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La question de la décroissance chez les verts français

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par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

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Une pensée anticapitaliste ?

Les partisans de la décroissance font souvent l'objet de critiques sur leur supposée clémence vis-à-vis de l'exploitation capitaliste. Jean Marc Harribey, ancien président d'ATTAC et fin connaisseur de la question, s'en prend à la décroissance à travers quatre reproches que synthétise Paul Ariès : « décroitre sans sortir du capitalisme, décroitre sans limites, ne pas voir qu'une autre économie que le capitalisme est possible et renoncer à la perspective du plein emploi »90(*). Les théoriciens de la décroissance coupent court à ces reproches. Sans détours ils affirment que sortir de la société de croissance est incompatible avec le capitalisme91(*). La logique d'accumulation sans fin des forces productives qu'il suppose est contraire avec la sobriété prônée par la décroissance. Le cycle production/travail/consommation est jugé responsable de l'aliénation et de l'exploitation des travailleurs ainsi que de la dégradation des équilibres écologiques. Les références aux travaux d'auteurs écosocialistes comme Michaël Lowy ou Philippe Corcuff sont nombreuses et soulignent la dérive systémique du capitalisme. Confronté à une crise de « valorisation » avec la baisse tendancielle de la quantité de travail nécessaire à la production, le capitalisme voit ses possibilités de profit se réduire. L'accentuation ou du moins le maintien du capitalisme ne se ferait qu'au prix de la dégradation de la valeur d'usage (d'utilité) des produits. Cette forme « d'hypercapitalisme » se traduit par une marchandisation des biens communs jusqu'ici gratuits (l'eau par exemple) mais donne aussi lieu à un processus de junk-production (production pourrie) entrainant une junk-consumption (consommation pourrie) selon Paul Ariès. La faible valeur d'usage de ces produits, déconnectés de besoins réels, ne permet même plus d'acheter un statut mais tout juste de jouir sans désir. Cet « hypercapitalisme » est celui du « mésusage »92(*) : la malbouffe, l'urbanisme anarchique, la « télé-poubelle » sont autant de produits issus d'un système parfaitement rationnel d'accumulation du capital.

Dans un autre registre, Serge Latouche concentre ses critiques sur « l'esprit » du capitalisme. Il s'oppose à l'imaginaire collectif produit par le capitalisme : l'imaginaire de démesure et d'accumulation sans limites créé par la société de marché conduit inéluctablement à la destruction de l'environnement mais aussi de toute solidarité collective. Les décroissants soulignent donc l'antinomie entre capitalisme et décroissance à l'image de Murray Bookchin : « On ne peut pas plus convaincre le capitalisme de limiter la croissance qu'on ne peut persuader un être humain d'arrêter de respirer »93(*). Toutefois ils refusent de s'arrêter à un anticapitalisme primaire. S'ils se reconnaissent pour la plupart dans la critique marxiste du capitalisme, ils revendiquent le même examen pour toute société de croissance. Ainsi les reproches formulés à l'égard du capitalisme sont les mêmes pour ceux qui souhaitent le mettre à bas car « l'on peut avoir une économie de croissance qui n'est pas une économie de marché, et c'est notamment le cas du socialisme réel » explique justement Takis Fotopoulos94(*). Capitalisme et socialisme sont en réalité deux avatars d'un même projet de croissance. Les objecteurs de croissance ne cèdent donc pas à la facilité de désigner le capitalisme comme responsable de tous les maux et qu'il suffirait d'en sortir pour un monde meilleur. Cette vision manichéenne est balayée par le productivisme pratiqué par la gauche socialiste ou communiste tout aussi exacerbé que celui du capitalisme libéral. Pourtant, il s'en est fallu de peu pour que l'histoire tourne autrement. Le scientifique ukrainien Sergueï Podolinsky (1850-1891) avait tenté en vain de convertir Karl Marx à l'économie écologique dont il était le précurseur. Ses travaux sur la pensée marxiste et la deuxième loi de la thermodynamique furent en définitive écartés par le dogmatisme positiviste d'Engels.

Puisque postuler l'anticapitalisme ne suffit pas, les auteurs en soulignent d'ailleurs le caractère fourre-tout, les partisans de la décroissance prônent un dépassement du capitalisme. L'objectif final est de briser le productivisme et de parvenir à une société de décroissance. La sortie du capitalisme constitue alors un moyen nécessaire à la décroissance mais non une fin. Mais si la croissance et le capitalisme sont à supprimer, qu'en est-il du développement ?

* 90 ARIES, Paul, Décroissance ou barbarie, op.cit., p.87

* 91 « La décroissance est forcément contre le capitalisme », LATOUCHE, Serge, Petit traité de la décroissance sereine, op.cit., p.138 

* 92 ARIES, Paul, Le Mésusage. Essai sur l'hypercapitalisme, Lyon, Parangon/Vs, 2007

* 93 « Capitalism can no more «be persuaded» to limit growth than a human being can be «persuaded» to stop breathing », in New York Times, August 7, 2006, «Murray Bookchin, 85,Writer, Activist and Ecology Theorist, Dies», by Douglas Martin

* 94 FOTOPOULOS, Takis, Vers une démocratie générale. Une démocratie directe économique, écologique et sociale, Paris, Seuil, 2002, p. 39

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