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Les attributions sociales du capitaine de navire

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par darly Russel KOUAMO
Université de Nantes - Master droit et sécurité des activités maritimes et océaniques 2014
  

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Section 2 La mise en oeuvre de la responsabilité du capitaine.

Les obligations du capitaine sont dictées essentiellement dans un souci de sécurité, sécurité des hommes, sécurité du navire et des marchandises et sécurité des tiers et de l'environnement. Toute immixtion de l'armateur dans la conduite du navire est donc interdite.

Le capitaine doit rester maître de son navire et de son équipage lorsqu'il est en route, il en va de la sécurité et de la bonne fin de l'expédition maritime. Mais force est de constater que cette indépendance du capitaine dans ses relations avec l'armateur, bien que prévue par le législateur en plusieurs points, reste parfois théorique159. Il convient donc au capitaine de faire preuve d'une certaine autorité, tout au moins pour ce qui est de l'exécution de ses fonctions sociales. En cas de défaillance, sa responsabilité pourrait être engagée aux plans disciplinaire et pénal, mais aussi sur le plan civil.

§ 1 La responsabilité aux plans disciplinaire et pénal.

Le capitaine est le chef d'orchestre du navire. Il est assisté des membres de son équipage, lesquels sont sous son autorité. Il faut relever que, le manque de succès d'une expédition lui est imputé. Dans ces conditions, sa responsabilité peut être engagée. Il en est de même pour ce qui est des défaillances dans l'exercice de ses attributions sociales. La responsabilité pénale et la responsabilité disciplinaire sont autonomes l'une de l'autre, même si elles ont toutes deux pour objet de sanctionner des comportements portant atteinte à la communauté. La première est relative à la communauté en général, tandis que la deuxième a trait à la

157 Patrick CHAUMETTE, « l'organisation et la durée du travail à bord des navires », DMF n° 633, 2003, p.6, disponible sur lamyline.fr, consulté le 5janvier 2014 à 19h51.

158 Patrick Chaumette, « gens de mer », répertoire travail, Dalloz, avril 2006, n° 101, p17, Voir aussi CA DOUAÏ, 1ere ch. 27 mai 2002, M. Lebegue c/ station de pilotage syndicat des pilotes de DUNKERKE, DMF, 2003, p31-40. 159Wahiba SAHED, Le contrat d'engagement maritime, mémoire de master 2 de droit maritime et des transports Promotion 2007, p.74.

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communauté d'un groupe plus restreint et dans le cas présent la communauté maritime160. L'on étudiera tour à tour la responsabilité disciplinaire (A) et la responsabilité pénale (B).

A- La responsabilité disciplinaire.

Il incombe au capitaine du navire de veiller à la qualité des contrôles et visites effectués sur le navire. Ceux qui l'assistent ne prennent pas de responsabilité il l'endosse donc seul161. La responsabilité disciplinaire est l'obligation de répondre des comportements fautifs commis par des personnes au sein d'un groupe de personnes ayant la même qualité. Il faut, pour qu'elle existe, la présence d'une faute disciplinaire, des sanctions disciplinaires prévues par un texte, une procédure disciplinaire, ainsi qu'une autorité ayant qualité pour infliger ces sanctions. Il s'agit de punir les manquements observés dans l'accomplissement de devoirs d'ordre essentiellement professionnel. Dans le cas d'espèce, l'on recherchera les fautes commises par le capitaine dans l'exercice de ses missions auprès de l'équipage. La responsabilité disciplinaire du capitaine sera engagée soit par son armateur, voire par l'autorité administrative en cas de faute contre l'honneur ou de fautes graves dans l'exercice de sa profession162.

Pour ce qui est de l'armateur, il lui était permis par le passé de congédier le capitaine de navire. Ce pouvoir de congédiement du capitaine par l'armateur a aujourd'hui disparu163. Cela se justifie du fait que le capitaine, étant lié à l'armateur par un contrat d'engagement maritime, ne pouvait être débauché sans la moindre procédure. Il est vrai qu'il était prévu que le capitaine puisse recevoir les dommages et intérêts en cas de congédiement abusif. Pourtant, le montant de ces dommages et intérêts n'étaient jamais en rapport avec la perte du commandement qui selon Robert GARRON représenterait au plan matériel, la consécration d'une vie professionnelle164. Néanmoins, l'armateur pourrait toujours infliger des sanctions au capitaine en cas de manquement à ses missions en matière sociale. Il pourrait procéder à la mutation du capitaine, et même aller jusqu'au licenciement.

Ainsi, le licenciement du capitaine peut intervenir en cas de manquement à ses fonctions sociales, pour ce qui est des manquements ayant préjudicié l'équipage. Reste donc à savoir si

160 François LAFFOUCRIÈRE, «La responsabilité disciplinaire et pénale du pilote maritime», in DMF 721 Janvier 2011, p.3.

161 Jean pierre BEURIER (dir), op. cit. p431. 162Miichael GUEZ, op. cit. p. 4.

163 Les dispositions de l'article 109 du Code du travail maritime relatif à ce pouvoir n'ont pas été reprises dans le code des transports.

164 Robert GARRON, op. cit., p. 165.

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les armateurs pourront l'utiliser dans la mesure où ils sont plus préoccupés par le sort de leur marchandise que par celui de l'équipage.

Quant à l»administration maritime, l'on note qu'elle va agréer le choix de l'armateur en contrôlant les conditions d'engagement et l'obtention des stages et diplômes par le capitaine. Exerçant aussi un regard sur les activités des marins, elle pourrait sanctionner un capitaine peu diligent. Il s'agit du retrait de prérogatives attachées aux brevets et diplômes prévu par l'article L5524-1 du Code des transports. Cette intervention de l'administration qui peut aller jusqu'au retrait ou suspension disciplinaire du capitaine, se justifie par les fonctions d'ordre publique dont est investi le capitaine. Les attributions sociales ayant une finalité publique, il est tout à fait logique que cette procédure puisse être initiée en cas de défaillance constatée.

Ceci étant, le ministre chargé des questions de la marine marchande pourra donc, pour faute contre l'honneur, pour faute grave dans l'exercice de la profession ou pour condamnation devenue définitive, prononcer contre tout capitaine, le retrait temporaire partiel ou total et pour trois ans au plus, des droits et prérogatives afférents au brevet, diplôme ou certificat dont ce dernier est titulaire. Pour garantir les droits du capitaine, il est prévu que le retrait ne puisse intervenir qu'après avis d'un conseil de discipline. Ce conseil est composé de deux administrateurs des Affaires Maritimes, un capitaine au long cours ayant au moins quatre ans de commandement et un titulaire du brevet en cause. Avant la comparution devant ce conseil, une enquête contradictoire menée par l'administrateur des Affaires Maritimes doit être effectuée. Cette enquête est communiquée à l'intéressé, ainsi qu'au directeur des Affaires Maritimes. Ce dernier décide du renvoi ou non devant le conseil de discipline. En cas de renvoi, la décision du directeur doit être notifiée à l'intéressé. Elle comporte les faits reprochés. Le président du conseil de discipline a la possibilité de désigner un rapporteur. Ce dernier peut entendre toute personne et dresse un procès-verbal de ces auditions. Il faut noter que le ministre ne peut prendre une décision plus sévère que celle proposée par le conseil165.

La responsabilité disciplinaire étant analysée, il convient à présent de voir ce qu'il en est de la responsabilité pénale.

165 V. Décret 7 novembre 1960 sur la discipline à bord des navires de la marine marchande, articles 20 à 36, dont certaines dispositions ont été modifiées par le décret 69-504 1969-05-30 relatif à certaines mesures de déconcentration dans le domaine de la marine marchande au profit des directeurs des affaires maritimes et l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports.

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B- La responsabilité pénale.

D'entrée de jeu, il est nécessaire de rappeler ici que, ces dernières années, la responsabilité pénale du capitaine, a connu un essor particulier. Notamment en ce qui concerne la pollution. De ce fait, avec le développement des marées noires, un nouvel élément est venu alourdir le fardeau déjà pesant des responsabilités du capitaine : la responsabilité pour pollution, puisque nous verrons qu'il s'agit ici d'une responsabilité pénale du fait d'autrui dans la mesure où le capitaine peut être déclaré responsable d'une pollution, même en cas de faute d'un de ses subordonnés, la sanction pouvant être très lourde. Cependant, l'on s'intéressera ici à la responsabilité qui pourrait découler de l'exécution de ses fonctions sociales.

La responsabilité pénale du capitaine, quant à elle, sera recherchée principalement en cas de faute dans sa mission essentielle qui est celle de conduire le navire en sécurité. La responsabilité pénale est engagée lorsqu'il y a violation d'une disposition pénale. De plus, en vertu du principe de la légalité des délits et des peines, seuls les faits incriminés et répréhensibles pourraient déclencher l'action publique. Il faut dire ici que ces faits ne visent pas, pour la plus part, spécifiquement les attributions sociales du capitaine. Mais l'on remarque qu'elles ont les incidences sur lesdites attributions.

Par le passé, les dispositions relatives à la responsabilité pénale du capitaine de navire étaient contenues dans le Code disciplinaire de la marine marchande. Mais avec l'affaiblissement du particularisme du droit pénal maritime, la majorité des incriminations est contenue dans le code pénal, le Code des transports et le Code du travail. A cet effet, Patrick CHAUMETTE a pu écrire que « le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande n'est plus la matrice du droit pénal du travail maritime»166. Il y a lieu de noter que désormais les dispositions du code disciplinaire et pénal de la marine marchande ont été intégrées dans l'ordonnance n° 2012-1218 du 2 novembre 2012 portant réforme pénale en matière maritime, mais surtout dans le Code des transports. Mais jusqu'ici, seule la partie législative dudit Code a été publiée, et l'on attend encore la publication de la partie réglementaire. En raison de cela, l'on mentionnera de temps en temps les dispositions du Code disciplinaire.

Sans prétendre faire une liste exhaustive des toutes les incriminations dont le capitaine peut être l'objet dans l'exercice de ses attributions sociales ; nous constaterons qu'elles

166 Patrick Chaumette, « La responsabilité pénale de l'armateur vis-à-vis de la protection des marins », ADMO, 2003, p. 187.

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peuvent consister en des omissions ou des actes posés. Ce sont les infractions touchant à la police intérieure du navire. Il peut s'agir des actes d'abus d'autorité, de la mise en danger de la vie d'autrui; bref des actes de négligence ayant entrainé des préjudices aux marins. Nous en donnerons quelques illustrations.

Traitant des obligations en matière de tenue des documents sociaux, l'article 72 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande167 dispose que « Tout capitaine qui embarque ou débarque une personne de l'équipage sans faire mentionner cet embarquement ou ce débarquement sur le rôle d'équipage par l'autorité maritime est puni, pour chaque personne irrégulièrement embarquée ou débarquée, de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe, si le bâtiment a une jauge brute dépassant 25 tonneaux, de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe dans le cas contraire. Les mêmes peines sont encourues pour chaque passager admis à bord sans avoir été inscrit à la suite du rôle d'équipage. Toutefois, des dispositions spéciales pourront être établies par décret pour certaines navigations ; les infractions à ces dispositions seront punies de l'amende prévue pour les contraventions de la 3ème classe». L'article 76 ajoute que « Tout capitaine qui, hors le cas d'empêchement légitime, ne dépose pas son rôle d'équipage et son livre de discipline au bureau des affaires maritimes ou à la chancellerie du consulat, soit dans les 24 heures de son arrivée dans un port français ou dans un port étranger où réside un consul général, un consul ou un vice-consul de France lorsque le bâtiment doit séjourner plus 24 heures dans le port (jours fériés exclus), soit dès son arrivée, si le bâtiment doit séjourner moins de 24 heures dans le port, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe ». Etant entendu l'importance que revêt le rôle d'équipage pour les marins, il est aisé de constater que ces dispositions visent à les protéger.

Le capitaine est toujours considéré responsable si le marin qui embarque arrive à bord sans un certificat de validité médicale. L'Article L5523-6 du Code des transports puni de 6 mois d'emprisonnement et de 3.750€ d'amende le fait d'admettre à bord un membre de l'équipage ne disposant d'aucun certificat d'aptitude physique valide. Cette infraction ne vise pas l'armateur mais uniquement le capitaine car c'est lui qui supervise à bord l'accueil de l'ensemble des personnels venant y travailler, qu'ils soient directement salariés ou non de l'armateur.

167 L'Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 en son article 9 abroge cette disposition, désormais transposée dans le code des transports: L'abrogation des dispositions mentionnées à l'article 7 ne prendra effet qu'à compter de la publication des dispositions réglementaires du code des transports.

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Pour le commandant Hubert ARDILLON, cette responsabilité est injustifiée car le capitaine ne choisit pas les membres d'équipage qui doivent embarquer, ils lui sont imposés par le manager, et le fait de refuser l'embarquement d'un membre d'équipage revient à appareiller sans avoir l'équipage au complet. Ce qui est encore grave pour la sécurité du navire168. Ce professionnel estimerait qu'il serait préférable de naviguer avec un marin n'ayant pas de certificat de visite médicale valide, au lieu de prendre la mer avec un équipage insuffisant et constituant de ce fait un risque pour toute l'expédition. Il s'agit en fait d'accepter le moindre mal. Malheureusement, le capitaine qui agirait ainsi serait frappé par la loi; ce qui est manifestement incohérent.

Pour ce qui est de l'obligation de respecter l'effectif minimal des marins à embarquer, l'on notera que le capitaine en court aussi des sanctions. Ainsi, l'article L5523-5 du Code des transports dispose que : « Sont punis de six mois d'emprisonnement et de 4 500 € d'amende l'armateur ou le capitaine qui font naviguer un navire avec un équipage sans être muni de la fiche d'effectif minimal mentionnée à l'article L. 5522-2 ou dont l'effectif est inférieur au minimum prescrit en application de ce même article. Ces peines sont portées à un an d'emprisonnement et à 6 000 € d'amende s'il s'agit d'un navire à passagers.» Le capitaine devra donc tenir tête à son armateur, si ce dernier veut l'inviter à embarquer sans effectif minimal. La finalité sociale d'une telle norme n'est plus à démontrer.

Le capitaine est tenu de prendre soin des marins. Sous peine des sanctions, il coordonne les mesures du bien-être, s'assure du respect des règles d'hygiène et de sécurité à bord du navire, s'assure de la disposition des bons soins médicaux à bord du navire. Pour lui permettre d'asseoir son autorité, il est doté aussi d'un pouvoir disciplinaire. Mais, il lui est interdit d'abuser de l'usage de ce pouvoir. Ainsi, est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende le fait, pour le capitaine ou un autre membre de l'équipage titulaire de l'autorité, d'abuser de son autorité ou d'ordonner, d'autoriser ou de tolérer un abus d'autorité vis-à-vis d'une personne embarquée169.

Le capitaine du navire dans l'organisation du travail à bord doit être assez diligent et il doit observer une certaine prudence. Si un marin est atteint d'un dommage dans l'exercice de ses fonctions, la responsabilité du capitaine pourrait être retenue en cas de mise en danger de

168 Hubert Ardillon, « Rôle, statut, contraintes, responsabilité du Capitaine de Navire », Texte de la communication faite à l'IFDM en juillet 2012, disponible sur le lien

http://afcan.org/dossiers juridiques/expose ifdm 2012.html, consulté le 22 avril 2014 à 05h07.

169Article L5531-10 du code des transports Créé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. (V).

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la vie d'autrui. En effet, l'article 121-3170 du Code pénal dispose que : « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.

Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.

Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ».

Ainsi, il est fait référence aux fautes exposant autrui à un risque d'une particulière gravité. Par exemple, dans l'affaire du navire Snekkar171 le capitaine d'un bâtiment de pêche a été condamné par le Tribunal correctionnel de Dieppe, le 25 juin 1996, à six mois de prison avec sursis après un accident qui s'est avéré fatal pour l'un des marins. Alors que plusieurs membres de l'équipage s'affairaient pour mettre en place les apparaux de pêche avant le départ de la campagne, l'un des câbles de manoeuvre se rompait, et venait frapper à la tête l'un des marins.

Pour les juges, le capitaine était responsable de l'organisation du travail à bord du navire, notamment en application des dispositions du décret du 6 septembre 1983. Il aurait donc dû prévoir l'affectation des membres de l'équipage à des emplacements définis, et s'assurer que la tâche entreprise ne mette pas le personnel en situation de danger, comme il aurait dû prévoir une vérification systématique des câbles avant leur utilisation.

170Cet articlé a été modifié par Loi n°2000-647 du 10 juillet 2000 - art. 1 JORF 11 juillet 2000.

171 Martine LE BIHAN GUÉNOLÉ, obs. sous jugement du tribunal correctionnel de DIEPPE 25 juin 1996 V. DMF n°567 du 01/1997, disponible sur Lamyline.fr, consulté le 13 mai 2014 à 15h41.

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En droit maritime, la loyauté du capitaine est d'une vitalité remarquable. De cette loyauté, dépend la bonne marche, l'efficacité et la sécurité des affaires du vaisseau et de l'équipage. Les actes et la personnalité d'un capitaine doivent inspirer de la loyauté à tous ceux qui le servent. Si l'équipage ne respecte plus les décisions de son Chef, la désaffection et la mutinerie ne seront pas longues à suivre. En ce sens, vis-à-vis de son armateur, le capitaine est tenu à une obligation de loyauté indéfectible. Une fois le voyage entamé, il est obligé de l'achever, sous peine de poursuites pénales. L'article L5642-2 du Code des transports dispose à cet effet que, sera puni de deux ans d'emprisonnement le fait, pour tout capitaine, de rompre son engagement et quitter le navire avant d'avoir été remplacé. Cette disposition vise par ricochet à protéger les marins. Car un navire sans capitaine constituerait un grave danger pour eux.

§ 2 La responsabilité au plan civil.

La responsabilité civile est l'obligation de répondre du dommage que l'on a causé à autrui en le réparant. Ainsi, lorsqu'une personne commet une faute, une imprudence, une omission ou une négligence, si ces agissements conduisent à la création d'un dommage, elle peut être tenue de réparer le préjudice ainsi créé et devoir assumer les conséquences pécuniaires de ses actes. La réparation de ce préjudice doit permettre de replacer la victime dans la situation antérieure au dommage subi. La gravité de la faute n'a pas d'importance dans le cadre de cette réparation, le seul point important étant la réparation intégrale du préjudice. En droit maritime, il a été institué le principe de limitation de la responsabilité. Ce principe initialement prévu pour les opérateurs, s'est étendu au capitaine. C'est sans doute en raison des risques liés aux expéditions. L'on devra ainsi rechercher si cette limitation peut agir en cas de défaillance résultant de l'exécution des attributions sociales du capitaine (B). Mais avant, nous analyserons sa mise en oeuvre (A).

A- La mise en oeuvre de la responsabilité civile du capitaine.

Selon certains auteurs, la responsabilité civile du capitaine est difficile à mettre en oeuvre dans la mesure où le capitaine est préposé contrairement à la responsabilité disciplinaire et pénale172. Le capitaine ès-qualité de préposé, engage en principe la responsabilité de son

172 Pierre Bonassies, Christian Scapel, Traité de droit maritime, 2e ed, LGDJ, Paris, 2010, n° 298, p.214.

commettant pour les fautes qu'il a commises dans l'exercice de ses fonctions. C'est ce qui ressort des dispositions de l'article 1384, alinéa 5 du Code civil173.

Cependant, ce texte éminemment « terrestre » a été adapté au monde de la mer, où l'on relève l'existence d'un usage ancestral de non-responsabilité de l'armateur pour les fautes nautiques commises par ses préposés174. Dans cette optique, l'article L5412-2 du Code des transports dispose que le capitaine répond de toute faute commise dans l'exercice de ses fonctions. L'on s'interroge ici sur la possibilité de demander réparation au capitaine, pour dommage survenu dans l'exécution de ses attributions sociales.

Une telle possibilité parait fondée : étant donné que le capitaine peut être sanctionné pénalement pour une faute, rien n'empêche a priori la victime de demander réparation. Tout au contraire, son action aura plus de portée si elle fait suite à une condamnation au plan pénal. Donc le capitaine pourrait valablement être condamné au civil en cas de manquements à ses attributions sociales. Cette position a fait l'objet d'une vive critique. Pour Robert GARRON, il fallait de distinguer entre le promoteur d'activité qu'est l'armateur, et le simple réalisateur qu'est le capitaine, lequel n'agit jamais que dans le cadre des instructions données par l'armateur, et pour le compte de celui-ci. Et il lui apparaissait que le responsable des dommages causés par l'exploitation d'un navire devait demeurer le seul armateur. Mais le Doyen RODIERE, rédacteur de la loi de 1969175 n'a pas cru pouvoir suivre les idées développées par Robert GARRON, idées que cependant il connaissait fort bien. Cette loi a donc, comme nous l'avons vu, maintenu la règle classique de la responsabilité du capitaine176. Mais avec l'arrêt Costedia du 25 février 2000177, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a posé le principe que « le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par le commettant n'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers ». Cet arrêt exige trois conditions pour qu'on puisse engager la responsabilité du préposé : le dépassement

173 Les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;

174Cedric Bernat, «Le régime juridique des capitaines de navires », disponible sur le lien http://cedricbernat.wordpress.com/2010/03/25/le-regime-juridique-des-capitaines-de-navires/ consulté le 23 avril 2014 à 4h48.

175 La loi du 3 janvier 1969 relative à l'armement et aux ventes maritime a été abrogé par l'article 7 de l'Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 intégré dans le code des transports. C'est cette loi qui avait initialement prévu que le capitaine réponde personnellement de ses fautes.

176Pierre BONASSIES, «Aspects nouveaux de la responsabilité du capitaine», DMF N° 622, 2002, p3.

177 Cass. Ass. plén., 25 février 2000, Bull. A.P. n°2 p. 3. V. aussi Dalloz 2000.673 et la Semaine Juridique 2000.II. DMF 2000, hors série N°5, au n° 25.

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des fonctions, l'absence d'autorisation donnée par le commettant et un but étranger aux fonctions du préposé178.

Il semble que, dès lors que le capitaine n'aura pas excédé les limites de la mission à lui assignée par l'armateur, sa responsabilité personnelle, ne pourra nullement être recherchée. Dans ces conditions est ce que l'on peut considérer les marins comme étant des tiers. Etant entendu que les normes sociales, que le capitaine met en oeuvre, sont destinées à leur protection. S'ils se sentent lésés par le capitaine, tout porte à croire qu'ils pourraient engager sa responsabilité personnelle, même si celle de l'armateur leur offre une plus grande garantie de solvabilité.

Néanmoins, il est évident, si le capitaine ès-qualité de préposé, cause un dommage à autrui (ou à un bien appartenant à autrui), mais en agissant en dehors de sa stricte mission contractuelle, il se place alors dans le champ de l'article 1382 du Code civil, le droit commun retrouvant son empire. Dans ces circonstances, le marin est fondé à agir directement contre lui. Il en est de même lorsque le préposé commet une faute pénale intentionnelle, comme nous le rappelle l'assemblée plénière de la cour de cassation française dans sa décision du 14 décembre 2001179.

En guise d'illustration, l'on pourrait retenir la responsabilité du capitaine en cas de congédiement abusif180. C'est le cas d'un congédiement sans motif légitime qui ouvre droit à une indemnité au profit du marin. Il est de toute évidence que c'est l'armateur qui payera l'indemnité, mais il pourra exercer une action récursoire auprès du capitaine. A la lecture de la convention MLC, il ressort que le capitaine est dépositaire du rapport d'inspection du navire. Au cas où il ne procèderait pas aux diligences nécessaires pour corriger les manquements, sa responsabilité pourrait être engagée par l'armateur.

