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Les Etats face aux Drogues


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble 2002
  

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1.1.2 La connaissance des substances : drogues, usages et toxicomanies

1.1.2.1 Une classification des substances selon le critère de la dangerosité

Les substances psychoactives présentent tout d'abord pour trait commun le fait d'induire des effets (hédonistes, stimulants, euphorisants) éprouvés lors de la prise d'une substance. Ceux-ci s'expliquent par certains processus neuro-biologiques qui ont lieu dans le cerveau, et notamment dans des zones appelées récepteurs de substances endogènes naturelles et d'y activer des processus physico-chimiques de plaisir77(*). Par delà cette similitude, il ne s'agit pas d'amalgamer tous les produits dans un ensemble unique comme celui des « substances psychoactives ». Il existe des différences d'effets et de dangerosité pharmacologiques qu'il s'agit de souligner. Une classification des substances a été élaborée par les psychologues travaillant sur la toxicomanie. Elle prend pour critère les effets de la substances sur le système nerveux central (Snc). Voilà cette classification telle que la propose Augusto Polmonari78(*) :

n Les substances modifiant la perception : A ce premier groupe de substances appartiennent le cannabis et le haschich. Leur usage provoque un sentiment de relaxation, de somnolence. Elles comportent de très faibles risques de dépendance. Toutefois ces substances ne favorisent pas la concentration, affaiblissent la mémoire et ralentissent le mécanisme cérébral. On compte dans cette même catégorie les hallucinogènes de synthèse dont le plus connu est le Lsd. De même que le cannabis, le Lsd ne provoque que très rarement une dépendance physique.

n Les substances qui réduisent la sensation de douleur : Ces substances correspondent à la catégorie des opiacés, et de l'opium (opiacée naturel), la morphine, l'héroïne et le méthadone (opiacé synthétique). Ces substances provoquent tour à tour un sentiment d'euphorie et de tranquillité. Ces substances sont celles qui présentent le plus fort risque de dépendance.

n Les substances qui stimulent le système nerveux central : On compte parmi celles-ci aussi bien des substances d'usage quotidien telle que la caféine ou la nicotine que des substances illégales comme la cocaïne et les amphétamines. Ces substances ont des effets très directs sur le fonctionnement physiologique : perte des sensations de faim et de fatigue, besoin de dormir et de se reposer, augmentation de l'énergie. Elles augmentent également les opérations mentales et les processus cognitifs. L'ecstasy est répertorié parmi les amphétamines bien que sa composante chimique, Mdma (méthylène-diossi-méthylamphétamine) incorpore un élément hallucinogène.

n Les substances ayant une action dépressive sur le système nerveux : Toutes les boissons alcoolisés rentrent dans cette catégorie, ainsi que les barbituriques et les sédatifs. Toutefois presque chaque substance comporte un effet dépressif. Ainsi, l'alcool peut être aussi bien responsable d'un comportement festif que d'un replis symptomatique de la dépression. Cette double essence des substances est à relier aux particularités individuelles du consommateur.

Chaque substance engendre des effets spécifiques sur le cerveau. La dangerosité d'une substance dépendra de ces effets. Elle ne peut donc pas se réduire à sa seule toxicité79(*) : une substance faiblement neurotoxique comme l'héroïne, par exemple, peut entraîner rapidement des situations de dépendance, et donc être néanmoins très dangereuse. Alain Morel propose la définition d'un profil de dangerosité pharmacologique fondé sur quatre critères80(*). Tout d'abord, le risque d'intoxication ou potentiel intoxique, c'est à dire la possibilité de provoquer un dysfonctionnement voire la lésion d'un organe (le MDMA, molécule de l'ecstasy, peut avoir de graves conséquences sur le SNC ; le tabac est doté d'un fort pouvoir cancérigène). Chaque substance doit être définie en rapport à son potentiel addictif (second critère), c'est à dire le risque de susciter une dépendance. Ce potentiel est particulièrement important pour les opiacés, et notamment l'héroïne, et pour la nicotine. Il est en revanche faible pour le cannabis et le MDMA. Le troisième critère est le potentiel psychodysleptique qui regroupe les risques liés à la transformation des perceptions internes et externes, tels que l'apparition de troubles mentaux ou l'affaiblissement de certaines capacités intellectuelles. Enfin, le quatrième critère de dangerosité est le potentiel agressogène, c'est-à-dire la propriété de favoriser la désinhibition comportementale et générer de l'agressivité. Cette propriété constitue un risque de dangerosité sociale, notamment dans la conduite automobile.

Les législations en matière de drogue ont apporté une classification des substances psychoactives en fonction de leur dangerosité pour l'organisme. C'est le cas par exemple de la législation française 81(*). La nomenclature issue de la législation sur les substances vénéneuses date de 1845 et a été incorporée au Code de Santé publique dès 1953. Elle comprend trois tableaux : A - produits toxiques pouvant entraîner la mort ; B - produits stupéfiants susceptibles d'engendrer une toxicomanie ; C - produits dangereux susceptibles d'entraîner de graves troubles. La dangerosité des substances n'est cependant pas réductible à leur toxicité. Les substances psychoactives peuvent engendrer une multiplicité d'effets. Il existe plusieurs variables qu'il est nécessaire de prendre en compte dans la détermination de ces effets82(*). La toxicité varie bien sûr en fonction du dosage et la fréquence de prise et de la nature de la substance consommée. Les effets obtenus ont également un rapport direct avec le mode de consommation des substances. En effet, les médecins expliquent que les drogues prises par voie orale rejoignent le cerveau par le biais des voies gastriques et intestinales tandis qu'une substance par voie veineuse agit de façon beaucoup plus immédiate. Plus le passage est rapide et plus le risque de neurotixicité est important. Le mode de consommation (centré sur l'individu) est donc une donnée fondamentale dans la détermination des prises de risques. L'usage d'une substance psychoactive ne signifie pas pour autant un état de dépendance. Il existe entre les deux une longue série de nuances qui se rapportent aux comportements humains.

* 77 A l'intérieur du cerveau, les informations circulent sous forme d'activité électrique, appelée influx nerveux. Pour passer d'un neurone à l'autre, l'influx nerveux se transforme en messages chimiques qui prennent la forme d'une substance sécrétée par le neurone, le neuromédiateur. Les différents neuromédiateurs, dont les principaux sont la dopamine et la sérotonine, se lient à des récepteurs spécifiques. Les neuromédiateurs traversent l'espace situé entre deux neurones, la synapse, en assurant ainsi la continuité de l'influx nerveux. C'est sur ces processus qu'agissent les substances psychoactives. Trois modes d'action sur les neurotransmetteurs existent selon les substances. Dans le premier modèle, les substances psychoactives imitent les neuromédiateurs naturels et se substitue à eux dans les récepteurs spécifiques. La morphine, par exemple, s'installe dans les récepteurs à endorphine, et la nicotine dans les récepteurs à acétylcholine. D'autres substances augmentent la sécrétion d'un neuromédiateur naturel, empêchent ainsi sa « recapture » et augmentent sa présence au niveau de la synapse : la cocaïne, par exemple, augmente la sécrétion de dopamine dans la synapse, et l'ecstasy, celle de la sérotonine et de la dopamine. Enfin d'autres substances psychoactives bloquent un neuromédiateur naturel : l'alcool, par exemple, bloque les récepteurs nommés NMDA. Tous ces processus contribuent à activer les « systèmes de récompense », appelés aussi « système hédonique » dont la fonction est de favoriser les fonctions vitales. Il s'agit de processus qui ont lieu dans le cerveau (système limbique) dont le rôle est de récompenser les fonctions vitales (nutrition, reproduction, etc.) par une sensation agréable ou de plaisir. Les substances psychoactives sollicitent anormalement ce circuit naturel et engendrent à terme la possibilité de son déséquilibre permanent. Cf. CFES/MILDT, Drogues. Savoir plus. Risquer moins. Drogues et dépendances, le livre d'information, Vanves, CFES, nouvelle édition avril 2000, pp.18-24 ; Richard D., Pirot S., Senon J.-L., « Les drogues et leur mode d'action», in Angel P., Richard D., Valleur. M, Toxicomanies, op.cit, pp. 57-77.

* 78 Polmonari A. in Ministero della salute, Medicina delle tossicodipendenze. Cité dans Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit, p.49.

* 79 Conseil national du sida, Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique. Propositions pour une reformulation du cadre législatif, op.cit., p.10.

* 80 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., pp.117-119.

* 81 Cf., Froment (Blandine), « L'esprit des lois, L'esprit des drogues - la dépendance hors la loi ? », Paris, Autrement - Mutations, n° 106, avril 1989.

* 82 Morel A.(dir.), Prévenir les toxicomanies, op.cit., p.116.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein