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L'assurance sociale et le droit à  la santé

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par Iheb Trabelsi
Université de Sfax  - Mastère en droit social 2007
  

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SOMMAIRE

(Un plan détaillé figure à la fin du mémoire)

Première partie : L'assurance sociale et la consécration du droit à la santé

Chapitre I : La consécration du droit à la santé dans les sources du Droit Section 1 : En Droit international

Section 2 : En Droit tunisien

Chapitre II : Les bénéficiaires du droit à la santé

Section 1 : Le caractère familial de l'assurance sociale

Section 2 : L'assurance sociale moyen de protection du travailleur face aux

risques professionnels

Deuxième partie : L'assurance sociale et l'inégal accès à la santé

Chapitre I : La sélectivité de l'assurance sociale

Section 1 : La conception professionnelle de la sécurité sociale Section 2 : L'exclusion de certaines catégories socioprofessionnelles

Chapitre II : L'extension de la protection sociale en matière de santé par

d'autres techniques

Section 1 : Le rôle complémentaire d'autres formes d'assurances Section 2 : Le rôle complémentaire de l'assistance médicale gratuite

Introduction

INTRODUCTION

Introduction - 1 -

« La santé est universellement reconnue comme l'un des besoins essentiels de la personne humaine, au point de constituer l'un des indicateurs principaux de développement »1. D'ailleurs, dans les pays développés ou les pays en voie de développement les pouvoirs publics se préoccupent de la question de la santé avec un grand intérêt et beaucoup de soins.

Ainsi, face à la demande sociale d'une meilleure santé, les Etats, par différents instruments juridiques, reconnaissent un droit à la santé et adoptent des politiques sociales et sanitaires en vue d'assurer « un état de complet bien être physique, mental »2 pour leur ressortissants.

Cette reconnaissance d'un droit à la santé, s'inscrit dans un cadre général de reconnaissance des droits de l'homme à une échelle universelle par la déclaration universelle des droits de l'homme (D.U.D.H.) de 1948 et par la charte des nations unies de 1945.

Le droit à la santé figure parmi les droits sociaux inhérents à l'être humain, et qui lui sont essentiels pour sa survie. La notion "droits sociaux" unifie, ainsi, une catégorie de droits généralement qualifiée de droits économiques, sociaux et culturels.3

Toutefois, le concept de droits sociaux reste encore assez confus en Droit positif et en doctrine. Mais une définition peut être retenue pour les droits sociaux, « ils se définissent comme des droits d'exiger de la société certaines prestations et supposent des interventions publiques destinées à les garantir »4.

Les droits sociaux ont pour but de limiter ou de corriger les inégalités sociales involontaires. Ils se présentent donc comme des droits créances que l'Etat se trouve dans la possibilité et l'obligation de promouvoir pour libérer l'homme des injustices et des contraintes sociales.

1 J. V GRUAT, Introduction aux systèmes d'assurance maladie, Rapport introductif, communication aux actes du colloque organisé à Tunis par l'ATDS juin 1988, RTDS 1993, p19.

2 Préambule de la constitution de l'organisation mondiale de la santé (OMS),

3 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté par l'A.G. des N.U. le 16 décembre 1966.

4 S. ROBIN-OLIVIER, « La référence aux droits sociaux fondamentaux dans le traité d'Amsterdam », Dr. Soc. n° 6, 1999, p. 613.

Introduction - 2 -

Par son action l'Etat doit corriger les inégalités qui naissent entre les personnes de droit privé dans leurs rapports, tels que les rapports homme / femme et patrons / salariés. En effet, il se préoccupe de garantir les droits sociaux pour les plus faibles.

Toutefois, un recul constaté du socialisme, avec l'effondrement des régimes communistes en faveur d'une diffusion mondiale et intense du libéralisme, va causer une régression dans l'effectivité des droits sociaux.

Ces droits sociaux apparaissent, ainsi, comme des droits de plus en plus formels. De nombreuses législations nationales les réduisent puisqu'elles n'ont plus la capacité et les moyens de les satisfaire, surtout avec la dominance, dans les Etats nouvellement indépendants et qui sont encore sous développés, de l'idée que les droits de l'homme ne pouvaient et ne devaient pas être un obstacle au développement économique.

De surcroît, l'universalisation des droits de l'homme s'accompagne d'une diffusion mondiale et intense d'une idéologie libérale qui fait prévaloir l'économique sur le social.

A ce propos, « il faudra veiller à ce que les droits sociaux fondamentaux, au lieu d'être un atout supplémentaire entre les mains des salariés, ne se transforment en un simple cache misère dans une économie mondialisée et dominée par le droit de la concurrence »1

En Tunisie, face à la régression des droits sociaux dans le monde, avec la libération de l'économie mondiale, les pouvoirs publics se trouvent contraints par une obligation juridique et morale de promouvoir les droits de l'homme d'une part, et par une conjoncture économique difficile caractérisée par le chômage, la pauvreté et l'exclusion sociale ... d'autre part.

Toutefois, un développement durable et réussi ne peut être assuré que par la satisfaction des besoins sociaux nécessaires, dont notamment le droit au travail, le droit à l'éducation et à l'enseignement et le droit à la santé ...

Certes, l'effectivité de ces droits sociaux dépend de la volonté des Etats, puisque dans les instruments juridiques internationaux on trouve une reconnaissance

1 J. MOULY, « Les droits sociaux à l'épreuve des droits de l'homme », Dr. Soc., n° 9-10, 2002, p. 805.

Introduction - 3 -

des droits sociaux d'une part et une obligation à la charge des Etats afin de les satisfaire, d'autre part.

En Droit tunisien, et en harmonie avec les textes internationaux en la matière, la Constitution, suite à l'amendement du 1er juin 2002, prévoit le principe de l'indivisibilité des droits de l'homme et fait de la république une garantie des libertés fondamentales et des droits de l'homme dans leur acception universelle, globale, complémentaire et interdépendante.

Cette réforme constitutionnelle incarne une volonté de promouvoir les droits de l'homme d'une façon générale et surtout les droits sociaux. Une volonté qui va s'exprimer dans des textes législatifs et réglementaires venant renforcer tout un arsenal juridique protecteur des droits de l'homme.

Parmi les droits dont la protection s'impose avec force figurent le droit à la santé et le droit à la sécurité sociale. La sécurité sociale s'identifie en tant qu'institution permettant de protéger l'individu contre divers événements, généralement qualifiés de "risques sociaux". Ces risques prévus par la convention n° 102 de l'organisation internationale du travail (O.I.T.) concernant la norme minimale de la sécurité sociale,1 sont au nombre de neufs, à savoir ; la maladie, la maternité, les soins médicaux, les charges familiales, la vieillesse, l'invalidité, le décès, les accidents du travail et les maladies professionnelles et le chômage.2

Ainsi, le droit à la sécurité sociale est le droit de l'individu à une protection suffisante contre les risques inhérents à sa vie et susceptibles d'affecter les conditions matérielles et morales de son existence.

Par conséquent, associé au droit à la santé, le droit à la sécurité sociale s'entend du droit à la protection de la santé de l'individu par recours aux mécanismes de la sécurité sociale.

1 La convention n° 102 de l'O.I.T. concernant la norme minimale de la sécurité sociale adoptée le 28 juin 1952 et n'est pas encore ratifiée par la Tunisie.

2 Le risque chômage n'est pas encore couvert dans le système tunisien de sécurité sociale.

Introduction - 4 -

« La santé est un état variant du bien être ou mal être, du fait de l'existence ou non d'une maladie physique ou psychique, réelle ou imaginaire, d'un handicap ou, plus largement, d'une atteinte à l'intégrité physique ou psychique ».1

La santé est aussi définie « comme désignant la situation physique ou physiologique ou mentale des individus, la présence ou l'absence chez eux de maladies, affections chirurgicales, infirmités ou imperfections organiques ou fonctionnelles ».2

De ce qui précède on peut remarquer que pour garantir un état de complet bien être physique, mental et social à toute la population, l'Etat doit investir des moyens techniques et financiers nécessaires. Cet investissement pourrait présenter une charge lourde pour l'Etat à qui incombe l'effectivité d'un idéal droit créance à la santé et à la sécurité sociale.

Ainsi, l'effectivité des droits sociaux, qualifiés de droits de la seconde génération, dépend de la politique sociale de chaque Etat, ainsi que de son niveau de développement économique.

A ce propos, le législateur tunisien a fait du droit à la sécurité sociale pour l'essentiel, "un droit contributif"3 basé sur la notion de solidarité sociale. « De nos jours, la sécurité sociale est reconnue comme un besoin vital, non seulement pour les travailleurs salariés considérés pendant longtemps comme économiquement faibles, incapables d'une prévoyance sérieuse et efficace, mais aussi pour tous les éléments qui composent une nation ».4 C'est ainsi que le droit à la sécurité sociale se généralise au profit de toute la population.

Toutefois, l'extension de la sécurité sociale dépend étroitement de la conception de sécurité sociale pour laquelle a opté le législateur. En effet, selon qu'il adopte la conception professionnelle ou la conception universelle de sécurité sociale, le législateur va, soit limiter la protection sociale aux seuls travailleurs ainsi que leurs ayants droit, soit étendre la protection en faveur de toute la nation.

1 C. SAUVAT, Réflexions sur le droit à la santé, Collection du Centre Pierre KAYSER, Presses Universitaires d'Aix Marseille (P.U.A.M), 2004, p. 29.

2 J-M. AUBY, Le droit de la santé, P.U.F., Paris, 1981, p. 11 et 12.

3 Cf. A. MOUELHI, Droit de la Sécurité Sociale, 2ème éd, 2005, p. 18-19.

4 N. LADHARI, Traité de Sécurité Sociale, Connaissance pour tous, Culture juridique et sociale, Fondation nationale pour la traduction, l'établissement des textes et les études Beit AL Hikma, Carthage 1990, p. 21.

Introduction - 5 -

En Droit tunisien, par la loi n° 60-30 du 14 décembre 1960, le législateur a « institué une organisation de sécurité sociale, destinée à protéger les travailleurs et leurs familles contre les risques inhérents à la nature humaine, susceptibles d'affecter les conditions matérielles et morales de leur existence ».1 Parmi ces risques figurent des risques qui peuvent toucher la santé de l'individu dont la maladie, la maternité, les accidents de travail et les maladies professionnelles. D'où va naître l'idée d'associer le droit à la santé au droit à la sécurité sociale pour satisfaire le premier en assurant le second.

« La mise en oeuvre du droit à la sécurité sociale suppose une énumération des risques retenus et des bénéficiaires, un mode de financement et de gestion approprié, bref un dispositif traduisant tant l'exigence constitutionnelle que le besoin de protection que seul l'Etat paraît en mesure de satisfaire ».2

Ce dispositif est mis en place en Tunisie lors de l'indépendance et n'a cessé d'évoluer et de se développer jusqu'à nos jours. En effet le droit de la sécurité sociale, en tant que branche de droit visant la protection de l'individu contre les risques sociaux et professionnels, est une branche qui doit évoluer à la même vitesse et avec le même dynamisme que la réalité sociale, notamment concernant la demande sociale en matière de soins de santé.

Pour assurer une protection sociale effective, la sécurité sociale, en tant qu'institution, « implique techniquement une redistribution financière avec d'une part, un prélèvement et, d'autre part par la répartition des fonds prélevés. Elle obéît à une logique d'assurance, mais un peu particulière ».3 Il s'agit de l'assurance sociale qui s'identifie en tant que technique d'assurance ayant subi dés l'origine une profonde mutation pour se convertir en authentique institution de protection de sociale.1

L'assurance sociale, en tant que technique de protection sociale, s'est imposée en Allemagne, sous la pression croissante de l'industrialisation, comme un meilleur

1 Art. 1er de la loi n° 60-30 du 14 décembre 1960 portant institution d'un régime de sécurité sociale pour les travailleurs salariés du secteur privé.

2 J-P. CHAUCHARD, « La sécurité sociale et les droits de l'homme (à propos du droit à la sécurité sociale) », Dr. Soc. n° 1,1997, p. 52.

3 A. MOUELHI, Droit approfondi de la sécurité sociale, Cours polycopié pour les étudiants de la 1ère année du mastère en Droit Social, 2003-2004, p 12.

Introduction - 6 -

moyen de protection des travailleurs face aux risques sociaux, notamment la maladie, les accidents du travail, la vieillesse et l'invalidité.2

Par la suite, et avec le développement de l'industrie dans différents Etats du monde, l'assurance sociale s'est répandue de manière lente et limitée en une première étape dans le cadre de l'Europe, pour s'étendre en une deuxième étape, mais à un rythme accélérée cette fois, après 1919 en Europe et hors d'Europe, dans la plupart des pays en voix d'industrialisation.3

Le mérite de l'expansion et la diffusion de la technique d'assurance sociale revient à l'O.I.T., qui par son action normative a mis ses moyens d'information et de réglementation internationales au service du développement des régimes nationaux. Par la suite, une série de conventions internationales relatives au chômage, à la maternité, à l'assurance maladie, à l'assurance invalidité, à l'assurance vieillesse et à l'assurance décès, va servir de véritable modèle législatif international à la disposition des Etats membres de l'O.I.T.

Récemment, dans certains régimes de conception extensive, « la technique de l'assurance sociale s'est assouplie et adaptée à l'exigence accrue de solidarité qui caractérise la sécurité sociale, au point de ne plus se distinguer, en fin de compte, des autres techniques de protection que par la spécificité de son financement ».4

Il est utile de rappeler que l'assurance sociale se caractérisait lors de sa naissance par l'assujettissement obligatoire de tous les ouvriers et employés pour se garantir un droit à la protection contre les risques sociaux. Cet assujettissement était soumis à un plafond de revenu annuel.

Le financement des régimes se fait par les cotisations prélevées sur le salaire et réparties entre l'employeur et le salarié, avec, toutefois, une gestion du régime confié à un organisme à but non lucratif placé sous la tutelle de l'Etat.

1 Cf. G. PERRIN, « Cent ans d'assurance sociale », Travail et Société vol. 9, n° 2, 1984, p 199.

2 Ainsi trois lois ont été adoptées :

- La loi du 15 juin 1883 sur l'assurance maladie des travailleurs ; - La loi du 06 juillet 1884 sur l'assurance accidents du travail ;

- La loi du 22 juin 1889 sur l'assurance vieillesse invalidité.

3 Cf. G. PERRIN, « Cent ans d'assurance sociale (2ème partie), diffusion et expansion de l'assurance sociale de 1883 à 1938 », Travail et Société, vol. 9, n° 3, 1984, p. 319.

4 G. PERRIN, « Cent ans d'assurance sociale (3ème partie), sécurité sociale et assurance sociale », Travail et Société, vol. 9, n°4, 1984, p. 429.

Introduction - 7 -

L'assurance sociale, aujourd'hui, a conservé pour l'essentiel ses caractéristiques d'origine, mais elle dépend de plus en plus du choix de la conception de sécurité sociale adoptée par le législateur.

Le législateur tunisien, ayant opté pour une conception professionnelle de sécurité sociale, soumet le bénéfice de la protection contre les risques sociaux à l'exigence d'appartenir à une catégorie professionnelle déterminée et au paiement des cotisations légales exigées pour acquérir la qualité d'assuré social.

Ainsi, vont naître en Droit tunisien des régimes organisés de sécurité sociale qui reflètent la diversité des groupes socioprofessionnels couverts par les assurances sociales. On parle ainsi d'une solidarité catégorielle qui est de l'essence même de la conception professionnelle de sécurité sociale.1

La solidarité présente à la fois un fondement de l'assurance sociale et une finalité du droit de la sécurité sociale.

D'une part, un fondement de l'assurance sociale,2 parce que la solidarité entre un groupe homogène d'individus, à savoir les travailleurs soumis au même régime de sécurité sociale, permet de supporter d'une façon collective les risques qui peuvent survenir à l'un d'eux. Cette solidarité s'explique par les cotisations versées par les assurés sociaux et qui ne sont pas proportionnelles aux besoins de l'individu en sécurité sociale ou aux prestations escomptées.

D'autre part, la solidarité se présente comme une finalité du Droit de la sécurité sociale. En effet, fondé sur une conception professionnelle de la sécurité sociale, le système tunisien s'est assigné la finalité de promouvoir la solidarité dans ses dimensions horizontale et verticale

Dans sa dimension horizontale, la solidarité se fait entre les assurés sociaux soumis à un régime légal de sécurité sociale, elle présente l'intérêt de supporter par le groupe la charge que devrait supporter normalement l'individu tout seul.3

Dans sa dimension verticale, la solidarité justifie la prise en charge des personnes exclues ou des personnes prouvant des difficultés d'accès à une couverture

1 Cf. A. SEFI, « Disparité des régimes de couverture du risque maladie », communication aux actes du colloque organisé à Tunis par l'A.T.D.S., juin 1988, R.T.D.S. 1989, p. 75.

2 F. EWALD, « Société assurantielle et solidarité », Problèmes économiques, 19-26 mars 2003, n° 2-802, p. 1.

3 Cf. J-J. DUPEYROUX, Droit de la Sécurité Sociale, 12ème éd, 1993, Précis Dalloz, p 6.

Introduction - 8 -

sociale. Ainsi le groupe des assurés sociaux supporte solidairement le groupe des non assurés face aux risques sociaux.1

Par ailleurs, l'assuré social en adhérant à un régime légal de sécurité sociale entend faire face aux risques qui touchent essentiellement sa propre santé ou celle de ses ayants droit. C'est la raison pour laquelle on trouve que l'importance est beaucoup plus accordée aux assurances sociales s'intéressant à la santé que les autres. Les risques maladie, maternité, accidents de travail et maladies professionnelles sont des risques quotidiens et peuvent affecter les possibilités de gain de l'assuré social parce qu'ils touchent directement sa santé. De surcroît, ces risques peuvent faire peser sur l'assuré social une charge parfois trop lourde et des dépenses de soins qui dépassent parfois les limites de ses possibilités de gain.

Notons aussi que dans le même contexte des dépenses de soins même si « la santé n'a pas de prix »,2 une croissance notable des dépenses de santé et de la consommation médicale mérite d'être soulignée3.

Cette croissance ou explosion des dépenses de santé est un phénomène mondial4 dû à plusieurs facteurs dont notamment la croissance démographique, la prise de conscience par les individus de l'importance de la santé, le développement économique et social, la hausse des prix de certains produits pharmaceutiques d'une façon excessive et le développement d'une infrastructure sanitaire moderne ...

La hausse excessive des dépenses de santé est essentiellement supportée par l'Etat et par les ménages, avec la remarque que « les dépenses des ménages en matière de santé sont essentiellement d'ordre curatif ».1

En Tunisie, le problème qui se pose consiste dans le fait que « ces dépenses augmentent à un taux largement supérieur par rapport à l'accroissement de notre richesse nationale. Actuellement, le taux de croissance de ces dépenses de santé est

1 Cf. A. MOUELHI, Droit de la Sécurité Sociale, Op. Cit. p. 16.

2 M. CAMU, H. ZAIEM et H. BAHRI, Etat de santé : besoin médical et enjeux politiques en Tunisie, éd Centre National de Recherche Scientifique, 1990, p. 11.

3 - Les dépenses de soins et d'hygiène par habitant sont passées de 7.2 dinars en 1975 à 92 dinars en 2001.

- Les dépenses publiques de santé par rapport au budget de l'Etat sont passées de 7.5% en 1990 à 8.5% en 2000. - Le taux de croissance annuel de la consommation médicale totale en Tunisie est de 10%. (source : Ministère du Développement Economique, in La Revue de l'Entreprise, n O spécial Hors-Série, Décembre 2001).

4 Cf. F. MONIER, « Sécurité Sociale : le retour du déficit », Problèmes économiques, 19-26 mars 2003, n° 2-801-2-802, p17.

Introduction - 9 -

de 14% par an, alors que notre PIB se situe entre 5 et 6%. Plus grave encore : l'écart entre nos dépenses de santé et la croissance de notre pays ne fait qu'augmenter d'une année à l'autre ; ce qui pose réellement un problème ».2

C'est face à ce problème que les pouvoirs publics devraient agir dans le sens de « repenser notre système de santé, afin d'alléger le poids de son coût du côté des manéges »,3 ainsi que du côté des dépenses publiques de santé.

Avec le début des années 90 différents textes en matière de sécurité sociale vont voir le jour en vue d'une meilleure couverture sociale pour la majorité de la population, d'une part, et pour une meilleure gestion du risque social, d'autre part.

C'est dans ce sens que le législateur a adopté deux lois relatives aux régimes de couverture des risques professionnels, à savoir, la loi n° 94-28 du 21 février 1994 dans le secteur privé et la loi n° 95-56 du 28 juin 1995 dans le secteur public. Par cette nouvelle législation relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, une meilleure protection du travailleur sur les lieux du travail lui offre une meilleure protection de son état de santé au cours ou à l'occasion de l'exercice de son activité professionnelle.

De ce qui précède, on peut nettement remarquer que toute reforme juridique en général et spécialement pour les textes régissant la matière sociale, doit être précédé par une étude suffisante des possibilités et des opportunités de l'envisager.

D'autant plus, « l'amélioration générale et durable de l'état de santé des populations passe d'abord par un renforcement des moyens financiers disponibles à cette fin ».4 Or, les moyens financiers disponibles ne sont pas assez suffisants pour mener une reforme des textes de sécurité sociale et pour développer encore mieux l'infrastructure sanitaire publique.

Toutefois, il ne faut pas négliger le développement important que connaît l'offre des soins auprès des prestataires de soins privés notamment les médecins, les policliniques, les analystes, les radiologues, les médecins dentistes ... « L'évolution

1 L. ZARROUK, « Où va la consommation médicale totale en Tunisie ? L'explosion des dépenses de santé : Quelles en sont les origines ? », Regards et explications, La Revue de l'Entreprise, Spécial Hors Série, Décembre 2001, p 16.

2 Ibid., p16-17.

3 M. ZOUARI, « L'économie de santé : une affaire de société », La Revue de l'Entreprise, Spécial Hors Série, décembre 2001, p 4.

4 J. V. GRUAT, Art. préc., p. 19.

Introduction - 10 -

des effectifs médicaux par rapport à celle de la population constitue la manifestation la plus spectaculaire d'un élargissement de l'offre de soins »1 en Tunisie.

Cette situation va faire de la réforme du régime d'assurance maladie une priorité pour les pouvoirs publics depuis 1996,2 l'année au cours de laquelle la Tunisie a signé avec la communauté européenne un accord de partenariat qui aura par la suite des effets sur la législation, ainsi que sur l'économie et la société.3

Quelques années après, une réforme législative importante sera envisagée pour instituer un nouveau régime d'assurance maladie par la création d'une nouvelle caisse nationale d'assurance maladie à laquelle sera confiée la gestion du régime. Cette réforme a vu le jour avec la loi n° 2004-71 du 02 Août 2004.

En effet, par l'adoption de ladite loi, le législateur prévoyait l'entrée en vigueur du nouveau régime le 1er juillet 2005 date à laquelle sont « abrogées les dispositions de la loi n° 86-86 du 1er septembre 1986 portant réforme des structures de sécurité sociale ».4 Cependant, rencontrant des difficultés techniques, l'instauration du nouveau régime a été reportée à deux ans pour entrer officiellement en vigueur le 1er juillet 2007 avec l'adoption de ses textes d'application notamment les décrets n° 2007-1367 du 11 juin 2007 et le décret n° 2007-1406 du 18 juin 2007.

Il y a lieu de noter ici que l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-71 obéit à la logique des étapes. Ainsi, tout en commençant par la gestion des maladies chromiques et de longue durée, l'accouchement et les interventions chirurgicales, le nouveau régime devrait d'ici au 1er juillet 2009 s'appliquer pour toutes les maladies et pour tous les assurés sociaux et leurs ayants droits.

Dans la même logique des étapes, la nouvelle législation prévoit une hausse dans les taux des cotisations dans le sens d'unifier progressivement ces taux à l'ordre de 6,75% pour tous les affiliés aux régimes légaux de sécurité sociale à l'exception

1 M. CAMU, H. ZAIEM et H. BAHRI, op. Cit. p 28.

2 Un conseil ministériel en date du 16 février 1996 sur la reforme du régime de l'assurance maladie en Tunisie.

3 Cf. A. SEFI, « Le système de sécurité sociale, portée et limites », in l'accord entre la Tunisie et la Communauté Européenne : effets économiques et sociaux », éd. L'U.G.T.T. avec la collaboration de Freidrich Ebert.

4 Art. 29 de la loi n° 2004-71 du 02 août 2004.

Introduction - 11 -

des bénéficiaires d'une pension dont le taux de cotisation est fixé à 4%. L'application des nouveaux taux va faire progressivement et à trois étapes jusqu'au 1er juillet 2009.1

L'élévation du taux de cotisation au titre de l'assurance maladie permettra d'assurer un meilleur équilibre financier des caisses de sécurité sociale, ce qui va par la suite encourager leur action. Mais comme toute charge supplémentaire, l'élévation du taux de cotisation pourrait ne pas plaire aux assurés sociaux. D'autant plus, la phase transitoire par la quelle passe notre système d'assurance maladie, et l'application par étapes du nouveau régime pourrait présenter une source d'inquiétude pour le citoyen à défaut d'information satisfaisante et suffisante.

Toutefois, le nouveau régime d'assurance maladie a le mérite de soulever les injustices de l'ancien système, à ce propos Mme Aicha SEFI, voit que « les sommes consacrées à la santé ne sont pas répartie également : ni entre les établissements sanitaire ... ni entre les assurés sociaux vis à vis desquels on enregistre une inégalité au point où la conception du système change complètement ».2

Ainsi, la reconnaissance d'un traitement égalitaire entre tous les assurés sociaux en matière d'assurance maladie est, en fait, une reconnaissance d'un droit égal à la santé pour tous les assurés.3

En effet, une répartition de la charge de la santé entre les services publics et les privés est, en réalité, une répartition de la charge de santé entre un effort collectif et un effort privé.

Dans ce contexte juridique caractérisé par une reforme du régime d'assurance maladie en Tunisie, une étude portant sur l'assurance sociale et le droit à la santé à le mérite de présenter un grand intérêt à la fois pour le juriste, pour le praticien, mais aussi et surtout pour le citoyen.

Cette étude se justifie par plusieurs considérations :

1 Le décret n° 2007-1406 du 18 juin 2007 fixe les taux et l'assiette des cotisations au titre du régime de base de l'assurance maladie et les étapes de son application. (J.O.R.T. n° 49- du 19 juin 2007, p 2174 et s).

2 A. SEFI, Art. préc. p.29.

3 Cf. A. LECLERC, « Santé et société : les inégalités en matière de santé », Cahier français n° 324, janvier février 2005, La documentation française, p. 9-13.

Cf. P. DOURGNON, M. GRIGONON et F. JUSOT, « L'assurance maladie - réduit elle les inégalités sociales de santé ? Questions d'économie de la santé », Problèmes économiques, 19-26 mars 2003, n° 2-801-2-802, p. 29-36.

Introduction - 12 -

D'abord, elle se justifie par l'importance des droits sociaux,1 notamment le droit à la santé, en tant que droits inhérents à la personne humaine et indispensables à sa dignité. Ces droits doivent être reconnus pour tous sur le même pied d'égalité.

Ensuite, elle se justifie par la liaison étroite et inévitable entre toute politique de santé2 et l'assurance maladie, du fait que celle ci présente le moyen le plus approprié pour assurer une meilleure couverture du risque maladie pour la plupart de la population.3

Enfin, cette étude se justifie certainement par la reforme du régime d'assurance maladie et l'institution de la C.N.A.M. cette réforme va faire preuve des défaillances de l'ancien régime,4 mais va aussi faire preuve de l'insuffisance de l'assurance sociale en tant que technique de sécurité sociale pour couvrir les besoins de toute la population en matière de santé.

Le sujet assurance sociale et droit à la santé est un sujet d'actualité, qui touche de prés beaucoup d'intéressés. Son intérêt est à la fois pratique mais aussi et surtout théorique puisqu'il permettra de localiser les défaillances du système pour préconiser les solutions appropriées.

En effet, l'examen des différentes branches d'assurance sociale, tout en cherchant à établir un lien avec le droit à la santé va exclure du champ de cette étude certaines assurances sociales. On observe nettement que l'assurance chômage, l'assurance vieillesse, l'assurance retraire et l'assurance invalidité n'établissent pas un lien direct avec le droit à la santé comme c'est le cas pour l'assurance maladie, l'assurance maternité et l'assurance accidents de travail et maladies professionnelles.

Ainsi, l'assurance sociale permet de protéger l'assuré social face aux risques professionnels et permet aussi de le protéger ainsi que ses ayants droits face aux risques liés à la santé de la famille.

1 Cf. J.MOULY, « Les droits sociaux à l'épreuve des droits de l'homme », Dr. Soc. n° 9-10, 2002, p.799-805.

2 La politique sociale est définie par B. DUMOUS et G. POLLET comme étant : «le cadre d'action ou l'ensemble des stratégies mises en oeuvre pour atteindre des objectifs précis en vue de l'amélioration du bien être des individus », L'histoire des politiques sociales : domaine de l'inconnu, Vie sociale n° 5 / 87.

3 Cf. R. RUELLAN, « Vers une réconciliation de la politique de la santé et de l'assurance maladie, Dr. Soc. n° 4, 2003, p. 410-419.

4 A propos de l'ancien régime M. Mohamed BOUKHRIS affirmait que : « Notre système actuel, peut être considéré comme un système dépassé, comportant en lui même de multiples contradictions devenant ainsi anachronique, inopérant et coûteux. », Communication aux actes du colloque organisé à Tunis par l'A.T.D.S., juin 1988, R.T.D.S. 1989, p. 64.

Introduction - 13 -

Toutefois, comme l'assurance sociale a le mérite d'assurer une couverture, a priori, suffisante pour une large couche de la population, elle a, par ailleurs, l'inconvénient de ne pas couvrir tous les citoyens. Ceci s'explique par l'option en droit tunisien en faveur de la conception professionnelle de sécurité sociale qui se contente de protéger ceux qui exercent une activité professionnelle dans une logique de solidarité contributive entre un groupe d'assurés soumis à un régime légal de sécurité sociale.1

Ainsi, se basant sur une conception, qui par définition exclut de son champ les non professionnels, le droit tunisien de la sécurité sociale semble être discriminatoire. Toutefois, dans ce système composé d'une mosaïque de régimes, le traitement différentiel n'est pas toujours discriminatoire.

Face à l'insuffisance constatée de l'assurance sociale en tant que technique de protection du droit de l'individu à la santé, une couverture suppléante devrait être conçue pour les non assurés sociaux.

A ce propos, une assistance médicale gratuite est présumée devoir supporter la charge des plus démunis de la société quant aux dépenses de santé.

L'assurance sociale contribue-t- elle à la consécration d'un droit fondamental à la santé pour tous les citoyens et quelle sont les limites ?

« Il va de soi qu'une réforme de l'assurance maladie est, quelle qu'en soit le contenu, insusceptible de réaliser à elle seule les objectifs tracés par les stratégies, nationales de santé ».2 C'est ainsi que, même après la réforme du régime d'assurance maladie en Tunisie, des insuffisances quant à la couverture du droit du citoyen à la santé surgissent encore, vu les limites de la conception professionnelle. Par la suite une « santé pour tous »3 ne serait pas atteinte par la seule technique de l'assurance sociale.

De ce qui précède on constate qu'une étude du droit à la santé par l'assurance sociale serait envisagée par l'analyse, d'une part, de la consécration du droit à la

1 A. MOUELHI, Modèles et logiques de la couverture sociale en Droit tunisien, thèse de doctorat en Droit Social, Université de BORDEAUX I, Faculté de Droit et des Sciences Economiques, 1989, p. 66.

2 H. KOTRANE, Rapport de synthèse des travaux du colloque sur l'assurance maladie organisé à Tunis par l'A.T.D.S., juin 1988, R.T.D.S. 1989, p. 126.

3 Stratégie de l'O.M.S. d'une santé pour tous au XXIème siècle, V. infra, p.30.

Introduction - 14 -

santé par l'assurance sociale (première partie) et, d'autre part, par l'analyse de l'inégal accès au droit à la santé par l'assurance sociale (deuxième partie).

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