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Les attributions sociales du capitaine de navire

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par darly Russel KOUAMO
Université de Nantes - Master droit et sécurité des activités maritimes et océaniques 2014
  

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CHAPITRE II LA RESPONSABILITE DU CAPITAINE DANS L'EXERCICE DES

ATTRIBUTIONS SOCIALES.

Le capitaine assure la conduite du navire. Pour bien mener cette mission, des attributions sociales lui sont dévolues. Il a été démontré que seule une organisation rigoureuse et une bonne protection des marins peut garantir la sécurité de la navigation. Le capitaine est doté d'une très grande autorité qu'il exerce cette sur les membres de l'équipage et pour les membres de l'équipage. Or il est admis que «l'autorité doit aller de pair avec la responsabilité 145 ». La responsabilité doit donc être recherchée en cas de défaillance du capitaine dans l'exercice de ses fonctions sociales.

Cette responsabilité est d'autant plus importante en raison du contexte dans lequel agit le capitaine. En effet, l'isolement du navire, les dangers de l'expédition maritime, la nécessité de la cohésion de la société du bord fondent son autorité sur les marins. Lesquels marins lui doivent une loyauté indéfectible.

Certaines fautes, certaines négligences, certains comportements prennent en mer un relief qu'ils n'ont pas à terre146. Il est donc logique que les attributions sociales du capitaine soient encadrées. Cela éviterait l'usage de l'arbitraire au détriment des marins ; C'est en ce sens que des procédés de contrôle ont été mis en oeuvre. A l'issue de ces contrôles, la responsabilité du capitaine sera recherchée.

Compte tenu de ce que le capitaine a un statut ambigu, la mise en oeuvre de sa responsabilité s'avère problématique. Préposé, mandataire et dans une certaine mesure cadre dirigeant, cette hétérogénéité statutaire semble constituer une entorse à la responsabilité du capitaine.

Pour mieux étayer cela, il conviendra d'entrée de jeu de s'interroger sur le statut du capitaine (section 1). Puis, nous allons nous pencher sur sa responsabilité proprement dite (section 2).

145James O. Mc Kinsey, cité par Françoise Delaporte, « L'autorité en EPS : un trait de la personne, une compétence à construire », in Les cahiers EPS, n°38 (06/2008), disponible sur le lien http://www.educ-revues.fr/CEPS/AffichageDocument.aspx?iddoc=38087, consulté le 29 mars 2014 à 9h24.

146 Miichael GUEZ, La responsabilité du capitaine de navire, mémoire D.E.S.S. Transports maritimes et aériens, AIX-MARSEILLE, 1998, p. 3 et 4.

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Section 1 L'ambiguïté du statut du capitaine vis-à-vis de l'armateur.

La délicatesse des fonctions occupées par le capitaine a des conséquences quant à son statut juridique. La capitaine se voit reconnaitre plusieurs casquettes en fonction des champs d'actions spécifiques. Il se trouve être à la fois préposé et salarié de l'armateur (paragraphe 1). Au bout du compte, nous constaterons qu`il se présente comme un salarié entièrement à part (paragraphe 2).

§1- Le capitaine comme mandataire ou préposé de l'armateur.

L'étude portera sur les aspects de préposition du capitaine (B) et les situations où il agit comme mandataire (A).

A- Le capitaine comme mandataire.

La lecture des rapports du capitaine vis-à-vis de l'armateur fait ressortir implicitement la posture de mandataire du capitaine. Cependant, Le législateur se montre prudent dans cette ouverture. En effet, il ressort de la lecture combinée des articles L5412-3 à L5412-5 du Code des transports que ce n'est qu'exceptionnellement que le capitaine pourrait agir en qualité de mandataire de l'armateur. En premier lieu, il est affirmé que capitaine n'agira pour le compte de l'armateur que lorsqu'il aura expressément reçu un mandat en ce sens. Tout porte à croire qu'il s'agira donc d'un mandat spécifique pour une opération bien précise. Le mandat général serait donc exclu. Par la suite le capitaine n'interviendrait que dans les lieux où le l'armateur ne peut directement agir lui-même ou par son représentant. Certes dans l'impossibilité d'entrer en contact avec l'armateur, le capitaine pourrait agir. Mieux, il pourrait même être autorisé par les autorités judiciaires ou administratives à agir en ce sens. C'est sans doute les cas où il nécessiterait une action immédiate pour assurer le salut de l'expédition.

Pour ce qui relève des attributions sociales, l'on se demande si elles peuvent rentrer dans la qualification de mandataire.

Ceci étant, L'armateur confie au commandant la conduite d'un bien dont la valeur est de plus en plus élevée et met sous son autorité un groupe d'hommes, l'équipage, dont la vie peut dépendre des qualités dont il fera preuve. Sa mission est alors tout à fait comparable à celle du responsable d'une usine, considéré comme un mandataire social et non pas comme un

préposé147.

147 Françoise Odier, « Evolution du rôle du commandant de navire de commerce, les incertitudes attachées à la fonction », disponible sur le lien http://www.afcan.org/dossiers_juridiques/evolution_cdt.html.

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Avec le développement des moyens de communication148, les fonctions du capitaine se sont sensiblement réduites, notamment grâce à l'installation dans les ports de destination, de représentants permanents de l'armateur, ou simplement grâce au recours par ce dernier à un représentant occasionnel de ses intérêts. Ce qui a considérablement réduit le champ d'action du capitaine.

Les pouvoirs du capitaine sont géographiquement limités mais encore, il ne pourra les utiliser qu'aux fins de pourvoir « aux besoins normaux du navire et de l'expédition », comme le précise l'article L5412-3 du Code des transports. Cette brèche pourrait être un champ d'action du capitaine pour exercer ses attributions sociales. Ainsi, il pourrait être appelé à recruter des marins, les congédier si cela lui convient. D'autant plus que tout cela rentre dans les besoins normaux de l'expédition. En cas d'urgence, il prendra au nom de l'armateur toutes dispositions conservatoires.

Nous pouvons donc affirmer que dans l'exercice de ses attributions sociales, le capitaine garde une posture de mandataire. Il agira en son propre nom et l'armateur devra répondre dans la limite du mandat. De plus, il est érigé en juge des cas de force majeure à bord du navire. Il s'agit de la traduction d'un pouvoir réel conféré au capitaine. Il exerce ledit pouvoir en toute indépendance et en son propre nom.

Cependant, force est de constater que cette dévolution, des prérogatives de l'armateur au capitaine connait de nombreuses limites. Il en est par exemple le cas de l'obligation alimentaire qui pèse exclusivement sur l'armateur. Telle est l'interprétation que nous faisons de l'article L5545-10 du code des transports qui dispose que : « l'employeur veille à ce que l'alimentation des gens de mer soit suffisante en quantité et en qualité, et qu'elle tienne compte des habitudes alimentaires». L'armateur étant reconnu comme le réel employeur, il lui reviendra d'oeuvrer en ce sens.

L'on déduira alors que lorsque le capitaine s'immisce dans les champs de compétence exclusifs de l'armateur, il agit en préposé.

B- La préposition du capitaine.

Le capitaine est désigné par l'armateur, sous réserve d'observer les règlements qui fixent les qualifications requises. De cette désignation, l'idée de préposition est induite.

148 Miichael GUEZ, op. cit., p. 12.

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L'on a pu considérer que la qualité de préposé du capitaine s'observait exclusivement dans la conduite du navire. Ainsi, c'est en raison de ses attributions techniques que le capitaine agissait en qualité de préposé149. L'on a soutenu cette idée par le fait que ce n'était pas le capitaine qui décidait du chemin à suivre. Il n'était qu'un agent d'exécution tenu à la merci de l'armateur.

Le doyen RODIERE souligne que le capitaine est chargé de conduire un navire en vue d'une ou plusieurs expéditions. Le capitaine se trouve préposé à la sauvegarde de toutes les personnes embarquées ainsi qu'à celle des marchandises. La mission du capitaine relève de l'ordre public si l'on considère que le navire peut causer d'immenses dommages soit par sa masse soit par les produits qui s'en échappent ou sont jetés150. L'on se demande donc si l'accomplissement des attributions sociales ne relève pas aussi de la préposition du capitaine vis-à-vis de l'armateur.

Déjà il faut relever que les actes accomplis par le préposé engagent le commettant. Mais, il faut que ces actes concernent les affaires auxquelles il a été préposé. Bien plus, le préposé ne devrait pas excéder les bornes de sa commission. POTHIER illustrait en guise d'exemple les actes accomplis par le capitaine du navire. Il s'agissait plus précisément les actes accomplis pour équiper son navire, et ceux accomplis pour radouber le vaisseau151. Il est donc évident que certaines attributions du capitaine en matière sociale rentrent dans le cadre de la préposition.

En principe, c'est à l'armateur qu'il revient de d'assumer les obligations salariales des marins. C'est en effet sa contrepartie dans le contrat d'engagement maritime. Même s'il est admis que les salaires doivent être payés à terre, l'on permet aux marins de pouvoir recevoir les acomptes en cours de voyage. Dans cette situation, l'armateur n'est pas présent. Il reviendra donc au capitaine de le faire. Nous sommes sans ignorer l'impact que peut avoir le versement d'acomptes sur la galvanisation de l'équipage. Une chose est certaine, c'est qu'en décidant de verser l'acompte au marin, le capitaine du navire agit purement en qualité de préposé de l'armateur.

149Julie HA Ngog, « le capitaine », jurisclasseur transport, vol 4, fasc : 1155, n° 47 lexis nexis.

150 Michael GUEZ op. cit. p.11.

151 Robert Joseph Pothier, Traité des obligations de Pothier, tome premier, Langlet et Cie librairies, Bruxelles, 1835 p.322.

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La qualification de préposé a pour conséquence que les tiers pourront se retourner contre l'armateur en cas de dommage, celui-ci disposant d'une surface financière beaucoup plus importante, le capitaine ne supportant plus seul, ici, le risque d'une condamnation.

Cependant, comme le pense le Doyen CHAUVAU, la théorie de préposition du capitaine ne renchérit pas le statut du capitaine. Elle le place sur le même pied qu'une femme de ménage152. Pourtant, l'ampleur des prérogatives sociales exercées par le capitaine nécessite un statut plus reluisant. C'est ce qui nous pousse à voir le capitaine comme un salarié entièrement à part.

§ 2 Le capitaine un salarié entièrement à part.

Nous avons vu à plusieurs reprises que, c'est à terre que sont à présent régies les affaires du navire. L'armateur, les sociétés de manning, ont une emprise sur la gestion de l'équipage. Là où le Capitaine traitait directement avec la clientèle et agents portuaires, il s'intègre maintenant au même titre que son équipage dans un paysage industriel dont la principale garantie de pérennité repose sur la constance et la vitesse de ses approvisionnements. A ce titre, le commandant et les marins ont vu leurs rôles se limiter pour devenir celui de « transporteur maritime » quand ils étaient marins au long cours153.

C'est dans ce cadre que le rôle du capitaine oscille entre celui de mandataire et préposé. Allant plus loin, l'on a même voulu comparer le capitaine à un membre d'une profession libérale en se focalisant sur son statut social élevé. Mais cette hypothèse a très vite été battue en brèche. Comme le souligne le doyen RODIERE, cette analyse ne tient pas compte du fait que le capitaine dépend d'une seule personne, son armateur. Tributaire d'une clientèle changeante et plus ou moins importante, la profession libérale (avocat ou médecin par exemple) n'est jamais sous la dépendance d'une seule personne154.

L'observation de l'indépendance que l'on retrouve dans le cadre du contrat d'engagement du capitaine, laisse présager à l'idée d'entrepreneur. Puisque celui-ci possède

152Paul Chauveau, Traité de droit maritime n° 365, cité par, Pierre Bonassies, Christian Scapel, traité de droit maritime, 2e ed, LGDJ, Paris, 2010, n° 292, p.307.

153 Yann Collin, Conséquence de l'évolution du lien substantiel entre Etat du pavillon et navire au sein de la marine marchande Française et des équipages, mémoire de master, École supérieure de commerce Bretagne Brest, 2008, consulté sur le lien http://www.memoireonline.com/07/08/1200/m_consequence-evolution-lien-substantiel-etat-pavillon-navire-marine-marchande-fr-equipages17.html.

154 Michael GUEZ op. cit. p. 8.

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une certaine indépendance dans l'exécution de ses fonctions une fois que le navire a quitté le quai. Néanmoins, l'on a pu observer que cette indépendance était considérablement tempérée.

Bien plus, qualifier le contrat d'engagement du capitaine de contrat d'entreprise ne correspond pas à la réalité. En effet, le capitaine ne promet pas un travail précis et déterminé : de nos jours il ne s'engage plus à conduire le navire d'un point de départ à un point de destination en toute indépendance et moyennant un salaire, car il n'appartient qu'à l'armateur de le muter sur un autre navire, d'une manière discrétionnaire, ou de l'envoyer vers une autre destination155.

Pour CHAUVEAU, le capitaine n'est pas un mandataire encore moins un préposé comme les autres, c'est la notion de représentant qui traduirait pleinement son statut. Il représente les intérêts aussi bien privés que publics156. Quoi qu'il en soit, l'on peut affirmer sans inquiétude que le capitaine est un salarié entièrement à part. En matière de sécurité par exemple, le capitaine a des obligations que personne d'autre ne peut assumer, il ne doit recevoir d'ordre de qui que ce soit. Il s'agit donc d'un cadre qui dispose d'une certaine autonomie fonctionnelle.

Contrairement aux autres marins dont le contrat d'engagement est soumis au contrôle de l'administration maritime et le licenciement strictement réglementé, le capitaine est librement engagé par l'armateur sans aucune intervention de l'autorité maritime, même s'il est exigé certaines qualifications professionnelles de la part de ce capitaine. L'on remarquera qu'il est, écarté du champ d'application des autres marins.

Le cas de son temps du travail en est une illustration parfaite. Pour des raisons tant historiques que commerciales, le capitaine de navire est exclu de l'application de l'essentiel de la législation portant sur le temps de travail. Sa situation particulière est souvent régie par les conventions et accords collectifs des officiers de la marine marchande, de sorte qu'il bénéficie alors du repos hebdomadaire, des heures supplémentaires et des repos compensateurs. Quand cela n'est pas le cas, le capitaine paraît traité de la même manière que les cadres dirigeants. Pourtant, Patrick CHAUMETTE pense qu'il n'en est pas un et il relève cette incohérence des textes qu'il conviendra ultérieurement de préciser et que les juges

155 Idem.

156 Abdellah Aboussoror, L'exécution du contrat de transport maritime des marchandises en droit marocain et en droit français, Litec, paris, 2001, n° 142, p.112.

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auront un jour à résoudre157. Pour cet auteur, Le capitaine n'étant pas cadre dirigeant, il ressemble plus à un cadre autonome ouvrant la porte à un forfait annuel de 218 jours d'embarquement158. Il serait donc un salarié ou préposé «responsable », car chargé de la sécurité du travail.

Ceci étant, il importe dès lors de s'appesantir sur les mécanismes par lesquels on peut mettre cette responsabilité en oeuvre.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery