Etat, mais aussi par le HCR. Cette protection s'exerce dans la garantie pour les réfugiés de leurs droits (des droits sociaux, économiques, en passant par leur intégrité physique), mais aussi elle équivaut à une certaine assistance qui leur est octroyée.

Toutefois, ce droit d'asile a connu dans la dernière décennie des infléchissements qui sont allés crescendo. En effet, plusieurs facteurs ont contribué à douter de l'imperméabilité des règles régissant l'asile du réfugié. Et ces infléchissements ont été dénotés surtout dans la protection des réfugiés, qui s'expose de plus en plus à des menaces insistantes. En effet, on assiste aujourd'hui de plus en plus à un contournement des règles régissant les réfugiés, notamment par les pays industrialisés qui usent de diverses explications pour réduire progressivement leur implication par rapport aux réfugiés. C'est ainsi que des politiques anti-migratoires sont élaborées et appliquées aux réfugiés qui pourtant avec leur statut, devraient être distinguées des autres catégories de migrants. On parle d'ailleurs en Europe d'externalisation de l'asile.

Cette attitude nouvelle de restriction progressive de l'asile se vérifie surtout chez les pays d'accueil, qui ne cessent de durcir leurs politiques vis-à-vis des réfugiés, mais aussi des demandeurs d'asile, auxquels on refuse souvent d'accorder le statut de réfugié. Tous ces éléments nous permettent de dire qu'il ya une véritable remise en cause de l'asile du réfugié, auquel il est apporté diverses restrictions.

Néanmoins, malgré la constatation de ces restrictions au droit d'asile, il n'en reste pas moins que des perspectives peuvent être envisagées pour y remédier et assurer la pérennité du droit d'asile. En effet, de par l'importance et la sensibilité que présentent aujourd'hui l'asile et le réfugié, il est sans doute opportun de réfléchir sur des perspectives offertes en vue de redorer le blason de cet asile.

Nous verrons donc d'abord qu'il ya aujourd'hui une certaine remise en cause de l'asile du réfugié (chapitre premier) et ensuite, nous réfléchirons sur les perspectives pouvant être ouvertes en vue d'assurer la pérennité de l'asile du réfugié (chapitre second).

Chapitre 1 : Vers une remise en cause de l'asile du réfugié

De nos jours, malgré tous les instruments juridiques censés garantir son statut qui fut élaboré progressivement, et duquel devrait découler pour lui divers droits et attributs, mais aussi un fondement pour sa protection juridique internationale et son assistance, le réfugié voit son asile être remis en cause par divers facteurs.

En effet, depuis quelques années, on assiste à la recrudescence de la question des immigrés illégaux, question traduite par l'émigration clandestine et la montée du terrorisme. L'asile et le statut du réfugié sont pris pour cibles par les gouvernements notamment occidentaux, dans leur durcissement des politiques migratoires. Cette recrudescence a entrainé en même temps une hausse vertigineuse des demandes d'asile. ``Face au nombre croissant des demandes, certains pays, notamment parmi les plus industrialisés, ont renforcé leur législation en matière de réfugiés ainsi que les critères d'octroi de l'asile. Ce durcissement a entraîné une diminution des réfugiés reconnus comme tel.''51(*)

Par ailleurs, avec tous les instruments internationaux et régionaux relatifs aux réfugiés qui prévalent, on serait tenté de croire que le statut qui en découle se caractériserait par une certaine rigidité. Toutefois, cette rigidité s'étiole de jour en jour, notamment en ce qui concerne la question de la protection et de l'assistance au réfugié. Cet étiolement du statut du réfugié dans sa rigidité apparait aussi à travers la procédure même de détermination du statut, qui rappelons-le, est en partie réglementée par la législation interne (en plus de la Convention de Genève).

Ainsi, nous verrons d'abord que des restrictions diverses sont apportées à l'asile du réfugié (section 1) mais aussi il ya un effritement dans la rigidité du statut des réfugiés (section 2).

Section 1 - L'apport de restrictions diverses à l'asile du réfugié

Du fait de la conjonction de certaines circonstances, le droit d'asile est aujourd'hui confronté à diverses restrictions. En effet, des raisons souvent géopolitiques ou même socio-économiques poussent de plus en plus les Etats d'accueil à réduire leur implication face au problème des réfugiés, réduction qui se traduit inévitablement par une baisse considérable dans le ratio de reconnaissances officielles des réfugiés par rapport au nombre sans cesse croissant de demandeurs d'asile. Il faut noter que ce phénomène apparait surtout dans les pays industrialisés. Ce sont aussi ces derniers qui ont développé et perfectionné des politiques anti-migratoires, qui ne manquent pas d'avoir des conséquences néfastes sur l'asile du réfugié.

Nous verrons donc d'abord en quoi consiste ce recul dans l'implication des pays d'accueil face au droit d'asile du réfugié (paragraphe premier) ; et ensuite, que le développement des politiques anti-migratoires entraine des conséquences importantes sur l'asile du réfugié (paragraphe second).

Paragraphe 1 - Un recul important dans l'implication des pays d'accueil face au droit d'asile du réfugié

L'asile du réfugié ne pourrait s'accomplir sans des Etats d'accueil volontaires et `accueillants' avec la ferme volonté de recueillir les demandeurs d'asile (sans les refouler) et d'examiner leurs demandes dans les conditions idoines, afin de reconnaitre, dans le respect des textes, ceux qui méritent le bénéfice du statut de réfugié. Toutefois, aujourd'hui, on dénote que les pays d'accueil, qui auparavant étaient plus enclin à examiner et à reconnaitre parmi les demandeurs d'asile un grand nombre de réfugiés, sont aujourd'hui plus réticents, en invoquant diverses raisons.

Ainsi, dans l'analyse de ce recul dans l'implication, nous verrons aussi que cette attitude restrictive apparait surtout chez les pays industrialisés, et qu'en général, des causes géopolitiques ou socio-économiques sont invoqués par les pays d'accueil.

« Dans les cinquante pays industrialisés de la planète, on a compté 471.600 demandes d'asile en 2003, soit 20% de moins qu'en 2002, dans les pays de l'Union Européenne (UE), les demandes d'asile ont décru de 2% en 2002 et de 22% en 2003 (288.100), au Royaume Uni, la diminution a été de 41% en 2003 (61.050 contre 103.100 en 2002), au Danemark, elle a été de plus de 60%, les demandes d'asile passant de 12510 en 2002 à 4560 en 2003 ; en France, entre 2001 et 2003, les demandes d'asile aux frontières ont baissé de 43%. »52(*)

Aussi, en Belgique, un rapport du Commissariat général aux réfugiés et apatrides datant de Mars 2012 révèle qu'au nombre de 19.941 en 2010 et 25.479 en 2011, le nombre de demandes d'asile est passé à 5.815 en 2012.53(*)

Cette brève analyse statistique traduit une certaine constante, à savoir la diminution progressive des demandes d'asile, notamment dans les pays industrialisés.

Cette diminution contraste sérieusement avec la situation en Afrique, car le nombre de réfugiés africains ne cesse d'augmenter sensiblement : « estimés à 208.000 en 1965, les réfugiés africains avoisinent aujourd'hui 7 millions. » notons par ailleurs qu'au Sénégal, les réfugiés sont estimés à environ 20.000 selon le HCR54(*).

Cette baisse notée dans les demandes d'asile et donc les reconnaissances de réfugiés peut d'abord s'expliquer par des raisons socio-économiques. En effet, aux frontières des Etats d'accueil, ceux-ci créent souvent une confusion conceptuelle qui nuit gravement aux réfugiés, car dès leur arrivée, les demandeurs d'asile sont souvent traités de « faux demandeurs d'asile » ou pire de migrants illégaux voire clandestins. De nos jours, vu l'ampleur pris par le phénomène de l'émigration clandestine, les pays industrialisés, destination de prédilection autant des réfugiés que des migrants illégaux, ne font plus rigoureusement la différence entre ces catégories. On en est même venu jusqu'à élaborer des notions nouvelles telles le « réfugié économique », souvent opposée aux demandeurs d'asile alors que, précisément, l'un des effets premiers de la ségrégation ou de la persécution est la pauvreté, laquelle n'est nullement exclusive de réelles craintes de persécutions au sens de la convention de Genève.

D'autre part, il faut noter que ce recul des pays d'accueil dans leur implication face au droit d'asile des réfugiés a eu pour conséquence l'apparition en Europe d'un phénomène relativement récent : l'externalisation de l'asile, considéré aujourd'hui comme une entrave majeure à l'asile du réfugié.

L'ouverture du débat ayant conduit à cette externalisation de l'asile est d'origine britannique. Ainsi, nous essaierons d'analyser d'abord l'origine de cette externalisation, avant d'en apporter une définition ainsi que ses principales conséquences.

C'est la lettre du 10 Mars 2003 du Premier ministre britannique, proposant l'instauration de centres de traitement des demandes d'asile dans les pays tiers, qui ouvre le débat sur l'externalisation de la procédure d'asile en Europe.55(*) Ainsi, même si cette proposition fut rejetée par le Conseil européen de Thessalonique de Juin 2003, le débat était néanmoins lancé, et les intentions de l'UE s'éclaircirent progressivement au fil des ans, dans le sens des restrictions relatives à l'asile. En effet, il en est ainsi du projet de Tony Blair de créer pour les demandeurs d'asile des « centres de traitement de transit » hors du territoire de l'UE.

Cette orientation de l'UE sera ensuite confirmée par le programme pluriannuel de la Haye adopté par le conseil européen de Bruxelles les 4 et 5 novembre 2004 et posant les bases de travail pour la période 2005-2010. Selon ce programme, la politique de l'UE devrait viser à soutenir, dans le cadre d'un véritable partenariat et en recourant, le cas échéant, aux fonds communautaires existants, les efforts déployés par les Etats tiers pour améliorer leur capacité à gérer les migrations et à protéger les réfugiés, pour prévenir et combattre l'immigration clandestine, pour informer sur les voies légales de migration, pour régler la situation des réfugiés en leur offrant un meilleur accès à des solutions durables, pour renforcer les moyens de surveillance des frontières, pour améliorer la sécurité des documents et pour s'attaquer au problème du retour. 56(*)

Dès lors, il apparait que l'accent sera désormais mis par l'UE sur la dimension externe de l'asile et de l'immigration. En effet, pour pouvoir combattre cette immigration clandestine et `protéger' en quelque sorte les côtes et frontières européennes, le choix a donc été porté sur l'externalisation. Toutefois, malgré son extrême popularité (de par les controverses auxquelles elle a donné lieu), définir l'externalisation de l'asile n'est pas chose aisée, car aucune définition n'est communément admise. Nous tenterons donc de nous intéresser à ce que recouvre ce phénomène d'externalisation.

D'abord, nous devons rappeler qu'il n'existe pas à ce jour stricto sensu un droit d'asile consacré (si ce n'est la DUDH de 1948). « L'Europe est donc un espace dans lequel le droit d'asile n'existe pas en tant que droit de la personne, ni que droit de l'Homme, mais demeure livré à la seule décision régalienne de l'Etat.57(*)

Ainsi, il faut dire que l'idée d'externalisation sera précipitée par la tentative de régime d'asile européen commun (RAEC) qui n'a toujours pas connu un aboutissement définitif. Ce régime inspirera la correspondance en 2003 de Tony Blair, premier ministre britannique : « les nouvelles approches internationales du traitement des demandes d'asile et de la protection », qui est un papier joint à la lettre qu'il avait envoyée au président du conseil de l'UE d'alors, Costas Simitis. Toutefois, ce qui caractérisera l'externalisation seront sans doute les centres de transit, qui furent d'ailleurs proposés par le gouvernement britannique dès cette époque : le temps de l'examen de leur dossier, les demandeurs d'asile seraient envoyés dans des zones de protection identifiées dans des pays tiers. Ils résideraient dans ces centres de transit loin du sol européen qu'ils ne rejoindraient qu'une fois le statut de réfugié accordé et à la suite d'une procédure de réinstallation dans les pays membres faisant partie du programme.

Il est clair qu'un tel projet poserait des problèmes graves quant au respect des droits de l'homme de ces demandeurs d'asile. Mais lors du sommet de Thessalonique, la proposition fut retirée sans faire l'objet de débats, mais n'a pas laissé indifférente la Commission puisque les conclusions en seront teintées.

La possibilité d'un traitement des demandes d'asile hors du territoire européen n'est pour sa part pas complètement abandonnée puisque le Conseil européen invitera en 2004 la Commission européenne à faire une étude en étroite consultation avec le HCR afin d'évaluer le bien-fondé, le caractère opportun et la faisabilité d'un traitement commun des demandes d'asile en dehors du territoire de l'UE, qui soit complémentaire au RAEC et conforme aux normes internationales applicables.58(*) Encore une fois, la question des centres de transit causera des désaccords. En septembre 2004, la France, la Suède et la Belgique s'opposent au projet ainsi que l'Espagne.

Il faut aussi noter que c'est le HCR, qui depuis 2003, a motivé et inspiré de telles propositions avec sa Convention Plus, lancée en 2003, et qui est une initiative internationale lancée et coordonnée par le HCR afin de résoudre les problèmes liés aux réfugiés par des accords multilatéraux particuliers, mais notons que cette convention n'est plus d'actualité aujourd'hui.

Ainsi, l'externalisation peut prendre essentiellement deux formes : on parle alors d'externalisation-délocalisation d'une part, et l'externalisation-transfert de responsabilité d'autre part. La première correspond au fait pour l'UE, de délocaliser hors de son territoire certaines procédures relatives au contrôle de ses frontières ; et la seconde correspond à faire peser sur des pays tiers, par transfert de responsabilités, les conséquences des obligations qui lui incombent en application des engagements internationaux.

Toutefois, l'externalisation sera en quelque mise en oeuvre par le programme de la Haye,59(*) qui est un programme pluriannuel qui s'étale sur cinq années et s'intéresse à la politique d'asile et d'immigration de l'UE.

Par ailleurs, il faut noter que l'externalisation regroupe et entretient des relations connexes avec la « dimension externe » de la politique migratoire (politiques d'asile et d'immigration).

Ainsi, nous verrons le développement de ces politiques anti-migratoires, ainsi que les conséquences néfastes qu'elles peuvent avoir sur l'asile du réfugié.

Paragraphe 2 - Le développement des politiques anti-migratoires et leurs conséquences sur le droit d'asile des réfugiés

En plus du recul dénoté dans l'implication des pays d'accueil, et qui transparait des diverses manières que nous avons tenté d'analyser, la problématique de l'émigration est aujourd'hui à l'origine de plusieurs politiques pour contrôler voire même limiter ces migrations. Toutefois, du fait de l'assimilation usuelle des réfugiés aux catégories ordinaires de migrants, ces politiques anti-migratoires auront des conséquences souvent négatives sur l'asile et le réfugié.

Il faut ici préciser que nous mettrons surtout l'accent sur l'Europe, car même si, en accord avec nos développements précédents, il est indéniable que les demandes d'asile et reconnaissances de réfugiés ont fortement baissé dans ces pays industrialisés européens, il n'en reste pas moins que le vieux continent accueille le plus fort taux de demandes d'asile, et que ceux-ci viennent de partout à travers le monde, notamment d'Afrique et d'Asie.

Tout d'abord, il ya une rigueur toujours plus grande dénotée dans les politiques de contrôle des flux migratoires. En effet, rappelons qu'en plus de l'assimilation des réfugiés à des notions connexes comme les faux demandeurs d'asile, ou les immigrés clandestins même, on note aujourd'hui qu'aux frontières, les réfugiés sont à peine distingués de toute autre catégorie de migrants. Nous tenterons d'abord de savoir dans quelle mesure les politiques anti-migratoires développées progressivement ont des conséquences sur l'asile du réfugié.

Parmi ces politiques, outre le Programme de la Haye souligné plus haut dans nos développements, et qui a un peu amorcé la mise en oeuvre de la dimension externe des politiques migratoires, il ya le système Dublin avec surtout le Règlement Dublin II du 25 mars 2003appliquée le 1e septembre 2003. Ce règlement, en plus de cautionner la notion de transferts des demandeurs d'asile vers des pays tiers par rapport au premier pays d'accueil du demandeur d'asile, vise aussi à mettre fin au phénomène des demandeurs d'asile sur orbite, c'est-à-dire le fait qu'un demandeur d'asile tente sa chance dans plusieurs pays en se déplaçant d'un pays à un autre en déposant une demande d'asile sans trouver d'Etat qui l'accepte. En effet, ce règlement permet de déterminer l'Etat membre de l'UE responsable de l'examen d'une demande d'asile. Mais les critères de détermination sont variés.

Le règlement Dublin II est donc largement critiqué en ce sens qu'il ne garantit pas l'accès à une procédure équitable pour tous les demandeurs d'asile (chacune étant différente d'un Etat membre à un autre), notamment lorsque les Etats aux portes de l'Europe ne peuvent plus faire face aux flots des demandes60(*). C'est ainsi qu'en 2008, Amnesty International en est venu à demander que l'ensemble de l'UE cesse les transferts.61(*) En effet, le système Dublin, en plus d'empêcher aux demandeurs d'asile l'accès à une procédure équitable du fait des différences selon les pays, cause par la même occasion une totale confusion dans les procédures à appliquer aux demandeurs d'asile. Le système Dublin est aussi à rapprocher du système Eurodac62(*), qui se traduit par la création, au sein de la CE et pour le compte des Etats, d'une unité centrale permettant la comparaison des données dactyloscopiques des demandeurs d'asile.

Concernant le système Dublin, plusieurs institutions se battent pour une meilleure prise en compte des intérêts des réfugiés ou demandeurs d'asile. C'est ainsi que le Forum Réfugiés insistera par exemple sur le fait que le recours contre les décisions de transfert dans le cadre du règlement Dublin II soit systématiquement suspensif.63(*) Aussi, en ce qui concerne Eurodac, Forum Réfugiés s'alarme de la communication des informations relatives aux demandeurs d'asile et réfugiés à leur pays d'origine pouvant les mettre en danger.

Par ailleurs, outre le système Dublin, on peut aussi parler de certaines directives qui portent aussi certaines atteintes à l'asile du réfugié. Il en est ainsi de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1e décembre 2005 relative à des normes minimales d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, ou directive procédures.

Cette directive appellera des critiques virulentes, même de la part des Etas membres de l'UE, elle recevra même la dénomination de « directive de la honte ». En effet, ce texte introduit par exemple en droit communautaire européen des notions telles que celle de `recevabilité' des demandes permettant de rejeter une demande d'asile sans examen complet du dossier et sans recours suspensif d'une éventuelle mesure d'éloignement.64(*) Il est clair que ces mesures d'éloignement portent une atteinte sérieuse au principe du non-refoulement65(*).

En plus de ces directives, l'UE n'a de cesse d'élaborer des notions et techniques en vue de renforcer ses frontières et de restreindre de plus en plus l'institution de l'asile. Il faut préciser que ces notions s'appliquent souvent en étroite collaboration avec des pays voisins de l'UE, ou en tout cas qui sont paradoxalement souvent des tiers par rapport à la première demande d'asile, qui peut donc faire l'objet de transfert.

Nous nous intéresserons donc d'abord à la notion de pays d'origine sûre élaboré par la Commission Européenne. Cette notion est la manifestation par excellence de la capacité de l'Europe à conclure des accords sur les migrations avec des Etats-tiers, accords qui ne tournent souvent qu'à l'avantage exclusif des pays européens.

En effet, cette notion est prévue par l'annexe II de la « directive procédures citée tantôt » (directive 2005/85/CE du 1e décembre 2005 relative à des normes minimales d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres). Cette directive stipule : « lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément, il n'y est jamais recouru à la persécution [...], ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'ya pas de menace en raison de violences indiscriminées dans des situations de conflit armé international ou interne ».66(*)

Il faut d'ores et déjà dire qu'une telle notion, même si elle manque toujours de recueillir l'approbation pratique de tous les Etats membres de l'UE quant à une éventuelle liste commune de ces pays d'origine sûre, est en désaccord avec la Convention de Genève de 1951, base du droit du réfugié. En effet, la Convention de Genève stipule dans son article 3 : « Les Etats contractants appliqueront les dispositions de cette Convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d'origine ». La création d'une liste de pays d'origine sûre constituerait donc un moyen de réduction de l'application de la Convention de Genève. En effet, une telle liste ferait que certains individus, du fait de leur appartenance à tel ou tel pays, ne peuvent plus demander l'asile dans certains pays de l'UE.

« L'opération idéologique est redoutable [...]. A terme, un racisme anti-réfugié ciblé sur certaines appartenances nationales ou ethniques, tel qu'il existe déjà est un produit inévitable de ce type de politique».67(*) En effet, comme l'illustre cet extrait du journal Le Monde dès 2004, cette liste de pays d'origine sûre n'est qu'un énième facteur dans la remise en cause européenne du droit d'asile. Ainsi, concernant ces pays sûrs, et à titre illustratif, on peut s'intéresser au cas de la France. Ainsi, la liste française des pays d'origine sûre s'élève à 17 pays, et est dressée par l'OFPRA avec le HCR comme simple observateur. Ainsi, notre pays, le Sénégal occupe une bonne place dans cette liste aux côtés d'autres pays essentiellement africains ou asiatiques (Bénin, Ghana, Inde, Madagascar, Mongolie etc.). On peut aussi se poser des questions sur les critères utilisés dans la détermination de cette liste. Ainsi, les origines des pays sur cette liste sont donc fortement dissuadés du déclenchement d'une quelconque procédure de demande d'asile au risque de se voir notifier que leur demande est « manifestement infondée ».

En marge de cette liste de pays d'origine sûre, nous pouvons aussi invoquer les politiques rigoureuses aux frontières avec les centres de rétention, et surtout le travail de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'UE (FRONTEX). En effet, cette agence est souvent à l'origine de diverses violations des droits fondamentaux. Il en est ainsi surtout lors des interventions de cette agence en mer, ou elle procède souvent à des opérations d'interceptions maritimes de demandeurs d'asile sans aucune considération pour leur droit à l'asile. D'autre part, FRONTEX procède aussi à des opérations de contrôle qui s'opèrent aux frontières extérieures de l'UE avec pour objectif de refouler les migrants vers les pays voisins. Cette agence ne respecte donc nullement le droit d'asile, et surtout l'article 33 de la Convention de Genève de 195168(*), car on note dans ses rapports annuels qu'elle fait souvent état de refoulements divers mais aussi des refus d'entrée. Ainsi, le rapport de l'année 2007 fait état de 130.000 ressortissants de pays tiers qui ont été refoulés de l'UE tandis que le rapport de l'année 2008fait état de 140.000 refus d'entrée69(*). Il est clair donc que les droits de ces migrants ne sont pas pris en compte.

Notons que cette agence porte aussi atteinte au « droit de quitter tout pays » énoncé par l'article 13 de la DUDH du 10 décembre 1948 : « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. »

Mais néanmoins, l'une des plus graves entorses au droit d'asile et surtout à la Convention de Genève de 1951 est sans doute les « accords de réadmission » pris par les pays européens en toute complicité avec les pays de provenance des migrants pour pouvoir renvoyer sans délai les gens dans ces pays. Ces clauses de réadmission sont ainsi prévues par le programme de la Haye précité plus haut dans nos développements. En effet, elles renvoient à une politique de retour et de réadmission guidant vers une « politique efficace d'éloignement et de rapatriement [...] dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux et de leur dignité. »70(*)

Ces clauses et accords de réadmission permettent ainsi le retour des étrangers en situation irrégulière. A titre illustratif, on peut invoquer l'Accord de Cotonou signé en Juin 2000 avec les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique, accord qui contient une clause relative aux accords de réadmission de leurs ressortissants entrés irrégulièrement dans l'UE.

Ainsi, tous ces facteurs combinés nous permettent de percevoir que de réelles restrictions sont apportées au droit d'asile du réfugié aujourd'hui, qui, s'il n'est pas ouvertement contesté, voit tout de même l'asile sur lequel il compte pour échapper aux persécutions auxquelles il est confronté, être sérieusement limité voire même menacé.

C'est dans ce même sillage de contestations auxquelles fait face l'asile que le statut du réfugié censé aujourd'hui garantir au réfugié ses droits ainsi que sa protection, voit sa rigidité s'amenuiser, autant dans la procédure de détermination du statut du réfugié (DSR) que dans la protection et l'assistance auxquelles ce statut devrait renvoyer.

Section 2 - L'effritement dans la rigidité du statut du réfugié

Le statut de réfugié obéit en principe à des conditions précises concernant sa détermination à travers les procédures y afférentes. La règlementation de la procédure de détermination du statut du réfugié (DSR) permet de mettre en oeuvre des règles allant surtout dans le sens de garantir pour les réfugiés une gestion équitable de leurs cas, en ce qui concerne l'examen de leurs demandes qui doit se faire selon certaines règles (confidentialité, respect des principes relatifs aux droits de l'Homme etc.) analysées plus haut dans nos développements. Toutefois, cette DSR peut parfois se heurter à des irrégularités diverses et variées selon les situations. Néanmoins, le statut de réfugié n'est pas uniquement assoupli dans la procédure de détermination. En effet, la reconnaissance officielle du statut du réfugié entraîne des effets allant surtout dans le sens de droits et d'avantages pour le réfugié, mais aussi d'une certaine protection juridique et une assistance pour ces réfugiés.

Toutefois, on note aujourd'hui à travers le monde que cette protection s'affaiblit progressivement, avec l'usage de modes de protection ; mais aussi les réfugiés sont de plus en plus confrontés à des problèmes existentiels dans leurs pays d'accueil liés à des conditions de vie difficiles qui ne font que traduire les carences en matière d'assistance aux réfugiés.

Nous verrons donc qu'il ya d'abord des irrégularités diverses dans la DSR (paragraphe premier) et qu'ensuite, il ya un affaiblissement de la protection et de l'assistance aux réfugiés (paragraphe second).

Paragraphe 1 - Des irrégularités diverses dans la DSR

« Demander l'asile est un droit, pas un crime », rappelait le 30 octobre 2006 le commissaire aux droits de l'Homme du conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg71(*).

Rappelons que la DSR peut être définie comme « le processus par lequel les autorités du pays ou le HCR établissent qu'une personne qui sollicite la protection internationale est bien un réfugié c'est-à-dire qu'elle remplit les critères d'éligibilité définis par les instruments régionaux ou internationaux relatifs aux réfugiés par la législation nationale ou le HCR72(*) ».

Ainsi, il apparaît donc que le droit interne des Etats peut occuper une place importante, à moins que l'Etat d'accueil n'ait pas expressément prévu de législation allant dans ce sens, auquel cas c'est le HCR qui est alors compétent pour déterminer la procédure de DSR avec ses fonctionnaires suivant la Convention de Genève de 1951 mais aussi le statut du HCR de 1950.

Ainsi, nous tenterons d'abord d'analyser les diverses irrégularités dans la procédure.

Nous pouvons d'abord dire que l'accès aux procédures de DSR est souvent difficile voire restreint. En effet, les demandeurs d'asile n'ont pas toujours accès à une procédure de détermination juste et efficace. Ces difficultés sont surtout notées en Europe. A ce titre, nous pouvons invoquer la notion de pays d'origine sûre déjà analysée qui ne permet pas à des ressortissants de certains pays (parmi lesquels le notre par rapport à la France) de recourir à la procédure de DSR ; ce qui est une atteinte grave l'asile du réfugié.

Mais la première vraie entorse à la DSR reste sans nul doute la mise en place de procédures prioritaires et accélérées. En prenant exemple sur la France, nous pouvons dire que ces procédures « prioritaires » sont prévues par l'article L.741-4 du Code de l'Entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui permet aux préfectures de refuser l'admission au séjour d'un demandeur d'asile en le plaçant en procédure dite « prioritaire » et ce dans plusieurs cas : si elle considère les demandes frauduleuses ou abusives, si les demandes sont déposées en rétention, si le demandeur a la nationalité d'un pays d'origine considéré comme « sûr » ou relevant de la clause de cessation d'application de la Convention de Genève de 1951.

En effet, un traitement accéléré peut être indiqué pour certaines catégories de demandeurs d'asile. Il en ainsi donc principalement des demandes manifestement infondées, mais aussi des demandes présumées abusives ou frauduleuses. Nous tenterons d'analyser en quoi consiste ces notions.

Ainsi, les demandes manifestement infondées peuvent être appréhendées comme des demandes qui ne se rattachent pas aux critères d'éligibilité énoncés dans la Convention de 1951 ou à tout autre critère justifiant l'octroi de l'asile. Cependant, dans la pratique, on note de plus en plus que cette notion de demandes manifestement infondées a du mal à se départir de la notion déjà analysée de pays d'origine sûre qui sert souvent à les justifier. En effet, les originaires de ces pays d'origine sûre sont presque automatiquement reversés en procédure prioritaire. En 2007 en France, 85.2 % de ces demandeurs d'asile venant de ces pays ont été placés en procédure prioritaire par les préfectures.

Et d'autre part, les demandes présumées abusives ou frauduleuses sont celles faites par des personnes qui de toute évidence n'ont pas besoin de la protection internationale, ainsi que celles comprenant un élément de tromperie ou l'intention d'induire autrui en erreur.

Toutefois, ces procédures ne permettent de couvrir toutes les garanties normalement nécessaires dans le cadre d'une procédure juste et équitable en matière d'asile. C'est ainsi que, dans un de ses avis, la commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) en France avait constaté « le recours excessif aux procédures prioritaires appliqués à près d'un quart des demandes d'asile et non assorties de toutes les garanties requises pour un examen équitable des dossiers, notamment celle d'un délai raisonnable d'instruction et le droit au recours suspensif ».73(*)

En effet, dans le cadre de cette procédure prioritaire, l'instruction des demandes par l'OFPRA se fait dans un délai réduit de 15 jours (96 heures pour les personnes placés en rétention), ce qui interdit toute instruction approfondie et n'entraîne un entretien que pour un quart de ces demandeurs : mais aussi le recours contre une décision de rejet de l'OFPRA n'est pas suspensif d'une mesure d'éloignement.74(*) Il apparaît donc que cette procédure `prioritaire' dépasse les normes car ne permettant pas au demandeur d'asile de voir sa demande convenablement examinée. De plus, le recours à cette procédure « prioritaire » est en constante augmentation non seulement en France mais aussi dans d'autres pays. En France, si l'on prend en compte les premières demandes et les demandes de réexamen, elles sont passées de moins de 10% de la demande globale en 2003 à 16 % en 2004, à 23 % en 2005 pour atteindre 30% en 2006, et une part importante revient à l'application du 4eme alinéa de l'article L.741-4 du CESEDA (demande frauduleuse, abusive ou visant à faire échec à une mesure d'éloignement).75(*)

L'Ukraine, qui par ailleurs n'a instauré que le statut de réfugié, et non la protection subsidiaire ou pour raisons humanitaires, est adepte de ces procédures accélérées car la plupart des cas sont rejetées à l'admissibilité sans étude substantielle et pour motif d'être manifestement infondées ou abusives. Ce recours aux procédures « prioritaires » s'accompagne par ailleurs d'un très faible taux en Ukraine de reconnaissance du statut de réfugié (3,6% en 2006, 1,5% en 2007, 5,8% en 2008).

Néanmoins, les procédures « prioritaires » ne constituent pas les seules entorses à noter dans la procédure de DSR. En effet, dans plusieurs pays, parmi lesquels les pays africains, on note des lenteurs autant dans l'examen que dans le traitement des demandes. C'est ainsi que dans notre pays le Sénégal qui, rappelons-le, englobe pour l'essentiel des réfugiés mauritaniens, on assiste souvent à des manifestations tendant à la revendication du traitement de leurs demandes. Mais il faut ici noter le caractère spécial des réfugiés mauritaniens en revenant un peu sur l'historique de ce flux migratoire.

En effet, même si on trouve au Sénégal des réfugiés africains et principalement d'Afrique de l'Ouest du fait des divers conflits qui sévissent et perdurent (Côte d'Ivoire, Liberia, les réfugiés au Sénégal sont majoritairement composés de mauritaniens qui se sont installés depuis les malheureux évènements mettant aux prises sénégalais et mauritaniens en 1989.

Récemment, ces réfugiés mauritaniens ont initié une grande vague de protestations contre le traitement qui leur est réservé par l'Etat du Sénégal. C'est ainsi que le 19 juin 2012, ces réfugiés mauritaniens ont engagé une grève de la faim. En effet, notons qu'après les quelques 20.000 réfugiés mauritaniens rapatriés dans le cadre de l'accord tripartite, il reste toujours environ 13.000 réfugiés au Sénégal. Alors que le rapatriement est terminé, les réfugiés restants comptent s'intégrer au Sénégal, et attendent une aide à leur intégration. Ainsi, ils dénoncent surtout le silence des autorités sénégalaises sur leurs demandes d'asile introduites pour certains il y a une dizaine d'années, ce qui est déplorable, comme le dénonce M. Djibril Baldé du International Refugee Rights Initiative au cours d'une marche organisée à Dakar le 19 juin 2012 : « nous avons remarqué en effet une lenteur administrative extraordinaire. Il ya des demandeurs d'asile qui sont venus au Sénégal, qui ont introduit leurs demandes en 2010 jusqu'à maintenant en 2012 [...] alors que les textes disent que la procédure ne doit pas dépasser 90 jours. »

Ainsi, notons que cette lenteur dans le traitement des demandes d'asile par la CNE, en violation des textes, porte aussi une atteinte sérieuse aux droits de ces demandeurs d'asile, de même qu'elle leur porte un très grand préjudice. Notons que la grève de la faim des réfugiés est illimitée, a duré, et dure encore plusieurs mois. Elle traduit les préjudices que peuvent engendrer les irrégularités notées dans la procédure de détermination du statut de réfugié, ainsi que leur traitement, même si en début aout 2012, les autorités sénégalaises, à travers le comité national de gestion des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées annoncent la distribution prochaine aux réfugiés sur le territoire sénégalais d'environ 8.000 cartes d'identités numérisées aux âgés de 5 ans et plus. Ces cartes d'identité de réfugiés devront permettre l'identification, mais aussi le séjour en toute légalité dans le pays d'accueil.

Outre ces irrégularités procédurales, les réfugiés voient aussi leur protection et leur assistance considérablement affaiblies.

Paragraphe 2 - L'affaiblissement de la protection et de l'assistance aux réfugiés

Comme l'énonce la définition du réfugié contenue dans la Convention de Genève et qui parle de la « crainte avec raison d'être persécuté », la protection constitue donc un élément indispensable du statut du réfugié. Aussi, d'autre part, la Convention de Genève prévoit aussi une assistance pour les réfugiés dans divers domaines (assistance sociale, logement, éducation, emplois).

En effet, l'Etat d'accueil, qui sans aucune contrainte décide de porter secours au réfugié en l'accueillant et l'intégrant dans son territoire, doit donc accepter d'assumer toutes les conséquences de cet acte de reconnaissance, à savoir les attributs que cela engendre pour le réfugié ; et parmi ces attributs figure en bonne place divers droits mais aussi la protection juridique. Toutefois, aujourd'hui cette protection s'affaiblit de plus en plus, et cela est principalement dû, outre les cas d'arrivées massives, à la consécration de nouvelles formes de protection dites « complémentaires » et qui ne présentent pas des garanties dans la durée : il s'agit des protections temporaires et subsidiaires. Il en sera ainsi par ailleurs de l'assistance aux réfugiés qui, comme la protection présente un recul important.

Il faut préciser que pour éviter certaines confusions conceptuelles, nous noterons aussi que cette protection est élargie, et ne se limite pas seulement aux réfugiés officiellement reconnus, mais aussi la protection doit concerner les personnes en quête d'asile, même en cas d'arrivées massives.

Donc, la principale cause de l'affaiblissement de la protection internationale des Etats est à chercher du côté de ces mêmes Etats. En effet, on assiste souvent de la part des pays d'accueil à des discriminations nombreuses et diverses à l'encontre des réfugiés, et la protection des Etats vis-à-vis de ces discriminations n'est pas toujours adéquate.

Le racisme, la discrimination, la xénophobie et l'intolérance sont autant d'entraves aux efforts internationaux de protection des réfugiés.

En effet, au sein des pays qui les accueillent dans leur fuite de persécution, on se rend compte que les réfugiés sont souvent confrontés à de graves problèmes de discrimination. Même si, à défaut de naturalisation, ils ne peuvent prétendre être traités de la même manière que les nationaux, il n'en reste pas moins qu'ils sont délaissés, voire même stigmatisés par les Etats d'accueil, ce qui fait que les principaux avantages auxquels renvoient la Convention de Genève pour les réfugiés sont très souvent ignorés. Il s'agit surtout des droits et avantages que nous avons traités dans nos précédents développements et qui surtout trait au monde du travail mais aussi à des droits et libertés fondamentales comme la liberté de circulation, le droit à l'éducation etc.

Cette discrimination peut par ailleurs se traduire en un climat de racisme et de xénophobie au sein de la population nationale du pays d'accueil, ou encore le risque de détention arbitraire qui pèse sur les réfugiés ou les demandeurs d'asile.

C'est ainsi que le Comité Exécutif du HCR, dans sa conclusion N° 85 de 1998 « déplore que bon nombre de pays ne cessent de détenir des demandeurs d'asile, y compris des mineurs, souvent de façon arbitraire et pour des périodes indûment prolongées, sans leur donner un accès adéquat au HCR et à des procédures d'examen de leur détention en temps voulu ; et note que, dans certains cas, ces pratiques de détention ne sont pas conformes aux normes établies en matière de droits de l'homme ; et exhorte les Etats à étudier de façon plus approfondie toutes les solutions de rechange. »

Cela montre que la protection dont bénéficie les réfugiés a des failles car il est difficile de comprendre que des individus qui sont persécutés et cherchent asile dans un autre pays soient détenus et souffrent aussi dans ce pays vers lequel ils se sont tournés pour fuir d'autres souffrances.

Pourtant, la Déclaration Universelles des droits de l'Homme stipule dans son article 9 : « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu, ni exilé ». donc il est clair que cette détention pose problème, car pour exercer le droit fondamental de chercher asile et de bénéficier de l'asile reconnu par la même Déclaration universelle des droits de l'Homme, les demandeurs d'asile sont souvent contraints d'arriver ou d'entrer illégalement dans les pays d'asile, et ils ne doivent pas être détenus lorsqu'ils arrivent directement d'un territoire où leur vie ou liberté sont menacées, et se présentent sans délai aux autorités pour leur exposer des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières.

Toutefois, la détention dans un cadre de politiques de restriction et de dissuasion va à l'encontre des normes du droit international.

Outre la détention, les réfugiés peuvent aussi être confrontés à des problèmes de racisme et de xénophobie. Ce cas de figure se produit surtout lorsqu'il ya un afflux massif de réfugiés dans un pays d'accueil, pouvant ainsi avoir un impact majeur sur la population locale. En effet, certaines communautés hôtes considèrent les réfugiés comme une menace pour leur mode de vie ou leur culture, et même pour la sécurité et la stabilité nationales. D'autres voient dans les étrangers des concurrents dans l'accès à des ressources locales limitées76(*).

Pour protéger les réfugiés contre ce racisme et cette xénophobie, des mesures d'ordre politique, juridique et même social devront être prises, et les parlementaires doivent être amenés à jouer un rôle fondamental dans ce processus.

Les Etats aussi peuvent prendre un certain nombre de mesures dans le sens d'une plus grande protection des réfugiés. Ils peuvent veiller à ce que tous les secteurs de la société engagent une action concertée pour lutter contre les divisions et les conflits raciaux au sein de la société, et promouvoir les activités interculturelles, en association avec les Organisations non-gouvernementales (ONG) ; par ailleurs, les auteurs d'actes de violence raciste et xénophobe doivent être efficacement et ouvertement condamnés par les tribunaux, les commissions de défense des droits de l'homme et les bureaux des médiateurs. Nous terminerons par cette importante conclusion du Comité Exécutif du HCR : « le comité exécutif en appelle à tous les Etats pour qu'ils combattent l'intolérance, le racisme et la xénophobie et qu'ils encouragent l'empathie et la compréhension, par le biais de déclarations publiques, d'une législation appropriée et de politiques sociales, particulièrement en ce qui concerne la situation spéciale des réfugiés et demandeurs d'asile. »77(*)

Par ailleurs, malgré ces remises en causes de l'asile du réfugié à travers les restrictions diverses qui lui sont apportées ainsi que le statut du réfugié qui n'est plus aussi rigide, il subsiste néanmoins des perspectives à envisager pour assurer la pérennité de l'asile et du statut du réfugié

Chapitre 2 : Des perspectives pour la pérennité de l'asile et du statut de réfugié

Aujourd'hui, plus que jamais, l'image de l'asile et du réfugié est au plus bas, le droit d'asile étant de plus en plus entamé, notamment par les diverses politiques anti-migratoires. Cela provient de la dichotomie qu'ont établie les occidentaux entre asile et immigration clandestine, le réfugié est de plus en plus vu comme un « indésirable »78(*). Il n ya plus de véritable distinction entre les migrants irréguliers et les demandeurs d'asile du point de vue de leur traitement. C'est ainsi que les pays occidentaux notamment ont profité de la crise entourant cette émigration clandestine, provenant des pays moins développés pour durcir leur politique, et par la même occasion restreindre l'asile, qui est aujourd'hui, comme nous l'avons vu, enfermé dans des politiques rigoureuses et dures de contrainte.

Aujourd'hui, alors que la Convention de Genève a déjà fêté ses soixante années, il est temps de faire un retour en arrière. On peut alors se demander comment on est arrivé à un jour où, l'asile, qui, à l'origine s'imposait à cause des millions de déplacés de la Seconde Guerre Mondiale en Europe (la Convention s'appliquait uniquement à l'Europe jusqu'au Protocole de 1967), est de plus en plus restreint, et réduit en quelque sorte par cette même Europe qui, aujourd'hui, sans le dire, le réduit considérablement de jour en jour.

Il est alors nécessaire de trouver des solutions avant qu'il ne soit trop tard et que le statut même de réfugié ne soit définitivement remis en cause au même titre que le droit d'asile.

Pour cela, il faudrait sans nul doute penser à une refonte du système d'asile car, rappelons-le, à ce jour, il n'a toujours pas été expressément consacré un droit à l'asile. Ce qui fait qu'accorder l'asile relève du pouvoir strictement discrétionnaire des Etats. Cela permettrait sans doute de diminuer le manque de considération à l'égard des réfugiés ou demandeurs d'asile. De plus, cette dernière catégorie n'est règlementée nulle part, car la Convention de Genève s'adresse aux réfugiés, c'est-à-dire qui ont dépassé ce stade, et ont déjà été reconnus.

Mais un pas majeur constituerait aujourd'hui une certaine harmonisation des politiques d'asile dans le monde, car il ya toujours une très grande marge de manoeuvre dont profitent les pays européens pour baisser sensiblement leur taux de reconnaissance des réfugiés. Ce qui fait que paradoxalement, on dénote plus de réfugiés dans les pays en développement que chez les pays industrialisés.

D'autre part, outre la refonte du système de l'asile, il ya aussi le statut des réfugiés qui mérite certains approfondissements avec surtout la question récemment soulevée des réfugiés environnementaux ou climatiques dont il est réclamé la protection de plus en plus.

Mais l'essentiel des développements que nous allons aborder sera centré sur la réhabilitation de la crédibilité et du réfugié et de l'asile, car ces deux éléments ont permis depuis des décennies de venir en aide à des millions de gens persécutés, égarés et désemparés.

Nous verrons d'abord la pertinence d'une réforme de l'asile (section 1) et ensuite l'importance de la recherche de solutions durables pour les réfugiés (section 2).

Section 1 - La pertinence d'une réforme de l'asile

L'asile tel qu'il apparait aujourd'hui est fortement réduit, restrictif et même menacé. C'est pourquoi nous mesurons toute la pertinence d'une éventuelle réforme de l'asile pour en faire un droit reconnu et strictement réglementé, pour mieux aider le réfugié dans sa demande de cet asile à l'égard des Etats d'accueil. Une telle réforme peut d'abord se traduire par la consécration expresse d'un droit à l'asile (paragraphe premier) mais aussi par une harmonisation des politiques d'asile dans le monde (paragraphe second).

Paragraphe 1 - L'apport d'une consécration expresse d'un véritable droit à l'asile

Si l'asile a été consacré depuis la DUDH de 194879(*), tout au long de sa vie, il n'a pas véritablement fait l'objet d'une consécration lui donnant une réelle valeur juridique contraignante. Il n'a pas fait partie par exemple des « droits naturels, inaliénables et sacrés » proclamés par la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 après la Révolution.

Dans le cadre de l'analyse relative à la consécration d'un tel droit aujourd'hui, nous ne manquerons pas de nous référer à François Julien-Laferrière, professeur émérite de droit public, et par ailleurs membre pour la France du réseau académique Odysseus de spécialistes du droit européen de l'asile et de l'immigration, dont le siège est à Bruxelles (ULB). Ses recherches portent également sur le droit des étrangers et les droits de l'Homme.

Mais pour une meilleure compréhension de la nécessité de consacrer plus rigoureusement le droit d'asile, nous pouvons revenir sur les diverses apparitions textuelles de la notion d'asile en France. Ainsi, il ne figure pas dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789, qui pourtant constitue un texte de référence en matière de droits et libertés. Toutefois, l'article 120 de la Constitution montagnarde de 1793 consacre un asile sélectif : « le peuple français donne asile aux étrangers bannis par leur patrie pour la cause de leur liberté. Il le refuse aux tyrans ». Ensuite, la Constitution de 1795 instituant le Directoire ne mentionne pas l'asile dans sa déclaration des droits et des devoirs. Cette situation va perdurer pendant un siècle et demi, jusqu'au Préambule de la Constitution de 1946 qui l'inscrit dans la Loi fondamentale.80(*) Néanmoins, il faut ici préciser le contexte dans lequel intervint cette consécration de l'asile dans le Préambule de la Constitution de 1946.

« Les persécutions fascistes, nazies et franquistes étaient encore toutes fraîches dans les mémoires et la France, considérée comme "la patrie des droits de l'homme", se voulait terre d'asile. »81(*) De plus, durant les années qui suivirent, les frontières françaises étaient grandes ouvertes, et il n'était même pas besoin de se réclamer de l'asile pour obtenir un droit au séjour en terre française, car avec la reconstruction nationale motivée notamment par la Seconde guerre Mondiale, la force de travail uniquement suffisait.

Toutefois, la situation va changer dès le premier choc pétrolier de 1973-1974 qui s'accompagnera d'une fermeture des frontières. A partir de là, le droit d'asile deviendra (avec le regroupement familial, l'une des seules voies permettant de venir en France. Il devient alors strictement réglementé.

Ainsi s'est-t-on par la suite posé des questions relatives à la valeur juridique de cet alinéa 4 du Préambule de la Constitution française de 1946. Le Conseil d'Etat fut ainsi interpellé dès 1985 sur la question. Il s'agit de l'arrêt Association France terre d'asile du 27 septembre 1985. Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat français est saisi d'un recours contre un décret relatif aux conditions d'entrée en France. Le conseil d'Etat répondra que « le principe du droit d'asile, posé par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ne s'impose au pouvoir règlementaire, en l'absence de précision suffisante, que dans les conditions et limites définies par les dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales incorporées au droit français » et « par suite, ce principe ne peut être invoqué indépendamment desdites dispositions ». Donc, le conseil d'Etat dit clairement ici que cet alinéa 4 consacrant le droit d'asile n'est pas d'application directe (`faute de précision suffisante'), contrairement à ses conclusions sur un autre alinéa de ce même Préambule de 1946, l'alinéa 10 qui stipule : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. » en effet, sept ans plus tôt en 1978, à travers l'arrêt GISTI du 8 décembre 1978, le Conseil d'Etat français que cet alinéa 10 fondait le droit à mener une vie familiale normale et qu'il pouvait être invoqué à l'appui d'un recours contre un décret portant atteinte à ce droit. D'ailleurs, par cette décision, il l'érige même en Principe général du droit. On pourrait dès lors se poser la question à savoir qu'est-ce qui différencie réellement ces deux alinéas.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel français abondera dans le même sens que le Conseil d'Etat dès l'année suivante dans sa décision du 3 septembre 1986. Il a « relativisé la norme constitutionnelle de référence en relevant que le principe posé par le Préambule est mis en oeuvre par la loi et les conventions internationales introduites en droit interne avec l'autorité prévue à l'article 55 de la Constitution ».82(*)

Aussi, une Loi du 10 décembre 2003 va modifier considérablement la procédure de demande d'asile, en unifiant notamment la procédure devant l'OFPRA et la Commission des Recours des Réfugiés (CRR). Cela complexifiait davantage la procédure de demande d'asile. Cette complexification entraînera une plus grande chute dans le nombre de demandes d'asile. D'ailleurs, le 17 mars 2006 lors de la présentation du rapport du HCR pour l'année 2005, le Haut Commissaire Antonio Guterres fustigeait cette chute des demandes d'asile en ces termes : « ces chiffres démontrent que le discours qui prévaut dans les pays industrialisés sur l'augmentation des problèmes liés à l'asile ne reflète pas la réalité. En effet, les pays industrialisés devraient se demander si, en imposant des restrictions encore plus sévères sur les demandeurs d'asile, ils ne ferment pas la porte à des hommes, des femmes et des enfants qui fuient les persécutions ».

Il apparaissait donc de plus en plus clair que le droit d'asile n'était pas un droit subjectif, et que l'individu ne pouvait l'opposer à l'Etat que dans la mesure où il était réglementé dans l'ordre interne ou international. Ainsi, l'alinéa 4 du préambule de 1946, qui était sans doute le texte de référence en matière d'asile était ni plus ni moins neutralisé.

Aujourd'hui, nous pouvons dire que c'est cette imprécision, ainsi que cette grande marge de manoeuvre laissée à l'Etat dans la définition du cadre dans lequel devait s'exercer ce droit d'asile qui a fait qu'on en est venu à une restriction sans précédent de cet asile.

Il restait sans doute la Convention de Genève de 1951, c'est-à-dire la Convention relative au statut des réfugiés. Mais néanmoins, même si cette Convention est incontournable pour les réfugiés, car il apporte une définition internationale du réfugié qui sera la base du statut de réfugié y correspondant, et prévoit une obligation de non-refoulement pour les Etats à l'encontre des demandeurs d'asile, ainsi que les droits et attributs du réfugié telle son immunité juridictionnelle, il n'en reste pas moins que cette convention n'est pas une convention sur l'asile. D'ailleurs, la Convention de Genève ne prévoit nulle part une obligation pour les Etats parties d'accorder l'asile (c'est-à-dire l'entrée de leur territoire et le maintien sur ce territoire) aux étrangers qui s'adressent à eux pour obtenir leur protection et s'y voir reconnus réfugiés, ni même à ceux qu'ils reconnaissent réfugiés.

En effet, la seule obligation pour les Etats dans la Convention reste sans nul doute le principe du non-refoulement que nous avons déjà analysé.

Par ailleurs, toutes ces raisons concourent à la pertinence d'envisager une certaine alternative juridique pour ne pas laisser le droit d'asile n'être qu'une prérogative régalienne des Etats.

C'est dans cette perspective qu'une tentative de convention internationale relative à l'asile a été faite dès 1974-1975 lors d'une conférence à New York sous l'égide des Nations-Unies.83(*)

Une solution pourrait être l'adoption d'un texte international consacrant le droit de/à l'asile. C'est ainsi que François Julien-Laferrière a proposé d'insérer une telle consécration dans la Convention européenne des droits de l'Homme. Cette idée est intéressante si l'on considère que c'est le seul instrument de protection des droits de l'Homme commun à la quasi-totalité des Etats du continent européen avec aussi l'avantage d'avoir des mécanismes de sanction à l'instar de la Cour européenne des droits de l'Homme.84(*)

Ainsi, cela pourrait donc être la solution, même si on peut se poser des questions sur la faisabilité d'une telle entreprise, avec la montée de l'externalisation de l'asile.

C'est pourquoi on devrait sans doute ne plus laisser l'Europe gérer l'asile comme elle veut, même si c'est sans doute la destination idéale des demandeurs d'asile provenant surtout d'Afrique ou d'Asie. C'est pour toutes ces raisons qu'une harmonisation des politiques de l'asile partout dans le monde devrait pouvoir voir le jour.

Paragraphe 2 - La nécessité d'une harmonisation des politiques de l'asile dans le monde

L'asile apparaît de plus en plus comme une simple prérogative des Etats, alors qu'aujourd'hui, on note un net recul des pays d'accueil qui ne s'impliquent plus comme auparavant pour venir en aide à toutes ces personnes persécutées dans leurs pays, et qui légitimement, se présentent et frappent à la porte d'autres frontières afin de bénéficier de leur assistance et de leur protection. Ainsi, à l'instar de la précédente proposition de François Jules-Laferrière, consistant en un projet de protocole relatif à l'asile et qui pourrait s'intégrer dans la Convention européenne des droits de l'Homme, il faudrait sans doute aller dans le sens d'harmoniser les politiques d'asile dans le Monde.

En effet, un bref survol des procédures de détermination du statut de réfugié nous montre que les politiques d'asile sont différentes partout à travers le Monde. Les seuls efforts allant dans le sens d'une globalisation des règles juridiques concernent presque exclusivement les réfugiés, et non l'asile.

Par ailleurs, dans le cadre d'une telle harmonisation mondiale de l'asile, nous pourrions sans doute prendre exemple sur l'Europe. En effet, même si la politique d'asile est strictement réglementée voire même dissuasive, il n'en reste pas moins qu'elle est vraiment harmonisée sur le territoire européen avec de nombreuses directives dont nous avons analysée la teneur pour certains (directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou apatrides pour prétendre au statut de réfugié et directive 2005/85/CE du Conseil du 1e décembre 2005 relative à des normes minimales d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, ou « directive procédures »). Dans un cadre plus large, il y a aussi les efforts européens dans l'institution d'un régime d'asile européen commun. De plus, les institutions de divers pays européens compétentes en matière d'asile travaillent en étroite collaboration au sein de l'Union européenne.

En Afrique, on doit aussi encourager l'application d'une convention internationale spécifique à la question africaine en matière de réfugiés. Il s'agit de la Convention de l'OUA de 1969 régissant les aspects propres au problème des réfugiés en Afrique. Il ya aussi par ailleurs en 1984 la Déclaration de Carthagène en Amérique Latine.

Ainsi, tous ces efforts fournis en vue d'une harmonisation de la réglementation en matière de réfugiés nous confortent dans l'idée qu'il est en effet possible d'envisager dans les mêmes conditions une harmonisation en matière d'asile cette fois.

Ainsi, un éventuel projet de texte international sur l'asile permettrait dans un premier temps de réduire toute la contrainte qui caractérise la procédure d'asile aujourd'hui. Il faut dire qu'avec diverses pratiques en vogue aujourd'hui, les demandeurs d'asile sont souvent déboutés de leurs demandes. Rappelons juste quelques-unes d'entre elles. Il ya la notion de pays d'origine sûre (qui fait que les ressortissants de ces types de pays dont la liste est dressée arbitrairement par les Etats européens, sont totalement dissuadés de demander l'asile dans ces pays ; il en est ainsi d'ailleurs de notre pays le Sénégal, par rapport à la France par exemple), l'éloignement forcé qui s'accompagne d'ailleurs de possibles placements en centres de rétention administrative, les procédures prioritaires exercées dans des délais réduits etc. Toutes ces pratiques tendent à faire de la politique d'asile une politique de contrainte, et enfin la notion de demande manifestement infondée.

Pour redorer le blason de l'asile, il faudrait par ailleurs traiter une question fondamentale qui ne cesse d'entraver un respect de l'asile par les Etats, à savoir les migrations illégales.

En effet, on a de plus en plus de mal aujourd'hui à distinguer les réfugiés et les autres migrants, surtout au niveau des frontières et en cas d'arrivées massives, or il est évident que le réfugié n'est pas un étranger ordinaire. Notons ici qu'en dehors des réfugiés, régis par un statut, les autres migrants qui arrivent aux frontières sont essentiellement des migrants économiques à la recherche de travail ou de conditions de vie meilleures. Ce sont donc des migrants volontaires, même s'ils arrivent clandestinement dans un pays d'accueil. Contrairement à ces individus, le réfugié est par excellence un migrant involontaire, car il est persécuté dans son pays qui ne peut plus le protéger. Il est alors inacceptable que le droit d'asile soit devenu inséparable des politiques de contrôle des flux migratoires. Ainsi, « les migrants qui cherchent à atteindre le territoire européen tendent à être considérés comme des criminels, les demandes d'asile sont souvent qualifiés de `faux demandeurs' qu'il conviendrait de dissuader de venir ».85(*)

Ces politiques de contrôle des flux migratoires voient aujourd'hui de la suspicion dans tout étranger essayant d'entrer en Europe. Doit-il vraiment en être de même pour les Réfugiés?

Pour que le droit d'asile ait encore un avenir devant lui, il faut sans doute urgemment aller dans le sens de politiques aux frontières qui permettent clairement un traitement différencié pour les réfugiés par rapport aux autres migrants. Notons en effet qu'en Europe, le taux d'acceptation des demandes d'asile est passé de 85% au début des années 1990 à moins de 15% au milieu des années 2000. Et le 20 Juin 2011, le haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Antonio Guterres, a déclaré ; « la dynamique globale de l'asile est en train de changer. Le nombre de demandes d'asile dans les pays industrialisés est beaucoup plus bas qu'il y a dix ans. »86(*) Le HCR a aussi précisé qu'en 2010 : « 80 % des réfugiés dans le monde avaient été hébergés dans des pays en développement ».

Comme le note aussi Michel Agier, il subsiste une double face de l'asile : « l'asile est une idée à double face : dérangeante aujourd'hui pour les Etats-nations qui veulent se protéger des zones du monde les plus précaires et troublées, il représente l'ultime recours autorisant des personnes en danger dans des pays lointains à se déplacer [...] au risque de leur renvoi, de leur enfermement ou même de leur mort. Selon le HCR, 1.500 personnes sont mortes noyées en Méditerranée entre Janvier et Juin 2011 alors qu'elles tentaient de rejoindre un asile européen ».87(*)

Par ailleurs, sur un autre plan, et toujours pour illustrer cette nécessité d'harmoniser les politiques d'asile à travers le monde, on peut noter la relation qui existe entre asile et développement et qui peut être très préjudiciable au droit d'asile. En effet, il existe aujourd'hui entre l'Europe et les pays moins développés ce qu'on pourrait appeler des politiques d'aide liée, avec une certaine dichotomie entre l'aide au développement et le contrôle des migrations. Il y a alors une sorte de rapport donnant-donnant, avec notamment les « accords de réadmission » déjà analysés.

Ces accords de réadmission peuvent être définis comme des accords par lesquels les Etats signataires s'engagent à réadmettre sur leur territoire leurs propres ressortissants qui sont interpellés alors qu'ils se trouvent en situation irrégulière sur le territoire d'un autre Etat, mais aussi d'autres étrangers qui ne sont pas leurs ressortissants mais ayant transité par leur sol avant d'être interpellés dans un autre Etat.

Donc, l'aide au développement est pris souvent selon ces accords. Toutefois, la relation entre aides au développement et asile, qui peut d'ailleurs être appréhendé comme un chantage, dessert le droit d'asile plus qu'il ne le serve, et n'a pas sa raison d'être.

Mais les réformes ne doivent pas être uniquement entreprises par rapport au droit d'asile. En effet, le statut du réfugié, s'il est plus réglementé que l'asile en soi, n'en souffre pas moins des limites, et pourrait être remodelé en vue d'assurer une recherche plus performante de solutions durables pour les réfugiés.

Section 2 - L'importance de la recherche de solutions durables pour les réfugiés

Même si le statut de réfugié octroie énormément d'avantages et qu'à la différence de l'asile, il est strictement règlementé et il n'en reste pas moins qu'il souffre d'énormes insuffisances de la part des Etats notamment qui n'appliquent pas toujours ce statut dans toute sa teneur relativement aux attributs dont devraient bénéficier les réfugiés. Parfois, des irrégularités sont notées autant dans la procédure de détermination du statut que dans la protection et l'assistance auxquelles ce statut renvoie. C'est ainsi qu'il peut être perfectionné.

Par ailleurs, aujourd'hui, l'image du réfugié est souvent associée aux migrants clandestins, et fait l'objet de la même suspicion et souvent du même traitement défavorable que ceux-ci. C'est pourquoi son image doit être réhabilitée.

Ainsi verrons-nous d'abord le possible perfectionnement du statut de réfugié (paragraphe premier) et ensuite la réhabilitation de l'image écorchée du réfugié (paragraphe second).

Paragraphe 1 - Le possible perfectionnement du statut de réfugié

Le statut de réfugié, consacré notamment par la définition internationale que la Convention de Genève a apportée du réfugié, constitue aujourd'hui la plus importance base juridique sur laquelle peut compter le réfugié. Toutefois, un élément important à améliorer constitue sans doute la catégorie des demandeurs d'asile.

En effet, les demandeurs d'asile constituent les individus qui arrivent aux frontières d'un pays d'accueil dont ils demandent l'asile c'est-à-dire un refuge et une protection, et dont leur demande n'a pas encore été définitivement traitée. Il apparait donc que de tels individus se trouvent dans une situation sensible et particulièrement précaire, et doivent bénéficier d'une certaine protection, même s'ils n'ont pas encore acquis le statut de réfugié, et peuvent naturellement être déboutés de leur demande. Toutefois, cette catégorie n'est pas autant réglementé que le réfugié.

C'est ainsi qu'on note aujourd'hui que les demandeurs d'asile sont particulièrement persécutés aux frontières. L'illustration la plus simple sera sans doute la notion de « faux demandeurs d'asile » souvent invoquée notamment dans les pays européens. Ainsi, certains requérants sont accusés d'être de faux demandeurs d'asile alors qu'il n'existe aucun critère objectif sur lequel les Etats se basent. Par ailleurs, ils ne sont souvent pas du tout distingués des autres catégories de migrants (migrants économiques).

L'Australie constitue sans doute l'exemple par excellence du pays où les droits élémentaires des demandeurs d'asile sont bafoués. En effet, « la société australienne, bâtie sur l'immigration, est aujourd'hui l'un des symboles des dérives en matière de gestion des demandeurs d'asile, concrétisées par leur enfermement hors du territoire national. »88(*) Depuis 1994, les demandeurs d'asile arrivant en Australie seront accueillis dans des « Immigration Reception and processing center » pour une durée illimitée jusqu'au traitement de leur demande de visa ; et depuis 1997, ces centres sont gérés par une compagnie de services pénitentiaires privée. Le système australien sera complété par le « Pacific Solution » (solution du Pacifique) qui fut une politique d'immigration australienne ayant existé entre 2001 et 2007 et qui consistait à reléguer en dehors du territoire australien des demandeurs d'asile arrivant par voie maritime et cherchant à immigrer en Australie. Cette politique fut provoquée par l' « Affaire Tampa » (le 26 aout 2001, au large de l'Océan indien, le navire MV Tampa porte secours à un bateau de pêche indonésien en détresse transportant 433 migrants afghans et irakiens en route pour l'Australie qui refusa de les recevoir et les envoya a Nauru). Ces demandeurs d'asile étaient donc détenus dans des centres de transit sur l'île de Nauru et dans une base navale en Papouasie-Nouvelle-Guinée dans l'attente du traitement de leur demande.

Même si cette politique prendra fin en 2007, il n'en reste pas moins que de telles dérives à l'encontre des demandeurs d'asile sont inacceptables, et appellent une plus grande réglementation en ce qui concerne les demandeurs d'asile qui font souvent l'objet d'abus. En effet, un texte d'une envergure telle que la Convention de Genève de 1951 ne règlemente nullement les demandeurs d'asile, car elle est centrée sur la question des réfugiés.

Par ailleurs, nous avons vu qu'en Europe, les diverses directives et autres qui étaient appliquées en matière d'asile, si elles se référaient souvent à la notion de demandeurs d'asile, le faisaient surtout dans le cadre des politiques restrictives de contrôle des flux migratoires. En effet, les demandeurs d'asile, en plus de faire face au net recul dans les chiffres en Europe concernant les reconnaissances officielles de réfugiés, étaient parfois traités de « faux demandeurs d'asile », pouvaient être retenus dans des centres de rétention administrative, ou même pis, pouvaient se voir ramener dans leurs pays ou dans des pays tiers au pays d'accueil, notamment par des charters ou dans le cadre d'accords de réadmission.

Tous ces facteurs font que la catégorie des demandeurs d'asile doit être réétudiée, et pourquoi ne pas tenter d'établir un statut ou un ensemble de règles juridiques claires et précises devant entourer la procédure de traitement de leurs demandes aux frontières. Il ne faut pas oublier que le statut de réfugié n'est que déclaratoire, il ne fonde pas le caractère de réfugié de manière intrinsèque, il ne fait que constater et reconnaitre qu'un tel individu est réfugié à partir d'un certain nombre de critères qui ont été dégagés auparavant. Parmi ces règles, notons que la proposition d'une distinction entre les demandeurs d'asile et les autres immigrants devrait occuper une place de choix. C'est d'ailleurs le sens du principe de non-refoulement, même si les conditions pratiques d'une telle distinction devront être mûrement et soigneusement définies.

Toutefois, il n y a pas que la question des demandeurs d'asile qui mérite réflexion dans le cadre d'un perfectionnement du statut de réfugié. En effet, depuis quelques années, on assiste à une problématique relative à l'admission de catégories spéciales de réfugiés. Il s'agit principalement des réfugiés climatiques ou écologiques (on parle même d' « éco réfugiés ») qui sont une catégorie de réfugiés environnementaux.

Il faut commencer par dire que du fait de l'absence de textes qui prévoient expressément au jour d'aujourd'hui une telle catégorie de réfugiés, apporter une définition satisfaisante ne sera pas chose aisée. Toutefois, il faut dire que l'intérêt naissant et grandissant relatif aux « réfugiés climatiques » a sans doute été précipité par les besoins urgents de protection de la nature, et notamment le vif débat autour du réchauffement climatique. Pour cela, les ONG ont joué un rôle primordial. C'est ainsi que depuis quelques années, le terme « réfugiés climatiques » apparait de façon récurrente.

Il faut dire que la dégradation progressive de notre environnement, qui a pendant ces dernières années atteint le paroxysme de la contestation et de la dénonciation, entraîne de graves conséquences qui ne sont pas uniquement à chercher directement sur l'environnement. En effet, un exemple pertinent constitue sans doute la fonte des glaces qui a entraîné la disparition d'îles, et qui aujourd'hui menace sérieusement l'île de Tuvalu. Cela entraine alors des migrations forcées, et sur ces migrations que porte aujourd'hui le débat autour des « réfugiés climatiques ». Mais il faut rappeler que les « réfugiés climatiques » n'ont pas encore été définis officiellement, et ne disposent pas non plus de statut. Pourtant, une brève analyse sur cette catégorie de migrant peut nous montrer toute l'urgence qui la caractérise.

En l'absence de définition textuelle, l'Organisation Internationale des Migrations (OIM) retient la définition suivante des réfugiés environnementaux définis comme : « les personnes ou groupes de personnes qui, essentiellement pour des raisons liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à l'intérieur de leur pays ou en sortent.89(*) ». Alors que les Nations Unies les définit comme « ceux qui sont forcés de quitter leur lieu de vie temporairement ou de façon permanente à cause d'une rupture environnementale (d'origine naturelle ou humaine) qui a mis en péril leur existence ou sérieusement affecté leurs conditions de vie ».

Les changements climatiques touchent en effet beaucoup de vies. Et si ces catastrophes naturelles ne sont pas analogues à la notion de « persécution » qui caractérise et fonde le statut de réfugié de la Convention de Genève de 1951, on peut se poser la question de savoir s'il n'est pas venu le moment pour le Droit de s'intéresser à ces individus qui ne peuvent plus vivre dans leur habitat traditionnel du fait de catastrophes naturelles ou simplement de la cause de l'Homme qui n'a de cesse de détruire son environnement, jour après jour.

Selon un rapport de « Prospective » produit par l'Organisation humanitaire britannique Christian Aid, de 2000 à 2050, ce sont au moins un milliard de personnes qui devraient migrer de par le monde, dont plus de la moitié pour s'adapter au réchauffement climatique ou en fuir certaines conséquences90(*).

Les Nations Unies (ONU) évaluent à 50 millions le nombre d'habitants qui pourraient être contraints de quitter leur lieu de vie en raison des conséquences du changement climatique91(*) (avancée du désert de Gobi n Chine, qui s'agrandit de 10.OOO Km² par an / inondations au Bangladesh et dans le delta du Nil / submersions d'archipels comme les îles Tuvalu où 11.600 personnes sont menacées par l'élévation du niveau de la mer / ou encore des populations amérindiennes d'Alaska avec 213 communautés menacées par le recul des glaces et par le recul du trait de côte induit par la fonte du pergélisol et par la montée chaque année croissante du plus haut niveau des marées / l'érosion ou la désertification des sols menace les marges de l'Europe, dont la Turquie concernée par 160.000 Km² de sols cultivables dégradés par l'érosion et le manque d'eau / en Egypte 50 % des terres arables sont déjà touchées par la salinisation.92(*)

Un coup d'oeil à ces chiffres montre donc toute l'urgence à réfléchir sur un statut juridique et partant de là une protection adéquate, car on se rend compte que de jour en jour, la situation ne fait qu'empirer. Surtout si l'on sait que les politiques et accords permettant de réduire la pollution atmosphérique ne sont presque jamais signés et appliqués dans leur intégralité par les plus grands pollueurs de la planète tels les Etats-Unis et la Chine.

Toutefois, dans l'optique de l'adoption d'un statut sur les réfugiés climatiques, il faut néanmoins noter que ces causes de migrations pour des raisons climatiques ou environnementales sont diverses et variées, et peuvent se multiplier indéfiniment. C'est pourquoi il est important dans un premier temps que nos instances dirigeantes reconnaissent d'abord officiellement le problème avant de se consacrer aux considérations juridiques.

D'ailleurs, concernant la prise en compte de ce phénomène, les appels ne manquent pas, appels pouvant se traduire en conférences internationales, colloques, ou même jusqu'à des propositions concrètes d'exemple de texte portant statut pour les réfugiés climatiques.

Ainsi, un appel de Limoges sur les réfugiés climatiques du 23 juin 2005 stipulait : « considérant que la situation de l'environnement mondial est alarmante et qu'elle continue à se dégrader à un rythme croissant [...], les participants appellent les Etats, les organisations internationales et régionales, les organisations non-gouvernementales et les autres secteurs qui le voudraient (collectivités locales, entreprises, citoyens) à réfléchir aux propositions et les invitent à : la reconnaissance, l'élaboration et la proclamation d'un statut international des réfugiés écologiques permettant d'assurer la protection de cette catégorie à part entière de réfugiés (...) et à élaborer des politiques à long terme favorisant la protection des réfugiés écologiques par l'étude de l'élaboration d'un accord international spécifique relatif au statut protecteur des réfugiés écologiques. »

Cet exemple illustre tant bien que mal tout l'engouement autour des réfugiés écologiques.

En définitive, on peut dire que la réflexion relative à cette nouvelle ne ferait qu'enrichir le statut des réfugiés qui, par ailleurs, se heurte aujourd'hui à des difficultés que nous avons déjà analysées. Toutefois, cela a entrainé une détérioration progressive de l'image du réfugié. C'est ainsi que pour lutter pour la pérennité de la protection et de l'assistance pour les réfugiés, il convient sans doute de tenter de réhabiliter au plus vite l'image des réfugiés.

Paragraphe 2 - Réhabiliter l'image écorchée des réfugiés

Aujourd'hui, plus que jamais, l'image du réfugié n'a sans doute jamais été tant bafouée, négligée, dénigrée, et même écorchée de part et d'autre, notamment par les Etats d'accueil qui l'assimilent souvent aux frontières à des faussaires voire même des clandestins. Alors, on se rend compte que même si aucun Etat ne l'affirme ou le reconnait par voie officielle, on se rend compte de plus en plus qu'en filigrane, les réfugiés dérangent. Pour tenter d'illustrer cela, il n y a qu'à jeter un bref regard sur tous les efforts consentis par toute l'Union Européenne dans l'externalisation de l'asile.

Michel Agir, grand anthropologue français a ainsi forgé le terme « indésirables » pour désigner les réfugiés contemporains. Ce dernier a d'ailleurs écrit des ouvrages sans doute indispensables pour comprendre comment l'image du réfugié en est-elle arrivée là aujourd'hui93(*).

« La fin des années 1990 a clairement marqué un tournant, et nous sommes désormais dans la continuité de ce processus. Les négociations visant à modifier les politiques européennes de traitement de l'immigration datent de 1998-1999. Les Etats continuent de se référer à la Convention de Genève, très formellement, mais en la bafouant à longueur de temps. L'accord européen sur l'immigration et l'asile (dit Pacte de Vichy) qui a été signé en octobre 2008 au moment où la France avait la présidence de l'UE en est très symbolique. »

Par ces mots, Michel Agier souligne toute l'hypocrisie qui caractérise aujourd'hui les politiques relatives à l'asile et au réfugié. En effet, face à la Communauté internationale, quasiment tous les Etats défendent le droit à l'asile ainsi que la nécessité de protéger les réfugiés victimes de persécution ; mais dans la pratique, on se rend compte que les réfugiés constituent pour ces mêmes Etats presque des `fardeaux' dont ils tentent de se débarrasser par des politiques de contrainte et de plus en plus dissuasives à l'égard des réfugiés.

L'image du réfugié dans le monde occidental s'est profondément modifiée depuis le milieu du XXe siècle et la Convention de Genève de 1951 qui définit les réfugiés. Aujourd'hui, la Convention de Genève ne régit plus la politique d'accueil des pays occidentaux qui l'avaient voulue et votée au temps de la guerre froide.

Par ailleurs, il faut préciser que la détérioration de l'image du réfugié n'est pas du simple fait des pays occidentaux. En effet, nos pays sous-développés, surtout africains y participent aussi en signant des accords avec les pays occidentaux, accords allant souvent dans le sens de réadmettre leurs ressortissants dans certaines conditions, ou même parfois il peut s'agir pour ces pays de participer activement aux efforts d'externalisation et de restriction de l'asile. En guise d'illustrations, plusieurs exemples seront édifiants.

« Des pays d'Afrique sont annexés aux politiques de mise à l'écart menées par les gouvernements européens : la Libye ouvre des camps et signe avec l'Italie des accords de réadmission des expulsés ; l'Espagne collabore avec le Maroc et la Mauritanie pour ouvrir des camps pour les expulsés ; le Sénégal monnaye avec l'Espagne et la France sa collaboration contre la soi-disant `émigration clandestine' ; le Mali ouvre en octobre 2008 le premier « centre d'information et de gestion des migrants » (CIGEM) crée par la commission européenne à Bamako afin de dissuader et/ou filtrer tout émigrant potentiel, et inauguré par le tristement célèbre ministre français de l'immigration et de l'identité à l'époque, Hortefeux ; et enfin, en 2007 et 2008, les pays européens et les Etats-Unis ont apporté une aide financière aux pays du Proche-Orient pour que ceux-ci assurent la prise en charge temporaire (un an) des réfugiés irakiens à la frontière de leur propre pays94(*). »

Il est donc clair que pour réhabiliter l'image du réfugié, il ne faudrait sans doute pas uniquement s'en prendre au déchainement médiatique entourant aujourd'hui les réfugiés, et les rapprochant des migrants clandestins. Il faudrait aussi s'intéresser aux politiques extérieures définies par nos Etats à l'égard de l'Occident, car il subsiste de nos jours une dépendance à l'égard de l'Europe qui ne se justifie pas. On pourrait en effet difficilement comprendre comment un pays africain de notre époque peut accepter l'application de politiques restrictives de l'asile en accord avec des pays occidentaux (potentiels pays d'accueil) malgré toute la pauvreté et la misère qui sévissent sur notre continent juste en échange d'aides financières. Cela pourrait d'ailleurs à la limite être qualifié de chantages.

Ainsi, à la lumière de tous ces facteurs que nous avons exposés, nous pouvons sans doute dire que l'asile et le réfugié sont indissociables, et que pour pouvoir redorer le blason du réfugié, il faut immanquablement s'intéresser par la même occasion au droit d'asile. En effet, si demander l'asile devient un droit fondamental strictement réglementé, le réfugié ne sera sas doute plus vu comme un « indésirable » mais pourrait plus être conçu comme un individu essayant juste de jouir de ses droits face aux persécutions auxquelles il fait face.

Par ailleurs, il faudrait aussi réfléchir à opérer une dissociation poussée entre les notions de migrants illégaux et de réfugiés, car nous l'avons déjà dit, les migrants économiques sont surtout attirés par la recherche de travail, de gain et de conditions économiques meilleures.

Même si cela parait très compliqué, il faudrait aussi pousser les pays industrialisés à alléger leurs politiques d'externalisation de l'asile, pour un meilleur traitement des réfugiés.

CONCLUSION

Asile et réfugiés sont des notions inséparables, même si elles n'ont pas poursuivi les mêmes genèses dans leurs développements. Rappelons que l'asile en droit international permet d'accorder et de réglementer une certaine protection à des individus faisant l'objet de persécutions ; et que le réfugié est conventionnellement défini comme toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.

C'est donc le droit d'asile qui fonde et justifie les demandes de reconnaissance au statut de réfugié. Ce droit d'asile s'est d'ailleurs progressivement imposé et défini comme un droit pour le réfugié d'être reconnu comme tel car cette reconnaissance entraine des effets à son égard, effets parmi lesquels le plus important sera sans doute la protection de la part de l'Etat d'accueil. Tous ces éléments montrent que ces deux notions partagent alors une certaine interconnexion que nous avons, par ailleurs essayé de faire transparaître tout au long de notre analyse. Cette interconnexion est surtout intéressante du point de vue juridique. C'est pourquoi nous avons choisi d'axer notre analyse autour de la réciprocité des rapports juridiques entretenus entre l'asile et les réfugiés en droit international.

Ainsi, nous avons vu que l'élaboration et la consécration progressives d'un droit international d'asile notamment à partir de la seconde guerre Mondiale, a précipité l'instauration d'un statut juridique pour le réfugié avec la définition internationale du réfugié apportée par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Cette Convention occupera d'ailleurs une place centrale pour le réfugié et sera le fondement du droit international d'asile.

L'ancrage progressif des règles encadrant l'asile du réfugié sera à l'origine d'un véritable droit du réfugié, avec surtout une détermination de son statut. Cette détermination tient lieu de la procédure conduisant à reconnaitre qu'un individu peut bénéficier du statut de réfugié. On parle de reconnaissance officielle du réfugié. Elle fait l'objet d'une certaine procédure de détermination qui met en jeu des critères d'éligibilité préalablement définis, mais aussi se déroule suivant certains principes.

Ce statut du réfugié sera d'une importance fondamentale car sa reconnaissance équivaudra à un certain nombre d'attributs pour le réfugié. C'est pourquoi la détermination du statut de réfugié est enfermée dans une procédure rigoureusement réglementée. Ce statut entraine par ailleurs des effets tels l'obligation pour les Etats de respecter le principe du non-refoulement, mais aussi et surtout il constitue le fondement de la protection qui doit être accordée aux réfugiés, et qui est l'apanage de deux organes majeurs : l'Etat et le HCR, qui sont omniprésents dans la vie du réfugié. L'Etat a ainsi la responsabilité de protéger le réfugié qu'il reconnait et accueille sur son territoire, et qui fuyait des persécutions. Cette protection est d'autant plus importante qu'il serait illogique que ce réfugié rencontre une quelconque persécution dans l'Etat qui l'accueille, alors qu'il est censé les fuir. Aussi, le HCR dispose d'un mandat allant dans le sens de la protection mais aussi et surtout de l'assistance aux réfugiés. Tous ces facteurs nous montrent à quel point le droit d'asile peut être important, mais aussi, cela illustre bien le caractère indispensable du statut de réfugié, surtout si l'on voit le nombre de conflits sur la planète, et les millions de personnes désemparées et persécutées dans leur propre pays, et qui cherchent désespérément un territoire plus clément pour les accueillir, les assister et les protéger. Toutefois, même si un grand nombre d'Etats a aujourd'hui compris le grand élan humanitaire qui accompagne l'asile et le statut de réfugié, il n'en reste pas moins que droit d'asile et réfugié sont confrontés à des problèmes divers qui, à terme, les restreint et même les mine dangereusement. En effet, nous avons vu que le droit d'asile est de plus en plus controversé, surtout en Europe. A l'origine de ces controverses, les politiques d'asile très restrictives et aussi l'externalisation de l'asile occupent une bonne place. Ces restrictions diverses et variées que nous avons analysées ont fini par remettre en cause non seulement l'asile mais aussi le statut de réfugié qui font tous les deux l'objet de divers infléchissements aujourd'hui.

C'est pourquoi dans l'ultime partie de notre analyse, nous avons essayé de proposer des perspectives dans le but de redorer le blason de l'asile et de l'image du réfugié qui en pâtit, car le réfugié est de plus en plus assimilé aux migrants illégaux et clandestins, alors que son statut juridique le différencie de facto de ces types de migrants.

Ces perspectives méritent d'ailleurs un élargissement car aujourd'hui, l'asile est tant restreint qu'accueillir un réfugié tient de la rareté, or cela devrait constituer un droit pour tout être humain faisant face à des persécutions. Hélas, ce droit d'asile, qui tarde par ailleurs à devenir un véritable « droit à l'asile » est aujourd'hui bafoué, ignoré et même menacé par les Etats qui, s'ils s'empressent de vanter la nécessité de l'asile pour le réfugié, dans la pratique, c'est autre chose.

Il est sans doute alors venu le temps de se poser des questions sur l'avenir du droit d'asile et du statut du réfugié. En effet, au rythme où se développent les politiques restrictives (surtout en Europe) et avec la baisse importante et conjuguée des demandes d'asile et par là des reconnaissances officielles de réfugiés, l'asile n'a jamais été autant négligé et restreint, en tout cas depuis la Convention de Genève de 1951. Il importe alors de tenter une relance du droit d'asile, aujourd'hui plus que jamais, avec les incessants conflits qui ne cessent de persécuter les peuples innocents (l'exemple des bombardements sur les populations par le régime de Bachar Al Assad en Syrie est poignante, avec des centaines de milliers de syriens qui essaient de transiter vers des pays proches comme la Turquie, alors que ceux-ci sont très réticents à les accueillir). Et si l'on connait les liens indissociables unissant le droit d'asile et les réfugiés au droit humanitaire, on pourrait se demander si restreindre ou empêcher les demandeurs d'asile fuyant des persécutions dans leur pays de mettre en oeuvre leur droit de demander asile ne constitue-t-il pas un refus clair de porter secours à ces populations qui, clairement, ne sont plus en sécurité chez eux. Et de la part de la Communauté internationale qui est censée rester solidaire et à l'écoute des peuples, cela ne pourrait-t-il pas constituer une fuite en avant à l'égard d'une grande préoccupation qui devrait pourtant interpeller toute l'Humanité ?

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Ø Loi n° 68-27 du 24 juillet 1968 modifiée portant statut des réfugiés, JOS du 17 Aout 1968

Ø Décret n° 2012-437 du 10 avril 2012 portant répartition des services de l'Etat

Ø Décret n°76-014 du 9 janvier 1976 modifie relatif à la commission prévue à l'article 3 de la Loi no. 1968-27 du 5 août 1968 portant sur le statut des réfugiés

Ø Décret n° 78-484 du 5 juin 1978 relatif à la Commission des Réfugiés, modifié (régit la Commission nationale d'éligibilité

Ø Décret n° 89-1582 du 30 décembre 1989 modifiant le décret n° 78-484 du 5 juin 1978 relatif à la Commission des Réfugiés

Ø Décret n° 2003-291 du 8 mai 2003 portant création du Comité national chargé de la gestion de la situation des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées

Ø Arrêté Présidentiel n° 3809 en date du 13 avril 2004 fixant la composition, les attributions et le fonctionnement des organes du Comité national chargé de la gestion de la situation des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées

Ø Constitution française du 4 Octobre 1958

Ø Loi française n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 relative au droit d'asile

· Accords, conventions et traités

Ø Convention de Genève, 28 juillet 1951

Ø Protocole relatif au statut des réfugiés, 31 janvier 1967

Ø Déclaration Universelle des droits de l'Homme, 10 décembre 1948

Ø Convention de l'OUA régissant les aspects propres au problème des réfugiés en Afrique, 1969

Ø Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (entrée en vigueur le 3 septembre 1953)

Ø Programme de la Haye : renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l'Union européenne (2005/C 53/01), 2005

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· Jurisprudence

Arrêt henni, Conseil d'Etat français, 29 décembre 1999

Arrêt Société Café Jacques Vabres, Cour de Cassation française, Chambre mixte 24 mai 1975

Arrêt Nicolo, Conseil d'Etat français, 20 octobre 1989

Arrêt Association France terre d'asile, Conseil d'Etat français du 27 septembre 1985

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TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE..............................................................................1

Liste des Abréviations...................................................................3

INTRODUCTION.......................................................................4

1e PARTIE : L'asile, un droit du réfugié aux contours juridiques progressivement définis et précisés.......................................................................................11

Chapitre 1 : L'ancrage progressif des règles juridiques internationales encadrant l'asile du réfugié........................................................................................12

Section 1 : La définition d'un droit international à partir de la Seconde Guerre Mondiale..................................................................................................12

Paragraphe 1 : La Convention de Genève, un tournant important...................13

A - Le contexte de migrations massives...........................................13

B - La Convention de Genève, base du droit international d'asile actuel.....15

Paragraphe 2 : Le réfugié, au coeur du droit d'asile contemporain....................17

A - La définition internationale de la notion de réfugié..........................17

B - La consécration d'un statut juridique du réfugié..............................20

Section 2 : L'institutionnalisation progressive d'un véritable droit du réfugié par une détermination de son statut..............................................................................22

Paragraphe 1 : La notion de DSR..........................................................22

A - Le cadre juridico-institutionnel de la DSR....................................22

B - La DSR, un régime de détermination individuelle ou par groupes : « prima facie »......................................................................................................24

Paragraphe 2 : Effets de la reconnaissance du Statut de réfugié......................26

A - Le principe du non-refoulement................................................26

B - Les autres droits et avantages....................................................28

Chapitre 2 : La réglementation de l'admission et la protection des réfugiés................30

Section 1 : La procédure de la demande d'asile.............................................30

Paragraphe 1 : Les critères d'éligibilité..................................................30

A - Les considérations particulières relatives aux critères d'éligibilité........31

B - Les critères d'inclusion et d'exclusion.........................................32

Paragraphe 2 : La Procédure proprement dite...........................................35

A - Le déroulement de la procédure de reconnaissance..........................35

B - L'existence de modalités de cessation du statut de réfugié.................38

Section 2 : La protection et l'assistance dévolues aux réfugiés..........................40

Paragraphe 1 : L'Etat, garant de la protection des réfugiés...........................41

A - La protection de l'Etat, une garantie de l'intégrité physique et de la jouissance des droits.....................................................................................41

B - Les modalités de protection et d'assistance de l'Etat........................42

Paragraphe 2 : La mission d'assistance et de protection juridique internationale du HCR........................................................................................................45

A - Une garantie des droits sociaux et économiques des réfugiés...............45

B - Le régime concret de protection et d'assistance du HCR.....................47

2e PARTIE : Le droit d'asile, une actualité sujette de controverses pour les réfugiés dans le Monde...........................................................................................50

Chapitre 1 : Vers une remise en cause de l'asile du réfugié.................................51

Section 1 : L'apport de restrictions diverses à l'asile du réfugié..........................51

Paragraphe 1: Un recul important dans l'implication des pays d'accueil face à l'asile du réfugié..........................................................................................52

Paragraphe 2 : Le développement des politiques anti-migratoires et leurs conséquences sur le droit d'asile des réfugiés........................................................55

Section 2 : L'effritement dans la rigidité du statut du réfugié.............................58

Paragraphe 1 : Des irrégularités diverses dans la DSR.................................59

Paragraphe 2 : L'affaiblissement de la protection et de l'assistance aux réfugiés....................................................................................................62

Chapitre 2 : Des perspectives pour la pérennité de l'asile et du statut de réfugié......64

Section 1 : La pertinence d'une réforme de l'asile..........................................65

Paragraphe 1 : L'apport de la consécration expresse d'un droit à l'asile............65

Paragraphe 2 : La nécessité d'une harmonisation des politiques de l'asile dans le Monde......................................................................................................68

Section 2 : L'importance de la recherche de solutions durables pour les réfugiés.......70

Paragraphe 1 : Le possible perfectionnement du statut de réfugié....................70

Paragraphe 2 : Réhabiliter l'image écorchée du réfugié................................74

CONCLUSION.................................................................................76

BIBLIOGRAPHIE..............................................................................78

TABLE DES MATIERES.....................................................................82

* 1 Voir Article 14 de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme du 10 Décembre 1948

* 2 Voir Article 1-A2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951

* 3 Article 1.A2 de la Convention de Genève sur les réfugiés

* 4 Voir article sur le site fr.wikipedia.org « Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés »

* 5 Dictionnaire de l'Académie Française, Tome 1, 9ème édition, Julliard 1994

* 6 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, collection Folio, 2006 Tome I, chapitre 3, Les Structures de la destruction, p. 100-113

* 7 Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 aout 1949 entrée en vigueur le 21 octobre 1950

* 8 L'état du monde en 1945, La découverte, 1994

* 9 Article 14 de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme du 10 Décembre 1948

* 10 Article : Les réfugiés, permanence et changements au tournant du siècle, M. Laurain, Conseiller à la Cour d'appel de Colmar

* 11Article 43.1 de la convention relative aux réfugiés du 28 Juillet 1951.

* 12 Guy S. Goodwin-Gill, «Convention relating to the status of refugees», United nations audiovisual library of international law, All souls College, Oxford, page 1

* 13 Cf. développements sur l'historique de l'asile dans l'Introduction du présent mémoire

* 14 Courrier international, dossier des réfugiés No 450, Juin 1999, page 36

* 15 Cf. développements sur le contexte de migrations massives.

* 16 Voir développements sur la Convention de Genève, base droit d'asile actuel (B)

* 17 Protection des réfugiés : guide sur le droit international relatif aux réfugiés, Mme Kate Jastram et Mme Marilyn Achiron, HCR, publié par l'Union Interparlementaire, Page 24

* 18 DSR, module d'autoformation, département de la protection internationale du HCR, Septembre 2005, www.unhcr.org, page 1

* 19 Décret n° 2003-291 du 8 Mai 2003 portant création du Comité national chargé de la gestion de la situation des réfugiés, rapatriés et personnes déplacées

* 20 Normes relatives aux procédures de détermination du statut de réfugié relevant du mandat du HCR, www.unhcr.org

* 21 DSR, module d'autoformation, département de la protection internationale du HCR, Septembre 2005, www.unhcr.org, page 4

* 22 Guimezanes Nicole. Le statut juridique des réfugiés. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, Avril-juin 1994. pp.605-628.

* 23 Article de Richard Stainsby, l'UNHCR et la détermination du statut de réfugié, www.unhcr.org

* 24 Jackson Ivor, The Refugee Concept in group situations, Martinus Nijhoff, The Hague, 1999

* 25 DSR, module d'autoformation, département de la protection internationale du HCR, Septembre 2005, www.unhcr.org, page 21

* 26 DSR, module d'autoformation, département de la protection internationale du HCR, Septembre 2005, www.unhcr.org, pp 22-23

* 27 Article 3 Convention des Nations Unies de 1984 contre la torture : «Aucun Etat n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il ya des motifs sérieux de croire qu'elle risqué d'être soumise à la torture.»

* 28UNHCR, Lexique des conclusions du Comité Exécutif, HCR, Division des services de la protection internationale, 4ème édition, août 2009, page 115

* 29 DSR, module d'autoformation, département de la protection internationale du HCR, Septembre 2005, www.unhcr.org, pp 22-23

* 30 La Convention de 1951, dans ses articles 27 et 28, prévoit pour les Etats d'accueil l'obligation de délivrer des titres de voyage, ou, à défaut, des pièces d'identité.

* 31 Préambule de la Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, note 9

* 32 Protection des réfugiés : guide sur le droit international relatif aux réfugiés, op. cit., page 13

* 33 Voir Article 1 A.2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 entrée en vigueur en 1954

* 34 Protection des réfugiés : guide sur le droit international relatif aux réfugiés, op cit., page 109

* 35 Voir article premier, alinéa 2 de la Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique de 1969.

* 36 Article 2 Décret 1976-014 du 9 janvier 1976 : « La commission des réfugiés émet un avis favorable à la reconnaissance de la qualité de réfugié pour toute personne qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, complétée par le protocole du 16 décembre 1966, et de l'article 1er de la convention de l'Organisation de l'Unité africaine du 10 septembre 1969.

* 37 Article 1.E : « Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays. »

Article 1.F : « Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes; b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés ; c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies.

* 38 Article 1.D : «Cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, conformément aux résolutions y relatives adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de cette Convention

* 39 Le décret n° 78-484 du 5 juin 1978 va entrainer l'abrogation du décret n° 76-014 du 9 janvier 1976, mais sera aussi modifié en 1989 par le décret n°89-1582 du 30 décembre 1982

* 40 Article 3 Loi 68-27 : « Les décisions admettant une personne au bénéfice du statut de réfugié ou constatant la perte de ce bénéfice sont prises par une commission présidée par un magistrat et comprenant les représentants des principaux services intéressés [...] »

* 41 DSR, module d'autoformation, département de la protection internationale du HCR, Septembre 2005, www.unhcr.org, page 18

* 42 Article 3, alinéa 2 de la Loi 68-27 du 24 juillet 1968

* 43 Article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951.

* 44 Voir la partie relative aux effets de la reconnaissance du statut du réfugié (autres droits et avantages)

* 45 Protection des réfugiés : guide sur le droit international relatif aux réfugiés, op. cit., page 5

* 46 Article HCR, la protection internationale des réfugiés, interprétation de l'article 1 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés

* 47 Appel global 2005 de l'UNHCR, www.unhcr.fr

* 48 UNHCR, Lexique des conclusions du Comité Exécutif, op.cit. Page 9

* 49 Le quotidien `Le Nouakchott' du 22 aout 2012, article repris par www.kassataya.com

* 50 Protection des réfugiés : guide sur le droit international relatif aux réfugiés, op. cit., page 5

* 51 Amnesty International, «Qu'est-ce qu'un réfugié ? », Juillet 2003

* 52 Article de M. Laurain, conseiller à la Cour d'appel de Colmar, page1

* 53 Commissariat général aux réfugiés et apatrides, statistiques d'asile, rapport mensuel Mars 2012, publié le 04 Avril 2012

* 54 Toutefois, cette estimation peut ne pas être exacte car elle ne résulte d'aucun recensement, et l'on ne sait pas si cela intègre les enfants nés de parents réfugiés. (Source : Une vie transfrontalière en pointillé, les migrants involontaires mauritaniens de la vallée du fleuve Sénégal, étude de Marie Trémolières et Donata Gnisci).

* 55 Revue Internationale `accueillir' N° 239, page 20, Pierre Henry, directeur général, France Terre d'asile

* 56 Revue Internationale `accueillir' N° 239, Ibid.

* 57 François Julien-Laferrière, Pour un protocole à la convention européenne des droits de l'Homme relatif à l'asile, dans l'Asile politique entre deux chaises, Michel Guillon, Luc Legoux, Emmanuel Ma Mung

* 58 Quelle définition pour l'externalisation de l'asile au niveau de l'Union Européenne ? Le prisme des relations entre associations et institutions en France, Mémoire de recherche présenté par Mlle Soline Aubé, IEP de Toulouse, 2010, page 13

* 59 Programme de la Haye, renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l'union européenne, 3 mars 2005, 2005/C 53/01

* 60 Quelle définition pour l'externalisation de l'asile au niveau de l'Union Européenne ? Le prisme des relations entre associations et institutions en France, Mémoire de recherche présenté par Mlle Soline Aubé, IEP de Toulouse, 2010, page 18

* 61 Amnesty International, Demande aux Etats membres de l'Union européenne de cesser de transférer des demandeurs d'asile vers la Grèce dans le cadre de la procédure `'Dublin II'', Amnesty international, avril 2008.

* 62 Règlement (CE) n° 2725/2000 du conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système « Euro dac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin.

* 63Forum Réfugiés, « pour un régime d'asile européen commun protecteur et pleinement respectueux de la Convention de Genève

* 64 Quelle définition pour l'externalisation de l'asile au niveau de l'Union Européenne ? Le prisme des relations entre associations et institutions en France, Mémoire de recherche présenté par Mlle Soline Aubé, IEP de Toulouse, 2010, page 17

* 65 Cf. développements : partie sur le principe du non-refoulement

* 66 Annexe II directive 2005/85/CE du 1e décembre 2005 relative à des normes minimales d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres

* 67 Article « L'Europe enterre le droit d'asile », Le Monde, mars 2004

* 68 1. Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.

* 69 Agence Frontex : quelles garanties pour les droits de l'Homme ? Etude sur l'agence européenne aux frontières extérieures en vue de la refonte de son mandat, édité en novembre 2010 pour le Parlement européen, page 9

* 70 Point 1.6.4 Politique de retour et de réadmission, Programme de la Haye

* 71 CFDA, la réforme du droit d'asile, un bilan critique après trois années, Mars 2007, page 1

* 72 DSR, module d'autoformation, département de la protection internationale du HCR, Septembre 2005,

www.unhcr.org, page 1

* 73 Avis de la CNCDH sur les conditions d'exercice du droit d'asile en France, adopté à l'Assemblée plénière du 29 juin 2006.

* 74 CFDA (Coordination française pour le droit d'asile), la réforme du droit d'asile, un bilan critique après trois années, Mars 2007

* 75 CFDA, la réforme du droit d'asile, un bilan critique après trois années, Mars 2007, page 3

* 76 Protection des réfugiés : guide sur le droit international relatif aux réfugiés, op. cit., page 90

* 77 Conclusion No 77 (h) (1995) du Comité Exécutif du HCR

* 78 Le surnom « indésirable » a été formé par Michel Agier, ethnologue et anthropologue français, pour désigner les réfugiés d'aujourd'hui (Voir article : Il ya le monde, et il ya les indésirables au monde)

* 79 L'article 14.1 stipule : « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays ».

* 80 Préambule de la Constitution de 1946, alinéa 4 : « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ».

* 81 Article « Le droit d'asile enterré à peine découvert » par François JULIEN-LAFERRIÈRE, Professeur à la Faculté Jean Monnet de Sceaux - Université de Paris Sud, Centre d'Etudes et de recherches internationales sur les droits de l'homme (CRIDHOM)

* 82 Article 55 de la Constitution française de 1958 : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie».

* 83 François JULIEN-LAFERRIERE, Pour un protocole à la Convention Européenne des droits de l'Homme relatif à l'asile, dans L'asile politique entre deux chaises, Michel GUILLON, Luc LEGOUX, Emmanuel MA MUNG

* 84 Quelle définition pour l'externalisation de l'asile au niveau de l'Union Européenne ? Le prisme des relations entre associations et institutions en France, Mémoire de recherche présenté par Mlle Soline Aubé, IEP de Toulouse, 2010, page 8

* 85 CFDA, la réforme du droit d'asile, un bilan critique après trois années, Mars 2007, page 1

* 86 Michel Agier, Soixante ans après la Convention de Genève, que faire du droit d'asile ? article publié dans le journal Le Monde, Point de vue, www.lemonde.fr , Juillet 2011

* 87 Ibid.

* 88 Quelle définition pour l'externalisation de l'asile au niveau de l'Union Européenne ? Le prisme des relations

entre associations et institutions en France, Mémoire de recherche présenté par Mlle Soline Aubé, IEP de

Toulouse, 2010, page 1

* 89 Aide-mémoire de l'OIM - Migrations, changements climatiques et environnement, 2009

* 90 Rapport de Christian Aid, intitulé Marée humaine : la véritable crise migratoire, relayé par des communiqués de l'Agence Reuters et un article du Nouvel Observateur

* 91 Rapport de l'Institut pour la sécurité environnementale et humaine (ISEH, Université des Nations Unies, Bonn), 11 Octobre 2005

* 92 Ibid.

* 93 Gérer les indésirables, des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire, Michel Agier, Editions Flammarion, 2008 / Le Couloir des Exilés, être étranger dans un monde commun, Michel Agier, Les Editions du Croquant, 2011

* 94 Réfugiés du chaos. Le Pacte de Vichy, la fin de l'asile et la nouvelle compétition des victimes, par Michel Agier, article publié le 14 novembre 2008 dans www.regards.fr






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