B- La problématique de la limitation de la responsabilité du capitaine

Le droit maritime est ancré des traditions qui se sont perpétuées au fil des temps. Compte tenu de ce qu'il s'agissait des activités se déroulant avec beaucoup de risques, les praticiens se sont très vite ingéniés à établir les règles destinées à limiter la responsabilité des acteurs.

178 Teddy MOELJONO, La faute du capitaine, mémoire de D.E.A. en sciences juridiques de la mer, Université de Nantes, 2002 p.40.

179 M. Cousin c/ URSSAF de Paris et autres, Bulletin d'information n° 551 du 01/03/2002, disponible sur le lien http://www.courdecassation.fr/publications 26/bulletin information cour cassation 27/bulletins informatio n 2002 1487/n 551 1508/

180Patrick Chaumette, « gens de mer », répertoire travail, Dalloz, avril 2006, n° 217, p.30.

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Comme nous l'avons observé, le capitaine, étant un acteur majeur, il fut imaginé aussi l'idée de limiter sa responsabilité. L'on s'interroge donc sur les mécanismes de limitation dans la réparation des dommages nés de l'exercice par le capitaine des attributions sociales.

Il y a lieu de dire ici que cette limitation de la responsabilité n'est pas l'apanage du droit maritime. En effet, en droit terrestre, les chefs d'entreprises bénéficient pour la plupart du temps d'une assurance responsabilité civile, laquelle est destinée à couvrir leur activité professionnelle. Notamment lorsque leur responsabilité personnelle est engagée. Bien évidemment, il n'est pas question de comparer le capitaine au chef d'entreprise qui demeure l'armateur. Mais en raison de ce que l'exclusivité des responsabilités du capitaine en la matière est admise, l'on pourrait ainsi dire de lui le chef d'entreprise en matière sociale.

Pour ce qui est des capitaines français, il n'existe malheureusement pas de dispositions relatives à leur assurance civile personnelle. Pourtant comme nous l'avons précédemment vu, le risque subsiste pour un capitaine français de voir sa responsabilité civile engagée.

Certes, il est de principe, en droit français, que l'assureur garantisse les pertes et dommages causés par les personnes dont l'assuré est civilement responsable. Et ce principe est inscrit dans les dispositions de l'article L.121-2 du Code des assurances. Mais ce texte ne s'applique pas aux assurances maritimes 181.Aucun texte analogue à l'article L.121-2 du Code des assurances ne se retrouve dans les textes concernant l'assurance maritime (loi du 3 juillet 1967, codifiée dans les articles L.171-1 et suivants du Code des assurances). Dès lors c'est seulement par bonne volonté « commerciale » que l'assureur français d'un armateur pourrait accepter de garantir un capitaine personnellement condamné à une indemnisation.

Par ailleurs, la plupart des armateurs français assurent leur responsabilité civile auprès d'un P. & I. Club britannique. Et les Règles des Clubs ne prévoient pas la garantie de la responsabilité personnelle des capitaines. En fait, le Club prend souvent à sa charge la condamnation prononcée personnellement contre le capitaine de l'un de ses membres, mais seulement sur décision de son « comité », et au cas par cas182.

181V. l'article L.111-1 du Code, qui énonce que « les titres I, II et III du présent livre ne concernent que les assurances terrestres. A l'exception des articles L.111-6, L.112-2, L.112-4 et L.112-7, ils ne sont applicables ni aux assurances maritimes et fluviales ni aux opérations d'assurances crédit ... »

182 Pierre BONASSIES, op. cit. p1.

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Il est donc souhaitable, qu'il puisse être instauré un système spécifique d'assurance responsabilité civile des capitaines de navire. Cela constituerait un bouclier et leur permettrait d'exercer leurs attributions en toute aise y compris en matière sociale.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera