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La question de la décroissance chez les verts français

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par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

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2. Un agenda politique décroissant ?

Les Verts sont évidemment proches des idées de la décroissance. La critique antiproductiviste qu'ils portent est constitutive de leur identité et nombre d'écologistes se considèrent eux-mêmes comme des objecteurs de croissance. Depuis l'émergence du concept de décroissance au milieu de la dernière décennie, les Verts sont sommés de s'expliquer sur leur rapport à ce courant d'idées. Ce débat peut s'apparenter à une bataille purement sémantique. Mais dans ce cas précis les mots sont des symboles auxquels attachent beaucoup d'importance les adhérents écologistes. Comment s'intègre donc la décroissance au récit identitaire écologiste ?

Si la notion de décroissance est assumée par les écologistes ainsi que le débat qui l'accompagne, elle fait néanmoins l'objet d'une euphémisation dans la logique de l'institutionnalisation du parti.

Un débat interne assumé

Il est difficile de retrouver une ligne claire du parti Vert français sur la question de la décroissance L'absence de doctrine officielle n'empêche pas que le débat soit assumé par le parti écologiste qui reconnait l'acuité du sujet.

Contrairement à son traitement dans l'opinion public, la décroissance est un débat de fond pour les écologistes. Il touche à leur identité même et véhicule une forte charge idéologique qui plaît aux militants. L'hypothèse de la décroissance revient d'ailleurs régulièrement dans les discussions du parti et notamment lors des journées d'été où les ateliers qui y sont consacrés font salle comble269(*). Les Verts sont sensibles à la décroissance et le débat est pleinement accepté en dépit des dissensions qui peuvent avoir lieu sur le sujet. Devant les invectives des objecteurs de croissance et l'affection des militants pour ce thème, les instances dirigeantes du parti ont donc cherché à préciser sa doctrine. Un premier numéro du journal interne abordait le sujet en 2004270(*). Mais la première clarification vint surtout lors de l'assemblée fédérale de Reims (décembre 2004) avec le vote de trois motions thématiques sur la décroissance. La motion « Anticiper »271(*) affirme que « l'apprentissage de la sobriété orientera les propositions et les actions des Verts ». Cette sobriété est décrite comme « une perspective d'autosuffisance décentralisée, par minimisation des échanges de matières et d'énergie, une mobilisation générale de la société autour d'un système sobre, démocratique et solidaire ». La seconde motion intitulée « Crises environnementales II, que faire ? »272(*) abonde dans le sens de la première et précise son contenu. Enfin la dernière motion « Pour une décroissance sélective et équitable : concept à apprivoiser (d'urgence), non à écarter ! »273(*) revendique ostensiblement l'usage du terme décroissance. Votée à une large majorité, cette motion invoque une décroissance « "sélective" (selon des critères combinés écologiques et économiques) et "équitable" (selon des critères sociaux et mondialistes), donc "soutenable" ». Le but affiché est de lutter farouchement contre les récupérations du « développement durable » par les tenants du capitalisme vert. La décroissance s'inscrit dans le droit fil de la critique antiproductiviste portée par les Verts. Elle est présentée comme la « clé de voûte » d'un ensemble programmatique qui doit dessiner une alternative radicale au productivisme et à l'idéologie libérale. Si l'on en croit ces motions Les Verts semblent prendre sans équivoque le chemin de la décroissance.

Des figures du parti n'hésitent d'ailleurs pas à plaider ouvertement pour la décroissance. Jean Paul Besset mais surtout Yves Cochet font partie des personnalités politiques identifiées « objecteurs de croissance ». Bien qu'il n'y ait pas de courant « décroissant » véritablement constitué au sein du parti, une part significative des adhérents se retrouve derrière ce vocable. Le fait qu'un des rares députés verts274(*), Yves Cochet, défende les thèses de la décroissance est aussi en soit très symbolique. Non seulement il anime et alimente le débat sur la notion à l'intérieur du parti mais son statut d'homme politique reconnu lui permet d'introduire la décroissance dans des milieux où elle n'a que rarement accès. Au nom de l'ensemble des députés Verts, il prononce ainsi un discours dans l'hémicycle le 14 octobre 2008 dans lequel il développe les thèmes de la décroissance275(*). La « crise anthropologique » est dénoncée comme la conséquence de la « théologie » de la croissance. La décroissance s'invite pour la première fois au coeur de l'arène parlementaire et Yves Cochet d'en appeler à « décoloniser l'imaginaire » devant une assistance médusée.

Au-delà de l'entrée dans les institutions, la décroissance est aussi développée dans les médias. Dans une tribune publiée dans Le Monde fin août 2010 intitulée « Quel projet pour Europe Ecologie ? », l'ancien ministre du gouvernement Jospin critique la myopie des responsables politiques de droite et de gauche qui refusent d'admettre que la croissance ne reviendra pas. Il propose de « faire de l'écologie, de la sobriété et de la décroissance une mode, un esprit du temps » pour construire ce qu'il appelle la « décroissance prospère »276(*). L'objectif recherché de la tribune est d'ailleurs très clair. Dans la période de recomposition de l'écologie politique française il s'agit de peser sur la future organisation pour qu'elle adopte un projet de décroissance.

Le discours sur la décroissance ne s'adresse pas seulement aux adhérents du parti. Il concerne aussi le « visage extérieur » du parti et tend à assimiler les Verts à la décroissance. Malgré l'appétit des militants pour les thématiques de la décroissance et l'évidente proximité idéologique, le parti écologiste ne se revendique pas directement de ce courant. Dans un souci de ne pas s'aliéner un électorat qu'il veut faire croitre, le parti Vert prend ses certaines distances avec l'écologie radicale de la décroissance.

* 269 Nous avons pu assister aux débats concernant la thématique de la décroissance lors des journées d'été de 2010 et 2011. Nous avons pu constater qu'ils suscitaient l'intérêt d'un grand nombre de militants, les capacités maximums des salles étant à chaque fois atteintes. Cette observation ne suffit pas pour être scientifiquement mobilisable mais notons tout de même cet intérêt.

* 270 « La décroissance pourquoi ? », Vert contact, n°709, avril 2004

* 271 « Motion ponctuelle 1 : Anticiper », archives électroniques des Verts, http://archivage.oizoo.com/

* 272 « Motion ponctuelle 2 : Crises environnementales II, que faire ? », http://archivage.oizoo.com/

* 273 « Motion ponctuelle 3 : Pour une décroissance sélective et équitable : concept à apprivoiser (d'urgence), non à écarter ! », http://archivage.oizoo.com/

* 274 Avant le départ d'Yves Cochet pour le Parlement européen en décembre, l'Assemblée nationale ne comptait que quatre députés écologistes. 

* 275 « Crise : Groupe GDR Verts », http://dailymotion.com/

* 276 COCHET, Yves, « Quel projet pour Europe Ecologie ? », Le Monde, 16 août 2010

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