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UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isère


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble -   2002
  

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1.3.2.2 Des relations sans ambiguïtés ?

Les critiques provenant des comités locaux et des adhérents isérois ont été très mal acceptées par les dirigeants d'Attac Isère. C'est afin d'éviter tout soupçon, qu'ils affichent une certaine distance dans les relations qu'ils entretiennent avec le national. Les militants isérois insistent, au cours des entretiens, sur leur indépendance et le peu de liens que le comité entretient avec les responsables nationaux. A l'occasion des Assemblées nationales, trois courriers ont été envoyés à Cassen mais ils sont restés sans réponse, précise Luc169(*). Aucun membre du C.A n'est jamais venu rencontrer les responsables locaux. Le comité, rajoute Thomas, a toujours été indépendant du national lors de l'organisation de rassemblements comme celui de l'Heure Bleue170(*), où les intervenant avaient été contactés directement au sein du Conseil scientifique sans passer par le biais du national. Les militants affichent une certaine fierté quant à cette indépendance. Thomas tient à préciser que lorsqu'il exerçait la fonction de président, il ne s'est « jamais rapproché physiquement » des dirigeants afin de pouvoir conserver sa « liberté de parole ». Enfin, ses déclarations ont toujours eu lieu « dans la clarté et devant tout le monde ». De même, l'actuel président affirme qu'il n'a « pas de contact en plus » que les documents officiels qui lui sont transmis. Les enquêtés témoignent d'une crainte d'être accusé de collaboration avec le national. A l'inverse, Thomas accuse certains responsables de comité de s'être trop rapprochés de la direction et de s'être faits retournés comme des « crêpes ». Les militants isérois présentent leurs interventions comme étant « désintéressées » et ils se défendent de n'avoir jamais cherché à prendre la place des dirigeants. Luc craint que les militants isérois ne soient pris pour des « séparatistes ». Thomas, alors qu'il était encore le président du comité, s'était exprimé lors de l'AG de St Brieuc pour préciser que son intention n'était pas de prendre le pouvoir mais de se faire entendre en tant que comité local.

F.E : Sinon avec le national, quels contacts avez-vous ?

Luc : On a essayé pendant un an de leur envoyer un certain nombre de messages auxquels on a reçu aucune réponse, donc on a abandonné. Je n'ai aucun contact actuellement avec le national, sauf dans le cadre de la conférence nationale des comités locaux où par définition on essaye d'envoyer quelque chose en leur disant ce qu'on demande, mais on n'a jamais eu de réponse donc ça s'arrête là. Avec Sylvie Derrien, la responsable de la coordination des comités locaux, je n'ai pas de problème mais elle nous appelle pas sauf quand il y a un problème à traiter. Elle envoie des documents qui sont destinés à tout le monde, comme des convocations à la CNCL. Elle fait son boulot, c'est une salarié mais on n'a pas de contact en plus. Moi ce que je regrette, c'est que chaque fois qu'on écrit à Cassen, on n'a pas eu une seule réponse.

Thomas : On a toujours, quand je dis nous c'est Attac Isère, fait seuls et c'est notre grand mérite pour défendre nos opinions par rapport à eux [les dirigeants nationaux] mais aussi pour défendre les thèmes d'Attac. On se débrouille, jusqu'à l'Heure Bleue on avait jamais demandé d'aide du national, tous les contacts à part René Passet, on s'est débrouillé pour avoir tous nos intervenants et on n'a jamais demandé à ce qu'ils nous déroulent le tapis rouge pour nous amener nos intervenants à telle heure ou à telle heure est on s'est occupé de tout. Par contre on a réussi à se faire payer les billets de train et on y avait droit, il y a eu une participation du national là-dessus. Alors pour le prochain truc à l'Heure Bleue ça va changer car il va falloir qu'on paye et on va demander des subventions. Pour les intervenants on est passé par le Conseil scientifique pour René Passet, sinon pour le reste on les a contactés à droite à gauche. Pour Susan Georges ou Vincent Espagne on les a contactés à la fin d'une conférence.

F.E : Il y a des membres du bureau national qui sont déjà venus à Attac Isère ?

Thomas : Non ! Non ! Non... Non... Pas encore. On avait, je crois envoyer une lettre à Cassen pour lui dire de venir, je me rappelle plus. Non il y a personne qui est venu, peut-être qu'il faudra le faire. Mais à partir du moment où on envoie du courrier, je pense que s'ils avaient répondu. On n'a pas eu de réponse, on a fait trois courriers. C'est pour ça qu'on s'est demandé si c'est le fait de pas être d'accord sur des thèmes au niveau national mais c'est un problème de démocratie au sein de l'association.

Thomas : Moi je me méfie de tout ce qui est institution, personnalité est donc je ne me suis jamais rapproché physiquement de Cassen ou de Tartakowsky ou de gens comme ça, j'ai toujours voulu garder ma liberté de parole [...] Mais je pense que je suis quel qu'un de sincère et quel qu'un d'intègre. Je n'ai pas profité de la situation de président pour me placer auprès d'eux. Je ne les ai jamais interpellés directement, je n'ai jamais discuté avec eux dans un coin, moi je parle toujours dans la clarté et devant tout le monde. Alors qu'il y en a d'autres qui ont été retournés comme des crêpes et qui, il y a deux ans, étaient frondeurs et grandes gueules et qui six mois après, on les retrouvait en nous traitant comme des irresponsables, et immatures...

Luc : On essaye de se trouver une solution pour arriver, sans remettre en cause le nationale, car on n'a pas envie de casser Attac, c'est quand même actuellement le seul outil qu'on connaisse qui permette de se bagarrer sur ce plan là, on n'a vraiment pas envie de le casser [...] C'est ce qu'ils craignent au niveau national et c'est ce que nous craignons si on met en place cette coordination des comités locaux, on craint être pris pour des séparatistes alors que ce n'est pas du tout le cas.

Thomas : Maintenant avec le recul je pense qu'ils avaient peur qu'on foute la merde à l'Assemblée générale, alors qu'on était vraiment pas là pour ça et j'ai pris la parole dans ce sens la, en disant qu'on n'était pas à des fouteurs de merde [...] Que j'étais pas là pour foutre en l'air Attac et qu'il n'avait pas lieu de craindre de nous une prise de pouvoir quelconque, par rapport à ça [...] Ils avaient peur eux, le bureau surtout, Cassen, Tarta et Khalfa, ils avaient peur de ça mais c'était une peur qui n'était pas fondée [...] Et Cassen, Tarta, Khalfa peut-être en moindre mesure car il est reconnu syndicalement, ont craint qu'il y ait une prise de pouvoir physique dans le sens où il y ait des gens qui les bousculent et qu'on en mette d'autres à leur place. Moi j'en ai rien a battre. J'en ai rien à foutre de me faire voir dans Attac et de participer, de me faire mousser auprès de Cassen... Et tu le sais j'aurais pu le faire plusieurs fois.

La relation d'opposition qui caractérise le comité isérois vis-à-vis de la direction nationale participe, selon Jacques Ion, à une remise en cause des modes d'organisations traditionnels qui apparaissent trop rigides. Le fonctionnement interne serait devenu une priorité. La participation des adhérents et la légitimité des représentants incarneraient les nouvelles préoccupations des militants. Ces évolutions traduisent l'émergence de nouvelles valeurs au sein de l'engagement (la participation, la légitimité). Pour en rendre compte, il est possible de mettre en lien, comme le fait Alain Lancelot, l'essor des mouvements associatifs avec la crise de légitimité des organisations politiques traditionnelles171(*). Dès lors, selon Dominique Mehl, « la place politique du mouvement associatif se définit d'abord en creux [...] [Les associations] servent alors de substitut à la carence des institutions représentatives »172(*). L'association serait dotée des valeurs qui font défaut aux groupements traditionnels. L'attachement au mode associatif serait un des vecteurs de l'engagement.

* 169 Le comité isérois a fait parvenir un premier courrier en novembre 1999 à Bernard Cassen, au sujet du statut des députés qui sont adhérents d'Attac. Cf., Guillot (Nicole), Reinisch (Raymond), « A l'attention de Bernard Cassen », 11/1999, annexe n°15, p. 33. Un second courrier, voté au sein du C.A, a été adressé à Cassen en février 2000 pour exprimer le désaccord du comité avec l'appel de Morsang et l'adhésion des collectivités territoriales. Cf., C.A d'Attac Isère, « A l'attention de Bernard Cassen », 02/2000, annexe n°18, p. 37. De plus, un dossier, qui résumait les débats et les prises de position au sein du comité, avait été envoyé en juin 2000. Enfin, une proposition « d'ouverture d'un débat » a été envoyée à Casse, par le C.A isérois pour demander une réflexion sur le fonctionnement interne de l'association. Cf., C.A d'Attac Isère, « Demande d'ouverture d'un débat », 20/07/2000, annexe n°20, p. 39. Les quatre courriers sont restés sans réponses.

* 170 L' « Heure Bleue » est une salle de spectacle située sur la commune de St Martin d'Hères. Le terme désigne au sein de l'association un week-end de conférences qui avait été organisé par le comité le 30/09 et le 1/10/2000.

* 171 « Dévalorisée au centre du système politique, dont les partis et les institutions en constituent le moteur, l'action légitime se réfugie dans les marges : à la périphérie et dans les mouvements spécialisés ». Lancelot (Alain), « SOS politique », Express, 10/11/1989, p. 11. Cité dans Varennes (Stanislas), Le militantisme associatif : participer autrement, op.cit.

* 172 Mehl (Dominique), « Culture et association », Sociologie du travail, n°1, 01/1982, p. 27. Cité dans Varennes (Stanislas), Le militantisme associatif : participer autrement, op.cit.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery