WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isère


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble -   2002
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE

Institut d'Etudes Politiques de Grenoble

Eric FARGES

UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ?

L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isère

Année universitaire 2000-2001

Séminaire : « Les mises en scène du politique »

Sous la direction de MM. Olivier IHL et Philippe VEITL

SOMMAIRE

INTRODUCTION 5

PARTIE 1 LE MODE ASSOCIATIF

1 Une forme associative renouvelée ? 23

1.1 La mise en scène du mouvement 23

1.2 Une dialectique entre le local et le national ? 42

1.3 Une « démocratie interne » contestée 59

2 La part associative de l'engagement 74

2.1 Les vertus associatives 75

2.2 Un engagement précis mais global 91

PARTIE 2 PARTICIPER AUTREMENT

1 Les nouveaux conflits sociaux 115

1.1 Le réveil de la protestation collective 111

1.2 Les nouvelles formes de mobilisation 128

1.3 La place d'Attac au sein du réseau anti-mondialiste 138

2. Des nouveaux militants ? 157

2.1 La compréhension de l'engagement 157

2.2 Un militantisme « par le bas » ? 196

CONCLUSION 228

Bibliographie 235

Table des matières 244

Index des sigles 248

INTRODUCTION

La figure du militant

A

rles, 25 août 2001, 11h00. Julie est attentive, elle note scrupuleusement sur un cahier la démonstration du professeur. Tout lui paraît clair. Les événements s'enchaînent de façon logique : le système monétaire de Bretton Woods, la fluctuation des monnaies, la spéculation boursière, la crise de la dette des pays du Sud, la fuite des capitaux vers les paradis fiscaux. Jean-Marie Harribey, professeur de sciences économiques et sociales à l'université Bordeaux-IV, s'attache à expliquer de façon pédagogique les mécanismes financiers internationaux aboutissant à un capitalisme « boursier ». Malgré ce que l'on pourrait croire Julie n'est pas étudiante en sciences économiques, elle est assistante sociale. Elle assiste à la seconde université d'été de l'Association pour la taxation des transactions financières (Attac) qui propose à ses militants un cycle d'enseignement consacré à l'économie mondiale et baptisé « Contre l'emprise de la finance, une économie à finalité humaine ». Pendant quatre jours, 700 militants, rassemblés au Palais des congrès d'Arles, vont assister quotidiennement à six heures de cours suivis d'ateliers spécialisés et de travaux dirigés. L'ambiance est à l'étude. Julie souhaite avant tout se « réapproprier » les thèmes économiques dont se sont arrogés pendant trop longtemps les « experts ». Dans l'immense salle, transformée pour l'occasion en amphithéâtre, les idées fusent : « Non, la mondialisation n'est pas un fait inéluctable. On peut résister ! », « Le monde n'est pas une marchandise ! », « Les droits des peuples priment sur le profit économique », « Un autre monde est possible ».

L'association n'est toutefois pas ancrée dans le monde des idées. La formation n'est qu'une des multiples dimensions du militantisme. Attac, comme le rappelle sans cesse Bernard Cassen, son président, est « un mouvement d'éducation populaire tourné vers l'action ». Julie estime que sa formation économique constitue le pendant logique des actions qu'elle mène sur le terrain. Car ces apprentis économistes sont des militants d'« en bas » avant tout. Ils représentent les 230 comités locaux de l'association qui se sont essaimés sur tout le territoire français depuis juin 1998, date du lancement d'Attac. Julie est d'ailleurs venue à Arles avec une dizaine de militants du comité Attac Isère. Durant les mois précédents, le comité à multiplié les initiatives : conférences, distributions de tracts, manifestations locales. Les militants isérois ont également été protester leur mécontentement à Gênes en juillet, à l'occasion du sommet du G8. Julie n'a pas eu peur de les accompagner malgré les violences prévisibles qui ont provoqué un mort et six cents blessés. Elle fait partie des fidèles qui ont répondu présents dès le lancement de l'association. Julie n'a alors pas hésité à s'engager. La « prise de conscience » des méfaits de l'économie l'a amené à militer en faveur de la taxation des mouvements de capitaux, de l'annulation de la dette du tiers monde ou encore du démantèlement des paradis fiscaux. Julie n'est pourtant pas une professionnelle du militantisme. Après ses quinze années de syndicalisme à la CFDT, elle se présente comme une déçue de l'engagement. Son refus des compromis, sa méfiance vis-à-vis des partis politiques ont alors trouvé un échappatoire dans la forme associative d'Attac, « moins contraignante et plus souple ». Moins d'un an après son adhésion Julie a rendu sa carte de la CFDT, dont elle juge la secrétaire, Nicole Notat, trop « compromise ». A l'inverse, Attac représente pour elle un regroupement de citoyens décidés à exercer un « contre-pouvoir » sur les décisions du gouvernement1(*).

Au départ, un éditorial

Un éditorial publié dans Le Monde diplomatique en décembre 1997 serait à l'origine d'Attac2(*). Dans cet article, intitulé « Désarmer les marchés », Igniacio Ramonet, le directeur du mensuel, accusait les spéculateurs boursiers d'être responsables des crises économiques. En conclusion, il proposait à ses lecteurs, l'idée d'une taxation des mouvements de capitaux appelée taxe Tobin : « Pourquoi ne pas créer, à l'échelle planétaire, l'organisation non-gouvernementale d'Action pour une taxe Tobin d'aide aux citoyens- Attac. En liaison avec les syndicats, les associations à finalité culturelle, sociale ou écologique, elle pourrait agir comme un formidable groupe de pression civique auprès des gouvernements pour les pousser à réclamer, enfin, la mise en oeuvre effective de cet impôt mondial de solidarité. »3(*). Cette proposition fut alors reprise par d'autres médias et elle reçut le soutien de nombreux individus et d'organisations variées (associations, syndicats, journaux), tous prêts à soutenir cette initiative.

Une première rencontre eut lieu à Paris le 16 mars 1998 à l'invitation du Monde Diplomatique et un accord fut élaboré entre les participants. Le projet d'une charte permettant aux membres fondateurs d'adopter une plate-forme de revendications communes a été envisagé à cette occasion. Il s'agissait de constituer le mouvement Attac qui prit la définition suivante : « Association pour la Taxation des Transactions Financières pour l'Aide aux Citoyens ». L'Assemblée générale constitutive du 3 juin, au cours de laquelle les statuts de l'association ont été déposés, permit d'élire un Conseil d'administration provisoire dans lequel les membres fondateurs siègent de façon permanente. En outre, Bernard Cassen, directeur général du Monde Diplomatique, fut élu président de l'association et Ignacio Ramonet, l'initiateur d'Attac devint président d'honneur.

Les structures de fonctionnement de l'association ont alors été mises en place. Le Bureau présidé par Bernard Cassen assura la gestion de l'association. Un Conseil scientifique présidé par René Passet, professeur émérite à l'université Paris I, fut établi. Son rôle est de produire un ensemble de documents pouvant servir de fondement et de référence aux revendications du mouvement. La création de « comités Attac » a permis un développement local de l'association. En décembre 1998, des statuts type furent élaborés pour les comités locaux et une charte des rapports entre ces comités et l'association nationale fut constituée.

L'association est alors lancée, elle va connaître une progression très rapide. Tout d'abord, le nombre d'adhérents a connu une croissance exceptionnelle : en août 1998, Attac accueille son millième adhérent, en juin 1999, le seuil des 10 000 adhérents est franchi. L'association dépasse les 20 000 adhérents en février 2000. En août 2001, l'association revendiquait le chiffre de 38 000 adhérents4(*). Des rencontres nationales eurent lieu entre les adhérents. La première réunion (17 octobre 1998) et les premières assises (Assemblée générale des 23-24 octobre 1999) se déroulèrent à la Ciotat (Bouches-du-Rhône). L'Assemblée générale de l'année 2000 eu lieu à St Brieuc (Côtes-d'Armor) en octobre. Deux universités d'été furent organisées, la première dans la ville de la Ciotat (23-26 août 2000) et la seconde à Arles (24-28 août 2001)5(*).

Parallèlement la direction nationale d'Attac a multiplié les initiatives. Elle lança en décembre 1998 une pétition pour la taxation des transactions financières qui recueillit 110 000 signatures et qu'une délégation d'Attac remit à Laurent Fabius, alors président de l'Assemblée nationale, en automne 1999. En novembre 1999 à l'occasion du sommet de l'OMC à Seattle, un ensemble de manifestations unitaires furent organisées dans toute la France, le plus souvent sur l'initiative des comités locaux. Elles rassemblèrent 70 000 personnes, dont 20 000 à Paris. Enfin, de nombreux ouvrages ont été publiés par Attac. Ils permettent de diffuser les travaux du Conseil scientifique de l'association, mais également de présenter l'association aux non-adhérents.

La présentation de soi

Ce qui semble surprenant à priori dans Attac, c'est la dynamique qu'on lui attribue spontanément et qui en fait un phénomène6(*), une success story7(*) ou une start up citoyenne selon les mots de Bernard Cassen8(*). Cette nouveauté aurait pour origine les conditions dans lesquelles est apparue l'association dont voici quelques signes avant-coureurs : « le volume de courrier (plusieurs millier de lettres ou de message) reçu au Monde diplomatique après la publication, en décembre 1997, de l'éditorial à l'impératif « Désarmer les marchés » dans lequel Igniacio Ramonet suggérait, comme on lance une bouteille à la mer, la création d'une association qui s'appellerait Attac, les deux « t » se référant à l'époque à « taxe Tobin » ; l'immédiate disponibilité des personnalités et des publications, organisations syndicales et associatives contactées en vue de donner suite à la sommation que les lecteurs faisaient au journal de créer Attac, et non pas d'attendre une hypothétique création par d'autres (ce qui n'était nullement envisagé à l'origine et explique l'obligation dans laquelle s'est rapidement trouvé l'auteur de ces lignes de s'impliquer dans cette entreprise) ; la rapidité avec laquelle un accord fut trouvé sur les statuts, la plate-forme constitutive et la direction provisoire de l'association ; plus symptomatique encore, la facilité avec laquelle les organes de décision des différentes organisations fondatrices ratifièrent les propositions de leurs représentants aux discussions »9(*). Un appel adressé aux citoyens, des milliers de lettres, le regroupement immédiat d'un ensemble d'organisations : le lancement d'Attac s'apparente à un conte de fées dont personne n'avait prévu l'ampleur de la réussite. Le déroulement de la suite des événements allait relever de la même imprévisibilité que celle qui a marqué l'émergence de l'association10(*). Dés lors, Attac est décrite comme étant une association marquée par le sceau de la nouveauté, en raison de son organisation originale et de l'engagement qu'elle suscite.

Tout d'abord, la spontanéité initiale du mouvement aurait rendu possible l'émergence d'une organisation dont la forme est difficilement qualifiable. Attac est présenté comme étant une association souple permettant la mise en réseau des individus et des organisations qui y participent11(*). En sus des adhérents individuels, l'association a réussi à rassembler plus de mille organisations à partir de la même charte12(*). De plus, en réponse au centralisme et à la hiérarchie des organisations traditionnelles (syndicats, partis) un fonctionnement souple aurait été privilégié. En effet, la contrepartie de la non-reconnaissance des comités locaux (qui ne figurent pas dans les statuts) serait l'importante autonomie d'action dont ils disposent.

Mais la principale originalité d'Attac serait d'avoir permis un renouveau de l'engagement. Le signe le plus flagrant de ce réveil de la participation est la progression exceptionnelle du nombre d'adhésions. Alors que le thème de la crise de la participation figure comme un leitmotiv, les médias n'hésitent pas à parler d'un retour de l'engagement. Certains y voient un mouvement à contre-courant des partis politiques et à l'atonie des grandes structures partisanes et syndicales, ils opposent la vigueur de l'engagement associatif13(*). D'autres mettent en avant le retour de la participation des jeunes dans la vie politique, comme par exemple ce magazine de presse féminine qui titre : « Engagez-vous ! Rengagez-vous ! : on n'avait pas vu ça depuis les années 70. À la ville comme sur les écrans, l'engagement politique redevient une valeur [...] Enquête sur un phénomène de jeune masse»14(*).

Attac aurait rendu possible non seulement un renouveau de l'engagement militant mais également un nouveau type engagement. La participation à Attac échapperait à toutes les classifications existantes. Il s'agit, tout d'abord, d'un engagement qui ne repose pas sur des affinités partisanes mais dont le principal ressort est la « citoyenneté ». La participation associative devrait dés lors être entendue comme étant un impératif catégorique qui s'impose à chaque membre de la communauté politique. Attac serait donc un regroupement de citoyens visant à mettre fin à la « tyrannie des marchés financiers ». L'engagement au sein d'Attac ne serait pas contraignant contrairement à une adhésion politique. Il constituerait un engagement « politique non politicien »15(*).

De plus, le discours de l'association accorde une large part à la figure du citoyen « actif » c'est-à-dire qui ne limite pas sa participation au seul geste électoral. Le militant d'Attac est un citoyen qui témoigne d'une volonté de participer et de « se réapproprier l'avenir du monde ». Pour cela il n'hésite pas à associer « l'information, la formation et l'action »16(*). Attac constituerait donc un « mouvement d'éducation populaire tourné vers l'action ».

Enfin, une des caractéristiques d'Attac serait son insaisissable dimension territoriale. Le citoyen s'inscrit dans une communauté nationale à laquelle il participe. Il est également rattaché à une communauté locale. Comme le rappelle Bernard Cassen, bien qu'Attac ait été lancé initialement sous une forme nationale, les comités locaux ont pris le relais très rapidement : « Quand Attac est né, on ne savait pas ce que cela allait devenir ! Très rapidement, on a été surpris par le succès mais aussi par l'enthousiasme et la volonté d'agir des gens eux-mêmes. Les premiers comités se sont crées de manière tout à fait spontanée, avant même que nous en ayons prévu l'existence »17(*). A cette citoyenneté locale, s'ajoute l'émergence d'une citoyenneté mondiale dont Attac constituerait une des manifestations. L'engagement des Attacants témoignerait d'un « nouveau style de militance et d'un monde associatif qui de nouveau porte à agir par-delà les frontières »18(*). Certain dirigeants d'Attac y voient même l'émergence d'une nouvelle internationale des peuples.

La représentation de la citoyenneté telle qu'elle se déploie dans l'association implique une réflexion sur la territorialisation de la participation. Le but de chaque militant serait de « Penser global et agir local »19(*). Toutefois comment s'effectue l'inscription des engagements dans le local ?

Une étude comparative

L'acte d'adhésion à Attac marque l'inscription dans une communauté nationale (et même internationale). Comme le remarque Jacques Ion, l'appartenance à une association passe toujours par le rattachement à une « sociabilité de base ». Le modèle en fédérations associatives qui s'est développé sous la IIIéme République articulait un « pôle sociétaire » national et un « pôle communautaire » local20(*). Au sein d'Attac, l'acte militant semble s'inscrire de façon privilégiée à l'échelle locale. En effet, les comités locaux sont chargés de « porter » les revendications sur le territoire. La compréhension des militants est donc indissociable du milieu dans lequel ils s'inscrivent. C'est pourquoi le terrain d'enquête le plus approprié à notre recherche doit être suffisamment restreint et circonscrit pour prendre en compte la spécificité des militants. De plus, ce terrain doit présenter suffisamment de points communs avec l'association nationale pour qu'une filiation puisse être faite entre les deux. L'étude du comité Attac Isère répond à ces critères.

Le comité Attac Isère est, tout d'abord, apparu en novembre 1998, quelques mois après la création de l'association nationale. C'est également sur l'initiative d'un ensemble d'organisations, qui sont pour la plupart membres fondateurs d'Attac, que le comité isérois a été mis en place. Il a connu une progression, en termes d'effectifs, similaire à celle qui a eu lieu sur le plan national. Attac Isère comptait 200 adhérents en janvier 1999, puis 590 adhérents en 2000 et 820 en février 2001.

Une recherche ne peut pas porter uniquement sur le comité isérois. L'interdépendance du local et du national implique d'articuler dans une même réflexion les deux dimensions de l'association. L'étude du comité doit permettre de dégager certains éléments qui seront pertinents au regard de l'organisation nationale. Il s'agit de chercher autant les ressemblances que les divergences entre Attac Isère et Attac national. Il apparaît donc nécessaire de prendre en compte les particularités du local. Le comité Attac Isère dispose par exemple d'un mode d'organisation spécifique. Les statuts qui ont été adoptés ne sont pas ceux de l'association ou des autres comités locaux. De plus, certaines de ses prises de position vont à l'encontre de celles de la direction nationale. Ces dissemblances témoignent, bien sûr, des spécificités du comité local, mais elles permettent également de prendre la mesure de l'effectivité de la nouveauté que Attac prétend représenter. Elles ne constituent donc pas une limite à la compréhension de l'engagement au sein d'Attac mais sa condition de possibilité. C'est par une approche comparative entre le local et le national qu'il est possible d'interroger la prétendue nouveauté du mouvement.

Un nouvel âge de la participation associative ?

L'attribut qui qualifierait le plus adéquatement Attac serait celui de la nouveauté. Il rendrait compte aussi bien de l'originalité de la forme associative du mouvement que de la singularité de l'engagement des militants. Cet engagement semble d'ailleurs se situer à contre courant des modes de participation traditionnels et contemporains.

Dans quelle mesure peut-on parler d'un nouvel âge de la participation associative21(*)? En quoi ce renouveau est-il manifeste au sein du comité isérois ?

S'interroger sur Attac revient donc à examiner la nouveauté qui lui est attribuée, afin d'en distinguer la part du neuf et de l'ancien. Pour cela, il est nécessaire d'adopter une double démarche comparative dans laquelle le comité isérois servira de référent. Nous effectuerons une première comparaison entre le discours tenu par l'association et son effectivité au niveau local. D'autre part, il apparaît primordiale de confronter les caractéristiques de l'organisation nationale au comité isérois.

Un renouvellement des approches de l'engagement et de la participation politique ?

Les fondateurs d'Attac insistent sur le choix de la forme associative qui est jugée plus souple que les modes d'organisation traditionnelles. Martine Barthélémy a observé que l'essor de la participation associative s'explique, en partie, par l'adéquation des valeurs véhiculées par la forme associative avec les attentes formulées par les individus. La généralisation du concept de « citoyenneté associative » rendrait compte de ce dynamisme22(*). Selon Jacques Ion, tandis que les organisations traditionnelles se fondaient sur l'anonymat de l'individu et lui ôtaient toute autonomie, l'individualité spécifique du militant serait désormais prise en compte23(*).

Attac est, selon nous, indissociable de la forme associative. Sa rapide progression s'expliquerait par une défection des structures partisanes et syndicales au cours des années 80 et 90 et par le rejet des pratiques d'appareil. Les militants attribueraient à l'organisation d'Attac un ensemble de vertus associatives telles que la liberté. L'engagement au sein d'Attac doit être entendu avant tout comme un engagement associatif.

D'autre part, il semblerait que les revendications soutenues par l'association soient dotées d'une dimension internationale (taxe Tobin, annulation de la dette, etc.). Ces thèmes répondraient selon Bernard Cassen à une attente de la « société civile »24(*). Mais Attac représenterait également un renouveau de l' « utopie » dont témoignent certains slogans (« un autre monde est possible », « il s'agit de se réapproprier l'avenir de notre monde »). Attac constituerait par conséquent un renouveau de l'engagement en faveur des grandes causes.

À l'inverse de ce type d'engagement, Nonna Mayer évoque l'essor d'un militantisme du quotidien dans lequel les militants « attendent de leur engagement une approche concrète des problèmes, proche des réalités et des préoccupations quotidiennes »25(*). Selon elle, l'engagement relèverait de la proximité que les gens ont avec la « cause » et les revendications pour lesquelles ils militent. Cette observation ne semble à priori pas s'appliquer à Attac. Doit-on pour autant en conclure qu'Attac témoignerait d'un engagement à contre courant ? Ce constat amène à poser la question des ressorts de l'engagement, c'est-à-dire des motivations qui ont amené chacun des individus à adhérer voir à militer au sein du comité isérois. D'autre part, Daniel Gaxie considère que l'engagement des militants n'est pas intelligible à partir des seuls mobiles idéologiques auxquels ils se référent. Selon lui, les militants bénéficieraient de certaines rétributions matérielles ou symboliques susceptibles de rendre compte de leur participation. Comment rendre compte de l'engagement des militants au sein d'Attac ? Peut-on le rattacher uniquement à la promotion de certaines valeurs (solidarité, l'équité) ? L'engagement au sein d'Attac répond-il à d'autres préoccupations ?

La compréhension de l'engagement au sein d'Attac, nous en faisons l'hypothèse, ne peut-être rendue possible qu'en s'attachant à démontrer les intérêts défendus par les militants. Il s'agit de voir en quoi la participation des militants ne se limiterait pas à un engagement intellectuel mais s'inscrirait dans un conflit d'intérêts où les enjeux sont également matériels. Dès lors, la proximité à laquelle se réfère Nonna Mayer est peut-être l'un des facteurs de l'engagement des militants. Il apparaît également nécessaire d'établir les bénéfices et les gratifications (matérielles et symboliques) que les militants retirent de leur participation.

Enfin, la constitution du mouvement relèverait d'une spontanéité imprévisible. Toutefois, la sociologie de la mobilisation des ressources a remis en cause la naturalité de l'organisation des groupements sociaux26(*). Les groupes n'apparaissent jamais comme des objets trouvés mais ils sont avant tout des construits sociaux. Il est donc nécessaire d'interroger les modalités d'émergence de l'association. L'éditorial du Monde diplomatique, le rassemblement des membres fondateurs, la progression des adhésions répondent peut-être à certaines stratégies mises en oeuvre par les fondateurs de l'association. Il s'agit de voir en quelle mesure Attac correspond à une entreprise de mobilisation.

Ce dernier problème suppose d'analyser les conditions dans lesquelles a eu lieu l'engagement des militants. La prétention d'Attac de renouveler la participation associative doit être jugée à l'aune des conflits sociaux des années quatre-vingt-dix, que nous désignerons par le terme de « nouveaux conflits sociaux ». D'autre part, Attac s'inscrit dans un mouvement plus large de résistance à la « mondialisation »27(*). C'est à l'intersection de ces deux processus qu'un réseau d'acteur s'est mis en place28(*). Nous désignerons, par simplicité, ce réseau par le terme de mouvement « anti-mondialisation » bien qu'il soit dénié par les acteurs à qui nous l'attribuons29(*). Nous postulons un lien entre l'inscription des individus au sein de réseaux de militance et leur participation à Attac. Comme le rappelle Martine Bathélémy « les individus ne sont pas désincarnés, c'est dans la constitution de relations et par l'identification à des statuts sociaux qu'ils accèdent à la vie associative 30(*)». Cette remarque justifie d'autant plus, une analyse du militantisme au sein d'Attac qui soit centrée sur un terrain de recherche spécifique. La place du local semble donc devoir être privilégiée dans la compréhension de l'engagement des militants.

L'enquête de terrain

La première étape de cette étude fut tout d'abord la collecte des matériaux de recherche nécessaires. Les travaux existants sur Attac étaient trop distincts dans leur sujet ou leur « terrain d'enquête » pour qu'il soit possible de les utiliser31(*). Afin de recueillir suffisamment d'informations et de données nous avons eu recours aux coupures de presse qui ont été collectées32(*). Ces documents ont permis de réaliser un historique du mouvement, mais aussi de cerner l'image d'Attac au sein de l'espace médiatique33(*).

D'autre part, nous avons procédé à une « immersion » au sein de l'association, dans sa dimension nationale mais surtout dans le groupe local isérois en assistant à de nombreuses réunions34(*). En outre, il fut primordial d'accompagner les militants lors de mobilisations afin d'observer leur mode d'action35(*). Au cours de ces mobilisations et de ces réunions, de nombreuses observations et prises de notes ont été effectuées. Ce sont elles qui ont permis d'élaborer les principales hypothèses de la recherche. Le but de ces observations était, d'une part, de constater comment les militants s'organisent (c'est à dire d'examiner le déroulement d'un débat, la façon dont une action est organisée) et, d'autre part, de considérer les relations que les militants entretiennent entre eux au sein du groupe local (quelle est la convivialité ? Quel accueil est réservé aux nouveaux adhérents ? Quelle place les plus anciens occupent-ils ?). Il fut également possible de rassembler tout un ensemble de documents de première main tels que des tracts, des rapports, mais aussi des ouvrages publiés par l'association. Ces documents ont eu trois fonctions. Ils ont, tout d'abord, permis une meilleure connaissance de l'information (revendications, statuts). Ils ont également constitué un moyen pour déterminer quelle image et quelle présentation de soi les responsables d'Attac souhaitent donner de l'association. Enfin, les documents internes ont permis de savoir à partir de quel discours les militants étaient mobilisés.

Afin de collecter des informations auprès des militants, il fut possible d'être inscrit sur une mailing-list nommée Attac-talk36(*). La source la plus importante d'information sur les militants du comité local fut une série d'entretiens qui furent conduits d'avril à fin juin auprès de neuf adhérents isérois. Ceux-ci ont été retranscrits dans leur quasi-intégralité et figurent en annexe37(*). Les entretiens occupent une place suffisamment importante au sein de cette recherche pour que nous en expliquions la démarche.

La diversité des enquêtés 

La première difficulté rencontrée fut de trouver suffisamment d'individus souhaitant être interviewés. En dépit d'une intervention durant une réunion générale et la distribution d'un courrier aux militants, uniquement deux volontaires se sont présentés. Il a fallu entreprendre une démarche de bouche-à-oreille qui s'est montrée plus fructueuse. En revanche, seul un refus fut opposé en raison d'un emploi du temps trop surchargé38(*).

Face à la complexité et à la richesse des configurations singulières, la constitution d'un échantillon représentatif selon les critères classiques (âge, profession, situation familiale, résidence) apparut peu pertinente39(*). C'est pourquoi il sembla préférable de rassembler un grand niveau de diversité.

Tout d'abord au point de vue de des classes d'âges représentées, l'échantillon peut être divisé en trois groupes : les personnes de moins de vingt-cinq ans qui sont « inactives » (Cécile, Isabelle) ; un groupe intermédiaire, les 25-40, qui sont dans la vie active (François, Laurent) et un groupe de plus de quarante ans qui se situent vers la fin de leur vie active (Thomas, Julie, Fabien, Lionel, Luc). Au regard des catégories socioprofessionnelles, deux interviewés sont étudiants (Cécile, Isabelle), deux travaillent dans l'enseignement (Laurent, Fabien), deux dans le secteur associatif (Lionel, Julie), deux dans le secteur privé (François, Thomas) et un enquêté est à la retraite (Luc).

En considération de l'engagement dans Attac, et c'est le critère le plus important dans le choix des personnes interviewées, un enquêté s'inscrit dans une adhésion « passive » (Fabien), c'est-à-dire sans qu'il y ait participation aux actions ou aux réunions, un s'inscrit dans une phase croissante de militantisme (Laurent), un dans une phase descendante (Isabelle), ce que nous assimilerons à une défection possible, trois se situent dans ce que l'on pourrait appeler un engagement « modéré » (Lionel, François, Cécile) et trois dans une forte activité militante (Julie, Thomas, Luc).

Enfin vis-à-vis des expériences militantes passées de chacun des interviewées, quatre s'inscrivent dans un fort passé militant et un réseau assez structuré de militantisme. Ils cumulent parfois les adhésions dans les associations et pourraient être assimilés à des « professionnels » du militantisme (Thomas, François, Cécile, Luc), tandis que cinq n'ont pas un fort passé militant politique, associatif ou syndical et ne cumulent par les adhésions ; ils sont donc assimilés à des « novices » (Julie, Fabien, Laurent, Isabelle). On peut déjà noter que parmi les quatre militants professionnels, un (Thomas) a eu une adhésion à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) avec laquelle il entretient encore des relations, tandis que les deux autres (François, Cécile) sont également militants à la LCR. Le positionnement politique de ces militants « professionnels » est par conséquent très nettement ciblé.

Les entretiens se sont déroulés40(*) soit au domicile des personnes interviewées (Laurent, Isabelle, François), soit sur leur lieu de travail (Thomas, Fabien, Julie, Lionel), soit à mon domicile (Cécile), soit encore à la FSU où Attac tient son local (Thomas, Luc). Leur durée a été assez longue puisque le plus court des entretiens a duré un peu moins de deux heures (Isabelle41(*)), tandis que les autres ont duré entre trois et quatre heures, il s'agit donc là d'entretiens approfondis. Cette durée qui peut à première vue sembler excessive s'explique par l'objectif de recherche.

Les systèmes de représentation

La méthode de l'entretien semi-directif est apparue la plus adéquate dans cette recherche. Il s'agissait de mettre en relation les représentations dont sont porteurs les enquêtés avec celles qui sont diffusées par la direction nationale et dont nous avons déjà tracé quelques pistes (spontanéité du mouvement, rattachement à l'éducation populaire). Nous souhaitions savoir quelles étaient les représentations communes qui constituent les signes de l'existence d'une même culture militante42(*). De même, les différences de représentation peuvent traduire certains conflits. La seconde comparaison qui apparaît nécessaire est celle qui s'effectue entre les représentations militantes et les comportements. Nous partons de l'hypothèse que les représentations sont dotées d'une force explicative suffisante pour rendre compte des attitudes43(*). La nécessité d'investir le vécu des enquêtés, la recherche d'un climat de « confiance » suffisant contraignent à adopter un mode de discours suffisamment libre44(*). C'est pourquoi les entretiens ont été effectués sur un mode semi-directif et que leur durée est souvent longue. Le nombre d'enquêtés a été également volontairement restreint afin de permettre une analyse plus détaillée de l'échantillon. L'objectif n'était pas d'obtenir un échantillon représentatif mais varié. Comme le rappelle Sapir, « si l'on enregistre un témoignage individuel [...] cela ne veut pas dire qu'on attache du poids à l'individu, entité adulte et singulière, mais qu'on le prend pour échantillon de la communauté ».45(*) Enfin, on peut noter que l'enregistrement et la retranscription des entretiens ont été jugés indispensables puisqu'ils constituent l'essentiel du matériau de la recherche. Les enquêtés n'ont eu aucune réticence à se faire enregistrer46(*).

La mise en question(s) des engagements

Afin de pouvoir orienter le déroulement de l'entretien, nous avons fait le choix de nous appuyer sur un guide d'entretien assez détaillé pouvant répertorier les principales questions qui nous amenaient à rencontrer les enquêtés47(*). Toutefois, nous avons procédé à la plupart des entretiens sans ce guide, tout en ayant à l'esprit son déroulement. Ce qui nous intéressait c'était moins d'obtenir des réponses précises à nos questions que de pénétrer et de comprendre les représentations mentales qui orientent les enquêtés dans leur militantisme48(*).

Les entretiens peuvent être découpés en deux thèmes. Un premier ensemble de questions portait sur l'engagement des enquêtés et leur participation à Attac, cette partie occupait les trois quarts de la durée de l'entretien. A partir des questions posées, les entretiens ont suivi des cours assez différents car chacun d'entre eux fut orienté sur la spécificité de l'enquêté49(*). Bien sûr, la plupart d'entre eux ont développé de longs passages sur les revendications de l'association mais ceux ci ne figurent pas en totalité dans la retranscription des entretiens. Les propos tenus par les militants s'apparentent parfois trop à un discours idéologique « officiel » pour pouvoir faire l'objet d'une analyse sociologique50(*).

La seconde partie du questionnaire était consacrée au vécu spécifique de l'interviewé. Cette partie correspondait à un entretien biographique, elle visait à tracer pour chaque enquêté les grandes lignes de son passé militant, de son origine sociale et familiale, ou encore de son comportement électoral, et permettre ainsi de recontextualiser son l'engagement51(*). Une approche trop statique et « réifiante » des militants, c'est-à-dire qui ne ferait que prendre acte de ce qu'ils sont, n'est pas apte à comprendre comment ils sont arrivés à militer à Attac et quel sens ils donnent à leur engagement. C'est uniquement par une considération des militants en terme de trajectoires professionnelles, sociales et militantes, qu'il est possible de procéder à la généalogie de leur engagement. Il s'agit de tracer le lien qui existe entre le sens qu'ils donnent à leur adhésion à Attac et leur parcours biographique (origine sociale, parcours militant, professionnel).

La grille d'entretien a connu plusieurs modifications au cours de l'enquête. La consigne initiale est la question ayant été la plus modifiée. Elle concernait, lors de nos premiers entretiens, la représentation que l'enquêté a de son engagement (« Comment est-ce que tu te représentes ton engagement au sein Attac ? »). Toutefois elle fut inadéquate car certains interviewés ne répondaient pas directement à la question ; c'est le cas avec François52(*) qui répondit à la question en se référant à son passé ou Isabelle qui demanda de reformuler la question. La consigne étant trop floue, il parut préférable d'interroger les militants sur leurs fonctions et leur participation dans le comité isérois (« J'aimerais connaître ton implication et ta participation dans Attac ? » avec Laurent, « Déjà, je vais te demander tes fonctions au sein d'Attac Isère ? » avec Thomas). Ce point de départ était plus approprié car il permettait de pénétrer directement dans le vif du sujet, c'est-à-dire la vie du groupe isérois.

La compréhension de l'engagement des militants isérois nécessite une double interrogation. En premier lieu, il apparaît primordiale d'analyser Attac en tant que mode associatif d'organisation. Comment expliquer le mode d'organisation spécifique du comité isérois ? La structuration de l'association relève t-elle uniquement d'une spontanéité imprévisible ou répond-elle à la mise en place de certaines stratégies ? Dans quelle mesure se distingue t-elle des modes traditionnels de participation (syndicats et partis politiques) ? Quelle importance la forme associative représente t-elle dans l'engagement des militants ?

Il sera possible, dans un second temps, d'interroger la nouveauté de la participation au sein d'Attac en tant que telle. Dans quel contexte l'engagement des militants a t-il eu lieu ? Comment des réseaux sont-ils progressivement apparus ? L'engagement des militants répond t-il aux mêmes logiques (sociales, individuelles) que les formes d'engagement traditionnel ou en quoi s'en distingue t-il ? Assiste t-on à un renouvellement des pratiques militantes locales ou nationales ? En bref, il s'agira d'examiner quel est le renouveau des modes de participation.

Partie 1 Le mode associatif

1 Une forme associative renouvelée ?

La direction nationale définit avant tout Attac comme une « association de citoyens ». L'expression renvoie à une forme juridique instituée depuis le 1er juillet 1901 et dont l'organisation s'est généralisée53(*). Mais une association, c'est avant tout une réunion d'intérêts et de volontés communes. Il en est de même pour Attac qui avant d'être un être juridique composé de statuts et de règlements traduit l'expression d'une volonté commune. On peut d'ailleurs souligner la spontanéité que le mouvement a connu lors de sa création. Ainsi, cette association, avant d'être une organisation, serait née d'un ensemble de citoyens qui ont témoigné d'un même désir de s'engager. Le Monde Diplomatique n'aurait joué qu'un rôle de catalyseur des volontés individuelles. Toutefois, la constitution d'Attac n'aurait-elle pas relevée d'autres volontés que de celles de ses adhérents ? Derrière l'apparente spontanéité du mouvement, n'est il pas possible de mettre en évidence des stratégies de mise en scène ?

1.1 La mise en scène du mouvement

« Pour nous, modernes, le mythe est seulement mythe parce que nous ne pouvons plus relier ce temps à celui de l'histoire telle que nous l'écrivons selon la méthode critique, ni non plus relier les lieux du mythe à l'espace de notre géographie ; c'est pourquoi le mythe ne peut plus être une explication ; exclure son intention étiologique, c'est le thème de toute nécessaire démythologisation. Mais en perdant ses prétentions explicatives le mythe révèle sa portée exploratoire et compréhensive, ce que nous appellerons plus loin sa fonction symbolique, c'est à dire son pouvoir de découvrir, de dévoiler le lien de l'homme à son sacré. Aussi paradoxal qu'il paraisse, le mythe ainsi démythologisé au contact de l'histoire scientifique et élevé à la dignité de symbole, est une dimension de la pensée moderne »

Paul Ricoeur, « Finitude et culpabilité » in Philosophie de la volonté

1.1.1 L'« appel » du Monde Diplomatique

Le premier facteur de mise en scène de l'association est, selon nous, le Monde Diplomatique qui est à l'origine du lancement d'Attac. L'article de Ramonet, publié en décembre 1997, est d'ailleurs considéré par les militants comme un texte fondateur. Toutefois, il est nécessaire de s'interroger sur les processus par lesquels cet éditorial a été constitué comme une référence symbolique. Mais, avant cela, il est nécessaire d'analyser brièvement la nature du mensuel afin de comprendre dans quel arrière-plan intellectuel est née l'association.

1.1.1.1 Une référence culturelle associative

Le Monde Diplomatique est un mensuel consacré aux problèmes internationaux. Il fut créé en 1954 par Hubert Beuve-Méry, qui est également le fondateur du quotidien Le Monde. Il a été remplacé par Claude Julien, puis par Ignacio Ramonet qui en est l'actuel président. Le « Monde Diplo », comme le surnomment ses lecteurs, est une publication qui s'est toujours présentée comme « indépendante » et « critique » concernant l'actualité et les évolutions du monde contemporain. Il a connu une forte progression de ses ventes, 200.000 exemplaires en France. Par ailleurs, il existe une dizaine d'éditions à l'étranger qui lui permettent de totaliser 500.000 exemplaires. On peut observer certaines similitudes entre le mensuel et Attac. Tout d'abord, les journalistes du Monde Diplomatique occupent souvent des postes dans les structures de l'association telles que le conseil scientifique ou le conseil d'administration54(*). De plus, les sujets qui sont abordés par l'association et le mensuel se recoupent de façon significative. Le Monde Diplomatique développe des thèses très critiques sur le thème de la globalisation financière dont Attac a fait son cheval de bataille ; il a notamment pris partie contre le néolibéralisme. Les articles stigmatisent les conséquences de la libéralisation et de la mondialisation libérale : l'appauvrissement des pays du tiers monde55(*), l'hégémonie économique des Etats-Unis56(*), la « marchandisation » de l'éducation57(*), les multinationales58(*), les organismes financiers internationaux59(*), etc. Tous ces thèmes se retrouvent, comme nous le verrons, parmi les revendications défendues par Attac.

Le Monde Diplomatique semble constituer une référence intellectuelle commune au sein de l'association. La quasi-totalité des enquêtés affirment connaître et lire ce mensuel. Une seule interviewée n'est pas une lectrice du Monde Diplomatique. Elle exprime notamment, dans sa réponse, un sentiment de gêne qui peut laisser sous-entendre qu'elle ne s'intègre pas à cette culture commune. D'ailleurs, Isabelle a adhéré afin de mieux connaître l'association mais elle s'est sentie en décalage avec les militants qu'elle a rencontrés. Au cours de l'entretien, elle déclare ne pas se sentir intégrée au monde militant des Attacants.

Cette référence commune dépasse les cercles militants, car elle est partagée par certains adhérents qui ne sont pas engagés dans le comité local. Par exemple, pour Fabien, qui est professeur d'économie en faculté, la lecture du Monde Diplomatique est « stimulante ». Elle lui apporte un discours en décalage avec « le conformisme de la pensée économique ». Le mensuel trace par conséquent un lien (symbolique) entre les simples adhérents, comme Fabien, et les militants. En revanche, les militants du comité isérois développent un autre usage de cette publication. Ils présentent la lecture de ce mensuel comme faisant partie de leur « formation ». Cela leur permet de se réapproprier une culture économique qui leur fait défaut. Ils ne lisent, d'ailleurs, que les articles ayant un rapport avec les thèmes défendus par Attac. La lecture du Monde Diplomatique représente à leurs yeux un outil militant à l'aide duquel ils « aiguisent » leur argumentaire. Par exemple, au cours des débats en réunions publiques, il n'est pas rare qu'un militant se réfère à un article qu'il a lu récemment.

Ainsi, le Monde Diplomatique remplit deux fonctions distinctes au regard de l'association. Il constitue, tout d'abord, une référence intellectuelle qui permet de se rattacher à un groupe de sympathies. D'autre part, certains l'utilisent comme un outil de formation et intègrent la lecture du mensuel dans leur militantisme. Ces deux usages ne sont, bien sûr, pas contradictoires mais complémentaires.

Ces observations appellent une remarque : la présence d'une culture commune au sein d'Attac renvoie à la première signification de l'« adhésion ». Adhérer60(*), c'est avant tout s'identifier à un ensemble de référents culturels et symboliques que s'attribue un groupement. Jacques Ion note que cette représentation de l'adhésion n'est plus de mise dans les organisations les plus récentes61(*). En revanche, elle était particulièrement présente dans le Parti communiste français. Marie-claire Lavabre, dans un ouvrage consacré à la sociologie de la mémoire communiste, a pu constater que le PCF constituait un groupe intermédiaire doté d'une culture spécifique62(*). L'adhésion au parti signifiait l'intégration à une communauté d'individus. Maurice Halbwachs parle de « communauté affective ».63(*) Le ressort de l'engagement était la similitude. La lecture du Monde diplomatique ne constitue bien sûr pas un vecteur d'intégration aussi important que la lecture de l'Humanité. Toutefois, on peut supposer que le mensuel contribue à la définition d'une identité collective.

F.E : Ils sont assez liés au Monde Diplomatique, tu le lis ?

Isabelle : Non, je ne le lis pas ! [Rires et expression de gêne]

F.E : C'est la preuve d'une culpabilité ?

Isabelle : Non pas du tout ! [Rires]

Fabien: Je ne le lis pas régulièrement car si je le lisais régulièrement il m'énerverait, donc je le lis de temps en temps, il me réconforte à certains égards. On y trouve un discours un peu différent de tout ce que l'on est accablé, c'est un discours rafraîchissant, surtout pour les économistes car on vit quand même dans une sorte de conformisme de la pensée économique qui est très fort. Et quand on peut trouver des idées un petit peu différentes, elles sont peut être stimulantes.

Luc : Dans le Monde Diplomatique, les articles qui se situent dans notre mouvance je les lis. [...] Je le parcours et si je trouve des choses intéressantes, tous les articles qui me permettent d'aiguiser mon argumentaire dans les discussions sur la mondialisation.

François : Le Monde diplomatique, c'est lu par beaucoup de gens. Il y en a qui en font un usage purement intellectuel, [...] et puis tu en as d'autres qui s'en servent comme un outil pour le militantisme, et moi c'est plutôt de ce côté-là que je me situe [...] Mais c'est un outil de militantisme, de formation intellectuelle, d'échange...

Thomas : Je pense que c'est un mensuel de réflexion qui nous donne bien les arguments, qui pose bien des questions de fond et qui fait le tour des sujets.

Les militants portent, cependant, un regard très différent sur la nature du journal qu'ils considèrent -parfois avec regret- comme trop « intellectuel ». Plusieurs enquêtés considèrent que Le Monde Diplomatique se situe dans une perspective critique sans que celle-ci s'accompagne d'un ensemble de contre-propositions sur les thèmes abordés. De plus, ils estiment qu'il s'agit d'un journal trop pessimiste, donnant une vision de l'homme et du monde qui apparaît parfois très sombre. Certains observent également que les analyses qui y sont développées sont trop manichéennes et s'apparentent trop à des dénonciations. Il semblerait qu'on puisse lier cette critique au manque de propositions formulées dans le mensuel.

Thomas : Ils ne sont pas non plus militant dans le sens où il n'y a pas en fin de paragraphe, pour éviter de faire ça, tu vois... C'est chacun qui fait ce qui veut avec ça. Mais les conclusions générales vont dans le sens de dire « Ça ne peut pas durer parce qu'on va vers la catastrophe », alors ça c'est un peu grave et il y a des sujets qu'ils abordent, tu vois qu'au niveau philosophique ils disent que l'être humain il n'est pas joli, joli et ça, ça me mine un peu le moral et tu te dis, il y a des sacrés salauds [...] L'être humain est vraiment bête à des moments.

Fabien : Je reconnais que Bernard Cassen s'exprime de manière très négative [..] Il se donne un peu le beau jeu et Le Monde diplomatique est un peu comme ça. Ils disent « Ce n'est pas comme ça qu'il faut faire » mais ils sont assez peu explicites sur les propositions. Ceci dit ? c'est souvent, que les gens sont bien dans la partie critique mais sont décevants dans la partie propositions.

Luc : J'ai lu le Monde Diplomatique, mais ça ne débouchait sur rien du tout... Je l'ai acheté régulièrement pendant deux ou trois ans, c'est en 1974 [...] Le Monde Diplomatique, il ne débouchait sur rien, car on faisait des analyses et il ne lançait rien derrière pour changer quelque chose. Je ne sentais pas la possibilité de changer quelque chose là-dessus[...].

Cécile : Je pense que c'est un très bon journal. Je suis d'accord globalement avec les articles [...] Après il y a des choses avec lesquelles je suis moins d'accord, par exemple Serge Halimi il m'énerve, il a un côté dénonciation qui m'énerve, il donne des bons et des mauvais points à tout le monde. C'est un côté un peu, voilà les impurs de la terre !

On peut remarquer qu'aucun enquêté n'a une lecture régulière du mensuel64(*). Ceci s'explique en partie par les critiques formulées précédemment mais aussi par le fait que le Monde Diplomatique constitue une lecture d'accès difficile. Ainsi certains militants font valoir que les articles sont très denses et qu'il est nécessaire de procéder à plusieurs relectures afin de pouvoir en assimiler le contenu. En outre, des interviewés, tels Fabien, regrettent que les articles soient trop répétitifs et que la mondialisation soit devenue le « fonds de commerce » du mensuel.

Toutefois, c'est après avoir adhéré à l'association que certains lecteurs se sont fidélisés. Par exemple, Luc lisait le Monde Diplomatique au milieu des années soixante-dix. Il a décidé d'arrêter, au bout de quelques années, car « ça ne débouchait sur rien du tout ». Depuis son adhésion à Attac, il le lit régulièrement. Cette observation confirme notre hypothèse65(*). L'adhésion nécessite l'adoption de certaines valeurs et de certains référents. Ce processus constitue la condition de l'intégration de l'adhérent à l'association, en tant que groupement humain. L'identification à ce groupe, c'est-à-dire le sentiment d'en être membre, apparaît donc davantage comme une construction que comme un donné immédiat.66(*).

La lecture du Monde Diplomatique relève donc aussi bien d'une formation personnelle que d'un phénomène symbolique; il s'inscrit dans le champ culturel des adhérents67(*). Il trace entre eux une référence intellectuelle commune. La lecture du mensuel préexiste pour beaucoup d'interviewés à leur adhésion. Plusieurs ont d'ailleurs trouvé leur bulletin d'adhésion dans les pages du journal comme c'est le cas pour Fabien, Luc, Laurent et Julie. Pour d'autres, en revanche, la lecture du journal a suivi leur adhésion. La lecture du Monde Diplomatique apparaît comme un rite initiatique d'entrée ou de rattachement à l'association en tant que groupe d'appartenance. Jacques Ion, qui étudie les évolutions des structures militantes, rend compte de l'intégration des individus dans une structure collective par la constitution d'une entité abstraite, le « Nous »68(*), qui se caractérise par une très forte proximité entre les adhérents. Un ensemble de pratiques organise cette sociabilité et apporte une naturalité au groupe en le dotant d'un « répertoire commun »69(*). La lecture du Monde Diplomatique fait partie de cet ensemble de rites qui intègrent chaque individu à Attac en tant que groupement intellectuel et militant. Sa lecture constitue un signe manifeste d'engagement dans le groupement.

C'est au sein de cette trame idéologique et culturelle que va apparaître l'acte de naissance symbolique de l'association.

Fabien : Je ne le lis pas régulièrement car si je le lisais régulièrement il m'énerverait, donc je le lis de temps en temps [...] En ce moment je ne l'ai pas lu, je le lis de manière intermittente. J'ai mes périodes « Monde Diplomatique » et puis après je laisse tomber pendant un certain temps. Je n'ai pas dû le lire depuis trois ou quatre mois. Il parle beaucoup des revendications et des mouvements internationaux mais c'est normal car c'est un peu leur fonds de commerce [...] Mais j'ai quand même une impression de répétition, car ce sont souvent les mêmes thèmes qui reviennent. Donc on peut interrompre pendant un certain temps et lorsqu'on reprend se retrouver tout de suite dans la mouvance.

Thomas : C'est un journal que j'achète de temps en temps, tous les deux mois, parce que pour digérer tout ce qu'il y a dedans et puis ça me donne pas le moral !

Julie : Maintenant Le Monde Diplomatique je lis très régulièrement depuis que j'ai adhéré à Attac. Je ne le lis pas entièrement car déjà qu'il faut que je lise 3 à 4 fois un article pour bien intégrer et donc il faut du temps.

Luc : Puis j'ai lu quand même pendant pas mal de temps le Monde Diplomatique, et puis j'ai abandonné la lecture du Monde Diplomatique parce que j'en avais ras-le-bol de lire des articles qui me paraissaient très censés mais qui faisaient une analyse de ce qui se passait dans tous les pays et dans le monde et qui était toujours pareil... Et puis j'en avais marre parce que ça ne débouchait sur rien du tout et donc j'en avais ras-le-bol !

1.1.1.2 La construction symbolique de l'origine

En 1997, alors que la crise monétaire et financière partie de Thaïlande se propage à toute l'Asie du sud-est, Igniacio Ramonet signe dans le Monde Diplomatique du mois de décembre un éditorial intitulé « Désarmer les marchés »70(*). Dans celui ci, Ramonet condamne la mondialisation financière conduite par quatre institutions économiques internationales qui «parlent d'une seule voix [...] pour exalter les «vertus du marché » » : Le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale, l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE). Afin d'enrayer les dérives de la spéculation financière, il propose d'instaurer une taxe sur les revenus financiers : la taxe Tobin (du nom d'un économiste américain qui en fit la proposition en 1972). Afin de mettre en place celle-ci, il termine l'éditorial par une proposition : « Pourquoi ne pas créer, à l'échelle planétaire, l'organisation non-gouvernementale d'Action pour une taxe Tobin d'aide aux citoyens- Attac. En liaison avec les syndicats, les associations à finalité culturelle, sociale ou écologique, elle pourrait agir comme un formidable groupe de pression civique auprès des gouvernements pour les pousser à réclamer, enfin, la mise en oeuvre effective de cet impôt mondial de solidarité ». Cette proposition rencontra un écho favorable auprès de nombreux lecteurs et fut reprise par d'autres médias. Des lettres de soutien arrivèrent : des courriers individuels, des lettres d'associations, de syndicats, de journaux, tous prêts à soutenir cette initiative. La rédaction du Monde Diplomatique, en collaboration avec les publications Charlie Hebdo, Politis et Transversales, organisa en mars 1998 une première réunion à Paris. L'association Attac (Action pour une Taxe Tobin d'Aide aux Citoyens) fut créée le 3 juin 199871(*) autour d'un collectif de publications, de syndicats et d'associations. A cette occasion, les premières structures ont été mises en place : un Conseil d'administration, un bureau provisoire ainsi qu'un Conseil scientifique.

C'est ainsi qu'est présentée la constitution d'Attac dans les documents officiels de l'association72(*) et c'est également ainsi que la presse en a rendu compte73(*). L'éditorial de Ramonet est mis en avant comme étant l'origine d'Attac. Il est qualifié, à posteriori, d' «appel »74(*). Il s'agit d'un terme très connoté puisqu'il renvoie aux mouvements de résistance populaire comme « l'appel du 18 juin » lancé par De Gaule. Cet éditorial constitue également une référence commune dans la culture militante d'Attac. Beaucoup d'enquêtés l'évoquent spontanément, à propos du Monde Diplomatique. Il serait le point de départ de l'association et aurait provoqué chez de nombreux lecteurs un sursaut « citoyen » qui les aurait amenés à s'engager. Ce fut le cas par exemple de Lionel qui était depuis les années quatre-vingt dans une phase de « sommeil » militant. La lecture de l'éditorial a eu sur lui un impact très fort. Il qualifie sa réaction de « prise de conscience ou de rencontre avec quelque chose ». Cet article a donc eu sur l'engagement de Lionel, qui a adhéré un mois après la création d'Attac, un rôle très important.

Toutefois, les autres enquêtés avouent ne pas avoir lu l'éditorial lors de sa publication et ceux qui l'ont parcouru n'ont pas réagi à sa lecture. Il est étonnant que l'article de Ramonet soit présenté comme le point de départ, non seulement de l'association, mais aussi de l'engagement des militants alors qu'il a eu très peu de conséquences sur les adhérents. Les brochures d'Attac commémorent cette date symbolique de décembre 1997 comme une référence incontournable de l'association. Cette présentation s'apparente à un travail de symbolisation. Il s'agit de faire de l'éditorial du Monde diplomatique une référence dans la culture militante des Attacants. S'il apparaît comme un symbole de la fondation d'Attac, ce qui vaut à Ramonet d'être considéré comme le père spirituel d'Attac, ce n'est pas tant par les répercussions effectives qu'il a eues sur l'engagement des militants que parce qu'il a été construit comme tel75(*). Il apparaît comme le point de départ dont tout est parti mais aussi comme une référence au sein de la mémoire collective de l'association.

La narration du lancement de l'association s'apparente à un mythe qui est difficilement crédible. Comment expliquer que le nom de l'association figurait déjà dans l'éditorial ? Comment rendre compte du fait qu'un nombre conséquent d'associations se soient immédiatement ralliées à cette proposition ? Il est probable que le projet de cette association était antérieur à l'éditorial. Des réunions préparatoires ont probablement dû avoir lieu entre les responsables de plusieurs organisations. Il est dangereux de spéculer sur l'origine de l'association, mais il serait naïf de se rallier à l'idée qu'un éditorial puisse lancer une association aussi bien structurée qu'Attac.

La naissance de l'association relève donc essentiellement du symbolique. Elle a été mise en scène par un ensemble de procédés visant à conférer un élan à son lancement. La spontanéité et la nouveauté qui ont été attribuées à l'origine d'Attac vont désormais apparaître comme les qualités propres du mouvement. Ces attributs se prolongent dans la présentation qui est faite de l'association.

F.E : Est-ce que vous êtes un lecteur du Monde Diplomatique ?

Lionel : Oui, d'ailleurs j'avais lu l'éditorial de Ramonet et il a eu un impact très fort sur moi. Il était très en liaison avec beaucoup de questions que je me posais alors. Sa lecture a été quelque chose de... très affectif pour moi ! Ça était un peu comme une prise de conscience ou de rencontre avec quelque chose, quelque chose de très fort.

F.E : Il y avait eu un édito de Ramonet qui avait été assez connu «désarmer les marchés financiers », tu l'avais lu ?

François : Oui j'avais lu ça... Mais bon...

Thomas : J'avais lu l'édito de Ramonet mais je n'avais pas plus réagi que ça et c'est après en entendant les gens parler et en voyant que beaucoup de gens réagissaient par rapport à ça... Sinon j'ai laissé un peu le temps coulé et après j'ai pris mon adhésion en 1998.

Julie : Je lisais de temps en temps le Monde Diplomatique et j'en ai entendu parler comme tout le monde dans le Monde Diplomatique, je sais qu'il y avait eu la déclaration... enfin l'article de Ramonet mais je ne l'avais pas lu car je ne le lisais pas régulièrement.

1.1.2 La présentation de soi

1.1.2.1 Le rattachement à l'éducation populaire

Les publications officielles décrivent Attac comme « une association qui se veut un mouvement d'éducation populaire tourné vers l'action »76(*). Par cette appellation les dirigeants souhaitent s'inscrire dans la continuité des « associations et fédérations « historiques », qui se sont consacrées à la formation à la citoyenneté pendant des décennies »77(*). Toutefois, il s'agirait non seulement de poursuivre mais également de renouveler l'idée même d'éducation populaire. Ainsi, Bernard Cassen juge que les mouvements d'éducation populaire « n'ont pas su s'articuler avec les mouvements sociaux de ces dernières années qui, eux, se veulent des acteurs directs de la citoyenneté active, ici et maintenant, sur les terrains les plus divers.»78(*). Ces mouvements « historiques » seraient en décalage avec les organisations syndicales, qui sont « autant d' « écoles » de citoyenneté » et avec les associations nées du « mouvement social » (associations de chômeurs, de « sans-logis », de « sans-papiers »)79(*). C'est la raison pour laquelle il suggère qu'Attac renouvelle les formes de l'éducation populaire en inscrivant celle-ci dans l'action et les « luttes actuelles ». L' « originalité d'Attac serait d'avoir réuni ces trois « mouvances » autour d'un objectif dans lequel elles peuvent toutes se reconnaître : « reconquérir les espaces perdus de la démocratie au profit de la sphère financière »80(*).

La référence à l'éducation populaire étant une des principales caractéristiques d'Attac, il est probable qu'elle occupe une place importante dans l'engagement des adhérents. Cependant, au cours des entretiens, très peu d'enquêtés se réfèrent spontanément à cette thématique. Lorsque les enquêtés sont interrogés sur ce thème, la plupart reconnaissent que cette référence est légitime. Toutefois, les représentations de ce qu'est l'éducation populaire sont très hétérogènes. Thomas perçoit l'éducation populaire comme étant, avant tout, destinée aux non-adhérents de l'association. Il s'agit, selon lui, d'informer les gens pour qu' « ils puissent ensuite se positionner ». Lionel pense qu'elle permet également aux adhérents de se former. L'éducation populaire ne semble pas avoir l'impact qu'on aurait pu attendre sur l'engagement des adhérents. En effet, les enquêtés rapportent avant tout le thème au militantisme et aux modes d'action que propose l'association. Aucun n'évoque l'éducation populaire comme étant un ressort de son engagement personnel. Luc observe, toutefois, qu'il a déjà été membre d'une association d'éducation populaire « qui se voulait aussi, tournée vers l'action ».

En revanche, plusieurs interviewés adoptent un regard critique vis-à-vis de cette référence. Par exemple, Cécile, qui estime connaître cette thématique du fait qu'elle dispose de plusieurs expériences dans le domaine de la formation à l'animation, considère qu'il n'y a « pas vraiment [une] filiation entre les deux ». François explique « qu'il faudrait trouver autre chose comme philosophie ». Il s'agit, selon lui, d'un terme trop « intellectualiste ». Cela revient à vouloir « porter la bonne parole » auprès des non-adhérents. On peut remarquer que ceux qui légitiment cette référence sont ceux qu'on a précédemment décrits comme étant des « nouveaux » militants et qui sont pour la plupart des individus déçus de leurs expériences militantes précédentes. A l'inverse, ceux qui critiquent cette référence figurent comme étant des militants « professionnels ». On peut supposer que la référence à l'éducation populaire constitue un thème fécond en faveur de l'engagement militant car elle permet de proposer un mode de militantisme distinct de celui qui s'est développé au cours des années quatre-vingt et qui apparaissait plus éloigné des préoccupations des adhérents81(*).

Thomas : C'est un moyen... de revenir aux mouvements d'éducation populaire... C'est un moyen de concentrer de la formation et de la diffuser pour que justement, les gens qui veulent après participer à des mouvements d'émancipation puissent, enrichis de ces informations. Si c'est dans ce sens-là alors oui, Attac participe à l'émancipation des travailleurs. Après, pour moi, il va falloir, on revient toujours à des opinions personnelles, il va falloir que les gens, une fois qu'ils ont ces informations, qu'ils regardent autour d'eux [...] Mais il faut d'abord commencer par justement informer pour que les gens puissent ensuite se positionner. Et ça c'est un travail qui est gigantesque, parce qu'on a en face de nous le reste des médias, quoi.

Lionel : Je pense qu'elle est tournée vers deux groupes. Tout d'abord vers nous parce que nous avons besoin d'une formation comme par exemple en économie. Très peu de personnes dans l'association ont une formation économique. Mais aussi vers les gens de l'extérieur afin de les informer.

Luc : On a fait partie, suite à 1968, d'un mouvement qui s'appelle « Vie Nouvelle » et qui se réclamait du personnalisme communautaire d'Emmanuel Mounier. Le personnalisme communautaire, il y a le mot personne, individu là-dedans et on vit dans une communauté [...] C'était aussi un mouvement d'éducation populaire, qui se voulait aussi tourné vers l'action et c'est à cette époque là, c'était un mouvement très catholique, qui était issu du PSU à l'époque.

François : Je sais qu'Attac se revendique comme ça [un mouvement d'éducation populaire ] mais j'ai très peur... Pour moi éduquer la base ou le peuple... Ça peut paraître un peu paradoxal pour quelqu'un qui est communiste ou marxiste. Je ne dis pas que c'est ce que propose Attac mais je pense qu'il faudrait trouver autre chose comme philosophie. C'est un rapport simplement intellectualiste à la chose, c'est-à-dire nous les militants, et ça c'est aussi bien des militants de base que la direction d'Attac ou le Conseil scientifique, on va faire un mouvement d'éducation populaire pour les autres et pour ceux qui ne militent pas encore ! C'est aussi une vision du monde. Il y a ceux qui portent la bonne parole. Les autres ils n'attendent qu'une chose c'est d'être éduqués pour se mettre en action. Je pense qu'il y a d'autres ressorts qui font que les gens ne se battent pas aujourd'hui.

Cécile : Attac se revendique de l'éducation populaire mais je ne vois pas vraiment la filiation entre les deux. Attac c'est quand même très politique et ça n'a pas grand-chose à voir avec les mouvements d'après-guerre comme le CEMEA.

Cette dénomination n'était pas présente lors de la constitution de l'association. Ce n'est qu'à partir d'avril 1999, que le terme d'éducation populaire va être utilisé pour qualifier l'association82(*). Depuis, Attac est constamment présenté ainsi, dans ses publications officielles83(*) mais également au sein des médias84(*). Il est alors légitime de s'interroger sur la provenance de cette « étiquette ». Elle répondrait à une attente formulée par les adhérents85(*). Mais il semblerait également qu'on puisse expliquer cette évolution à partir de la position personnelle du président de l'association. En effet, Bernard Cassen semble très attaché au fait qu'Attac soit un mouvement d'éducation populaire. Il a d'ailleurs publié un article dans le Monde Diplomatique, en juin 1997, dans lequel il défendait l'idée d'une « nécessaire refondation de l'éducation populaire »86(*). Il y tenait un discours identique à celui qu'Attac diffuse dans ses documents. Pourquoi avoir voulu raccrocher Attac à cette thématique ? Tout d'abord, qualifier Attac de mouvement d' « éducation populaire » lui permet de se positionner dans la lignée d'un long passé associatif87(*). Il l'inscrit dans une tradition et lui permet de dépasser la qualification d'association anti-mondialiste. De plus, par cette référence, Attac rejoint « l'intérêt pour le bas » -intérêt qui constitue, selon Jacques Ion, l'un des principaux attributs des mouvements d'éducation populaire88(*). Cette affiliation constituerait un mode de présentation de l'association qui aurait été adopté afin d'en modifier la perception et la représentation. Il est possible d'y voir une mise en scène de l'image de l'association au sein de la sphère publique. Il s'agirait, à l'aide de ce travail de « marketing », d'attirer de nouvelles sympathies et permettre ainsi la progression des adhésions.

1.1.2.2 La construction d'une dynamique associative

Concernant la présentation d'Attac, le second élément qui peut être mis en avant réside dans l'accroissement des adhésions. Les documents officiels de l'association et les articles de presse se réfèrent de façon systématique à l'ascension rapide qu'a connue l'association. Le lancement des adhésions individuelles commença en juillet 1998, après que les cadres de l'association eurent été mis en place. La progression du nombre d'adhérents déclarés par l'association est considérable : trois années après le lancement, Attac revendique 30 000 adhérents89(*). La présentation de l'association diffusée par les documents officiels et les médias est celle d'un mouvement doté d'une forte dynamique. Bernard Cassen, qui s'amuse à se présenter comme un « entrepreneur »90(*) dirigeant une des start-up citoyennes les plus audacieuses, met sans cesse en avant ce dynamisme : « Le phénomène Attac intrigue, et parfois même déconcerte : comment se fait-il qu'en un temps de prétendue « dépolitisation » une association [...] accueille chaque semaine en son sein plusieurs centaines de nouveaux membres, dont un nombre significatif de jeunes ? »91(*). Les médias confrontent également ce « renouveau » de l'engagement à la perte de vitesse des organisations politiques et syndicales92(*). Cette représentation est très présente au cours des entretiens. Lionel explique qu'il est assez étonné de voir à chaque réunion autant de nouvelles personnes se présenter. Jusqu'en décembre 2000, une personne se chargeait d'informer en début de réunion les nouveaux arrivants. Isabelle affirme, également, que les réunions du groupe « campus » attirent « pas mal de nouvelles têtes ».

Lionel : À partir de là, certains ont organisé à nouveau une rencontre dans une autre commune et puis il y a eu une trentaine de personnes. C'était assez surprenant car les réunions mensuelles à Grenoble rassemblent entre 30 et 60 personnes. Dans ce groupe, il y a un tiers de personnes qu'on peut voir aux réunions mensuelles, un tiers de personnes qui viennent rarement aux réunions mensuelles et puis un tiers de gens qui viennent pour la première fois, souvent des gens qui ont entendu parler d'Attac et qui sont intéressés. À chaque fois il y a des gens nouveaux et qu'on retrouvera la fois suivante ou pas. Comme on ne le dit pas ça se fait uniquement de bouche-à-oreille [...] Il y a beaucoup de gens qui viennent se renseigner sur l'association. Il y avait tellement de gens nouveaux avant qui venaient à chaque assemblée plénière qu'on prenait un groupe à part pour faire un briefing sur l'association.

Isabelle : Le fait de voir qu'il y a un groupe de jeunes qui bougent et qui ont des idées, ça permet d'attirer d'autres gens. J'ai vu au cours de l'année, le groupe s'est élargi par rapport au début d'année. La première fois ça date de janvier et depuis je vois pas mal de nouvelles têtes arriver. À chaque fois il y a presque une douzaine de personnes alors qu'au début on était moins nombreux.

Attac traduirait donc un renouveau de l'engagement. L'engouement qu'a suscité l'association n'est pas contestable au vu des adhésions. Toutefois, il s'agit de mettre en évidence la manière dont cette progression a été présentée et déformée. Le nombre d'adhérents est un facteur très important dans l'engagement de nombreux militants, il explique également l'intérêt médiatique qui est porté à l'association. Cependant cette progression est artificiellement surévaluée. La direction nationale comptabilise comme étant adhérents, tous ceux qui ont souscrit à l'association depuis son lancement en juin 1998. Les non-renouvellements d'adhésion ne sont pas pris en compte. Par exemple, parmi les 5300 adhérents de 1998, seulement un tiers (soit 1800) avaient renouvelé leur adhésion en septembre 199993(*). Cela induit un différentiel croissant entre les cotisants et les adhérents. Ainsi, en septembre 1999, le chiffre de 12 000 adhérents était revendiqué, tandis que 8 800 cotisations avaient été perçues94(*). En septembre 2000, alors que l'association revendiquait 27 000 adhérents, elle ne comportait que 17 000 cotisants95(*). En juin 2001, un article de Libération96(*) faisait état du chiffre de 30 000 adhérents tandis que l'association ne comportait « que » 24 000 cotisants97(*). Enfin en août 2001, Attac revendiquait 38 000 adhérents mais comptait 21 000 cotisants98(*). La différence entre les adhérents et les cotisants était de 3 200 en septembre 1999, elle était de 10 000 en septembre 2000 et de 17 000 en août 2001. On peut supposer que cette comptabilisation des adhérents a pour but d'amplifier la progression que connaît l'association.

Cette technique a peut-être également été employée lors du lancement de l'association. Lors des premiers mois de lancement, le Monde Diplomatique rendait compte chaque mois de l'avancement de l'association. Le mensuel publiait également, à l'occasion, le nombre d'adhésions qui avaient été comptabilisées. Toutefois, il apparaît que le nombre alors délivré ne correspond pas au nombre d'adhésions qu'il est possible de relever dans les documents de l'association. Par exemple, le Monde Diplomatique proclamait qu'à « la fin du mois de juillet, environ 4000 personnes avaient demandé des informations sur l'association et 1500 avaient adhéré »99(*) tandis que seuls 1 000 adhérents étaient déclarés par l'association. Dans son édition de septembre, il était annoncé que « déjà l'association compte près de 2 500 membres et le flux des adhésions, qui ne s'est pas interrompu en août, devrait s'amplifier en septembre »100(*), à cette date l'association atteignait 1500 adhérents. Il est légitime de se demander si les déclarations du Monde diplomatique ne s'apparentent pas à de la « publicité mensongère ». Le nombre d'adhésions aurait été surélevé dans le but de stimuler les lecteurs du mensuel les plus hésitants à adhérer. Ces déclarations erronées et ce mode de comptage des adhérents s'apparentent à ce qu'il est possible d'appeler une « prophétie auto-réalisatrice ». En se présentant comme un mouvement dynamique, l'association a instrumentalisé son succès initial, qui n'est pas mis en doute, et a ainsi suscité de nouvelles adhésions. Le dynamisme attribué à Attac serait la conséquence d'une stratégie de présentation adoptée par ses fondateurs. Cette mise en scène fut rendue possible grâce à la couverture médiatique très large dont a bénéficié l'association et qui a permis de diffuser une image qui était davantage le reflet de la volonté des dirigeants que de la réalité de l'association.

1.1.2.3 La stratégie de médiatisation

Dès son lancement, Attac a bénéficié d'un intérêt très prononcé de la part des médias. Lors des premiers mois, de nombreux articles ont relaté la constitution de l'association. Les premières rencontres nationales, qui ont eu lieu le 17 octobre 1998 à la Ciotat, ont également été très suivies par les médias, tandis que l'association comptabilisait moins de 4000 adhérents. La presse semble avoir témoigné d'un intérêt pour l'association qui paraît disproportionné au regard de la croissance du mouvement. Cet intérêt semble d'ailleurs être réciproque car l'association n'est pas indifférente au regard que lui portent les médias. Il est, bien sûr, indispensable pour la plupart des organisations qui souhaitent occuper la sphère publique de bénéficier d'un relais médiatique. Toutefois, les documents de l'association consacrent beaucoup d'importance aux articles que la presse publie sur Attac. Deux mois après le lancement, un article du Monde diplomatique remarquait que « comme le prouve plusieurs articles commentant sa création, notamment celui paru dans le Point, Attac dérange déjà : c'est un bon signe ! Une raison supplémentaire pour que l'association soit aussi forte que possible à la rentrée »101(*). Bernard Cassen n'hésite pas à interpréter la médiatisation du mouvement comme un signe de succès102(*). Les exemples pourraient être multipliés. Cette médiatisation est, selon nous, amplifiée. Elle relève également d'un phénomène « d'auto réalisation » qui a pour but d'accomplir ce qui est affirmé. Le discours n'exerce pas seulement dans cette situation une fonction déclarative, mais il a également une disposition performative, c'est-à-dire qu'il exerce une action sur la réalité dont il prétend rendre compte103(*).

La médiatisation dont a bénéficié Attac s'explique par certaines stratégies qui ont été mises en place dès sa création. Tout d'abord, le lancement de l'association par un ensemble de personnes morales, mais surtout de personnes physiques qui sont pour la plupart « célèbres », rend compte de cette volonté de promouvoir Attac au sein des médias. Comment expliquer autrement la présence de Manu Chao au sein d'un comité composé essentiellement d'économistes et de chercheurs ? D'autre part, la présence de nombreux journaux (huit) au sein des personnes morales témoigne de la tentative de publiciser la constitution de l'association. Les premiers articles consacrés à Attac ont d'ailleurs été publiés par ces revues.

Les dirigeants ont toujours su mettre à profit les médias dans le développement d'Attac104(*). Dès le mois de juin, des conférences de presse nationale ont été organisées à l'initiative du bureau. L'association s'est mise à la disposition des journalistes pour faciliter leur travail. Cette médiatisation a été renforcée depuis la conférence de Seattle, en décembre 1999, à partir de laquelle les contre-sommets se sont multipliés. D'ailleurs, dans les médias, Attac est mis en avant de façon excessive vis-à-vis des autres organisations qui sont présentes. Ainsi, lors des actions unitaires, Attac tient le plus souvent le « haut du pavé » et « vole la vedette » aux autres organisations présentes. Il est difficile de rendre compte de ce phénomène105(*). Toutefois, il semblerait qu'il puisse être expliqué en partie par une tentative délibérée de la part des dirigeants d'accentuer la médiatisation du mouvement. Par exemple, lors du contre-sommet de Gênes, qui s'est déroulé du 16 au 22 juillet 2001, une manifestation a eu lieu le 17 juillet sur l'initiative d'Attac106(*). Les organisateurs du groupe Attac ont fait circuler l'information et le lieu de départ. Toutefois, il s'est avéré, qu'il n'y avait au sein du cortège qu'une « cinquantaine » de militants, soit autant que le nombre de journalistes. Cela témoigne d'une volonté de médiatiser le mouvement au détriment d'une réelle représentativité de la manifestation. Cette anecdote rend compte de façon précise des stratégies qui sont privilégiées par la direction nationale d'Attac107(*).

La médiatisation dont bénéficierait Attac serait davantage le résultat d'une mise en scène et d'un travail de publicisation de l'image de l'association qu'un reflet réel de l'importance du mouvement. Un fait peut étayer cette hypothèse : tandis que l'association a profité de l'intérêt des médias dès son lancement, le comité isérois n'a été médiatisé que très tardivement. Le comité a été créé en novembre 1998 mais jusqu'en décembre 2000, à l'occasion du congrès du P.S qui a eu lieu à Grenoble, la présence d'Attac Isère dans les journaux locaux est quasi inexistante. Luc, le président isérois, explique d'ailleurs qu'aucun journaliste ne se présentait aux conférences de presse qui étaient organisées. En revanche, les articles se sont multipliés depuis quelques mois. A l'occasion du défilé du 1er mai, un article du Dauphiné Libéré note la présence d'un cortège Attac108(*). De même, un article relate la journée d'action consacrée aux paradis fiscaux organisée par le comité. Un article du Dauphiné Libéré fut consacré exclusivement au comité local. Enfin, une journaliste fut chargée de suivre à Gênes les militants isérois venus manifester. Cette couverture médiatique, dont bénéficie actuellement le comité, peut sembler assez tardive en comparaison de l'écho dont a profité l'association au niveau national. Cela confirmerait le fait qu'il y ait eu une sur-médiatisation d'Attac, celle-ci étant due, en partie, à une mise en scène de la présence de l'association au sein de l'espace public.

Luc : Depuis peu, on commence à être pris au sérieux par le Dauphine Libéré, on a rencontré ce matin une radio extrémiste. Mais à mon avis, on ne fait pas assez d'information par rapport aux médias. Il faut aussi qu'ils soient ouverts. Maintenant, il semble qu'on y passe. Il faudrait qu'on envoie systématiquement tous nos dossiers à tous les médias mais nous n'avons pas ses contacts. Ceci dit nous avons fait plusieurs fois des conférences de presse où personne n'est venu. Par exemple avant une manifestation quelle qu'elle soit, on essayait plusieurs fois de faire des conférences de presse. C'est depuis un mois ou deux, que ça commence vraiment à marcher.

La mise en place de l'association ne correspond pas à la spontanéité que revendiquent les dirigeants nationaux. Il semblerait que cette représentation soit issue d'un processus de mise en scène du lancement de l'association et de son image. C'est en présentant Attac comme un mouvement dynamique orienté vers la « modernité » (par le thème de la mondialisation) et qui s'ancre dans une tradition associative (l'éducation populaire) qu'un ensemble de sympathies et d'engagements ont pu naître. Ce renouveau de l'engagement citoyen serait donc essentiellement une construction. Il ne s'agit pas de nier l'effectivité de cet engagement mais simplement d'en remettre en cause la spontanéité.

Toutefois ceci n'explique pas adéquatement les motifs de cette mise en scène. Le mouvement dispose désormais d'une certaine dynamique et il n'apparaît plus nécessaire de la promouvoir de façon excessive. De plus, pourquoi vouloir naturaliser la création d'Attac en présentant l'association comme l'émanation des citoyens ? Il semblerait que cette représentation vise à légitimer le fait qu'Attac ait été crée de façon nationale. Attac est avant tout un mouvement de citoyens. C'est pourquoi le rôle du national ne serait pas de « diriger » les membres de l'association mais de les « coordonner ». Le national et le local apparaissent donc comme deux instances qui sont indispensables l'une à l'autre. 1.2 Une dialectique entre le local et le national ?

L'éditorial « Désarmer les marchés » correspond à la référence intellectuelle d'Attac; il est à ce titre un des textes les plus essentiels du mouvement. Toutefois, il n'est doté d'aucune valeur juridique. C'est en juin 1998, soit six mois après, que les fondements statutaires sont élaborés. Ils affectent à l'acronyme formulé par Ramonet la personnalité juridique. Ce qui n'était avant que des idées et des voeux pieux dans l'article du Monde Diplomatique devient dés lors des revendications. Toute une organisation, statutaire mais aussi matérielle, est progressivement mise en place afin de soutenir la lutte contre les marchés financiers.

1.2.1 Les statuts et l'organisation d'Attac

1.2.1.1 La charte fondatrice

Six mois après la parution de l'éditorial, un ensemble d'organisations et de personnalités furent réunies afin d'assurer le lancement de l'association. Lors de l'Assemblée générale constitutive du 3 juin 1998, les membres fondateurs signèrent la charte et déposèrent les statuts de l'association. Chaque organisation apporta une somme comprise entre 5 000 et 35 000 frs afin de couvrir les frais de lancement109(*). Bernard Cassen110(*), directeur général du Monde Diplomatique, fut élu président de l'association, tandis que Igniacio Ramonet, directeur du Monde Diplomatique devint président d'honneur. La charte de l'association est le texte par lequel les signataires s'accordent sur un ensemble d'objectifs communs111(*). Elle présente, tout d'abord, les conditions dans lesquelles l'association est apparue : une aggravation de « l`insécurité économique et [des] inégalités sociales [...] la progression des partis antidémocratiques [...] la liberté totale de circulation des capitaux [...] l'accroissement permanent des revenus du capital au détriment de ceux du travail, la généralisation de la précarité et l'extension de la pauvreté». La charte évoque, ensuite, la possibilité de mettre en place des « alternatives » telles que la taxe Tobin qui « mettrait du sable dans les rouages de la spéculation ». Un ensemble de revendications précises et d'intentions plus larges figurent dans la charte. Ces objectifs ont d'ailleurs été repris pour la constitution du mouvement international Attac. Enfin, les signataires s'engagent à « créer l'association Attac, qui leur permettra de produire et de diffuser l'information pour agir en commun, tant dans leurs pays respectifs, qu'au niveau européen et international ». Cette charte, qui fut signée par les 58 membres fondateurs, a servi ultérieurement de « déclaration d'intention » à l'ensemble des comités locaux qui se sont constitués.

Au cours des entretiens, il est apparu que les militants isérois semblaient très attachés à la charte de l'association. En effet, alors que seuls les membres les plus militants se réfèrent aux statuts de l'association, la charte apparaît comme une référence commune aux adhérents. Il s'agit, selon Thomas, d'un document qui permet à tous les adhérents de l'association d'avoir « la même base ». Selon Julie, elle permet de donner à Attac « une certaine cohérence ». La structure nationale d'Attac est donc perçue par les militants isérois comme quelque chose de légitime. Elle serait même, selon eux, la seule possibilité de fonctionnement de l'association.

Thomas : Moi je pense que c'est bien, parce que déjà au niveau de l'information et au niveau de la charte et de la base de l'adhésion, on a tous la même base. C'est une base qui est donnée par le national et sur laquelle, à la limite on pourrait agir en disant que ça ne convient pas. Ça s'est fait par exemple dans les tarifs, au niveau des retraités. Donc déjà, en adhérant tous sous la même charte avec [...] les membres fondateurs. Tout le monde a les mêmes informations et si les gens adhèrent, ils adhèrent à ça. Parce qu'après ça peut amener des dérives au sein de petits comités locaux qui... Pour des tas de raison...

Julie : Attac est une association nationale et internationale il y a donc une certaine cohérence à avoir, il est nécessaire qu'il y ait des instances de décision communes. Déjà il y a la charte qui assure une base commune, sachant que dans certaines villes il y a trois comités locaux.

Luc : Attac c'est un peu la même chose, sauf qu'on défend quelque chose qui n'a jamais été remis en cause par personne et ça me semble important, c'est la charte initiale d'Attac. Pour moi la charte initiale d'Attac n'a jamais été remise en cause à ma connaissance par personne. Ça me semble primordial.

1.2.1.2 Les statuts de l'association

Le fonctionnement de l'association repose sur les statuts qui furent adoptées le 3 juin 1998112(*). Ils distinguent deux types de membres. « Les membres fondateurs, réunis en collège, sont les personnes qui ont créé l'association et celles qu'elles désigneront, à la majorité des deux tiers, pour les compléter ou les remplacer, le cas échéant. Les membres actifs sont les autres personnes qui auront adhéré à l'association »113(*). L'association est dotée d'un Conseil d'administration, d'un bureau, d'un président, et d'un Conseil scientifique. Le Conseil d'administration est composé de 30 membres élus pour un mandat de trois ans et rééligibles sans limitations. Sur les 30 administrateurs, 18 émanent du collège des membres fondateurs et 12 de l'ensemble des membres actifs. Les réunions du C.A ont lieu « aussi souvent que l'intérêt de l'association l'exige »114(*) avec un minimum de deux réunions par an. Le bureau est composé du président et des vice-présidents, du trésorier et de membres. Il est chargé de la gestion de l'association « dans le cadre des orientations fixées par le Conseil d'administration ». Le président « est désigné par le Conseil, parmi les membres fondateurs, à la majorité absolue au premier tour et deuxième tour, et à la majorité simple au troisième »115(*). Le président exerce trois rôles. Il a, tout d'abord, une fonction de représentation de l'association. D'autre part il dirige les réunions du bureau, du C.A et de l'Assemblée générale, qu'il préside. Enfin, il assure le respect des statuts et du règlement intérieur. Depuis la fondation d'Attac, Bernard Cassen occupe la fonction de président. Il fut élu en juin 1998, puis fut réélu en octobre 1999 lors des assises de la Ciotat116(*). Le collège des fondateurs est composé de toutes les personnes physiques et morales qui ont créé l'association117(*). Parmi le collège des fondateurs118(*) figurent dix personnes physiques et 48 personnes morales dont des associations comme AC! (Agir ensemble contre le chômage), Droit au Logement, Droits Devant !, la C.ADAC (Coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception) mais également des syndicats comme la Confédération paysanne, SUD-PTT et le syndicat de la magistrature, et enfin des publications comme par exemple Alternatives Économiques, Charlie Hebdo, Politis, Témoignage Chrétien. L'association s'est enfin dotée d'un Conseil scientifique. Il s'agit d'un organe dont le rôle est de proposer au C.A, « les axes de recherche de l'association »119(*). Il produit, pour cela, un ensemble de documents pouvant servir de fondement et de référence intellectuelle aux revendications portées par Attac120(*). Il organise ses travaux « en toute indépendance »121(*). Toutefois, on peut noter que son président et ses membres sont nommés par le Conseil d'administration. Le Conseil scientifique est présidé, depuis le lancement de l'association, par René Passet, professeur émérite à l'université Paris I.

Les prises de position de l'association sont effectuées, selon les statuts, au sein du C.A. Pour chaque thème abordé, le Conseil scientifique produit un projet qui est soumis au C.A. Le document peut alors être adopté comme un statut de document de travail du conseil et il n'engage alors pas publiquement la responsabilité de l'association. Le C.A peut également choisir de prendre position officiellement et le texte est alors publié dans Lignes d'Attac122(*) et dans les ouvrages édités au nom de l'association123(*).

L'esprit sur lequel reposeraient les statuts, selon les fondateurs d'Attac, est celui de la « participation » et de la « mutualisation ». Ils présentent la structuration de l'association comme une « organisation en réseau ». C'est pourquoi Attac a été conçu comme une « association nationale - et non pas [une] fédération-, elle permet à chaque adhérent de participer et de contribuer à son développement avec la même pertinence124(*) ». Cette structuration permettrait d'assurer une meilleure participation de chacun ainsi qu'une diffusion de l'information plus rapide et plus efficace. Il s'agit, par exemple, de rassembler par un lien souvent virtuel (c'est-à-dire par le biais d'Internet qui occupe une place centrale dans l'association) des milliers de personnes : les membres du national, les membres des comités locaux, les traducteurs bénévoles et les autres sections de l'étranger. Toutefois, à la lecture des statuts, on s'aperçoit du rôle déterminant joué par les membres fondateurs. Le collège des fondateurs n'occupe pas en tant que tel une place importante. Il propose au C.A « les grandes orientations et lignes d'actions de l'Association »125(*). Le Conseil semble prépondérant puisqu'il peut prendre « toutes les décisions et mesures relatives à l'association » à la majorité des présents et des représentés126(*). Toutefois, en raison du fait que la majorité des membres du C.A sont élus parmi le Collège (18 membres fondateurs contre 12 membres actifs), les membres fondateurs disposent d'un droit de veto qui leur permet d'exercer un contrôle sur l'association.

Les statuts énoncent les principes de fonctionnement des instances de délibération de l'association. Ils décrivent également les modalités d'adhésion à Attac et le statut des membres. Toutefois, les comités ne sont pas mentionnés. Ils représentent pourtant le lieu d'interface entre la structure nationale de l'association et les adhérents. Les comités sont chargés d'organiser des actions (réunions publiques, distributions de tracts, signatures de pétition) afin de réaliser le relais local des revendications nationales. Ils constituent le maillage territorial de l'association.

1.2.2. Le développement local d'Attac

1.2.2.1 La constitution des comités locaux

La mise en place des comités locaux commença à se réaliser peu de temps après le lancement de l'association. Le 17 octobre 1998 eut lieu la première rencontre nationale à la Ciotat127(*) (Bouches-du-Rhône). Les prémisses d'une organisation locale furent posées à cette occasion. Le 20 octobre 1998, les adhérents d'Ile de France se retrouvent au nombre de mille à une première réunion. En décembre 1998, des statuts type sont élaborés pour les comités locaux et une charte des rapports entre ces comités et l'association nationale est adoptée. Les comités locaux peuvent avoir deux statuts différents. Un comité peut décider de se constituer en sous-groupe Attac. Il ne dispose alors pas de ses propres statuts. Son fonctionnement est informel puisque aucun mécanisme de prise de décision ou de représentation ne sont définis. De plus, afin de réparer l' « oubli » des comités locaux, des statuts types ont été élaborés pour ceux qui souhaiteraient se doter d'une personnalité juridique128(*). Les comités locaux peuvent ainsi se constituer en association loi 1901 et se doter d'un Conseil d'administration, d'un président, d'un secrétaire général et d'un trésorier. Cette possibilité visait à garantir une plus grande liberté d'action au fonctionnement du comité129(*). Les statuts type rédigés par la direction nationale sont semblables au fonctionnement de l'association Attac. Le C.A prend « toutes les décisions et mesures relatives à l'association, autres que celles expressément réservées par la loi et par les statuts à la compétence de l'Assemblée générale »130(*). L'ordre du jour de l'AG est établi uniquement par le C.A (Article 11-3), l'essentiel des décisions relève donc du C.A et du bureau. Les rapports entre le comité, qui prend le nom de « groupe Attac », sont réglés en fonction de l'article 4 des statuts. Le comité s'engage à « soumettre les présents statuts au bureau de l'association nationale Attac pour approbation », à « s'assurer que tous ses membres sont également membres de l'association nationale Attac » et à « adresser chaque année, trois mois avant l'assemblée générale de l'association nationale Attac, un bilan de ses actions qui est incorporé au rapport d'activité de l'association nationale Attac ». Enfin, il est précisé qu' « en cas de non respect de ces clauses par l'association, le bureau de l'association nationale Attac peut lui retirer l'utilisation du sigle et la dénomination Attac ». Dans les deux configurations, le comité reste indépendant du réseau national. Aucun contrôle direct n'est exercé sur les actions menées par le comité, ni sur ces prises de positions. En revanche, aucun groupe local ne peut aller à l'encontre du texte de la charte. Les comités locaux se développèrent progressivement sur le territoire français à partir de la charte et de ces statuts.

En novembre 1998, près de 40 comités locaux sont constitués, en février 1999, le seuil des 100 comités locaux est franchi, en février 2000, plus de 150 fonctionnent et en octobre 2000, 170 comités locaux sont formés131(*). Quelques comités furent lancés lors de la fondation de l'association, toutefois la plupart apparurent à partir de septembre 1998. Un document national publié durant l'été 1998 précise que les réunions de lancement des comités doivent s'effectuer par le biais des organisations qui sont membres fondateurs d'Attac132(*). La réunion est proposée par le relais local d'une des organisations fondatrices ou par l'ensemble des structures locales rattachées indirectement à l'association. Cette réunion regroupe les adhérents individuels d'Attac ainsi que des militants d'autres associations ayant adhéré à Attac. La présence des membres fondateurs au sein du comité est essentielle dans le fonctionnement de l'association. Cela figure parmi les obligations statutaires du comité « loi 1901 », qui doit s'assurer que « toutes les structures locales des organisations fondatrices (lorsqu'elles existent localement) de l'association nationale Attac soient invitées à son assemblée constitutive et aux réunions ultérieures »133(*).

Cette présentation statutaire est nécessaire, bien que fastidieuse, afin de comprendre le fonctionnement de l'association. Toutefois, c'est uniquement à partir du développement concret des comités locaux qu'il est possible de mettre à jour les logiques propres à l'association. C'est, comme nous l'avons dit auparavant, uniquement à partir de l'étude de la singularité qu'il est possible d'opérer une saisie intellectuelle de l'objet dans sa généralité. C'est pourquoi l'analyse du développement d'un comité local précis est désormais nécessaire.

1.2.2.2 Le comité isérois

La création du comité Attac Isère s'est effectuée en novembre 1998, quelques mois après la création d'Attac national. C'était sur l'initiative de l'association Raison d'Agir (qui fait partie des membres fondateurs d'Attac) que le comité local a été créé. Une centaine de personnes ont été contactées. Il s'agissait essentiellement d'adhérents d'associations et de syndicats. Toutefois la plupart ne se connaissaient pas. La première réunion a eue lieu à la bourse du travail, dans le local de la FSU, qui fait partie des membres fondateurs. Lors de sa création, les fondateurs choisirent de donner au comité Isère une forme associative de loi 1901. Des volontaires se présentèrent pour être membre du C.A. Parmi ceux-ci, une seule personne avait adhéré à titre individuel et ne représentait pas une association. Il s'agissait d'un lecteur du Monde Diplomatique qui avait adhéré dès la création de l'association et qui avait été contacté pour le lancement du comité. Parmi les membres actuels du C.A d'Attac Isère, seul Thomas a participé à la création du comité local dont il résume la création. Le comité comptait peu de temps après sa création 200 adhérents134(*) ; ce chiffre a ensuite progressé de façon régulière : 380 adhérents en janvier 2000135(*), 590 adhérents en juin 2000 et 820 en janvier 2001136(*).

Thomas : Et puis j'avais été informé de la réunion du week-end contre la précarité organisée par Raison d'Agir, je me disais que c'est intéressant parce que je me trouvais toujours dans un milieu de militants syndicaux et de travailleurs salariés et pas d'intellectuels [...] Je pensais pouvoir servir de lien. J'avais participé à deux conférences, j'avais trouvé ça bien mais un peu intellectuel, il y avait beaucoup d'étudiants et pas beaucoup de prolétaires, c'était sur le campus. Et six mois après, en février, Raison d'Agir avait contacté tous les gens qui avaient laissé leurs coordonnées, Raison d'Agir étant membre fondateur d'Attac, pour créer un comité local d'Attac. Il y avait 110 personnes qui étaient réunies. C'était début novembre 1998. Il y avait Bernard Floris et Philippe Decamp qui était correspondants Attac pendant trois quatre mois. Au cours de cette soirée on avait décidé la création de ce comité, on a eu une réunion une semaine après à la bourse du travail. Il y avait déjà des adhérents Attac à titre individuel, moi j'étais adhérent Attac déjà depuis octobre 1998 j'avais déjà été à la Ciotat pour la première réunion nationale [...] On s'est réuni ici [à la FSU], on avait décidé de nommer des responsables provisoires pour mettre en place les statuts et convoquer l'assemblée générale. Il a fallu qu'il y ait des gens qui veuillent bien être membres du conseil d'administration. Bon. Il y a des choses qui ont commencé à se dessiner, des gens qui ont fait un tract, un communiqué de presse. Le Conseil d'administration auto désigné et autoproclamé... Il était provisoire, c'était uniquement pour convoquer l'Assemblée générale, c'était quelque chose de très informel parce qu'il y aurait très bien pu ce jour-là avoir des fachos parmi nous et qu'ils prennent le pouvoir. On ne se connaissait pas du tout, je connaissais deux ou trois personnes dans l'assemblée mais dans le Conseil d'administration, il y avait des gens de Sud, mais la plupart on ne se connaissait pas. La plupart des gens du Conseil d'administration venaient de syndicats ou d'associations. Il n'y avait que Thomas je crois qui n'avait jamais mis les pieds du tout et qui était lecteur du Monde Diplomatique et qui était très au courant de plein de choses. On a décidé du bureau et du président, secrétaire, trésorier... Toujours provisoires. Moi, j'ai bien voulu assurer la présidence pour les 3 ou 4 mois à venir jusqu'à l'Assemblée du mois de mars 1999. Pour l'Assemblée générale on a fait les statuts et on a réélu le bureau, je me suis représenté, ils m'ont réélu et c'est parti... Il y a toujours eu une forte participation, le plus faible c'était pendant les vacances où il y avait 25 à 30 personnes sinon il y a en moyenne entre 50 et 60 personnes à chaque réunion.

Le comité local Attac Isère est constitué en association loi 1901. Toutefois, il a adopté des statuts distincts de ceux des « statuts types » proposés par le national137(*). Le fonctionnement n'en est pas beaucoup affecté. Les prises de décision ont lieu lors du Conseil d'administration qui se réunit tous les quinze jours, il est ouvert à chaque adhérent. Le C.A se compose de 19 membres élus chaque année lors de l'assemblée générale. C'est également à l'occasion du C.A, que le président est élu. Le comité isérois a connu pour l'instant deux présidents : Thomas a été nommé président lors de la création du groupe en novembre 1998. Il a été reconduit dans sa fonction lors de l'assemblée générale de mars 1999. Il a décidé lors de la dernière assemblée, en février 2001, de ne pas se représenter afin de ne pas cumuler les mandats et de laisser la place à un autre. Luc a accepté d'occuper le poste vacant après de nombreuses hésitations. On peut noter que des quorums ont été fixés pour que les réunions du C.A et de l'Assemblée générale soient valides138(*). Il s'agit d'une spécificité du comité Attac Isère.

Une répartition des tâches très précise a été établie dans le comité. Un groupe a été constitué pour chaque activité : l'interpellation des élus, l'information et la constitution des tracts, la diffusion des documents nationaux d'Attac, la gestion du site Internet local, l'enregistrement de la boîte vocale du comité et enfin, la gestion des permanences qui sont effectuées tous les mercredis soirs au café « Notre-Dame » à Grenoble afin que les personnes intéressées puissent prendre contact avec l'association. De plus, des groupes de réflexion thématique ont été mis en place auxquels peuvent prendre part les adhérents. Ces groupes sont organisés selon les thèmes lancés par le national : la dette des pays du tiers-monde, les banques et les paradis fiscaux, l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et les Institutions Financières Internationales (IFI), l'énergie, la question de l'environnement et des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), les médias, la condition des femmes, et enfin l'Accord Général sur le Commerce et les Services (AGCS) et la défense du service public. Les réunions de ces groupes se déroulent, le plus souvent, de façon mensuelle. Elles ont lieu à 18 heures, soit à la Bourse travail, soit à la maison des associations de Grenoble. Chacune d'entre elles regroupe entre 10 et 15 personnes.

Une réunion publique a également lieu chaque mois. La réunion publique, ouverte aux non adhérents, rassemble entre 60 et 70 personnes à chaque fois. Les thèmes abordés sont inscrits à l'ordre du jour qui est préparé préalablement au cours du Conseil d'administration. Des réflexions et des débats ont lieu sur les thèmes dont est porteur Attac (tels que la taxe Tobin). D'autres débats ont cours sur l'organisation des actions (congrès du PS, manifestation du 1er mai, contre-sommet à Nice ou à Gênes) et sur la diffusion des informations. Aucun vote n'a lieu durant ces réunions ; le déroulement de la réunion et des prises de parole est assuré par un(e) président(e) qui est renouvelé(e) à chaque réunion. Enfin, on peut noter que des sous-groupes locaux, au sein de l'Isère, se sont mis en place, permettant ainsi une meilleure répartition géographique. Un groupe intitulé « Grésivaudan » s'est constitué pour rassembler toutes les communes de la vallée du Grésivaudan; les réunions y sont bimensuelles. Un groupe dans la commune de Voiron a également vu le jour, une permanence étant assurée de façon hebdomadaire. Un groupe « Campus » a été créé en 2001 afin de pouvoir rassembler les adhérents qui sont étudiants. Pour chacun de ces groupes, un responsable a été désigné, afin de servir de référent. On peut noter qu'il existait auparavant un groupe à Vienne ; celui s'est constitué récemment en association.

Les comités locaux constituent l'implantation de l'association au niveau local, ils ont permis son développement rapide et continu dans chaque partie de l'hexagone. Ses fondateurs reconnaissent d'ailleurs fréquemment que l'un des principaux atouts du mouvement réside dans ce maillage territorial dense qui permet une représentation plus homogène des intérêts, et évite ainsi la monopolisation du mouvement par quelques cercles restreints de militants et d'intellectuels parisiens. La direction d'Attac a par conséquent toujours affiché son souci de décentralisation. Toutefois, ces déclarations présentent une contradiction avec les statuts de l'association dans lesquels les comités locaux ne sont pas reconnus juridiquement. Cette absence va donner lieu à des conflits internes en vue de la reconnaissance des comités.

1.2.3 La reconnaissance des comités locaux

1. 2. 3.1 Une reconnaissance légitime ?

Les comités locaux ne figurent pas dans les statuts. Ils sont considérés comme des associations à part entière (de loi 1901) ou comme des groupes spontanés d'adhérents. Dans les deux cas, la seule adhésion qui est prise en compte par l'association est celle qui est faite de façon nationale. Les militants139(*) du comité isérois accordent beaucoup d'importance aux statuts de l'association. La reconnaissance des comités est un sujet de discorde entre eux et la direction nationale. Selon eux, des incohérences résultent de l'absence des comités locaux au sein des statuts. Le reversement des cotisations aux comités, tout d'abord, a provoqué des conflits. Les cotisations des adhérents sont payées directement à la structure nationale d'Attac. Afin que les comités locaux puissent disposer de fonds propres, le national leur concède le reversement de 25% des cotisations provenant des adhésions faites dans le comité. Ce versement est considéré comme étant une « ristourne »140(*). Toutefois, ce versement aboutit, selon Julie, à une contradiction puisque le national reconnaît implicitement les comités locaux, en leur allouant une somme. Julie estime que les dirigeants reconnaissent « l'existence d'un groupe qui milite, qui organise quelque chose mais que d'autre part [ils] ne leur donne[nt] pas le pouvoir au niveau national ». 

La seconde incohérence à laquelle aboutissent les statuts, selon certains enquêtés (Luc, Thomas, Julie), est la non reconnaissance des comités lors des délibérations nationales. La participation d'un adhérent à l'Assemblée générale se fait à titre individuel. Il ne peut prendre une position qu'en son nom propre. Ainsi, les questions qui sont mises à l'ordre du jour ou les motions qui sont déposées lors de l'AG nationale sont rédigées à titre individuel141(*). Certains comités, dont l'Isère, qui possèdent le statut d'association ont alors décidé de prendre des décisions collectives et de mandater un représentant. Le comité isérois a pris plusieurs positions de façon collective qui ont été présentées lors de délibérations nationales. Certaines de ces prises de position ont eu lieu dans le cadre de l'assemblée plénière qui est ouverte à tous les adhérents. Par exemple, une assemblée exceptionnelle s'était réunie le 10 janvier 2000 afin de débattre de l'adhésion des élus et des collectivités territoriales. Des résolutions y furent votées, puis furent publiées et transmises au bureau national142(*). D'autre part, le C.A peut parfois adopter des positions au nom du comité. A l'occasion, par exemple, de l'AG 2000 de St Brieuc, deux motions furent présentées de façon collective143(*).

Toutefois, les enquêtés regrettent qu'on ne puisse pas distinguer les individus qui viennent à titre individuel et ceux qui sont présents en tant que délégué d'un groupe. Les statuts nationaux n'accordant pas d'existence aux comités, leurs mandants sont dépourvus d'autorité. Le fait qu'ils soient mandatés ne leur donne pas plus de légitimité vis-à-vis de ceux qui sont présents à titre individuel. De même, une motion, qui est déposée à titre collectif est en égalité avec celle qui déposée à titre individuel. Ainsi, les deux motions proposées lors de St Brieuc furent rejetés en C.A national. D'autre part, les militants d'Attac Isère ont formulé la même critique pour les élections des membres du C.A national. Les douze sièges à pourvoir sont répartis de façon géographique. Les candidatures, lors de l'AG nationale, sont déposées à titre individuel. Luc explique qu'il a voté pour ceux qui étaient mandatés par leur comité local144(*). De même, au sein du C.A, les membres individuels ne représentent qu'eux même. Julie explique que si un membre veut représenter son comité, il en a le droit mais cela n'est pas reconnu dans les statuts. De même, si un individu souhaite prendre une position personnelle, sans consulter au préalable son comité, il en a également le droit.

Julie : On adhère tous au national, on adhère pas du tout au local et là aussi il y a des choses qui ne vont pas, c'est le national qui redistribue une partie des cotisations aux comités locaux et c'est là où il y a des décalages, à la fois quand on regarde les statuts c'est chaque militant qui est reconnu et les comités locaux n'ont pas d'existence propre mais quand même le national nous reverse un pourcentage de la cotisation aux comités locaux c'est-à-dire qu'on reconnaît d'une certaine manière l'existence des comités locaux puisqu'on leur verse quelque chose pour fonctionner. Il y a des choses comme ça qui sont contradictoires. C'est une contradiction parce que ça veut dire qu'on reconnaît l'existence d'un groupe qui milite, qui organise quelque chose mais que d'autre part qu'on ne leur donne pas le pouvoir au niveau national.

Luc : Les comités locaux qui viennent, on ne sait pas du tout ce qu'ils représentent. Nous, on sait, parce qu'on a débattu avant des motions qu'on a du prendre, on représente l'ensemble du comité local. Mais des autres comités locaux, il y en a qui sont pareils mais il y en a certains, on ne sait pas s'ils viennent à titre de comité local ou à titre individuel. On ne sait pas ce qu'ils représentent, donc quand les gens parlent, on ne sait pas s'ils parlent à titre individuel ou collectif. C'est une caricature de démocratie.

Thomas : Il faudrait que les comités locaux organisent des vraies Assemblées générales et des débats sur telle ou telle chose, dans une organisation structurée, que les positions puissent être exprimées par leurs représentants élus à l'Assemblée nationale. Le problème c'est que les comités locaux n'ont pas de statuts à l'Assemblée générale nationale, donc on y va à titre individuel... Alors nous on était un peu des frondeurs parce qu'on a pris les positions du C.A Isère ou de groupes d'adhérents qui ont voulu s'exprimer et qui ne sont en rien... Je dirais légal parce que pour exprimer une position particulière, il faudrait qu'on réunisse tout le monde, tous les adhérents et qu'il y ait un quorum minimum c'est-à-dire la moitié des adhérents, qui se prononcent par vote à la main levée et que ça, le mandat d'expression de cette position, soit donné à un membre particulier, forcément membre du C.A, pour être représenté. Et ça, ça ne se fait pas. Cette position, c'est une position émise par une partie, par un groupe de cinquante adhérents de l'Attac Isère ou de cents ou de 150 et retransmises par le C.A à l'Assemblée générale nationale mais qui ne sont pas... Je dirai légal au vu des statuts, parce que les comités locaux n'ont pas de place là-dedans [...] Et comme on a pas d'organisation derrière et on n'a pas quelqu'un qui dit « Moi, je parle au nom de untel », afin de savoir qui il représente, j'évite toujours d'intervenir à titre individuel parce que ça ne veut rien dire.

Luc : Il faut voir comment ils [les membres du C.A national] ont été élus, c'était avant l'Assemblée générale, on a dit « Qui se présente aux élections ? ». Les gens se sont présentés sur quelle base ? Individuellement. Qui est-ce qu'on connaît là-dedans ? Moi j'ai appris qu'il y avait des gens qui se présentait au nom de leur comité local et mon choix de vote ça a été en fonction de ça, j'ai voté pour ceux qui se présentaient au nom de leur comité local. Et comme ça ne suffisait pas pour avoir 12 personnes, je me suis dit que j'allais voter pour des femmes. Voilà comment j'ai voté. Il y a dix-huit membres fondateurs et douze adhérents individuels.

Julie : Ce qu'on souhaite c'est la reconnaissance de la présence des comités locaux au sein du Conseil d'administration, en tant que représentants de collectifs, parce que ça n'existe pas et les personnes qui sont là-bas qui sont des personnes qui y sont à titre individuel. Pour nous ça veut dire qu'il y ait au minimum, des rencontres des comités locaux qui soient porteurs d'une décision de collectifs et non pas porteurs de leurs propres paroles. Ce n'est pas toujours ce qui se passe. Ça relève de la décision personnelle de chacun et si un représentant a décidé d'être porteur de son groupe, il peut l'être, mais si quelqu'un décide de se présenter à titre individuel et qu'il n'a pas du tout envie d'avoir de liens avec son groupe local, c'est tout à fait possible. Puisqu'il y est à titre individuel. Chacun peut faire le choix mais ce n'est pas une décision qui représente une forme de démocratie, je n'aime pas trop employer ce terme là parce qu'il est galvaudé mais une forme de fonctionnement qui est tout autre.

1.2.3.2 La modification des statuts

La reconnaissance des comités locaux passe nécessairement par la modification des statuts. Il s'agit d'un processus relativement complexe145(*). Tout d'abord, il faut que le C.A propose une modification qui soit votée à la majorité des deux tiers des membres présents146(*). L'Assemblée générale extraordinaire est alors convoquée, elle ne peut délibérer qu'à la seule condition que les deux tiers des membres soient présents ou représentés147(*). Enfin, les décisions relatives à la modification des statuts doivent être prises à la majorité des deux tiers148(*). De nombreuses conditions rendent donc la modification improbable. Bernard Cassen rappela, d'ailleurs, lors de la réunion du C.A du 11/11/2000, qu'il existe de nombreuses « difficultés à surmonter pour une éventuelle modification des statuts »149(*). De plus, comme le remarque Thomas, la modification des statuts est rendue d'autant plus difficile que la proposition, avant d'être soumise à l'AG, doit être adoptée par les deux tiers du C.A. Or, les membres fondateurs étant majoritaires ils peuvent bloquer toute proposition150(*).

Les enquêtés estiment que les membres fondateurs ont bloqué les statuts lors de la création de l'association (Julie estime que les statuts sont « bouclés »). D'ailleurs, comme le rappelle Luc, très souvent le C.A ne s'en défend pas. Il s'agirait d'un moyen utilisé afin d'éviter l'entrisme151(*). Toutefois, Luc estime que cela témoigne, avant tout, du fait que les dirigeants « craignent une prise de pouvoir des comités locaux sur association ». Il craint d'ailleurs que les militants isérois ne soient pris pour des dissidents. Etant les principaux concernés par les décisions prises par le national, les militants d'Attac estiment qu'il est légitime que les comités locaux soient reconnus. Il leur apparaît donc nécessaire de modifier les statuts.

Thomas : Après il y a des organisations, associations, syndicats qui sont représentés et des journaux qui ont une voix et ce collège des membres fondateurs est représenté par 18 sièges. Et après tu as des représentants, entre parenthèses, géographique des comités locaux, qui sont au nombre de 12... Si mes souvenirs sont bons. Mais ils ne représentent par les comités locaux, dans le sens où il n'y a pas d'élections et il n'y a pas eu de candidature de chaque comité... Ça c'est fait un peu de manière informelle, on a regroupé par région. Par exemple les comités locaux de la région Rhône-Alpes et c'est une personne de Lyon. Mais on a décidé comme ça, il n'y a pas eu d'élection. Ils n'ont pas de pouvoir, si tu veux. Ils sont là uniquement pour faire le lien entre les comités locaux de leur région et le Conseil d'administration nationale. Et s'il y a une décision à prendre, elle est prise à la majorité du Conseil d'administration nationale et donc des dix-huit membres fondateurs, par contre il y a une discussion avec les représentants régionaux qui est uniquement consultative. Ils n'ont pas de droit de vote.

Julie : Vous connaissez les statuts d'Attac ? Dans les statuts d'Attac c'est bouclé, il y a les membres fondateurs qui sont 18 et il y a douze représentants des comités locaux.

F.E: Et le fait que les comités locaux ne soient pas reconnus dans les statuts, vous l'interprétez comment ?

Luc : Cette volonté de ne pas modifier les statuts, comme le dit Cassen, c'est pour éviter l'entrisme. Il l'a dit et il l'a répété, c'est comme ça que ça a été prévu à l'origine et ils ont verrouillé volontairement. Il y a un certain nombre d'adhérents qui craignent ce qu'ils appellent le parlementarisme, c'est-à-dire qu'il y ait des débats entre les comités locaux qui ne soient pas d'accord, qu'il y ait plein de débats qui fassent perdre le temps. Je ne sais pas trop ce que ça recouvre ? Pour moi ils craignent une prise de pouvoir des comités locaux sur leur association [...] C'est ce qu'ils craignent au niveau national et c'est ce que nous craignons si on met en place cette coordination des comités locaux, on craint d'être pris pour des séparatistes alors que ce n'est pas du tout le cas.

Afin d'engager une réforme des statuts, une coordination informelle, entre certains comités locaux, s'est alors mise en place de façon progressive. Luc explique de quelle manière il s'est mis en relation avec quelques comités locaux dont les revendications étaient similaires. Une liste internet « fermée » a été créée qui permet aux membres de cette coordination de diffuser des informations relatives au C.A national et de constituer des propositions communes. C'est ainsi que pour l'AG de St Brieuc, une motion a été proposée au C.A national en coordination avec d'autres comités locaux152(*). Celle-ci fut par ailleurs refusée. En revanche, le jour de l'AG, deux voeux ont été déposés avec l'accord des responsables nationaux. Ces deux voeux firent ensuite l'objet d'un vote en C.A153(*). Le premier voeu portait sur l'organisation de Conférences nationales des comités locaux (CNCL) et le second voeu visait à organiser une commission afin d'étudier l'opportunité de réformer les statuts. Cette commission est composée de douze membres du C.A et de douze représentants des comités locaux154(*).

Luc : L'année dernière, j'ai assisté à l'université d'été et il y a eu quelques échanges sur Attac local et on a commencé à se créer une sorte de liste Internet fermée. Par fermée à tout le monde mais entre nous, pour qu'on puisse discuter collectivement et qu'on puisse faire passer des choses à l'assemblée générale nationale, étant donné qu'il y a des comités locaux qui sont complètement à côté de cet aspect des choses. Ils ne veulent pas de ça. Il y a d'ailleurs eu un débat lors de la dernière CNCL... Sur Attac local on avait vu un certain nombre de positions qui se rapprochaient des autres et durant l'université d'été on a rencontré des gens qu'on sentait à peu près sûr de nos positions. C'est là qu'on a arrêté une motion, un premier projet de motion, entre nous et en disant qu'il faut qu'on fasse passer ça sur l'ensemble. On envoyait ça sur Attac local, en disant voilà ce qu'on cherche mais ça n'a pas été possible de trouver un consensus là-dessus, tous les comités locaux discutaient chacun dans leur coin et il n'y a pas eu de consensus, sauf avec Attac Rennes avec qui on a dit au bout d'un certain temps : ras-le-bol, parce que l'assemblée générale nationale allait bientôt arriver et on a envoyé un document officiel signé par Attac Rennes et Attac Isère sur la liste. Pour Rennes, ça s'est passé comme nous. Avec Attac Rennes, on est sur des positions similaires.

Thomas : Et on a mis ça sur la place publique, parce qu'on n'a rien à cacher, il y a d'autres comités locaux qui ont aussi une prise de position et qui se sont associés à cette démarche et qui ont fait des avancées aussi de leur côté sur des problèmes particuliers. Et donc on a été parmi les promoteurs de ce qu'on appelle un voeu à l'Assemblée nationale de Saint-Brieuc sur la modification... Enfin l'éventuelle opportunité d'une modification des statuts, pour aller vers plus de démocratie au sein d'Attac. Et donc la représentation des comités locaux [...] C'était une des motions de l'Assemblée générale. C'est un mandat qu'a reçu l'Assemblée générale de Saint-Brieuc en octobre 2000 et qui en train de se mettre en place. C'est un mandat. On va demander lors de l'Assemblée générale de 2001, elle va avoir lieu à Marseille je crois. C'est vraiment quelque chose sur lequel on est très vigilant et Luc est quelqu'un qui connaît bien le sujet et qui est en lien avec les autres participants à ce collectif de comités locaux pour lesquels toutes les questions de démocratie sont importantes.

F.E: Et la motion s'était faite avec d'autres comités locaux ?

Thomas: Oui avec d'autres comités locaux mais c'est nous qui l'avons présenté [...] Alors, il y avait des comités locaux parisiens, il y avait Rennes, il y avait l'Aveyron, il y avait les Yvelines je crois, Montpellier ou Toulouse [...] On a eu beaucoup d'échanges par mail et puis lors des réunions... Lors des conférences nationales on a prit la parole, et il y a des liens qui se créent et puis on voit qu'on va dans le même sens, on se répond. Et puis on se réunissait pour en parler un peu et ainsi de suite quoi. L'élaboration de l'ordre du jour en commun par exemple, l'élaboration de l'ordre du jour en commun qui est intéressant par exemple parce que tu arrives avec des propositions...

Luc: Et quand je vois ce qui se déroule actuellement [dans la commission de réforme des statuts] je me dis que j'avais bien raison de ne pas y aller. Ils se sont réunis un certain nombre de fois et à chaque fois que quelqu'un dit dans la commission « il faudrait changer cela ou cela » on lui répond que ce n'est pas possible de changer les statuts. Il y en a quand même quelques-uns dans la commission qui essaient de changer les statuts, toutes les informations officieuses que j'ai eues c'est par une de ces personnes.

Il existe dans Attac certains problèmes de coordination entre le local et le national. Les militants isérois estiment qu'ils ne bénéficient pas de la reconnaissance qui leur est du au sein de l'association. Ils figurent d'ailleurs parmi les « frondeurs » qui ont permis la constitution d'une instance de rencontre entre les comités (la CNCL). Ces remarques nous encouragent à s'intéresser plus longuement aux problèmes de « démocratie interne » qui existent au sein de l'association. Par ce terme, il faut entendre toutes les procédures (officielles et officieuses) qui ont lieu et qui peuvent prêter à un débat ou une contestation. Comment les responsables d'Attac ont ils été remis en cause et pour quels motifs ? Quels sont les rapports qu'entretiennent les militants isérois avec les dirigeants ? Le comité isérois ne présente t-il pas lui même des dysfonctionnements ?

1.3 Une « démocratie interne » contestée 

Les militants qui ont été interviewés évoquent fréquemment les problèmes de « démocratie » interne 155(*). Ils l'utilisent rarement à propos du fonctionnement du comité local. La plupart des enquêtés s'y réfèrent pour critiquer la direction nationale. C'est ainsi par exemple que Thomas qualifie le fonctionnement national d'Attac de « caricature de démocratie », Luc regrette qu'Attac « prétende revitaliser la démocratie [mais] a un fonctionnement qui n'est absolument pas démocratique ». Le terme de « démocratie » renvoie, dans leurs discours, à plusieurs significations : à un mode de fonctionnement collectif, et d'autre part, au refus d'une personnalisation des dirigeants.

1.3. 1 La remise en cause du « directoire national »

1. 3. 1. 1 Un mode de fonctionnement collectif

Le terme de « démocratie » désigne avant tout pour les enquêtés un mode de fonctionnement qui soit collectif. Ils privilégient ainsi, dans leurs discours, la participation collective des adhérents (« les représentants élus », « au nom de leur comité local », « le mandat d'expression ») à celle qui est faite de façon individuelle (« à titre individuel »). Les prises de position qui sont faites au nom du comité (et qui sont adoptées de façon collective) sont jugées plus légitimes que les positions individuelles. A ce propos, Julie explique que la participation au C.A ou à l'A.G en tant que comité, permet aux adhérents de tenir tête à la direction. Luc observe qu'en tant que président, il exerce un travail de « coordination » afin de « trouver un consensus » entre les adhérents156(*). D'ailleurs, il note que, lorsqu'il était responsable syndical de son entreprise, il a « toujours travaillé avec l'ensemble des travailleurs et avec l'ensemble des salariés [et] les décisions ont toujours été prises collectivement ». De plus, il semblerait également que les militants accordent une grande place au vote. Ils le qualifient comme étant le mode décisionnel le plus adéquat. Luc regrette d'ailleurs qu'il n'y ait pas plus de votes lors de l'AG nationale.

Julie : Ce qu'on souhaite c'est la reconnaissance de la présence des comités locaux au sein du Conseil d'administration, en tant que représentant de collectifs, parce que ça n'existe pas et les personnes qui sont là-bas qui sont des personnes qui y sont à titre individuel [...] Bernard Cassen s'il y a une décision qui le gêne, il peut lui dire qu'il est là à titre individuel le non s'il y est à titre de représentants de collectifs on a plus de poids.

Luc : Pour moi le rôle du président c'est d'essayer à chaque fois de trouver un consens entre les gens qui sont là, je pense que c'est un de mes objectifs principaux. Tout ce que je fais dans un groupe c'est toujours en tant que simple exécutant, je ne cherche pas à faire autre chose. Sur les problèmes de coordination, j'essaie de trouver à chaque fois un compromis quand il y a des bagarres internes.

Les enquêtés sont très critiques quant au fonctionnement de l'association. Ils désapprouvent tout d'abord les décisions prises lors des Assemblées générales. Le mode de délibération, n'est, selon eux, pas suffisamment collectif. Les enquêtés qualifient les débats et les votes qui ont lieu d' « anti-démocratiques ». Par exemple, lors de la CNCL du 6 décembre 2000, les membres de la commission des statuts ont été désignés. Cette nomination faite par Cassen s'apparentait, selon Thomas et Luc qui représentaient le comité isérois, à une « caricature de démocratie ».

F.E: Lors de la première conférence nationale des comités locaux, il y a eu un groupe de réforme des statuts qui a été créé ?

Luc : Ah oui ! Là aussi la manière dont ça s'est passé, ça s'est déroulé en fin de journée, lors du dernier quart d'heure et en plus c'est Cassen, tout seul, qui a décidé de la manière dont se constituait ce groupe [...] Donc, il a dit, il faut douze représentants des comités locaux. Comment on va les trouver ? Qui est volontaire ? Moi à l'époque, je me suis mis dans les volontaires, on devait être une vingtaine. Donc tous les volontaires vont au pied de la tribune et en plus au niveau symbole ça n'est pas neutre parce que se trouver sous Cassen qui est au-dessus. À ce moment-là il y a quelqu'un dans la salle qui a eu une intervention en disant :« Il faudrait quand même qu'il y ait la parité ». Je ne lui reproche par d'avoir dit ça, mais ce que je reproche c'est à Cassen d'être rentré dans ce jeu en disant « Allez les six femmes sont retenues ! », après il reste une quinzaine de personnes, comment on les choisi ? Tous ceux qui sont intervenus dans le débat avant ! Il y en a six qui ont levé la main et les six ont été retenus. Le débat portait sur l'opportunité de modifier les statuts et c'était un débat qui était complètement hors sujet parce qu'on a repris le débat de l'Assemblée nationale avant, qui parlait faut-il modifier les statuts ou est-ce que ça n'est pas important ? Je n'étais pas intervenu dans ce débat et c'est pour ça qu'on n'a pas été retenu, alors qu'on était à la tête de la contestation, et puis la manière dont ça c'est fait, je n'aurais vraiment plus envie d'y aller.

Thomas : L'ordre du jour a été voté comme ça puis [...] on a parlé de l'élection des représentants à la commission, ce qu'on appelle la commission des statuts et ça c'est fait de manière carrément caricaturale... Et la nomination des représentants s'est faite d'une manière pour le moins cavalière [...] C'était Bernard Cassen qui a dit il faut dix personnes, bon moi je propose qu'il y ait... Et c'était dans le brouha le plus total, c'était en fin de séance, c'était six heures moins le quart, moi je propose qu'il y ait dix personnes... Bon alors il y a un qui a dit ça serait bien qu'il y est Paris 13... Ah oui Paris 13 alors parmi les gens, combien... Levez le droit... Qui est-ce qui veut ?... Cinq femmes alors oui cinq femmes et les autres ce sera untel, untel, tout le monde est d'accord allez bon ! Moi j'étais écoeuré. On a réagi par la suite, j'ai envoyé un courrier à Bernard Cassen et on m'a répondu que non, il ne fallait pas que je vois les choses comme ça parce que je me disais que c'était une caricature de démocratie et puis bon...

Les enquêtés regrettent également que certaines prises de décision n'aient pas lieu de façon publique et soient exécutées par le national de façon autonome. Par exemple, à l'occasion de l'AG de Saint-Brieuc les deux voeux qui ont été votés ont été présentés avec l'accord de la direction. Luc explique que l'essentiel des négociations ont eu lieu à la dernière minute, de façon informelle et que sans cela les voeux n'auraient pas pu être adoptées.

Luc : Donc pendant l'Assemblée générale, la veille, on s'est réuni de manière officieuse entre comités locaux avec la présence parachutée, parce qu'on l'attendait pas, de Pierre Khalfa [membre du bureau] qui a été envoyé par Cassen. Il a fait des propositions, en disant « voilà on peut proposer quelque chose mais il n'est pas question de faire une motion, c'est trop tard pour faire une motion. Impossible de faire une motion dans les statuts. Il n'y a que le Conseil d'administration qui peut décider d'une motion ». [...] On a eu cette réunion avec Pierre Khalfa, il disait qu'on pouvait proposer une conférence nationale des comités locaux. Moi je pensais qu'il ne fallait pas une conférence mais une coordination, et surtout on a assisté à cette réunion en disant qu'il fallait aussi une commission sur les statuts. Il faut modifier les statuts. Et le lendemain, durant l'Assemblée générale, discussions dans les couloirs - je n'aime pas ce genre de choses mais on était obligé- proposition de faire passer deux voeux, un sur la création de la conférence nationale des comités locaux, et un autre pour la création d'une commission mais Cassen était d'accord à condition qu'on rajoute qu'il s'agisse d'une commission pour discuter de l'opportunité de modifier des statuts. Ça a été négocié dans les couloirs, moyennant quoi il était d'accord pour faire voter des voeux car c'est lui qui mène l'Assemblée générale, on a voté ces deux voeux qui ont été présentés par Attac Isère. C'est comme ça que ça s'est passé [...] Pour que ce soit voté, il fallait que le Conseil d'administration donne son accord car c'était des voeux et pas des motions. Il a fallu que ce soit voté avec l'accord du bureau, étant donné que ça été négocié avant.

1.3.1.2 Le refus d'une personnalisation du pouvoir

La notion de démocratie et la préférence pour un mode de fonctionnement collectif s'accompagnent également, pour les militants isérois, du refus d'une concentration et d'une personnalisation trop forte du pouvoir. Il s'agit là d'une représentation qui est commune à l'ensemble des enquêtés. Luc explique qu'en tant que président, il ne souhaite pas prendre de décisions à titre personnel. La fonction de président est, selon lui, « une façon de trop individualiser quelqu'un ». Il avait d'ailleurs accepté le poste vacant avec quelques réticences, « parce qu'il en fallait bien un, et que personne ne voulait ». Thomas avait choisi de ne pas se représenter car il préférait ne pas dépasser deux mandats. Cette idée est également présente dans le discours d'adhérents qui ne sont pas militants, tel Fabien par exemple. Sa principale crainte est que l'association soit le moyen pour certains « de se faire mousser ».

Luc : Je suis peut-être un peu utopiste mais ça se passe relativement bien et les décisions sont toujours prises collectivement, mais je n'ai pas envie que moi, en tant que Luc, de prendre des décisions. Je n'ai jamais pris de décisions très fondamentales à titre personnel. Je préfère engager le maximum de gens dans tout [...] Je n'ai jamais pris de décisions très fondamentales à titre personnel. Je préfère engager le maximum de gens dans tout. Le président je perçois pas ça comme quelque chose de très important, c'est une façon de trop individualiser quelqu'un.

Fabien : Ce qui m'agace souvent dans les mouvements associatifs, c'est lorsque ça devient un peu des affaires personnelles, lorsque ça devient le fonds de commerce de quelques personnes qui trouvent là un moyen de se faire mousser. Ca m'agace peu.

Les militants sont très critiques sur la façon dont les dirigeants contrôlent l'association. Ils considèrent que la gestion du pouvoir au sein de la direction nationale est trop exclusive. Julie considère que les dirigeants ont du mal à « conserver la tête froide » et elle les suspecte de vouloir « garder le pouvoir ». De plus, ils craignent que le « bagout » de Cassen ne permette de « manipuler l'Assemblée ». Luc explique que les adhérents qui étaient présents à la CNCL n'ont pas osé intervenir auprès de la direction. Les militants du comité isérois furent d'autant plus renforcés dans leur convictions, en apprenant qu'au niveau national certains remettaient en cause l' « autoritarisme » de Bernard Cassen157(*). Luc et Thomas évoquent même le fait que Cassen exercerait seul le pouvoir au sein du C.A. Thomas parle de « directoire national ».

Les militants isérois semblent très attachés aux problèmes de « démocratie interne ». Jacques Ion observe que ce souci peut être généralisé à l'ensemble des groupements contemporains. La remise en cause de la parole des dirigeants, la « langue de bois », participe de cette évolution. Désormais, la parole d'organisation est perçue comme étant un frein à la participation et à l'expression des adhérents. Ses qualités sont devenues ses défauts158(*). Toutefois, comme le note Jacques Ion, « ce qui est mis en cause c'est moins la parole d'un collectif d'adhérents que celle précisément d'un « appareil » qui confisquerait l'expression de l'ensemble des sociétaires »159(*). D'ailleurs, on a pu noter que les militants isérois étaient pareillement attachés à la remise en cause de la parole nationale qu'à l'expression collective des adhérents. La légitimité des représentants, l'élaboration commune des décisions semblent être les priorités du comité. Toutefois qu'en est-il véritablement au sein du comité ? Qu'elle place les militants accordent-ils à la « démocratie interne » dans leurs pratiques ?

Julie : Au niveau d'Attac, il y a déjà des phénomènes de pouvoir, de garder le pouvoir. On peut leur donner le droit de parole mais c'est difficile au niveau d'Attac de jouer son rôle de citoyen parce que je crois que c'est toujours difficile pour des gens qui sont à la tête de quelque chose de conserver la tête froide et de donner la place à chacun, c'est-à-dire que c'est difficile d'obtenir du national un certain nombre de choses [...] Je pense que c'est des gens qui ont des efforts à faire pour mettre en actes les belles idées de démocratie participative et donner aux citoyens la possibilité d'avoir du poids.

F.E : Et dans ces réunions [les CNCL] il s'y passe quoi ?

Thomas: Il n'y a pas grand-chose qui se passait. Parce que tout était ficelé et le bagout ou de M.Cassen et de Monsieur Tartakowski, même si je leur dois pas mal de respect parce que ce sont des gens compétents, mais là-dessus ils ont pêché.

Luc [il évoque le déroulement de la CNCL]: Et puis en plus [...] après il y a plein de gens qui sont venus me trouver et qui m'ont dit « On était d'accord avec toi » mais personne ne la dit ! Il y a un poids de la structure de tête sur les comités locaux qui fait que les gens n'osent pas. Et même des gens que j'estime. J'aurais pu intervenir en disant que c'était scandaleux mais je ne l'ai pas fait. Si on intervient dans un cadre très lourd, on finit par passer par des extrémistes qui veulent tout casser, c'est la réaction de pas mal de gens qui disent « on ne veut pas intervenir parce qu'il y a un poids de l'Assemblée qui fait qu'on ose pas ». Le soir précédent, on avait eu une réunion mais nous n'étions pas assez nombreux, on était pas assez organisé pour arriver à résister à cette espèce d'inertie collective. Une inertie collective qui est quand même bien entretenue par l'équipe dirigeante. Ils savent manipuler l'Assemblée. Parce que les gens n'osent pas intervenir, parce qu'ils ont peur de se faire rentrer dedans par François Cassen. C'est surtout Tartakoswki. Et c'est toujours très bien fait

Thomas : Les douze membres fondateurs ne viendront jamais aux réunions, parce que les membres fondateurs ne viennent presque jamais aux réunions et c'est Cassen tout seul, et Tartakowsky tout seul à Paris...

Lionel : La veille [de l'AG de Saint-Brieuc] 4 ou 5 comités dont l'Isère s'étaient réunis et un membre du bureau est venu voir pour se mettre d'accord. D'ailleurs ce même membre du bureau était venu pour L'Heure Bleue et avait dit en discutant que l'autoritarisme de François Cassen avait été remis en cause par certains dans l'association. J'étais très surpris de voir que les questions qui se posaient dans Attac Isère avaient un répondant équivalent à Paris.

1.3.1.3 Les contradictions du comité isérois

Si l'on observe le fonctionnement interne du comité isérois, il semblerait, en dépit des discours tenus par les militants, que la prise de décision s'effectue sur des modes similaires à la structure nationale. Luc explique qu'avant que la prise de décision ne soit clarifiée, les membres de la réunion publique étaient parfois amenés à voter sans que cela soit pour autant représentatif de l'ensemble des adhérents. Suite à un incident (un groupe de non-adhérents étaient survenus dans une réunion publique afin de peser sur les décisions du comité), les décisions ont désormais uniquement lieu au sein du Conseil d'administration. Toutefois, cela ne satisfait pas tous les adhérents. Par exemple, François, qui a milité dans plusieurs organisations, estime que l'Assemblée n'est là que pour « entériner » les décisions qui ont été adoptées auparavant lors du C.A. De plus, on peut mettre en doute la représentativité du C.A quand on sait que seuls moins d'une dizaine de membres160(*) y participent. La décision « collective », qui est faite au nom des 800 adhérents du groupe, est donc le résultat d'une discussion et d'un vote qui ont lieu entre un petit groupe de militants. Luc avoue d'ailleurs ne pas savoir qui il représente au sein du comité. Son élection, est selon lui le signe d'un accord des adhérents isérois avec les prises de position du comité.

Le mode électif, auquel semblent attachés les militants isérois lorsqu'il s'agit du mode de fonctionnement national, occupe une place très restreinte au sein même du comité. Luc reconnaît d'ailleurs que le vote est très rarement utilisé lors du C.A. Il explique que le consensus est privilégié et qu'il fait en sorte que suffisamment de débats aient lieu. Le vote n'est requis qu'à deux occasions : pour mettre fin à un débat lorsque des conflits de personnes apparaissent et pour être mandaté du comité, ce qui représente une source de légitimité au sein d'un débat national. Il est légitime de s'interroger sur la représentativité des prises de position qui sont faites au nom du comité. Lors de l'AG iséroise 2000, certains adhérents ont critiqué les membres du C.A pour leur opposition au national161(*). Cécile explique que les militants du comité « reprochent à Attac national de faire des sujets sans le consentement des comités locaux. Or, le C.A d'Attac Isère fait un maximum de sujets sans le consentement des adhérents d'Attac Isère ! ».

Luc : Il y a eu tout un problème de décision au sein d'Attac Isère. Parce qu'à l'origine, je n'y étais pas encore et ça c'est clarifié il y a quelques mois, qui prend les décisions au sein d'Attac Isère ? Est-ce le Conseil d'administration, ou est-ce la réunion mensuelle ? Il y a eu des ambiguïtés pas possibles. Maintenant on a dit nous on parle au nom du Conseil d'administration d'Attac Isère élu durant une Assemblée générale. L'esprit c'est ça. Le Conseil d'administration est élu et il prend des décisions au nom du Conseil d'administration, il est hors de questions que l'Assemblée mensuelle et ça, ça a été clarifié, prenne des décisions, parce que ça c'est tout l'aspect anarchique, il y a des anarchistes à Attac qui disaient la décision est prise collectivement. Mais ça veut dire quoi collectivement alors que dans les réunions mensuelles nous sommes une cinquantaine et nous ne serons jamais les 700 ? Ca n'est pas plus représentatif, au contraire ce sont des gens qui ne sont pas élus. En plus, on a assisté au niveau de notre histoire... On a voulu faire une action pour la Tunisie et c'est moi qui l'avait pris en charge, et en plus une action auprès du consulat tunisien à Grenoble, on a eu une réunion mensuelle avant. Dans celle-ci il y a plein de gens du consulat de Tunisie qui sont venus dans la réunion mensuelle pour peser sur notre décision. Parce que dans ces réunions publiques on discute librement. Il n'y avait pas eu de votes. Maintenant on peut faire des votes lors des réunions, mais on dit que ce sont des votes indicatifs. Et puis maintenant on dit qui a sa carte d'Attac ? Parce que n'importe qui peut venir pour voter lors d'une réunion publique. Ce problème de démocratie est maintenant clair, on prend plus de décisions en réunion mensuelle [...] Il n'y avait pas de compte-rendu de Conseil d'administration avant. Comment était prise la décision ? C'était flou. Les seules décisions qui étaient prises de manière claires, c'étaient celles qu'on a mise sur Internet et qui sont sur le site Attac 38.

François : L'Assemblée générale n'est là que pour entériner. Par exemple le Conseil d'administration d'Attac Isère se réunit avant et vient à l'Assemblée générale et dit ce qu'il a décidé.

F.E : Tout à l'heure vous me disiez que dans le Conseil d'administration d'Attac Isère il y a peu de vote...

Luc : Il y a peu de vote et par exemple hier, quand il y a eu un vote c'était pour arrêter la discussion parce qu'à mon avis ça tournait dans le vide, donc pour arrêter j'ai fait un vote. Mais de manière générale il n'y a pas de vote formel, on arrive souvent à un accord. Parfois, par exemple par rapport à la coordination nationale, où j'ai demandé un vote formel, pour être mandaté sur quelque chose, pour que je sois mandaté officiellement et clairement sur quelque chose. Je dis « Je demande un vote formel là-dessus ». La plupart du temps lors des votes, il y a une ou deux personnes qui ne sont pas d'accord ou qui s'abstiennent. Il faut dire qu'on débat pas mal, et je pense que l'ensemble des gens sont assez différents.

Luc : Je pense qu'on a certainement les mêmes contradictions au sein d'Attac Isère, il y a des gens qu'on ne voit jamais, et c'est en cela que je dis qu'on ne sait pas ce qu'on représente. Je le sais si on est réélu ou pas. Ces problèmes de la démocratie sont posés partout.

Cécile : Moi je me rappelle très bien à l'A.G. des adhérents, où il y avait encore eu la question des relations avec le national qui avait été mise sur le tapis, et où finalement il y avait un adhérent qui était intervenu pour dire : « Moi je viens d'apprendre qu'Attac Isère est en opposition avec Attac national, je ne le savais pas du tout, je ne connais pas du tout les termes du débat ! ». Donc l'adhérent avait adhéré à Attac, parce qu'il était d'accord avec Attac national parce que c'est Attac national qu'on voit et il se sentait un peu pris en otage par les prises de position un peu polémique d'Attac Isère. Quelquefois il y a un côté un peu impatient par rapport au national pour plus de démocratie dans Attac, mais il faut peut-être balayer devant sa porte d'abord [...] Non mais c'est vrai, quand tu es dans un groupe, que tu as un adhérent qui dit : « Moi je ne comprends pas la position d'Attac Isère vis-à-vis d'Attac national ». Quand on reproche à Attac national de faire des sujets sans le consentement des comités locaux ! Or, le C.A d'Attac Isère fait un maximum de sujets sans le consentement des adhérents d'Attac Isère !

Lionel : Il y a eu un problème lors du rapport moral de l'année 2001, c'est-à-dire après l'Assemblée générale de Saint-Brieuc où avait eu lieu la fronde des comités locaux. Des gens avaient reçu un courrier de l'Isère et ils ne comprenaient pas cette friction avec le national et le bureau avait été très critiqué par des gens qui viennent pas souvent et qui reçoivent l'information. Il ne comprenait pas pourquoi il y avait eu autant de problèmes [...] Ils ont quand même été pas mal critiqué même à l'intérieur de l'Isère. Des gens qui sont venus dire « Vous critiquez beaucoup mais vous n'êtes pas parfaits dans la façon dont vous fonctionnez ! ».

La conception de la « démocratie » interne qui est présente dans le discours des interviewés exclut la personnalisation du pouvoir. Toutefois, il semblerait que le comité local soit pris, quant à son fonctionnement, dans les mêmes contradictions que le national. Les délibérations du C.A n'engagent souvent qu'une dizaine de membres de l'association. Lors des réunions générales, auxquelles assistent entre 50 et 60 personnes, les intervenants sont le plus souvent les membres du C.A. François considère ainsi que « plus il y a du monde et plus ce sont les grandes gueules qui prennent la parole et moins c'est démocratique en termes [...] de prise de décision ». Cécile considère que le comité n'est animé que par trois ou quatre militants. On peut d'ailleurs noter qu'au sein d'Attac Isère, parmi les 33 postes de responsables de groupes, 23 sont occupés par des membres du C.A. Certains militants sont présents en tant que membre du C.A, référent d'un groupe et responsable d'un comité de réflexion thématique. Il y a une concentration des postes qui est donc très forte. La participation politique, comme le note Bernard Denni, se caractérise par une forte concentration au profit de quelques uns et elle s'effectue sur un modèle pyramidale (cumul des adhésions et des responsabilités)162(*). Toutefois, on peut noter que ceux qui occupent le nombre le plus important de fonctions ne sont pas des militants « professionnels ». Par exemple, Julie, qui occupe quatre postes dans l'association n'est pas adhérente d'une autre organisation. Elle a un passé militant relativement faible163(*). A l'inverse les enquêtés qui cumulent les adhésions dans d'autres organisations (Cécile, François) n'occupent pas des postes à responsabilité dans le comité ou ne s'investissent pas dans ceux-ci164(*).

François : Parce que dans les Assemblées générales comme celle d'Attac par exemple on voit que plus il y a du monde et plus ce sont les grandes gueules qui prennent la parole et moins c'est démocratique en termes d'information et de prise de décision.

Cécile : Il y a des gens dans Attac Isère qui sont au courant de tout ce qui se passe à un moment sur tous les groupes ; il y a trois quatre personnes du C.A qui sont engagées et qui vraiment animent Attac Isère.

Les militants isérois semblent attachés aux procédures de délibérations collectives. Or, selon Jacques Ion, on assisterait depuis la fin des années soixante à une remise en cause des procédures électives. Le vote, c'est le moyen qui permet au sein d'une organisation de « dégager une expression unique et donc de faire de la volonté majoritaire la loi de tous »165(*). Cette vertu du vote qui était auparavant exalté serait aujourd'hui devenu un vice. Désormais il apparaîtrait, comme un « moyen trop souvent utilisé pour freiner les processus de discussion et de délibération »166(*). Toutefois, la préférence des enquêtés pour ce mode décisionnel contredit cette évolution. L'usage qui est fait du vote au sein du comité, tout comme au sein de l'association nationale, semble aller dans un sens qui est contraire aux observations de Jacques Ion. Le vote n'a pas ici, uniquement un rôle délibératif. Il sert à clore un débat ou encore à être mandaté, c'est-à-dire à agréger les volontés individuelles et à légitimer leur représentation. Il existe donc un paradoxe entre le souci démocratique d'une meilleure légitimité et d'une meilleure participation dont témoignent les adhérents et les modes de délibération qui ont lieu au sein du comité. Il semblerait que les militants isérois soient confrontés aux mêmes contradictions que la direction nationale. Alors qu'ils portent un discours où la « démocratie » (entendu comme la participation collective) est centrale, le mode de fonctionnement de l'association semble échapper à ce principe. Comment interpréter ce paradoxe ?

On peut supposer que les fréquentes évocations du thème de la démocratie témoignent, non seulement, d'un réel attachement à la notion de participation collective mais également d'une rhétorique permettant de critiquer la direction nationale. Si les militants attachent tant d'importance à la représentation collective, c'est peut-être afin de pouvoir jouer un rôle plus important dans le fonctionnement national de l'association. Le conflit qui oppose la direction de l'association aux militants isérois, témoigne d'une volonté d'être reconnu au sein des statuts, en tant que comité local, afin de disposer d'une place plus importante. La valeur qu'accordent les militants au mode de désignation électif et à la participation collective serait alors un moyen de légitimer leurs revendications.

Ces contradictions ont été montrées du doigt à plusieurs reprises. De toute évidence, l'attitude du comité Attac Isère ne fait pas l'unanimité au sein de l'association. Il est, d'ailleurs, réputé pour être l'un des comités le plus radical à l'encontre de la direction nationale. Cette relation fait l'objet de débats entre comités mais également entre les adhérents isérois.

1.3.2 Les relations entre Grenoble et Paris

1.3.2.1 Une relation d'opposition critiquée

Certains comités locaux, reprochèrent aux militants isérois de chercher à mettre en cause le national et ils désapprouvèrent leur attitude. Ils furent accusés de vouloir prendre le pouvoir au sein de l'association en renversant les dirigeants.

Luc : La première CNCL, on a demandé dès le début une inversion de l'ordre du jour, en disant avant de commencer, il faudrait peut-être travailler en ateliers sur la fonction de la CNCL, ce qu'il convient de faire et comment on va travailler, avant de commencer à travailler. Et bien non ! Il y a beaucoup de gens qui ont réagi de manière très négative, en disant « Qu'est-ce que ça que cette histoire là ! On est en train de perdre notre temps sur des discussions qui ne valent pas le coût ! », donc on a débattu d'une manière assez aléatoire d'un certain nombre de choses et rien a été décidé.

F.E : Il y a des comités locaux qui vous ont critiqué ?

Thomas : Bien sûr ! On s'est fait traiter de gauchistes, de calife mais tous ceux-là ils ont été remis à leur place rapidement. Les deux, trois qui ont porté ces critiques là, je les ai vus physiquement à l'Assemblée nationale ou à la conférence nationale en disant que c'était vraiment petit comme réflexion. Moi mon combat il est ailleurs, je n'en ai rien à foutre de devenir célèbre à l'intérieur d'Attac.

Les accusations, portées à l'encontre des dirigeants, sont également très mal perçues par certains adhérents d'Attac Isère. Il s'agit, avant tout, d' accusations émanant de membres qui sont le moins impliqués dans le comité. Leurs critiques reposent davantage sur la forme de l'opposition que sur sa légitimité. D'ailleurs, certains reconnaissent que ces reproches sont « peut-être justifiés » (Fabien), d'autres s'accordent à dire qu'ils sont « légitimes » (Lionel). Toutefois, ils désapprouvent le mode d'opposition qu'entretiennent les membres du C.A avec la direction nationale. Ils y voient une tentative d'obtenir une certaine forme de reconnaissance. Fabien, qui a été mis au courant des conflits avec le national par un courrier interne167(*), craint une dérive « bureaucratique » de l'association où les « petits chefs veulent prendre la place du grand chef ». Cécile regrette que la confiance vis-à-vis du national ne soit pas plus présente chez les membres du C.A. Elle leur reproche une « opposition systématique » qui consisterait à « se plaindre pour s'affirmer un peu ». Enfin, Lionel y voit une tentative d'obtenir une reconnaissance de la part de la direction nationale168(*).

F.E : Il y a eu des débats au sein d'Attac Isère...

Thomas : Il y a eu aussi des critiques au sein d'Attac Isère de gens qui en n'avaient marre qu'on ressasse toujours les problèmes, du lien avec le national en disant « Oui vous rechercher la reconnaissance du nationale ! », alors qu'on fait ce qu'on a à faire et on mobilise comme on peut et on est loin d'être les moins efficaces.

Fabien : Je n'aimerais pas qu'Attac me donne l'impression de devenir un trop bureaucratique. Je ne trouve pas mais le fait que la section de l'Isère commence à critiquer la direction nationale. Je n'aime pas les organisations qui cherchent à s'auto-finaliser. C'est-à-dire les organisations, où au bout d'un certain temps, l'action consiste à critiquer les chefs, à essayer de prendre leur place, à avoir des débats sur des problèmes qui n'intéressent que le groupuscule, perdre de vue la vue initiale. J'ai cru comprendre que la section de l'Isère était partie très en guerre contre la direction nationale. C'est peut être très justifié, mais je me méfie de ce genre de choses, parce que souvent dans les organisations au bout d'un moment il y a des problèmes de leadership, il y a des petits chefs qui veulent prendre la place du grand chef et au bout d'un moment ça tourne en rond. C'est ce que j'appelle une association qui essaye de se finaliser elle-même. Et puis elle perd de vue ce pourquoi elle a été constituée. Ça a été un peu ma crainte.

Cécile : Dans toutes les organisations qui se veulent nationales, voire internationales, il ne faut pas se leurrer, il y a une direction qui prend les décisions et tout le monde ne peut pas participer à la prise de décision immédiatement. Là aussi, la confiance doit jouer. À partir du moment où tu adhères à une organisation et qu'il y a un minimum de débats d'idées à l'intérieur de l'organisation, tu peux te dire que globalement les prises de position au niveau national vont plus ou moins ressembler aux tiennes [...] Après, moi je pense qu'il y a aussi une part de parano, car je disais qu'Attac Isère a un côté parano, il y a un côté très polémique [...] Quelquefois il y a la tentation de se plaindre pour se plaindre, pour s'affirmer un peu [...] En plus, on se déconsidère en faisant cela. Ce n'est pas les prises de position intelligente, c'est de l'opposition systématique.

Lionel : Je comprends tout à fait aussi les critiques qu'il y a eu contre le national car vu l'énergie qu'ils déploient, je comprends qu'ils regrettent qu'ils ne soient pas reconnus vis-à-vis du mouvement [...] Il est tout à fait légitime, je pense, qu'ils reprochaient ces griefs à Paris et puis il y a de l'émotionnel et c'est moins maîtrisé. Le fait de ne pas être reconnu. On est un peu dans la dialectique difficile qui reproche à son père et qui cherche à être reconnu. Il y a un peu de ça.

1.3.2.2 Des relations sans ambiguïtés ?

Les critiques provenant des comités locaux et des adhérents isérois ont été très mal acceptées par les dirigeants d'Attac Isère. C'est afin d'éviter tout soupçon, qu'ils affichent une certaine distance dans les relations qu'ils entretiennent avec le national. Les militants isérois insistent, au cours des entretiens, sur leur indépendance et le peu de liens que le comité entretient avec les responsables nationaux. A l'occasion des Assemblées nationales, trois courriers ont été envoyés à Cassen mais ils sont restés sans réponse, précise Luc169(*). Aucun membre du C.A n'est jamais venu rencontrer les responsables locaux. Le comité, rajoute Thomas, a toujours été indépendant du national lors de l'organisation de rassemblements comme celui de l'Heure Bleue170(*), où les intervenant avaient été contactés directement au sein du Conseil scientifique sans passer par le biais du national. Les militants affichent une certaine fierté quant à cette indépendance. Thomas tient à préciser que lorsqu'il exerçait la fonction de président, il ne s'est « jamais rapproché physiquement » des dirigeants afin de pouvoir conserver sa « liberté de parole ». Enfin, ses déclarations ont toujours eu lieu « dans la clarté et devant tout le monde ». De même, l'actuel président affirme qu'il n'a « pas de contact en plus » que les documents officiels qui lui sont transmis. Les enquêtés témoignent d'une crainte d'être accusé de collaboration avec le national. A l'inverse, Thomas accuse certains responsables de comité de s'être trop rapprochés de la direction et de s'être faits retournés comme des « crêpes ». Les militants isérois présentent leurs interventions comme étant « désintéressées » et ils se défendent de n'avoir jamais cherché à prendre la place des dirigeants. Luc craint que les militants isérois ne soient pris pour des « séparatistes ». Thomas, alors qu'il était encore le président du comité, s'était exprimé lors de l'AG de St Brieuc pour préciser que son intention n'était pas de prendre le pouvoir mais de se faire entendre en tant que comité local.

F.E : Sinon avec le national, quels contacts avez-vous ?

Luc : On a essayé pendant un an de leur envoyer un certain nombre de messages auxquels on a reçu aucune réponse, donc on a abandonné. Je n'ai aucun contact actuellement avec le national, sauf dans le cadre de la conférence nationale des comités locaux où par définition on essaye d'envoyer quelque chose en leur disant ce qu'on demande, mais on n'a jamais eu de réponse donc ça s'arrête là. Avec Sylvie Derrien, la responsable de la coordination des comités locaux, je n'ai pas de problème mais elle nous appelle pas sauf quand il y a un problème à traiter. Elle envoie des documents qui sont destinés à tout le monde, comme des convocations à la CNCL. Elle fait son boulot, c'est une salarié mais on n'a pas de contact en plus. Moi ce que je regrette, c'est que chaque fois qu'on écrit à Cassen, on n'a pas eu une seule réponse.

Thomas : On a toujours, quand je dis nous c'est Attac Isère, fait seuls et c'est notre grand mérite pour défendre nos opinions par rapport à eux [les dirigeants nationaux] mais aussi pour défendre les thèmes d'Attac. On se débrouille, jusqu'à l'Heure Bleue on avait jamais demandé d'aide du national, tous les contacts à part René Passet, on s'est débrouillé pour avoir tous nos intervenants et on n'a jamais demandé à ce qu'ils nous déroulent le tapis rouge pour nous amener nos intervenants à telle heure ou à telle heure est on s'est occupé de tout. Par contre on a réussi à se faire payer les billets de train et on y avait droit, il y a eu une participation du national là-dessus. Alors pour le prochain truc à l'Heure Bleue ça va changer car il va falloir qu'on paye et on va demander des subventions. Pour les intervenants on est passé par le Conseil scientifique pour René Passet, sinon pour le reste on les a contactés à droite à gauche. Pour Susan Georges ou Vincent Espagne on les a contactés à la fin d'une conférence.

F.E : Il y a des membres du bureau national qui sont déjà venus à Attac Isère ?

Thomas : Non ! Non ! Non... Non... Pas encore. On avait, je crois envoyer une lettre à Cassen pour lui dire de venir, je me rappelle plus. Non il y a personne qui est venu, peut-être qu'il faudra le faire. Mais à partir du moment où on envoie du courrier, je pense que s'ils avaient répondu. On n'a pas eu de réponse, on a fait trois courriers. C'est pour ça qu'on s'est demandé si c'est le fait de pas être d'accord sur des thèmes au niveau national mais c'est un problème de démocratie au sein de l'association.

Thomas : Moi je me méfie de tout ce qui est institution, personnalité est donc je ne me suis jamais rapproché physiquement de Cassen ou de Tartakowsky ou de gens comme ça, j'ai toujours voulu garder ma liberté de parole [...] Mais je pense que je suis quel qu'un de sincère et quel qu'un d'intègre. Je n'ai pas profité de la situation de président pour me placer auprès d'eux. Je ne les ai jamais interpellés directement, je n'ai jamais discuté avec eux dans un coin, moi je parle toujours dans la clarté et devant tout le monde. Alors qu'il y en a d'autres qui ont été retournés comme des crêpes et qui, il y a deux ans, étaient frondeurs et grandes gueules et qui six mois après, on les retrouvait en nous traitant comme des irresponsables, et immatures...

Luc : On essaye de se trouver une solution pour arriver, sans remettre en cause le nationale, car on n'a pas envie de casser Attac, c'est quand même actuellement le seul outil qu'on connaisse qui permette de se bagarrer sur ce plan là, on n'a vraiment pas envie de le casser [...] C'est ce qu'ils craignent au niveau national et c'est ce que nous craignons si on met en place cette coordination des comités locaux, on craint être pris pour des séparatistes alors que ce n'est pas du tout le cas.

Thomas : Maintenant avec le recul je pense qu'ils avaient peur qu'on foute la merde à l'Assemblée générale, alors qu'on était vraiment pas là pour ça et j'ai pris la parole dans ce sens la, en disant qu'on n'était pas à des fouteurs de merde [...] Que j'étais pas là pour foutre en l'air Attac et qu'il n'avait pas lieu de craindre de nous une prise de pouvoir quelconque, par rapport à ça [...] Ils avaient peur eux, le bureau surtout, Cassen, Tarta et Khalfa, ils avaient peur de ça mais c'était une peur qui n'était pas fondée [...] Et Cassen, Tarta, Khalfa peut-être en moindre mesure car il est reconnu syndicalement, ont craint qu'il y ait une prise de pouvoir physique dans le sens où il y ait des gens qui les bousculent et qu'on en mette d'autres à leur place. Moi j'en ai rien a battre. J'en ai rien à foutre de me faire voir dans Attac et de participer, de me faire mousser auprès de Cassen... Et tu le sais j'aurais pu le faire plusieurs fois.

La relation d'opposition qui caractérise le comité isérois vis-à-vis de la direction nationale participe, selon Jacques Ion, à une remise en cause des modes d'organisations traditionnels qui apparaissent trop rigides. Le fonctionnement interne serait devenu une priorité. La participation des adhérents et la légitimité des représentants incarneraient les nouvelles préoccupations des militants. Ces évolutions traduisent l'émergence de nouvelles valeurs au sein de l'engagement (la participation, la légitimité). Pour en rendre compte, il est possible de mettre en lien, comme le fait Alain Lancelot, l'essor des mouvements associatifs avec la crise de légitimité des organisations politiques traditionnelles171(*). Dès lors, selon Dominique Mehl, « la place politique du mouvement associatif se définit d'abord en creux [...] [Les associations] servent alors de substitut à la carence des institutions représentatives »172(*). L'association serait dotée des valeurs qui font défaut aux groupements traditionnels. L'attachement au mode associatif serait un des vecteurs de l'engagement.

2 La part associative de l'engagement

« « Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s'unissant à tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même, et reste aussi libre qu'auparavant. » Tel est le problème fondamental dont le Contrat social donne la solution. Les clauses de ce contrat sont tellement déterminées par la nature de l'acte, que la moindre modification les rendrait vaines et de nul effet »

Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, I, ch 6.

Attac, est une association de loi 1901. Pourtant, à l'origine, la proposition de Ramonet qui fut publiée dans le Monde Diplomatique évoquait la constitution d'une Organisation non gouvernementale (ONG). Ainsi il suggéra en décembre 1997 de « créer, à l'échelle planétaire, l'organisation non gouvernementale Action pour une taxe Tobin d'aide aux citoyens -Attac »173(*). Au cours de la rencontre qui eu lieu le 16/03/1998 entre les futurs membres fondateurs le projet d'une ONG avait encore été évoqué174(*). Toutefois, le projet d'une ONG se transforma en mai 1998 en une « association internationale »175(*). Lors du dépôt des statuts, le « A » de l'acronyme qui se référait initialement à l' « Action » signifia désormais l' « Association ». Par la suite, l'idée d'une ONG ne fut plus évoquée officiellement. Bernard Cassen rappelait, lors du C.A du 17 février 1999, qu'Attac n'était pas une ONG mais une « organisation française internationaliste »176(*). A l'occasion de l'AG 1999, il était précisé qu'à terme, « il est possible de construire, avec d'autres, la grande ONG internationale qui saura exprimer les besoins des peuples, s'opposer à la dictature des marchés, démontrer qu' « un autre monde est possible »177(*). D'après ce document du bureau, l'idée d'une ONG resterait le but visé. Il s'agit, d'ailleurs, d'une revendication qui est soutenue par certains adhérents. Ils proposent qu'Attac devienne une ONG afin que, par exemple, il soit possible de déduire fiscalement les donations qui sont faites. Peut-être la forme associative a t-elle été privilégiée en raison de sa flexibilité ? Il est imprudent de spéculer sur le fait qu'Attac soit devenu une association et que le projet initial d'ONG ait échoué. Toutefois, en quoi l'engagement des enquêtés a t-il un lien avec la forme associative du mouvement ?. Il est nécessaire pour cela d'identifier la représentation de la forme associative, telle qu'elle apparaît au cours des entretiens.

2.1 Les vertus associatives

Martine Barthélémy explique l'engouement pour l'engagement associatif par le fait que l'association représente un ensemble de valeurs auprès des militants. La principale vertu de l'association serait la liberté. La notion de liberté recouvre ici deux phénomènes. L'association serait, tout d'abord, l'organisation dans laquelle l'adhérent disposerait d'une liberté d'action supplémentaire en comparaison avec les formes plus hiérarchisées (syndicats et partis politiques). Il s'agit de la « liberté individuelle dont la démarche associative permet l'expression »178(*). D'autre part, l'association serait perçue, contrairement aux structures partisanes, comme un mode d'organisation facilitant la diversité des opinions. C'est l'idée d'une « liberté de l'association, fondée sur le « pluralisme » et la « diversité » des idées qui s'y échangent et des individus qui s'y rencontrent »179(*). Qu'en est-il au sein d'Attac Isère ? En quoi l'engagement des enquêtés a t-il un lien avec la forme associative du mouvement ? Y- a t'il une représentation homogène de l'association parmi ceux ci, qui serait semblable à celle que décrit Martine Barthélémy ?

2.1.1 Une liberté d'action supplémentaire

2.1.1.1 Le refus d'un fonctionnement hiérarchique et centralisé

Tout d'abord, les enquêtés sont assez réfractaires aux syndicats et aux partis politiques, eu égard à leur centralisme. Il s'agit selon eux, d'organisations qui sont le plus souvent « bureaucratiques » et « centralisées ». Luc, qui a milité depuis les années soixante-dix dans la CFDT, regrette qu'un dualisme croissant soit apparu au sein des syndicats entre la « base » et la « tête ». Par ailleurs, il se définit, lui même, comme un « militant à la base » et déclare avoir tenté de travailler jusqu'à sa démission avec « la base ». Sa participation syndicale est restée essentiellement au niveau de son entreprise. Au terme de son militantisme, il considère que la CFDT ne lui a jamais véritablement apporté son soutien, et qu'elle se limitait à percevoir les cotisations. Luc estime que les responsables syndicaux ne se situent pas dans une stratégie de défense des salariés mais qu'ils sont « inclus dans les problèmes de pouvoir ». Il déclare, par ailleurs, au cours de l'entretien, que l'originalité d'Attac est de se situer à l'extérieur des problèmes de pouvoir, c'est-à-dire en position de « contre-pouvoir ». Laurent perçoit également cette coupure entre les militants et les responsables au sein des partis politiques. Les partis ne correspondent pas à des « mouvements d'idées » mais à des « écuries » en faveur des dirigeants. Laurent reste perplexe devant le fait que certains individus puissent militer dans les partis puisqu'ils n'ont aucun bénéfice direct à en attendre.

Certains enquêtés rejettent la structure syndicale et politique car ils critiquent son mode d'organisation vertical où la « base » est dépourvue d'un réel pouvoir180(*). Stanislas Varennes, au cours d'une étude consacrée au militantisme associatif, a pu remarquer que les personnes qui privilégient la structure associative souhaitent, avant tout, un mode d'engagement qui aille à l'encontre du centralisme syndical ou politique. Il s'agirait de « pallier la défaite de la démocratie représentative par le développement de la « démocratie participative » »181(*). Face à la rigidité des structures syndicales et politiques, organisée de façon verticale le modèle associatif est présenté comme une structure souple et non hiérarchisée, permettant à chacun de participer182(*). Qu'en est-il au niveau de l'engagement au sein d'Attac ?

Luc : C'est là que je me suis rendu compte d'un certain nombre de problèmes qui se posent au niveau syndical... Enfin c'est une analyse de la société que je fais quand je dis ça. D'une part, entre les spécialistes syndicaux qui sont à la tête et la base, il y a des spécialistes qui se sont transformés en experts et qui ne tiennent pas du tout compte de la base [...] Les syndicats sont de plus en plus sur une position néo-libérale, ils sont complètement intégrés au système. Parce que les gens qui sont à la tête des syndicats, je parle des syndicats majoritaires et je ne parle pas uniquement de la CFDT, ce sont des gens qui sont inclus dans les problèmes de pouvoir, qui se battent et qui discutent avec les politiques mais comme les politiques !

Laurent : C'est une question de personnes car la politique en général ça m'interpelle et jusqu'à maintenant je n'avais jamais franchi le pas d'adhérer un mouvement. Les mouvements politiques sont pour moi un peu trop des écuries, il ne me semble pas que se soient des mouvements d'idées. En tout cas je ne retrouverais pas à militer vraiment pour un parti [...] Alors moi du coup j'aimerais bien parler à des militants du parti socialiste pour savoir pourquoi ils militent à leur niveau, il mouillent leur chemise, ils vont coller des tracts alors que directement ils n'ont rien à y gagner... Sauf si vraiment ils croient en la personne... Peut-être que c'est ça.

2.1.1.2 L'association : une organisation au fonctionnement souple

Face à ces modes d'organisation qui ne correspondent pas aux attentes de certains adhérents, Attac est présenté comme une structure « souple », dans laquelle la liberté d'action et d'initiative est très importante183(*). Pour Julie, tandis que les structures politiques et syndicales apparaissent « vieilles » et « figées », Attac représente une association « très jeune », en « construction » et dont les débouchées sont incertains. Elle évoque une « création continue ». La forme associative qui est moins encadrée, permettrait davantage de « confrontation », de « recherche » et de « réflexion », qu'au sein d'un parti ou d'un syndicat.

La forme associative a semble t'il contribué à l'engagement de plusieurs adhérents. Il s'agit pour eux de participer à une « expérience ». Lionel a été motivé par une « curiosité intellectuelle » qui l'a amené à s'intéresser au devenir du mouvement. C'est également pour cette raison qu'il s'est rendu à l'AG de St Brieuc, en octobre 2000. Il semble très intéressé par le conflit qui existe entre les comités locaux et la direction nationale. De même ce qui a interpellé Julie, ce ne sont pas les revendications que défend Attac, c'est avant tout la forme de militantisme qui était proposé. Attac a lancé, selon elle, un appel à « réveiller le citoyen » et à « réfléchir ensemble pour voir comment ça peut bouger ». Julie se représente son engagement comme une « expérience » de mobilisation. Il s'agit de l'opportunité de prendre part à quelque chose de nouveau et de voir comment l'association évolue. Par ailleurs, Julie, perçoit les problèmes de démocratie interne et le combat, auquel elle participe, en vue de la reconnaissance des comités locaux comme un premier défi à « changer les choses ». Les problèmes avec la direction nationale ne constitue pas un facteur de démobilisation dans son engagement. Au contraire, il s'agit pour Julie, d'une motivation supplémentaire car ces problèmes renvoient, selon elle, au slogan défendu par Attac, à savoir : « Il s'agit ensemble de se réapproprier l'avenir de notre monde ». Ce qui a lieu dans l'association préfigure ce qui peut avoir lieu a une échelle de « communauté de pays ». Par la nouveauté de sa forme Attac symboliserait un premier changement social. Il s'agit d'une expérience « à une échelle qui permet de comprendre ce qui se passe », tandis que les mécanismes de la finance ont une dimension qui lui « échappe ». 

Julie : Attac est une très jeune association et on ne sait pas ce que ça va donner [...] Pour moi ce qui est important c'est que c'est une association qui donne la possibilité aux gens de réfléchir, on rencontre une diversité de gens que je trouve très intéressante. À partir du moment où se sera structuré sous forme de parti politique, on ne gagnera pas d'ouverture et il y aura la bonne parole et tout ce côté, les réflexions un peu parallèles ça ne sera plus un espace de réflexion et de confrontation, de recherche car pour l'instant Attac pour moi c'est ça, une création continue. Pour moi ce qui intéressant c'est que ça fait appel à chaque citoyen [...] Mais je trouve quand même qu'il y a des choses intéressantes, je trouve que c'est tonique, peut-être que dans cinq ou six ans Attac sera devenue une association routinière et que ça aura changé

Lionel : Je trouve ça assez intéressant. Dans ma motivation pour rejoindre Attac Isère, il y avait l'idée de rencontrer des gens avec qui on partage quelque chose et puis aussi par curiosité intellectuelle sur la création d'un mouvement qui se crée, à quoi ça correspond, qu'est-ce qui se joue ? Donc là c'était plutôt la dimension proche de mes intérêts non pas professionnels mais d'intérêts pour le regard psychosociologique, toute la dimension des sciences humaines par rapport à ce groupe humain avec un phénomène qui me paraît très actuel dans notre époque. C'est quelque chose qui naît, qui essaye de réagir à des problèmes avec tout ce qui touche la vie sociale et l'individu [...] Il y avait un effet politique dans cette assemblée du fait que pour Paris, leurs préoccupations sont en tant que créateur d'Attac et il y a un phénomène qui déborde le cadre intellectuel par lequel ça été créé. C'est assez intéressant de voir cette fronde qu'il y a pu y avoir à un moment donné entre les comités locaux et le bureau de Paris, cette recherche de se faire reconnaître et de se dire Attac ce n'est pas simplement le bureau d'une association c'est aussi tous les gens qui la composent. Moi j'y allais pour voir.

Julie : Mais moi particulièrement ce n'est pas ça qui m'a attiré, c'est qu'à la fois elle abordait des problèmes et une vision du monde et qu'elle disait à chacun on va réfléchir ensemble pour voir comment ça peut bouger. Je ne rentrais pas dans une organisation qui était vieille, qui était déjà installée et qui avait déjà une ligne de conduite très précise, je rentrais dans une association qui faisait appel à chacun et qui devait se construire donc c'est une expérience. Il y a des choses qui vont, qui évoluent, il y a des conflits, les choses qui marchent bien, des choses intéressantes mais aussi des confrontations, mais aussi des choses avec lesquelles on n'est pas d'accord et il faut voir si on est capable de faire bouger aussi à l'intérieur même d'Attac les choses avec lesquelles on n'est pas d'accord. Comment peuvent se négocier des avis différents ? Comment peut-on arriver à produire quelque chose ensemble ? Car je me dis si on arrive à le faire dans Attac, il n'y a aucune raison pour qu'on puisse pas le faire ailleurs c'est-à-dire dans d'autres groupes et pourquoi pas au niveau d'une communauté beaucoup plus grande, une communauté de pays... C'est peut-être complètement utopique mais je me dis que l'avantage d'Attac c'est que c'est quelque chose qui débute et qui se construit au jour le jour [...] Alors je me dis que c'est intéressant car c'est encore à ma mesure au niveau des rouages, autant au niveau du pouvoir financier il y a quelque chose de très compliqué et il y a des choses qui nous échappent, l'association Attac est encore à une échelle qui permet de comprendre ce qui se passe et ça m'intéresse beaucoup de voir comment elle évolue et de voir ce qui se passe, comment elle va évoluer et comment chacun des militants qui sont à Attac et qui sont venus Attac parce que c'était justement l'aboutissement d'un appel à réveiller le citoyen qui est en chacun de nous, comment il va se débrouiller et comment va faire vivre sa au sein de l'association qui se réclame de cet objectif [...] C'est vrai que pour moi c'est une expérience ce qui se passe là, c'est une expérience de voir une mobilisation importante qui peut changer quelque chose si on a effectivement cette possibilité de faire pression pour changer ce qui ne me plaît pas [...] Est-ce qu'on est encore capable de se mobiliser et de bouger pour que vraiment on se fasse entendre en tant qu'hommes et femmes de ce monde ? Moi c'est ce qui m'intéresse.

2.1.2 Le respect du pluralisme

2.1.2.1 Le refus du conformisme

Les organisations traditionnelles sont également perçues comme étant une limite à la liberté d'opinion. Cette critique est beaucoup plus fréquente à propos des partis que des syndicats. Selon les adhérents, les partis occupent dans la vie politique un rôle de mouvement d'idées qui n'est plus rempli actuellement. C'est ainsi que Fabien qualifie la vie politique française de « platitude ». Il exprime également son inquiétude vis-à-vis du rapport qu'entretiennent les jeunes avec la politique. Il considère qu'il n'y a plus suffisamment d' « effervescence au niveau des idées » pour que les jeunes puisent s'engager politiquement. Laurent affirme, à plusieurs reprises, qu'il se sent interpellé par « la politique ». Toutefois, les partis ne correspondent pas, selon lui, à des « mouvements d'idées » mais à des « écuries ».

Fabien : Ce n'est pas au niveau des partis politiques que l'on peut trouver de l'effervescence au niveau des idées. Ils sont un peu, je n'ose pas dire sclérosés, mais enfermés dans un certain confort intellectuel. Moi ce qui me paraît grave, c'est que la vie politique à l'heure actuelle doit avoir énormément de mal à intéresser les jeunes [...] Ce qui m'énerve, c'est que dans les partis politiques, quels qu'ils soient, il y a beaucoup de platitude, il n'y a rien de moins enthousiasmant. Et si j'ai une inquiétude à manifester, c'est que je ne vois pas comment les jeunes peuvent véritablement être motivés par des intérêts d'ordre politique.

Laurent : C'est une question de personnes car la politique en général ça m'interpelle et jusqu'à maintenant je n'avais jamais franchi le pas d'adhérer à un mouvement. Les mouvements politiques sont pour moi un peu trop des écuries, il ne me semble pas que ce soient des mouvements d'idées. En tout cas je ne retrouverais pas à militer vraiment pour un parti.

Cette dévalorisation des organisations syndicales et politiques s'assortit d'une critique de l'engagement militant. Fabien estime que l'engagement syndical est « borné ». Il regrette que les prises de position de la direction soient suivies de façon stricte sans regard critique. Il existe, selon lui, un conformisme intellectuel au sein de ces structures. Il explique, d'ailleurs, qu'à l'occasion des mouvements de grève de 1995, il avait participé à une réunion syndicale au cours de laquelle il avait soutenu le plan Juppé sous les critiques des syndicalistes présents. Peu de temps après, des membres de F.O (Force ouvrière) lui avaient avoué que malgré leur accord, ils étaient contraints par leur syndicat à afficher leur désapprobation. Fabien considère que ses collègues syndicalistes étaient « affligeants ». A l'inverse, il se décrit comme étant quelqu'un d' « indiscipliné » et d' « indépendant ». Il justifie, par ailleurs, le fait qu'il soit professeur d'université par l'autonomie que lui confère son travail. Laurent dévalorise également le militantisme syndical ou politique qui suppose, selon lui, de « mettre des oeillères ». L'adhésion a un parti lui semble « étrangère » car cela suppose d'adhérer totalement à une « idéologie » ou une « doctrine ». L'engagement politique relève, selon lui, de la même croyance que l'engagement religieux; le militant se situe dans des « chapelles » trop contraignantes. On pourrait s'attendre à ce que cette représentation ne soit pas partagée par ceux qui militent dans des organisations politiques. Toutefois Cécile, qui milite à la LCR, partage une conception similaire. Elle avoue avoir peur d'être sujette, au sein de son organisation, à un « endoctrinement ». C'est pour éviter « d'arrêter de réfléchir », qu'elle souhaite militer dans une autre organisation. Elle privilégie pour ce second choix, une association puisqu'elle militait auparavant à Ras l'Front de 1996 à 1999 et qu'elle a adhéré à Attac en janvier 2000. Ce second engagement lui permet de ne pas militer « en vase clos » dans la LCR et de garder un « esprit critique ».

Fabien : Je ne sais pas si vous vous rappelez de toutes ces manifestations qui ont eu lieu au moment du plan Juppé [...] J'y voyais toute une série d'aspects positifs. Je trouvais que ce plan allait plutôt dans le bon sens. J'ai été le dire assez librement et les gens qui étaient là, notamment du syndicat Force Ouvrière, étaient farouchement contre le plan Juppé et je me suis trouvé très fortement contesté. C'était une assemblée générale qui avait eu lieu à la faculté de sciences économiques. L'amphithéâtre était plein et on était plusieurs à s'exprimer. On m'a beaucoup critiqué et deux jours plus tard je rencontre des gens du brain trust de Force Ouvrière à Paris, et ils me disent « Dans le fond ce plan Juppé, il n'est pas si mal que ça mais on ne peut pas se permettre de le dire. Dans le fond on le trouve pas mal. Mais sur la place publique on est obligé de dire qu'on le trouve mauvais ». De même que quand la CSG avait été mise en place, j'avais un collègue qui était au service économique de la CGT, la CGT était partie complètement en guerre contre la contribution sociale généralisée, qui au fond n'était pas si mal que ça. Et ce collègue me dit « Au fond, on est pas si contre mais il faut qu'on dise qu'on est contre car la direction l'a dit ». Et ça je ne comprends pas [...] Dans les syndicats il y a beaucoup de sclérose. J'aime bien les syndicats [...] mais il y a des formes de militantisme qui sont un peu bornées et ce sont souvent celles-là qui tiennent un peu le haut du pavé.

Fabien : J'ai appartenu à un syndicat d'enseignants, le Syndicat National d'Enseignement Supérieur, le SNESUP. J'y ai adhéré mes premières années d'enseignement à l'université. J'ai commencé en 1970 et j'ai y été pendant près de dix ans. J'ai adhéré d'abord au SNESUP, puis j'étais agacé. Il y a un corporatisme excessif, un manque de raisonnement. C'est un peu le propre d'un syndicat, mais il y a plusieurs degrés. Là c'était vraiment du corporatisme, le nez sur le guidon. Je me suis rapidement lassé, et puis mes collègues étaient très bornés. Il y en avait qui étaient affligeant. Participer aux réunions était devenu pour moi un calvaire. Quand la littérature syndicale vous paraît répétitive et très automatique dans ces réactions...

Fabien : Je suis quelqu'un d'assez indépendant j'ai du mal à me canaliser dans un parti, la discipline de parti est quelque chose qui m'est insupportable. Je suis quelqu'un de très indiscipliné et ça me pèse d'être encadré par un parti. C'est un certain nombre de choses qui font que je n'aurai plus l'impression de me sentir suffisamment libre, si j'étais adhérent à un parti politique. Je n'arrive pas à prendre position d'un côté ou de l'autre. On aboutit à des absurdités totales, aussi bien au sein des partis que des syndicats [...] Et souvent quand on est encadré par des partis politiques, on est obligé de faire des concessions. Si je suis universitaire, c'est parce que c'est un des métiers qui permet une des plus grandes libertés de penser. C'est pourquoi je n'ai pas envie d'aller militer dans des structures où j'ai peur d'être trop canalisé.

Laurent : Ça a longtemps été une source de velléité, je m'intéresse à la politique mais en même temps j'ai une sorte de conscience cette lucidité, pour s'engager dans un mouvement je pense que quelque part il faut être un peu con dans le sens où il faut être un peu borné. Dans tout ce qui est politique il n'y a pas de vérité absolue et c'est tout le temps une question de perspectives. Et choisir une perspective c'est quand même se mettre des oeillères, même si on le fait lucidement, il n'y a pas de vérité. Pour s'engager quelque part il faut être un peu con, les militants purs et durs je ne les aime pas bien [...] Du coup tout en ayant une sorte de volonté de m'impliquer en tant que citoyen, je ne l'ai jamais vraiment fait car je n'ai pas envie de m'enfermer [...] Quand j'étais étudiant j'avais rencontré des gens qui étaient adhérents aux jeunesses communistes et je les regardais comme des gens étranges, ils m'interpellaient car je me demandais qui ils sont. Pour moi ce sont des gens différents et je les sens très loin de moi, je ne comprenais pas comment on pouvait adhérer au Parti communiste. Ça me semblait étrange parce qu'ils sont dans une chapelle avec une idéologie, une religion. De même titre que les gens qui croient en dieu, en tant que personne ils m'interrogent car je me dis comment ils font, c'est un peu la même chose au fond. En tout cas il y a des points communs entre la doctrine qu'elle soit religieuse ou laïque, moins maintenant.

Cécile : Moi j'ai toujours eu très peur par rapport à la Ligue d'arrêter de réfléchir, c'est-à-dire que c'est un parti qui a une énorme tradition politique et il y a un certain nombre de gens qui ont un positionnement politique très clair vis-à-vis des choses et ils sont capables de t'enfoncer. Le fait que je voie d'autres choses par ailleurs et que j'ai d'autres réflexions ça m'empêche de rester dans la ligne. J'ai une certaine méfiance par rapport à ça, par rapport à l'endoctrinement. Je ne vais pas militer qu'en vase clos à la Ligue parce que c'est vrai que si je me fichais complètement de ce qui se fait au niveau du monde militant et je ne pourrais plus avoir un esprit critique vis-à-vis de la Ligue. Militer ailleurs ça me permet d'avoir un positionnement critique vis-à-vis de mon propre parti. J'ai quand même les idées de la Ligue par ailleurs que j'ai envie de d'y diffuser ailleurs dans le monde associatif et donc aller militer ailleurs.

2.1.2.2 Un engagement plus parcellaire

Les partis politiques et les syndicats sont décrits comme des organisations ne permettant pas à l'individu de s'exprimer librement. En revanche, les enquêtés différencient nettement le mode de fonctionnement d'Attac. Selon Cécile, le fonctionnement d'une association est plus « souple » que celui d'un parti politique. Selon elle, les prises de position des individus sont déterminées dans un parti, par « leur vision globale des choses et leur vision de la stratégie du parti ». L'absence de « projet de société » dans Attac permet aux adhérents de « se positionner plus ou moins en retrait par apport à un thème ». Pour Laurent, tandis que l'engagement politique traduit un « phénomène de croyance », l'adhésion à Attac s'apparente plus à une similitude de « perspectives ». L'idée de perspective est plus singulière et moins contraignante que celle de croyance qui suppose une adhésion totale. Soutenir une perspective, selon Laurent, n'empêche pas d' « être conscient que la vérité n'est pas absolue ».

Cécile : C'est très différent d'une forme de parti. Tu as un programme alors que dans Attac tu as des revendications. Tu as un programme général avec une vision générale de la société, il est élaboré par les militants du parti et puis il y a une structuration en tendances. Les prises de position des gens sont déterminées par leur vision globale des choses et leur vision de la stratégie du parti et tu as une organisation par rapport aux prises de position sur la société. Attac c'est un ensemble de revendications structurées autour de la taxe Tobin et de ce qui va avec, il y a un lien entre ses revendications, mais tu n'as pas quelque chose de programmatif avec un projet de société à établir. Ça permet quelque chose de beaucoup plus souple contrairement à des partis où la vision de la société détermine l'organisation. Dans Attac chaque individu peut se positionner plus ou moins en retrait par apport à un thème. Puis tu n'as pas l'élaboration de la ligne Attac par un congrès qui rassemblerait tous les adhérents qui auraient été élus sur la base de tendances. Ce n'est pas vraiment centralisé parce que le centralisme c'est le fait que la base soit représentée au sommet et donne sa confiance au sommet pour faire agir tout le monde. Attac ça n'est pas ça. C'est quelque chose de nouveau et c'est difficile à caractériser [...] Ça n'est pas un fonctionnement de parti parce que dans un parti il n'y a de légitimité que parce qu'il y a une élection par la base du parti.

Laurent : Même dans un mouvement comme Attac ce sont des gens qui portent des idées et il y a un phénomène de croyance. Mais je vois ça moins en termes de croyance mais de perspectives, on a différentes perceptions des choses, la réalité on peut la voir de plusieurs manières. On peut être conscient que la vérité n'est pas absolue tout en ayant une perspective de la société, lui donner une orientation. Le mouvement Attac est en cohérence avec ma perception et c'est pour ça que j'ai adhéré. Je vois une perception du monde, déjà le fait que ce soit international, ensuite qu'il ne soit pas radical dans son approche des choses, il s'agit plus d'orienter et de maîtriser la réalité dans un sens qui soit plus social, plus humain et plus axé vers le développement et c'est ça la direction qui m'intéresse. Il me semble que la direction d'Attac c'est celle-ci et la mienne c'est la même.

Attac est également représenté comme une organisation « ouverte » dans laquelle il est possible de rencontrer une grande diversité d'appartenances politiques ou syndicales. Par exemple, Isabelle, pour qui il s'agit du premier engagement, ne souhaitait pas adhérer à une organisations qui ait « des idées vraiment limitées »; ce qu'elle assimile au fait de « renter dans une case ». Attac lui est apparu comme un mouvement doté d'une « ouverture sur plein de choses », permettant une « confrontation d'idées [qui soit] beaucoup plus large ». De même, Laurent explique qu'il a adhéré à Attac parce qu'il est rentré en accord avec la « perspective » et les revendications que propose l'association. Il s'agit, pour lui, d'un « mouvement d'idées [...] qui est assez large ». Enfin, l'engagement de Fabien semble révélateur de l'ouverture dont les enquêtés accréditent Attac. Fabien, explique pourquoi il a préféré s'engager dans Attac plutôt que dans le groupe contre la pensée unique184(*). Ce groupe reste, selon lui, très « intellectuel » et il représente un « fonds de commerce très universitaire ». A l'inverse, Attac lui semblait être un groupe de réflexion « qui n'est pas trop fermé [...] trop spécialisé [...] trop confiné ». Il apparaît, au cours des entretiens, que cette représentation de l'association a beaucoup contribué à l'engagement des enquêtés. Toutefois, cela n'est observable que pour ceux qui n'étaient pas inscrits dans des réseaux militants (Isabelle, Laurent, Fabien, Julie), tandis que ceux qui peuvent être décrits comme étant des militants « professionnels » attachent peu d'importance dans leur engagement au fait qu'Attac soit une association. Ceci est cohérent avec le fait que l'engagement des moins militants s'accompagne d'un rejet des organisations politiques et syndicales.

Isabelle : Et du coup on s'y est intéressé, on avait eu un peu la même démarche, c'est-à-dire qu'on avait pas envie de rentrer dans un parti, parce qu'on n'est pas déterminé forcément, on a des idées mais on ne se sentait pas de rentrer dans une case, un parti qui a des idées vraiment limitées. Et là, Attac ça nous semblait un peu différent, une ouverture sur plein de choses avec des gens différents et, étant donné qu'il y a des gens qui adhèrent à la fois à des syndicats, des partis... Ça nous permettait d'avoir une confrontation d'idées beaucoup plus large.

Laurent : Et là le mouvement Attac, c'est cela avec quoi je suis rentré le plus en accord pour m'engager dans une action. C'est un mouvement citoyen qui est porteur d'une perspective sur la société et qui a des revendications pratiques, il ne cherche pas non plus à prendre le pouvoir. C'est un mouvement d'influence, ce n'est pas un lobby, c'est un mouvement d'idées et d'influence qui est assez large.

F.E: Vous connaissez le groupe de réflexions contre la pensée unique ?

Fabien : Oui, mais c'est un groupe d'économistes qui reste très intellectuel [...] Mais je préfère Attac parce que c'est plus large comme approche. Du fait que ce ne sont pas que des économistes, ce n'est peut-être pas plus mal. Ce qui m'intéresse chez Attac, c'est que c'est à la fois un groupe de réflexion, mais un groupe de réflexion qui n'est pas trop fermé, qui n'est pas trop spécialisé, qui n'est pas trop confiné. Le support du Monde Diplomatique, à mon avis, c'est quelque chose d'important. Et puis Attac, est lié à des milieux différents. Alors que le groupe contre la pensée unique, je suis d'accord avec eux, c'est bien, mais ils sont combien ? Ils sont peut-être 200, même pas. C'est resté un fonds de commerce universitaire et à ma connaissance ils ne cherchent pas à susciter des adhésions. Ils n'ont pas envoyé aux groupes d'économistes et aux professeurs d'université un courrier en leur disant « Voilà ce qu'on fait et si vous êtes d'accord, rejoignez-nous ! » [...] Peut-être que les gens de l'appel contre la pensée unique, on envie de rester un peu entre eux car c'est leur originalité et leur idée et ils ne veulent pas qu'elle soit trop partagée et diluée. Peut-être qu'ils estiment que ça n'est pas leur vocation.

Tandis que les partis politiques et les syndicats représentent des organisations « rigides » qui supposent un engagement total de l'individu, l'association est perçue comme étant plus ouverte à une multiplicité d'opinions. Cette diversité s'explique par le fait que l'adhésion à une association puisse se faire à partir d'un accord parcellaire et ne présuppose pas un engagement global185(*). Tout ce qui relève du global, comme le note Emmanuelle Reynaud, est assimilé à un engagement flou et éparpillé et est renvoyé aux partis politiques186(*). Le regroupement d'individus distincts, et parfois opposés, au sein d'une même association est d'autant plus possible, que cette agrégation est perçue comme étant éphémère. Les individus ne semblent pas être contraints par leur engagement. C'est ce dont témoignent les Attacants isérois. Beaucoup d'enquêtés, aussi bien ceux qui sont membres d'autres organisations (François, Cécile), que ceux qui n'ont pas d'autres adhésions, sont d'accords pour reconnaître que si les divergences étaient trop importantes le mouvement se séparerait. Ils se représentent Attac comme un regroupement hétérogène provisoire dans le but de soutenir un certain nombre de revendications particulières. L'adhésion ne semble donc pas être perçue comme un acte contraignant.

F.E: Il y a certaines différences entre les adhérents d'Attac [...] est-ce que ça ne risque pas de poser des problèmes de défendre la même chose pour des raisons différentes ?

Fabien : Pour l'instant ces différences ne sont pas trop affirmées, je ne le vois pas comme ça [...] Il y aura toujours moyen de se dissocier et de se dégager, le jour où on peut se sentir embrigader dans une voix qui n'a pas été celle qui était initialement privilégiée.

Laurent : Par contre au niveau des opinions politiques c'est quand même très large, il y a une gauche assez ouverte... Enfin disons modérée et une gauche assez extrême comme la LCR. Il y a une bonne partie des militants qui sont des gauchistes et il y a aussi des gens qui sont plus modérés dans leur approche et leurs perspectives. Après je sais aussi qu'il y a un groupe Attac à l'assemblée nationale, et il y a des centristes qui sont adhérents et donc Attac c'est un mouvement qui est assez hétéroclite. Je ne pense pas qu'il y ait des gens de droite vraiment. Au niveau du petit groupe Isère le discours que j'entends est assez extrémiste. Moi je ne suis pas du tour en accord avec ça.

F.E : Est-ce que ces différences ça n'empêche pas de porter un projet commun ?

Laurent : Non, bien sûr que non. Déjà ils sont d'accord pour instaurer la taxe Tobin et ils ont déjà ça en commun. Je pense qu'ils mettent le même sens derrière que moi, et en tous cas peu importe, c'est plus la manière de porter le projet qui est différente. À mon avis dans l'historique d'un mouvement, il y a un moment où les idées sont tellement minoritaires qu'on ne se pose pas trop la question, c'est peut-être après que ça peut poser problème. Il y a des moments où les mouvements se scindent en plusieurs courants.

François : Ca c'est sur tout le monde est pour la taxe Tobin, tout le monde est pour l'annulation de la dette du tiers-monde, tout le monde... Tout le monde n'est pas obligé d'être d'accord. Par exemple, je sais que sur l'OTAN on n'aura pas débats parce que je sais que si on a un débat [...] on aura des différenciations et c'est normal. On sera pas d'accord et on mènera pas d'actions ensemble sur l'OTAN. On peut avoir le débat, ça empêche pas... Mais pour déboucher sur une pratique militante... Mais tu vois je pense qu'on y est pour faire des choix ensemble, pas pour se cliver. Donc... Donc bien oui. Sur l'OTAN, entre ceux qui pensent que c'est le bras armé de l'Amérique et ceux qui disent que c'est le garant de l'ordre mondial et la stabilité et des droits des peuples, il y a quelque chose qui fait qu'on ait pas sur le même pied, qu'on est pas d'accord. Mais c'est pas grave. On ne se battra pas sur ce terrain-là ensemble. On fera le reste ensemble on fait le bout de chemin qu'on peut faire. On est en désaccord là-dessus et quand on n'est pas d'accord chacun retourne à son organisation, à ces activités, à son syndicat.

2.1.3 Une liberté contestée

Le mode associatif semble doté au regard des militants d'un ensemble de vertus. Toutefois, la perception du mode associatif n'est pas homogène chez les enquêtés. Pour certains, il représente un signe de démocratie en comparaison des partis politiques et des syndicats. En revanche, certains interviewés affirment que la forme associative est un cadre trop exigu qui restreint la participation des adhérents. Par exemple, Lionel considère que la forme associative n'était pas nécessaire au niveau local car elle est déjà présente au niveau national. C'est pourquoi Lionel ne milite au sein du comité que depuis octobre 1999, alors qu'il a adhéré à l'association nationale en juillet 1998. Il cherchait un regroupement dont le fonctionnement soit plus « informel » et dont le développement puisse être plus « spontané » et « imprévisible » qu'une association. Il pensait militer dans le comité Savoie qui ne s'est pas constitué en association. N'ayant pu y adhérer (pour des raisons professionnelles), il a rejoint le comité isérois « sur la pointe des pieds » presque un an après sa création. Lionel a beaucoup hésité puisque Attac Isère est une association loi 1901. La forme associative représente pour lui une organisation de groupe « rodée » et qui impose à ses participants, un « cadre » et un « carcan ». Depuis, son adhésion Lionel a refusé de participer aux groupes thématiques de réflexion qui existent dans le comité. Il n'a également pas souhaité intégrer le Conseil d'administration, en dépit du fait qu'il figure parmi les plus anciens militants du comité.

Lionel : J'ai adhéré très rapidement à Attac, dans le mois qui a suivi sa création sur le plan national. J'ai commencé à aller voir en Savoie comment ça se passe, parce que j'ai un travail là-bas [...] Je savais qu'à Grenoble se créait une association Attac et je n'y ai pas été tout de suite en raison du cadre même de l'association avec des élus, un bureau, président. Je suis relativement prudent. En Savoie, il y avait eu des discussions auxquelles j'avais assisté et ils se demandaient s'il fallait créer une association ou un comité et ils ont en fait pencher plutôt pour un type de fonctionnement de comité, c'est-à-dire qui n'est pas une organisation avec un cadre de fonctionnement officiel. L'association c'est déjà une organisation qui est largement pensée et rodée, une organisation de groupe. Ça impose un cadre avec tout ce que ça implique, c'est-à-dire un carcan. Je pensais davantage m'inscrire dans quelque chose de plus spontané, dans une création plus imprévisible dans l'organisation. Parce qu'on est dans quelque chose qui est à créer et à instituer. On était plusieurs à penser que le cadre associatif n'était pas nécessaire parce qu'il est déjà établi sur le plan national. Cette représentation officielle elle existe actuellement mais ce qu'on pouvait vivre à petite échelle pouvait être différent [...] Je les ai rejoints plus de six mois après la création. C'était la forme associative qui me freinait un peu, et puis, je suis venu sur la pointe des pieds. Je suis venu pour une manifestation organisée par Attac en octobre 1999, pratiquement un an après la formation d'Attac Isère. Je voulais quand même essayer de rejoindre ou de rencontrer des personnes qui adhéraient à Attac et qui a priori partageaient des idées communes avec moi..

Les critiques qui sont formulées à propos du fonctionnement d'Attac semblent aller à l'encontre du modèle associatif. L'association, comme le note Stanislas Varennes, représente un mode de fonctionnement « souple » qui facilite la participation des adhérents. Contrairement au centralisme des structures fortement hiérarchisées, l'association se caractérise par un modèle horizontal où le pouvoir est diffus. Pourtant, il existe, selon les enquêtés, au sein de la structure nationale d'Attac, une forte concentration du pouvoir. Un « directoire national» exercerait, selon Thomas, un contrôle unilatéral sur le fonctionnement de l'association. Nous sommes donc loin du fonctionnement « souple » et « ouvert » qu'évoquaient certains adhérents. Les mêmes reproches ont été formulé à l'encontre du fonctionnement du comité isérois. La prises de décision s'effectueraient uniquement au sein du C.A et laisseraient à l'écart la plupart des membres. La structure associative n'est pas appropriée, selon certains enquêtés, pour un comité local car elle suppose un fonctionnement trop rigide. Plusieurs enquêtés considèrent qu'il existe un formalisme trop important au sein du groupe isérois. Cécile insiste à plusieurs reprises sur les difficultés qu'elle a rencontrées dans son militantisme. Elle a adhéré dans le but de mettre en place un groupe spécifique pour le campus mais qui soit lié au comité isérois. Elle s'est heurtée, explique t-elle, à plusieurs obstacles dans le fonctionnement du groupe. Par exemple, Cécile a eu l'idée, en février 2001, de publier un journal propre au groupe campus qui s'intitule Trat'Attac. Le C.A, qui a été très méfiant, souhaitait avoir un droit de regard sur les articles qui étaient publiés. Après la parution du premier journal, qui n'avait pas été soumis à l'approbation du C.A, les militants du campus furent très critiqués. Il fut alors décidé que tout document devrait être soumis au C.A. Cécile regrette que le C.A souhaite contrôler la totalité du comité. Il en résulte, selon elle, un manque de confiance qui constitue un frein à l'engagement des adhérents. Elle explique qu'elle a rencontré d'autant plus de difficultés, qu'elle disposait d'une précédente expérience associative au sein de Ras l'Front, où elle avait participé au lancement d'un journal lycéen. La direction n'exerçait aucun contrôle sur la publication. Cécile constate que le fonctionnement au sein d'Attac Isère n'est pas aussi souple.

Cécile : Oui, oui c'était en début d'année, on s'est dit : « cela fera une activité régulière, sur le campus; on va faire un journal » [...] Quand on a sorti le premier journal, c'est moi, qui les ait appelés en leur disant : « Voilà on sort notre premier journal » mais on ne leur a pas montré. C'est vrai que cela a été super dur, car moi, à ce moment-là je ne pouvais pas aller au C.A, c'était un copain qui était allé au C.A pour dire qu'on avait fait un journal. Il s'était fait incendier par les membres du C.A mais alors d'une façon vraiment grave. Il en était sorti super choqué par rapport à ce qui s'était passé.

F. E. Ils avaient lu le journal ? C'était en fonction du contenu ?

Cécile : Non ! Ce n'était même pas en fonction du contenu ; c'était en fonction de la démarche. On n'était pas passé par le C.A. Et ils ont très peur de tout ce qui est récupération, tout ce qui est éclatement au sein d'Attac qui ferait qu'on ne pourrait pas avoir le contrôle sur tout ce qui se fait au sein des groupes. Ils ont dit : « Tout document doit passer par le C.A avant d'être publié ».

Cécile : Au début, comme je te le disais, c'était difficile et notamment cela a été difficile car on a fait des sujets sans l'accord du C.A, parce que nous, dans notre tête, on avait une expérience associative et on avait aussi un groupe lycées, on faisait pareil, on tirait 12 000 tracts par mois et c'était jamais lu par un membre du bureau. Il n' y avait pas de vérification, il y avait une confiance entre les groupes. Il n'y a jamais eu de problèmes. Comme c'était un groupe lycée, on était quarante à la meilleure époque [rires], donc, comme il y avait du monde, on considérait que c'était le fruit d'un travail collectif et qu'il n'y avait pas besoin de repasser derrière pour voir si c'était en accord avec les idées du groupe. Tandis qu'à Attac, il ne nous ont pas fait cette confiance là.

Le formalisme du comité isérois aboutit, selon Cécile, à des « blocages » dans le fonctionnement de l'association. Tout d'abord les réunions seraient ancrées dans une forme trop rigide187(*). Par exemple, Cécile explique que récemment le C.A, auquel elle participe, a abordé une question matérielle relative à l'achat d'une armoire. La discussion a débordé sur la gestion de la trésorerie et a duré un peu moins d'une heure. Chaque chose étant soumise à l'accord des membres du C.A, les préoccupations matérielles occupent une place centrale dans les débats. De plus, des blocages surviennent également lors des mobilisations. Par exemple, Cécile précise, avec ironie, qu'à l'occasion de la manifestation du 1er mai 2001, le groupe campus a été « mandaté » par le C.A afin de réaliser une banderole. Des blocages sont également survenus lorsque des actions ont été menées avec des organisations dont le fonctionnement est plus souple. Ce fut le cas notamment à l'occasion du Festival de Résistance Anti-Kapitaliste (FRAKA) qui eu lieu sur le campus. Le FRAKA est une association composée d'une quarantaine d'étudiants et qui a un fonctionnement très souple et peu hiérarchisé (pas de C.A, décisions prises au consensus). Attac a participé au festival qui s'est déroulé en avril 2000. Toutefois, les membres du FRAKA avaient annulé une intervention sans en avertir le comité. Les membres du C.A en furent contrariés. De plus, les militants isérois avaient invité José Bové sur le campus lors du déroulement du festival. Les militants du FRAKA avaient annoncé l'événement dans leur plaquette sans pour autant avoir participé à l'organisation. Cela fut très mal accepté par le comité local qui décida de ne plus participer au festival. Toutefois, en 2001, Cécile, qui fréquente les membres du FRAKA, désira y participer. Pour cela, elle décida d'adopter une démarche très formelle auprès du C.A qui fut contraint d'accepter la participation du groupe campus.

Cécile : Et puis il y a des blocages. Par exemple à la dernière réunion on a discuté pendant trois quarts d'heure s'il fallait une armoire pour Attac Isère pour ranger les documents dans le local FSU. Au départ il ne fallait pas de meubles dépareillés par rapport à son mobilier, on les comprend, donc ils devaient forcément acheter une armoire qui allait avec leurs meubles. Cette armoire devait coûter 2400 F. Cela nous a entraîné avoir un débat plus large sur la trésorerie et comme la trésorière avait des difficultés.

Cécile : Et cette année, on a tenu une table d'Attac campus, car la relation en entre le FRAKA et Attac Isère était un peu compliquée. En fait, c'est parce qu'Attac Isère n'a pas apprécié la façon dont le FRAKA les a sollicités. Déjà l'an dernier, une personne d'Attac Isère devait faire une intervention pour le FRAKA; or le FRAKA avait trouvé quelqu'un d'autre et ils n'avaient pas prévenu. Elle avait commencé son travail. C'est ce qui explique les mauvaises relations actuelles, car Attac c'est vraiment un organisme très réglementé, on ne peut pas faire n'importe quoi, ni annuler n'importe comment, il faut passer par le C.A avant de faire quelque chose. Du coup, le mode de fonctionnement des deux organismes était difficilement compatible. Eh oui ! Ce qui s'était passé c'était à propos de José Bové. Le FRAKA avait demandé à José Bové de venir sur le campus, mais ils n'avaient pas obtenu de réponse et ils ont appris par ailleurs, que le collectif avait invité José Bové. Comme ils étaient contrariés, ils avaient mis la venue de José Bové dans leur plaquette, pour annoncer l'organisation. Or, comme ils n'étaient pas encore co-organisateurs, Attac s'était énervé en disant que cela était scandaleux qu'ils l'écrivent dans leur plaquette. C'est vraiment de petites querelles [...] Donc, ce qui se passe, maintenant c'est qu'on a bien pigé le truc, et on les ennuie avec des sujets supers formalistes, la fois où j'y suis allée, c'était pour leur dire qu'on voulait prendre en charge la table à FRAKA. J'ai demandé à Cristina la présidente du FRAKA de m'écrire une lettre, signée la présidente du FRAKA : « Nous vous invitons à venir... etc ». Je leur ai présenté la lettre et cela les ennuyaient, car finalement, ils sont sur des principes, mais dans la réalité ils appliquent des principes supers formalistes.

Le fonctionnement du comité isérois et de l'association nationale semblent aller à l'inverse des valeurs qu'incarne le mode d'organisation associatif. Le mode de fonctionnement des organisations, quelles qu'elles soient, qui se sont développées en France depuis la IIIe République, se caractérisait, selon Jacques Ion, par un important formalisme juridique. L' « attachement extrêmement minutieux aux règlements » et le « fétichisme des statuts » témoignent du « souci constant d'élaborer anonymement une volonté commune »188(*). Ce formalisme tendrait, selon lui, à disparaître. Et « quand bien même les règles juridiques continuent à s'imposer, c'est sur un autre registre [...] elles ne sont respectées que par obligation »189(*). Ce constat ne s'applique vraisemblablement pas au fonctionnement de l'association Attac. Au contraire, les militants attachent beaucoup d'importance aux règles qui régissent le déroulement des réunions et des mobilisations. La place qui est accordée aux statuts, comme nous l'avons vu précédemment, va également à l'inverse de cet abandon du juridisme. Le comité Attac Isère semble donc aller à l'encontre des évolutions que connaissent actuellement les organisations.

Cette observation doit être nuancée par une remarque. Les statuts du comité imposent qu'un tiers des membres soient présents lors du déroulement de l'Assemblée générale. Toutefois, lors de l'AG du 24 février 2001 au cours de laquelle le C.A fut élu, ce quorum n'était pas réuni. C'est ainsi que, tandis que le comité comporte plus de 800 adhérents, seuls 165 membres étaient présents190(*). L'attachement des militants envers les statuts est donc plus prégnant dans leur discours que dans leurs pratiques effectives191(*).

L'engagement des militants semble motivé par un ensemble de valeurs qui sont incarnées par la forme associative. Comme le remarque Martine Bathélémy, au sein des représentations militantes, le substrat de l'association est la liberté. A l'inverse, les organisations partisanes sont perçues comme des cadres rigides retreignant l'initiative individuelle. L'engagement associatif, qui est plus parcellaire, apparaît comme un échappatoire aux discours globalisants tenus par les « appareils ». C'est ce qui explique, selon Patrick Lecomte, que « l'engagement se porte de préférence vers des associations à buts spécialisés plutôt que vers des organisations politiques qui prétendent régir l'ensemble de la société »192(*). Toutefois Attac soutient des revendications sur de nombreux domaines. Comment expliquer que le champ des revendications soit si large sans qu'il soit perçu pour autant comme contraignant ? Le discours tenu par Attac pourrait alors s'apparenter à celui d'un parti politique. Quelles limites, les militants posent-ils aux prises de positions de l'association ?

2.2 Un engagement précis mais global

2.2.1 Lutter contre la spéculation

L'acronyme Attac, Association pour la Taxation des Transactions financières et l'Aide aux Citoyens, indique la première revendication sur laquelle s'est fondée l'association. Le terme de transaction est large mais il renvoie, en premier lieu, aux transactions financières, c'est-à-dire celles qui ont lieu sur le marché des changes. Nous avons déjà évoqué le contexte dans lequel Ramonet a proposé la mise en place de cette taxe. Il s'agissait d'une récession économique très forte touchant le sud-est asiatique en 1997, et plus particulièrement l'Indonésie et la Thaïlande. Leurs systèmes financiers et bancaires s'effondrèrent et la responsabilité fut attribuée à la globalisation et à la déréglementation des transactions financières et monétaires.193(*) Ramonet précise que « la taxation des revenus financiers est une exigence démocratique minimale. Ces revenus devraient être taxés exactement au même taux que les revenus du travail [...] C'est pourquoi il importe de mettre en place des mécanismes dissuasifs »194(*). Afin de « désarmer les marchés », il propose une taxe appelée « Tobin », du nom de son fondateur, celle ci n'étant parmi les mécanismes possibles que « l'un d'entre eux».

2.2.1.1 La taxe formulée par James Tobin

James Tobin est un économiste américain, diplômé de l'université de Harvard et professeur à l'université de Yale. Il a obtenu le prix Nobel d'économie en 1981 pour ses analyses des marchés financiers195(*). Il est considéré dans les cercles des économistes comme un Keynésien convaincu et un « anti-Friedman »196(*). Il fut le conseiller économique de J.F.Kennedy au début des années soixante et un farouche opposant à la politique économique du président Reagan. C'est en 1978 qu'il a publié l'article le plus connu proposant l'établissement d'une taxe sur les transactions de change. Toutefois sa première intervention remonte à 1972, soit peu de temps après l'abrogation, en août 1971, du système de taux de change fixe, créé lors du traité de Bretton Woods en 1944197(*). Au système de change fixe, a succédé un régime à « taux flottants » dans lequel la valeur des monnaies dépend du jeu du marché et des stratégies adoptées par les intervenants qui y sont présents. Cette modification a ouvert la porte à la spéculation198(*) sur le marché des changes.

C'est pour répondre à cette menace, qui représentait un facteur d'instabilité important au sein du système monétaire international, que Tobin proposa de prélever une taxe sur toutes les opérations de change privées. Cette taxe serait de l'ordre de 0, 1% du montant brut de la transaction, permettant ainsi de taxer les placements à court terme (moins d'une semaine) sans pénaliser les investissements qui seraient faits à long terme. Elle permettrait donc de faire la distinction entre les transferts spéculatifs et les transferts non-spéculatifs. La taxe serait collectée dans le pays où la transaction est conclue et nécessiterait une coopération entre les Etats qui serait possible selon lui à travers l'organisme du Fonds Monétaire International mis en place lors des accords de Bretton Woods. Il s'agit pour lui de réduire l'activité spéculative en la pénalisant et ainsi de limiter la volatilité des transactions. Le marché s'en retrouverait restreint aux seules opérations de change nécessaires à l'investissement.

Le but poursuivi par James Tobin et les économistes qui ont soutenu sa proposition est de rendre aux politiques monétaires nationales l'autonomie qu'elles ont perdue face aux marchés financiers199(*). En effet, dans un régime de change flottant, la tendance à l'uniformisation des taux sur l'ensemble des marchés est très forte, ce qui rend difficile l'élaboration d'une politique monétaire autonome pour les Etats200(*). Grâce à la taxe Tobin, il serait moins nécessaire d'utiliser les taux d'intérêts pour défendre le taux de change car les transactions ne s'effectueraient pas sur la base d'un profit spéculatif et la politique monétaire de détermination des taux d'intérêts pourrait être plus aisément mise au service de l'investissement201(*). La seconde conséquence de la taxe consisterait en la création d'une forme d'impôt sur le capital qui serait uniforme mondialement. Le produit de cet impôt pourrait servir à l'aide au développement. Toutefois, ce n'était pas l'objectif principal poursuivi par Tobin. Lorsque l'idée d'une taxe sur les transactions monétaire dans un but « social » est réapparue, Tobin a réaffirmé qu'il ne s'agissait pas de sa finalité202(*).

2.2.1.2 La ré-appropriation de la taxe Tobin par Attac

Avec l'accentuation de la mondialisation et les facilités de circulation des capitaux qui en résultent, les transactions spéculatives ont pris, durant les années 1990, une proportion beaucoup plus importante qu'elles n'avaient lorsque Tobin fit sa proposition203(*). De nombreuses crises économiques se sont succédées : crise de la dette des pays du Sud au cours des années 1980, crise du Mexique en 1994-95, crise de l'Asie de l'Est en 1997, crise du Brésil en 1998. C'est dans ce contexte que l'idée de taxer les transactions financières et la proposition de James Tobin sont revenues sur le devant de la scène. La taxe « Tobin » fut évoquée lors de la crise monétaire européenne, en 1992 et 1993, lors de l'effondrement du peso américain en 1994204(*). Mitterrand proposa également la taxe dans un but « humanitaire » lors du Sommet Social Mondial de Copenhague en 1994. Enfin, elle fut évoquée au G7, à Halifax, en 1995. L'idée reçut le soutien de plusieurs personnalités : Jacques Delors (président de la commission européenne de 1985 à 1994), Boutros Boutros-Ghali (secrétaire général de l'ONU de 1992 à 1996), Barber Conable (président de la Banque Mondiale de 1986 à 1991). En France, en 1995, le candidat Lionel Jospin avait inscrit cette mesure dans son programme de campagne présidentielle, elle avait également été reprise par les socialistes lors des élections européennes de 1995 ; il n'en avait plus été question depuis205(*). Elle est réapparue en décembre 1997 dans l'éditorial d'Igniacio Ramonet. Mais la proposition défendue par Attac est-elle la même que celle de Tobin ? Comment l'association s'est-elle réappropriée cette idée et en a t-elle fait son cheval de bataille ?

La taxe défendue par Attac n'est pas fondamentalement différente, dans ses modalités d'application, de celle que James Tobin avait pu concevoir. Il s'agit d'une imposition des opérations de change à un taux situé entre 0,05% et 1% et qui permettrait de réduire le volume des transactions. Toutefois, Attac entend reprendre à son compte cette taxe dans un « esprit » différent de celui qui motivait James Tobin : alors qu'il souhaitait avant tout redonner aux politiques monétaires nationales une certaine autonomie et qu'il ne considérait le bénéfice de cette taxe que comme un « sous-produit », l'association s'est fondée initialement sur l'idée de collecter une somme permettant l'éradication de la pauvreté et le développement des pays les moins avancés206(*). Ramonet, dans son éditorial « Désarmer les marchés » appelait de ses voeux cet « impôt mondial de solidarité » qui «procurerait, par an, quelque 166 milliards de dollars, deux fois plus que la somme annuelle nécessaire pour éradiquer la pauvreté extrême d'ici au début du siècle. »207(*) Les membres du Conseil scientifique d'Attac précisent, par ailleurs, qu'il ne s'agit pas de se substituer à l'aide publique au développement mais d'ajouter le produit de la taxe aux financements déjà existants208(*).

En se réappropriant l'idée de Tobin et en lui donnant une finalité différente de celle qu'il lui attribuait initialement, l'association a ,dans un premier temps, donné l'idée que James Tobin était un économiste « humaniste »209(*), alors que le contexte et le but n'étaient pas semblables. Ce qui est étonnant, c'est que de nombreux militants Attac se représentent James Tobin comme un économiste libéral souhaitant non pas lutter contre la spéculation mais la protéger, en constituant grâce à l'argent récolté un fonds de réserve qui permetterait en cas de crise économique de « relancer la machine ». Son intention était d'empêcher la formation de bulles spéculatives qui sont néfastes au déroulement de l'économie capitaliste et au bon fonctionnement des marchés210(*). En revanche, il souhaitait bien freiner la spéculation. Il s'agissait pour lui de « jeter du sable dans les rouages de la spéculation » afin de rendre aux Etats une politique monétaire plus autonome. La finalité de Tobin était de donner plus de place aux politiques de relance et de réduire la place du marché, il était avant tout keynésien et surtout pas libéral.

Fabien : Dans son projet initial, le mot « mondialisation » ne venait pas, il s'agissait de faire en sorte de mettre du sable dans les rouages pour éviter qu' il y ait trop de transactions de spéculation. C'est tout. Je ne me rappelle plus quel était son but. Mais Attac je ne sais même plus ce qu'ils disent là-dessus. Eux... Enfin nous puisque j'en fais partie... Ils étaient favorables à la constitution d'un fonds qui permettrait de financer le développement social. Ce n'est pas le but que Tobin avait donné à son idée mais ça ne me choque pas. Je ne pense pas qu'il y ait de contradiction. Qu'on prenne l'idée mais on qu'on essaie de l'appliquer dans une optique différente !

Cécile : Dans la taxe je pense qu'on peut y voir ce qu'on veut dedans. Les gens d'extrême gauche y voient un tremplin pour une critique globale de la société, un grain de sable qui pourrait amener une prise de conscience du capitalisme mondial et c'est pour ça qu'il y a un certain nombre de gens de la gauche radicale qui se retrouvent dans Attac. Il y aussi des gens qui vont y voir un moyen d'action pour améliorer la condition de vie des populations, comme des gens du parti socialiste. Il y a Tobin lui-même qui y voit le moyen pour huiler le système financier. Je pense qu'on peut y voir ce qu'on veut.

2.2.2 L'élargissement des revendications

2.2.2.1 De la taxe Tobin au boycott de Danone

Taxer les transactions qui sont effectuées sur le marché des changes peut sembler réducteur, mais il s'agit avant tout, par le biais de cette idée, de retrouver un contrôle des transactions sur lesquelles les Etats ont perdu tout droit de regard211(*). « Elle constitue un embryon de contrôle sur la spéculation, même si le seul marché des changes est concerné, car celui-ci est au carrefour de toutes les opérations financières internationales, sur toutes les sortes d'actifs, y compris les investissements à long terme à l'étranger. Redonnant des marges d'autonomie aux politiques économiques nationales [...] elle conforterait les mesures intérieures de taxation des revenus financiers ainsi que la surveillance publique des investissements extérieurs »212(*). La taxe Tobin dépasse la seule taxation des marchés des changes et sert de « préalable à une refonte du système financier international »213(*). C'est donc l'ensemble des transactions financières qui sont concernées par Attac214(*). D'ailleurs dans son éditorial, Ramonet proposait un mouvement qui s'appellerait « Action pour une Taxe Tobin d'Aide aux Citoyens » et les deux T centraux renvoyaient encore à la Taxe Tobin au printemps 1998, lors des premières réunions. C'est avant le dépôt des statuts qu'il fut décider de changer le sigle de signification afin d'élargir le champ d'action et de revendication de l'association215(*). Il s'agissait dès lors non plus seulement de la taxe Tobin mais de l'ensemble des transactions financières216(*).

Ce premier élargissement permit tout d'abord de mettre en avant le fait que la taxe Tobin n'est qu'une mesure parmi d'autres et qu'Attac n'est pas uniquement destiné à défendre cette taxe. Ensuite cela permit d'aborder tout un ensemble de thèmes qui tout en étant assez différents sont intimement liés à celui de la taxe. Ainsi dans la charte et la plate-forme internationale217(*), les signataires décidèrent de défendre cinq revendications.

Les deux premières, « entraver la spéculation » et « taxer les revenus du capital », passent par la taxation des transactions financières. La sanction des paradis fiscaux est très liée, dans les réflexions que l'association publie, à la taxe Tobin. En effet, le fait de taxer les transactions financières risque d'entraîner une évasion de ces flux vers les endroits où ils ne sont pas taxés, en particulier vers les paradis fiscaux qui ne sont sujets à aucune imposition218(*). La lutte contre les fonds de pension qui alimentent la spéculation est également l'un des objectifs car ceux-ci représentent pour Attac, « les principaux acteurs et bénéficiaires de cette déréglementation et de cette libéralisation financière »219(*) et constituent « les forces hégémoniques de la finance mondialisée »220(*). L'annulation de la dette des pays pauvres s'explique, eu égard aux objectifs du mouvement, par le fait que les titres de la dette publique s'échangent sur les marchés obligataires publiques et constituent ainsi un moyen supplémentaire de spéculation. Ainsi, « s'attaquer aux fondements de la puissance de la finance suppose le démantèlement de ces mécanismes et donc l'annulation de la dette publique [...] »221(*).

Les revendications défendues par Attac222(*) se sont peu à peu élargies et elles ont dépassé considérablement le cadre de la lutte contre les marchés financiers. A l'occasion des négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui ont eu lieu à Seattle en décembre 1999, Attac a appelé à manifester lors des réunions des organismes internationaux de finance et de commerce, notamment à travers le refus de l'Accord Multilatéral sur les Investissements (AMI) et de l'Accord Général sur le Commerce et Services (AGCS) proposés par l'OMC. De plus, le Conseil scientifique d'Attac a publié un document réclamant l'édiction d'un « droit sur le vivant en tant que bien commun de l'humanité » qui implique la mise en place d'un moratoire sur les organismes génétiquement modifiés, le redéploiement des recherches vers une agriculture « durable, autonome et paysanne »223(*). A l'occasion du naufrage en décembre 2000 d'un pétrolier affrété par la multinationale TotalFinaElf, l'Erika, sur les côtes françaises, le bureau national a publié une déclaration réclamant auprès du gouvernement et du parlement français « la responsabilité financière illimitée des compagnies pétrolières, l'instauration de la « responsabilité pénale personnelle des P-DG pour les crimes écologiques commis par leurs sociétés » et enfin la suppression des pavillons de complaisance224(*). Attac a également pris position sur des questions d'éducation en dénonçant la présence d'une banque (CIC) dans plusieurs collèges et lycées de France afin de faire participer les élèves à un concours fondé sur un jeu de spéculation fictive. Dans une lettre aux comités locaux, le bureau estime qu'il s'agit d'un « endoctrinement idéologique des jeunes » et d'une tentative afin « d'infiltrer les consciences. Cette utilisation du service public de l'Education Nationale remet également en cause « le principe républicain de laïcité » »225(*). Enfin, l'association a également pris position sur des problèmes liés au travail et à l'entreprise. Par exemple, à l'occasion des négociations entre syndicats, la direction nationale s'est opposée au projet du PARE (Plan d'aide au retour à l'emploi ).226(*) De plus, à l'occasion de l'annonce d'un plan de licenciement par Danone, alors que le groupe dégageait un bénéfice de 4,7 milliards de francs pour l'année 2000, le siège de l'association a pris position contre les licenciements de convenance boursière et a appelé au boycott des produits Danone227(*).

Parallèlement à ces revendications qui ont une ampleur nationale (par le fait qu'elles soient lancées sur l'initiative du bureau) les comités locaux prennent position sur des thèmes très divers228(*). Par exemple, le comité Attac- Strasbourg a formé une commission intitulée « Publicité, Image, Pouvoir- Les formes contemporaines de la servitude volontaire » qui, à travers l'analyse du discours publicitaire, vise à mettre en évidence que la publicité « opère un certain nombre de mécanismes qui sont des procédés manipulateurs [et qu'elle] produit et promeut un certain nombre de valeurs »229(*), alors que le bureau national n'a jamais pris position sur le sujet de la publicité. Le groupe local Attac Isère a également pris position sur certains thèmes à titre « personnel », c'est à dire en tant que comité local. Par exemple, un groupe de réflexion sur les femmes s'est crée récemment230(*), et cette « réflexion » s'est accompagnée d'une participation d'Attac Isère à la marche des femmes qui a eu lieu sur Grenoble le 8 mai 2001. Lors du contre sommet de Nice, à l'occasion du sommet européen des 6,7 et 8 décembre 2000, le bureau national n'a pas appelé à manifester lors de l'encerclement du Palais des congrès, mais certains comités locaux dont Attac Isère y ont participé. Ils réclamaient le maintien de l'article 133 du Traité d'Amsterdam, une démocratisation du processus de décision qui accroît la responsabilité de la Commission. Ils marquaient également leur opposition à l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) et au Millénium Round menés par l'OMC avec le soutien de la Commission européenne. Enfin, ils demandaient aux ministres réunis à Nice d'exprimer une position qui soit favorable à l'annulation de la dette des Pays du Sud du Monde et de l'Est européen, à l'introduction d'une taxe Tobin et à l'élimination des « paradis fiscaux ».

2.2.2.2 les logiques de ces élargissements

La première proposition d'Attac était la taxe Tobin mais son champ de revendications s'est depuis considérablement élargi. Il est possible de distinguer quatre logiques qui ont participé à cet élargissement. Tout d'abord en raison d'une réflexion sur les conséquences de la « mondialisation libérale » qui a amené l'association à prendre position sur le problème de la dette, des fonds de pension, des paradis fiscaux, des négociations économiques et commerciales internationales. Ces revendications découlent du principe dont est parti le mouvement, à savoir le refus de la spéculation et des dérives des marchés financiers. Lors des entretiens, beaucoup d'enquêtés évoquent cet élargissement comme « allant de soi » ou comme étant « inévitable ». Ainsi que ce soit un adhérent qui n'a jamais milité comme Fabien ou un militant très impliqué comme Thomas, tous les deux considèrent comme «logique » et comme allant de soi qu'Attac soutienne d'autres revendications que celles qui étaient initialement défendues. Pour eux, la taxe Tobin n'est pas suffisante, elle ne représente qu'une mesure parmi d'autres. Dés lors un élargissement est nécessaire. La taxe Tobin ne constituerait qu'une « porte d'entrée pédagogique » vers les marchés financiers231(*).

Fabien : « Oui, je pense que ça aurait été un peu réducteur de parler que de la taxe Tobin. Et puis, je crois que c'est inévitable. Parce que la taxe Tobin a été ressuscitée sous l'impulsion de la mondialisation, de la déréglementation des mouvements de capitaux. Etant donné que ce sont des événements qui ont vu d'autres types de conséquences, on peut faire difficilement abstraction du reste. Moi ça ne me gêne pas qu'Attac soutienne d'autres revendications. »

Thomas : « Et on peut commencer par la taxe Tobin. Mais il n'y a pas que ça ! On avait commencé par la taxe Tobin et très rapidement les membres fondateurs d'Attac ont dit « Ce n'est pas possible ». En s'arrêtant à la taxe Tobin ça ne va plus, parce que les paradis fiscaux et le blanchiment de l'argent de la mafia et de la corruption participent aussi aux flux financiers et la dette ! Tout l'argent qui revient du service de la dette des pays du tiers-monde est réinvesti en achat de devises et participe aussi à la spéculation financière. On a ouvert par rapport à ça [...] Dès que tu commences à mettre le doigt dans l'engrenage là-dedans, eh bien tu t'aperçois que tout découle de ça... Tout découle ! »

François : Et c'est plus large quand même que l'idée de départ qui était la taxe Tobin, c'est parti essentiellement là-dessus et aujourd'hui c'est beaucoup plus large et c'est très bien comme ça. Parce que les gens aussi ils ont compris, et je parlais de dynamique tout à l'heure, qu'il y a un lien entre ces choses-là, il n'y a pas de paradis fiscaux comme ça au hasard, il n'y a pas d'absence de taxation financière au hasard.

Cécile : Au départ c'était la taxe Tobin et forcément quand tu fais quelque chose sur la taxe Tobin, tu es amené à réfléchir sur la dette et si tu réfléchis sur la dette tu es amené à réfléchir à autre chose car tout est lié. Attac même s'il ne le dit pas il s'attaque au capitalisme financier et à ces dérives plus sauvages. Du coup c'est super général par rapport à ça.

Cet élargissement est également dû au positionnement des dirigeants de l'association sur les thèmes d'actualité. C'est ainsi que de nombreuses revendications ont été formulées à l'occasion d'événements qui ont défrayé la chronique. C'est par exemple à l'occasion du naufrage de l'Erika ou à l'occasion du plan de licenciement de Danone que le bureau a été amené à prendre position sur des sujets vis-à-vis desquels Attac restait jusque là en retrait. Plusieurs enquêtés considèrent que cet élargissement est légitime. Ils y voient un enrichissement du mouvement (Julie, Cécile, Laurent). En revanche Isabelle juge assez négativement ce mode d'élargissement. Elle regrette que le mouvement « s'accroche » à chaque événement de façon précipitée et aimerait qu'Attac reste plus centré sur la spéculation financière. Elle évoque par exemple l'action du boycott de Danone que nous avons mentionné où la réaction d'Attac était selon elle trop immédiate, pas assez réfléchie se rapprochant davantage de l'action d'un syndicat ou d'un parti politique que de celle d'une association.

Laurent : Déjà les revendications augmentent en fonction de l'actualité, ils se positionnent en fonction des problèmes. Et comme ils sont contre la logique libérale absolue quand il y a un fait actualité qui est provoqué par cette logique, alors il ne s'agit pas de le casser mais de le dépasser et de l'intégrer. Pour l'Erika c'est un exemple typique où il faudrait des règles internationales, parce que c'est quand même un problème énorme. Ça me semble cohérent qu'Attac se positionne par rapport à ça.

Isabelle : Là par exemple, le boycott Danone, j'ai l'impression que c'était un peu une réaction à chaud ! Danone a licencié, on est un peu à la bourre mais il faut qu'on boycotte ! C'était un peu la réaction d'un syndicat ou d'un parti. C'est une réaction trop spontanée. On n'a pas débattu réellement des idées [...] Je pense qu'Attac s'est trop précipité là-dessus, un mouvement c'est fait pour avoir des réflexions de fond [...] La dérive est risquée, du moment qu'on touche un peu à tous les domaines, c'est un risque de se disperser. Des fois c'est bien de se recentrer et de se poser la question « Qu'elles sont nos priorités?».

L'ouverture du mouvement à de nouvelles revendications s'explique également par le fonctionnement en réseau de l'association. Le fait que différentes associations et syndicats soient membres d'Attac a permis de prendre en compte d'autres thèmes que ceux qui s'étaient développés initialement. Ainsi, chaque membre fondateur a essayé de faire valoir son problème spécifique. Par exemple, la Confédération paysanne a incité l'association à se positionner vis-à-vis des OGM. De même, Attac a été amené, comme nous l'avons vu, à intervenir dans le domaine de l'éducation alors qu'il s'agit apparemment d'un thème sans rapport direct avec l'association. Ceci s'explique, selon François, par la présence de nombreux syndicats enseignants parmi les membres fondateurs qui « poussent » les dirigeants à s'engager.

François : Par exemple sur l'éducation... C'est une volonté de marchandisation et de transformer l'éducation en marchandise, c'est ce qu'ils appellent une trousse universelle. Attac pourrait dire, on s'en fout c'est l'éducation, sauf que dans les membres fondateurs d'Attac il y a la FSU donc forcément, tout de suite... La connexion est faite tout de suite parce que les gens qui y sont, ils poussent et ils disent c'est pas possible [...] Je ne pense pas qu'ils défendent simplement le côté des profs, mêmes au contraire, c'est l'impact que ça aura sur la société et sur les enfants et les générations futures, comme on dit [...] Là-dessus je pense qu'Attac à raison... aurait raison de proposer. Et s'ils le font c'est parce que la FSU pousse derrière. C'est un syndicat d'enseignants et ils sont confrontés directement à ce truc-là et donc ils savent de quoi il s'agit et ils peuvent nourrir la réflexion au sein du collectif et du comité Attac et puis voilà.

Enfin, on peut évoquer un quatrième type d'élargissement qui se développe de façon suffisamment significative dans l'association pour qu'on puisse l'indiquer. Il s'agit de la prise en considération des revendications portées par les comités locaux que nous avons mentionnée. Par exemple, si le bureau national a pris position sur une question d'éducation c'est parce qu'un comité local s'était engagé sur la question et il fut décidé de lancer cette action au niveau national. De même pour la question des femmes que nous avons évoquée dans Attac 38, le comité Attac Paris 14ème s'est doté d'un groupe « Femmes et mondialisation »232(*). Peu après l'université d'été de la Ciotat, l'idée a été lancée par plusieurs comités locaux (dont Attac 14éme) d'effectuer « une analyse sexuée de la mondialisation libérale et d'instaurer une démocratie paritaire dans le fonctionnement même d'Attac »233(*) (Conseil d'administration, Conseil scientifique). A cet effet une lettre type a été proposée aux adhérents afin de faire pression sur le bureau national et d'établir un réseau national. Ce regroupement de comités a également élaboré une plate-forme de revendications en se rendant visible dans Attac. Récemment, un document a été envoyé au conseil scientifique afin qu'il prenne en compte le «genre » dans leurs analyses234(*). Il y a donc, dans la définition des revendications, une dialectique du national et du local, l'un enrichissant l'autre.

L'élargissement qu'Attac a connu dans ses revendications est considérable et pourtant il est considéré par les adhérents comme légitime. Cela soulève un certain nombre de questions : quelles limites posent-ils à l'association ? Comment à travers cette diversité de revendications perçoivent-ils l'unité d'Attac ?

2.2.3 Limites et unité

2.2.3.1 Des revendications illégitimes ?

Afin de connaître les revendications considérées par les enquêtés comme les moins légitimes ainsi que les limites du discours qu'Attac peut tenir, selon eux, sur la société, nous avons demandé aux personnes interrogées de se positionner vis-à-vis d'un certain nombre de sujets. Tout d'abord, le boycott de Danone, qui fut très polémiqué semblait convenir à un tel test235(*). La majorité des enquêtés (sept) est favorable au boycott. Il s'agit pour eux d'un lien direct avec les fondamentaux d'Attac. Par exemple, Fabien qui situe son engagement comme un refus du « rouleau compresseur de l'économie » perçoit le boycott comme légitime car les licenciements de Danone sont une nouvelle manifestation de la rentabilité financière contre laquelle lutte, selon lui, Attac. En revanche Luc qui possède un fort passé syndical et qui inscrit son engagement dans le cadre de la lutte des classes, ne perçoit pas le boycott uniquement comme un conflit du travail qui relèverait des syndicats, mais aussi comme un conflit qui opposerait les « capitalistes » à ceux qui en sont exclus. Il se déclare également favorable à une prise de position d'Attac vis-à-vis du PARE (Plan d'aide au retour à l'emploi).

Deux interviewés se déclarent indécis sur la question du boycott. Tout d'abord, ils doutent de l'efficacité de cette action; il s'agit pour Laurent d'une action qui peut avoir des retombées positives mais qui n'est pas assez massive pour que cela remette en cause la politique du groupe Danone, tandis que Isabelle craint le « résultat inverse » c'est-à-dire que Danone en tire des retombées commerciales et économiques à l'aide d'une «super campagne de pub ». D'où son interrogation : « Faut-il parler de Danone, faut-il ne pas en parler ? ». De plus, ils remettent en question le bien fondé et la légitimité de cette prise de position. Laurent estime que le plan de licenciement ne prête pas à condamnation puisque Danone agit, selon lui, selon sa « nature d'entreprise » en embauchant et en licenciant. Il n'y voit pas une dérive de la « rentabilité financière » comme le faisait Fabien.236(*) Isabelle critique cette revendication, d'une part car il s'agit pour elle d'une réaction trop spontanée et qui n'a pas été suffisamment réfléchie, et d'autre part car il s'agit d'une action qui relèverait davantage des syndicats. Elle évoque en outre la situation du campus universitaire, où le groupe Attac a appelé les Restaurants Universitaires (RU) à boycotter les produits Danone. Ils ont d'ailleurs organisé à l'occasion une distribution de tracts devants les RU à laquelle Isabelle n'a pas participé.

Fabien : Oui, là ça me paraît encore un peu dans l'optique. Il est vraisemblable que si Danone a licencié, c'est pour des questions de rentabilité financière, pour donner satisfaction aux actionnaires, aux fonds de pension et à tous ceux qui détiennent des actions de la firme. On est quand même dans la mouvance de la mondialisation. Je pense qu'Attac a son mot à dire.

Luc : Attac n'a pas pris position par rapport à cela et moi j'étais pour qu'on prenne position non par rapport au PARE, et c'est ce qui a été fait précédemment pour les licenciements après coup, mais par rapport à cette analyse des pouvoirs qui pèsent sur le salarié [...] Tout ça fait partie de la même lutte [...] J'en ai discuté avec Antoine, et on en a conclut qu'il y en qui sont contre l'intervention par rapport au PARE et même contre l'intervention et la position d'Attac par rapport à Danone, en disant qu'on est en train de faire de l'ombre aux syndicats et qu'il faut laisser les syndicats se battre au sein de l'entreprise. Alors que moi, je dis que si on dépasse la notion de corporatisme on se situe dans la lutte des classes, parce que moi depuis longtemps je parle de lutte des classes, je pense qu'Attac doit se situer dans le cadre de cette lutte de classes.

Laurent : Le boycott de Danone pour moi ça ne m'a pas effleuré l'esprit. Je n'ai pas de certitudes là-dessus, je n'en sais rien. J'imagine qu'il y a des groupes qui ont besoin de s'adapter et de réorganiser leur structure et ça passe par la suppression de postes. Il faut tenir compte de la réalité aussi. Boycotter Danone ça revient à les punir parce qu'ils ont licencié des gens mais on ne peut pas demander autre chose à une entreprise qu'elle soit une entreprise et qu'elle se comporte comme telle. Faire en sorte que ce soit acceptable mais elle licencie et elle a le droit, elle a le droit d'embaucher aussi. C'est dans sa nature même d'entreprise. On ne peut pas reprocher à une entreprise de se réorganiser. Comme ce sont des entreprises de consommation directe, le poids de leur image en termes de marketing est très important et ça va les obliger à intégrer en termes de gestion des ressources humaines le poids de cette réalité qui les touche beaucoup. Ça peut être utile pour que ça fasse du bruit. Mais à mon avis ça ne sert à rien car il faudrait que ce soit massif pour qu'ils le ressentent en termes de vente. C'est plus un symbole. 

Isabelle : C'est vrai que moi, comme je te le disais au début, je me pose pas mal de questions par rapport au boycott et aussi par rapport au boycott du restaurant universitaire. Je ne pense pas que ce soit véritablement le rôle d'Attac [...] C'était un peu la réaction d'un syndicat ou d'un parti. C'est une réaction trop spontanée. On n'a pas débattu réellement des idées. On ne s'est pas posé la question s'il y avait une autre solution à plus long terme, une autre action à faire, à plus long terme, qui serait plus intéressante. Elle pourrait concerner l'ensemble des multinationales et on ne serait pas bloqué sur un exemple qui est déjà très médiatisé. On pourrait y réfléchir [...] Alors maintenant, à voir la façon dont ils se sont lancés dessus, il faut boycotter les produits Danone au restaurant universitaires... Je sais bien que ça relève du symbolique mais je me demande si symboliquement, il ne faudrait pas mieux faire autre chose. Parce que ce boycott sur Danone, c'est un peu comme la prime à la casserole des hommes politiques [...] C'est pour ça que je n'ai pas été distribuer le tract mais ça ne m'a pas trop dérangé car je n'étais pas très motivée.

La constitution d'un groupe de réflexion sur le thème des femmes représente un sujet polémique au sein du comité isérois. Il s'est avéré que les enquêtés étaient très partagés sur la position à adopter. Certains estiment que cette intervention et cette réflexion sont tout à fait légitimes au sein de l'association (François, Cécile, Thomas), d'autres estiment que cela est cohérent mais qu'Attac doit rester prudent sur cette question car certaines associations existent déjà et il y a selon eux un risque de chevauchement (Luc, Julie), et enfin, quelques-uns ne voient pas de lien avec les fondamentaux d'Attac, c'est-à-dire la lutte contre la spéculation et les marchés financiers (Fabien, Laurent, Isabelle)237(*). Pour Julie, qui au cours de l'entretien se déclare très concernée par la situation des femmes, le fait de créer un groupe de réflexion lui paraît légitime car cela correspond à certains thèmes d'Attac. Elle explique par exemple en quoi les femmes sont particulièrement concernées par les retombées du problème de la dette des pays pauvres. En revanche, selon elle, l'association ne peut avoir sur un thème comme celui-ci qu'un rôle de soutien. Fabien, qui est très peu impliqué dans l'association, considère que ce thème n'est pas lié à la mondialisation. Il estime que d'autres associations sont présentes pour prendre en charge cette question.

Il en va de même, selon Fabien, pour le racisme, qui, par ailleurs, a été souvent évoqué spontanément par les enquêtés au cours des entretiens. Certains enquêtés considèrent que ce thème n'est pas lié aux revendications d'Attac et que l'association n'a pas à prendre position dessus (Laurent, Fabien), d'autres, au contraire, estiment que le racisme est lié de façon directe ou indirecte à la mondialisation (Luc, François, Tomas). Parmi ceux ci, deux (François, Thomas) sont d'anciens militants de Ras l'Front238(*), et ils perçoivent une continuité dans leur engagement. Ils sont, par ailleurs, des militants ou d'anciens militants de la LCR et ont une vision très globale des problèmes. Par exemple, Cécile estime qu'il est possible d'établir, indirectement, un lien entre la taxe Tobin et le problème du racisme. C'est pourquoi, l'engagement au sein d'Attac permet, selon elle, de « susciter une réflexion plus large » et permet d'aboutir à une « prise de conscience » que ces différentes revendications sont liées.

Julie : « Mais il y a des domaines dans lesquels Attac ne se mobilise pas, non pas que le problème soit pas intéressant. Le problème de la dette du tiers-monde par rapport auquel Attac est très important... Ce problème on peut le prendre sous l'aspect des femmes car effectivement ce dont on s'aperçoit, en travaillant sur la dette, c'est que ce sont les femmes et les enfants qui sont les premiers atteints par la suppression de l'éducation, de la santé, la diminution du service public [...] On peut aborder les problèmes sous cet angle et donc Attac ne peut être que partie prenante d'une certaine manière, mais il y a aussi d'autres associations qui y travaillent. Donc, on peut soutenir mais on n'est pas moteur. Par rapport à la marche des femmes, Attac a soutenu et a participé à l'appel mais Attac elle n'a pas été moteur de ce problème. Il y a des choix qui sont faits et puis il y a aussi un certain nombre d'associations qui existent aussi et soutenir oui mais remplacer non ! 

F.E : Mais par exemple dans le groupe Isère, un comité sur les femmes s'est créé. Est-ce que ça vous ensemble décalé ?

Fabien : Oui, je ne le savais pas. Je pense qu'il y a d'autres instances pour s'occuper de ces questions là, ça ne me paraît pas aller... Ça ne me paraît pas judicieux [...] Le champ d'action que je vois pour Attac, c'est tout ce qui est lié de manière étroite et significative à la mondialisation de l'économie. [...] Je pense qu'Attac peut avoir son mot à dire également sur les conditions de travail. Alors par contre les femmes, le racisme ou la sexualité, à mon avis ce n'est pas de leur domaine. 

F.E : Tout à l'heure tu me disais que ton antifascisme avait un rapport avec ton engagement...

Cécile : En fait, c'est le fait de considérer qu'un engagement sur quelque chose de très particulier comme l'antifascisme ou l'anti-sexisme peut mener à un engagement plus global. Ça a un rapport avec ce que je pense sur l'engagement à Attac aujourd'hui parce que l'engagement sur la taxe mène à un engagement global [...] Entre la taxe Tobin et le racisme il y a un pas mais le lien on peut le faire mais ça serait un lien rapidement fait. Le racisme se développe parce que les gens ont besoin de se trouver un ennemi parce qu'ils sont dans une situation assez critique et leur situation c'est une situation de chômage et d'incertitude et celle-ci est générée par quelque chose dont fait partie la mondialisation libérale et ce que ça peut créer au niveau social. C'est très simplificateur [...] Je pense que c'est aussi par rapport à la prise de conscience des choses et d'une manière générale tu vas mettre ça en pratique et c'est poser des questions aux gens en essayant de susciter une réflexion plus large que simplement la taxe et pas d'arriver avec un discours tout fait en leur disant que c'est comme ça, il s'agit de susciter une réflexion chez les gens en essayant de faire avancer les choses.

François : Attac ne fait pas de l'antifascisme, en tous cas pas directement. Et Ras l'Front fait pas de la lutte contre la mondialisation. Pourtant il y a des choses qui se regroupent. Ras l'Front va se battre pour les sans-papiers et Attac aussi il se trouve qu'il y a quelque part, quand même un lien.

Luc : Mais, d'un autre côté, il y a d'autres associations qui prennent en charge les autres choses. Par exemple quand il y a des manifestations contre le racisme, on organise pas la manifestation, mais on soutiendra et on participera, mais ça s'arrêtera là. On soutiendra tous ceux qui subissent les conséquences de la mondialisation. Ce qui se passe dans les quartiers en difficulté, c'est le résultat de la mondialisation. Ce n'est pas du tout déconnecté de notre lutte.

La plupart des interviewés reconnaissent que ces revendications (le boycott de Danone, la défense du droit des femmes, la condamnation du racisme) sont légitimes et ils sont prêts à les défendre au sein d'Attac. En revanche, ils émettent des réserves sur l'impact négatif que cela peut avoir sur le mouvement. Laurent, qui est un adhérent assez récent (11/2000) et qui a un engagement croissant dans l'association présente un accord assez large avec les revendications portées mais il est inquiet pour les conséquences possibles pour l'association. Il craint qu'un élargissement trop important des revendications introduise des lignes de clivage entre les adhérents et divise l'association. La question pour lui est de savoir si le fait de prendre position sur beaucoup de thèmes fait du tort à Attac ou s'il est au contraire préférable d'adopter une position globale qui se décline dans de nombreux domaines. Une militante plus ancienne (Julie) évoque le fait que le comité isérois soit beaucoup interpellé par d'autres associations pour soutenir des actions ou des manifestations. Il y a un risque selon elle d'éparpillement, et il est important de limiter le champ d'intervention de l'association.

Enfin, Fabien s'étonne que le thème de l'agriculture biologique ait été abordé par le groupe isérois, et il en déduit qu'il existe un risque de « trop élargir » et de s'en retrouver affaibli. Il conclut en annonçant que, si le mouvement continuait à s'élargir, il serait nécessaire d'en modifier le nom. Cela traduit bien que l'association, malgré ses élargissements possibles, reste rattachée à son point de départ (les transactions financières) et que certaines conséquences de la mondialisation ne pourraient pas être abordées en son sein. Ce que laissent entendre ces trois exemples c'est qu'Attac aurait une unité qu'il s'agit de conserver intacte. C'est elle qui définirait par la négative les limites à ne pas franchir. Il s'agit de voir comment les adhérents se représentent l'identité d'Attac.

Laurent : La taxe Tobin c'est la réforme qui est portée en étendard dans le mouvement et c'est la base qui lui a donné naissance. Après, tout le reste ça vient comme quand on tire la maille d'un pull, tout le reste vient [...] Oui c'est très large et ça c'est embêtant. Moi ça m'ennuie un peu parce que justement, c'est des mouvements qui sont un peu de la même génération, qui se ressemblent entre eux. [...] Je ne sais pas si le but du jeu c'est d'avoir un discours global et d'avoir quelque chose à dire surtout ou s'il faut rester vraiment spécifique sur certains thèmes. Peut-être qu'on s'égare [...] Mais ça va poser problème parce que plus tu parles de sujets et moins les gens sont d'accord sur tous les sujets et c'est logique. S'il y a une seule revendication qui est affichée, tous les gens qui adhèrent sont d'accord avec cette revendication, mais si ça se globalise alors il y a nécessairement des moments où comme dans un parti politique, il y a certaines personnes qui contestent. 

F.E : Vous pensez qu'il y a des limites aux sujets qui puissent être débattus dans Attac ?

Julie: Je pense qu'il faut qu'Attac reste dans... On fait appel à Attac pour énormément de choses, parce qu'il y a beaucoup d'adhérents et que ça bouge... À la limite on lui demande de participer à énormément de choses et il y a effectivement le risque aussi qu'en se mobilisant pour énormément de choses, qu'on en perde aussi une forme d'essence, d'identité. Je pense qu'il faut qu'Attac se limite, il ne peut pas participer à tout, il ne peut pas se mobiliser sur tout et ne peut pas intervenir sur tout. Pour l'instant ce n'est pas encore trop le cas. Il y a sûrement des tas de thèmes sur lesquels Attac ne pourrait pas intervenir.

Fabien : Moi ça ne me gêne pas qu'Attac soutienne d'autres revendications. Ils ont peut-être été un petit peu loin. Dans l'Isère, j'ai appris qu'ils se sont mis à parler d'agriculture biologique... Bon... Il ne faut pas trop se diluer non plus. Parce que quand on se dilue trop, on perd un peu de sa force. Qu'on élargisse un petit peu la plate-forme, ça me paraît à la fois souhaitable et inévitable, mais il ne faut pas trop élargir car sinon, après Attac risque de parler de tout et de rien. Ou alors il faudrait carrément qu'ils modifient l'appellation et que ce soit « Association contre les excès de la mondialisation » ou quelque chose comme ça.

2.2.3.2 Les limites aux revendications

2.2.3.2.1 L'unité d'Attac : la lutte contre les marchés financiers

Le principal vecteur d'unité de l'association auquel se référent de nombreux enquêtés, c'est avant tout la charte de l'association. Celle ci est perçue comme un cadre commun qui empêche les dérives possibles. Elle permet à chaque adhérent et à chaque comité de disposer d'un même point de départ et de défendre des revendications communes. Certains estiment d'ailleurs, tel Luc, que toutes les revendications actuelles sont déjà présentes dans la charte non pas dans le sens où elles y seraient inscrites telles quelles mais dans le sens où ce qu'elles « représentent » (la « dictature des marchés ») y figure. En effet, la charte fondatrice énumère un ensemble de revendications précises, mais elle évoque également des intentions plus larges. Ainsi, lors de la constitution d'Attac, les signataires de la charte se sont engagés à agir « en vue d'entraver la spéculation, de taxer les revenus du capital, sanctionner les paradis fiscaux, empêcher la généralisation des fonds de pension [...] et d'une manière plus générale, de reconquérir les espaces perdus de la démocratie [...] Il s'agit tout simplement de se réapproprier ensemble l'avenir de notre monde »239(*). De même, l'éditorial de Ramonet constitue tout autant une proposition à mettre en place la taxe Tobin qu'un appel à « désarmer les marchés ».

La taxe Tobin n'a été qu'une proposition concrète qui a servi de fondement au lancement de l'association. Une des enquêtées (Julie) remarque que le point de départ dont est née l'association est double. Il s'agit, d'une part, d'une revendication très précise qui incarne la volonté de mettre à mal les marchés financiers et, d'autre part, d'un « projet démocratique » qui passe également par la remise en cause des marchés mais dans une optique beaucoup plus large. La plupart ont d'ailleurs été davantage motivés dans leur adhésion par cette seconde revendication que par la taxe Tobin elle-même. Fabien exprime de façon très nette que s'il a adhéré (lors du lancement) ce n'est pas tant pour la taxe que ce qu'elle représentait. Attac est né d'une double revendication : d'un « projet démocratique » et d'une proposition concrète. Le développement du mouvement l'a conduit à s'éloigner de plus en plus de la taxe pour pouvoir élargir son discours. Le point commun qui existe entre les deux revendications et qui fonde l'unité du mouvement c'est la lutte contre les marchés financiers. La taxe Tobin, tout comme le projet de « ré-appropriation », sont proposés à l'encontre des marchés financiers

Thomas : Moi je pense que c'est bien, parce que déjà au niveau de l'information et au niveau de la charte et de la base de l'adhésion on a tous la même base. C'est une base qui est donnée par le national et sur laquelle, à la limite on pourrait agir en disant que ça ne convient pas [...] Tout le monde a les mêmes informations et si les gens adhèrent, ils adhèrent à ça. Parce qu'après ça peut amener des dérives au sein de petits comités locaux qui [pourraient dériver]... Pour des tas de raison...

Julie : Attac est une association nationale et internationale il y a donc une certaine cohérence a avoir, il est nécessaire qu'il y ait des instances de décision communes. Déjà il y a la charte qui assure une base commune, sachant que dans certaines villes il y a trois comités locaux.

Luc : Attac c'est un peu la même chose [qu'un syndicat] sauf qu'on défend quelque chose qui n'a jamais été remis en cause par personne et ça me semble important, c'est la charte initiale d'Attac. Pour moi la charte initiale d'Attac n'a jamais été remise en cause à ma connaissance par personne. Ça me semble primordial.

F.E : Il y a eu un élargissement des revendications d'Attac...

Luc : Pas tellement en fait. Si on regarde la charte, tous les domaines dans lesquels on se bat sont dedans. Alors l'Erika, par exemple, en tant que tel ne se trouve pas dedans, mais ce que ça représente y est contenu. C'est quand même une multinationale qui pollue et c'est le peuple qui en subi les conséquences. C'est pour ça que je me dis que le mot d'ordre pour moi d'Attac c'est « Contre la dictature des marchés », les marchés c'est le capital [...] Tout ça fait partie de la même lutte.

Julie : Je ne sais pas quelle est l'ouverture d'Attac. Cette association est passée par un biais particulier. Elle a abordé le problème de la mondialisation sous l'aspect du monde de la finance et l'autre aspect qui moi me paraît primordial c'est qu'elle a fait appel à la réappropriation du monde par le citoyen et je pense que c'est quelque chose d'important.

F.E : Mais vous, dans votre adhésion, c'était surtout la taxe Tobin qui vous a motivé ?

Fabien : Non... Enfin à l'époque c'était avant tout la taxe Tobin mais c'était plus ce qu'elle représentait. La taxe Tobin, ça signifiait une certaine méfiance vis-à-vis des mouvements internationaux de capitaux, des fonds de spéculation, l'idée de ne pas trop donner de pouvoir aux sphères financières. Par la suite, ce qui me paraît crucial, c'est de développer des idées très critiques vis-à-vis des fonds de pension que je considère comme extrêmement dangereux. Tout ça constituait un ensemble d'idées qui se situent dans la même mouvance.

2.2.3.2.2 Le risque de confusion

La seconde limite aux prises de position de l'association serait le risque de confusion avec les autres organisations qui soutiennent Attac. Plusieurs enquêtées craignent qu'Attac n'empiète sur le rôle d'autres associations, notamment dans le domaine des femmes, du racisme ou de l'écologie240(*). Ce risque est, selon plusieurs interviewés résolu du fait qu'ils participent sur Grenoble aux actions lancées par d'autres associations, qu'ils y apportent leur soutien (signature unitaire, présence de stands et participation aux manifestations), même s'ils n'y jouent pas un rôle « moteur ». Le second risque possible est le risque de confusion avec les partis politiques. La distinction qu'opèrent certains enquêtés, entre les partis politique et Attac, s'effectue en raison du degré d'ouverture, plus ou moins grand, des revendications soutenues par l'organisation. Un parti est contraint de tenir un discours « global » et de porter des revendications sur tous les sujets. Pour eux, si Attac venait à trop élargir son discours, il risquerait d'être amalgamé à un parti. Isabelle évoque l'identité d'Attac, qui n'est pas de « toucher à tout ».

Le problème des revendications et de leurs limites implique de penser l'identité du mouvement, c'est-à-dire la représentation que les adhérents ont de l'association malgré les évolutions qu'elle connaît. C'est tout d'abord, selon eux, la lutte contre la spéculation et les marchés financiers qui fondent, malgré la diversité des revendications, l'unité d'Attac. Chaque revendication porterait le même objectif. Ainsi, il serait possible de rendre compte de problèmes sexuels, écologiques et culturels241(*) sous l'angle du néolibéralisme et de la «financiarisation ». Mais plus essentiellement, c'est le projet « démocratique » et l'appel à se « réapproprier le monde » que formule Attac, qui a interpellé certains adhérents et qui constituent, selon eux, son identité. Enfin, l'identité de l'association n'est représentée dans le discours des interviewés que par rapport aux autres acteurs associatifs et politiques dont il s'agit de se distinguer. Un élargissement excessif du champ de revendications, altérerait l'identité du mouvement.

François : On se retrouve les uns les autres, sans savoir dans les mêmes associations d'un côté ou de l'autre de la Méditerranée. Il y a des choses comme ça et je pense qu'Attac mène des combats de solidarité avec d'autres associations [...] Sur la dette du tiers-monde par exemple, il y a des campagnes qui sont faites avec d'autres associations bien sûres [...] Chacun sa spécificité, sa notoriété, son implantation et on se met en commun et on essaie d'avancer. Et puis, bien sûr, il y a des choses auxquelles Attac ne touche pas, et c'est très bien parce que bon... Il en faut pour d'autres et on ne peut pas tout faire.

Laurent : Je ne sais pas si le but du jeu c'est d'avoir un discours global et d'avoir quelque chose à dire sur tout ou s'il faut rester vraiment spécifique sur certains thèmes. Peut-être qu'on s'égare. Les partis politiques ont nécessairement besoin d'avoir un discours cohérent et global donc un discours sur les droits de la femme. C'est leur rôle. Pour moi dans un parti politique c'est normal et inévitable qu'il y ait des groupes de réflexion sur tous les domaines. Mais pour un mouvement d'action comme Attac ce n'est certainement pas une nécessité. Le but d'un parti politique c'est de gouverner et donc ça nécessite avoir une position sur chaque problème, ça nécessite d'avoir une perspective globale. Mais le but du jeu pour Attac ce n'est pas de gouverner donc ça n'est pas nécessaire.

François : C'est ça aussi, qui est marrant, les gens quand ils sont dans les associations et qu'ils n'ont aucun autre engagement ne le voient pas et quand on a un engagement syndical ou quand tu appartiens à d'autres, on voit qu'il y a un lien entre les deux parce que c'est le propre du parti de toucher à toutes les luttes. En tous cas, c'est ma conception du parti politique. C'est d'être présent dans toutes les luttes, les appuyer, les soutenir. D'apporter ce qu'on peut, afin de faire progresser ces luttes, et puis voilà... Et on arrive à faire des liens [...] Et c'est cette organisation-là, le parti, qui fait le lien entre toutes ces différentes luttes et qui a la prétention, peut-être un peu forte, d'en faire un moment la synthèse et de donner une vue politique directe. Il y a un sens à donner à notre engagement sur des terrains complètement différents [...] C'est pas plus que ça un parti politique, c'est pas... C'est la synthèse des luttes en quelque part.

Isabelle : Je pense que le fait de toucher à tout, il y a quand même risque. Tout simplement, parce qu'il en a d'autres qui le font, il y en a qui sont spécialisés dans l'écologie, il y en a qui sont spécialisés sur autre chose, il y a d'autres gens qui sont là pour ça. Je pense qu'Attac, s'il veut continuer à garder une certaine identité il ne faut pas qu'il touche à tout. Pour un parti politique c'est normal, c'est un peu le propre de la politique d'avoir un avis sur tous les domaines alors que ce n'est pas le propre d'un mouvement. C'est là une des grandes différences, alors après s'ils commencent à toucher à tout, ça n'est plus un mouvement mais ça devient un parti..

L'engagement des militants d'Attac apparaît indissociable de la forme associative du mouvement. Les enquêtés semblent y être attachés pour deux motifs. Tout d'abord, ils confèrent à l'association un ensemble de vertus « démocratiques ». L'association serait perçue pour la plupart comme un domaine de liberté. A l'inverse des organisations fortement centralisées et hiérarchisées, elle permettrait à chaque membre de s'exprimer. L'association rendrait possible l'expression des différences. L'adhésion n'est d'ailleurs pas perçue par les militants comme étant un processus contraignant. L'adhésion, serait un accord parcellaire que l'adhérent se réserve le droit de révoquer à chaque instant. Dès lors, les mobilisations deviennent ponctuelles. Certains enquêtés n'hésitent d'ailleurs pas à remettre en cause leur engagement au sein d'Attac.

L'adhésion des militants s'est fondée sur une revendication spécifique qui est très ciblée. Pourtant, et c'est là le second atout de la forme associative, cet engagement précis aboutit à un ensemble global de revendications. Ceux qui avaient adhéré auparavant à Attac à partir de la taxe Tobin, militent désormais contre la ratification du traité européen de Nice, contre le Plan d'aide au retour à l'emploi (PARE), contre la « marchandisation de la culture »...mais ils militent également en faveur du revenu d'existence, du respect de la nature ou encore de la parité hommes/ femmes. Ces élargissements ont le plus souvent été perçus par les militants isérois comme étant en continuité avec le point de départ de l'association, c'est-à-dire, la lutte contre les marchés financiers. L'engagement à Attac constitue t-il un engagement associatif nouveau ?

Il reste ancré dans une tradition républicaine (forme associative, mouvement d'éducation populaire) mais semble inscrit vers la « modernité ». Il renouvellerait les formes classiques de la participation en rendant possible de concilier les vertus associatives avec un engagement global qui était précédemment l'apanage (avant d'en devenir le défaut) des organisations partisanes.

Toutefois, ce renouveau ne semble pas être doté de la spontanéité qu'on lui attribuait précédemment. Attac s'apparente tout autant à une entreprise de mobilisation qu'à une association de citoyens. Le lancement de l'association révèle un ensemble de préparations et de stratégies (l'éditorial de Ramonet, le gonflement des effectifs, la sur-médiatisation du mouvement) qui ont rendu possible le rapide succès d'Attac. Ce qui auparavant été perçu comme spontané devient le signe d'une mise en scène dans laquelle le hasard ne semble pas avoir sa place. L'organisation de l'association n'est alors peut-être pas aussi « originale » que les dirigeants d'Attac le proclament. Elle semble dotée d'une forte hiérarchie qui ne laisse que peu de place au local. Les vertus qui lui étaient attribuées restent de « belles paroles ». Le comité isérois semble pris dans des contradictions similaires à celles des dirigeants. Il s'avère que la structuration d'Attac se rapproche davantage d'une organisation centralisée et hiérarchisée que d'une association « souple ». Les précédentes représentations que nous avions prises comme points de départ étaient avant tous des constructions. Elles traduisent la manière dont les dirigeants présentent Attac au sein de l'espace publique.

Il s'avère que le lancement d'Attac serait une illusion. Son organisation, malgré la forme associative, serait proche du fonctionnement des « appareils » traditionnels. En revanche, qu'en est-il de la participation des militants ? En dépit de son origine et de son organisation les militants d'Attac témoignent d'un renouvellement des formes du militantisme. Il s'agirait d'un militantisme s'inscrivant aussi bien dans la réflexion que dans l'action. Cela ne témoigne t-il pas de l'émergence d'un nouveau mode de participation ? De plus, Attac s'inscrit dans une triple « terriorialité » de la protestation. A l'articulation du local et du national, se surajoute la dimension internationale dont est né Attac242(*). Cet élargissement de l'action collective ne peut pas être sans conséquences sur les modes de protestation des militants. Quelles en sont les répercussions ?

Partie 2 Participer autrement ?

1 Les nouveaux conflits sociaux

Les conflits sociaux, qu'ils soient perçus comme le signe d'une crise de l'intégration sociale ou comme le vecteur du changement, désignent une réalité centrale de nos sociétés243(*). Ils représentent, avant tout, l'incapacité des mécanismes institutionnels à gérer les demandes, sociales, politiques ou culturelles exprimées par la société civile : il y a conflit quand une décision ne peut être prise selon les décisions traditionnelles.

Attac en tant que groupement de « citoyens » qui affirment « faire de la politique autrement » participent de façon directe à l'élaboration du conflit social. Ils témoignent d'un échec des mécanismes institutionnels à prendre en compte les attentes de la société civile. C'est pourquoi, il apparaît nécessaire d'envisager la participation à d'Attac en rapport avec la problématique des conflits sociaux. Cela permettra d'intégrer ce militantisme au sein d'ensembles plus larges (groupes anti-mondialistes) et en rendra la compréhension plus aisée.

La participation des Attacants aux conflits sociaux doit être analysée sous deux angles distincts. Tout d'abord, il apparaît nécessaire de mettre en relation le développement de l'association avec les nouvelles dynamiques protestataires qui sont apparues depuis le début des années quatre-vingt-dix; après quoi il sera possible de considérer les formes de mobilisations émergentes et auxquelles participe Attac.

1.1 Le réveil de la protestation collective

Le militantisme des Attacants participerait à un mouvement de contestation plus ample que certains assimilent à un « réveil de la protestation collective ». Celui-ci succéderait à une longue phase d'apathie politique et sociale qui aurait pris fin lors des conflits de décembre 1995. Mais quand est il réellement ? Quel rapport est il possible d'identifier entre la militance des Attacants et les « nouveaux conflits sociaux » ? Quelle fut la participation effective des militants à ces évènements ?

1.1.1 La nouvelle dynamique des mouvements sociaux

1.1.1.1 Déclin et renouveau des conflits sociaux

Depuis les années 1980, les conflits sociaux sont marqués par deux évolutions majeures244(*). Tout d'abord, on assiste à une régression des conflits sociaux. Cette baisse est visible notamment à partir de l'indicateur du nombre de jours de grèves « perdus »245(*). D'autre part, les conflits sociaux ont perdu leur forme de confrontation généralisée, qui se traduisaient par des actions nationales, et ils se sont recentrés au niveau local. Par exemple, les conflits du travail qui occupent une place centrale dans le conflit social246(*), se sont de plus en plus conduits et traités au niveau de l'entreprise depuis le début des années 1980.

Cette double évolution est liée, en partie, à la crise qui affecte le syndicalisme depuis 1986 notamment dans le secteur privé. Un des signes les plus visibles de cette crise est la chute du taux de syndicalisation à la fin des années 1980 : depuis 1988, moins de 10% des salariés sont syndiqués247(*). Une des explications souvent avancée considère cette évolution comme une remise en cause des formes du syndicalisme d'après guerre. Les syndicats avaient réussi sous la Ve République à s'imposer comme les partenaires de la croissance en facilitant un relatif partage des gains de productivité et l'acceptation d'un certain type de division technique du travail. Il s'agissait, selon Christophe Aguiton, d'un « syndicalisme d'entreprise, un syndicalisme intermédiaire quasi unique dans les grandes entreprises, entre salariés et patrons, un syndicalisme jouant un rôle important dans les mécanismes de régulation des sociétés du monde capitaliste développé après guerre »248(*). Ce système fut confronté, selon René Mouriaux, à la remise en cause du « compromis fordiste » suite aux modifications des conditions de production (internationalisation, mise en place de nouvelles technologies) et aux nouvelles relations au sein du marché du travail (retrait de l'Etat, rejet des ouvriers peu qualifiés).249(*) Cet affaiblissement est plus visible aux marges du syndicalisme puisqu'il s'agit de ceux qui se situent à la périphérie des bastions traditionnels : les petites entreprises, les immigrés, les jeunes, les femmes, les précaires et les chômeurs250(*). Un renouveau des formes du conflit d'entreprise a lieu à la fin des années 1980 en dehors des syndicats. Les coordinations par secteurs professionnels, où syndiqués et non syndiqués décident ensemble de mener des grèves, se multiplient251(*).

Alors que les syndicats étaient en crise et que les travailleurs étaient à la recherche de nouvelles formes de lutte, le renouveau des conflits sociaux a eu lieu par là où on ne l'attendait pas : le secteur associatif. Les associations qui avaient eu le vent en poupe durant les années 1980 comme par exemple SOS-Racisme ont connu une perte de vitesse et de nouveaux mouvements associatifs centrés sur la défense des « précaires » et des plus démunis ont émergé au début des années 1990252(*). Le DAL (Droit au Logement) inaugure ce renouveau associatif durant l'hiver 1994253(*). D'autres associations suivront telles que AC ! (Agir ensemble contre le chômage) fondée en octobre 1993 ou Droits Devant ! ! lancée en janvier 1995.

Le conflit social s'accentue en 1995 lors des mois de novembre et décembre durant lesquels une vague de grèves, essentiellement dans la fonction publique, touche la France. Ce mouvement de grèves qui est souvent présenté comme étant unifié regroupe plusieurs revendications distinctes qui se sont superposées. Il y a tout d'abord eu une grève des cheminots qui refusaient le contrat de plan Etat-SNCF prévu pour les cinq années à venir254(*). A cette revendication s'est grevé le refus du plan présenté par Alain Juppé, premier ministre à l'époque, qui proposer de restructurer les caisses de sécurité sociale. Il comportait deux volets : un premier qui prévoyait un allongement des retraites et un second qui visait à maîtriser les dépenses de santé255(*). De nouvelles revendications s'ajoutèrent durant les événements : les enseignants manifestèrent en demandant de nouveaux moyens à l'Education Nationale256(*), des actions eurent également lieu en faveur du droit des femmes257(*). Alors que le mouvement avait pour origine la fonction publique, il s'est progressivement élargi aux salariés du secteur privé, puis aux « exclus » comme les chômeurs ou les sans-papiers258(*). Des occupations d'usine et des manifestation nationales de grandes ampleur eurent lieu259(*). Le soutient de la population au mouvement de grève fut très important aussi bien dans le secteur privé que pour les « sans »260(*). Certains afin d'expliquer ce soutien aux manifestants parlèrent même à l'occasion de grève « par procuration ». Toutefois, beaucoup critiquèrent les grèves de 1995 en les accusant de défendre des intérêts catégoriels et de refléter un très fort corporatisme au sein du service public. D'ailleurs, l'essentiel des acquis de 1995 ont concerné le service public : le plan d'urgence et les Etats généraux de l'enseignement supérieur, le retrait des mesures sur les retraites des fonctionnaires. En revanche, l'essentiel du plan Juppé sur la réduction des dépenses de santé fut maintenu261(*).

Il semblerait que les événements de décembre 1995 aient enclenché une dynamique de la protestation sociale. En effet, suite à 1995, les conflits sociaux se multiplièrent. Ils ne concernèrent pas uniquement les conflits du travail mais aussi le droit des immigrés, des mal logés ou encore des chômeurs. Un mouvement des chômeurs et des travailleurs précaires de grande ampleur a eu lieu du 23 décembre 1997 au 7 mars 1998262(*). Les mouvements d'aide aux sans-papiers se mobilisèrent également suite à la loi Debré, du nom du ministre de l'intérieur, votée le 20 mars 1997. Pour alerter l'opinion un appel à la désobéissance civile a été lancé par un collectif de cinéastes le 12 février 1997 et une manifestation nationale a eu lieu le 22 févier 1997. On peut également à travers ces événements distinguer l'émergence d'une nouvelle « territorialisation » des conflits sociaux puisqu'ils s'étendirent à l'échelle européenne. En effet, 1997 fut l'année des premières mobilisations sociales européennes. Ce fut tout d'abord l'annonce par Renault de la fermeture de son usine de Villevorde, le 27 février 1997, qui provoqua une « eurogrève » le 7 mars. Il y eu une manifestation le 28 mai à l'appel de la Confédération européenne des syndicats. Ce fut également la marche européenne contre le chômage et la précarité qui s'acheva à Amsterdam, le 14 juin 1997, à l'occasion de la Conférence intergouvernementale pour la révision du traité de Maastricht.

1.1.1.2 L'interprétation des conflits sociaux

Les événements de novembre, décembre et la multiplication des conflits sociaux depuis 1995 laissèrent la porte ouverte à de nombreuses interprétations263(*). Certains, tout d'abord, soulignèrent une corrélation entre les conflits du travail et les autres types de conflits sociaux. Alors qu'on distinguait habituellement les conflits situés dans l'entreprise de ceux qui ont lieu à l'extérieur, des syndicalistes et des intellectuels commencèrent à tracer une continuité entre les deux. Suite à 1995, un groupe de sociologues écrivit : « La revendication des droits sociaux universels [...] n'est pas séparable de la défense du droit au travail. Complémentaires, les luttes se répondent et se renforcent dès lors qu'on veut bien les appréhender comme un continuum, en refusant de hisser la condition salariale au rang de privilège, en déjouant la contradiction apparente mais fausse entre mobilisations pour le maintien d'emplois et refus d'une précarisation accrue »264(*). Depuis, les conflits du travail sont liés aux dérives de la libéralisation et certaines revendications qui étaient auparavant spécifiques aux syndicats s'élargissent ainsi au champ d'action des associations. Cela a été le cas par exemple des licenciements dans le groupe Danone pour lesquels Attac s'est mobilisé. Le résultat de cette agrégation des conflits du travail et des autres conflits sociaux permit un élargissement des luttes et la constitution de réseaux de mobilisation265(*).

Une des interrogations soulevées fut de savoir si les grèves de 1995 et les événements qui ont suivi pouvaient être considérés comme l'émergence d'un mouvement social ou s'ils ne se résumaient à un conflit social ordinaire. La question de la définition d'un mouvement social est au centre du problème266(*). Au cours des débats, Alain Touraine est apparu comme un des principaux représentants des intellectuels réfractaires à l'idée de nouveau mouvement social. Alain Touraine est un sociologue français qui a développé une analyse de la société et de ses évolutions à partir du concept de mouvement social267(*). Il définit celui ci comme étant « la conduite collective organisée d'un acteur luttant contre son adversaire pour la direction sociale de l'historicité dans une collectivité concrète »268(*), c'est-à-dire la lutte pour la détermination des grandes orientations culturelles de la société.

Selon Touraine, chaque société peut être caractérisée par un seul mouvement social. Le mouvement ouvrier est pour lui le mouvement social de la société industrielle en tant que « société de production ». Le passage de la société industrielle à la société post-industrielle, amorcé depuis 1968, suscite l'émergence de Nouveaux Mouvements Sociaux (NMS) situés hors de l'entreprise (mouvement étudiant, féministe, anti-raciste). Un mouvement social est doté de trois caractéristiques : il est placé au centre des conflits sociaux, il a face à lui un adversaire social clairement déterminé et défini, il est doté d'un projet de changement social. Les acteurs sociaux de décembre 1995 ne satisfont pas, selon Touraine, ces trois critères et ils ne peuvent donc pas être assimilés à un mouvement social. Il y a, selon lui, un clivage trop important entre la classe moyenne, auquel il identifie le noyau central des salariés des entreprises, et l'underclass constituée de l'ensemble des exclus. Ainsi le mot d'ordre du mouvement de 95, « Tous ensemble ! », masque une pluralité d'intérêts qui sont trop divergents pour constituer un projet de société269(*). D'où la seconde critique : les revendications portées en 1995 s'apparentent plus à un mode défensif de conservation des acquis qu'à un véritable projet. Le refus de modifier le fonctionnement des règles du service public témoignerait d'une « stratégie d'immobilisme »270(*). Parmi les différents phases qui caractérisent le passage de la société industrielle à la société post-industrielle ou « programmée », les grèves de 1995 correspondent à ce que Touraine nomme le « grand refus »271(*), c'est-à-dire le « décalage existant entre une manifestation conflictuelle passéiste mais non encore révolue et l'annonce d'un nouveau type d'opposition encore peu visible »272(*). Il s'agit, selon lui, de ne pas prendre ce grand refus pour le mouvement social lui-même.

Contrairement à Touraine les tenants du « mouvement social »273(*) mettent en évidence l'unité des grèves et la teneur du projet défendu par les manifestants. L'unité du mouvement est manifeste, selon eux, par la convergence des différentes catégories socio-professionnelles (enseignants, cheminots, salariés du privé) mais aussi des exclus et des minorités (sans-papiers, travailleurs précaires, chômeurs). Cette unité est symbolisée par le slogan de ces manifestations (« Tous ensemble ! ») qui permit le regroupement de ces différents mouvements dans une même action. Ce qui permet d'affirmer l'émergence d'un mouvement social, c'est l'unité d'un même projet soutenu lors de ces événements. Ce projet traduit tout d'abord une volonté de ré-appropriation des politiques publiques par « ceux d'en bas ». Il s'agit d'une tentative d'instaurer un débat et une réflexion sur des thèmes qui étaient auparavant délégués aux spécialistes274(*). Ce projet ne serait pas antérieur au mouvement social mais il en est d'une part, le postulat logique275(*), et il est, d'autre part la résultante de ces mobilisations276(*).

Quelles revendications ce projet porterait-il ? Il serait possible de distinguer dans le mouvement de 1995 et dans les conflits qui l'ont suivi, trois niveaux distincts de revendications277(*). Il y aurait tout d'abord les revendications qui sont défendues explicitement par les acteurs. Il y aurait également une revendication dotée d'une portée plus générale qui serait la défense du service publique. Le soutien du privé apporté aux salariés du secteur publique témoigne ainsi de la volonté de défendre le service publique en tant que tel278(*). Les prémisses d'un refus des politiques néo-libérales et de la « marchandisation » du service public, qui est une des revendications principales d'Attac, seraient présentes dans le mouvement de 1995. Enfin, une demande plus large d'un changement de société serait également exprimée à travers ces conflits. Là aussi, les fondateurs d'Attac semblent être les héritiers de 1995. En effet, le mot d'ordre « Un autre monde est possible ! » qui est un des slogans sur lesquels s'est fondé Attac, renvoie à cette contestation sociale. L'idée de ré-appropriation du monde sur laquelle Attac s'est créé serait également à rechercher dans ce retour de la contestation sociale et ce renouveau du militantisme.279(*)

1.1.2 Quel renouveau de l'engagement ?

1.1.2.1 La participation des enquêtés

Afin de vérifier notre hypothèse, à savoir qu'Attac s'est construit à partir de la reprise et de la mise en forme d'un ensemble de mouvements sociaux qui ont eu lieu durant les années 1990, nous avons analysé la place que 1995 et les mouvements sociaux qui ont suivi, occupent dans l'engagement des militants. Tout d'abord, on peut affirmer que la plupart des enquêtés ont participé aux mouvements de grève. En effet, six enquêtés y ont participé et trois n'y ont pas pris part (une des interviewées avait quinze ans à l'époque et on peut donc l'exclure). Leur statut professionnel était varié puisque ceux qui ont participé étaient aussi bien étudiants (Cécile, Luc) que salariés du secteur public (Julie, Lionel) ou du secteur privé (Thomas). La plupart ont été manifester par le biais d'une section syndicale. Ce fut pour beaucoup avec la CFDT (Lionel, Julie, Luc), alors que Nicole Notat n'avait pas appelé à manifester contre le plan Juppé avec lequel elle était en accord. En revanche, ceux qui ont participé à ce mouvement semble avoir été assez peu marqués par celui ci. Leur participation à ces grèves semble découler de leur engagement syndical ou associatif préexistant et il semblerait que ces événements aient eu peu de conséquences sur leur engagement. Isabelle est la personne pour qui décembre 1995 semble avoir eu le plus de répercussions. Elle se syndiqua à la CFDT en 1985. Son adhésion reflétait alors à la fois un accord avec les idées du syndicat et une adhésion d'opportunité en raison de la structuration des syndicats par bureau sur son lieu de travail. Elle occupa la fonction de délégué du personnel puis pris plus de distance avec la CFDT depuis l'élection de Nicole Notat envers qui elle est très critique. Elle conserve toutefois une bonne opinion de sa section syndicale tout en accusant Notat de « collaboration » avec le gouvernement. En 1995, elle a manifesté à Lyon avec la section CFDT. Elle perçoit sa participation aux grèves comme un « cheminement » et « une reprise de l'action plus active ».

En revanche, les enquêtés qui évoquèrent le plus spontanément ces événements et qui y accordent une grande importance sont les deux personnes (Fabien, Laurent) qui n'y ont pas participé. Tous les deux étaient farouchement opposés aux manifestations et soutenaient le plan Juppé. Ils voyaient dans le plan de réformes proposé un « progrès en matière sociale » et accordaient à Juppé un « courage » politique. Tous les deux sont assez réticents à l'action des syndicats qu'ils jugent trop « épidermiques ». Un facteur semble rendre compte de la distinction entre ceux qui ont soutenu les grèves et ceux qui les ont critiquées. Il s'agit de l'implication dans l'association. Ceux qui n'ont pas pris part à décembre 95 se situent dans une adhésion sans qu'il y ai un engagement très important de leur part. En revanche ceux qui y ont participé sont des militants impliqués dans le comité local.

Julie : J'ai participé aux mouvements de 95 et à un certain nombre de manifestations. Je suis descendue dans la rue et il y avait beaucoup de monde. Pour moi ça représentait des forces qui remettaient en cause beaucoup de choses. Le problème c'est qu'après 1995 il n'y a pas eu d'utilisation de ces forces, il y avait une demande d'action car il y avait du monde en 1995 et c'est tombé un petit peu à plat après mais pour moi c'est un cheminement, c'était une reprise de l'action plus active. La CFDT avait appelé à manifester mais toujours dans des termes un peu... Nos sections sur Grenoble s'étaient mobilisés mais ceci dit un coup ils sont partis prenantes et un coup ils n'en sont pas. C'est le problème des manifestations syndicales, un coup unitaire et un coup ça ne l'est pas mais on ne sait pas sur quoi ils le sont où ils ne le sont pas. En tant que section CFDT on avait manifesté sur Grenoble car on avait un raz le bol de tas de choses de voir à quel point en tant que salariés on était pressurisé et on n'avait pas notre mot à dire, on était mis devant le fait accompli pour des tas de choses.

Fabien : Je ne sais pas si vous vous rappelez de toutes ces manifestations qui ont eu lieu au moment du plan Juppé. Je me situe plutôt de gauche et j'étais pourtant très pour le plan Juppé. Je suis allé le dire dans les assemblées de la faculté et je me suis fait incendier, parce que la mode c'était pas ça. Tout le monde voulait aller dans le même sens. J'étais un peu dans la position de Nicole Notat, qui elle aussi était assez favorable à ce plan. J'y voyais toute une série d'aspects positifs. Je trouvais que ce plan allait plutôt dans le bon sens [...] Je n'ai surtout pas participé aux grèves ! J'étais mal vu par mes collègues car je ne faisais pas grève. Moi je pense que ce plan Juppé était quand même un certain progrès en matière sociale. J'ai été étonné de voir la tournure que les choses prenaient. C'est étonnant de voir ce qui a déclenché cette réaction [...] Cette mesure avait été prise par Balladur en 1993 mais la fonction publique échappait à cela. Juppé en 1995 a pris une série de mesures assez significatives, et il y avait parmi celles-ci l'idée d'aligner les fonctionnaires sur ce qui avait été fait deux ans auparavant pour les salariés du privé. Et c'est cela qui était jugé comme une attaque intolérable aux acquis sociaux. Moi ça ne me choque pas.

Laurent : Moi je n'étais pas enseignant à cette époque la, je préparais l'IUFM. Je me rappelle, j'avais été contre le mouvement car je trouvais que c'était bien de réformer la sécurité sociale et de réformer la SNCF. Juppé avait été courageux là dessus. Donc moi je n'avais pas fait grève. Moi j'étais plutôt pour qu'on puisse réformer la sécurité sociale.

La participation des enquêtés aux conflits sociaux qui ont suivi 1995, s'est opérée de façon similaire. Les personnes qui étaient déjà engagées dans des structures associatives, syndicales ou politiques (Cécile, François, Thomas) ont participé aux mobilisations des chômeurs ou aux mouvements lycéens. Par exemple, c'est le cas de Cécile qui était lycéenne. Issue d'une famille de militants, elle a adhéré à Ras l'Front en 1995 et aux Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR) en 1996. Cécile a eu une participation très forte aux mouvements sociaux des années 1990 : elle s'est mobilisée à seize ans pour les manifestations de 1995, pour les mouvements de chômeurs et l'occupation des ASSEDIC en 1997 et 1998. Enfin, elle a pris part aux mouvements lycéens en 1998 durant lesquels elle participa à des débats sur l'éducation. Elle explique que son engagement associatif l'a amené à prendre position sur d'autres thèmes que le racisme. Sa participation aux conflits sociaux rentre en continuité avec son engagement militant et son soutien ne témoigne pas d'une prise de conscience comme c'était le cas pour Julie. Beaucoup d'enquêtés se sont mobilisés à cette période sur le thème du racisme et de l'antifascisme. Les trois personnes les plus impliquées dans des structures militantes ont adhéré à Ras l'Front. En revanche ceux qui n'avaient pas d'engagement spécifique n'ont pas suivi ces événements. Il semblerait que contrairement à notre hypothèse initiale, les conflits sociaux n'ont contribué que très faiblement à une réactivation de la participation.

Cécile : J'étais aux Jeunesses Communistes Révolutionnaires à Lyon. Je suis rentré à Ras l'FRont quand j'avais 16 ans, j'y suis resté deux ans et ensuite je suis rentré aux JCR, j'avais dix-sept ans. En fait c'est l'organisation de jeunesse de la Ligue. Je suis la fille de militants de la Ligue, mon père est militant de la Ligue depuis très longtemps, il y était à la fondation mais il ne milite plus beaucoup, il n'a pas de responsabilité et ma mère a été militante à la Ligue, elle était militante au PSU elle a milité dans des groupes de femmes dans les années 70. J'appartiens à une famille militante et j'ai eu cette socialisation là aussi. Ça n'est pas très étonnant. Je connaissais des gens de la Ligue par mes parents, mais comme j'ai milité à Ras l'Front j'ai été amenée à militer dans des mouvements sociaux et j'avais des amis qui étaient aux Jeunesses Communistes Révolutionnaires et donc je suis venu [...] Et puis politiquement j'ai milité sur l'antifascisme et ça m'a amené à d'autres réflexions, je militais aussi beaucoup sur des trucs féministes et ça m'a amené à me dire... à partir de l'antifascisme, de remonter à cette société là telle qu'elle est organisée et ça amène à réfléchir globalement sur la société et j'ai ressenti le besoin de faire des liens avec des choses séparées. J'allais dans beaucoup de manifestations, en 1998 j'avais été occupé des ASSEDIC, c'était des mouvements de chômeurs. J'avais participé aux mouvements de 1995, j'étais en troisième. Je me suis un peu investi, il y avait eu un mouvement lycéen aussi en 1998. Il y avait eu aussi un mouvement contre l'AMI que j'ai suivi de loin car j'étais pas dans Attac et j'étais plus répliqué dans Ras l'Front. Pour moi la mondialisation ça n'était pas crucial. C'est lorsque je suis arrivé à Sciences-Po que je me suis intéressé à Attac parce que c'est une thématique qu'on étudie plus la mondialisation. Pour le mouvement contre l'AMI j'avais été à une conférence de Susan George.

Thomas : Ras l'Front, c'est surtout lié à l'émergence du front national, de l'appel des 250, ça date de 1992 ou 1993 avec des écrivains. J'avais pas participé à la création mais je suis venu après parce qu'il y a cinq ou six ans que je fais ça, je participais à des conférences. Maintenant je ne peux plus rien car je fais Attac et puis c'est tout. Mais je vais quand même aux manifs, s'il faut donner un coup de main bien sûr.

Les événements de 1995 ne semblent pas avoir eu l'impact supposé sur l'engagement des enquêtés. Alors que nous avions émis l'hypothèse d'un réveil de la participation massif, il semblerait que 1995 n'ait été le déclencheur de l'engagement que pour très peu d'enquêtés280(*). La plupart ont participé à ces événements dans le cadre de leur engagement syndical ou associatif sans que cela ait provoqué chez eux un retour de la participation. En revanche, deux adhérents furent opposés à cette contestation sociale. Ceci nous conduit à deux conclusions. Tout d'abord, l'adhésion à Attac ne se recoupe pas strictement avec le renouveau des conflits sociaux. Les enquêtés ont majoritairement participé aux grèves de décembre 1995, toutefois il s'agit essentiellement des enquêtés qui militaient déjà au sein d'une organisation. Certains enquêtés étaient même farouchement hostiles aux grèves.

D'autre part, il s'agit de remettre en question le rôle central joué par les événements de 1995 dans le retour de l'engagement. Comment alors expliquer qu'Attac se présente comme l'héritier de 1995 qui symbolise le renouveau du conflit social et un retour de la participation? Les événements de décembre 1995 marque un renouveau des conflits sociaux. Tout d'abord parce qu'ils sont à l'origine d'un nouvel élan de contestation sociale qui va s'amplifier à la fin des années quatre-vingt-dix, mais aussi parce qu'ils ont permis de renouveler les formes de la contestation en prenant acte de la diversité des acteurs qui étaient engagés et de leur unité possible. Mais peut-on dire pour autant que les mouvements sociaux de 1995 préfigurent les mouvements anti-mondialistes ? Le refus du plan Juppé au nom de l'idéologie anti-libérale suffit-il à en faire les prémisses d'un mouvement anti-libéral tel qu'Attac ?

1.1.2.2 La mythification des mouvements sociaux

Michel Wievorka répond par la négative à ces deux questions281(*). Selon lui, il n'y avait pas dans les propositions défendues en décembre 1995 le projet que certains ont pu y voir. Les mouvements sociaux n'ont pas proposé « une vision de l'avenir, un contre projet culturel, un ensemble même ébauché de propositions modernisatrices ou utopiques »282(*). Le mouvement de 1995, s'est constitué à posteriori. Les discours de Christophe Aguiton et Daniel Bensïad s'appuient sur 1995 pour rendre compte du retour du militantisme et de la création d'un ensemble d'association qui poursuivraient la même dynamique. Toutefois, il s'agirait selon Michel Wievorka d'une stratégie de mise en scène des événements de 1995. Le décembre 95 se serait constitué en mythe afin de servir de caution historique et idéologique au renouveau associatif et syndical. Les évènements de 1995 ne sont d'ailleurs que très peu évoqués dans les discours des enquêtés sur leur engagement. Certains participent, comme nous l'avons vu, à ce renouveau associatif sans s'être pour autant engagés dans les événements de 95.

Le renouveau de l'engagement et du militantisme qui est perçu dans Attac serait la résultante d'un ensemble de stratégie de mobilisation. La construction intellectuelle qui a eu lieu à posteriori sur les conflits sociaux des années 1990 a permis d'historiciser les mouvements sociaux en les inscrivant dans une trame historique. Cette stratégie répondrait au thème de la « fin de l'histoire » évoqué par des auteurs tels que Fukuyama, pour qui le développement actuel des grandes démocraties occidentales serait arrivé à son terme. Il s'agirait également d'établir un patrimoine militant commun qui puisse permettre la constitution d'une mémoire collective des « luttes » et qui joue un rôle de stimulant pour l'engagement militant.

Ce regard porté sur les événements de 1995 témoigne d'un changement de perspective qu'il est nécessaire d'adopter sur les mouvements sociaux. Le mouvement social peut être considéré comme la mise en scène d'un ensemble de mobilisations. Il s'agirait, selon Jacques Guilhaumou, d'analyser un mouvement social du point de vue des acteurs qui y participent mais également du point de vue de ceux qui en sont les spectateurs.283(*) Toutefois l'observation des faits sociaux ne doit pas être « naïve »; elle procède d'un choix délibéré de mettre en évidence et de rendre plus visible tel ou tel aspect du mouvement social. « L'observation des mouvements [sociaux] nous renvoie principalement à des manières d'être spectateurs. Ce sont les spectateurs qui témoignent de la dynamique des acteurs émergents et de l'apparition d'une nouvelle part du sensible susceptible d'élargir le champ d'expérience propre à toue événementialité innovante [...] A ce titre, la rationalité de la démarche de l'observateur procède plus d'une mise en visibilité de l'inédit dans un rapport étroit à l'autre que d'un simple enregistrement des réalités »284(*).

Les années 1990 marque un renouveau du conflit social dans lequel décembre 1995 est une date importante. Toutefois il ne s'effectue pas un réel renouveau de l'engagement militant. Christophe Aguiton remarque que « le changement ne se situe pas dans le nombre de ces « nouveaux militants » qui pour beaucoup étaient déjà engagés durant les années quatre-vingt dix »285(*). Les nouveaux conflits sociaux ont, en revanche, permis un renouvellement des formes de l'action militante.

1.2 Les nouvelles formes de mobilisation

Les mobilisations contemporaines s'effectuent à travers le regroupement ponctuel d'un ensemble d'acteurs hétérogènes. Les manifestations donnaient, précédemment, l'opportunité à chaque organisation (associative, politique ou syndicale) de faire état de ses « forces »286(*). Il s'agissait d'« une succession de cortège syndicaux et politiques [où] chacun défilait avec les siens pour telle ou telle cause »287(*). Désormais, la participation aux mobilisations s'effectue sur un mode plus personnalisé, au cours duquel « les manifestants se retrouvent avec le mouvement ou l'association qui reflète le mieux le combat du moment »288(*). Le mode de participation à une manifestation s'effectue sur un mode plus souple et moins contraignant que précédemment289(*).

Toutefois, il existe une très forte homogénéité entre ces acteurs. Ceux-ci sont regroupés au sein d'un « réseau » qui se présente comme l'agrégation informelle d'un ensemble d'organisations et qui se constitue à travers la participation d'individus hétérogènes à un même mouvement de protestation. C'est pourquoi Aguiton définit le réseau comme étant « un système souple, où l'on travaille ensemble tout en gardant son identité »290(*). C'est au cours des quatre-vingt dix, qu'un réseau de mobilisation s'est progressivement mis en place291(*). Les événements de 1995 ont permis, par exemple, de déterminer certains points d'accords autour desquels des organisations diverses ont pu se réunir de façon éphémère. Parallèlement à cette dynamique, un autre phénomène a accentué cette mise en réseau des acteurs. Le développement des conflits sociaux à l'échelle internationale a débouché sur la mise en place d'un réseau anti-mondialiste plus large.

1.2.1 L'internationalisation des conflits sociaux

1.2.1.1 La naissance des « contre-sommets »

Depuis 1999 les conflits sociaux ont pris une dimension internationale à l'occasion des « contre-sommets ». Ce terme désigne des mobilisations qui ont lieu à l'occasion des sommets internationaux réunissant les pays les plus industrialisés de la planète (qui ont lieu dans le cadre de réunions institutionnelles292(*) ou de regroupements informels293(*)) afin de manifester un désaccord avec les décisions qui y sont prises. Les premiers contre-sommets ne sont pas, contrairement à ce que l'on pourrait croire, ceux de la fin des années quatre-vingt-dix. Déjà en 1989 à Paris avait eu lieu le « Sommet des sept peuples les plus pauvres » en réponse au déroulement du sommet du G7294(*). Les conférences organisées par l'ONU durant les années quatre-vingt-dix furent également le lieu de mouvements de protestation. Un forum global des alternatives eut lieu en 1992 à Rio de Janeiro lors du Sommet de la terre, une rencontre internationale consacrée à l'environnement. Pour chaque réunion organisée par l'ONU, des contre-sommets furent organisés : à Vienne en 1993 sur le thème des droits de l'homme, au Caire en 1994 sur les problèmes de population, à Pékin en 1995 sur les femmes, en 1996 à Istanbul sur sujet de l'habitat. Les contre-sommets qui ont eu lieu récemment ont la particularité de rassembler les militants déjà présents lors des précédentes mobilisations et de nouveaux mouvements295(*).

C'est à l'occasion des négociations de l'AMI (Accord multilatéral sur l'investissement) que la contestation « anti-mondialiste » apparu sur le devant de la scène publique296(*). Les opposants à cet accord y voyaient « sous couverts de dispositions techniques, une totale liberté de circulation des capitaux permettant aux multinationales de dicter leur loi aux gouvernements, mettant en danger la démocratie, la protection sociale et l'environnement »297(*). Les négociations de l'AMI ont commencé en 1995 au sein de l'OMC puis ont été poursuivies par l'OCDE. Au printemps 1997, des ONG Nord américaines de défense des droits de l'homme et de l'environnement ont diffusé le texte du projet afin d'alerter les réseaux associatifs qui s'organisèrent. En France, durant l'automne 1997, une campagne d'information fut menée par un collectif (la Coordination contre l'AMI) de soixante-dix organisations aux domaines d'interventions divers (Société des réalisateurs de film, Droits devant ! !, Confédération paysanne). Le Monde diplomatique fut très virulent vis-à-vis du projet d'accord, qui fut publié sur son site internet. Lors de la réunion du Groupe de négociation de l'AMI à l'OCDE (situé au château de la Muette à Paris), un collectif fut constitué et une manifestation eue lieu devant l'OCDE le 18 février 1998. Un autre mouvement de protestation se déroula le 28 avril 1998; il fut très médiatisé. En réponse à ces mobilisations, le gouvernement décida en octobre 1998 de reporter ces négociations au cadre de l'OMC jugée plus « démocratique » que l'OCDE (137 pays représentés à l'OMC contre 29 à l'OCDE). Le front de protestation s'amplifia aussitôt puisqu'en octobre 1998, un nouveau collectif fut mis en place (la Coordination pour le contrôle citoyen de l'OMC, CCOMC). C'est ce collectif qui prépara, dès février 1999, les mobilisations qui eurent lieu à Seattle.

Les mouvements de protestation qui ont eu lieu à l'occasion de l'AMI, en 1998, semblent avoir eu des répercussions assez fortes sur l'engagement des militants. Plusieurs adhérents lient directement leur engagement à Attac à la découverte de ces négociations commerciales et à la polémique qu'il y a eue alors. Par exemple Julie, pour qui décembre 1995 avait représenté une « reprise de l'action active », a été très marquée par la révélation des accords de l'AMI. Luc explique que l'AMI a été pour lui une « prise de conscience ». Toutefois ceux qui étaient précédemment les plus impliqués dans les conflits sociaux traditionnels (conflits du travail, luttes pour les chômeurs, lutte contre l'antifascisme) ont été très peu concernés par la polémique qui a eu lieu au sujet de l'AMI. Par exemple, Cécile s'est intéressée au mouvement mais elle explique qu'étant impliquée dans Ras l'Front, elle était peu informée des problèmes liés à la mondialisation. François qui militait également à Ras l'Front et à la LCR s'est peu intéressé au mouvement par manque d' « enjeux évidents » qui auraient permis une mobilisation militante. Beaucoup d'enquêtés ont été interpellé par le mouvement de l'AMI. En raison de l'absence de manifestation, cela c'est plus apparenté à une prise de conscience qu'à un acte de militantisme. En revanche, ceux qui furent les plus interpellés par cet événement (Julie, Luc, Fabien) ont adhéré à Attac dès son lancement, c'est-à-dire quelques mois après l'AMI. Il semblerait donc que leur engagement soit directement lié à cet événement298(*).

Julie : Je suis venu à Attac car un jour dans Marianne j'ai vu un petit entrefilet sur l'accord de l'AMI. Cet article analysait cet accord et là je me suis dit : « Ce n'est pas possible, ce n'est pas possible qu'on laisse faire un truc pareil ! » Je crois que ça été mon déclic. Un mois après il y avait la création d'Attac et je me suis dit Attac c'est ce qu'il me faut [...] Je me suis dit ce n'est pas possible que les gouvernements laissent faire ça. Mais ce petit entrefilet ne me suffisait pas quand même pour aller manifester dans la rue et je n'ai pas participé aux mouvements de 1998 contre l'AMI. Pour que je descende dans la rue il a fallu que j'adhère à Attac [...]

Luc : Le mouvement contre l'AMI a fait partie de la prise de conscience à la même période. Il était fin 97 et quand j'en ai entendu parler, il y ait une découverte qui était faite par pas mal de gens à cette époque là. Je pense que c'était par Le Monde diplomatique que j'en ai entendu parler.

F.E : Il y avait eu des mouvements en 1998 contre l'AMI, vous étiez au courant ?

Fabien : Oui, mais je crois qu'il n'y avait pas eu de manifestations. C'était l'OCDE qui avait manigancé et tout ça en cachette et après, sous la pression de l'opinion publique, ça a été retiré. J'avais vu ça de l'extérieur. J'étais bien content qu'on en arrive là mais je n'y étais pour rien. Je suis l'intellectuel qui réfléchit dans sa tour d'ivoire et qui laisse le bas peuple se mettre les mains dans le cambouis ! [Rires]

Cécile : il y avait eu aussi un mouvement contre l'AMI que j'ai suivi de loin car j'étais pas dans Attac et j'étais plus impliqué dans Ras l'Front. Pour moi la mondialisation ça n'était pas crucial. C'est lorsque je suis arrivé à Sciences-Po que je me suis intéressé à Attac parce que c'est une thématique qu'on étudie plus la mondialisation.

François : Pour le mouvement de l'AMI, j'étais passé à côté parce qu'il n'y avait pas de mouvement populaire, il y avait des campagnes de presse et dans les réseaux intellectuels mais sur Grenoble il n'y a pas eu de traduction militante de cela donc je suis passé à côté comme beaucoup de militants. Dans mon travail quotidien de militant, il n'y avait pas matière à distribuer des tracts. Quand tu veux donner une traduction militante assez large à quelque chose, il faut qu'il y est d'autres gens qui soient disponibles et je pense que personne n'était disponible pour travailler là-dessus. Les enjeux n'étaient pas évidents.

1.2.1.2 La constitution d'un réseau anti-mondialiste 

Depuis, les mobilisations internationales se sont multipliées299(*). Le FMI et la Banque mondiale furent contestés dans leur politique à l'occasion du contre-sommet de Washington et celui de Prague en septembre 2000. Les conférences de l'ONU (Organisation des nations unies) donnèrent lieu à des mobilisations comme par exemple à l'occasion du « Sommet social » qui s'est tenu à Genève300(*) du 28 au 30 juin 2000. Enfin, les sommets européens ont également été le lieu de mobilisations. Ce fut le cas en décembre 2000 à Nice ou à Götegorg (Suède) en juin 2001. Au cours de ces manifestations, on peut observer parmi les organisations présentes une grande diversité. Toutefois, il s'agit d'un nombre restreint de groupements ; ils se retrouvent le plus souvent à chaque nouveau contre-sommet et prennent l'habitude de militer ensemble. Il est possible de regrouper l'ensemble de ces organisations sous le terme de « mouvement antimondialiste ».

La contestation anti-mondialiste s'effectue sur un mode particulier. La mobilisation des militants, lors des contre-sommets, s'opère à travers un ensemble d'associations, de syndicats ou de partis politique. Il s'agit d'individus qui s'inscrivent dans un réseau (le mouvement anti-mondialiste) par le biais de l'organisation à laquelle ils appartiennent. De plus, il n'est pas rare que les individus cumulent les adhésions à des associations, syndicats et partis politiques variées et se situent en position de « multi-appartenance ». Cette structure de mobilisation n'est pas nouvelle. En revanche, au sein d'une organisation comme Attac, la diversité des organisations qui sont représentées est très vaste. Par exemple, parmi les membres fondateurs d'Attac, figurent des organisations de défense des chômeurs (le Mouvement national des chômeurs et précaires, MNCP), d'aide au logement (le DAL), d'écologie (Amis de la terre), de professionnels (le SNUIPP, Syndicat national unifié des instituteurs et professeurs des écoles) ou culturelles (la Fédération Française des Maisons de Jeunes et de la Culture, FFMJC). Il existe également une grande diversité d'appartenances politiques des participants. Cette diversité est vérifiée, par exemple, au sein du comité isérois où des militants du PS côtoient des militants d'extrême gauche, voire même des anarchistes. Il en est de même pour les mobilisations des contre-sommets où des cortèges de gauche modéré et des groupuscules anarchistes se retrouvent dans la même manifestation. Comment expliquer que des individus qui n'ont pas, à priori, d'affinités idéologiques puissent se retrouver au sein d'un même réseau de mobilisation ? Afin de pouvoir comprendre ce mode d'organisation, il est nécessaire d'analyser les configurations de la participation associative, entendue dans le sens large de forme organisée d'intervention dans la sphère publique301(*).

1.2.2 Les formes de la participation associative

1.2.2.1 L'intégration de l'individu aux réseaux verticaux

La participation associative est liée, comme l'a montré Louis Dumont302(*), à l'émergence de l'individualisme. C'est pourquoi, l'association est apparue en Occident à la fin du 18éme siècle en simultanéité avec l'établissement des sociétés démocratiques. La fin des sociétés d'Ancien Régime représentait la destruction des hiérarchies de corps et l'avènement de l'individu en tant que sujet politique. « L'individualisme, note Jacques Ion, c'est [...] la possibilité de penser la société comme une somme d'individus dont l'existence autonome est préalable à leur insertion dans des groupes d'appartenance et des réseaux de dépendance. L'organisation de la société n'y est plus une donnée initiale mais une construction sociale sans cesse recommencée »303(*). Weber concevait le lien associatif comme une relation sociale contractuelle par laquelle l'individu s'émancipe des appartenances primaires (famille, village, profession) qui relèvent de la communauté. Il constituerait, selon Alain Caillé, le lien entre la sphère publique et la sphère privé qui permet de réguler le social304(*). Toutefois, les associations ont eu, notamment en France, un rapport ambigu à l'Etat : tantôt complémentaires, tantôt concurrentes; les associations ont été perçues comme des corps intermédiaires dont la reconnaissance a été problématique. Pour résoudre cette difficulté, le modèle associatif français, valant ici dans son acception générique et non juridique, est caractérisé par la juxtaposition de deux pôles qui en fait un modèle mixe305(*). Un pôle communautaire holiste dans lequel l'existence des individus qui composent le groupement est pensée comme secondaire. Un pôle sociétaire où les individus sont considérés comme des sujets désignant des représentants de façon contractuelle.

C'est dans le cadre de ce modèle mixte que s'est développée la figure du militant. Le groupement est une combinaison des appartenances primaires et des groupements secondaires. Le réseau vertical ou « constellation » est le mode d'organisation qui s'est développé depuis le 19éme siècle. Ce sont des réseaux dans lesquels les associations sont regroupées « non plus sur la base d'une similitude d'objectifs mais sur celle d'une proximité idéologique »306(*). Cette configuration permet d'assurer l'intégration des individus car « c'est davantage le groupement qui qualifie l'individu que l'individu qui fait acte d'association »307(*). L'exemple le plus évident de cette structuration est celui du PCF qui formait avec ses groupements « satellites » un « conglomérat »308(*). A partir d'une proximité idéologique au parti, se succédaient un ensemble d'affiliations à d'autres groupements fonctionnellement spécialisés : la CGT, le Secours populaire, l'Union des femmes françaises, Tourisme et travail, la FSGT (Fédération sportive et gymnique du travail), etc.

Durant les années soixante, deux modifications majeures perturbèrent de façon croissante les anciens réseaux verticaux. Tout d'abord, il y eu une spécialisation progressive des groupements qui provoqua une lente sortie des réseaux309(*). En effet, ce mouvement d'autonomisation fonctionnelle permit une moindre emprise des réseaux idéologiques sur les groupements locaux310(*). D'autre part, le changement culturel et axiologique311(*) qui a eu lieu a modifié les modalités de la participation associative. « Les individus ne se mobilisent plus en fonction de leur place dans le rapport de production et les intérêts cessent d'être catégoriels pour être symboliques et identitaires et sont plus basés sur les modes de vie que des soucis matériels»312(*). Trois conséquences ont découlé de ces changements : une autonomie et une valorisation du local, une déterritorialisation des engagements, c'est-à-dire une diminution des appartenances géographique dans la formation des groupements, et enfin l'inscription des associations dans une « contestation globale de type sociétale ». Une dialectique entre le local et le global a lieu au terme de laquelle c'est au niveau le plus décentralisé que tendent à se reporter les investissements militants alors même que « l'horizon de référence n'est plus strictement national mais [...] supranational »313(*).

1.2.2.2 un nouvel âge de la participation ?

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, un autre mode d'association est apparu suite à l'accentuation de cette individualisation. Dans cette configuration, à l'image du pôle sociétaire, c'est l'individu qui prime sur le groupement auquel il appartient. L'adhésion valorise l'individu car ce sont ses spécificités qui sont désormais prises en compte314(*). L'individu ne s'aliène plus dans son adhésion315(*), mais il personnalise sa participation. L'un des signes de l'importance des individus dans le fonctionnement des groupements est, selon Jacques Ion, la transitivité des adhésions316(*). La pluri-appartenance associative permet à un individu de s'extraire de son réseau primaire. Mieux, c'est désormais l'individu, par ses adhésions, qui est à l'origine de la constitution de réseaux. « La transitivité des individus entre les différents groupements accompagne ainsi l'apparition de réseaux qui ne tiennent, au moins partiellement, leur existence que de la seule action des individus qui les constituent. Bref les réseaux ne sont plus des données préexistantes à l'engagement, ils se dessinent au fur et à mesure des implications croisées des engagements individuels »317(*). Le réseau anti-mondialiste ne doit pas être perçu comme une structure préexistante aux mobilisations nationales et internationales. C'est au cours des contre-sommet qu'il s'est progressivement mis en place par l'agrégation d'acteurs distincts à partir d'une communauté d'objectifs et d'affinités idéologiques. C'est ainsi que les groupes anti-mondialistes rassemblent une grande diversité de profils et de parcours individuels, pouvant aller du militant « professionnel » au chômeur n'ayant jamais milité318(*).

Toutefois on peut apporter deux limites à ce qui vient d'être dit précédemment. Tout d'abord, il serait trop caricatural d'opposer à l'ancienne organisation des réseaux, où l'individu était déterminé par son appartenance à une « constellation », une structuration où l'individu serait pleinement autonome dans ses choix. L'inscription dans un réseau conserve une certaine influence sur l'engagement associatif. C'est par exemple, parce qu'un individu adhère à une association comme Attac qu'il pourra être amené à se rapprocher politiquement de la LCR. L'individu ne peut donc pas être perçu uniquement, contrairement a ce qu'écrit Jacques Ion, comme le sujet de ces réseaux, il en est aussi l'objet319(*). La seconde limite concerne la diversité des acteurs qui sont engagés dans les réseaux ; ceci est observable au sein du réseau anti-mondialiste. Sur l'ensemble du réseau il est possible de trouver de très fortes disparités sociales, culturelles ou politiques. Toutefois, une certaine homogénéité existe, notamment politique. Mais surtout, ce sont au sein même des organisations, qu'il est possible de retrouver des individus appartenant à une même configuration socioprofessionnelle. La dynamique des conflits sociaux, tout d'abord exclusivement nationaux puis internationaux, a rendu possible la constitution d'un réseau anti-mondialiste. Attac a la particularité d'être né de ce réseau et d'en être un acteur à part entière. L'association n'aurait pas pu naître sans un regroupement de ces différentes organisations mais paradoxalement Attac prétend fédérer les mouvements anti-mondialistes.

1.3 La place d'Attac au sein du réseau anti-mondialiste

La plupart des associations et des syndicats qui ont fondé l'association sont apparus au cours des années quatre-vingt-dix, lors d'une scission avec des organisations modérées et traditionnelles. Attac est né de l'émergence d'une radicalité associative et syndicale320(*). Il est d'autant plus nécessaire de connaître les principaux acteurs de cette dynamique sociale321(*). Que ces organisations bénéficient d'une importance considérable dans les statuts.

1.3.1 Un réseau associatif diversifié

Il existe au sein d'Attac un réseau d'associations très diversifié. On peut distinguer parmi celles-ci deux genres. Tout d'abord, celles qui sont centrées sur la revendication de droits sociaux. On peut les qualifier de mouvements « protestataires ». Elles se caractérisent par un mode d'action non-légaliste, un recours très important aux médias. Ces associations recouvrent un ensemble de thématiques très larges : la défense des chômeurs et des précaires avec AC !, la lutte pour le logement avec le DAL, le soutient aux « sans-papiers » avec Droits devant ! Il s'agit d'organisations qui sont, avant tout, tournées vers l'action. Les autres associations qui ont participé à la fondation d'Attac s'apparentent à des think-thanks, c'est-à-dire des cercles de réflexions. Parmi ceux-ci figurent les Amis du Monde Diplomatique, Raison d'Agir ou encore la fondation Copernic. Ces associations ne sont pas tournées spécifiquement vers l'action mais se distinguent parfois par leurs prises de position. Par exemple, Bourdieu avait soutenu publiquement les mouvements de grève qui ont eu lieu en 1995. Il était également à l'origine du manifeste « Pour des Etats généraux du mouvement social » lancé en avril 2000322(*).

1.3.1.1 Les associations protestataires

Les associations sont très peu représentées au sein du C.A national d'Attac. En effet elles occupent, parmi les 18 places réservées aux membres fondateurs, quatre sièges323(*). Elles constituent pourtant près de la moitié des membres fondateurs (18 sur 46). De plus, les associations présentes au C.A ne sont pas celles que l'on pourrait qualifier de protestataires puisqu'il s'agit de l'Aitec (Association internationale de techniciens, experts et chercheurs) ou encore la FFMJC (Fédération Française des Maisons de Jeunes et de la Culture). La seule association issue des conflits sociaux des années quatre-vingt-dix est celle de Droits devant ! Vincent Espagne, son président, est d'ailleurs considéré comme une personne beaucoup plus radicale que la direction nationale d'Attac. Il a démissionné du C.A après s'être heurté à plusieurs reprises avec Bernard Cassen.

Au niveau local, des actions ont été régulièrement menées avec ces associations. Celles ci ont été facilitées par les contacts qu'entretiennent les militants entre eux. Par exemple, Thomas a milité de 1993 à 1995 au sein de AC !. Il connaît ainsi très bien les contacts avec lesquels il peut organiser une action unitaire. Toutefois, on peut noter qu'il ne s'agit pas toujours de réelles actions qui sont menées ensemble mais cela se limite parfois à un appel unitaire. Par exemple, le comité du DAL à Grenoble, après avoir connu un fort dynamisme, est aujourd'hui une « coquille vide » qui regroupe deux ou trois militants. La participation du DAL et la signature du tract reste toutefois un objectif visé. Le champ des sympathies s'en trouve élargi.

1.3.1.2 Le rôle des intellectuels dans les conflits sociaux

Attac est né de la coopération de plusieurs mensuels et hebdomadaires d'actualité et de réflexion324(*). Cela n'a donc rien d'étonnant que les cercles d'intellectuels occupent une place importante dans l'association. L'association dispose ainsi de ses « savants », sur lesquels elle s'appuie pour mener des « contre-expertises ». Le comité Attac Isère s'est fondé également sur l'initiative du président du comité isérois de Raison d'Agir.

Le Conseil scientifique d'Attac est né de ces différents rassemblements de savants325(*). Son fonctionnement s'effectue sur le mode d'un réseau : un « noyau dur » permanent, structuré autour des organisations fondatrices, se réunit au moins une fois par mois, tandis qu'un ensemble de groupes se réunissent ponctuellement326(*). La participation au Conseil s'effectue sur trois modes distincts : certains membres ont une participation directe par le biais par d'un groupe de réflexion (« Contrôle des flux financiers et institutions financières internationales », « Retraites, épargne salariale et fonds de pensions », « L'environnement et le développement durable », « Les firmes transnationales », etc.), d'autres sont présents en tant que représentants d'une organisation avec laquelle une position commune est adoptée et défendue (c'est le cas, par exemple, des positions définies en coopération avec la CCC-OMC ou avec la Confédération paysanne), d'autres, enfin, sont chargés par un organisme autonome de préparer un document, pour le compte d'Attac, qui est soumis au Conseil scientifique et qui peut être repris ensemble, ou par un seul des organismes (par exemple, l'annulation de la dette des pays pauvres avec le C.ADTM) ».

En revanche, le comité isérois entretient peu de liens avec les groupes d'intellectuels qui font partie des membres fondateurs. Il n'existe, par exemple, à Grenoble aucun lien entre le groupe des Amis du Monde diplomatique et le comité Attac. Les responsables du groupe local de Raison d'Agir ont participé au lancement du comité, mais ils se sont progressivement retirés. Bernard Floris qui en est le représentant au C.A isérois est rarement présent aux réunions. De même, aucun enquêté n'a déjà adhéré à un cercle de réflexion. François explique qu'il souhaite, à travers son engagement, trouver un « cadre d'action » qui lui permette de se situer sur le « terrain de la lutte quotidienne ». Il considère que les cercles de réflexion s'apparentent à des « café[s] philosophique[s] » qui se situent, avant tout, sur le « terrain des idées ». C'est pourquoi, explique t-il, il a préféré militer à Attac plutôt que d'adhérer à Raison d'Agir ou encore à la fondation Copernic. François constate une coupure entre les intellectuels et les militants. Il considère, d'ailleurs, que la prise de position de Bourdieu va dans le bon sens mais, qu'en revanche, l'association qu'il a fondée (Raison d'Agir) ne poursuit pas la même démarche. Il regrette que ses membres « ne discutent pas avec le gréviste de la SNCF ou le salarié du plan de licenciement mais avec les cadres intellectuels des syndicats ou des associations ». Thomas, qui appartient à un milieu ouvrier, constate également cette coupure entre les intellectuels et les militants. Selon lui, les « trucs à la Bourdieu [...] sont bien mais [...] sont compréhensibles par 5 % des salariés ». Thomas considère que les intellectuels ont un rôle à jouer dans les mouvements sociaux. C'est pourquoi, il pensait, en participant à la création du comité Attac Isère, pouvoir faire le lien entre les deux.

François : C'est pas un engagement littéraire [...] Et donc quand je disais que c'était pas un engagement littéraire, je dis que s'il n'y avait pas eu matière derrière, des forces sociales derrière, des gens qui s'investissaient dans ce truc-là. Je n'y serais pas aller. Par exemple il existe une association des Amis du Monde diplomatique, je n'y vais pas. C'est un choix, un choix politique mais d'investissement [...] Ce que je cherche ce n'est pas un cadre de discussions simplement. C'est un cadre d'action. Voilà donc j'ai besoin de discussions pour agir et j'ai besoin d'action pour nourrir la discussion. Je ne me situe pas... Je comprends qu'il y ait des gens qui font ça. Je cherche pas un café philosophique ou un café politique. Ce n'est pas mon option [...] Oui et puis ils essaient de faire des liens avec le monde syndical, bien sûr. Mais c'est pas là. où on va agir. On va faire des rencontres. Mais sur le terrain de l'action sociale et politique c'est notre fonction. Ça n'est pas Attac. Oui ça n'est pas Attac. C'était une association « sur le terrain », sur le terrain de la lutte...quotidienne. C'est plus sur le terrain des idées. Il y a pleins de choses, comme le réseau de Bourdieu avec Raison d'Agir. C'est bien. Mais ça travaille un autre champ. Oui sociologiquement ça travaille un autre champ... C'est clair. Mais c'est utile [...] Il y a une fondation qui s'appelle fondation Copernic, je ne sais pas si tu connais. Ils sortent des publications... Je n'irai pas militer là dedans. J'ai des copains qui sont là-dedans, des gens de la Ligue qui militent [...] Je pense que ça [la coupure entre militants et intellectuels] va se résorber dans la pratique mais cette coupure est forte. C'est ce qu'a essayé de faire Bourdieu en 1995 en essayant de discuter à la gare de Lyon avec les grévistes de la SNCF et leur dire ce qu'il pensait du plan Juppé. C'est une démarche qui consiste à aller dans la rue et essayer d'établir un rapport avec les gens. C'est dommage que ce soit resté là. Avec Raison d'Agir, ce n'est plus le même lien, ils ne discutent pas avec le gréviste de la SNCF ou le salarié du plan de licenciement mais avec les cadres intellectuels des syndicats ou des associations. Je pense qu'il faut arriver à décloisonner. Pour décloisonner, il ne suffit pas d'être membre d'une association, il faut aussi comprendre qu'il y a des formes différentes. La production intellectuelle c'est un travail différent et ça se complètent.

Thomas : J'ai toujours en tête l'idée qu'il y a aujourd'hui des intellectuels qui sont engagés et qui ont leur mot à dire et qui ont une capacité à synthétiser, à fait ressortir l'essentiel de l'analyse économique et politique et qui peuvent transmettre de manière simple à des gens. Raison d'agir, je voyais que c'était un groupe d'intellectuels et je me disais, nous travailleurs et salariés, on va pas les laisser gamberger tous seuls et aboutir à des trucs à la Bourdieu qui sont bien mais qui sont compréhensibles par 5 % des salariés. J'ai lu des passages comme Souffrances en France. Et je me disais que ça serait bien que nous on apporte notre témoignage avec nos mots, pour que les intellos puissent nous exposer leurs concepts avec nos mots à nous, parce que s'ils continuent et ils ne seront pas compris. Moi j'ai contacté Raison d'Agir et je leur ai dit comment moi technicien dans une entreprise grenobloise, comment je perçois le monde qui nous entoure et comment je peux faire le relais par rapport aux gens qui sont autour de moi [...] Je pensais pouvoir servir de lien.

1.3.2 L'influence des syndicats dans Attac

1.3.2.1 La recomposition syndicale

Les syndicats qui ont participé à la fondation d'Attac se positionnent comme « critiques » et « radicaux » vis-à-vis des centrales syndicales les plus anciennes. La coupure, bien qu'elle ne soit pas nette, entre les syndicats « radicaux » et « modérés » est apparue au début des années quatre-vingt-dix. C'est à l'occasion des événements de décembre 1995 qu'elle s'est révélée le plus saillant. Les principales centrales syndicales furent divisées sur la position à prendre vis-à-vis des grèves. La secrétaire de la CFDT, Nicole Notat, accepta le plan proposé par Juppé et n'appela pas à la grève mais elle fut contredite par une large partie de sa base syndicale. Marc Blondel, secrétaire de FO (Force ouvrière), et Bernard Thibault, secrétaire de la CGT (Confédération générale du travail) appelèrent à la grève. Toutefois, comme le note Daniel Bensaïd, « si les Confédérations (en particulier CGT et FO) se sont retrouvées ensemble dans la rue, il n'y a pas eu de front syndical capable de proposer unitairement un calendrier de mobilisation et de présenter une plate-forme de revendications communes »327(*). Les syndicats traditionnels ressortirent affaiblis de ces événements. Leur incapacité à agir en concert avec le secteur associatif mît en évidence la « fracture profonde entre syndicats et la couche sociale des chômeurs et des exclus »328(*).

Suite à 1995, le paysage syndical fut profondément modifié. Les clivages qui étaient apparus entre les syndicats s'accentuèrent. La CFDT se désolidarisa des mouvements associatifs émergents et continua à soutenir des organisations plus traditionnelles telles que les Restos du coeur329(*). Louis Vianet, secrétaire de la CGT, occupa le rôle de coordinateur des mouvements sociaux. En revanche, il refusa d'accorder son soutien aux mouvements de chômeurs de 1997 et 1998, ce qui lui valu de nombreuses critiques330(*). Aucune confédération syndicale n'a pris part à la constitution d'Attac. L'absence de position de Nicole Notat, n'a pas empêché les syndicats dissidents de la CFDT (Fédération des banques CFDT, FGTE-CFDT331(*)) de participer à la constitution de l'association. En revanche, Bernard Thibault, après une rencontre avec les fondateurs, a incité à se mobiliser en faveur de l'association. C'est pourquoi, parmi les membres fondateurs figurent plusieurs sections de la CGT : Fédération des finances CGT, SNPTAS Equipement CGT, UGICT-CGT (Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT332(*)). Les liens qu'entretient l'association avec la CGT sont d'autant plus importants que Pierre Tartakowsky, membre du C.A au titre de la UGICT-CGT est secrétaire général d'Attac; il a eu la charge, en tant que responsable cégétiste, de structurer l'association en la dotant d'un appareil333(*).

En revanche, les syndicats les plus récents participèrent activement à la fondation d'Attac. Ce sont les mêmes qui occupèrent le devant de la scène pendant les conflits sociaux de 1995. Ils tentèrent de tisser des liens avec les associations défendant le droit des femmes, les travailleurs immigrés ou les sans logis. A l'issue des mouvements sociaux de 95, une union syndicale a d'ailleurs eu lieu entre Sud, le Groupe des « Dix », la CGT, la FSU et le courant « Tous ensemble » de la CFDT. Il s'agissait pour ceux qui ont participé à 1995 de constituer une forme d'organisation interprofessionnelle pouvant redonner une dynamique au militantisme syndical334(*).

Parmi les syndicats membres fondateurs, figurent le Groupe des « Dix » ou encore Sud (Solidarité, Unité, Démocratie). Pierre Khalfa est membre du C.A au titre de l'Union syndicale Groupe des Dix, il est également membre du bureau. Les syndicats enseignants disposent d'une représentation très forte dans Attac, puisque la FSU (Fédération syndicale unitaire), Le SNES (Syndicat national de l'enseignement secondaire) et le SNESup (Syndicat national de l'enseignement supérieur font partie des membres fondateurs. Daniel Monteux, qui est membre du C.A et du bureau, représente d'ailleurs le SNESup.

Le syndicat le plus médiatisé dans Attac est la Confédération Paysanne (CP). La Confédération et Attac sont très proches malgré leurs domaines d'intervention très distincts. La Confédération est, d'ailleurs, membre fondateur de l'association. François Dufour est membre du C.A et vice-président d'Attac, au titre de la Confédération. L'association a apporté à plusieurs reprises son soutien au syndicat agricole : lors de l'arrestation de José Bové, après le démontage du McDonald's, Attac a participé au collectif de soutien qui s'était mis en place335(*). De même, lors de son procès, le bureau national avait appeler les adhérents à se joindre « à toutes les initiatives [...] de soutien aux militants mis en examen »336(*). Outre les mobilisations internationales, Attac et la Confédération ont mené plusieurs actions ensemble sur le thème des OGM. Par exemple, des militants d'Attac ont participé à plusieurs occasions au fauchage de champs plantés de maïs transgénique337(*).

A priori, on pourrait penser que l'engagement syndical des militants grenoblois s'oriente, avant tout, sur les syndicats les plus radicaux qui ont participé au lancement de l'association. Il n'en est rien. Parmi les enquêtés, cinq ont eu un engagement syndical : Lionel a milité au sein de F.O, Laurent, Julie et Raymond ont milité à la CFDT et Thomas milite à la CGT. Aucun des interviewés n'a déjà adhéré à Sud, à la FSU ou au Groupe des Dix. Le syndicat le plus représenté (la CFDT), est d'ailleurs, celui qui semble le plus loin des prises de position d'Attac338(*). Comment expliquer ce paradoxe ?

Tout d'abord, on peut remarquer que pour les enquêtés le choix de la centrale syndicale ne semble pas primordial. Il semblerait qu'ils privilégient davantage, dans leur engagement, le fait que les syndicats soient des moyens de lutte dans l'entreprise. Par exemple, l'adhésion de Lionel à F.O, bien qu'elle s'étale sur une longue période (1988-1998), n'apparaît pas comme représentative de ses préférences syndicales. Lionel affirme qu'il ne s'agit pas d'un engagement « de conviction mais plutôt par opportunité et facilité » (F.O était le syndicat le mieux représenté sur son lieu de travail). Il ajoute d'ailleurs que « ça aurait pu être la CFDT ». On peut noter que Lionel a été manifester en 1995 en compagnie des militants CFDT. De même, Luc explique que ce qui est important pour lui c'est avant tout « l'organisation collective des travailleurs ». Il a choisit d'adhérer à la CFDT suite aux conflits de mai 68 dans lesquels Luc « était partie prenante ». Lorsque l'élection a eu lieu dans son entreprise pour déterminer le choix d'une centrale syndicale, ce fut la CFDT qui fut élue. Luc estime qu'il en était « plus proche au début que maintenant ». La plupart des enquêtés engagés syndicalement semblent donc davantage concevoir leur adhésion comme étant liée à l'entreprise qu'au syndicat en tant que tel. Cette préférence pour un militantisme syndical qui soit indépendant des confédérations s'expliquerait par un refus de la politisation des enjeux syndicaux. Cela s'accorde d'ailleurs avec la volonté qu'affiche Attac de « réinventer la politique du mouvement syndical : « Repolitiser, dans la situation actuelle, ne peut en aucun cas signifier le retour à des allégeances ou même à des dépendances face à des partis politiques, ni le contrôle des syndicats sur un parti politique [...] Il s'agit donc de réinventer la politique du syndicalisme, en prenant comme point de départ la défense de l'intérêt de ses membres à partir de l'entreprise »339(*).

Luc : Il n'y avait que la CFDT dans la boîte, c'est une petite boîte, on était 50. Moi en 1968, j'ai fait des piquets de grève, sans être syndiqué. La CFDT m'a plus ou moins demandé, dans la mesure où ils sentaient que j'étais partie prenante d'un certain nombre de choses, j'ai été très bien vu à la CFDT mais je n'ai pas adhéré, je travaillais à Paris chez Marcel Dassault. Il devait y avoir la CFDT et la CGT [...] Pour moi la centrale syndicale ce n'est pas important, ce qui important c'est l'organisation collective des travailleurs. Je fais partie de la CFDT à l'origine, peut-être que j'en étais plus proche au début que maintenant, mais j'ai adhéré CFDT à l'époque parce qu'on a décidé de faire une première section et au cours des votes pour savoir quel syndicat retenir la CFDT est passée parce qu'elle était beaucoup plus proche de ce qu'on pensait à l'époque.

Lionel : Puis, je suis rentré à la « Sauvegarde » au début des années 80. L'association a connu une bureaucratisation très forte. Elle fonctionne moins sur un mode démocratique et sur l'autogestion et beaucoup plus sur un mode personnel, surtout celle qui se situe en Savoie. Face à ces problèmes j'ai décidé de d'adhérer à Force Ouvrière. Ce n'était pas par conviction mais plutôt par opportunité et par facilité. C'était vraiment par rapport à mon travail car il y avait des problèmes dans l'association. Ça aurait pu être la CFDT mais aujourd'hui non. On a organisé plusieurs manifestations et plusieurs réunions et mais je n'ai jamais eu de participation nationale, d'ailleurs en 1995 je suis allé manifester à Lyon avec la CFDT. C'était par hasard car je connaissais des gens, les syndicats sont représentés dans l'association en fonction des bureaux en fait. Mais je ne me suis pas du tout senti en décalage j'ai quitté mon syndicat en 1998 peu de temps après mon adhésion à Attac parce que je n'avais pas envie de m'engager plus mais je suis parti en très bons termes.

Parmi ceux qui ont milité à la CFDT, un seul est encore actuellement adhérent (Laurent). Julie et Raymond ont quitté leur centrale syndicale après s'être engagés dans Attac340(*). Julie a quitté son syndicat en 2000, après quinze années de syndicalisme. Elle regrette qu'il y ait une coupure entre la base syndicale et la direction nationale. Selon elle, le « fonctionnement [...] ne va plus du bas vers le haut mais [il] part du haut et les autres n'ont pas grand-chose à dire ». Julie considère d'ailleurs que la section locale CFDT « fait du bon boulot ». En revanche, elle désapprouve les prises de position du secrétaire national, Nicole Notat, qui se situe en « collaboration avec le pouvoir en place » et qui représente « la courroie de transmission du patronat ». Sa démission est en lien direct avec son militantisme puisqu'elle explique que son appartenance syndicale lui semblait « contradictoire » avec son adhésion à Attac. Raymond, qui était délégué syndical de son entreprise, a quitté la CFDT en avril 2001. Sa démission est liée, en partie, au fonctionnement local du syndicat puisqu'il considère qu'il rencontrait trop de difficultés sur son travail syndical. De plus, il désapprouve les négociations qui ont eu lieu entre Notat et le Medef. Il estime, également, que la CFDT « rentre trop dans le jeu du patronat ». Laurent est le seul enquêté qui approuve la ligne syndicale nationale de la CFDT. Il déclare que son appartenance syndicale est «complètement bien assumée », et il ajoute qu'il « apprécie » les positions de Nicole Notat. En revanche, il considère qu'il existe localement une radicalisation à gauche qui est gênante.

Parmi les enquêtés figurent plusieurs « déçus » du syndicalisme. Il semblerait qu'ils regrettent un centralisme trop excessif. Leur adhésion à Attac peut être donc être perçue comme la recherche d'un nouveau mode d'engagement dans lequel la direction nationale et la base seraient plus en accord.

F.E : Sinon vous avez fait partie d'un syndicat...

Julie : C'était la CFDT mais j'ai rendu ma carte. Je l'ai rendue, il y a un an car je trouvais qu'effectivement la CFDT... Je regrette que le porte-parole d'un groupe de mobilisation que ce soit par rapport à l'épargne salariale, par rapport à la modification du régime des retraites je trouve qu'elle est trop, pour l'instant, la courroie de transmission du patronat et ça ne me plaît pas du tout, donc je me suis dé-syndiquée. Ça faisait quinze ans, c'est-à-dire depuis que je suis ici [...] Certaines prises de position de Nicole Notat m'ont fortement déplu. Par rapport à l'épargne salariale, par rapport à la remise en cause des retraites, elle est pour les fonds de pension et la je me suis dit mais... C'est essentiellement ça. Pour moi elle est en collaboration avec le pouvoir en place et je trouve qu'il y a aujourd'hui un fonctionnement qui ne va plus du bas vers le haut mais qui part du haut et les autres n'ont pas grand-chose à dire. Et je trouve que son objectif à Notat c'est de se faire élire et de devenir ministre de quelque chose, dans la manière dont elle fonctionne ça n'est pas possible autrement. C'est très épidermique. Sinon la section CFDT fait du bon boulot [...] Pour moi ça me semble contradictoire d'être la CFDT et à Attac, là je me retrouve-moi dans un certain nombre de positions d'Attac, même si je me trouve pas forcément en adéquation avec le national, je ne retrouve plus du tout haut niveau de la CFDT et je pense que c'est contradictoire. La CFDT est d'accord avec l'épargne salariale, Attac ne l'est pas et moi je ne le suis pas.

Luc : J'étais délégué syndical de la boîte. C'était le syndicat des services CFDT [...]

F.E : Par contre je ne me rappelle plus quand vous avez arrêté adhérer à la CFDT ?

Luc: C'était il y a deux mois. Parce que j'ai essayé jusqu'au dernier moment de travail avec la base et on arrive pas à travailler avec la base [...] Et j'avais prévu quand je me suis présenté et que j'ai été élu secrétaire du syndicat, c'était uniquement si l'on arrivait à former l'équipe de travail, sinon je laissais tomber. Je pense que ce sont aux gens qui sont syndiqués à se prendre en main et ce ne sont pas aux gens qui sont retraités de faire le travail pour les autres. J'accepte de passer du temps parce qu'il y a des gens qui sont là, mais je m'en irais un jour ou l'autre. J'ai à mon avis attendu beaucoup trop longtemps [...] Il y aurait pas eu tous les problèmes de la CFDT avec le MEDEF qui a fait du chantage et moi je ne sais pas d'accord pour que la CFDT négocie dans ce cadre là avec le MEDEF, cela n'a pas arrangé les choses. Je trouve que la CFDT rentre trop dans le jeu du patronat

Laurent : En fait je t'avais dit que c'est la première fois que j'ai adhérée un mouvement mais ça n'est pas vrai car j'ai adhéré un CFDT et je me suis fait élire représentant syndical dans le cadre de mon métier quand j'étais à l'IUFM. C'était il y a trois ans. J'ai 32 ans. Et là à la CFDT j'ai eu le même problème qu'à Attac, j'étais confronté à des gens pas uniquement de la CFDT, il y avait deux syndicats qui étaient représentés la CFDT avec le SGEN qui est la branche de l'éducation nationale et le SIPP, c'est le syndicat enseignant qui est proche du parti communiste et de la CGT. Et avec eux c'était le même problème, ils sont radicaux et moi je ne suis pas radical [...] Moi je suis syndiqué à la CFDT, complètement bien assumé avec Nicole Notat alors que elle est pas mal remise en cause mais moi j'apprécie [...] C'est le même syndrome [dans Attac] que pour la CFDT. Entre le sommet et la base c'est clair que la base est beaucoup plus de gauche. Pour le parti socialiste je n'en sais rien mais pour la CFDT c'est sûr qu'il est une énorme différence.

F.E : Pourquoi avoir choisit cet engagement syndical à la CFDT ?

Laurent : Parce que c'est celui qui me correspond le mieux. La CFDT et, le parti socialiste, tout ça s'est cohérent. D'ailleurs je crois que la CFDT est adhérente à Attac.

1.3.2.2 Un réseau syndical isérois peu dense

Sur l'Isère, les militants d'Attac ont déjà organisé des actions unitaires avec l'aide des syndicats qui figurent parmi les membres fondateurs. Par exemple, à l'occasion du Forum social de Genève, en juin 2000, des transports avaient été organisés par Attac en lien avec la CGT et la FSU. Thomas, qui milite à la CGT depuis 1978, considère que cette action unitaire avec les syndicats n'aurait pas été possible, il y a quelques années. C'est parce qu'Attac, « demande aux syndicats de se positionner », que la CGT a été amenée à « se poser des questions [...] et ensuite [à] se positionner ».

Toutefois, c'est avec la Confédération paysanne, que le comité local entretient le plus de rapports. Des actions communes ont été menées à plusieurs reprises. Par exemple, le 28/03/2000, une conférence de José Bové avait été organisée de façon conjointe341(*). Une conférence sur les OGM s'est déroulée en 2001. Attac a également manifesté son soutien envers les militants isérois de la Confédération. Ainsi, le comité Attac a souhaité « manifester [sa] solidarité » vis-à-vis de trois militants de la Confédération paysanne de l'Isère qui avaient été mis en examen pour le fauchage d'un champ de colza OGM342(*). De plus, le comité avait lancé un appel de soutien pour subventionner la location de bus afin que les militants de la Confédération puissent se rendre à Millau343(*). Avant l'apparition des mouvements anti-mondialiste, le comité isérois de la Confédération avait très peu de liens avec les associations et les syndicats grenoblois. On peut supposer, que c'est par le biais, entre autres, d'Attac que des liens se sont progressivement formés. D'ailleurs, Thomas, qui affirme connaître beaucoup d'organisations grenobloises, avoue qu'avant son adhésion à Attac, il n'avait pas de liens avec la Confédération.

Thomas : Par exemple les syndicats qui sont membres fondateurs d'Attac, donc justement ils sont dans les membres fondateurs d'Attac et c'est qu'on puisse avec eux travailler sur ces questions de la mondialisation. Parce que je ne suis pas sûr par exemple que l'année dernière à Genève, contre l'OMC, il y a quelques années on aurait pu amener des gens à part peut-être la FSU qui sont bien au fait du problème de la marchandisation de l'éducation, on aurait peut-être pas pu amener une trentaine de personnes de la CGT pour manifester contre l'OMC. Je ne dis pas que c'est nous qui l'avons fait... Je dis que le fait qu'Attac pose ces questions-là et demande aux syndicats de se positionner et qu'il y ait des membres fondateurs d'Attac qui y soient, notamment le syndicat CGT des finances, ça a permis que la CGT se pose des questions sur cela et ensuite se positionne par rapport à l'OMC est donc ensuite participe avec nous à tout ça. C'est pas sûr qu'ils l'auraient fait il y a quelques années même si bien sûr ils avaient des positions sur l'OMC.

F.E : Tu les connaissais avant les militants de la Confédération paysanne ? Comment vous avez été amené à vous rencontrez ?

Thomas : Non. Moi j'ai rencontré les militants de la Confédération paysanne dans Attac, j'avais des copains qui les connaissaient avant mais qui les connaissaient comme ça pour s'être rencontré au cours de manifestations, mais...

En revanche, mis à part avec la Confédération, aucune action locale n'a pu avoir lieu avec le soutien des syndicats, notamment des centrales les plus anciennes comme la CGT ou la CFDT. Thomas, qui souhaitait organiser des diffusions de tracts dans l'usine où il travaille, n'a pas reçu l'appui de la CGT, bien qu'il soit adhérent de la CGT. En revanche, il a reçu l'aide de la CFDT, du fait que la section syndicale de l'entreprise ait adhéré à Attac Isère. François reproche aux militants du comité isérois de n'avoir rien tenté pour organiser un « travail concret » avec la CFDT et la CGT. Il met en comparaison sa précédente expérience associative à Ras l'Front avec la situation au sein d'Attac. Il estime que les militants de Ras l'Front avaient réussi à « tisser un lien fort avec les syndicats à la base, localement ». Des actions étaient menées régulièrement avec les syndicats, au sein des entreprises, et un « lien social » avait été établi. Dans le comité Attac, malgré la présence de syndicalistes dans le C.A, François considère qu'il n'existe pas un véritable lien. Il explique ce paradoxe par deux raisons. Tout d'abord, les syndicalistes qui sont adhérents à Attac, sont présents dans l'association uniquement à titre individuel. Il n'existe donc pas une véritable représentation des syndicats en tant que tels. De plus, il n'y a pas, selon lui, une volonté de la part des militants du comité Attac de travailler en lien avec les syndicats. François regrette que les membres du comité isérois « pense avoir le monopole sur ces questions-là » (qui sont liées à la mondialisation) et en fait son « pré-carré » sans que « les autres [n'aient] vraiment leur mot à dire ». Il semblerait, qu'il existe une tentative de la part du comité local de représenter de façon exclusive le réseau anti-mondialiste.

Thomas : D'un côté, sur les syndicats, il y a des membres fondateurs comme à la CGT ou Sud ou certaines sections de la CFDT... A Nerpick par contre on a essayé car il y a des tracts d'Attac qui sont distribués parce que CFDT Nerpick est rentrée à Attac et on distribue des tracts. Moi je suis à la CGT et je distribue des tracts d'Attac. Mais on comptait... Et moi je compte encore sur les sections d'entreprise et de syndicats pour que la CGT fasse des diffusions de temps en temps mais la CGT rien du tout... Rien ! Rien ! Toutes les manifestations qu'on a faites depuis février 1999, la CGT en tant que syndicat n'a participé à aucune initiative avec Attac. Il y a des adhérents de la CGT qui viennent avec nous mais à titre individuel [...] La plupart du temps les responsables locaux n'ont pas de lien et ne veulent pas entendre parler d'Attac. Alors qu'avec la CFDT on a des liens et on commence à être invité et reconnu.

François : On avait quand même réussi une chose qu'Attac n'a toujours pas engagé, on avait réussi à tisser un lien fort avec les syndicats à la base, localement. Attac a des syndicalistes dans sa direction et il y a très peu de liens avec les Confédérations. Il y a des liens avec Sud et avec la FSU, Sud parce que c'est un syndicat moderne et radical dans lequel tu trouves des libertaires, des gens d'extrême gauche ou simplement des déçus de la CGT. Il y a très peu de lien entre Attac et la CGT ou la CFDT, sinon aucun. Moi je pense que ça vient d'Attac, je pense que les Confédérations sont assez sclérosées et pour qu'elles bougent, il leur faut du temps. Nous, on a fait pression sur les syndicats et on leur a dit que par rapport aux problèmes de racisme dans les entreprises on peut travailler ensemble. Donc on a fait un travail concret avec ces gens-là. On avait des échanges sur le matériel qu'on pouvait produire ensemble et puis il y avait un lien social, on était présent régulièrement et comme ça les gens n'étaient pas cantonnés dans leur milieu. Dans Ras l'Front il y avait des syndicalistes et il y en a aussi à Attac et on avait une autre démarche et ils étaient là avec la bénédiction de l'union départementale du syndicat, ils étaient là pour faire le lien. Attac n'a pas cette démarche aujourd'hui et c'est dommage. Peut-être qu'au niveau des dirigeants ils l'ont, entre Thibault et Bernard Cassen ils doivent se rencontrer mais c'est pas dans la culture d'Attac de dire qu'au niveau local on va faire un pôle anti-mondialisation avec tous ceux qui se battent sur des thèmes différents, par exemple la CGT sur le thème des licenciements boursiers. Il n'y a pas de démarche offensive dans cette direction-là. Attac pense avoir le monopole sur ces questions-là, c'est son pré carré et c'est à Attac de gérer ses revendications et les autres n'ont pas vraiment leur mot à dire. En tous cas on a pas établi des passerelles pour travailler ensemble.

Ce manque de liens avec le réseau syndical se retrouve également dans les relations qu'entretient le groupe « campus » avec les syndicats étudiants. Cécile, la responsable de ce groupe, explique qu'elle n'entretient aucun rapport avec les trois principaux syndicats étudiants, l'Unef-Id, Solidarité étudiante (SE) et Sud. Elle se positionne en retrait vis-à-vis de ces trois syndicats. Elle considère que l'Unef-Id souhaite avant tout récupérer les associations du campus344(*). Elle est en désaccord avec SE sur le sujet de l'allocation universelle d'étude. Enfin elle définit les militants de Sud comme étant des « aristocrates [...] dans le sens où ils sont très méprisants vis-à-vis des étudiants ». En revanche, Cécile estime que des actions sont possibles avec ces syndicats à condition que cela se fasse de façon unitaire. Par exemple, elle pense qu'une action conjointe aurait été possible à l'occasion du boycott des produits Danone. Cela aurait permis, selon elle, d'être « complémentaire » sans pour autant se situer sur « le même terrain ».

F.E : Par contre, avec les syndicats, ils sont présents avec les syndicats étudiants ? Vous avez des rapports ?

Cécile : Aucun rapport ! C'est assez bizarre d'ailleurs. Moi j'aurais imaginé que des gens, comme ceux de l'Unef-Id, viendraient un peu à Attac campus. Par exemple à l'Unef-Id, ils sont très en lien avec SOS racisme il y a beaucoup de gens Unef Id qui sont à SOS racisme [...] Pour l'instant, les gens de Unef Id ne viennent pas à Attac [...] Et puis, Sud, sur le campus, trouve des réformistes un peu traîtres. Enfin, j'exagère un peu... [Rires]. Non c'est vrai, Sud sont vraiment très radicaux [...] Et donc, on n'a pas de liens avec eux parce que c'est un positionnement politique ; pour eux, revendiquer la taxe Tobin c'est utiliser le système et ça, ils n'en veulent pas. Je simplifie, c'est plus compliqué que ça. Du coup, on n'a pas de lien avec les syndicats étudiants [...] J'ai été voir les syndicats étudiants car je pensais que c'était important de militer et j'avais été voir Solidarité Etudiante et Sud et j'avais halluciné sur leurs pratiques. Je trouvais qu'ils ne faisaient pas de syndicalisme étudiant comme les chaînes d'inscription, faire de la défense au cas par cas des étudiants, plancher sur les réformes de l'université et moi ça me gênait. Moi j'ai toujours trouvé que Sud était très intello et ils se sont à côté de la plaque sur des choses. Ils sont limite aristocrates pour moi dans le sens où ils sont très méprisants vis-à-vis des étudiants.

F.E : Mais vous leur faites de l'ombre, un peu, aux syndicats ?

Cécile : Non, car on n'agit pas sur le même terrain ! [...] Le syndicalisme étudiant, c'est la défense des droits des étudiants en premier lieu puis après c'est des positionnements politiques. Mais ce n'est pas du tout la même vocation qu'une association comme Attac. Moi je pense qu'il y a une complémentarité. Cela aurait été bien, par exemple, que l'on travaille avec les syndicats étudiants sur le sujet du Crous ou Danone. C'est un sujet qui est à la limite de ce que peut faire un syndicat étudiant; parce que c'est sur le campus et que cela concerne les étudiants seuls. Si on avait été sollicité par un syndicat étudiant ou que l'on ait eu des liens avec un syndicat étudiant sur ce sujet, on aurait très bien pu faire une action en commun. Comme on n'a pas ces liens là et que Sud n'intervient pas sur le campus et l'Unef Id intervient mais pas sur ce terrain-là ! [...] Mais moi, je pense que ce n'est pas faire de l'ombre, on pourrait être très bien complémentaire sur une action [...] Non ! Une action avec un seul syndicat étudiant, c'est toujours un peu difficile. C'est un truc en binôme, tu vois, juste avec un syndicat, c'est faisable, mais moi je pense que c'est toujours mieux, par exemple dans le domaine unitaire, quand il y a plusieurs associations ou syndicats ou partis. C'est mieux car tu n'as pas une association qui se fait directement, moi ça me saoulerait que l'on soit associé à l'Unef id, tu vois, qu'on n'aurait à faire qu'à eux ; par contre on pourrait faire une action unitaire avec eux.

Les Attacants grenoblois mènent peu d'actions communes avec les associations, mais surtout les syndicats, locaux. Les organisations qui ont fondé l'association de façon nationale et locale, semblent avoir très peu d'influence dans la vie du comité. POurquoi les dirigeants nationaux accordent tant d'importance à l'adhésion d'autres associations et les membres du comité grenoblois si peu? Il faut chercher, selon nous , les raisons de cette divergence dans les différentes représentations de l'engagement associatif.

1.3.3 L'adhésion comme acte individuel

Sans la présence de personnes morales, Attac n'aurait sans doute pas eu l'attractivité dont il a bénéficié dés son départ. D'ailleurs, la plupart des enquêtés considèrent que les membres fondateurs ont eu un rôle nécessaire dans le lancement d'Attac. La participation des personnes morales à l'association faciliterait, selon certains, la mise en réseau des organisations. Par exemple, pour Thomas qui connaît beaucoup d'associations sur Grenoble, l'adhésion de diverses organisations à Attac permet de mener des actions en commun. Le travail en collectif est facilité par le fait que des organisations soient représentées dans l'association. Lorsque Thomas était président du comité isérois, l'une de ses principales tâches était justement d'établir une coordination des associations et des syndicats à travers Attac.

D'autres sont moins enthousiastes, et sont défavorables à ce que les membres fondateurs puissent participer au fonctionnement de l'association. Par exemple, Luc reconnaît que les personnes morales ont eu un rôle important dans le lancement. Leur soutien a permis de créer une dynamique qui a été profitable. En revanche, la participation des membres fondateurs au déroulement de l'association n'est pas souhaitable. Tout d'abord, selon Luc, l'adhésion d'une organisation risque de déclencher des conflits. Selon lui, des divergences peuvent survenir sur certaines prises de position, ce qui peut amener à un blocage. L'adhésion des individus lui semble plus logique que celle des personnes morales, car, en cas de difficulté, un individu peut se désengager plus facilement qu'une association. D'autre part, la participation des membres fondateurs n'est, selon Luc, matériellement pas réalisable. Le fait de militer dans plusieurs associations empêche une implication qui soit suffisamment forte. C'est pourquoi, il regrette que les membres fondateurs ne soient pas plus présents aux Conseils d'administrations nationaux ou encore que certains membres du C.A d'Attac Isère soient retenus dans leurs organisations respectives. Le principal risque, selon Luc, c'est que l'adhésion des personnes morales remplace celle des individus. Les membres fondateurs ont donc un rôle à jouer lors du lancement de l'association, mais ils ne doivent pas participer à son développement. Il est préférable que les organisations présentes se retirent progressivement du mouvement. Luc rappelle que c'est ce qui s'est déroulé après la fondation d'Attac Isère345(*). Les membres fondateurs ont peu à peu quitté l'association qui a été reprise par des personnes ne disposant pas, pour la plupart, de plusieurs adhésions.

Certains, enfin, sont hostiles aux membres fondateurs et regrettent que l'association ait été lancée par un ensemble d'organisations. Lionel, qui a adhéré en 1998, ne savait pas lors de son adhésion que des associations ou des syndicats avaient adhéré à Attac. Il considérait l'association comme un regroupement « spontané d'individus » agissant dans une démarche commune mais propre à chaque individu. C'est progressivement qu'il a pris conscience du fait que certains militants représentaient d'autres organisations et étaient « appuyés par une structure ». La présence de cette « machine » dans le lancement d'Attac introduit le « risque d'une instrumentalisation ».

Pour répondre à ces différentes réactions, un débat s'est déroulé, au cours de l'assemblée plénière du 10 janvier, au terme duquel une proposition a été votée : « Attac est un mouvement citoyen. N'importe qui peut, dans la mesure où il adhère à la charte nationale, demander son adhésion à Attac, quels que soient ses engagements pris dans d'autres mouvements (partis, syndicats, associations, collectivités, élus, etc.). [Ce fût une] position très majoritaire. »346(*). Toutefois, dans ce cas de figure, l'initiative de l'adhésion qui est attribuée à l'individu prime sur le fait qu'elle soit la représentante d'une personne morale. L'adhésion individuelle prime sur la représentation de l'organisation. Mieux, l'individu est perçu, comme en témoigne Julie, comme le résultat d'une combinaison d'adhésions distinctes.

F.E : Le fait que des personnes morales puissent adhérer à Attac, pour toi...

Thomas : pour moi ça ne pose pas de problème, il y a des statuts qui ont été mis en place, même s'il y a certaines choses dans les statuts qui me déplaisent par rapport à la représentativité des comités locaux qui est difficile à digérer... par rapport aux personnes morales ça me dérange absolument pas. Moi je suis un forcené, un collectiviste forcené et je peux travailler en comité, en collectif... [...] Dès qu'on peut travailler ensemble... Quand j'étais président, j'essayais justement de faire fonctionner les réseaux avec les gens que je connaissais d'ailleurs et mettre en place un collectif pour moi c'est très important.

Lionel : [...] J'ai découvert assez rapidement qu'il y avait beaucoup de personnalités morales qui servaient de barrage dans Attac ce qui assez curieux. Je l'ai découvert à la fin de la première année où j'ai participé à Attac de façon assez naïve car j'imaginais que c'était des gens un peu comme moi qui s'étaient rassemblés individuellement. Et en fait, je me suis rendu compte que pour un certain nombre, les uns et les autres sont appuyés par une structure. Même si l'initiative s'est faite à titre individuel, derrière il y a déjà des groupes constitués. Des groupes de journalistes ou des associations ou alors au niveau des syndicats. [...] Ce n'était plus seulement pour moi un mouvement spontané d'individus. J'ai trouvé ça curieux. Sûrement Attac ne serait pas créé sans ces groupements. Alors c'est vrai que Igniacio Ramonet a une certaine part de charisme et c'est très insuffisant pour lancer une association, il y a toujours une machine. Qui dit machine dit le risque d'une instrumentalisation. C'est toujours le risque... Enfin pour moi !

F.E : Par contre, Attac a été lancé au niveau national par plusieurs associations...

Luc : [...] Mais c'est pareil au niveau national, s'ils ne s'étaient pas réunis, Attac n'aurait pas existé. Sur l'Isère s'ils ne s'étaient pas réunis pour dire « On lance une section locale Isère d'Attac », il n'y aurait pas eu Attac Isère. Donc ils ont bien parrainés. Sur Attac national, les associations sont membres du Conseil d'administration mais elles n'y participent pas ! Elles ne participent pas aux réunions parce que chacun va dans sa propre association, leurs propres conseils d'administration. Ils s'investissent dans les Conseils d'administration de leur association. Il n'y a même pas de vote la plupart du temps dans le Conseil d'administration national [...] Moi je suis contre l'adhésion d'autres associations. Parce que une association a ses objectifs propres ! Ça ne veut pas dire qu'on ne travaille pas avec celles qui ont des objectifs communs, il y a des conseils d'administration qui discutent entre eux et au risque d'avoir des contradictions avec ces associations là. Il y a des jours où on risque d'avoir des contradictions avec le citoyen lambda et s'il y a une position majoritaire et que quelqu'un ne la partage pas, il s'en va !

Luc : Moi j'étais prêt dès le départ à donner un coup de main, dès la deuxième réunion j'ai été voir les membres qui me semblaient actifs et je leur ai dit que j'étais prêt à leur donner un coup de main et ils m'ont proposé d'aider au conseil d'administration [...] A l'époque, ils étaient très nombreux et les effectifs du Conseil d'administration se sont réduits. On s'est retrouvé à 7/8, car des gens ont abandonné [...] C'était, je pense des gens qui avaient participé à la création du comité. Ça devait être des gens venant des autres associations membres fondatrices d'Attac. Parce que un Conseil d'administration doit être créé par les membres fondateurs d'Attac. Ils ont décidé de lancer ça et puis petit à petit ils sont partis.

Julie : Car de toute façon chaque individu adhère à plusieurs associations et il est le résultat de tout ça, c'est-à-dire de toutes ces adhésions et de ses réflexions. Attac fait partie d'une association qui permet de réfléchir, de se positionner.

Ces divergences d'appréciation au sein du comité local ont provoqué récemment des débats347(*), à l'occasion de la participation du comité isérois au lancement d'une association. Le C.ADTM (Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde) est un réseau d'associations qui milite sur la question des inégalités entre le Nord et le Sud mais qui a considérablement élargi son champ de revendications348(*). Le C.ADTM soutient, entre autres, l'idée d'une taxation des transactions financières. Son président, Eric Toussaint, est par ailleurs, membre du Conseil scientifique d'Attac et journaliste au Monde diplomatique. Un groupe du C.ADTM a récemment été créé sur Grenoble. Les membres du comité isérois ont accepté de prendre part à son lancement car ils ont estimé que les deux associations présentent des similitudes d'objectifs. En effet, l'annulation de la dette du tiers-monde est une des principales revendications d'Attac et le comité dispose d'un groupe de réflexion qui est consacré à ce thème. Attac a participé au lancement du C.ADTM, en coordination avec le Centre d'information inter-peuples (CIIP). Toutefois, deux difficultés sont apparues. En premier lieu, il n'y a pour l'instant que des associations qui peuvent adhérer au C.ADTM et, d'autre part, certains membres du comité voudraient qu'Attac Isère adhère. Le président du comité local, Luc, se positionne parmi ceux qui refusent cette adhésion. La participation au lancement était, selon lui, conditionné au retrait de l'association. Il ne s'agit donc pas d'adhérer, en tant qu'association, au C.ADTM. Ce que Luc souhaite établir, c'est une coordination et une coopération des deux associations sur un thème commun.

Luc : Lors du précédent conseil d'administration, on a parlé du C.ADTM où il y a une ambiguïté. On a participé au lancement d'une section sur Grenoble pour le comité d'annulation de la dette du tiers-monde, on a parrainé la première réunion avec le centre inter peuple. Moi, j'y allais avec l'esprit de dire qu'on est là pour lancer une section du C.ADTM mais on n'est pas là pour s'occuper d'une section du C.ADTM. On est là, s'il y a des gens qui sont volontaires mais si personne n'est volontaire on ne le fait pas. Et par rapport à ça actuellement, ils ne sont pas clair du tout, parce que dans leur comité d'annulation de la dette du tiers-monde, il n'y a pour le moment que des ces associations qui adhèrent, donc des gens qui sont déjà dans le milieu associatif. Nous, on a lancé un groupe C.ADTM afin d'engager un thème de recherche sur la dette du tiers-monde et moi ça m'a paru clair de dire que les gens de ce groupe, s'il participent au C.ADTM, ils décident de ce qu'ils font par rapport à lui mais la discussion qui a eu lieu, c'était les gens qui disaient « il faut qu'on adhère au C.ADTM en tant qu'Attac Isère », il y a des gens qui disaient dont moi « non, on adhère pas au C.ADTM ! ». Si nécessaire, on peut aller sur des actions sur le thème de la dette, si le groupe de la dette décide de participer avec eux il le décide mais on adhère pas en tant qu'association, on travaille avec eux. Parce qu'il y a que des associations qui adhèrent et il n'y a pas d'individus. Qu'est-ce que ça recouvre ?

Les années quatre-vingt-dix ont été marquées par une vague de conflits sociaux. Il s'avère qu'ils ont eu peu de conséquences sur l'engagement des militants isérois. En effet, seuls les militants déjà insérés dans des organisations ont eu une participation active à ces évènements. En revanche, ils ont amorcé un changement dans la forme des mobilisations. La structure du réseau s'est généralisé. Ce phénomène s'est accentué lors des mobilisations « anti-mondialistes ». Les contre-sommets regroupent un nombre d'acteurs relativement restreint qui ont établi des liens au fil des mobilisations. Attac a une double spécificité. L'association est née de ses réseaux. Mais d'autre part, elle souhaite regrouper et fédérer les organisations anti-mondialistes. C'est ainsi que des réseaux se sont renforcés entre les syndicats et les associations. Toutefois, cette configuration qui a été établie au niveau national est beaucoup moins présente au niveau local. Comment rendre compte de cette différence ? Il semblerait que les militants du comité soient plus réfractaires à la participation des personnes morales dans Attac. L'enthousiasme des dirigeants nationaux pour le réseau n'est pas de mise au sein du comité isérois. Beaucoup de militants sont des déçus de l'engagement syndical. Ils sont également assez hostiles vis-à-vis des partis politiques. Ces deux caractéristiques expliquent que les militants isérois témoignent une certaine méfiance. Ils craignent une tentative de récupération politique.

Toutefois, les militants isérois semblent aller, une fois de plus, à l'encontre des évolutions que connaît le militantisme. Le nouveau mode de participation qu'esquissent Martine Barthélémy et Jacques Ion suppose une conception individuelle de l'adhésion. C'est effectivement la représentation des militants. En revanche, elle ne s'accompagne pas d'une transitivité des adhésions. Très peu d'enquêtés multiplient les appartenances349(*). Il apparaît donc nécessaire de remettre en cause la nouveauté par laquelle on qualifiait initialement les militants.

Le militantisme propre à Attac serait inscrit dans la modernité. A l'inverse des engagements ponctuels et matériels, il symboliserait le retour des engagements pour les « grandes causes ». Le militant n'est plus entendu comme celui qui « suit » passivement à l'image des grandes machines syndicales et politiques qui ont provoque une crise de l'engagement à la fin des années quatre-vingt. Désormais, l'Attacant serait un militant qui allie réflexion et action. Pour cela, il opère un intense travail de formation économique qui le rend apte à se réapproprier un discours dont se sont longtemps emparés les spécialistes. C'est en interrogeant ces hypothèses qu'il sera possible de déterminer quel type de militance a lieu au sein d'Attac.

2. Des nouveaux militants ?

L'analyse et la compréhension du militantisme des Attacants nécessitent, en premier lieu, d'en expliquer les logiques; il faut pour cela se situer dans une démarche compréhensive. L'engagement politique est un processus complexe dont nous tâcherons de Puis, dans un second temps, il sera possible d'examiner les pratiques effectives d'action dont témoignent les militants isérois.

2.1 La compréhension de l'engagement

La compréhension de l'engagement politique n'est pas considérée comme étant immédiate. Or, on a longtemps représenté la participation politique comme une attitude allant de soi. Comment expliquer un tel changement de perception ? Tout d'abord, il est nécessaire de rappeler, comme le fait Pascal Perrineau, que les représentations ne sont pas neutres, il en est de même pour celle de l'engagement politique350(*). C'est pourquoi il est important d'en rappeler les grandes étapes historiques. Au sein de la science politique, « de la fin du 18éme au milieu du 20éme, c'est une conception normative de l'engagement politique qui [a été] dominante »351(*). Ainsi, comme le note Dominique Memmi352(*), l'idée de participation politique353(*) était avant tout une représentation normative, c'est-à-dire qui dictait à chaque membre de la communauté politique un « devoir civique » qui apparaissait comme une « obligation de participer ». Il s'agissait alors d'un « impératif catégorique » démocratique auquel devait se conformer chaque individu. Cette représentation mettait, en droit, chaque citoyen sur un même pied d'égalité et présupposait que la compétence politique soit partagée par tous. A l'aide de la généralisation des enquêtes statistiques, il est apparu dans les années cinquante qu'au citoyen volontaire loué par la science politique se substituait l'image d'un individu « passif »354(*). Une seconde évolution décisive eu lieu : les études empiriques ont mis en évidence que les activités considérées comme politiques sont pratiquées par une minorité d'individus et que certains individus pratiquent plusieurs activités. Martine Barthélémy note ainsi que « le cumul des appartenances et la concentration des responsabilités ou des activités militantes aux mains d'une minorité de citoyens sont une illustration du fossé entre le réel et la norme, entre le possible et le désirable »355(*). Les thèses élitistes tendent à légitimer l'exclusion politique du plus grand nombre. En revanche, l' « idéologie de la participation »356(*) a été mise à mal par d'autres auteurs tels que Pierre Bourdieu. La problématique de l'illusion démocratique, qu'il a développée, contribue à renouveler la compréhension de l'engagement357(*). Elle repose sur le paradigme de la domination. La participation à un champ spécifique d'activité358(*) (économique, journalistique, politique, sportif, etc.) présuppose la détention d'un ensemble de compétences sociales et techniques. Or, la structure inégalitaire de la distribution des ressources dans nos sociétés implique la « dépossession » de la majorité des individus et la « concentration des moyens de production proprement politiques aux mains des professionnels »359(*). Les dominés n'ont alors pas d'autre choix que la « remise de soi » aux professionnels qui en assurent la représentation. Le militantisme ne serait qu'un échelon intermédiaire dans cette représentation faussée. Ainsi, celui qui fait office de mandant sert avant tout ses intérêts propres. Le champ politique serait un « microcosme » dont les acteurs sont quasi-invariants360(*). L'engagement politique constituerait donc, selon Bourdieu, une illusion.

Le grand mérite de la sociologie contemporaine est d'avoir démystifié une logique d'engagement idéel qui considérait la participation politique comme quelque chose de naturel361(*). Le démontage des rapports de force qui animent le champ a pour effet de faire cesser la fausse transparence qui fait paraître naturelle la division du travail social362(*). Qu'en est-il au sein d'Attac ? A quelles logiques sociales répond l'engagement des militants ? Il s'agit ici de dénaturaliser l'engagement citoyen en analysant ses logiques.

2.1.1 La figure des militants

L'approche qui a été développée par Bourdieu considère le positionnement des individus au sein des structures sociales. Cette démarche se fonde sur l'hypothèse suivante : «L'engagement politique constitue la manifestation de croyances, de représentations, de normes acquises par socialisation, qui reflètent la position et la trajectoire des individus dans l'espace social et/ou leur appartenance à des groupes sociaux »363(*). Bourdieu caractérise l'espace social par une double détermination : le champ et l'habitus. L'habitus est la manière dont les structures sociales sont intériorisées par l'acteur social. Bourdieu le définit comme un « système de dispositions durables et transposables »364(*).

Afin de pouvoir définir l' « habitus » dans lequel les militants d'Attac évoluent, il est nécessaire de connaître le volume global des ressources sociales distinctives détenues par chaque agent et sa répartition entre les différentes formes de capital365(*). Toutefois, ceci n'étant pas l'objet principal de notre recherche nous nous limiterons à la variable pour laquelle nous disposons du nombre d'information le plus élevé : la catégorie socioprofessionnelle (PCS). Il s'agit, dans une approche comparative, de mettre en relation les ressources détenues par les militants au niveau national avec le groupe d'enquêtés mais aussi avec d'autres ensembles de référence366(*).

2.1.1.1 Une forte catégorisation socioprofessionnelle

Afin d'être en mesure d'effectuer une analyse suffisamment féconde, il semble préférable de considérer les PCS au niveau le plus agrégé qui soit et de ne considérer pour cela que les six catégories principales367(*). Cette méthode nous a permis de déceler certaines absences mais aussi la sur-représentation de certaines catégories.

Tout d'abord, on observe qu'au niveau national, cinq catégories sont peu ou pas représentées. Trois catégories d'actifs sont absentes. Les « Agriculteurs » représentent 1,4% des adhérents et 0,5% des lecteurs du Monde diplomatique. Cette faible représentation se confirme, par ailleurs, dans l'enquête « Toulouse » puisque aucun agriculteur ne figure dans l'échantillon368(*). Cette constatation doit être relativisée. Les agriculteurs ne représentaient que 2,7% de la population active (P.A) nationale en 1998. D'autre part, leur place dans la population active des agglomérations de plus de 200.000 habitants était encore plus restreinte puisqu'ils représentent 0,14% en 1999.

En revanche, l'absence des « Artisans, commerçants et chefs d'entreprise » semble plus pertinente. Ils représentent 3,9% des adhérents nationaux et 3% des lecteurs du Monde diplomatique. Ils sont également absents de l'échantillon de l'enquête « Toulouse ». Ils sont relativement sous-représentés en comparaison de la P.A nationale (6,5%). On peut expliquer cette sous-représentation, de façon un peu schématique, en supposant que les registres de militantisme auxquels se réfère Attac sont trop distincts de cette catégorie.

Enfin, la troisième catégorie active absente de la composition de l'association est celle des « Ouvriers ». Tandis qu'ils représentent 27,4% de la P.A nationale, ils ne figurent pas parmi les adhérents d'Attac369(*). Ils ne représentent d'ailleurs que 3% des lecteurs du Monde diplomatique. On peut supposer que ce différentiel extrêmement important est lié au niveau culturel requis par la lecture du mensuel. Comme nous l'avions observé, certains enquêtés reconnaissent éprouver beaucoup de difficultés à comprendre les articles qui y sont publiés. Ce niveau culturel élevé est peut-être, nous en faisons l'hypothèse, ce qui rend compte de la faible place des « Ouvriers » au sein de l'association. Cette explication relève de la sociologie de la domination symbolique de Bourdieu.

Deux autres catégories, qui ne sont pas comptabilisées dans la population active, sont sous-représentés. Il s'agit, tout d'abord, des « Etudiants et lycéens » (6,3% des adhérents nationaux). Ce constat se vérifie également dans l'enquête menée par Thomas Marty où les « Etudiants et lycéens » représentent 6% de l'échantillon. Cette sous-représentation est toutefois surprenante. Elle semble aller à l'inverse de la représentation initiale de l'association. Attac apparaît, au sein des médias et des publications officielles, comme un vecteur de renouveau de l'engagement des plus jeunes. Des comités sont d'ailleurs apparus au sein des universités comme c'est le cas à Grenoble370(*). Afin de vérifier cette observation, il semble nécessaire de porter notre attention aux tranches d'âge des adhérents. Enfin, la catégorie des chômeurs est également sous-représentée puisqu'elle occupe 5,7% de l'ensemble des adhésions.

Parmi les adhérents de l'association, deux PCS sont largement sur-représentées. Les « Cadres, professions intellectuelles supérieures » (cpis), tout d'abord, apparaissent comme étant la catégorie la plus présente (49,7%). On peut y distinguer, comme le fait la direction nationale d'Attac, les cadres et professions libérales (16,8%), les enseignants et les chercheurs (15,7%), les professions intellectuelles supérieures (9,1%) et les artistes (7,3%)371(*). Cette observation correspond également à l'enquête « Toulouse » (58,7%). Parmi les enquêtés, deux personnes appartiennent à cette catégorie. François, qui est professeur de piano, est rattaché aux « Professions de l'information des arts et des spectacles », tandis que Fabien, qui exerce l'activité de professeur d'université, est affilié aux « Professeurs, professions scientifiques » (cpis 34). Par ailleurs, Luc, avant d'être à la retraite, appartenait également à la catégorie cpis puisqu'il bénéficiait du statut d'ingénieur. Cette valeur est d'autant plus notable que la catégorie cpis représente 12,3% de la P.A nationale.

D'autre part, la catégorie des « Professions intermédiaires », est également sur-représentée. 29,7% des adhérents sont rattachés à cette PCS. On retrouve également cette importance dans l'échantillon de l'enquête « Toulouse » (34,8%). Quatre interviewés sont rattachés à cette catégorie : Lionel (psychologue dans une association) et Cécile (assistante sociale) appartiennent aux « Professions intermédiaires de la santé et du travail social » (pi 43). Laurent qui est instituteur est affilié aux « Instituteurs et assimilés » (pi 42).

Ce que l'on ne peut manquer d'apercevoir, c'est que l'addition des deux catégories précédentes avec celle des « Employés » (représentés à 15,26% au sein de l'ensemble des adhérents) forme ce que l'on appelle les « classes moyennes ». Cette représentation figure comme l'une des principales problématiques de la sociologie. Elle constituerait un paradigme explicatif permettant de rendre compte de l'engagement politique depuis la fin des années cinquante372(*). Le terme de « classes moyennes » illustre la tentative d'agréger sous une même unité un ensemble d'acteurs distincts373(*). Malgré les polémiques qui existent sur la validité de ce concept, la somme de ces trois catégories socioprofessionnelles représente une donnée suffisamment importante (94,66% au niveau des adhérents nationaux, 65%de l'échantillon de l'enquête « Toulouse », les deux tiers des enquêtés) pour qu'on ne puisse l'occulter. Que représente cette sur-représentation des classes moyennes au sein d'Attac ?

Document 1: Structures socioprofessionnelles comparées

Tableau 1 : Comparaison par PCS

PCS (1)

Ag

Acce

Cpis

Pi

Emp

Ouv

Total

EchantillonAttac

0

0

58.7 %

34.8 %

0 %

6.5 %

100

Attac. nat

1,4%

3,9 %

49,7%

29,7%

15,26%

?

100

P.A (1998) nationale(2)

2,7 %

6.5 %

12.3 %

20 %

29.8 %

27.4 %

100

P.A (1990) nationale(3)

4%

7.2 %

10.7 %

18.6 %

27.4 %

30.1 %

100

P.A (1999)

>200.000 hbts(4)

0.14 %

5.5 %

16.8 %

23.7 %

30.9 %

22.2 %

100

Lecteurs Monde diplo (5)

0.5 %

3 %

40 %

18.5 %

9 %

3 %

100

Remarque : P.A = population active.

1 : les PCS (Professions et catégories socioprofessionnelles ) sont agrégées en 6 postes principaux dont les 6 abréviations signifient : Ag (Agriculteurs), Acce (Artisans, commerçants et chefs d'entreprise), Cpis (Cadres et professions intellectuelles supérieures), Pi (professions intermédiaires), Emp (Employés), Ouv (Ouvriers).

2 : Insee, Données sociales 1999, Insee statistique publique, 1999, p. 148 (à partir de l'enquête emploi de 1998).

3 : Serge, Stratification et transformations sociales (La société française en mutation), Nathan, Paris, 1993, p. 68 (à partir du recensement de 1990).

4 : Insee Résultats n°662/663 série Emploi-Revenus n°153/154, Juillet 1999, Enquête sur l'emploi de Janvier 1999 (Résultats détaillés), p. 134.

5 : « Qui sont les lecteurs du Monde diplomatique », Le Monde Diplomatique n°535, Octobre 1998, pp. 14/15.

Tableau 2 : Variations quantitatives des PCS dans le temps et dans l'espace

 

Ag

Acce

Cpis

Pi

Emp

Ouv

Variations P.A 98/90 (1)

- 32.5%

- 9.7%

+ 15%

+ 7.5%

+ 8.8%

- 9%

Variations P.A >200000hbts/ P.A 98. (2)

- 94.8%

- 15.4%

+ 36.6%

+18.5%

+ 3.7%

- 19%

1 : Variation dans le temps en % de chaque PCS entre la population active de 1990 et celle de 1998.

2 : Variation dans l'espace en % de chaque PCS entre la population active nationale de 1998 et la population active des unités urbaines de plus de 200000 habitants.

Source : Marty (Thomas), Sociologie de l'association Attac Toulouse : Des positions sociales aux prises de position cognitives. Etude sociologique par questionnaire et observation directe, mémoire pour le diplôme de l'IEP de Toulouse, Conte (Claire) sous la responsabilité de, 1999/2000, p. 53.

2.1.1.2 La prédominance des classes moyennes

Alain Touraine est le sociologue qui a placé la classe moyenne, en tant qu'acteur, au centre du processus de changement social374(*). La notion de conflit, comme nous l'avons vu, est essentielle à sa sociologie. Toutefois, l'objet de ce conflit n'est pas l'accaparement des moyens de production, contrairement à la perspective marxiste, mais l'historicité. Tel est l'enjeu des rapports de classes375(*). La société industrielle se fondait sur le rôle occupé par la classe ouvrière. L'avènement de la société post-industrielle a engendré une toute autre configuration. En effet, l'émergence de catégories moyennes mieux diplômées, mieux représentées a bouleversé les conflits sociaux. Les valeurs défendues par les mouvements sociaux ne sont plus celles qui étaient défendues par le mouvement ouvrier, à savoir l'élévation du niveau de vie. A ces valeurs se sont substituée la défense de la nature, la recherche de l'épanouissement personnel, l'accès au savoir, et plus récemment, l'affirmation de nouveaux droits sociaux. La modernité, selon Touraine, se caractériserait par la séparation des ordres économiques, politiques, social et culturel. Dès lors, la participation aux conflits sociaux s'effectuerait, avant tout, au sein des catégories sociales moyennes tandis que les catégories sociales les plus menacées en seraient exclues. Le clivage ne se situerait plus entre le « haut » et le « bas » de la société, mais entre ceux du « dedans » et ceux du « dehors »376(*).

Cette théorie possède une forte valeur heuristique afin d'expliciter l'engagement au sein d'Attac. Tout d'abord, l'absence d'ouvriers ne s'expliquerait pas seulement par un déficit de capital culturel et scolaire, comme nous l'avons postuler dans la perspective de Bourdieu, mais également par la dissemblance entre les valeurs représentées par Attac et celles auxquelles s'identifient les catégories issues de la période industrielle. Le décalage entre les revendications portées par l'association et les valeurs « industrielles » rendrait impossible la participation de certains acteurs. Un mouvement tel qu'Attac rendrait visible cette coupure dont parle Touraine, entre les in et les out. De plus, la sur-représentation des « Cadres, professions intellectuelles supérieures » et des « Professions intermédiaires » traduirait une meilleure représentation des valeurs des classes moyennes au sein de l'association.

En revanche, Martine Barthélémy rend compte de la sur-représentation des classes moyennes au sein des associations à l'aide de la notion de mobilité sociale. Par exemple, selon elle, les professions intermédiaires qui sont en situation de mobilité sociale ascendante377(*), c'est-à-dire qui proviennent d'une catégorie sociale considérée comme inférieure, témoignent d'un « désir de reconnaissance social » qui se traduit par un engagement politique378(*). Louis Chauvel considère que « l'aspiration vers le haut » est un concept clef dans l'analyse des évolutions de la structure sociale en France »379(*).

La notion de mobilité sociale rendrait également compte du faible engagement politique des employés. Les employés sont d'ailleurs très sous-représentés au sein des adhérents d'Attac. Alors qu'ils représentent 15,26% des adhérents nationaux et 9% des lecteurs du Monde diplomatique, ils représentent 27,4% de la P.A nationale. La catégorie des employés a connu une forte progression depuis les années cinquante. Toutefois, leur place dans la P.A s'est stabilisée depuis le début des années quatre-vingts380(*). A l'inverse, la progression des autres composantes des classes moyennes s'est faite de façon plus linéaire. Louis Chauvel émet alors l'hypothèse que la progression proportionnellement moins forte des employés traduit leur déclassement social. Celui ci serait du à une élévation des niveaux de formation requis381(*). Le déclassement social rapprocherait, de plus en plus, les employés des ouvriers rompant ainsi avec « l'hypothèse selon laquelle la tertiarisation implique mécaniquement une mobilité ascendante382(*). L'homogénéité avec les autres catégories composant les classes moyennes n'est donc que relative. Les similitudes de capital économique ne signifient pas, comme le rappelle Thomas Marty, une équivalence de capital culturel383(*).

2.1.2 Les catégories socio-démographiques

2.1.2.1 Le genre et l'âge des Attacants

En premier lieu, on peut constater une forte présence des hommes au sein d'Attac (60%). La sociologie politique a déjà montré que le sexe est une variable lourde dans la compréhension de la participation politique. Toutefois, comme le rappelle Matéi Dogane et Jacques Narbonne, on ne peut pas pour autant parler de comportement politique qui serait spécifique aux femmes ou aux hommes384(*). C'est davantage le contexte psycho-social propre à chaque sexe qui intervient. La différence de statut social, la place inégale dans le rapport au travail, et la division sexuelle des tâches au sein de l'espace social rendent compte de cette différence385(*).

Toutefois, il semblerait au premier abord que cette différence ne s'observe pas au sein des militants isérois. Il a été possible de remarquer lors des réunions publiques que le nombre de femmes et le nombre d'hommes étaient souvent équivalents. Il était même assez fréquent que les femmes soient mieux représentées que les hommes. La « parité » est également respectée au sein du C.A puisque neuf hommes et dix femmes sont présents. Cela témoigne d'une volonté des militants isérois de respecter l'équilibre. La parité constitue un objectif revendiqué par les militants. En revanche, parmi les 33 responsables de groupes thématiques, les femmes sont sous-représentées avec seulement douze postes. Cela traduit plus réellement la division sexuelle des tâches au sein du comité isérois. L'égale présence des femmes et des hommes lors des réunions ne traduit pas pour autant une égalité de la participation. En effet, plus des trois quarts des prises de parole sont effectuées par des hommes. De plus, deux types de prise de parole semblent pouvoir être distingués. Les prises de parole effectuées par les hommes semblent être dotées d'une propriété beaucoup plus décisionnelle que celles qui sont effectuées par les femmes. Ces observations restent bien sûr au rang d'hypothèses car elles demanderaient à être confirmées par un plus grand nombre d'observations. La distribution hommes/femmes nous a semblé suffisamment inégale pour qu'il soit important d'en parler.

La répartition des militants en terme de classe d'âge apparaît en revanche très homogène386(*). Les plus de soixante ans représentent 15% des adhérents nationaux387(*). Ce chiffre traduit une bonne représentation de cette classe d'âge qui occupe 26,9% de la population active mais dont la participation politique militante est ordinairement faible. Les observations qu'il a été possible de réaliser à l'occasion de l'A.G de St Brieuc en octobre 2000, où les plus de soixante ans étaient très présents, permet de supposer que la participation à la vie associative leur permet d'établir un lien social388(*). Il est difficile, en raison des statistiques à notre disposition, d'évaluer précisément la représentation des jeunes au sein d'Attac389(*). Les 18-30 ans représentent 60% des adhérents nationaux. Ils représentent également 19,4% de l'échantillon de l'enquête « Toulouse ».

La classe d'âge la mieux représentée au sein des adhérents nationaux est celle des 30-60 ans (69%). Parmi ceux-ci, il semblerait selon l'étude réalisée par Thomas Marty que les 30-40 ans (36,3% de l'échantillon Toulouse) soient légèrement sous-représentés par rapport à la population active nationale (43%). En revanche le groupe des 40-60 (56,2% de l'échantillon « Toulouse ») serait sur-représenté en comparaison avec l'ensemble de la PA nationale (49,9%). Afin de rendre compte de cette observation, il est possible d'invoquer, comme le fait Thomas Marty, la notion de cohorte qui se définit comme « l'ensemble des individus [qui] rencontrent à la même époque un événement donné »390(*). Nous lui préférerons le terme de « génération » qui relève plus d'une approche historique que démographique. Cette démarche a le mérite de mettre l'accent sur l'influence d'un événement sur une classe d'âge déterminée391(*).

2.1.2.2 Une génération 68 ?

Parmi les principaux événements structurant la vie politique française, mai 68 semble particulièrement pertinent pour comprendre l'engagement au sein d'Attac. Plusieurs analogies semblent témoigner d'une proximité entre les deux « évènements ». Tout d'abord, comme le rappelle Jean-Pierre Le Goff, mai 68 était avant tout l'oeuvre des classes moyennes392(*). Or comme on l'a déjà noté, les classes moyennes bénéficient également d'une forte représentation au sein de l'associati&on. D'autre part, dans Attac, la référence au thème de l'utopie semble renvoyer à mai 68393(*). Ainsi, certains slogans d'Attac proches de ceux de mai 68394(*) témoigne d'une « philosophie » semblable. Enfin, suite à mai 68, le courant de l'écologie politique s'est développé avec lequel Attac semble avoir plusieurs points communs395(*). Thomas Marty a d'ailleurs remarqué que beaucoup de militants du comité Toulouse se déclarent proche de l'écologie politique396(*).

Il semblerait que certaines correspondances existent entre Attac et mai 68. Peut-on en conclure pour autant que l'engagement au sein d'Attac soit lié à la participation à mai 68 ? Selon l'étude de Thomas Marty, il est possible de noter la présence de nombreux « soixante-huitards » parmi les militants du comité Toulouse. 39,4% des personnes interrogées déclarent y avoir participé397(*). De plus, parmi les personnes ayant assistées aux événements de mai 68, 72,5% déclarent y avoir participé de façon « active ». Toutefois, au delà de cette correspondance générationnelle, est-il possible d'en déduire un lien de cause à effet entre l'engagement au sein d'Attac et la participation à mai 68 ?

Pour cela, il est possible d'analyser les représentations que les enquêtés ont de mai 68. Parmi les cinq enquêtés qui ont « vécu » mai 68, quatre ont participé directement aux événements398(*). Pour Luc et Julie, mai 68 semble avoir représenté un événement assez important. Julie qualifie mai 68 de « réveil » qui l'a amené à « descendre dans la rue ». Cet événement a d'ailleurs eu plusieurs répercussions dans la vie de Julie, puisque suite à mai 68 Julie a fait le choix de militer dans des comités de quartiers et dans une « organisation progressiste » catholique. D'autre part, la remise en cause des modes éducatifs traditionnels l'a incité à inscrire ses enfants dans des écoles « alternatives » fondées sur la méthode « Freinet »399(*). On peut par ailleurs noter que la représentation de mai 68 de Julie semble s'accorder avec son engagement à Attac. En effet, elle évoque au sujet de l'AMI un « déclic » qui l'a amené à militer400(*). Mai 68 semble également représenter un événement important pour Luc. Sa participation à mai 68 s'est essentiellement située au niveau de son entreprise. Il s'agissait, selon lui, d'une réflexion sur la réorganisation du travail et sur la place du salarié dans l'entreprise. Enfin, Luc évoque avec nostalgie un « respect humaniste » qui existait alors au sein des entreprises. En revanche, il semblerait que mai 68 n'ait pas représenté quelque chose de fondamental pour Fabien. Il qualifie cet événement de « bouffée d'oxygène ». Il adopte d'ailleurs une position assez critique vis-à-vis des manifestants. Toutefois, il apparaît que cette représentation coïncide avec celle de son engagement au sein d'Attac. Fabien définit son adhésion comme une « sympathie » pour l'association qui lui procure également une « bouffée d'oxygène ». Cette similitude des termes employés par Fabien pour qualifier d'une part sa participation à mai 68 et d'autre part son adhésion à Attac traduit peut-être l'existence d'un lien entre les deux faits. Il est probable qu'il existe une relation entre l'engagement des enquêtés et leur participation à mai 68. Toutefois, il est difficile d'évaluer son importance. Un échantillon plus large permettrait d'analyser précisément la nature de ce rapport.

Julie : J'ai participé à mai 68, enfin disons que mai 68 a été... J'avais déjà trois enfants et je me suis réveillé en me disant le monde ne doit pas bouger sans moi je suis descendue dans la rue. Mai 68 a sûrement eu un impact important sur ce que nous étions, je dis bien ce que nous étions mon mari et moi et nos enfants puisque nous les avons mis à l'école nouvelle, c'est-à-dire tout ce qui étaient les grandes idées en mai 68. C'était l'éducation un petit peu particulière et elle remettait au goût du jour tout ce qui était Freinet... Avec soi-disant une prise en compte très importante de la personnalité de chaque enfant. À la fois il y ait eu des efforts mais ceci dit nos enfants ont fait le primaire et après ils se sont retrouvés dans le secondaire très traditionnel et ça a été très dur, et c'est pour ça que je dis soi-disant car comme il n'y avait pas de continuité dans le secondaire, il y a eu une confrontation assez forte avec une pédagogie très ouverte et puis tout ce qui est traditionnel. Ça été très difficile. Alors pour mai 68 on a manifesté, mon mari et moi on a été très parti prenante et ça nous amener à militer... Enfin militer, c'est beaucoup dire, on faisait partie de groupes de quartiers et puis nous étions des militants catholiques chrétiens et ça nous a amené à militer dans certaines organisations progressistes et ça nous a amené à rompre complètement avec l'église et maintenant nous sommes sans religion, athées [...] J'ai eu l'impression que le monde bougeait sans moi et ça c'était insupportable ! Il y avait quelque chose de phénoménal qui se passait et je n'allais pas rater ça !

Luc : Moi en 1968, j'ai fait des piquets de grève, sans être syndiqué. La CFDT m'a plus ou moins demandé, dans la mesure où ils sentaient que j'étais partie prenante d'un certain nombre de choses, j'ai été très bien vu à la CFDT mais je n'ai pas adhéré, je travaillais à Paris chez Marcel Dassault. Il devait y avoir la CFDT et la CGT. Reste la grève en 1968 et à la fin Dassault a donné une prime à tout monde, on a pas eu à se battre pour nos salaires. Il a donné une prime supplémentaire. Parce que c'était une période qui n'était pas la période de maintenant. C'est une période riche et il ne voulait pas se mettre les syndicats à dos. En mai 68 on avait des réunions pour dire comment on peut travailler, on avait des réunions avec la direction pour dire ce qui ne va pas, comment on peut améliorer les choses. Il y avait le respect humaniste dans les entreprises à l'époque, les patrons étaient des patrons humanistes, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui [...]

F.E : Et mai 68, qu'est-ce que ça représentait pour vous ?

Luc : Ça représentait une frustration de ne pas pouvoir s'exprimer, d'être pieds et poing liés entre les mains de plein de gens qui décidaient de plein de choses pour nous, avec lesquels on n'était pas forcément d'accord et avec lesquels on ne pouvait pas discuter.

Fabien : En 1968 j'étais à Grenoble et des événements de mai 68 étaient beaucoup plus intéressant à l'Institut d'Études Politique, que dans les facultés de droit ou de sciences économiques. J'ai regardé là où ça me paraissait le plus intéressant et je suis venu suivre ça ici [l'Institut d'Études Politique de Grenoble]. J'ai participé à une manifestation [...] Au début j'étais assez favorable à certain nombre de choses, car on avait quand même un besoin d'un peu d'oxygène. Et puis ensuite j'ai trouvé que ça prenait des proportions un peu languissantes. Je suis resté au niveau des troupes, des fantassins qu'on ne pouvait pas envoyer non plus à n'importe quel combat immédiatement. J'ai dû participer à deux manifestations [...] Il y avait un petit aspect psychodramatique qui m'agaçait, mais d'un autre côté je trouvais que c'était pas mal d'essayer de remettre en cause un certain nombre de choses et de torpeur. De ce point de vue, c'était un mouvement qui m'était relativement sympathique [...] Les slogans étaient beaucoup plus farfelus que ceux d'Attac [...] Moi j'ai pris ça comme une bouffée d'oxygène, ça été un mouvement d'espoir. On a cru pendant un moment, qu'on pourrait se révolter contre une certaine médiocrité. On est toujours un peu entouré de médiocrité. Vous n'avez pas cette impression-là, de temps en temps ? Vous n'avez pas l'impression d'étouffer parfois ? [...] Ça a été l'occasion de manifester... Je ne dirais pas un certain mécontentement mais plutôt dire qu'on existe [...] Il y avait un plaisir pas malsain mais un petit peu espiègle. Le plaisir de s'apercevoir qu'on pouvait faire bouger l'ordre établi. Je me rappelle il y en avait qui disaient « La bourgeoisie tremblotante ! », il y en avait qui aimaient faire peur. Il y a des gens qui avaient peur. Il y avait un sentiment de peur, et les jeunes dans la mesure où ils sentaient qu'ils propageaient un certain mouvement de peur, il y avait un certain aspect ludique [...] Après dans toutes les sphères où il y avait du mécontentement, les gens se sont exprimés [...] C'était un peu la mode d'être mécontent. Alors qu'auparavant on le supportait plus ou moins. Il est devenu normal d'exprimer son mécontentement. J'ai vu tout ça comme une manière de s'exprimer.

F.E : Et pourquoi avoir décidé d'adhérer à Attac après tant d'années de "sommeil" militant ?

Fabien : Pour moi, ça a été une bouffée d'oxygène ! Il y a quand même une pensée unique assez forte, même en économie. Même si elle est moins forte qu'il y a quelques années. Il y a également un certain fatalisme. Et avec Attac, j'ai trouvé quelque chose d'un peu rafraîchissant et puis aussi, parce que comme vous l'avez dit tout à l'heure, un autre monde est possible. En tous cas, une autre vision du monde, une autre conception du monde est possible. Il ne faut pas exagérer, ce n'est pas dire qu'on va changer la vie, et encore moins l'homme. Mais s'affranchir un tout petit peu d'une certaine forme de tyrannie économique.

F.E : C'est étrange, à propos de mai 68, vous avez utilisé la même expression qu'à propos d'Attac, vous avez parlé d'une bouffée d'oxygène...

Fabien : [...] Ce que j'appelle bouffées d'oxygène, ce sont certains modes de pensées qui sont un peu nouveaux. Quelque chose d'un peu innovateur au niveau de la pensée, cette contestation m'a paru plus raisonnable, plus réfléchie et plus conforme à ce que je pense. Le plan Juppé je ne peux pas le mettre là-dedans car je ne suis pas d'accord. Mais les contestations comme celle du parti communiste, ce n'est pas quelque chose qui me branche beaucoup. Je pense qu'il y a beaucoup d'automatismes, beaucoup de réflexes conditionnés. Au point de vue d'Attac, je pense que c'est un peu nouveau. J'utilise le terme « oxygène », quand je vois quelque chose qui est à contre-courant. À contre-courant... J'allais dire au bon sens du terme... À contre-courant mais de manière réfléchie, pas de manière épidermique.

Document 2: Structures générationnelles comparées

Tableau 3 : Structures générationnelles comparées avec la population nationale dans son ensemble

Tranche d'âge

20/25 ans

25/60 ans

+ de 60 ans

Total (%)

Echantillon Attac

6 %

76 %

17.9 %

100

Attac Nat

16% (18-30 ans)

69% (30-60 ans)

15%

100

Population nationale

11 % (1)

62 %

26,9 %

100

1 : Afin de pouvoir différencier la catégorie 20/25 (qui mélange les - de 25 ans (a) et les - de 20 ans (b) ) nous avons utiliser deux sources distinctes pour recouper les deux tranches d'âge :

-a : Insee, La France et des régions, édition 1997, Insee publication, 1998.

-b : Insee, Données sociales 1999, Insee statistique publique, 1999.

Le reste des données provient exclusivement de l'édition 99 des « Données sociales ». Nous avons soustrait de ces données les informations relatives aux - de 20 ans. La population nationale en question s'entend donc comme étant exclusivement comprise entre 20 et 60 ans et +.

Tableau 4 : Structures générationnelles comparées avec la population active nationale

Tranche d'âge

20/25 ans

25/40 ans

40/50 ans

50/60 ans

Total

Echantillon Attac (1)

7.3 %

36,3 %

38.2 %

18.2 %

100

Population active nationale (2)

7 %

43 %

30,1 %

19,8 %

100

1 : Nous avons soustrait de notre échantillon les plus de 60 ans afin d'avoir des données plus cohérentes avec celles de l'Insee (Cf., note 2). Nous avons donc recalculer les fréquences en conséquence.

2 : Insee Résultats n° 662/663, Série Emploi -Revenus n°153/154 Juillet 1999, Enquête sur l'emploi de janvier 1999 ( Résultats détaillés ), p. 57. Dans cette nomenclature des âges de la population active, l'Insee inclut les + de 60 ans. Cependant, cette catégorie étant faiblement représentée (2,3%), nous l'avons exclue afin d'obtenir un système de variables plus cohérent. Les calculs de proportionnalités ont été effectués en conséquence.

Source : Marty (Thomas), Sociologie de l'association Attac Toulouse : Des positions sociales aux prises de position cognitives. Etude sociologique par questionnaire et observation directe, mémoire pour le diplôme de l'IEP de Toulouse, Conte (Claire) sous la responsabilité de, 1999/2000, p. 53.

L'approche sociographique a été mise à profit afin de tracer les grandes lignes des déterminants sociaux qui qualifient les militants. Elle a mis en évidence que l'engagement politique répond à certaines logiques sociales structurelles. D'autre part, l'étude des structures générationnelles a permis de comprendre les raisons d'une homogénéité entre militants, au sein du comité Attac Isère, et la coupure avec le groupe « campus ». Toutefois, selon Eric Agrikoliansky, une telle approche ne permet pas d'expliquer les raisons de cet engagement401(*). Elle ne parle en rien des logiques qui permettent de comprendre que les investissements militants aient lieu dans telle organisation plutôt que dans telle autre. Elle ne dévoile pas non plus les facteurs qui expliqueraient que parmi les individus partageant des caractéristiques communes, certains s'engagent alors que d'autres restent inactifs. La principale limite du paradigme holiste serait la négation de l'individu dont il prétend expliquer le comportement. Le principe individualiste semble donc nécessaire. La compréhension des comportements collectifs passe nécessairement par la prise en compte de l'engagement individuel. L'individualisme méthodologique402(*), qui consiste à réfuter l'autonomie des organisations, n'équivaut pas, selon François Chazel, à un réductionnisme psychologique403(*). Dès lors, il n'est plus incompatible avec les approches structurelles et holistes.

Afin de ne pas se limiter aux causes et de pouvoir rendre intelligible les raisons du militantisme, il est nécessaire d'en comprendre les ressorts individuels. Pour cela, le discours des militants peut servir de point de départ. Martine Barthélémy remarque que les mots utilisés par les militants sont des « représentations symboliques » qui ont un impact sur l'engagement404(*). Toutefois, il faudra dépasser cette présentation de soi pour tenter d'y voir ce qu'elle recouvre.

2.1.2 La nature de l'engagement

« Une fois parvenu à cette vérité, je découvre facilement la source des vertus humaines; je vois que, sans la sensibilité à la douleur et au plaisir physique, les hommes, sans désirs sans passions, également indifférents à tout, n'eussent point connu d'intérêt personne ; que sans intérêt personnel, ils ne se fussent point rassemblés en société, n'eussent point fait entre eux de conventions; qu'il n'y eût point eu d'intérêt général, par conséquent point d'actions justes ou injustes; et qu'ainsi la sensibilité physique et l'intérêt personnel ont été les auteurs de toute justice »

Helvétius, De l'Esprit, Livre III

2.1.2.1 La référence à la citoyenneté

La rhétorique de l'engagement au sein d'Attac est, tout d'abord, celle de la citoyenneté. L'association se présente à travers son nom comme un mouvement tourné vers «l'aide aux citoyens ». Les dirigeants de l'association réutilisent régulièrement ce terme au sein de leurs discours. Il est nécessaire de relativiser la place qu'accordent les enquêtés à ce thème. Le terme de citoyenneté apparaît peu fréquemment. Toutefois, la répétition du terme n'est pas présente de façon égale entre les entretiens405(*). Un critère de distinction entre eux serait arbitraire. Parmi ceux qui s'y réfèrent le plus souvent figure un militant « professionnel » tel que Bernard, ou encore une personne non engagée comme Laurent. En revanche, parmi les représentations liées à l'idée de citoyenneté, il est possible de distinguer deux acceptions. En premier lieu, l'idée de citoyenneté est utilisée par les enquêtés, au sujet de l'économie. Ils opposent une économie « marchande » à une économie « citoyenne », qualifiée de plus humaine406(*). Mais surtout les enquêtés se réfèrent à l'idée de citoyenneté pour qualifier leur engagement. Par exemple, Laurent et Luc désignent par ce terme un engagement politique non partisan, c'est-à-dire qui se situerait en dehors du fonctionnement des partis politiques. Thomas oppose également le discours politique à la parole citoyenne. Enfin Julie emploie le terme de citoyenneté dans l'idée de ré-appropriation.

Les enquêtés excluent de leur représentation de la citoyenneté l'exercice des droits politiques. Thomas est le seul enquêté à rattacher le vote à la citoyenneté. Sophie Duchesne, au cours d'une enquête sur la représentation de la citoyenneté, a pu observer que les enquêtés « font très peu de place à la politique au sens institutionnalisé [...] Pour la plupart des personnes interrogées, tout se passe comme si l'engagement politique n'était pas un acte de citoyen, comme si la politique était presque illégitime dans le champ de la citoyenneté »407(*). La citoyenneté à laquelle se référent les enquêtés aurait une signification spécifique. Martine Barthélémy, qualifie cette représentation par le terme de « citoyenneté associative » qu'elle distingue de la « citoyenneté politique » 408(*). Tandis que la citoyenneté politique au sens premier du terme serait en crise, la citoyenneté associative ou encore la « citoyenneté active » désignerait un ensemble de valeurs attribuées, comme nous l'avons vu, au mouvement associatif409(*).

Laurent : Du coup tout en ayant une sorte de volonté de m'impliquer en tant que citoyen, je ne l'ai jamais vraiment fait car je n'ai pas envie de m'enfermer. Et là le mouvement Attac, c'est cela avec quoi je suis rentré le plus en accord pour engager dans une action. C'est un mouvement citoyen qui est porteur d'une perspective sur la société et qui a des revendications pratiques, il ne cherche pas non plus à prendre le pouvoir. C'est un mouvement d'influence, ce n'est pas un lobby, c'est un mouvement d'idées et d'influence qui est assez large [...] C'est une perspective [les mouvements citoyens] pour laquelle j'ai de la sympathie, c'est un sentiment de s'investir en politique sans faire de la politique au sens propre [...] La citoyenneté c'est quelque chose de politique, Attac c'est un engagement de citoyen, de personne responsable. Participer à la chose publique c'est faire de la politique. Pour moi aussi de la politique au sens antique mais aussi moderne. Ce n'est pas un mouvement politique au sens où il ne cherche pas à conquérir le pouvoir mais c'est quand même de la politique, c'est un mouvement qui a une perspective politique, c'est quelque chose de certain. C'est une implication et un engagement politique.

Luc : Parce que, je pense que c'est mon avis et il est partagé par les adhérents de Grenoble et j'en suis sûr, c'est qu'Attac ne peut être qu'un mouvement de citoyens, je suis contre l'adhésion des partis politiques.

Thomas : Il y a Vallini. On l'a jamais vu venir en nous disant voilà je voudrais prendre la parole ou en disant, j'aimerais qu'on mette à l'ordre du jour les questions à l'Assemblée nationale. Pas besoin de faire des discours mais il suffit de se comporter en simple citoyen et qu'il livre son information tel qu'il l'a reçu.

Julie : Pour moi ce qui intéressant c'est que ça fait appel à chaque citoyen, je ne pense pas que ce soit le propre d'Attac et au niveau d'Attac, il y a déjà des phénomènes de pouvoir, de garder le pouvoir. On peut leur donner le droit de parole mais c'est difficile au niveau d'Attac de jouer son rôle de citoyen parce que je crois que c'est toujours difficile pour des gens qui sont à la tête de quelque chose de conserver la tête froide et de donner la place à chacun, c'est-à-dire que c'est difficile de tenir du national un certain nombre de choses [...] La place de l'individu et du citoyen qui veut aussi se re-approprier aussi au sein de sa propre association une forme de pouvoir, puisque c'est quand même l'objectif d'Attac, se réapproprier en tant que citoyen une forme de pouvoir [...] ça m'intéresse beaucoup de voir comment elle évolue et de voir ce qui se passe, comment elle va évoluer et comment chacun des militants qui sont àAttac et qui sont venus Attac, parce que c'était justement l'aboutissement d'un appel à réveiller le citoyen qui est en chacun de nous, comment il va se débrouiller et comment va faire vivre ça au sein de l'association qui se réclame de cet objectif [...] Cette association est passée par un biais particulier, elle a abordé le problème de la mondialisation sous l'aspect du monde de la finance et l'autre aspect qui moi me paraît primordiale c'est qu'elle a fait appel à la ré-appropriation du monde par le citoyen et je pense que c'est quelque chose d'important.

Thomas : En 95 j'ai du voter pour Arlette Laguiller et je m'étais abstenu au deuxième tour. Enfin j'avais voté blanc, moi je vais toujours voter blanc... Je vote... Je ne m'abstiens pas, je vote... Mais je vote blanc. Parce que c'est un geste citoyen de voter blanc, tu te déplaces mais simplement ça veut dire que ce que l'on peut propose ne te satisfait pas et il y a une autre possibilité.

L'engagement associatif se distingue de la participation citoyenne au sens de l'exercice des droits et devoirs conférés à l'individu par la communauté politique. Le modèle auquel se rattache l'Attacant ne serait il pas alors celui du militant humanitaire, comme le Ligueur ou le militant ou d'Amnesty international, dont l'action serait dépourvue d'intérêts. L'altruisme serait le principe explicatif qui préside à l'engament du militant. Peut on, dés lors, affirmer qu'Attac, tout comme les ONG humanitaires, constituerait une entreprise morale ?

2.1.2.2 Une entreprise morale ?

« Qu'est ce qui fait courir les militants ? ». Plusieurs auteurs ont répondu à cette question en affirmant que le militantisme serait, avant tout, une « entreprise morale »410(*). Caroline Guillot a pu remarquer, au cours d'une étude consacrée à la Ligue des Droits de l'Homme, que c'était le cas pour le militantisme humanitaire411(*). Stanislas Varennes rend également compte de l'engagement associatif, par la présence d'une exigence morale412(*). Les militants seraient motivés par la défense d'une cause à laquelle ils se consacreraient. Qu'en est-il au sein d'Attac ? On peut à priori faire crédit aux militants de cette même exigence morale. L'engagement des adhérents semble être situé au plus loin de leurs préoccupations personnelles. La lutte contre les inégalités économiques, la revendication du plein emploi, la lutte contre les désastres écologiques liés aux intérêts financiers, le refus d'une marchandisation de l'éducation; toutes ces revendications semblent manifester une même exigence morale. La revendication de l'annulation de la dette des pays du tiers-monde est emblématique de la dimension morale, si ce n'est humanitaire, sur laquelle est fondée l'association413(*).

Pourtant dans l'analyse du discours des enquêtés, le vocabulaire lié à « l'humanitaire » apparaît très rarement. Peu d'enquêtés évoquent, dans les motifs de leur engagement, un but altruiste. François et Thomas sont les deux à se référer durant l'entretien à certains buts « humanitaires ». Les revendications portées par Attac relèveraient selon Thomas de la « survie de l'humanité ». Il met en avant la sincérité et le désintéressement de son engagement. Toutefois ces deux enquêtés sont caractérisés par deux spécificités communes par rapport à l'ensemble des interviewés. Tout d'abord, il s'agit de deux militants professionnels qui ont déjà adhéré à la LCR414(*). Mais surtout, Thomas et François ont des parcours biographiques spécifiques qui les ont amenés à faire face à de fortes inégalités économiques et sociales. Thomas est d'origine italienne. Ses parents issus d'un milieu populaire, son père était tapissier peintre et sa mère femme au foyer, ont immigré en France en 1959. Thomas a poursuivi des études techniques en cours du soit jusqu'en 1978, date à laquelle il a été embauché à l'usine Nerpick où il travaille encore actuellement. François est iranien, il a immigré en France avec ses parents en 1984. François n'a pas connu personnellement la misère puisque son père était professeur. Toutefois, il évoque le souvenir d'un bidonville qui jouxtait son habitation. Ces deux enquêtés ont été confrontés à une situation sociale plus difficile, ils sont par conséquent plus sensibles aux problèmes d'exclusion ou de pauvreté, ce qui pourrait expliquer leur discours « humanitaire ».

Isabelle considère également que son engagement à Attac relève de l'humanitaire. Selon elle, la revendication de l'annulation de la dette des pays pauvres indique que l'association participe au champ humanitaire. Toutefois, Lionel n'a pas la même perception de son engagement. Son soutien à cette revendication ne témoigne pas, selon lui, d'un « altruisme » et il ne relève pas d'une « dimension morale ». Il explique qu'il s'agit avant tout pour lui de lutter contre l' « hypocrisie environnante », qu'il attribue, selon nous, aux dirigeants politiques mais aussi à l'ensemble de la société. Les autres enquêtés n'évoquent pas au sujet de leur engagement l'annulation de la dette. On peut supposer que cette revendication ne rencontre pas chez eux un très grand écho. Cette hypothèse serait confirmée par l'étude menée par Thomas Marty sur les militants toulousains puisque parmi les « thèmes de réflexion prioritaires d'Attac », l' « annulation de la dette des pays pauvres » n'apparaît qu'en neuvième position (5,8%)415(*).

Comment rendre compte de cette disproportion entre l'importance qu'accorde la direction nationale416(*) à cette revendication et le faible rôle qu'elle occupe au niveau des adhérents ? On peut se demander, comme le fait Stanislas Varennes au sujet du discours humaniste des militants417(*), si les militants ont adhéré à l'association parce qu'elle défendait cette revendication ou s'ils ont intégré cette idée après avoir adhéré à Attac ? On peut supposer que si cette idée est défendue par l'association, c'est avant tout par une volonté des dirigeants de l'inscrire comme une priorité du mouvement. En soutenant l'annulation de la dette, dès la création d'Attac, les fondateurs souhaitaient peut-être élargir la portée de l'association. Snow a mis en évidence les processus par lesquels une organisation développe une idéologie mobilisatrice. Selon lui, une organisation peut chercher à étendre ses soutiens en agrégeant à ses revendications des thèmes qu'elle s'efforce alors de relier idéologiquement à sa préoccupation initiale418(*). Le rattachement de l'annulation de la dette à la revendication initiale d'Attac (la lutte contre les marchés financiers) aurait permis de produire de nouvelles sympathies vis-à-vis de l'association. L'adhésion à Attac ne relèverait donc peut-être que faiblement d'un engagement moral. Cette conclusion amène donc à s'interroger sur la nature des revendications défendues par les militants. Les revendications peuvent-elles s'identifier à la promotion de certaines valeurs, dans la continuation des nouveaux mouvements sociaux ou, à l'inverse, se résument-elles à la défense d'un ensemble d'intérêts matériels et catégoriels ?

François : J'ai commencé par les inégalités sociales par ces deux raisons, quand même, fortes. C'est-à-dire aider des gens de l'humanité, du monde, qui est autre, mais vraiment autre de ce qu'on vit au quotidien. Et je pense que je retrouve ça dans mon engagement depuis dix ans, c'est un fil conducteur [...] À côté de chez nous, il y avait un terrain vague et ces terrains se sont transformés en bidonville et c'est ma première expérience avec les inégalités sociales... Ma première rencontre forte et au fur et à mesure ces choses-là ont rejaillit plus tard... Vers mes quinze-seize ans, ça commençait à me titiller un peu quand même... Non, effectivement... Ce sont des images fortes... Devoir jouer au foot avec des enfants qui n'ont même pas de souliers et leur écraser les pieds. Ça commence comme ça... Avoir un voisin qui remplit la piscine et celui d'à côté qui n'a pas d'eau potable... C'est ça, les bidonville à côté d'un quartier résidentiel. Donc ça, ça marque.

Thomas : Il y a des tas de gens qu'il faut...si Attac se débrouillent bien... Il faut que ces gens-là se positionnent par rapport à tous ces thèmes là et après le terrain politique sera clarifié par rapport à toutes ces questions qui sont des questions de l'ordre de la survie de l'humanité. On ne peut pas aujourd'hui plaisanter avec les OGM, plaisanter avec le réchauffement de la planète, plaisanter avec l'endettement du tiers-monde et ainsi de suite... C'est... C'est vraiment de l'ordre de la survie de l'humanité ou d'une partie de l'humanité [...] Moi mon combat il est ailleurs, je n'en ai rien à foutre de devenir célèbre à l'intérieur d'Attac. J'étais sincère et tout ça, ça les a complètement désarçonnés parce qu'ils avaient affaire à quel qu'un qui était complètement... Je ne devais pas dire altruiste, il ne faut pas déconner... Mais qui le fait pour faire avancer les choses, qui est pour que l'humanité demain puisse voir de l'eau potable, respirer de l'air respirable, se soigner et ainsi de suite. Moi c'est pour ça, je fais ce que j'ai à faire.

Isabelle : Il y a le domaine humanitaire qui m'intéressait un petit peu, j'ai fait des actions ponctuelles mais je n'ai pas adhéré sur le long terme. J'ai fais un stage à Handicap International, j'ai un peu été là-dedans, ça m'a permis de voir comment ça fonctionnait. Mais je ne suis pas encore très engagé. Attac ça m'a paru un bon équilibre entre tout ce qui peut exister, car ça touche à la fois au domaine économique et à la fois au domaine humanitaire, parce que malgré tout le but aussi au départ c'était d'annuler la dette des pays pauvres.

Lionel : Il y a des associations que je pourrais trouver intéressantes comme Amnesty International ou la Ligue des Droits de l'Homme mais jamais ça ne me serait venu à l'idée d'y adhérer. Il y a un aspect humaniste et sentimental qui m'est relativement étranger. La souffrance humaine bien sûr peut m'émouvoir mais la souffrance humaine seule ne m'amènera pas à militer parce que je pense qu'elle sera toujours là. On peut la dénoncer et c'est important [...] Pour moi si je fais ça je ne peux pas parler d'altruisme, effectivement il y a la dette du tiers-monde que j'ai découvert à Attac. C'est l'aspect de la justice et de l'hypocrisie sociale qui provoquent une révolte, c'est-à-dire le fait de tenir un autre type de discours que le discours officiel, un autre regard. Ce regard peut être considéré comme altruiste, pour moi il n'y a pas de dimension morale. Il s'agit de dire les choses au plus près de ce que je peux percevoir, en tous cas essayer de se débarrasser d'une hypocrisie environnante qui m'insupporte. Oui je pense que c'est l'hypocrisie surtout contre laquelle je lutte.

2.1.2.3 Des valeurs post-matérialistes aux intérêts catégoriels 

Les nouveaux mouvements sociaux, selon Alain Touraine, seraient des mouvements culturels. Ainsi, l'enjeu du conflit social ne se situerait désormais plus dans la revendication de biens matériels419(*). Cette hypothèse se rapproche des positions formulées en 1977 par Ronald Inglehart, spécialiste de l'analyse des changements culturels et des valeurs, dans The silent Revolution420(*). Inglehart montre qu'une fois ses besoins matériels immédiats satisfaits, l'homme tourne ses préférences vers des besoins non matériels de nature intellectuelle ou esthétique, nommées valeurs post-matérialistes421(*). Cette évolution des valeurs, serait par ailleurs renforcée par la modification des conditions d'existence (hausse du niveau d'instruction, développement de la communication de masse, absence de guerre dans le monde occidental depuis plus de trente ans, passage d'une société de classe à une stratification complexe, etc.). Il en résulterait une demande accrue de participation aux processus de décision, une modification des enjeux « qui proviennent plus de différences entre les styles de vie que de besoins économiques »422(*) et enfin un refus des médiations classiques avec le pouvoir (syndicats et partis politiques). Une analyse empirique lui a permis en 1999 de confirmer sa thèse d'une évolution axiologique423(*). Il observe, tout d'abord, un passage des valeurs traditionnelles liées à la religion aux valeurs rationnelles-légales et séculières. Puis, il démontre un second passage des valeurs de pénurie et de nécessité aux valeurs d'auto-réalisation, d'expression et de bien-être.

L'idée d'une modification des valeurs rend compte de plusieurs phénomènes dans l'engagement des enquêtés. La valorisation de la participation associative et la dévalorisation des formes d'engagement traditionnelles s'expliqueraient, selon la théorie d'Inglehart, par l'accroissement de la population détenant une compétence politique424(*). Qu'en est-il pour les revendications défendues par les militants ?

Les enquêtés présentent leur engagement comme la défense de certaines valeurs. Leur adhésion correspond, comme l'explique François, à un refus du libéralisme économique. La défense d'une économie plus humaine est opposée à la logique libérale qui reposerait uniquement sur l'accumulation de richesses et la recherche du profit. Cette « nouvelle économie » nécessiterait un renforcement du rôle qui est accordé au service publique. Cécile affirme d'ailleurs que « Nous en tant qu'Attac, nous défendons le service public ! ». Les enquêtés légitiment cette promotion du service publique par l'attachement à certaines valeurs telle que la solidarité. Ce constat est en accord avec l'hypothèse d'Inglehart, selon laquelle les valeurs post-matérialistes seraient devenues primordiales. Toutefois, il s'agit de distinguer la « phraséologie » des militants, pour paraphraser Marx425(*), de leurs intérêts véritables. Peut-on rendre compte de l'engagement des enquêtés par leurs seules préférences axiologiques ?

La défense du service public représente la valorisation de certaines valeurs. Toutefois elle peut être motivée par la défense d'intérêts matériels. Le service public, c'est avant tout un ensemble de services matériels qui sont fournis aux individus. Le caractère catégoriel de l'engagement au sein d'Attac doit alors être souligné. La sur-représentation des salariés de la fonction publique, et notamment du corps enseignant, le lien entre les conflits de 1995 et la création d'Attac peut laisser supposer que les revendications soutenues par les militants s'apparentent à des intérêts de groupes sociaux. La référence aux valeurs ne serait, dès lors, qu'une rhétorique permettant de légitimer la défense d'intérêts catégoriels. Cette hypothèse reste fragile. En revanche, il est probable que l'engagement des enquêtés soit lié à un ensemble de revendications matérielles. Par exemple, la participation de l'association aux conflits d'entreprise, la revendication en faveur du revenu d'existence expriment la persistance de conflits sociaux déterminés par la recherche de biens matériels. Le paradigme du post-matérialisme ne suffit pas à rendre compte de cela.

François : Il faut replacer les images et voir ce que ça implique, et on se rend compte que c'est assez grave ce qu'on nous impose et que là où on veut nous mener, c'est une régression de la civilisation, on pourrait dire. Ce que les gens appellent le libéralisme, l'ultralibéralisme, tous ces termes qui veulent dire à peu près la même chose. Bon, je pense qu'il faudrait être peu plus rigoureux que ça, mais je pense que c'est la face actuelle du capitalisme, c'est le même système qui fonctionne comme ça aujourd'hui et c'est sa forme depuis les années 70, donc... Voilà, c'est... C'est, cette société là qu'on veut nous imposer.

Cécile : On arrive à tous les problèmes de la négociation avec l'Organisation Mondiale du Commerce qui a pour objectif la libéralisation complète de tout ce qui peut se vendre et en particulier des services et les services c'est l'éducation, c'est la santé, c'est l'eau et c'est déjà bien entamé, l'électricité et c'est déjà bien privatisé et ça n'est pas encore complètement fait et donc on a l'impression d'être dans un service public et bientôt il n'y aura plus de service public, c'est-à-dire l'accès de tous à des services vitaux [...] Nous en tant qu'Attac, nous défendons le service public. Il y a des services publics qui ont besoin d'être réformé mais c'est cette notion que c'est à minima donner à tous l'accès à des services essentiels et que sa vie n'est pas question que ce soit privatisé.

Laurent : Et je pense qu'Attac est dans cette perspective de refondation, mais il ne faut pas l'entendre au sens d'une révolution [...] C'est une refondation à la fois économique et politique car [...] il me semble qu'il y a une opposition forte en ce moment entre la perspective libérale classique et la perspective européenne ou social-démocrate, elles s'affrontent [...] Je pense que les services publics sont très attaqués et en même temps ils ont besoin d'être défendu mais ils ont aussi besoin d'être refondé, on a tendance à dire qu'une fonction libéralisée est plus efficace et ça c'est une perspective typiquement de droite. C'était un discours très dominant. C'est cette logique qui a présidé à la définition des règles de l'économie qui existent ce moment, et l'Europe a souvent été mise en minorité par rapport aux institutions comme l'OMC. Il me semble que la perception européenne, qu'elle n'est pas dominante, elle est minoritaire. Et même dans les pays européens avait été remis en cause et l'Etat a reculé, ce n'est pas forcément un mal. Je pense qu'Attac c'est dans cette perspective qu'ils avancent, contre la perspective anglo-saxonne. La logique libérale qui ne veut pas de contraintes et tout ce qui est imposition est refusée. Bush a refusé les contraintes environnementales qui visaient à renforcer le contrôle de l'Etat. Il y a des lignes de fracture, le capitalisme contre le communisme, avant c'était le fascisme contre la démocratie et en ce moment c'est ça qui est à l'ordre du jour [...] Il y a des investissements à long terme qui doivent être fait et il n'y a que l'Etat et les structures publiques qui peuvent le faire [...] La plupart des revendications qu'Attac défend ça s'inscrit dans cette perspective de plus de régulation, plus d'État je ne suis pas sûr, je ne connais pas assez mais il me semble que revendiquer une taxe sur les capitaux ça va dans le sens de plus d'intervention publique. Même ceux qui sont dans un discours ultra gauche sont pour l'intervention publique. Donc globalement c'est un mouvement qui va dans ce sens-là, vers plus d'intervention publique [...] Il me semble que la logique de fonds qui est en amont de la taxe Tobin c'est la perspective du service public et de la régulation des marchés. Une économie toujours libérale et toujours capitaliste mais avec une option sociale-démocrate. C'est plus qu'un ensemble de revendications c'est aussi une perspective qui va dans le sens de plus d'intervention publique et après ça passe nécessairement par les réformes très pragmatiques et très concrètes.

Du militantisme humanitaire « gratuit » à la défense d'intérêts catégoriels, l'éventail des motifs d'engagement est vaste. Il est important de rappeler qu'il est impossible de comprendre la participation des Attacants seulement à partir de l'un de ces deux modèles; les logiques qui président à leurs engagements se situent dans un entre-deux. Toutefois, la mise en évidence d'intérêts matériels nous conduit à s'interroger sur les gratifications concrètes que reçoivent les Attacants en retour de leur militance. Quelles sont ces rétributions qui justifieraient, en partie, la participation et l'engagement des militants ?

2.1.3 Les rétributions du militantisme

La nature de l'engagement est complexe car elle se compose de plusieurs éléments. La compréhension de l'engagement passe par un ensemble de références qui sont partagées par la majorité des militants (l'idée de citoyenneté, valeurs de solidarité, d'équité). Toutefois, on ne peut réduire l'engagement à sa rhétorique. Les motivations de l'engagement se situent plus essentiellement dans les bénéfices qu'en attendent les militants. Des intérêts matériels découlent directement de la satisfaction des revendications. Toutefois, ceux ci ne rendent pas compte de la distinction entre les adhérents et les militants.

Ce problème fut formulé en 1966 par Mancur Olson. Celui ci, en partant du postulat de la rationalité de l'acteur, a mis en évidence les obstacles logiques à l'action collective426(*). Tandis que l'action collective présuppose la participation d'un maximum d'individus, il est dans l'intérêt de chaque individu de ne pas s'associer à celle ci et d'adopter la stratégie du free rider (« le ticket gratuit »), c'est à dire de compter sur l'action des autres membres du groupe pour bénéficier des retombées collectives. Dès lors on ne peut confondre « rationalité individuelle et rationalité collective »427(*). Mieux encore, les rationalités individuelles semblent aller à l'encontre de la rationalité collective. Olson ajoute cependant qu'il existe des incitations sélectives, positives (récompenses) ou négatives (sanctions), à l'action. Daniel Gaxie, dans la même perspective, a mis en évidence la présence de rétributions (matérielles, intellectuelles, symboliques) qui sont les seules a pouvoir rendre compte du militantisme428(*). « Il est douteux, selon Daniel Gaxie, que l'activité partisane s'explique uniquement par la volonté de défendre une cause ou plus exactement, que cette volonté suffise à la soutenir, sans que le militantisme ne fournisse en même temps des gratifications à ceux qui s'y adonnent »429(*). Gaxie propose la notion de « bénéfices non-collectifs » qui seraient propres à l'individu. Aux valeurs idéologiques se superposeraient certaines rétributions430(*). Toutefois, si les enquêtés mettent en avant ces « causes », c'est parce qu'ils ne « peuvent s'avouer, ni avouer les rétributions qu'ils retirent de leur participation à la vie de l'organisation »431(*). Quels bénéfices les militants retirent-ils de leur participation ?

2.1.3.1 Une formation orientée vers l'action

En premier lieu, les enquêtés affirment attendre de leur militantisme une formation intellectuelle. On peut rattacher cette expectative au rôle d'éducation populaire que Attac souhaite occuper. Les militants déclarent vouloir acquérir au sein de l'association une culture économique qui, comme le rappelle Lionel, leur fait souvent défaut. Par exemple, Isabelle explique que ce qui a motivé son engagement, c'est avant tout, le désir de mieux comprendre les mécanismes financiers. François attendait de son militantisme une formation économique. Il ne souhaitait pas apprendre des théories abstraites comme celles de Marx mais des arguments économiques concrets. Les militants semblent donc être demandeurs d'une réflexion et d'une formation économique qui soit tournée vers l'action.

Toutefois, la recherche d'un cadre de réflexion et d'action ne suffit pas à rendre compte de l'investissement que certains enquêtés accordent à leur militantisme432(*). Quelles rétributions attendent-ils de leur implication ?

Lionel : Je pense qu'elle [l'éducation populaire] est tournée vers deux groupes. Tout d'abord vers nous parce que nous avons besoin d'une formation comme par exemple en économie. Très peu de personnes dans l'association ont une formation économique.

François : Et le fait d'être à Attac ça me donne des arguments, parce que souvent les militants du PS nous opposent des arguments, du réalisme économique, de grandes théories et Attac, justement ce qui est intéressant c'est que ça forme par rapport à ça, non pas à la théorie marxiste parce que je pourrais très bien réciter le Capital, la théorie de la plus-value mais ils s'en foutent, ils vont me traiter d'utopiste, non ! En repartant sur des bases claires et en repartant sur des mécanismes de l'économie aujourd'hui par rapport à la taxe Tobin par exemple et leur démontrer que c'est possible et leur dire que là s'il n'y a pas de volonté politique c'est quelque chose de voulu de leur part, c'est la volonté politique qui va faire que la taxe Tobin va s'installer ce n'est pas les mécanismes.

Isabelle : Pour moi, c'est avant tout faire des réunions sur des thèmes afin que les gens parlent, disent ce qu'ils ont envie de dire, puissent être écoutés et puis apprennent des choses, tout simplement ! Car il y en a certain qui ont des connaissances, par exemple il y a plusieurs étudiants en biologie dans Attac campus et ils sont plus aptes, du point de vue biologique, à nous parler des Organismes génétiquement modifiés, ceux qui connaissent plus l'aspect politique peuvent nous en parler aussi... Et puis comme ça, on peut se tenir informé et débattre des idées. C'est sûr que moi, j'attends plus ça et je pense qu'Attac c'est plus ça [...] Ils [les gens] attendent [...] de mieux comprendre comment ça fonctionne. Attac ça part un peu de ça au départ, on est dans un système de marché et comment on peut se réapproprier, comment ça fonctionne. Se réapproprier un peu ces mouvements de capitaux économiques et le fonctionnement de l'économie aujourd'hui. C'est nous permettre de mieux comprendre, parce que c'est vrai qu'on ne se rend pas compte. Chacun vit sa petite vie et à côté de ça, il y a des sommes énormes qui passent d'un côté à l'autre du monde et il y a des gens qui ne se rendent pas compte de l'emprise que les capitaux ont, mêmes sur les Etats. Principalement c'est ce qui a motivé mon adhésion.

2.1.3.2 L'investissement personnel

L'implication personnelle est un processus de valorisation de l'individu. Le militantisme associatif, comme l'a mis en évidence Eric Agrilolansky, contribue à l'estime de soi433(*). Ce phénomène est plus prégnant dans le militantisme humanitaire dans lequel l'individu s'efface derrière la cause qu'il défend. Ce bénéfice est moins visible au sein d'Attac. En effet, la cause au nom de laquelle ils justifient leur engagement n'est pas reconnue comme légitime par tous les acteurs de la société. A l'inverse, l'idéologie mobilisatrice des ONG réalise un consensus au sein de la population. Parmi les enquêtés, le discours du désintéressement est assez peu présent. En revanche, Eric Agriloanski note également que le militant acquiert par son investissement une « bonne conscience » envers lui-même. Plusieurs enquêtés évoquent ce bénéfice qu'il est possible de retirer du militantisme. Toutefois chaque interviewé ne l'utilise pas à propos de soi mais à propos des autres.

Lionel reconnaît qu'il existe une « dimension affective » dans le militantisme qui s'exprime par « une volonté de s'investir pour se sentir bien ». Toutefois, il ajoute que cela ne s'applique pas à lui. De même, Isabelle explique que l'investissement personnel « est une forme de déculpabilisation »434(*). Laurent, en revanche, estime, après avoir expliqué que l'investissement répond à un besoin personnel, que son engagement obéit à la même logique. De plus, il met en comparaison son engagement au sein d'Attac avec la contribution qu'il apporte à un centre d'accueil pour SDF. Il décrit la culpabilité qu'il éprouve face à la misère de ceux qu'il rencontre. Le fait d'apporter son appui lui permet de rendre « plus acceptable » cette misère. Il explique que sa participation à Attac relève, entre autres, du même raisonnement. En militant dans Attac, Laurent estime qu'il contribue à ce que « les gens vivent mieux », on peut alors supposer que son engagement rende « plus acceptable » les inégalités économiques contre lesquelles il lutte.

L'investissement personnel permet ainsi de valoriser l'individu par l'image qu'il lui procure et qu'il diffuse à l'extérieur de l'association. Toutefois, des processus de valorisation existent également au sein de l'association. Daniel Gaxie a remarqué par exemple que l'existence d'une hiérarchie au sein des partis politiques constituait une « rémunération symbolique » de l'investissement militant435(*). Il n'existe pas au sein d'Attac une hiérarchie aussi développée que dans les organisations partisanes. Toutefois, d'autres processus de valorisation de la personne sont présents. Par exemple, Julie évoque la très grande qualité d'écoute dont témoignent les militants au cours des réunions. Il n'est pas rare qu'un individu ayant préparé un document de travail soit félicité par l'ensemble des militants436(*). Les prises de parole publiques à l'occasion des actions tenues par l'association sont autant d'occasions d'être reconnu et valorisé437(*). Ces processus internes mettent en évidence le fait que les associations sont avant tous des lieux de sociabilité auxquels prennent part les militants.

Lionel : Mais ça c'est dans toutes associations ou il y a une dimension affective, il y a beaucoup de gens qui militent parce que ça remplit aussi leur existence, ce n'est pas tout le temps pour la dimension intellectuelle, c'est aussi pour la dimension affective. C'est toujours de l'affectif mais parfois c'est plus une volonté de s'investir pour se sentir bien. Moi je ne peux pas dire ça. Je comprends que je trouve ça intéressant car c'est la vie sociale !

Isabelle : S'investir, c'est bien sûr quelque chose de bien, mais je ne pense pas que ce soit essentiel. C'est essentiel, si la personne en a le besoin, alors pourquoi pas ? C'est une démarche très personnelle. Je pense que c'est relatif au vécu de la personne. Je ne pense pas qu'il faille se contenter d'un engagement intellectuel, mais c'est déjà pas mal ! C'est bien de s'investir. Un engagement intellectuel, c'est aussi un premier pas... Après je dis aussi les gens qui ont le temps et qui ont besoin ils le font, ils s'investissent. Après quand on est étudiant, c'est vrai qu'on a aussi d'autres choses à vivre, simplement le fait d'adhérer... Je pense que c'est un premier pas. Il y en a, c'est quelque chose qui leur apporte personnellement en termes de bien-être, en termes aussi de déculpabilisation, vis-à-vis des événements extérieurs, c'est une forme de déculpabilisation.

Laurent : Mais de toute façon je crois que les gens qui s'investissent ne se posent pas la question de l'utilité, je pense que le ressort de l'implication dans un mouvement comme ça ils sont plus intérieurs ils relèvent de la personnalité et le fait d'efficacité je ne crois pas que ce soit une vraie réalité qui soit présente chez eux, il ne me semble pas. Si les gens ils s'investissent c'est qu'ils ont besoin de le faire, et que ce soit efficace ou pas ils le font. Peut-être que certains disent que c'est efficace mais au fond de ce n'est pas ce qui leur importe, c'est avant tout un engagement individuel. Moi je crois que les gens ils se motivent eux-mêmes et c'est plutôt eux qui prennent quelque chose et qui ont une satisfaction. C'est comme le fait du don chez l'Abbé Pierre ou mère Teresa, c'est une satisfaction propre et d'eux même et c'est pour ça ils le font, ils le font parce qu'ils y trouvent quelque chose. Et les ressorts de l'engagement politique au niveau comme du mien, pas comme d'autres qui ont peut-être de perspectives de carrière, mais pour les militants de base, il ne s'agit pas de carrière et peut-être que les ressorts de l'investissement ne sont pas au niveau de l'efficacité mais juste le besoin de s'engager [...]Je suis sûr en sociologie le profil des militants a dû être étudié et que c'est des gens qui s'épanouissent à travers le fait d'entraîner des autres et Thomas c'est vrai que c'est quel qu'un qui est bien pour ça car il est entraînant [...] Et puis j'ai le plaisir de m'investir [...] Disons, je pense qu'on se réalise au fur et à mesure qu'on agit en tant que personne et en tant qu'individu. On se réalise dans l'action et le fait de s'investir ça m'apporte une satisfaction.

Laurent : La misère des autres ça me gêne beaucoup [...] car quand je rencontre un SDF dans la rue ça me rend malade. J'interviens à Point d'Eau, c'est un centre d'accueil pour les SDF, on propose des services d'immédiateté, c'est-à-dire des douches, les gens peuvent laisser les bagages et peuvent y prendre des affaires, on leur propose le téléphone, la machine à laver et un service de petite infirmerie et d'orientation. L'équipe que je rencontre là-bas ce n'est pas pour les aider car je pense que je n'en suis pas capable, ce que je fais ce que j'essaye de les rencontrer car c'est une réalité qui est tellement éloignée de saveurs qu'on peut connaître. Et là c'est pareil, c'est comme pour les pauvres en Afrique, ça me dérange beaucoup. Moi ça m'apporte quelque chose... Ça me permet d'être moins malade quand je vois un SDF car pour moi ce ne sont plus des étrangers, je les reconnais en tant qu'individus. Le fait de les croiser sur un lieu précis où il y a une réalité concrète et une action, c'est une aide très pragmatique mais au-delà de ça je ne peux pas les aider [...] Ils n'en sortent pas et ce n'est pas moi qui vais les aider à en sortir, j'ai une aide très précise sur eux, ça leur permet d'être présentables. Mais ils sont quand même dans la merde [...] Cette misère-là elle me gêne aussi beaucoup. Tu vois quand je disais que quand on adhère il y a des ressorts intérieurs, c'est au-delà de l'idée même, c'est le besoin de s'impliquer pour que ce soit acceptable. Car si jamais je ne m'implique pas, à la limite, je ne peux pas me regarder dans une glace. Ça me dérange et je me sens responsable. Je pense que ça rentre en compte dans mon adhésion dans Attac parce que le but ultime c'est de faire en sorte que les gens vivent mieux et qu'on trouve un système plus efficace.

Julie : C'est peut-être complètement utopique mais je me dis que l'avantage d'Attac c'est que c'est quelque chose qui débute et qui se construit au jour le jour avec des choses super sympa, une qualité par exemple au niveau d'Attac Isère dans les groupes de travail, une qualité d'écoute que je trouve très impressionnante, une reconnaissance...

F.E : Cette reconnaissance au sein des commissions ça vous a étonné ?

Julie : Etonnée, je ne sais pas... Oui, en tous cas elle m'a plu.

2.1.3.3 L'inscription dans un réseau de sociabilité

La constitution de groupements humains, comme le rappelle Georges Simmel, s'explique par une communauté d'intérêts, en revanche les individus en retirent un bénéfice par la socialisation dont ils bénéficient438(*). Cette rétribution est d'autant plus importante que les intérêts des militants sont moindres. Les partis politiques, où les mobilisations s'effectuent principalement en faveur d'une minorité de professionnels, ont d'ailleurs toujours constitué des cadres de sociabilité importants439(*). Les clubs politiques, comme le note Loïc Blondiaux, ont exercé ce rôle au début du 20éme siècle. Ils constituaient des lieux de « sociabilités organisées » où la rencontre constituait une valeur en soi.440(*) Toutefois, les partis politiques remplissent cette fonction de façon moindre depuis le début des années quatre-vingts441(*). Les associations se sont ainsi substituées à eux.

Le comité local isérois constitue, comme tout groupement humain, un cadre de sociabilité. Pour Laurent, la possibilité de rencontrer de nouvelles personnes a participé à son engagement. Il voit les échanges qu'il entretient avec les autres militants comme des expériences enrichissantes. Il évoque, par exemple, la journée du 1er mai au cours de laquelle les militants d'Attac avaient tenu un stand. L'ambiance lui avait paru conviviale, ce qui l'a motivé dans son engagement442(*). Le même phénomène a également lieu dans le groupe « campus ». Isabelle reconnaît que beaucoup de jeunes assistent aux réunions afin de faire connaissance avec d'autres étudiants.

Toutefois cette sociabilité n'est pas seulement « spontanée ». Elle se déroule également à l'occasion de manifestations organisées par le comité. Par exemple, un week-end « d'éducation populaire » avait eu lieu à l'Heure Bleue en septembre 2000. En sus des conférences, des moments de convivialité avaient été organisés, tels qu'un repas ou encore des représentations théâtrales et musicales. La buvette avait également été le lieu de nombreuses discussions. Cette manifestation, comme l'explique Lionel, a connu un succès inespéré auprès des militants qui ont décidé de reconduire l'événement en 2001. De même, à l'occasion de l'Assemblée plénière qui aura lieu le 6octobre 2001, le C.A a décidé d'organiser une soirée en montagne (Gresses en Vercors, Isère). Ces moments de convivialité s'effectuent également lors des mobilisations militantes. Ce fut le cas par exemple, comme le décrit Lionel, à l'occasion du sommet de Genève en juin 2000. Les mobilisations de Nice ou Gênes ont également permis aux militants de partager certaines expériences communes. Chacun de ces événements, même les plus infimes, participe à l'élaboration d'une mémoire associative commune. Celle ci constitue le socle des mobilisations futures. Comme le note Daniel Gaxie, la participation à l'association croit avec le sentiment d'intégration au groupement militant. A l'inverse l'exclusion de ce réseau de sociabilité permet de rendre compte du retrait de l'association. La défection correspondrait alors à un manque de gratifications symboliques.

Laurent : Ce n'est pas l'efficacité qu'on prend en compte mais c'est le besoin d'essayer de diffuser sa perception et conception, et puis il y a le plaisir de la rencontre du dialogue, de la convivialité, de la sociabilité et tout ce qui fait que dans un mouvement les gens se retrouvent [...] Le militantisme c'est vraiment de la rigolade, moi quand j'y vais ça m'amuse beaucoup, c'est marrant. Moi j'ai une perspective très romanesque car je n'ai jamais vu ça et je ne connais pas et je découvre et c'est très marrant de voir ces gens qui s'organisent, quand on a fait des tracts, on était une dizaine. C'était très convivial, c'était sympathique. Ça rigole, ça dit des blagues. Quand on vendait des gâteaux, c'était marrant aussi [...] Je rencontre des gens qui sont intéressants et que je n'aurais pas rencontrer ailleurs. Donc déjà c'est le fait de la rencontre. Il y a toujours un enrichissement et un échange. C'est ça qui me plaît. Et quand ça ne m'apportera plus rien, je partirais [...]ça me plaît de croiser des gens, de discuter avec eux, il y ait une ambiance contrairement à ce qu'on pourrait penser beaucoup moins centrée sur Attac et pour l'instant ça me plaît en termes de rapports humains.

Isabelle : Et le fait qu'il y ait une antenne campus, ça permet d'être plus attractif pour d'autres jeunes. Parce qu'il y en a qui viennent pour les idées et puis il y en a qui sont là pour rencontrer des gens, comme dans tout mouvement, pour rencontrer des gens différents, qui font d'autres études... C'est toujours intéressant !

F.E : Vous pouvez me parler de L'Heure Bleue...

Lionel : Oui, c'était un moment de convivialité très réussie ! Pendant deux jours non-stop ça a tourné à plein régime avec des chants, du théâtre, un orgue de barbarie afin d'exprimer notre contestation sur un autre registre. Il y avait un repas le soir également qui était organisé. Comme beaucoup de gens ne viennent pas souvent à l'association, c'est un moment très chaleureux et très fédérateur. D'ailleurs ils ont décidé d'en organiser un autre en 2001 alors que ce n'était pas prévu au départ [...] Je me suis rendu en juin dernier à Genève, c'était à l'occasion du forum social de l'Organisation mondiale du commerce après Seattle. Il y en a un tous les dix ans. Ça durait une journée et ce n'était pas trop loin. Il y a deux bus qui avaient été loués avec la Confédération paysanne et d'autres associations. J'avais trouvé ça c'est sympathique, il y en avait même qui avaient amené le vin et le saucisson. Ça m'avait beaucoup touché !

Le comité Attac Isère témoignerait donc d'une importante sociabilité interne. Pourtant ce constat semble aller à l'inverse de l'évolution des rapports entre la vie privée et la vie militante qu'observe Jacques Ion443(*). Le « nous » auquel se réfèrent les militants et qui constituent leur identité serait de plus en plus affaibli suite aux changements de modalité de la participation associative. L'autonomisation de l'individu entraînerait le redéfinition de l'engagement. L'appartenance communautaire à l'association tendrait à se réduire tandis que l'engagement serait de plus en plus « distancié »444(*). Les observations faites par Jacques Ion rendent compte de plusieurs caractéristiques du comité local. Tout d'abord, la valorisation de l'individu, concomitante de l'affaiblissement du « nous » implique une valorisation des ressources (capital social, professionnel) personnelles. On peut observer qu'au sein du comité les compétences de chaque militant sont mises à profit445(*). Par exemple, Alda, qui est professeur d'économie se charge de la formation des militants, Odette, qui est comptable, gère la trésorerie de l'association. Enfin, Christelle qui est semi-professionnelle de théâtre s'est occupée des animations de l'Heure Bleue. Les relations de chaque individu sont également mises à profit pour la location de salle ou le tirage de tracts. De plus, la plupart des enquêtés (Fabien, Julie, Laurent, Lionel, Isabelle) se situent dans un engagement distancié grâce auquel ils conservent leur liberté d'action. Par exemple, il semblerait que Lionel refuse de s'impliquer dans son engagement afin de pouvoir s'en dégager lorsqu'il le souhaite. Alors que le mode d'engagement au sein du comité semble correspondre aux hypothèses de Jacques Ion (une valorisation de l'individu qui adopte un engagement distancié), le « nous » reste une entité forte dans l'association. Comment expliquer ce paradoxe ?

Jacques Ion explique que la présence d'un « nous » fortement structuré au sein d'une association dans laquelle l'engagement apparaît plus souple et moins contraignant traduit la résurgence de « niches identitaires »446(*). Ces niches sont des petits groupements dotés d'une forte cohésion où une partie des membres tentent de perpétuer un fonctionnement traditionnel. Les militants y préserveraient une sociabilité interne forte (un « nous privé ») dont seraient exclus les adhérents les moins impliqués. Il semblerait, qu'un tel groupement existe au sein du comité isérois. Un petit nombre de militants formeraient une « niche identitaire »447(*). Ces militants entretiennent des relations personnelles qui dépassent le cadre de l'association. De plus, ils occupent l'essentiel des fonctions de représentation et de direction au sein du comité. Enfin, ils présentent de fortes similitudes générationnelles. Ce « nous privé » exclue bien évidemment le reste des adhérents du comité. Cela explique, selon l'idée de Daniel Gaxie, la défection de certains adhérents. La participation au comité est rendue d'autant plus malaisée pour ceux situés à l'extérieur du groupement448(*). Par exemple, Cécile explique qu'il difficile de militer au sein du comité sans participer à un des groupes de réflexion.

Lionel : Je suis prudent dans mon engagement. Avant il y avait quatre groupes essentiels, un groupe sur les questions économiques, un groupe d'interpellation des élus, un groupe d'animation des activités et un groupe d'information et de diffusion. Même le groupe économie était souvent orienté vers l'action. C'est vrai que maintenant, c'est plus séduisant la façon dont c'est organisé. Ça ne me demande pas une implication sur le long terme. Faire partie d'un groupe ça voulait dire devoir participer au moins pendant une année. Parce que pour moi l'engagement c'est un risque et si moi je m'engage c'est quelque chose d'important. C'est pour ça que je ne donne que ce que je me sens de pouvoir donner [...] Nous parlons peu de notre vie personnelle ou professionnelle entre nous. Très peu. À part avec quelques personnes à la longue. Mais ce n'est pas ce qui nous rassemble, ce qui nous rassemble c'est tout à fait autre chose et donc il n'y a pas lieu de se demander ça [...] je connais peu les gens et je ne les fréquente pas en dehors des réunions. Il y a parfois des pots qui sont organisés après les réunions mais je ne reste pas longtemps et je m'éclipse souvent, une fois que le boulot est terminé... Mais il y en a qui se voient en dehors des réunions. Je ne laisse pas d'opportunités à cela et si on me le proposait, je dirais non !

Lionel : Il y a ceux qui se connaissent mieux, ceux qui font partie du groupe, par exemple dans le groupe économie de temps en temps ils se rencontrent chez l'un ou chez l'autre. Donc il y a une connaissance plus personnelle.

Cécile : C'est très difficile de militer quand tu n'es pas affilié à un groupe ou que tu n'as pas un moyen d'avoir une activité un peu régulière, c'est très difficile d'être simple adhérent, de venir aux réunions et d'arriver à faire des choses concrètes. Dans les réunions, il y a énormément de personnes, alors les débats de fond ne peuvent pas avoir lieu et l'activité est menée par les membres du C.A. et par les gens qui sont dans les groupes (exemple : le groupe info, le groupe économie). Les groupes sont intégrés à l'activité d'Attac.

La compréhension de l'engagement des militants isérois est complexe. D'une part, il s'apparente à un engagement traditionnel dont les formes sont connues (une sur-représentation des classes moyennes et des salariés de la fonction publique, une forte homogénéité générationnelle, la défense d'intérêts matériels et catégoriels et enfin une forte sociabilité interne). D'autre part, il présente de nombreux points communs avec les mouvements sociaux qui ont eu lieu récemment (référence à la citoyenneté, défense de valeurs post-matérialistes, valorisation des individus au sein de l'engagement). L'engagement des militants d'Attac Isère semble donc se situer entre deux âges. Cette contradiction apparaît d'autant plus forte chez les militants (ils reproduisent par exemple des processus d'organisation qui relèvent des anciennes structures syndicales et politiques) que chez les adhérents. Doit-on en conclure pour autant que le militantisme au sein du comité isérois relève du passé ? A quel militantisme se rattachent les formes de mobilisation qui sont à l'oeuvre au sein d'Attac ?

2.2 Un militantisme « par le bas » ?

« Informer, former, agir, construire avec Attac »449(*) : ce slogan traduit la volonté des dirigeants de situer l'action de l'association à plusieurs niveaux. Tout d'abord, il s'agit de faciliter l'information des non adhérents et de permettre la formation intellectuelle des militants. C'est ce qu'Attac désigne par le terme de « travail d'éducation populaire »450(*). D'autre part, le second aspect est l'action militante proprement dite, c'est-à-dire l'ensemble des mobilisations collectives. Les dirigeants établissent entre ces deux pôles, la réflexion et l'action, un fil directeur logique en définissant Attac comme un « mouvement d'éducation populaire tourné vers l'action ». La figure du militant et celle de l'intellectuel seraient ainsi réconciliées. Mieux, la distinction entre la tête et les bras aurait cessé d'être. Le militantisme s'effectuerait désormais « par le bas ».

2.2.1 Le travail d'éducation populaire

2.2.1.1 Informer et comprendre

2.2.1.1.1 L'information économique

L'éducation populaire consiste tout d'abord à informer le public sur les revendications portées par l'association. Cette diffusion a été facilitée par la publication de nombreux ouvrages de vulgarisation économiques. Ces livres sont édités dans une collection petit format (Mille et une nuits) et leur nombre de page reste faible (entre 100 et 150 pages). Chaque livre est consacré à un thème ce qui permet la multiplication des ouvrages (présentation de l'association, Taxe Tobin, paradis fiscaux, l'OMC, la place des multinationales, le plein emploi). Les ventes de ces ouvrages sont considérables ce qui porte certains à percevoir la contestation anti-mondialiste comme un marché potentiel451(*).

L'information est également relayée dans chaque ville par les comités locaux. Par exemple, le comité isérois organise parfois des diffusions de tracts dans le centre ville de Grenoble ou à l'occasion de divers événements452(*). Les distributions de tracts sont toutefois assez rares453(*). François précise d'ailleurs que le nombre d'interventions lui semble insuffisant. Le C.A a d'ailleurs décidé d'organiser, sur la proposition de François, une diffusion chaque mois à partir de la rentrée 2001. La distribution de tracts représente avant tout pour l'association un moyen d'attirer de nouveaux adhérents. Ce rôle de publicisation détermine le choix des thèmes d'information. Tandis que les premiers tracts portaient essentiellement sur la taxe Tobin, qui représentait l'étendard de l'association, les dirigeants accordent désormais une place prépondérante aux sujets d' « actualité ». Par exemple, les OGM ou le boycott de Danone ont représenté autant d'opportunités afin de promouvoir l'association. C'est ainsi que les gens associent, selon Thomas, de moins en moins Attac à la taxe Tobin. En revanche, le comité effectue assez peu d'informations sur l'annulation de la dette. Thomas explique qu'il s'agit d'un sujet délicat car les gens y sont peu réceptifs.

Cette information n'a bien sûr pas seulement pour but d'informer mais d' « éduquer » le public, c'est-à-dire « élever, former quelqu'un »454(*). L'association aurait à jouer un rôle de « conscientisation citoyenne » qui vise à faire prendre conscience de l'emprise de la finance. Certains militants estiment toutefois que cette conception est dangereuse car elle aboutit à reproduire une distinction entre le « haut » (les adhérents)et le « bas » (les non adhérents)455(*).

Thomas : Les plus grosses diffusions qu'on fait c'est rue Félix Poulat parce que j'ai toujours dit qu'il fallait qu'on intervienne au moins une fois par mois là-bas. Qu'on y soit en permanence et qu'on ait l'habitude qu'on nous voit, d'être présent. J'aimerais bien que ça se passe dans d'autres villes comme ça, comme à Voiron ou Bourgoin parce qu'il y a des comités locaux là-bas. Gresivaudan, ils le font régulièrement. J'aimerais qu'on puisse intervenir plus régulièrement parce que je pense que c'est un travail de fond sur l'éducation populaire qu'on ne fait pas. Hélas, c'est pas la priorité dans Attac Isère. Elle se situe plutôt à suivre les événements internationaux, ce qui est bien ! Mais on pourrait en profiter pour transformer ça par une intervention autour de ces thèmes. La rue Félix Poulat parce que c'est un lieu très passant, en une heure tu distribues plus de 1000 tracts le mercredi après-midi s'il fait beau et puis il y a beaucoup de jeunesse et beaucoup d'étudiants.

Lionel : En fait les gens qui viennent, viennent très peu, voire pas du tout, pour les idées d'Attac. En principe les gens pensent déjà être informés, c'est beaucoup plus par rapport au groupe de l'Isère. En revanche, ils connaissent très peu la taxe Tobin, quand ils la connaissent c'est déjà qu'ils sont bien renseignés sur Attac. C'est beaucoup plus par rapport à d'autres problèmes comme par rapport aux Organismes génétiquement modifiés, on a eu beaucoup de monde qui est venu après la conférence organisée avec José Bové et la confédération paysanne. Ils entendent parler d'Attac dans la presse, les journaux, la télévision et très peu dans les tracts diffusés sur l'Isère.

Thomas : Non plus maintenant, ce n'est plus la taxe Tobin. Parce qu'on est intervenu sur des tas de terrain, notamment les OGM et donc plus maintenant. Avant oui pendant la première année c'était la taxe Tobin. On leur disait Attac vous connaissez ? Il disait « Ah oui ! C'est la taxe Tobin ». Pendant un an, un an et demi ça a été ça et maintenant ça a changé, depuis Seattle, depuis Davos c'est vraiment une association anti-mondialisation.

Thomas : Les thèmes qu'on essaie d'informer le plus c'est bien entendu la taxe Tobin, les paradis fiscaux et la finance internationale, le problème des retraites aussi et de la capitalisation et les fonds de pension parce que ça touche beaucoup de gens et le problème de l'AGCS et de l'OMC et aussi le problème des OGM en liaison avec la Confédération paysanne. Voilà en gros les quatre thèmes, la dette c'est un problème qui est plus difficile et qu'on peut moins mettre en avant pour des histoires de mentalités, c'est toujours le même problème. C'est moins compris le fait que... Il y a un préjugé par rapport au tiers-monde [...] Les gens ils comprennent plus facilement, ils prennent plus facilement un dossier qui va leur expliquer que la remise en cause des retraites par répartition, ça veut dire que demain il y a des gens qui vont pouvoir financer leur retraite et d'autres qui ne pourront pas, plutôt que de dire, il faut annuler la dette des pays du tiers-monde parce que leur premier réflexe c'est de dire «Attendez, moi quand j'ai une dette je la paye ! ». Le fait de dire dette ils répondent « Moi je rembourse ma dette » et puis ils nous disent c'est tous des feignants... Tu vois ce que je veux dire...Ils veulent vivre au-dessus de leurs moyens et ainsi de suite.

2.2.1.1.2 Une formation militante

Le second aspect de l'éducation populaire concerne les militants. L'objectif serait, selon les dirigeants de l'association de répondre à une demande des militants qui seraient « en attente » d'une information mais également d'une formation. Celle ci est présentée comme une « réappropiation » de l'information456(*). Ainsi chaque militant serait en mesure « même sans connaissances économiques et financières préalables, [de] se doter de l'expertise financière suffisante pour évaluer le sens et la portée d'une mesure, comprendre ce qui est en jeu et se donnent les instruments intellectuels de l'action »457(*).

Les universités d'été d'Attac sont destinées à remplir en partie cette formation des adhérents. Leur but est d' « initier aux rouages de l'économie et de la finance à partir de quelques grands enjeux du moment et dans une perspective d'action citoyenne »458(*). Leur organisation est effectuée par le bureau national. Les premières universités d'été ont été organisées à la Ciotat459(*) du 23 au 26 Août 2000, elles ont rassemblé 700 personnes460(*). Cette université d'été, intitulée « Pour une économie au service de l'homme », était constituée d'une série de modules d'une durée de trois heures consacrés à des thèmes de réflexion461(*). De plus, des ateliers furent consacrés à des thèmes plus pratiques462(*). Parmi les enquêtés, seule Julie et Luc ont assisté à l'université d'été de La Ciotat. C'est d'ailleurs à cette occasion que certains comités locaux se regroupèrent en vue de l'AG de St Brieuc.

2.2.1.2 Les limites de l'éducation populaire

2.2.1.2.1 La vulgarisation des revendications

Le travail d'éducation populaire vise à rendre accessible des questions jugées complexes. Toutefois, les thèmes abordés par Attac comportent une certaine part « technique » qu'il est difficile d'occulter. Comment s'effectue cette information ? La taxe Tobin, dont on a pu voir la complexité des mécanismes, est par exemple un sujet qui est à priori peu abordable. Il est d'ailleurs possible de douter, comme le fait Fabien, que cette revendication soit suffisamment vulgarisable pour être compréhensible par la majorité des individus. Julie considère qu'il est possible d'argumenter de façon simple en faveur de la taxe Tobin du fait qu'il s'agisse d'un impôt et que l' « on paye tous des impôts ». La description de la taxe qui est faite dans les destinés aux non-adhérents est souvent très brève, elle se déroule en trois étapes463(*).

Etape n°1 : Il s'agit tout d'abord de démontrer l'ampleur de la spéculation et son inutilité.

« Chaque jour ce sont plus de 1500 milliards de dollars qui circulent sur ce marché des monnaies (soit 9000 milliards de francs !). Cette immense masse d'argent ne sert, quasiment, qu'à la spéculation financière. Autrement dit cet argent sert à faire de l'argent et à enrichir les plus riches »

Etape n°2 : La présentation de la taxe Tobin et de son utilité.

« Cette taxe internationale est proposée à un taux faible (0,1%) non pas pour bloquer le commerce mais pour freiner, ou mieux, empêcher, la spéculation financière. Si elle avait été appliquée, la taxe aurait rapporté la somme de 228 milliards de dollars en 1998...de quoi éradiquer la misère sur toute la planète. Une partie des fonds irait aux Etats qui adopteraient la taxe (un cinquième de la somme globale par exemple), l'autre partie irait directement vers les pays les plus nécessiteux »

Etape n°3 : L'argumentaire finit par présenter la mise en place de cette taxe.

« Il reste à faire appliquer cette taxe...et aussi à collecter l'organisme qui collectera les sommes (un organisme contrôlé démocratiquement bien sûr) »

La présentation qui est faite de la taxe Tobin ne rentre pas dans les détails, elle n'expose pas non plus les contre arguments qui lui sont opposés464(*), à savoir : un prélèvement similaire à celui de la taxe serait déjà effectué sur les transactions financières sans que cela ait empêché les crises financières, le taux de la taxe serait trop faible pour dissuader les spéculateurs, une telle taxation serait très difficile à appliquer et à redistribuer. Il est compréhensible qu'une présentation sommaire de la taxe ne puisse inclure toutes ces questions. Elles obtiennent, par ailleurs, des réponses plus précises au sein des documents établis par le Conseil scientifique465(*). En revanche les débats au sein du comité ne donnent pas lieu à de telles interrogations.

Par exemple, lors de la réunion publique du 24/04/2001, à laquelle une soixantaine de personnes ont assisté une présentation a été faite par Alda qui est professeur d'économie (et militante du comité isérois). Sa présentation de la taxe n'a pas abordé les questions que nous avons évoquées ci-dessus. Elle constituait une version plus développée de celle qui est faite habituellement. Peu d'intervenants ont réagi suite à l'exposé de Alda. Un militant (Laurent) est alors intervenu pour constater que certaines questions posaient problèmes dans l'application de la taxe Tobin. Les réactions à son intervention ont été très vives.

Un militant (Bernard) a alors pris la parole pour affirmer que « la taxe Tobin c'est une bataille politique [...] C'est une situation de courage. Dire que nous ne voulons pas de cette logique »466(*). Son voisin (Raymond) a alors ajouté : « Il ne faut pas se laisser attirer sur un plan technique car on perdra. Il s'agit d'un choix idéologique. On m'a raconté que certains modèles mathématiques allaient à l'encontre de la taxe Tobin mais les équations mathématiques ne changent rien dans le fond ». Laurent a alors répondu aux deux intervenants précédents : « Il me semble que les arguments qu'on nous oppose ont leur crédibilité et qu'il faut leur répondre. Il faut étayer techniquement la taxe Tobin car sinon cela revient à nous décrédibiliser ». La polémique s'est alors amplifiée entre ceux qui estimaient que la taxe Tobin a pour but de mettre fin à la spéculation et ceux (peu nombreux) qui soutenaient, comme Laurent, que « le libéralisme a en partie réussi ». La personne dirigeant la séance a alors décidé de clore le débat (le temps qui lui avait été consacré initialement avait été dépassé) et de le reporter à une réunion ultérieure.

Le déroulement de ce débat est riche d'informations. Il illustre tout d'abord la façon dont les militants soutiennent les revendications. Leur argumentaire se fonde davantage sur l'idée de volonté politique que sur un dispositif technique précis. Cela renvoie d'ailleurs aux prises de position des dirigeants selon qui « ce qui est en cause, ce n'est pas la faisabilité technique- déjà démontrée, car toute transaction laisse une trace informatique- mais bel et bien la volonté politique »467(*).

D'autre part, ce débat démontre, que les échanges, au sein du comité portent assez peu sur des débats de fonds468(*). Plusieurs enquêtés (Cécile, François, Isabelle) regrettent d'ailleurs qu'il n'y ait pas plus de véritables réflexions au sein du comité. Isabelle qui espérait de son adhésion une information sur les mécanismes économiques déclare être très déçue par les réunions auxquelles elle a assisté.

Enfin, cette réunion sur la taxe Tobin illustre les divergences qui existent entre les militants. La taxe Tobin, comme on a pu le voir, est suffisamment large dans sa formulation pour permettre une multitude d'interprétations. Des débats d'idées, comme celui sur la taxe Tobin, risquent ainsi d'aboutir à de très fortes polémiques, ce qui peut constituer un élément de fragilisation du groupe. Dès lors, on peut supposer que si de tels débats ont rarement lieu au sein du comité c'est avant tout par les conséquences qui pourraient en résulter. Une polémique trop violente pourrait aboutir, ce fut déjà le cas, à une opposition très marquée entre les militants. L'exacerbation des divergences entre militants aurait alors peut être des conséquences défavorables au fonctionnement du comité (défection de certains militants, affaiblissement de la cohésion du groupe et perte de motivation).

Fabien : Donc j'espère qu'elle verra le jour prochainement mais bon... Je peux paraître un peu résigné et un peu fataliste [...] Mais peut-on mobiliser l'opinion publique sur un projet comme celui-ci, ça me paraît peu probable car c'est déjà un petit peu compliqué, c'est un peu mystérieux pour beaucoup de gens. Moi je comprends quand même de quoi il s'agit, sur la place publique ça me semble difficile à vulgariser. On peut y arriver mais c'est pas complètement évident.

Julie : Il y a quand même des choses qui peuvent être certainement compréhensibles dans la taxe Tobin, la spéculation on connaît tous, on paye tous des impôts et la spéculation ne connaît pas d'impôt, et instaurer la taxe Tobin dans l'objectif est de limiter la spéculation mais c'est aussi que toute action financière doit être contrôlée et donc avoir un impôt aussi, avec l'objectif effectivement que cet impôt soit suffisamment important pour à un moment donné arrêter cette spéculation, cette spéculation qui ne sert pas du tout, pas du tout à l'économie réelle et aux états. Il y a des choses relativement simples qui peuvent peut-être passer.

Isabelle : On fait le journal parce qu'il y avait la manifestation à Montpellier... Et du même coup on parle des manifestations, c'était la fête, on a arraché les OGM dans les champs... C'est sympa, mais c'est très concret, c'est marrant, mais à côté de ça je n'ai pas eu l'impression de mieux comprendre comment fonctionnent les multinationales, ni quoi que ce soit. Alors qu'au départ, c'est ce que j'attendais de mon engagement. Je n'ai pas eu l'impression de plus évoluer dans ce sens. J'avais plus l'impression d'être au courant, l'année dernière, en assistant à des cours d'économie. Cette année je n'en ai plus, et finalement je m'attendais un peu à une continuité pour pouvoir continuer à être au courant des choses et en fait non. J'attendais beaucoup de ça, une sorte de formation parce qu'en plus il y a des économistes, il y a des gens très cultivés, très intéressants qui pourraient plus transmettre leur savoir et ça ne se fait pas réellement. J'ai l'impression qu'il y en a qui sont dans le même cas, ça fait peut-être deux ans qu'ils sont dans Attac, ils ont appris quelques trucs mais c'est encore quelque chose qui ne va pas très bien.

Laurent : À la réunion à laquelle tu as assisté, il y avait une sorte d'exposé sur l'économie et moi personnellement déjà je le trouvais au raz des pâquerettes. Moi il me semble qu'elle maîtrisait pas son sujet et elle aurait mieux fait de se taire. Il y a des choses qui étaient intéressantes mais ce n'était pas assez précis, c'était trop au niveau des idées générales voir des idées préconçues, ça n'était pas une vraie réflexion. Et puis à un moment elle nous a dit au sujet de la taxe Tobin qu'un pays tout seul pouvait le mettre en place, mais elle n'avait pas d'arguments elle disait simplement on peut le faire, alors que quand même ça se discute. Et puis il y eut d'autres réflexions de personnes qui ont dit de toute façon on n'a pas à rentrer dans le débat, ça n'est pas notre problème c'est une question philosophique et je ne suis absolument pas d'accord car il ne me semble pas que ce soit probant cette manière de réfléchir. C'est pour ça que je suis intervenu pour dire qu'au contraire pour défendre une revendication il faut essayer de la crédibiliser et de la porter de manière pragmatique, en l'argumentant. Au contraire il ne fallait pas avoir peur de rentrer dans les débats. Bon ça c'est clair que ça n'est pas au niveau des adhérents parce qu'il faut s'y connaître et même la personne qui est intervenue n'y connaissait rien, ça nous dépasse, il faut en être conscient mais le mouvement général a plutôt intérêt à argumenter précisément et à faire valoir ce qu'il y a de positif dans cette taxe [...] Je ne sais pas quel est son métier mais à un moment quelqu'un a posé une question et ça se voyait qu'elle le savait pas, alors moi je trouve ça très lâche car elle répondait « c'est compliqué », c'est vrai que c'est compliqué mais si elle se met en position d'expliquer les choses elle avoue qu'elle ne peut pas. Elle était censée connaître mais c'est clair que c'est un mensonge et qu'elle ne savait rien. Je ne l'ai pas dit car il faut quand même se méfier un petit peu. Ça m'a énervé quant à la dit un pays seul peut le faire, c'est-à-dire mettre en place la taxe Tobin. Pourquoi ? Parce que c'est possible. Ça c'est vraiment léger parce qu'il ne faut pas quand même... Ça a des implications économiques et des conséquences, je ne les connais pas mais je sais que ce n'est pas anodin de taxer les capitaux.

2.2.1.2.2 Des modes de formation peu attractifs

La seconde limite à l'éducation populaire et à la formation des militants réside dans la forme des actions qui sont proposées par le comité. Les réunions ne conviennent pas à certains enquêtés qui pensaient y trouver une réflexion plus dense. Le groupe « campus » semble mieux se prêter à ces débats. En effet, comme l'explique Cécile, le fonctionnement plus souple (il n'y a pas d'ordre du jour contrairement aux réunions publiques) et la taille plus réduite (une dizaine de militants par réunion) du groupe « campus » facilitent les débats d'idées. De plus, lors des réunions publiques, la participation est souvent monopolisée par les militants les plus investis. Isabelle explique que la participation à un groupe de réflexion est indispensable pour prendre part aux discussions, sous peine d' « être mis à l'écart ».

Les publications du Conseil scientifique constituent le principal moyen d'information469(*). Toutefois, elles ne semblent pas convenir à une approche pédagogique. Julie, qui participe au groupe « information», reconnaît d'ailleurs que le contenu de ces brochures reste difficilement accessible. Elle précise qu'un travail de simplification serait nécessaire à opérer. Isabelle regrette, qu'à l'occasion de la première réunion du comité à laquelle elle a assistée, une « grosse pile de documents » lui ait été remise sans aucunes explications. Elle avoue d'ailleurs ne les avoir jamais lus. La forme des documents d'information ne semble donc pas adaptée. Il existerait un décalage entre les attentes des militants et les opportunités qui leur sont proposées. Cécile considère qu'il existe une distance trop importante entre les militants et leurs outils de travail. Le fait que les militants ne participent pas à l'élaboration des documents serait, selon elle, à l'origine de ce problème. Elle suggère, par ailleurs, que les militants « retravaillent » les documents afin de se les réapproprier. Cette idée, qui a déjà été évoquée plusieurs fois, a pour l'instant été appliquée très rarement470(*). Les militants ne contribuent donc pas à l'élaboration de l'information qui provient du Conseil scientifique. Comment rendre compte de cette division du travail ?

Isabelle : En fait, ce qui me déçoit un peu avec Attac, c'est que je m'attendais à ce qu'on ait des débats de fond et surtout qu'on soit informé sur ce qu'on connaît moins. Alors que là, c'est ou tu connais ton thème et tu peux un peu t'insérer dedans, apporter des idées ou si tu ne connais pas tu te sens vite un peu mis à l'écart.

Julie : Il y a un autre versant c'est de faire au niveau local des choses qui permettent d'interpeller les gens et qui permettent de pousser à la réflexion, de faire une forme d'information sur ce qui ce passe, qui soit suffisamment...et c'est là le problème...qui soit suffisamment simple et tonique pour que ça accroche les gens et là on a beaucoup de progrès à faire parce qu'on ne sait pas encore bien faire. Je pense qu'il faut trouver des formes d'interpellation des gens que ce soit dans la rue ou que ce soit dans les manifestations, qui poussent à la réflexion. Et quand on prend par exemple nos petits documents, pour l'instant il faut se prendre la tête pour comprendre. Il y a un travail à faire de simplification... Enfin une simplification qui dit quand même quelque chose, qui soit abordable et qui accroche

Isabelle : Après ils nous ont filé de la documentation, la première fois une dame nous a donné un petit paquet de documents... Fort intéressant ! [Rires]

[...] Il y a un énorme problème de communication et de vulgarisation de l'information. Ils m'ont filé une grosse pile de documents, tu les regardes et tu les mets dans un coin ! Je ne les ai pas lus. Je les ai pris et j'en ai lu un ou deux. Mais c'est illisible, il faut se dire « je m'y plonge et j'y passe trois heures ». C'est dur à digérer mais courage ! Il faut vraiment se motiver, il faut faire un sacré effort ! Après, sans vouloir faire vraiment un effort, il n'y a rien qui est fait de façon attractive. Dans le journal d'Attac campus, il y en a qui sont un peu plus accessibles mais même au niveau d'Attac campus j'ai l'impression qu'il y a encore un problème. Ils sont déjà plus clairs mais je ne pense pas que ce soit accessible à tout le monde. Des gens qui n'ont pas fait l'économie, je suis désolé, il y a certaines choses qu'ils ne comprennent pas. C'est un peu compliqué. Mais je pense que les gens ne se rendent pas forcément compte, car dans Attac campus il y en a pas mal qui sont en sciences politiques et ils ont des cours d'économie. Mais ceux qui n'en ont jamais fait, ce n'est pas évident. Même moi qui ait fait deux ans d'éco, tu lis les articles, il y a certain trucs tu es là : oui d'accord... mais encore... Il y a des choses qui ne sont pas évidentes à comprendre.

Cécile : Travailler un tract, en fait tu t'appropries un tract en le retravaillant. Si tu veux distribuer un tract qui vient du groupe info, cela te donne des gens qui travaillent tous les documents cela donne des gens qui vont distribuer des tracts et qui ne les lisent pas. Il y a un certain nombre de militants d'Attac Isère qui ont très peu participer à des débats politiques, car il y a peu de débat politique Attac Isère [...] C'est vrai, que les adhérents d'Attac Isère gagneraient à se faire position personnelle [...]

Julie : Le niveau technique je crois que ce n'est pas trop de notre... Bon il y a des gens qui se sont penchés dessus, alors au niveau du conseil scientifique d'Attac et au niveau national, mais notre groupe ne s'est pas penché sur le technique, on a répondu à un moment donné à un questionnaire de travail sur la taxe Tobin : à quoi ça servait ? Qui pourrait gérer cela ? On a fait un travail dessus mais je crois qu'au niveau de notre groupe, les questions techniques ne sont pas la priorité. Parce que notre priorité est davantage à pousser les députés.

2.2.1.3 Un militantisme « passif »

2.2.1.3.1 Quelle « réappropriation » des idées ?

Le travail de formation vise à rendre les militants aptes à agir sur des thèmes à propos desquels ils étaient auparavant incompétents. Il s'agit de se « réappropier » des questions qui étaient auparavant déléguées aux seuls spécialistes en les rendant accessibles à tous (d'où le nom d'éducation populaire). Par leur militantisme, les adhérents devraient donc se sentir de plus en plus aptes à comprendre les problèmes économiques. Toutefois, trois phénomènes semblent prouver le contraire. En premier lieu, les enquêtés expriment à plusieurs occasions, au cours des entretiens, un sentiment d'incompétence. Ils ont tendance, lorsqu'il est question des modalités de la taxe Tobin par exemple, à se mettre en retrait. Ils se réfèrent souvent au Conseil scientifique d'Attac pour légitimer leurs propos.

D'autre part, ce sentiment d'incompétence explique que les militants du comité effectuent peu de diffusions de tracts. S'ils réalisent peu d'interventions publiques sur Grenoble, ce ne serait pas seulement par manque de temps mais, avant tout, parce qu'ils ne se sentent pas suffisamment compétents pour le faire. Par exemple, Cécile évoque la réaction d'un militant qui, au cours d'une réunion, expliqua qu'il n'était pas en mesure d'argumenter les revendications de l'association. François suppose également qu'il existe une importante différence entre les arguments utilisés dans les documents nationaux et la prise en compte qui en est faite au niveau local. Selon lui, les questions techniques, telles que le problème des retraites, ne sont pas maîtrisées par les militants du comité.

Enfin, la manifestation la plus pertinente de ce sentiment d'incompétence serait la relation que les militants locaux entretiennent avec les membres du Conseil scientifique. Les universités d'été de l'association'ont pris la forme de cours magistraux471(*). C'est également sur ce mode qu'a eu lieu le week-end d'éducation populaire de l'Heure Bleue en Isère. Cécile regrette que les militants viennent y chercher de l'information sans se permettre pour autant d'intervenir à la fin des conférences. Les exposés/conférences qui ont lieu lors de certaines réunions publiques empêchent également, selon elle, un véritable échange472(*).Elle explique d'ailleurs que c'est pour cette raison qu'elle a préféré que les militants du groupe « campus » organisent par eux-mêmes les débats techniques. Le recours à un intervenant extérieur risque, selon elle, de ne pas permettre d'engager un réel débat.

Il semblerait donc que les militants manifestent un certain sentiment d'incompétence qui s'exprime dans leur rapport à l'information. Tandis que les militants s'inscrivent dans une démarche de réappropriation, ils entretiennent une relation de pure extériorité avec l'information. Leur rapport à l'économie est comparable à la relation symbolique qui existe entre le sacré et le profane473(*). Le sacré est une qualité que le profane accorde aux choses et qui détermine les relations qu'il entretient avec elles. Ainsi, comme le note Roger Caillois, l'homme témoigne vis-à-vis du sacré un respect fait de terreur et de confiance. Son usage est régulé par un ensemble de rites initiatiques; il est réservé à une minorité d'individus. Les militants témoignent d'une relation similaire avec le savoir économique. Ils n'en sont que les vecteurs de transmission (de même que l'homme n'est que le porteur de la « bonne parole », image du sacré). L'usage du savoir est le fait de quelques membres éminents du Conseil scientifique qui jouissent d'un prestige considérable au sein de l'association. La relation entre les militants et les « savants » s'apparente à une relation inégalitaire, à une relation de domination.

Julie : Ce qui me semble le plus important c'est la finalité, car c'est du domaine politique, c'est du domaine d'un choix et après on peut réfléchir comment y arriver et on se rend compte que ce n'est pas si difficile que ça à mettre en place car apparemment toutes les banques le font, tout est enregistré... Bon ce n'est pas mon domaine mais ce n'est pas là où se situent les plus gros problèmes,

Cécile : Moi il y a beaucoup de sujets sur lesquels je n'ai pas de position. Il y a des thèmes sur lesquels je reprends l'argumentaire d'Attac sans forcément chercher des informations [...] Je pense qu'il y a beaucoup de gens d'Attac qui sont comme ça. On avait eu une réunion au Conseil d'administration au sujet d'aller voir des gens et distribuer des tracts et moi j'étais pour, et il y a un type qui a été militant syndical pendant des années, qui doit savoir dix fois plus ou choses que moi, qui disait qu'il n'avait pas forcément envie d'aller distribuer un tract ou d'aller voir les gens parce qu'il n'avait pas l'argumentaire et qu'il n'en savait pas suffisamment. On retrouve beaucoup ce thème chez les gens, cette peur de ne pas savoir, même s'ils ne veulent pas trop le dire parce que c'est fondé sur quelque chose comme la volonté de se réapproprier et de comprendre les mécanismes économiques. Et lui il se sentait mal à l'aise à aller distribuer un tract. Ce n'est pas une honte à aller dire à quelqu'un qui pose des questions que là-dessus je n'en sais rien et je n'ai pas d'opinion. C'est une culture de domination par le savoir, je pense.

François : Je pense de toute façon qu'il n'y a pas d'action efficace sans réflexion politique au sens large. Il n'y a pas aussi de réflexions politiques qui ne soient nourries d'action et c'est la vie sociale [...] Maintenant est ce que le va-et-vient existe ? C'est-à-dire est-ce que les structures de base se nourrissant du Conseil scientifique ? Je pense qu'à travers les ouvrages de vulgarisation, ça doit exister mais je ne pense pas que tout le réseau s'en saisisse. Je ne parle pas de tous les militants et de tous les adhérents mais je parle de toutes les structures. C'est une des difficultés qui n'est pas propre à Attac, c'est très dur de faire redescendre le travail d'élaboration qui est fait par les sphères intellectuelles d'une association ou d'un syndicat. [...] Pour Attac c'est pareil, il y a des positions sur les fonds de pension et je ne suis pas sûr que tout le monde maîtrise ce débat là aujourd'hui. Je pense que les revendications nationales sont justes et sont bien travaillées, il y a de la réflexion qui est solide. Mais sur le plan local les gens n'ont pas l'argumentaire, les militants d'Attac n'ont pas d'arguments en main, ils peuvent l'avoir sur papier quelque part mais il n'est pas acquis intellectuellement, ils ne s'en serviront pas dans une discussion. Attac il y a un problème dans la structure, c'est qu'il y a des cadres intellectuels comme un Conseil scientifique qui produit des choses mais qui est un peu coupé de la base militante.

Cécile : Par exemple quand on a des réunions sur des thèmes à Attac campus, on a fait le choix de ne pas faire venir à chaque fois un économiste ou un prof d'Attac pour nous faire un exposé. On fait l'exposé tous seuls, c'est-à-dire qu'il y a une personne ou deux qui travaillent un exposé et qui le présentent aux autres, qui arrivent à le présenter d'une façon un peu plus intelligible que le ferait un économiste ou un prof et du coup il y a un débat qui s'instaure qui est relativement égalitaire, parce qu'on est tous étudiants, donc la personne qui aura fait l'exposé, aura peut-être dit des paroles qui seront rectifiées par les autres. Là tu peux vraiment avoir un débat et te positionner. Et je trouve que c'est ce qui manque à Attac Isère [...] Dans Attac Isère et il n'y a pas ce débat là. J'avais été aux réunions de L'Heure Bleue et c'est vrai que ce sont des spécialistes [...] Dans Attac tu as quand même ce côté éducation populaire qui fait que même les membres du Conseil d'administration se perçoivent parfois comme les récepteurs de l'information et ils la transmettent à d'autres et ils ne pensent pas qu'avec leur positionnement ils peuvent peser dans cette information. Et L'Heure Bleue c'était un peu ça, c'était un peu on vient chercher de l'information et de l'analyse mais dans le débat on ne se sentira pas trop d'intervenir et en plus c'était un peu la forme du débat qui voulait ça parce que quand tu es dans une salle avec 200 personnes, tu ne vas pas intervenir en disant que tu n'es pas d'accord ou donner ta position. Pour l'instant les gens se forment pour pouvoir intervenir et peser sur les idées politiques.

F.E : Sinon est-ce que tu penses que la réflexion se fait au niveau d'Attac Isère, comme elle se fait au niveau national dans le Conseil scientifique ?

François : [...] Je pense qu'il y aurait une réflexion à avoir un sur le type d'action menée par les collectifs locaux et l'interaction que sa peut avoir avec le Conseil scientifique. Je pense que tout n'est pas de la faute de la base, je pense que c'est un mode de fonctionnement qui a des limites car il y a la tête et la base qui essaye de s'en saisir un peu mais qui sont cantonnés à des tâches pratiques. Ce sont un peu les bras.

2.2.1.3.2 La domination symbolique

La sociologie de Pierre Bourdieu s'est attachée à dévoiler les rapports de domination qui existent entre les hommes474(*). Les mécanismes de domination ne s'effectuent pas seulement, selon lui, à partir d'inégalités matérielles ou physiques mais sur la base de dotations en biens symboliques475(*). Ce rapport d'inégalité s'exprime par des violences (symboliques) dont certains acteurs, d'ordre institutionnels ou organisationnels, se font le relais (l'école, la presse). La participation au champ politique s'effectue à partir du sentiment de compétence de chaque acteur. Les dominés, qui ont tendance à se sentir incompétents vont s'auto-exclure en déléguant leur pouvoir de décision. Toutefois, les dominés sont inconscients de ces mécanismes. La relation de domination, qui n'est pas perçue comme telle, passe alors pour une relation de charisme476(*).

Ce processus rend compte du sentiment d'incompétence dont témoignent les militants. La différence de dotation de capital culturel « économique » entre les militants et les savants induit un rapport de domination symbolique par le savoir477(*). Les « savants » de l'association, du fait de leur connaissance, jouissent d'une reconnaissance auprès des militants. Leur légitimité intellectuelle devient alors une légitimité charismatique478(*). Le savoir détenu par une minorité accentuerait ainsi le sentiment d'incompétence des militants. Le travail d'éducation populaire, tel qu'il s'effectue au sein d'Attac, ne conduirait donc pas à une ré-appropriation479(*). Celle ci se manifesterait par l'accroissement du sentiment de compétence des militants. Tandis que les dirigeants d'Attac se réfèrent au thème récurent de la démocratie « par le bas », ils reproduiraient au sein de l'association un système de relations inégalitaires. Cette hiérarchie statutaire ne serait pas institutionnalisée, contrairement aux partis politiques. Elle relèverait d'un ordre symbolique. La formation intellectuelle, tout comme la prise de décision, s'effectue essentiellement du haut vers le bas. C'est pourquoi nous qualifierons le militantisme qui s'effectue dans Attac de « militantisme passif ».

Ces remarques semblent aller à l'encontre des évolutions du travail militant que Jacques Ion a pu observer au sein des organisations480(*). Il existait précédemment une répartition des tâches très stricte entre la direction nationale et les militants : « le schéma classique d'action alternait en réalité exposition de la puissance et négociation ; sommairement dit : les troupes défilaient, puis la direction discutait, s'appuyant sur la démonstration de force et menaçant d'une entrée en scène plus virulente de la base en cas d'échec »481(*). A cette division s'en ajoutait une seconde entre les intellectuels et la base. Désormais la distinction entre le haut et le bas du groupement serait de moins en moins nette. La négociation ne serait plus le propre de la direction, de même, que la protestation collective ne serait plus le propre du militant. De plus, la figure du militant et de l'intellectuel se rapprocheraient. Cette observation ne s'applique, selon nous, pas à Attac. L'intellectuel, loin d'être obsolète, recouvre au sein de l'association une nouvelle légitimité. En revanche, qu'en est-il de l'activité protestataire et revendicative ?

2.2.2 Les formes des mobilisations

Les formes des mobilisations collectives ne sont pas invariantes. Charles Tilly s'est attaché à rendre compte des évolutions des formes de la protestation collective. Il a tenté d'en faire une histoire482(*). Sa démonstration repose sur l'hypothèse que les individus n'utilisent pas indifféremment une forme d'action collective plutôt qu'une autre mais choisissent au sein de « répertoires » existants, lesquels varient selon les époques et les lieux, la population concernée, les avantages que présente l'habitude, mais aussi en fonction de l'attitude adoptée par les autorités et les organisations visées vis-à-vis des formes consacrées de l'action collective483(*). Chaque mouvement de protestation est confronté, selon lui, à un répertoire d'actions précis déjà testées auparavant par d'autres acteurs sociaux. Tilly privilégie, dans ses analyses socio-historiques, une perspective dynamique dans laquelle les répertoires d'actions sont renouvelés. Ces évolutions ont lieu selon trois processus : l'innovation ou l'adoption de nouvelles formes d'action, l'adaptation à des formes d'action déjà disponibles, l'abandon des formes d'actions qui paraissent peu appropriées, inefficaces ou dangereuses485(*).

Le répertoire d'action d'Attac est issu de la conjonction entre des modes de protestation déjà existants, anciens comme la grève ou issus des mouvements associatifs protestataires tels que l'usage symbolique des médias, et d'un ensemble de valeurs et d'attentes qui caractérisent les militants. Le répertoire de protestation utilisé par l'association constitue donc un indicateur des valeurs qui caractérisent l'engagement des militants.

Parmi les modes d'action auxquelles ont recours les militants, il est possible de distinguer trois caractéristiques : le recours aux actions symboliques, l'importance de la convivialité et la légitimité par le nombre.

2.2.2.1 Le renouveau du répertoire d'actions collectives

2.2.2.1.1 La prééminence du symbolique

La symbolique occupe une très grande place au sein des actions qui sont menées par l'association au niveau national. Par exemple, lors de la manifestation du 6 décembre 2000 qui avait eu lieue à Nice pour le sommet de l'Union européenne, les dirigeants d'Attac avait organisé une action « baignade » qui a bénéficié de très fortes retombées médiatiques486(*). Le lendemain, les militants d'Attac « gardent la vedette » en se rendant à la frontière monégasque où ils érigent un « mur de l'argent » avec des cartons frappés aux devises européennes. Là encore la présence médiatique est considérable487(*). La journée d'action contre les paradis fiscaux du 9 juin 2001 fut également l'occasion de recourir à des actions symboliques. Les militants d'Attac annoncèrent par voie de presse leur « débarquement » sur l'île de Jersey pour protester leur mécontentement. La police locale se mit sur le pied de guerre et des officiers spécialisés dans les techniques anti-émeutes de Gaslgow furent appelés en renfort. Toutefois, comme le précise un journaliste du Monde, « cette atmosphère de veillée d'armes cadre mal avec le programme : pique-nique, distribution de tracts par groupe de six (priés de ne laisser « aucun relief sur les lieux »), entretien accordé à une délégation d'Attac »488(*). Le mode de mobilisation de l'association apparaît profondément marqué par les évolutions qu'a connu le répertoire d'action collective depuis la fin des années soixante et qui se sont amplifiés au cours des années quatre-vingt-dix.

Toutefois, les mobilisations des militants du comité isérois ne relèvent pas du même répertoire d'actions collectives. Les formes de protestation restent ancrées dans un répertoire moins renouvelé et plus traditionnel. Par exemple, la journée d'action contre les paradis fiscaux qui avait pris une forme « originale » au niveau national s'est traduite par une simple distribution de tracts et d'affichage devant les banques du centre-ville de Grenoble. A l'occasion du congrès du Parti socialiste (24, 25, 26 novembre), les militants isérois avaient organisé « l'accueil » des congressistes à la gare par des « hommes sandwiches » distribuant des tracts. Des diffusions avaient également été réalisées devant le palais des congrès de Grenoble (Alpexpo). Les actions menées par le comité isérois s'effectuent sur une forme très distincte de celle qui est adoptée par la direction nationale d'Attac. C'est peut être ce qui explique, entre autres, la faible médiatisation du comité local tandis que l'association nationale bénéficie d'une large couverture médiatique. Comment rendre compte de cette importante différence entre le répertoire d'action local et le répertoire d'action national ?

2.2.2.1.2 Un mode d'action festif

Les mobilisations de l'association se caractérisent par la place qui est accordée à la dimension festive. Cette festivité est, tout d'abord, présente lors des événements de la vie interne de l'association. Les rendez-vous nationaux (Assemblées générales, universités d'été) se présentent, malgré le nombre de participants, comme des moments de convivialité entre militants. Des soirées «Attac » sont organisées par la direction nationale : projections de films, spectacles humoristiques, soirées dansantes, etc. Au sein du comité local, des regroupements de convivialité ont également lieu. Ces manifestations participent à l'élaboration, comme nous l'avons noté, d'une sociabilité organisée destinée à fédérer les militants de l'association. Elles semblent correspondre, selon l'enquête menée par Thomas Marty, à une certaine attente des militants489(*).

Toutefois, cette festivité est également présente lors des mobilisations externes de l'association. Par exemple, à l'occasion du 1er mai, un « réveillon » est organisé chaque année devant le palais de la bourse à Paris. Il s'agit de protester contre la « financiarisation » et les profits spéculatifs d'une manière joyeuse et conviviale. Le groupe « campus » a également mené un « jeu de loi alternatif » sur le thème de la spéculation. Ces formes d'action apparaissent, peut-être, comme un nouveau mode de protestation. Elles relèveraient, selon nous, de la conjonction entre une convivialité présente dans les organisations traditionnelles et l'attente de nouveau modes d'actions qui s'expriment depuis le début des années quatre-vingt-dix. Alors que les mouvements associatifs protestataires avaient exclu, en réaction aux organisations traditionnelles, la festivité comme mode d'action, Attac en ferait une composante majeure de son répertoire d'action collectif. Peut-on pour autant en conclure que le mode de protestation de l'association soit nouveau ?

Cécile : Notre première action était un jeu, sur le campus : comment devenir un gros porc spéculateur ! C'était un jeu de l'oie, super rigolo; on l'avait fait au terminus du tram, c'était vers mars.

F.E : C'était vous qui aviez lancé cette action ? Et cela avait bien marché ?

Cécile : Moyen, car les étudiants étaient venus jouer, mais on les connaissait déjà... (rires)

F.E : Et les personnes qui étaient devant le tram ?

Cécile : Oui, c'est marrant, parce qu'il y avait quelques personnes qui voulaient jouer mais qui ne regardaient pas forcément ce qu'il y avait écrit sur les cases. Il y a des gens qui disaient : « Oh je joue, c'est rigolo ! » Mais finalement ils n'avaient pas compris. Mais à la fin, il y a quand même quelques personnes qui nous ont demandé : « Mais c'est quoi Attac ? ». Mais nous, on s'attendait à ce que cela soit plus dynamique, on disait qu'il faut promouvoir davantage le militantisme, pour essayer de renouveler toutes ces actions. C'est bien de faire une action avec des formes rigolotes, mais comme c'est la première apparition, les gens ne connaissent pas encore Attac et c'était normal que cela ne marche pas du premier coup.

2.2.2.1.3 La légitimité par le nombre

La nouvelle forme de participation associative décrite précédemment a provoqué un renouveau du répertoire d'action collective des organisations. Jacques Ion observe que le nombre (d'individus) n'est plus le seul réfèrent du groupe. Ainsi, la légitimité ne s'acquiert plus, uniquement, à partir du nombre d'adhérents490(*). Le militant s'individualise et confère à l'organisation, par sa spécificité, une nouvelle légitimité. Les modes de protestation collective en sont affectés. Tandis que les précédents répertoires d'action collectif privilégiaient les « manifestations de force », les nouveau modes de protestation accordent moins d'importance au nombre et le rapport de force se symbolise par l'intermédiaire des médias491(*).

Les mobilisations au sein d'Attac accordent une large place à la dimension symbolique. Toutefois, l'instance de légitimation des revendications apparaît être avant tout le nombre. Selon les enquêtés la prise en compte des revendications de l'association doit s'effectuer, avant tout, par le nombre. L'importance qui est accordée à la progression des adhésions au sein d'Attac a d'ailleurs été mise en évidence. Le répertoire d'action collective est bien sûr lié à cette représentation de la légitimité. Par exemple, la principale action menée par Attac en faveur de la taxe Tobin fut le lancement d'une pétition. Celle ci a mobilisé l'association de décembre 1998 à octobre 1999, date à laquelle une délégation Attac remis cette pétition (de 110 000 signatures) à Laurent Fabius, alors président de l'Assemblée nationale492(*). Une pétition européenne avait également été lancée en avril 1999 en prévision des élections européennes du 13/06/1999493(*).

En revanche, on peut objecter que l'association n'a pour l'instant jamais organisé de manifestations « de masse ». La première manifestation nationale Attac aura lieu au mois de janvier 2001. François reconnaît, d'ailleurs, qu'il espère que près de 50 000 manifestants seront présents. Cette manifestation s'apparente donc bien à une mobilisation de masse494(*). On suppose que l'absence, jusqu'à présent, de telles manifestations traduit l'attachement au nombre plutôt qu'elle ne le contredit. En effet, c'est avant tout parce que l'association n'était pas en mesure de pouvoir rassembler les effectifs nécessaires, qu'aucune mobilisation de masse n'avait été organisée jusqu'à aujourd'hui. Cette hypothèse est confirmée par la situation du comité local. Aucune manifestation spécifique à Attac n'a pour l'instant eu lieu sur Grenoble. Les enquêtés expliquent qu'une mobilisation n'est pas envisageable pour l'instant car elle ne rassemblerait pas suffisamment de militants pour être représentative et crédible. Les enquêtés semblent donc fonder la légitimité à partir du nombre.

Le répertoire d'action collective de l'association manifeste certaines contradictions. La place accordée aux actions symbolique témoigne de la prise en compte du renouveau associatif. En revanche, la place accordée à la convivialité et l'affiliation de la légitimité au nombre traduisent le poids des modes d'actions traditionnels. Attac se situerait à la rencontre du neuf et de l'ancien. Cette ambiguïté ne peut se résoudre que par la recherche d'un mode de protestation qui soit spécifique à l'association.

Thomas : Le 24 novembre c'est la date de la grande manif nationale à Paris. On va essayer de ramener le maximum de gens et moi j'aimerais bien qu'on soit autour de 50 000 personnes et c'est possible. C'est une manif d'Attac sur les grands thèmes comme la taxe Tobin et l'annulation de la dette du tiers-monde, la pollution. C'est la première manif Attac, bien sûr il va y avoir beaucoup d'autres qui vont s'y associer, tous les membres fondateurs vont ramener des cars mais c'est Attac qui organise.

F.E : Est ce que vous avez déjà fait sur Grenoble une manifestation ou une action spécifiquement sur la taxe Tobin ?

Julie : [...] Une seule manifestation sur la taxe Tobin non ! Car pour l'instant ça nous a pas semblé suffisamment fédérateur pour qu'on soit suffisamment nombreux. On est 800 adhérents mais ça ne veut pas dire qu'on sera 800 personnes à manifester. Il faut quand même qu'il y ai un minimum de gens pour que ce soit crédible et pour que ce soit visible.

2.2.2.2 La recherche d'un mode de protestation légitime

« Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité et ne servent qu'à la relever davantage. Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l'irriter encore plus »
Pascal, Les provinciales, 12éme lettre 
2.2.2.2.1 Répondre à la violence

Les conflits sociaux internationaux tels que Seattle ou Gênes ont contraint les militants d'Attac à rechercher un mode d'action spécifique. En effet, ils furent confrontés au cours de ces mobilisations à des groupes qui incluent la violence dans leurs répertoires d'actions. L'action violente est une donnée qui a souvent été occulté, à tort, de l'analyse des mobilisations495(*). Charles Tilly est un des premiers auteurs a avoir intégré la violence dans sa réflexion, non pas en tant que fait spécifique mais en tant que modalité de la protestation collective496(*). La prise en compte de la violence apparaît essentielle, au sein d'Attac, dans la compréhension des formes de l'action militante.

Lors des contre sommets, une grande diversité d'acteurs politiques est représentée. Outre les acteurs traditionnels (associations, ONG, partis politiques, syndicats), des groupes anarchistes ont pris part à ces mobilisations. Tandis que les premiers s'inscrivent dans une perspective légaliste, les seconds sont, souvent, partisans d'un mode d'action plus violent. Par exemple, les mouvements autonomes qui se réclament du black bloc sont reconnus comme étant les plus violents lors des contre-sommets497(*). D'autres groupes, qui se réclament comme non violents, développent des stratégies d'action plus protestataires (blocage des voies d'accès, interposition directe face aux policiers) tels que Reclaim the streets, les Tutte bianche ou Ya basta. Au fil des contre-sommets, la violence fut de plus en plus présente de part et d'autre. D'importants dispositifs de sécurité furent installés dans les villes servant de lieux de réunion aux instances internationales. Par exemple, à l'occasion du sommet du G8 de juillet 2001, la ville de Gênes se transforma en un quasi-blockhaus498(*). Toutefois, les violences se multiplièrent.

Après ces événements, les responsables de l'association adoptèrent une position face à la violence. En réponse au sommet de Göteborg, le Bureau d'Attac publia un communiqué de presse par lequel ils se désolidarisa « totalement des groupes de provocateurs qui ont saccagé le centre-ville de Göteborg pendant le contre-sommet » et affirma la volonté d'Attac « à agir de manière non violente »499(*). Toutefois les positions des dirigeants de l'association sont plus ambiguës que ne pourrait le laisser penser ce discours « langue de bois ». On peut distinguer, vis-à-vis de la violence deux tendances contraires au sein d'Attac. Tout d'abord, Susan Georges pris position de façon très nette contre la violence et les groupes qui la pratiquent500(*). A l'inverse, certains, tel que Christophe Aguiton, tendent à accorder une place à la violence au sein des mobilisations sans pour autant la légitimer de façon claire501(*). Ce refus de condamner la violence suscita de vives polémiques au sein de l'association, d'autant plus que Christophe Aguiton dispose, selon certains, d'un passé militant «paramilitaire »502(*). Son organisation politique (la LCR) fut également accusée d'inciter les militants à la violence503(*). Suite au contre-sommet de Gênes, certains représentants d'Attac, tel que Ricardo Petrella, président d'Attac Italie et journaliste du Monde Diplomatique, considérèrent ces violences comme une réponse « inévitable » aux provocations policières504(*), ce qui revient à les légitimer.

Le comité isérois fut déjà confronté au problème de la violence. Par exemple, la mobilisation de Nice en décembre 2000 fut très mal vécue par certains militants. D'ordinaire, l'organisation des contre-sommets se fait par la direction nationale de l'association, tandis que les comités locaux constituent les troupes des mobilisations. Toutefois, à l'occasion du contre sommet de Nice la direction nationale n'appela pas à participer à l'encerclement du palais des congrès. Des comités Attac, dont celui de l'Isère, s'étaient mobilisés mais aucune organisation n'encadrait leur action. Les comités se dispersèrent parmi les manifestants et des militants de retrouvèrent mêlés à des groupes d'anarchistes. Cécile explique que la manifestation fut très violente et que beaucoup de militants d'Attac venus manifester pacifiquement furent très surpris du déroulement des événements.

Au sein du comité isérois, Luc nous précise, qu'il est possible de trouver cette divergence d'opinions parmi les militants. Suite aux violences de Nice, certains militants avaient refusé que le Conseil d'administration du comité appelle à manifester pour le contre-sommet de Gênes. A l'inverse, d'autres militants étaient partisans d'une action plus violente destinée à forcer la zone de démarcation. La position des enquêtés relève de la même ambiguïté que les propos de Christophe Aguiton. Ils refusent de soutenir la violence et se désolidarisent des casseurs mais ils ne les condamnent pas pour autant. Ils se positionnent dans une stratégie de démarcation vis-à-vis de la violence505(*). Les militants du comité refusent d'être amalgamés avec les groupes jugés plus radicaux. L'expression de Lionel (« Pas pour moi !») résume cette prise de distance. On peut peut-être expliquer cette réaction, de même que celle de Susan Georges, par la prise en compte de l'image du mouvement qui pourrait pâtir de la confusion.

Cécile : Je n'avais jamais vu une manifestation aussi violente. Les gens d'Attac qui étaient venus pour voir, s'attendaient à une manif fun, cool, genre carnaval, ils ont été surpris, mais sont restés. Mais je ne suis pas sûre, que les gens d'Attac se réinvestiraient dans une manif de ce genre surtout celle contre le G. 8, en juillet, qui s'annonce aussi violente [...] Mais surtout sur cette manif, c'est qu'il n'y avait pas eu de préparation collective de la part d'Attac Isère. Dans d'autres villes, il y avait eu une préparation, en disant ce qu'il fallait faire si on était arrêté, on pouvait appeler tel numéro d'avocat; que faut-il faire si on se trouve dans un poste de police ? [...] Je suis très critique sur Attac Isère ! On a du mal à organiser des réunions collectives et à donner des directives pour que les choses fonctionnent. Par exemple, pour Nice on n'a pas pu organiser de car; comme la réunion se déroulait sur trois jours, on a donné la possibilité aux gens de venir quand il voulait, le matin ou le soir. On avait organisé des covoiturages, on se donnait des rendez-vous sur le parking de Grand-Place à Grenoble à une heure matin. On ne savait même pas si on trouverait des voitures pour transporter les gens. On ne sait pas combien sont venus et les gens n'étaient même pas au courant, pour entrer dans Nice et où était la réunion..

Luc : La fois d'avant, par rapport à Gênes, on n'avait aucune information sur la manière dont ça allait se passer. Il y avait une peur d'intervenir à Gênes, parce qu'il y a eu l'expérience de Götegerg avec un mort, il y a eu l'expérience de Nice où on a tous étés relativement mal à l'aise parce qu'il n'y avait pas d'organisation et il n'y avait pas de moteurs. On n'avait pas envie que ça se reproduise. Donc dans le Conseil d'administration on a pu retrouver les deux tendances, la tendance Aguiton et la tendance Susan Georges, il y avait une tendance qui disait il faut aller démolir le mur autour de Gênes, une tendance extrême, il y avait tendance qui disait, compte tenu des problèmes de violence et des risques par rapport à la presse, il surtout ne pas Aller à Gênes, et puis une troisième tendance dont je faisais partie, qui disait « attendons d'avoir plus d'informations ! ». Pour moi en devait décider quand on n'avait plus information. On a passé huit heures là-dessus.. Alors on a attendu d'en savoir plus pour se décider à organiser quelque chose pour y aller. Parce que quelqu'un disait est-ce qu'on prend la responsabilité d'organiser quelque chose par rapport aux gens qui vont y aller ?

Julie : Peut-être qu'on aura une révolution, peut-être qu'il faut passer par là, il y a des soulèvements de plus en plus important, il faut voir ce que l'on veut, est-ce qu'on veut un soulèvement où on met des bombes partout où est-ce qu'on cherche à réagir et se mobiliser et réfléchir ensemble ? Je ne me vois pas aller poser des bombes et donc il faut bien faire autrement.

Lionel : Je n'avais pas été à Nice car c'était surtout sur l'Europe et je voyais ça moins important, c'est moins le rôle d'Attac. C'est un peu plus le rôle des syndicats. Il y avait eu pas mal de violence avec les Italiens et les Espagnols. Ma position est assez mitigée par rapport à la violence à savoir s'il faut l'utiliser ou pas. Je la comprends mais je dis « Pas pour moi !» Ça me renvoie un peu à mon passé.

F.E : Pourquoi votre passé ?

Lionel : Je n'avais pas participé à mai 68 mais au début des années 70 j'avais participé à des manifestations qui étaient dans la lignée de mai 68. C'était un peu une revanche sur mai 68 qu'on a pris là.

2.2.2.2.2 Quel mode de protestation ?

Les militants isérois ne surent pas comment réagir lors du sommet de Nice. Thomas explique qu'il n'a pas su quelle réaction adopter lorsque des anarchistes infiltrèrent le cortège Attac. Les difficultés rencontrées par le comité isérois lors du contre-sommet de Nice traduisent selon Cécile et François le manque d'organisation des militants. Cécile regrette que personne n'ait eu le réflexe de donner certains conseils de sécurité aux personnes qui sont venues manifester. Ceci s'explique, selon elle, par le manque d'expérience des militants. Les personnes les plus engagées au sein du comité disposent essentiellement d'une expérience syndicale. Parmi les enquêtés qui occupent des responsabilités dans l'association, Thomas est le seul à disposer d'un passé politique. Il bénéficie d'une expérience de l'action collective dont ne disposent pas les autres militants506(*). François souligne également que ce qui fait défaut aux militants isérois, c'est essentiellement une expérience et une réflexion concernant le problème de la violence. Il déclare disposer au sein de son parti politique (la LCR) d'une telle pratique qui lui permet d'adopter des réactions appropriées face à la violence.

Cécile : Tandis qu'Attac a réussi à faire venir des gens qui n'étaient pas militants, qui n'ont jamais été militant. Et ceci c'est dans tous les groupes locaux. Du coup tu te retrouves avec des trucs où les gens n'ont pas les réflexes militants. Moi j'étais énervé et pourtant je me suis quand même pas vieille, donc c'est un peu grave. J'étais énervé sur des trucs parce que moi j'avais déjà un réflexe militant. Je n'ai pas d'exemple en tête. Mais sur une action, les réflexes militants sont importants, sinon ça veut dire que tu reproduis et quelquefois tu ne te poses plus de questions. Ça permet d'avoir une certaine efficacité sur certains trucs aussi. Par exemple sur Nice, j'avais été à une réunion de préparation ; sur la question de la sécurité, j'étais intervenu pour dire qu'il fallait prévenir toutes les personnes qui venaient à Nice, et comment allait se passer la sécurité. Cela n'a pas été fait, mais j'étais intervenu là-dessus. Tu vois c'est des trucs qui ne venaient à l'esprit, parce que j'avais déjà vécu des situations comme cela et qui ne venaient pas forcément à l'esprit des gens alors que pour moi c'était évident.

François : On a une place en tant qu'organisation politique qui n'est pas contestable. On a une capacité de mobilisation qu'Attac n'a pas. Attaque peut faire quelque chose et faire venir une marée humaine mais c'est justement quand la marée est un peu incontrôlable que ça part dans tous les sens. C'est bien d'avoir une organisation politique qui a des traditions de réflexion sur la violence. On n'est pas violent quand on est dans une situation et qu'on a eu des réflexions on ne s'assoira pas parterre par exemple. On organisera un repli plus facilement. Organiser un repli de militants c'est le travail d'une association ou d'un parti qui a eu une tradition et un passé de service d'ordre et des discussions sur comment se protéger. C'est organiser sa propre protection [...] Le cortège de la Ligue n'a jamais explosé à Nice. Il y avait des drapeauxAttac dans tous les cortèges parce que leur cortège à la première charge s'est éparpillé dans tous les sens. Alors c'est facile que nous attaquer là-dessus et de nous traiter de paramilitaires !

Luc : Et le lendemain, il y a eu l'encerclement du sommet européen, on s'est retrouvé devant les flics partant un peu partout, on ne savait pas où aller, avec notre drapeau Attac et qu'est-ce qu'on fait devant les flics ? Qu'est-ce qu'on fait ? On attend. Il y avait des extrémistes avec leur drapeau rouge et ça créait une certaine tension, parce que sur leur drapeau c'était non seulement la faucille et le marteau, ce qui ne me choque pas trop en soi, bien que je trouve que c'est un peu désuet. Mais en plus il y avait la mitraillette sur le drapeau. Ils venaient au milieu de nous avec leurs drapeaux et ils les agitaient sous le nez des flics. Moi j'appelle ça de la provocation. De plus, on était mal à l'aise parce qu'on ne savait pas quoi faire. On n'était pas avec le groupe Attac mais on était avec des gens d'Attac qui étaient là. Il y avait plusieurs groupes Attac qui se baladaient un peu partout, parce qu'il n'y avait pas d'organisation. Il n'y avait rien d'organisé par le national, alors si c'était pour se retrouver dans les mêmes conditions à se retrouver devant le mur et à attendre ça ne vaut pas le coup.

Ce qui nous semble être en cause dans le déroulement des contre-sommets, ce n'est pas tant le manque d'organisation des militants que l'inadaptation du répertoire d'action des manifestants à la situation. Le déroulement d'une mobilisation peut servir d'illustration. Il s'agit de la manifestation qui a eu lieu le 20 juillet 2001507(*) à Gênes lors du G8.

Manifester à Gênes

La direction nationale d'Attac avait souhaité prendre en charge l'organisation du contre-sommet de Gênes. Un lieu de rendez-vous a servi de QG à l'association508(*). C'est là où les militants isérois ont pu à leur arrivée recevoir des informations sur les mobilisations prévues et sur les modalités d'hébergement. Les actions furent organisées par la direction d'Attac France et d'Attac Italie. Un briefing a eu lieu avant chaque action. Le déroulement des manifestations était expliqué aux militants509(*). Certaines consignes de sécurité ont été également indiquées (gaz lacrymogènes, réactions à adopter en cas de violences). Enfin des formations à la non-violence ont été proposées aux militants qui étaient volontaires. Un service d'ordre, composé de militants de l'association, avait été organisé afin de s'interposer entre les manifestants et les carabiniers. Il prit la forme d'une longue chaîne humaine qui entourait le cortège Attac durant les manifestations510(*). Attac faisait partie des organisations qui ne souhaitaient pas pénétrer dans la zone rouge. C'est pourquoi les actions organisées par l'association pendant le contre-sommet relevaient essentiellement d'une dimension symbolique. Par exemple, il fut décidé de préparer un franchissement du mur d'enceinte de la zone à l'aide d'un lâcher de ballon511(*). La seconde « action » des militants fut de se « faire entendre » au sein de la ville. Il s'agissait de produire un maximum de bruit à l'aide d'objets divers (clés, bouteilles, etc.) face au mur grillagé. Toutefois, au bout d'un certain temps, les militants se découragèrent. Un sentiment d'impuissance s'empara des manifestants512(*). C'est alors que certains optèrent pour des modes d'action plus « violents ». Des militants d'Attac tentèrent de démonter les grilles. Des membres du service d'ordre se sont interposés pour les en empêcher. Des projectiles ont ensuite été lancés par-dessus les grilles pour atteindre les carabiniers. Il s'agissait pour l'essentiel de bouteilles en plastiques, toutefois certains militants cagoulés lancèrent des projectiles enflammés (Ces militants ne sont probablement pas ceux d'Attac). Les forces de l'ordre ont alors répliqué en envoyant quelques gaz lacrymogènes et en aspergeant les militants à l'aide de canons à eau. Les altercations entre militants et carabiniers se sont alors progressivement espacés et le calme a été rétabli. Les militants se sont alors rapprochés vers la voie de sortie513(*). Des manifestants cagoulés profitèrent du mouvement de foule pour lancer des projectiles (peut-être des produits explosifs). Les policiers répliquèrent. Un mouvement de panique a alors eu lieu. La rue (qui était la seule issue de secours) était trop étroite pour que tous les manifestants puissent passer et des gens commencèrent à se bousculer.

Plusieurs remarques peuvent êtres faites à partir de ce récit. Tout d'abord, il existe au sein des militants certaines divergences d'appréciation. Par exemple, Christelle qui est membre du C.A isérois, a refusé de manifester au sein du cortège Attac. Elle a préféré accompagner les Tutte bianche dont elle juge les méthodes plus radicales et plus efficaces. Ces divergences sont d'ailleurs réapparues au cours d'une réunion qui a suivi la manifestation puis lors de l'université d'Arles514(*). Des militants souhaitaient de la part d'Attac un mode d'action plus revendicatif et moins symbolique.

En revanche, la majorité des militants isérois qui étaient présents à Gênes ont choisi une stratégie de non-violence. Ils ont participé aux manifestations et aux actions symboliques organisées par l'association et se sont comportés de façon légaliste. Suite à ces événements, les militants ont considéré qu'ils allaient être de plus en plus amenés à faire face au problème de la violence. Afin de pouvoir y faire face, ils envisagent de suivre une formation aux techniques de non-violence515(*).

Le répertoire d'action des militants ne paraît pas approprié aux mobilisations internationales. En effet, ceux ci ont recours à un mode de protestation traditionnel (fondé sur le nombre et la manifestation). Toutefois, il semblerait qu'il soit peu efficace lors des contre-sommets. Les militants qui refusent de recourir à la violence se retrouvent désemparés lors des manifestations516(*). Il existe un décalage entre le mode de protestation utilisé et la configuration des mobilisations internationales. Ce que traduit cette situation, c'est, selon nous, l'absence d'un répertoire d'action qui soit spécifique aux militants d'Attac. L'originalité et la nouveauté des mobilisations comme celles de Gênes rendent peut-être indispensable un renouveau des modes d'action.


CONCLUSION

« Le singulier acquiert une valeur scientifique quand il cesse d'être tenu pour une variété spectaculaire et qu'il accède au statut de variation exemplaire »

Canguilhem (Georges), « Du singulier et de la singularité en épistémologie biologique », in Etudes d'histoires et de philosophie des sciences

A

u terme de cette réflexion, il est possible de remettre en question le renouveau de la participation dont Attac témoignerait. Toutefois, avant toutes choses, il est nécessaire de rappeler que cette enquête concerne spécifiquement le comité Attac Isère. Les conclusions apportées ici n'ont pas la prétention d'être valables en tous lieux. Certaines spécificités du comité local ont d'ailleurs été mises en évidence (une forte opposition à la direction nationale, un réseau local associatif relativement faible, une prise de position distinctive concernant le rôle des personnes morales dans Attac). En revanche, certaines observations qui ont été faites peuvent être élargies à l'ensemble de l'association; pour deux motifs.

D'une part, le comité Attac Isère reflète certains caractères qui sont communs à l'ensemble de l'association (les revendications soutenues, la place de l'éducation populaire, etc.). D'autre part, les spécificités du comité ont permis de s'interroger sur certains aspects qui auraient pu passer inaperçus. Par exemple, les militants isérois sont très attachés au thème de la démocratie interne. Sans la prise en compte de ce problème, la compréhension des relations entre le local et le national n'aurait pas été possible. En bref, l'idée défendue est que l'individuel reste pertinent pour rendre compte de phénomènes sociaux de plus grande ampleur. Les spécificités dont l'individuel est porteur ne sont donc pas des obstacles à la connaissance mais ils en définissent les conditions de possibilité. Dés lors, on peut tenter d'établir certains traits distinctifs de l'engagement des militants à partir de nos observations; on pourra alors proposer une interprétation permettant d'en rendre compte. Celle ci nécessite bien sûr plusieurs confirmations avant de pouvoir être validée517(*).

Dans un premier temps, il est nécessaire de rappeler les principales évolutions qui caractérisent les formes actuelles de l'engagement. Celles-ci nous serviront de modèle pour qualifier l'engagement des Attacants518(*).

Jacques Ion a pu observer un renouveau de l'engagement à travers la participation des individus aux réseaux519(*). L'existence des réseaux n'est pas récente. Le Parti communiste disposait déjà d'une constellation d'unités associatives et syndicales qui lui étaient subordonnées. Toutefois, les réseaux ont connu de profondes transformations. Désormais les réseaux sont davantage fondés sur une communauté d'intérêts que sur une allégeance idéologique. Les réseaux hétéromorphes supposaient une organisation centrale qui puisse servir de référent aux différents groupements (il s'agissait le plus souvent d'un parti politique)520(*). A l'inverse, les réseaux isomorphes se constituent à partir d'organisations autonomes les unes vis-à-vis des autres. Celles ci ne sont pas issues du réseau, comme c'était le cas précédemment, mais elles lui préexistent. Ces évolutions rendent possible la prise en compte des spécificités de chaque organisation et de chaque adhérent. L'appartenance à un réseau n'apparaît plus comme une contrainte pour ses membres. Cette évolution traduit d'ailleurs la nouvelle place du militant au sein de son organisation.

Jacques Ion a également noté un renversement des valeurs militantes521(*). La liberté, le pluralisme, l'autonomie se sont substitués aux pratiques d' « appareil » qui caractérisaient les modes traditionnels d'organisation. Désormais, le fonctionnement exclut la centralisation des décisions ; la participation collective est mise en exergue. L'abandon d'une hiérarchie trop rigide, le refus de la centralisation vont de pair avec l'affirmation du militant en tant qu'acteur. En fait, ces deux évolutions structurelles (les nouveaux réseaux et la nouvelle place du militant au sein de l'organisation) témoignent de l'émergence d'une nouvelle modalité de la participation associative.

Tandis que le militant était précédemment celui qui « adhérait » à son organisation, c'est-à-dire qui coexistait à elle, les nouveaux militants se distinguent aujourd'hui par leur autonomie. La constitution des organisations s'effectue désormais à partir de regroupements ponctuels sur des revendications spécifiques. Cette évolution traduit l'émergence d'une thématique de l'agir « ici et maintenant »522(*). On passerait ainsi, selon l'expression d'Hannertz, d'une saisie des individus en termes d'atomes anonymes à une saisie en termes d'acteurs en mouvements. Le modèle de la participation n'est désormais plus celui de l'engagement militant, qui exigeait le sacrifice de soi au profit de la « cause », mais d'un engagement distancié523(*). L'individu n'est plus seulement l'objet de son organisation, il en devient l'acteur. Sa personnalité singulière se trouve désormais valorisée.

L'engagement distancié et la figure du militant qui lui est liée (moins adhérent et davantage acteur qu'objet de son organisation) traduisent l'avènement d'un nouvel âge de la participation. Plusieurs observations nous amènent à penser qu'Attac se distingue de ce modèle.

Attac est né du rassemblement d'un ensemble de syndicats, d'associations et de publications. Les premiers adhérents étaient d'ailleurs des personnes morales. C'est ainsi qu'il a été possible de fédérer plusieurs mouvements au sein d'un réseau. Toutefois, ce mode d'organisation présente certaines limites. La participation des membres fondateurs a été décisive pour la structuration et le lancement de l'association nationale. Sans ce réseau Attac n'aurait probablement jamais existé. Toutefois, il se révèle beaucoup moins prégnant au niveau local. Il semblerait que le comité isérois soit relativement « clos » vis-à-vis de l'ensemble du réseau grenoblois. Bien sûr des appels unitaires sont constitués régulièrement, des liens existent avec certaines organisations (Confédération paysanne). On est toutefois très loin d'un réseau similaire à celui qui a lancé l'association. Très peu d'actions sont véritablement menées de façon collective. Les liens qui existent entre les organisations ne se situent pas entre les militants mais entre les dirigeants. En effet, et c'est là la seconde limite de ce réseau, la transitivité des adhésions apparaît très faible. Les enquêtés ne semblent pas correspondre au modèle décrit par Jacques Ion. En effet, les militants ne cumulent pas différentes adhésions comme cela est le cas au sein des nouveaux réseaux524(*). Il semblerait que ce cloisonnement entre le comité local et le réseau associatif grenoblois s'explique par une volonté de démarcation des militants et par la peur d'être assimilé aux autres organisations. Le réseau associatif est donc davantage présent sur le plan national que sur le plan local. Son rôle a été avant tout de « lancer » l'association.

Le fonctionnement interne de l'association trahit également les observations formulées par Jacques Ion. Il s'avère que les enquêtés attachent beaucoup d'importance au thème de la démocratie interne. Leur engagement semble d'ailleurs être lié aux vertus qu'incarne le mode associatif. Toutefois, ce discours semble devoir être remis en question au regard des pratiques effectives des militants. Le fonctionnement de l'association, tant au niveau national que local, se situe à contre courant des évolutions que connaissent les organisations. La personnalisation des dirigeants, le manque de décisions collectives, le peu de place accordée aux militants, le blocage des statuts sont autant de signes manifestes de ce paradoxe. Ces dernières remarques nous incitent à s'interroger sur la relation qui existe entre le local et le national.

Il s'avère que la coupure entre les militants et la direction nationale est flagrante. Roberto Michels avait déjà pu observer que toute organisation est vouée à adopter un mode de fonctionnement oligarchique c'est à dire dans lequel une minorité s'approprie la direction525(*). La « tête » s'autonomise progressivement de la « masse » jusqu'à en être définitivement coupée. La recherche de Michels avec notre sujet est d'ailleurs frappante. Michels s'était interrogé sur le fait qu'un parti (le parti social-démocrate allemand du début du 20ème siècle) qui souhaitait exprimer les intérêts de ceux « d'en bas » puisse aboutir à une organisation très hiérarchisée. Il en serait peut-être de même pour Attac. Malgré la remise en cause des organisations traditionnelles, on assiste à une reproduction des pratiques d'appareil. Le mode de fonctionnement d'Attac s'apparente à certains égard aux partis de masse décrits par Maurice Duverger526(*). Le fondement de ces partis réside essentiellement sur le nombre d'adhérents. Ils se caractérisent par une forte centralisation des décisions, par une valorisation de l'adhésion formelle et enfin par la place qui est accordée aux cotisations. Ces éléments ont été mis en évidence au sein du comité isérois.

Les partis de masse se caractérisent par une forte concentration du pouvoir au profit d'une minorité. Cette coupure entre le haut et le bas des partis politiques témoigne selon Bourdieu d'une domination entre les dirigeants et les militants527(*). Celle ci est de nature symbolique. La légitimité dont bénéficient les mandants est une légitimité charismatique qui se fonde sur des dotations en capital culturel inégales. Cette relation de domination entre dirigeants et dirigés est selon nous présente au sein d'Attac. Contrairement à la thématique de la réappropriation qui constitue un objectif de l'association, on a pu observer que l'éducation populaire n'aboutit pas à un sentiment de compétence accru. Il semblerait même, que la relation de domination symbolique s'en trouve renforcée. Cette remarque peut être mise en rapport avec les partis de masse qui se caractérisent également, selon Duverger, par la tentative de fournir à ses militants une éducation politique et d'apprendre « le moyen d'intervenir dans l'Etat »528(*). L'éducation politique qui était prise en charge par les partis de masse peut être rapprochée de l'éducation populaire. Il apparaît donc difficile d'affirmer qu'Attac représente un renouveau des formes d'organisation. Sa structure s'apparente même à des modes très anciens de l'organisation partisane.

Les pratiques militantes témoignent des mêmes ambiguïtés que la forme de l'association. Les actions menées par les militants isérois relèvent de deux répertoires d'actions distincts. D'une part, elles témoignent d'un renouveau des modes d'action qui n'est pas propre à Attac mais qui a déjà été inauguré par d'autres mouvements tels que le DAL ou la Confédération paysanne. La symbolique occupe une place prépondérante dans ces mobilisations. D'autre part, les actions du comité isérois restent attachés à un répertoire d'action plus traditionnel. Par exemple le nombre (de manifestants, d'adhérents) reste le facteur de légitimité de la cause défendue. Les mobilisations de masse (pétitions, manifestations) constituent un mode d'action important au sein de l'association.

Les modes d'action appartiennent donc à deux registres distincts. Cette ambivalence est apparue lors des mobilisations internationales. A cette occasion, les militants se trouvent confrontés à des situations dans lesquelles les modes de protestation traditionnels (manifestation) paraissent inadéquats. Certains groupes ont fait le choix de la violence. Les militants d'Attac qui sont légalistes refusent de recourir à ce mode d'action. Toutefois, ils se trouvent face à un dilemme : renouveler leur mode d'action sans aller à l'encontre des valeurs auxquelles ils sont attachés.

A la question l'engagement au sein d'Attac témoigne t-il d'un nouvel âge de la participation associative ? Nous répondrons ceci : l'engagement et les pratiques des militants attestent d'un mode de participation qui se situe entre deux âges.

Attac s'inscrit dans des conflits sociaux contemporains. Le fonctionnement en réseau de l'association, la place accordée à la symbolique et aux médias mais aussi l'étendue des revendications défendues lui confèrent une place importante dans le renouveau de la participation. Toutefois, Attac se rattache à un mode d'organisation et de protestation qui restent ancrés dans des formes traditionnelles.

La singularité du mouvement ne réside donc pas dans sa nouveauté mais dans cette double filiation. Celle ci débouche parfois sur des contradictions auxquelles se trouvent confrontés les militants. Toutefois, c'est par le dépassement de ces contradictions qu'un renouveau de l'engagement peut survenir. L'entrée dans un nouvel âge de la participation est à ce prix.

Bibliographie

1 Sources

Articles de presse

Le Monde diplomatique

« Attac, c'est parti ! », 07/1998, p. 2.

« Attac s'organise », août 1998.

« Attac », septembre 1998, p. 2.

« Qui sont les lecteurs du Monde diplomatique ? », octobre 1998, pp. 14-15.

« Attac et Bercy », novembre 1998, p. 6.

Cassen (Bernard), « Pour des associations « citoyennes » en prise sur le mouvement social », 06/1997, p. 20.

Clairmont (Frédéric), « Ces firmes géantes qui se jouent des Etats », décembre 1999, p. 19.

Clairmont (Frédéric), « Ces firmes géantes qui se jouent des Etats », décembre 1999, p. 19.

Clairmont (Frédéric), « Menaces sur l'économie mondiale », mai 2001, p. 3.

George (Susan), « Comment l'OMC fut mise en échec », janvier 2000, p. 4.

George (Susan), « Violences à Gênes : L'ordre libéral à ses basses oeuvres », août 2001, p. 1.

Halimi (Serge), « Notre utopie contre la leur », mai 1998, p. 14.

Petrella (Ricardo), « Cinq pièges tendus à l'éducation », octobre 2000, p. 5.

Petrella (Ricardo), « Criminaliser la contestation », août 2001, p. 6.

Ramonet (Igniacio), « Désarmer les marchés », décembre 1997, p 1.

Toussaint (Eric), « Briser la spirale de la dette », septembre 1999, p. 23.

Le Monde

« Attac : un comité Attac a été créé au Conseil de Paris », 8/02/2000, p. 8.

Belleret (Robert), « Les militants d'Attac ajustent leurs arguments contre la mondialisation libérale », 28/08/2001, p. 5.

Bourdieu (Pierre), « Pour des Etats généraux du mouvement social européen », avril 2000.

Caramel (Laurence), Sévilla (Jean-Jacques), « Le forum de Porto Alegre a jeté les bases d'une autre mondialisation », 01/02/2001.

Chemin (Ariane), Mauduit (Laurent), « Les partisans d'une taxation des transactions financières passent à l' « Attac » », 8/05/1998, p. 6.

Chemin (Ariane), Mauduit (Laurent), « Le ministère des finances juge irréaliste une taxation des mouvements de capitaux », 2/10/1998, p. 7.

Fabre (Clarisse), « Le comité Attac de l'Assemblée nationale prépare son offensive », 23/09/1999.

Faujas (Alain), « Les avatars de la taxe Tobin ou comment calmer la spéculation financière ? », Supplément Le Monde Economie, 1/09/1998, p. 6.

Marti (Serge), « Quand Attac s'attaque à Davos »,3/02/1999, p. 4.

Stern (Babette), « La nouvelle économie en question au forum de Davos », 31/01/2000, p. 2.

Buhrer (Jean-Claude), « A Genève, ouverture chahutée du sommet social de l'ONU », 27/06/2000, p.2.

Beuve Mery (Alain), Monnot (Caroline), Lemaire (Nadia), Thépot (Stéphane), « Les manifestants contre l'OMC ont rassemblé entre 20 000 et 30 000 personnes en France », 30/11/1999, p. 2

Monnot (Caroline), « La gauche « mouvementiste » soutient la Confédération paysanne », 23/08/1999, p. 5.

Monnot (Caroline), « Les « anti-OMC » mobilisent contre le libéralisme », 25/09/1999, p. 9.

Monnot (Caroline), « Un homme d'appareil », 5/06/2000, p. 6.

Monnot (Caroline), « Syndicalistes et antimondialistes dans la rue pour l' « Europe des droits sociaux », 8/12/2000, p. 3

Zecchini (Laurent), « Les « antimondialisation » sabotent le sommet européen de Göteborg », 17-18/06/2001, p. 2.

Weil (Nicolas), « Attac, ni norme anglo-saxonne, ni modèle américain de contestation », 5/06/2000, p.6.

Weil (Nicolas), « Attac débarque à Jersey pour dénoncer les paradis fiscaux », 9/06/2001.

Libération

Dély (Renaud), Losson (Christophe), « Le PS débordé par la déferlante Attac », 21/06/2000, p. 12.

Dubois (Nathalie), « Pendant le G8, Gênes coupé du monde. L'Italie a prévu de nombreuses mesures de sécurité pour encadrer le sommet du 20 juillet », 18/06/2001, p. 4.

Fillipis (Vittorio), Riché (Pascal), « Comment l'OMC est devenue ce qu'elle est », 29/11/1999.

Forcari (Christophe), Nathan (Hervé), « Nice, carrefour européen des contestations », 6/12/2000.

Forcari (Christophe), « Attac en pleine crise de croissance », 30 octobre 2000.

Sabatier (Patrick), « L'organisation mondiale de la contestation », 29/11/1999.

Sabatier (Patrick), « La mondialisation ne tourne plus round», 6 /12/1999.

Sabatier (Patrick), « Seattle prolonge l'état d'urgence », 2/12/1999.

Serafini (Tonino), « Dans la Drôme les OGM s'arrachent à la pelle », 27/08/2001, p. 1.

Pénicolt (Nicole), « Les riches partagent l'affiche », 25/01/2001.

Losson (Christian), « Taxe Tobin : Attac continue le combat. », 28/08/2000.

Losson (Christian), « Des anti-mondialisation dans la tactique de l'affrontement. Des mouvements anars radicalisent la contestation », 18/06/2001, p. 3.

Losson (Christian), « Christophe Aguiton, un des responsables d'Attac : « On doit comprendre l'impatience et les frustrations des militants » », 18/06/2001, p. 4.

Losson (Christophe), Nathan (Hervé), « L'Europe sociale sur la Promenade », 7/12/2000.

Losson (Christophe), « Les mouches du coche d'Attac », 27/08/2001, p. 9.

Rousselot (Fabrice), « Les «Anti», de Seattle a Washington »,15-16/04/2000.

Serafini (Tonino), « Dans la Drôme les OGM s'arrachent à la pelle », 27/08/2001, p. 1.

Autres

Bazri (Nadia), « A grenoble Attac s'organise... », Fac en vrac, n°11, 15/12/1999.

Cassen (Bernard), « Attac : d'abord comprendre », Education populaire : le retour de l'utopie, Politis, n°29, 02-03/2000, Hors série, p. 39.

Ferrand (Christine), « La contestation : un marché de poche », Livre Hebdo, 01/12/2000.

F.K, « Attac, cette gauche qui gêne la gauche », Express, 14/06/2001, p. 92.

Ginisty (Bernard), « Attac, le renouveau de l'éducation populaire », Témoignage chrétien, 24/06/1999.

J-P-F, « Sous le soleil ? Pas exactement... », Le Dauphiné Libéré, 2/05/2001.

Lopez (Veronique), « Les nouveaux contre-pouvoirs », in Politis, 9/11/2000, pp. 26-31.

Maillard (Thibault), La Base Attac, De L'Air, mai/juin 2000, p. 39.

Masson (Paule), Trautemann (Flore), « Attac, une idée qui marche », L'Humanité hebdo, 23-24/10/1999, p. 12.

Pirot (Patrick), « Qu'est-ce que la mondialisation ? », Politis, n°566, 16/09/1999.

Pirot (Patrick), « Porto Allegre-Davos : la guerre des mondes », Politis, 18/01/2001.

Sahuc (Michel), « La taxe Tobin : soin palliatif du capitalisme », Le Monde libertaire, 117/-23/12/1998.

Soula (Claude), « Davos : les maîtres du monde », Le nouvel observateur, n°1788.

Trautmann (Flore), « Révoltés Enthousiastes. Venu des quatre coins de France, les militants ont longuement débattu de l'identité de leur mouvement », L'Humanité, 25/10/1999.

Entretiens

Entretien n°1 : François; entretien n°2 : Cécile; entretien n°3 : Fabien ; entretien n°4 : Laurent; entretien n°5 : Isabelle; entretien n°6 : Lionel; entretien n°7 : Julie; entretien n°8 : Thomas; entretien n°9 : Luc.

Internet

Attac talk

Acounis (Henri), « Extrait du quotidien Le Devoir du 6 mai 2001 », http://www.attac-talkg.org. 8/05/2001.

Douillard (Luc), « Cher Bernard Cassen », Attac talk, 26/03/2001.

Goareguer (Pascal), « Götebog suite, et un peu de politique », Attac talk, 06/07/2001.

Site d'Attac France : http://Attac.org/fra.html.

« Problématique du groupe thématique 'Femmes et mondialisation' d'Attac, exposée au Conseil scientifique », juin 2000

Attac, « Collège des fondateurs ».

Attac, « charte de l'association Attac. Texte adopté le 3 juin 1998 »,

Attac, « Plate-forme du mouvement international « Attac » », 11-12/12/1998.

Attac, « Attac, mode d'emploi », Paris, été 1998.

Attac ,« Statuts Types des comités locaux « loi 1901 » »

Attac 14éme, « Pour un Attac pluriel et mixte » http://www.local.attac.org/paris14/FM/Archives/attac14groupefm07.htm.

Bureau, « Sanctionner la grande criminalité écologique et instaurer la responsabilité pénale personnelle des P-DG », 4/01/2000Communiqué « PARE » Paris, 03/07/2000

Bureau, «Contre la spéculation boursière à l'école », Lettre du bureau aux animateurs des comités locaux, 8/03/00

Bureau, « Attac et le politique », 22 mars 2000.

Bureau, « Rapport d'activité 2000 », 29-29/10/2000.

Bureau, Communiqué « Danone », 04/01/2001.

Bureau ,« Déclaration du Bureau d'Attac France : après les incidents de Göteborg », 19/06/2001.

Cassen,( Bernard), « Comprendre et agir avec Attac », été 1998.

Conseil scientifique, « La taxe Tobin : comment la gérer et pour financer quoi ? », p.4

Conseil scientifique, «Empêcher le hold up des transnationales sur le vivant », 06/1999.

Ginisty (Bernard), Rapport financier pour 1999.

Passet, (René), « Un bilan à la fin 2000 ».

Site d'Attac Isère : http://local.Attac.org/Attac38.html.

Attac Isère, « Position d'Attac Isère sur l'adhésion des partis et collectivités », 10.01.2000..

Attac Isère, « Demande d'inscription à l'ordre du jour de l'AG 2000 d'Attac », 20.07.00.

Attac Isère, « Rapport d'activité 2001 »

Attac Isère, « Compte rendu de l'Assemblée générale d'Attac Isère-38 », Grenoble, 24/02/2001.

Attac Isère, Lettre aux adhérents, 05/2001

Publications Attac

Lignes d'Attac :

ü « Tout sur les assises de la Ciotat. Elections : mode d'emploi », Paris, n°3, 09/1999, p. 3.

ü « Attac solidaire de José Bové et des militants de la Confédération paysanne », Paris, n°8, 09/2000, p. 3.

Ouvrages

Attac France, Agir local, penser global, Paris, Mille et une nuits, 2000.

Attac France, Tout sur Attac, Paris, Mille et une nuits, 2000, p. 127.

Attac France, Une économie au service de l'homme, Paris, Ed Mille et une nuits, 2001, p. 283.

Chesnais (François), Tobin or not Tobin. Une taxe internationale sur le capital, Paris, Esprit frappeur, 1998, p. 59.

Gallin (Dan), « Réinventer la politique du mouvement syndical » in Attac, Contre la dictature des marchés, La dispute-Syllepses-Vo éditions , 1999, pp. 103-121.

Observatoire de la mondialisation, Lumière sur l'AMI. Le test de Dracula, Paris, L'Esprit frappeur, 1998, p. 83.

Autres

iFrap, Tobin : la taxe pour les esprits faibles, Paris, Les dossiers de l'iFrap (Institut Français pour la Recherche sur les Administrations Publiques), n°64, Septembre/Octobre 1999, p. 3.

1 Bibliographie

Manuels

Beitone (Alain), Dollo (Christine), Gervasoni (Jacques), Le Masson (Emmanuel), Rodrigues (Christophe), Sciences sociales, Paris, Ed Dalloz, 1997, p. 349.

Berthelot (Jacques), Le dictionnaire de notre temps, Paris, Hachette, 1988, p. 1173.

Chagnollaud (Dominique), Science politique, Paris, Dalloz, 1999, p. 161.

Rey (Alain) dirigé par, Le petit Robert des Noms Propres, Paris, Ed Le Robert, 1996, p. 2259.

Méthodologie

Les ouvrages référencés ci dessous n'ont pas tous étés cités, mais ils ont contribué à la préparation et au déroulement des entretiens. C'est pourquoi nous les signalons.

Beaud (Stéphane), « L'usage de l'entretien en sciences sociales. Plaidoyer pour l'entretien ethnographique », Politix, n°27, 1994, pp. 5-24.

Beaud (Stéphane), Weber (Florence), Guide de l'enquête de terrain, Paris, La découverte, 1998, p.328.

Kaufmann (Jean-Claude), L'entretien compréhensif, Paris, Ed Nathan, 1996, p. 126.

Lagrave (Jean-Baptiste), « La neutralité de l'entretien de recherche. Retour personnel sur une évidence », Politix, n°35, 1996, pp. 207-225.

Mayer (Nonna), « L'entretien selon Pierre Bourdieu. Analyse critique de la misère du monde », Revue française de sociologie, n°36-2,1995, pp. 355-370.

Michelat (Guy), « Sur l'utilisation de l'entretien non-directif en sociologie » , Revue française de Sociologie, n°16, 1975, p. 232.

L'engagement et le militantisme

Agrilolansky (Eric), La Ligue des droits de l'Homme (1947-1990). Pérennisation et transformation d'une entreprise de défense des causes civiques, thèse de sciences politiques pour doctorat, IEP Paris, Favre (Pierre), 1997.

Agrikoliansky (Eric), « Carrières militantes et vocations à la morale : les militants de la Ligue des Droits de l'Homme dans les années 1980 », Devenirs militants, Revue Française de sciences politiques, vol 51, n°1-2, 02-04/2001, pp. 27-46.

Bourdieu (Pierre), « La représentation politique. Eléments pour une théorie du champ politique », Actes de la recherche en sciences sociales, 36-37, février-mars, 1981, pp. 3-25.

Blondiaux (Loïc), « Les clubs politiques », Politix, 02/1988, p. 42.

Denni (Bernard), « L'engagement politique », in Grawitz (Madelaine), Leca (Jean), Traité de science politique, Paris, PUF, Tome III, 1985, pp. 310-370.

Denni (Bernard), Lecomte (Patrick), Sociologie du politique, 1990, p. 159.

Duchesne (Sophie), « Le paradoxe de la citoyenneté », in Pascal Perrineau, L'engagement politique. Déclin ou mutation ?, Paris, Presse de Sciences Po, 1994, pp. 185-214.

Fillieule (olivier), Péchu (Sophie), Lutter ensemble les théories de l'action collective, Paris, L'harmattan, 1993, p. 221.

Gaxie (Daniel), « Economie des partis et rétributions du militantisme », Revue Française de Sciences Politiques, vol 27, n°1, fév 1977, pp. 123-154.

Guillot (Caroline), Le militantisme à la Ligue des Droits de l'Homme : une entreprise morale et politique, Grenoble, Mémoire IEP, Ihl (Olivier) sous la responsabilité de, 1998-1999.

Ion (Jacques), La fin des militants ?, Paris, Ed ouvrières, 1997, p. 124.

Ion (Jacques), « Engagement associatif et espace public » in Mouvements, n°3, 04/1999, p. 67.

Lemieux (Vincent), Les réseaux d'acteurs sociaux, Paris, Presses Universitaires de France, 1999, p.11.

Mayer (Nonna), « Les mutations du militantisme » in Hommes et libertés, n°97, 1998, p. 88.

Michels (Roberto), Les partis politiques, Paris, Flammarion, 1971.

Neveu (Erik), Sociologie des mouvements sociaux, Paris, Ed La découverte, 2000, p. 125.

Ostrogorski (Mosci), La démocratie et les partis politiques , Ed Fayard, 1993, 2éme éd, 1912, p. 239.

Perrineau (Pascal), « Pour une histoire de l'engagement politique » in Perrineau (Pascal) dir., L'engagement politique, Paris, Presse de la FNSP, 1994, pp. 13-19.

Reynaud (Emmanuelle), « Le militantisme moral » in Mendras (Henri), La sagesse et le désordre, Paris, Ed Gallimard, 1980, pp. 271-286.

Les mouvements sociaux

Aguiton Aguiton (Christophe), Bensaïd (Daniel), Le retour de la question sociale. Ed Page Deux, Lausanne, 1997, p. 215. Les articles utilisés sont les suivants : Aguiton (Christophe), « Pistes pour un renouveau syndical des mouvements sociaux », 01/1997. Aguiton (Christophe), « Militer » Le Monde de l'éducation, juin 1997. Aguiton (Christophe), « Le point d'inflexion de novembre-décembre 1995 » in Futur Antérieur, n°33-34, 01/1996. Bensaïd (Daniel), « Contre-réforme libérale et rébellion populaire », in New left review, n°215, 01/02/1996.

Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), Le mouvement social en France. Essai de sociologie politique, Ed La dispute, Paris, 1998, p. 222.

Caron (Michel), « Nouveaux Mouvements Sociaux, les hussards du ici et maintenant », in CFDT Magazine, n°216, juin 1996.

Duhancourt (Pierre), « Travaux pratiques » in Nouveaux regards, n°12, Hiver 2000, p. 7.

Guilhaumou (Jacques), La parole des sans. Les mouvements actuels à l'épreuve de la révolution français, Paris, ENS édition, 1998, p. 107.

Inglehart (Ronald), « Choc des civilisations ou modernisation culturelle du monde ? », Le Débat, n°105, 1999, pp. 21-54.

Lapeyronnie (Didier), « Le renouveau des conflits sociaux », Sciences Humaines, Hors-série n°26, 09/10/1999, pp. 50-54.

Lyonnais (Laurence), L'Europe des sans-papiers : vers un mouvement social de type nouveau ?, mémoire pour le diplôme d'IEP, Grenoble, Lemasson (Sylvie), Marcou (Jean) sous la direction de, 1999/2000, p. 148.Pingaud (Denis), La gauche de la gauche, Paris, Ed Seuil, 2000.

Touraine (Alain), « La voix et le regard », in Sociologie des mouvements sociaux, Ed du Seuil, Paris, 1978, p. 48.

Wievorka (Michel), « Un nécessaire aggiornamento », in Nouveaux regards, n°12, Hiver 2000.

Le militantisme associatif

Barthélémy (Martine), « Le militantisme associatif », in Perrineau (Pascal) dir., L'engagement politique, Paris, Presse de la FNSP, 1994, pp. 87-114.

Barthélémy (Martine), Les Associations : un nouvel âge de la participation ?, Paris, Presse FNSP, 2000, p. 286.

Marty (Thomas), Sociologie de l'association Attac Toulouse : Des positions sociales aux prises de position cognitives. Etude sociologique par questionnaire et observation directe, mémoire pour le diplôme de l'IEP de Toulouse, Conte (Claire) sous la responsabilité de,1999/2000, p. 155.

Mehl (Dominique), « Culture et action associative » », Sociologie du travail, n°1, 01/1982, p. 26.

Varennes (Stanislas), Le militantisme associatif : participer autrement, Mémoire pour le DEA de l'IEP, Grenoble, Denni (Bruno) dirigé par, 1990, p. 104.

Divers

Ansart (Pierre), Les sociologies contemporaines, Paris, Ed du Seuil, collect « Points », 1990, p. 342.

Cabin (Philipe), « Dans les coulisses de la domination », Sciences humaines, n°105, mai 2000, pp. 24-28.

Chauvel (Louis), Le destin des générations. Structures sociale et cohortes en France au 20éme siècle, Paris, PUF, 1998.

Bourdieu (Pierre), Propos sur le champ politique, PUL, Lyon, 2000.

Corcuff (Philippe), Les nouvelles sociologies, Paris, Ed Nathan, 1995, p. 126.

Dogan (Mattei), Narbonne (Jacques), Les Françaises face à la politique, Paris, Ed A. Colin, 1955, p.191.

Desrosières (Alain), Thévenot (Laurent), « La nomenclature de 1982 : les professions et catégories socio-professionnelles », Les catégories socio-professionnelles, Paris, La découverte, 1988.

Duverger (Maurice), Les partis politiques, Paris, A. Collin, 1957, 1ère éd. 1951, pp. 84-85.

LeGoff (Jean-Pierre), Mai 68, l'héritage impossible, Paris, Ed La découverte, 1998, p. 20.

Lavabre (Marie-Claire), Le fil rouge. Sociologie de la mémoire communiste, Paris, Presses de la FNSP, 1994, pp. 267-277.

Mouriaux (René) « Les syndicats sous la Ve République » in Chagnollaud (Dominique) dirigé par, La vie politique en France. Paris, Ed du Seuil, 1993, pp. 344-364.

Weber (Max), Economie et société, 1920, tome 1, Paris, Plon, Reed 1971, p. 219.

Table des matières

INTRODUCTION 5

La figure du militant 5

Au départ, un éditorial 6

La présentation de soi 8

Une étude comparative 11

Un nouvel âge de la participation associative ? 12

Un renouvellement des approches de l'engagement et de la participation politique ? 13

L'enquête de terrain 15

La diversité des enquêtés 17

Les systèmes de représentation 18

La mise en question(s) des engagements 19

PARTIE 1 LE MODE ASSOCIATIF

1 Une forme associative renouvelée ? 23

1.1 La mise en scène du mouvement 23

1.1.1 L'« appel » du Monde Diplomatique 24

1.1.1.1 Une référence culturelle associative 24

1.1.1.2 La construction symbolique de l'origine 29

1.1.2 La présentation de soi 32

1.1.2.1 Le rattachement à l'éducation populaire 32

1.1.2.2 La construction d'une dynamique associative 35

1.1.2.3 La stratégie de médiatisation 38

1.2 Une dialectique entre le local et le national ? 42

1.2.1 Les statuts et l'organisation d'Attac 42

1.2.1.1 La charte fondatrice 42

1.2.1.2 Les statuts de l'association 44

1.2.2 Le développement local d'Attac 47

1.2.2.1 La constitution des comités locaux 47

1.2.2.2 Le comité isérois 49

1.2.3 La reconnaissance des comités locaux 52

1.2.3.1 Une reconnaissance légitime ? 52

1.2.3.2 La modification des statuts 55

1.3 Une « démocratie interne » contestée 59

1.3.1 La remise en cause du « directoire national » 59

1.3.1.1 Un mode de fonctionnement collectif 59

1.3.1.2 Le refus d'une personnalisation du pouvoir 61

1.3.1.3 Les contradictions du comité isérois 64

1.3.2 Les relations entre Grenoble et Paris 69

1.3.2.1 Une relation d'opposition critiquée 69

1.3.2.2 Des relations sans ambiguïtés ? 70

2 La part associative de l'engagement................................................................. 74

2.1 Les vertus associatives 75

2.1.1 Une liberté d'action supplémentaire 75

2.1.1.1 Le refus d'un fonctionnement hiérarchique et centralisé 75

2.1.1.2 L'association : une organisation au fonctionnement souple 77

2.1.2 Le respect du pluralisme 79

2.1.2.1 Le refus du conformisme 79

2.1.2.2 Un engagement plus parcellaire 82

2.1.3 Une liberté contestée............................................................................................ 85

2.2 Un engagement précis mais global 91

2.2.1 Lutter contre la spéculation 91

2.2.1.1 La taxe formulée par James Tobin 91

2.2.1.2 La ré-appropriation de la taxe Tobin par Attac 93

2.2.2 L'élargissement des revendications 96

2.2.2.1 De la taxe Tobin au boycott de Danone 96

2.2.2.2 les logiques de ces élargissements 99

2.2.3 Limites et unité 103

2.2.3.1 Des revendications illégitimes ? 103

2.2.3.2 Les limites aux revendications 108

2.2.3.2.1 L'unité d'Attac : la lutte contre les marchés financiers 108

2.2.3.2.2 Le risque de confusion 109

PARTIE 2 PARTICIPER AUTREMENT

1 Les nouveaux conflits sociaux 115

1.1 Le réveil de la protestation collective 115

1.1.1 La nouvelle dynamique des mouvements sociaux 116

1.1.1.1 Déclin et renouveau des conflits sociaux .......................................................... 116

1.1.1.2 L'interprétation des conflits sociaux..................................................................... 119

1.1.2 Quel renouveau de l'engagement ? 122

1.1.2.1 La participation des enquêtés 122

1.1.2.2 La mythification des mouvements sociaux 126

1.2 Les nouvelles formes de mobilisation 128

1.2.1 L'internationalisation des conflits sociaux 129

1.2.1.1 La naissance des « contre-sommets » 129

1.2.1.2 La constitution d'un réseau anti-mondialiste 132

1.2.2 Les formes de la participation associative 134

1.2.2.1 L'intégration de l'individu aux réseaux verticaux 134

1.2.2.2 Un nouvel âge de la participation ? 136

1.3 La place d'Attac au sein du réseau anti-mondialiste 138

1.3.1 Un réseau associatif diversifié 138

1.3.1.1 Les associations protestataires 139

1.3.1.2 Le rôle des intellectuels dans les conflits sociaux 140

1.3.2 L'influence des syndicats dans Attac 142

1.3. 2.1 La recomposition syndicale 142

1.3.2.2 Un réseau syndical isérois peu dense 148

1.3.3 L'adhésion comme acte individuel 151

2. Des nouveaux militants ? 157

2.1 La compréhension de l'engagement 157

2.1.1 La figure des militants 159

2.1.1.1 Une forte catégorisation socioprofessionnelle 160

Document : Structures socioprofessionnelles comparées 164

2.1.1.2 La prédominance des classes moyennes 165

2.1.2 Les catégories socio-démographiques 167

2.1.2.1 Le genre et l'âge des Attacants 167

2.1.2.2 Une génération 68 ? 169

Document : Structures générationnelles comparées 173

2.1.2 La nature de l'engagement 175

2.1.2.1 La référence à la citoyenneté 175

2.1.2.2 Une entreprise morale ? 178

2.1.2.3 Des valeurs post-matérialistes aux intérêts catégoriels 181

2.1.3 Les rétributions du militantisme 185

2.1.3.1 une formation orientée vers l'action 186

2.1.3.2 L'investissement personnel 187

2.1.3.3 L'inscription dans un réseau de sociabilité 191

2.2 Un militantisme « par le bas » ? 196

2.2.1 Le travail d'éducation populaire 196

2.2.1.1 Informer et comprendre 196

2.2.1.1.1 L'information économique 196

2.2.1.1.2 Une formation militante 199

2.2.1.2 Les limites de l'éducation populaire 200

2.2.1.2.1 La vulgarisation des revendications 200

2.2.1.2.2 Des modes de formation peu attractifs 206

2.2.1.3 Un militantisme « passif » 208

2.2.1.3.1 Quelle « réappropriation » des idées ?............................................................. 208

2.2.1.3.2 La domination symbolique........................................................................... 211

2.2.2 Les formes des mobilisations 213

2.2.2.1 Le renouveau du répertoire d'actions collectives 214

2.2.2.1.1 La prééminence du symbolique 214

2.2.2.1.2 Un mode d'action festif 215

2.2.2.1.3 La légitimité par le nombre 216

2.2.2.2 La recherche d'un mode de protestation légitime 219

2.2.2.2.1 Répondre à la violence 219

2.2.2.2.2 Quel mode de protestation ? 223

Manifester à Gênes 225

Index des sigles

AC ! : Agir ensemble contre le chômage

AGCS : Accord général sur le commerce des services

Aitec : Association internationale de techniciens, experts et chercheurs

AMI : Accord multilatéral sur l'investissement

AN : Assemblée nationale

Attac : Association pour la taxation des transactions financières et pour l'aide aux citoyens.

C.ADTM : Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde

CCOMC : Coordination pour le contrôle citoyen de l'OMC

CES : Confédération européenne des syndicats

CFDT : Confédération Française démocratique du travail

CGT : Confédération générale du travail

CIIP : Centre d'information inter peuples

CML : Comité des mal logés

CNCL : Conférence nationale des comités locaux

CP : Confédération paysanne

CRC : Coordonner, rassembler, construire

CS : Conseil scientifique

DAL : Droit au logement

FEN : Fédération de l'éducation nationale

FFMJC : Fédération Française des Maisons de Jeunes et de la Culture

FMI : Fonds monétaire international

FNSEA : Fédération nationale des syndicats des exploitants agricoles

FO : Force ouvrière

FSGT : Fédération sportive et gymnique du travail

FSU : Fédération syndicale unitaire

FRAKA : Festival de Résistance Anti-Kapitaliste

OGM : Organismes génétiquement modifiés

OMC : Organisation mondiale du commerce

ONG : Organisation non gouvernementale

ONU : Organisation des Nations-unies

PARE : Plan d'aide au retour à l'emploi

PCF : Parti communiste français

JCR : Jeunesses communistes révolutionnaires

LCR : Ligue communiste révolutionnaire

LDH : Ligue des Droits de l'Homme

SE : Solidarité étudiante

Sud : Solidarité, Unité, Démocratie

SNES : Syndicat National de l'Enseignement secondaire

SNI : Syndicat national des instituteurs

SNUI : Syndicat national unifié des impôts

SNUIPP : Syndicat national unifié des instituteurs et professeurs des écoles

UGICT-CGT : Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT

Résumé : Tandis que la crise de la participation est un leitmotiv, l'Association pour la taxation des transactions financières et l'aide aux citoyens (Attac) représenterait l'émergence d'un renouveau de l'engagement et du militantisme. Toutefois, cette perception est davantage le résultat d'une mise en scène du mouvement que d'un renouveau effectif. Attac ne témoignerait pas d'un nouvel âge de la participation mais d'un militantisme situé entre deux âges. L'enquête a été réalisée à partir de neuf entretiens approfondis au sein du comité Attac Isère.

Mots clefs : Association -Engagement- Militantisme- Mise en scène -Mouvements sociaux- Mondialisation

* 1 Ce récit est fondé sur un ensemble de faits réels. Seules quelques modifications ont été apportées.

* 2 La présentation qui est faite de l'association ici correspond délibérément à la façon dont la direction nationale en rend compte. Il s'agit dans un premier temps de délimiter quelle « présentation de soi » est faite par les dirigeants de l'association afin de pouvoir adopter peu à peu au cours de notre recherche un regard plus critique. Cf., Cassen (Bernard) sous la responsabilité de, Tout sur Attac, Paris, Mille et une nuits, 2000, p.127.

* 3 Ramonet (Igniacio) « Désarmer les marchés », Le Monde Diplomatique, décembre 1997, p 1. Cf., annexe10, p.26.

* 4 Cf., Losson (Christophe), « Les mouches du coche d'Attac », Libération, 27/08/2001, p. 9.

* 5 On peut d'ailleurs noter dans le choix des villes qui servirent de lieu d'organisation des Assemblées générales une volonté de décentraliser celles ci. La direction nationale d'Attac souligne de façon récurrente son souhait d'établir un équilibre géographique entre Paris et les autres comités locaux.

* 6 En octobre 1999 soit à peine un an et demi après la création d'Attac Michel Gairaud dans Témoignage Chrétien écrit « Attac, c'est aussi une cascade de chiffres : plus de 12 000 adhérents ; 890 associations, syndicats, entreprises, municipalités, médias, affiliés au réseau. Cent vingt et un comités locaux ; un comité à l'Assemblée Nationale fort de 115 députés ; 18 groupes Attac internationaux ; un site Internet traduit en sept langues, consulté 350 000 fois en moyenne par mois de puis 80 pays ; 100 000 signatures pour une pétition en faveur de la taxe Tobin remise la semaine dernière à Laurent Fabius... Et tout cela en seulement 15 mois d'existence ! » in Michel Gairaud, « Le plaidoyer d'Attac et la dictature des marchés », Témoignage Chrétien, numéro 2885, 21 octobre 1999, p. 16.

* 7 Cf. De Maillard (Thibault), La Base Attac, De L'Air, mai/juin 2000, p. 39.

* 8 Propos tenus lors de l'AG de St Brieuc.

* 9 Cassen (Beranard), « Nous sommes tous des apprenants » in Attac, Une économie au service de l'homme, Paris, Ed Mille et une nuits, 2001, p. 283.

* 10 « Lorsque l'association s'est formellement constituée, le 3 juin 1998, par la volonté d'une quarantaine de membres fondateurs [...] aucun de ces derniers n'avait effectivement d'idées très précise de la tournure que prendrait l'association [...] A l'époque, en effet, personne ne se serait aventuré à raisonner en dizaines de milliers [d'adhérents]... ». Ibid, p. 12.

* 11 « La structuration de l'association [...] participe elle même de la logique des réseaux électroniques. Association nationale - et non pas fédération- elle permet à chaque adhérent de participer et de contribuer à son développement avec la même pertinence ». Cassen (Bernard) sous la responsabilité de, Tout sur Attac, op.cit., p.19.

* 12 Au 1er janvier 2001, l'association revendiquait, parmi 29830 membres, 1159 personnes morales dont 575 syndicats, 362 associations, 61 sections locales de partis, 59 entreprises, 54 collectivités locales et territoriales, 26 publications, 9 fédérations d'association, 7 comités d'entreprise, 6 coopératives. Cf., Attac France, « Etat des lieux au 1er janvier 2001 ». Annexe n°12, p. 29.

* 13 Nicolas Weil, journaliste au Monde écrit : « Ne serait-ce que par le gonflement de ces effectifs Attac constitue, au terme de ces deux ans d'existence un phénomène à contre-courant des grandes tendances la vie politique [...] Le développement de l'association s'est en effet imposé comme un contre-exemple au déclin généralisé de militance traditionnelle [...] » in Nicolas Weil, « Attac. Ni norme anglo-saxonne ni modèle américain de contestation », Le Monde, 5/06/2000, p. 6.

* 14 Cf. Marion Rugieri, « Engagez-vous ! Rengagez-vous ! : on n'avait pas du ça depuis des années 70. À la ville comme sur les écrans, l'engagement politique redevient une valeur », Elle, 10 avril 2000, p. 265.

* 15 « Au moment où la politique et les partis souffrent d'un discrédit profond, nourri de renoncement et alimenté par certaines conduites indignes, il convient de ne pas confondre l'objet lui-même et la crise qui affecte, et de savoir, aux pratiques politiciennes, opposer l'engagement citoyen. », in Conseil d'Administration d'Attac, «Attac et le politique », 22 mars 2000.

* 16 Chantal Aumeran, Pierre Tartakowsky, Rapport d'activité, Assemblée générale d'Attac La Ciotat, 23 octobre 1999.

* 17 Ibid., p. 12.

* 18 Weil (Nicolas), «Attac entre contre-expertise , action et récupération », Le Monde, 26/10/1999, p.6.

* 19 Cf., Attac France, Agir local, penser global, Paris, Mille et une nuits, 2000.

* 20 Ion (Jacques), La fin des militants ?, Paris, Ed ouvrières, 1997, p. 28.

* 21 Martine Barthélémy attribue un sens large à la participation associative qu'elle définit comme étant « un processus volontaire de mobilisation des individus dans un groupe constitué plus ou moins durable et intervenant dans la sphère publique ». Barthélémy (Martine), Associations : un nouvel âge de la participation ?, Paris, Presse FNSP, 2000, p. 13.

* 22 Barthélémy (Martine), op.cit, p.120.

* 23 Ion (Jacques), p. 50.

* 24 Bernard Cassen déclare que «l'idée du combat contre l'ennemi financier est un thème très fédérateur », entretien avec Bernard Cassen, in La gauche de la gauche, op cit., p. 96.

* 25 Nonna Mayer, Les mutations du militantisme, p. 87.

* 26 Neveu (Erik), Sociologie des mouvements sociaux, Paris, Ed La découverte, 2000, pp. 52-65.

* 27 Nous donnons une définition subjective de la mondialisation mais qui est en mesure de rendre compte des critiques qui lui sont faites : « Le terme de mondialisation désigne le processus généralisé de dérégulation et de libéralisation de l'économie planétaire, dont l'ambition est de soumettre tous les secteurs d'activité humaine à la loi du libre-échange et du profit. Les principaux acteurs non-gouvernementaux de ce mouvement, dont les bénéficiaires sont en nombre restreints, sont les multinationales, les institutions internationales telles l'OCDE, la Banque mondiale, le FMI, l'OMC, les cercles de réflexion comme le forum de Davos, etc. Les problématiques liées à la mondialisation sont apparues dans les domaines agroalimentaires (semences et productions OGM, accidents agro-industriels- vache folle, poulets à la dioxine, Coca-Cola suspect...), financier (spéculation, privatisation...), sociale (dumping social, délocalisations, dégradation des services publics, absence de contrôle démocratique...), environnementale (pillage de ressources) ». Pirot (Patrick), « Qu'est-ce que la mondialisation ? », Politis, n°566, 16/09/1999.

* 28 « Les réseaux sont des structures d'acteurs sociaux qui, pour des fins de mis en commun dans l'environnement interne, propagent la transmission de ressources en des structures fortement connexes » Lemieux (Vincent), Les réseaux d'acteurs sociaux. Paris, Presses Universitaires de France, 1999, p.11.

* 29 Cf., George (Susan), « Violences à Gênes : L'ordre libéral à ses basses oeuvres », Le Monde diplomatique, 08/2001, p.1.

* 30 Bartélémy (Martine), Les associations : un nouvel âge de la participation, op.cit, p.75.

* 31 Flore Trautmann a consacré ses recherches au rôle d'Internet au sein d'Attac. D'autres travaux sont en cours dont un mémoire d'un étudiant de l'IEP de Paris consacré aux militants d'Attac, un mémoire à l'IEP de Lyon ainsi que deux thèses, l'une, consacrée à la constitution d'une mémoire associative et l'autre au rôle d'Internet au sein de l'association. Ces recherches n'ont pas pu nous servir n'étant pas achevées ou étant trop décalées vis-à-vis de notre sujet. Toutefois, nous avons eu recours à l'étude de Thomas Marty consacré à la sociologie des militants toulousains. Marty (Thomas), Sociologie de l'association Attac Toulouse : Des positions sociales aux prises de position cognitives. Etude sociologique par questionnaire et observation directe, mémoire pour le diplôme de l'IEP de Toulouse, Conte (Claire) sous la responsabilité de, 1999/2000, p.155.

* 32 Les trois principaux journaux utilisés sont Le Monde Diplomatique, qui constitue un support quasi officiel d'Attac, Le Monde, qui a été choisi en raison de sa richesse d'informations, et Libération qui a consacré de nombreux articles à l'association.

* 33 Pour un historique de l'association nationale et du groupe local isérois, il est possible de se référer à l'annexe n°1, p. 5.

* 34 Tout d'abord à l'occasion d'un week-end organisé par Attac Isère en octobre 2000 à L'Heure Bleue (St Martin d'Héres-38), puis au cours des assises nationales d'Attac à Saint-Brieuc (Côtes d'Armor-22) les 27 et 28 octobre 2000 puis à trois réunions générales d'Attac Isère, deux conseils d'administration ainsi que de nombreuses réunions de commissions (groupes « info », « interpellation des élus », « paradis fiscaux », « AGCS ») dans Attac Isère ou encore à trois permanences tenues dans le café « Notre-Dame » du centre-ville de Grenoble.

* 35 Nous avons ainsi pris part à la distribution de tracts « Danone » devant un centre commercial, à la journée d'action menée contre les paradis fiscaux, le 9 juin 2000, ainsi qu'à la mobilisation de Gênes qui a eu lieu en juillet 2001 à l'occasion du sommet du G8.

* 36 Il s'agit d'un espace de discussion dans lequel chaque adhérent reçoit entre 10 et 30 courriers électroniques par jour, envoyés le plus souvent par des adhérents sur les thèmes de leur choix. Les thèmes des discussions sont très larges, cela va des revendications d'Attac comme la taxe Tobin ou les paradis fiscaux, aux actions menées par Attac comme à l'occasion des manifestations de Nice ou de Gênes en passant par des débats sur les perspectives d'avenir d'Attac ou les tentatives de récupération politique.

* 37 Cf., annexe n°28, p.61.

* 38 On déplore que le mois de juin correspondait à une période d'intense activité militante pour le groupe Attac Isère (actions sur les paradis fiscaux, préparation de la Commission Nationale des Comités Locaux (CNCL), préparation de la mobilisation de Gênes), il fut ainsi difficile d'organiser des entretiens.

* 39 Pour une présentation biographique plus détaillée des entretiens : Cf., « La présentation biographique des enquêtés », annexe n°25, p.53.

* 40 Cf., « Présentation du déroulement des entretiens », annexe n°25, p. 52.

* 41 L'entretien n'a pas pu être achevé puisque l'interviewée, étant malade, souhaitait mettre fin à l'entretien. Elle l'a d'ailleurs demandé à deux reprises, de plus elle a refusé de répondre à plusieurs questions, soit de façon formelle, soit en répondant succinctement à la question. Cette personne n'était pas très motivée pour accepter l'entretien au cours de son déroulement ; elle se situe par ailleurs en phase de défection, ce qui explique en partie de son attitude.

* 42 Guy Michelat observe que « chaque individu est porteur de la culture et des sous-cultures auxquelles il appartient et qu'il en est représentatif ». Il ajoute : « Nous entendons ici par cultures l'ensemble des représentations, des valorisations effectives, des habitudes, des règles sociales, des codes symboliques ». Michelat (Guy), « Sur l'utilisation de l'entretien non-directif en sociologie », Revue Française de Sociologie, n°16, 1975, p. 232.

* 43 Cela ne signifie pas qu'il faille s'en tenir au discours tenu par les militants. Il s'agira, à l'inverse de le dépasser.

* 44 Stéphane Beaud et Florence Weber notent que dans l'entretien, « le problème n'est pas [...] d'obtenir de bonnes réponses. L'essentiel et de gagner la confiance de l'enquêter, de parvenir à le comprendre à demi-mot et à entre (temporairement) dans son univers (mental) ». Beaud (Stéphane), Weber (Florence), Guide de l'enquête de terrain, Paris, La découverte, 1998, p.328.

* 45 Sapir, Anthropologie, Paris, Ed Minuit, 1967, T1, p. 90.

* 46 L'entretien avec Lionel n'a pu être retranscrit qu'en partie en raison d'un dysfonctionnement du magnétophone, après une heure d'enregistrement, la retranscription de la suite de l'entretien a donc été effectuée à la main à partir de prises de notes et des souvenirs restant.

* 47 Cf., « Guide d'entretien », annexe n°27, p. 57.

* 48 Le guide d'entretien a toutefois été utilisé pour certains enquêtés qui en faisaient le souhait. C'est le cas par exemple de Fabien, professeur d'économie à l'université. Celui-ci craignait, n'ayant jamais milité à Attac après son adhésion, n'être pas en mesure de pouvoir nous aider. Nous l'avons immédiatement rassuré en lui assurant que notre travail, avait été préparé et que nous disposions un ensemble de questions assez larges. Cela rejoint la remarque que dressent Stéphane Beaud et Florence Weber quant à l'utilité des guides d'entretien. Celle-ci varie beaucoup en fonction du milieu social de l'enquêté : en présence de « personnes possédant du capital culturel ou social, le guide entretien peut servir de caution scientifique », en revanche, « avec des enquêtes en milieu populaire, le guide tend à officialiser encore plus la situation d'enquête [...] et à rendre plus difficile le travail de mis en confiance. » Beaud (Stéphane), Weber (Florence), op.cit.

* 49 Par exemple Thomas, ancien président d'Attac Isère, a été amené à parler plus spécifiquement de la création du groupe isérois à laquelle il a participé et des relations entre le local et national. Laurent a surtout développé son sentiment de distance et de décalage avec le positionnement d'autres militants du groupe isérois, qu'il estime trop radical. Julie qui était moins impliqué au cours de l'entretien, a développé les actions conduites par le groupe isérois, ainsi que les relations avec le groupe national. François insista sur l'aspect international des revendications et a fait une lecture en termes de lutte de classes. Fabien qui n'a jamais assisté à une réunion d'Attac, a tenté de justifier son adhésion et son absence de participation.

* 50 Toutefois nous ne manquerons pas de noter à plusieurs reprises les similitudes entre le discours des militants et celui de l'association.

* 51 L'individuel n'est pas négligeable en tant qu'il renvoie à un ensemble de déterminants sociaux qui sont autant de contraintes structurelles sur le comportement des individus.

* 52 F.E : Comment est-ce que tu te représentes ton engagement au sein d'Attac ?

François : Mon engagement militant date déjà un peu puisque, j'ai commencé à militer en 1992, donc ça va faire bientôt dix ans. Euh... Ce qui m'a poussé essentiellement à militer c'est la justice sociale, les inégalités sociales...

* 53 L'essor associatif est, comme le rappelle Stanislas Varennes, très difficile à quantifier de manière précise. On évalue toutefois le chiffre d'associations en France entre 300.000 et 500.000. Varennes (Stanislas), Le militantisme associatif : participer autrement, Mémoire pour le DEA de l'IEP, Grenoble, Denni (Bruno) dirigé par, 1990, p. 12.

* 54 Parmi les membres du C.A on peut citer Susan George, Gisèle Halimi, Bernard Cassen.

* 55 Cf., Eric Toussaint, « Briser la spirale de la dette », Le Monde Diplomatique, septembre 1999, p. 23.

* 56 Cf., Frédéric Clairmont, « Menaces sur l'économie mondiale », Le Monde Diplomatique, mai 2001, p. 3.

* 57 Cf., Ricardo Petrella, « Cinq pièges tendus à l'éducation », Le Monde Diplomatique, octobre, 2000, p. 5.

* 58 Cf., Frédéric Clairmont, « Ces firmes géantes qui se jouent des Etats », Le Monde Diplomatique, décembre 1999, p.19.

* 59 Cf., Susan George, « Comment l'OMC fut mise en échec », Le Monde Diplomatique, janvier 2000, p. 4.

* 60 Adhérer signifie « consentir », « accepter » mais aussi « tenir », « coller », « appliquer », « souder », « attacher ».

* 61 Ion (Jacques), La fin des militants, op.cit, p. 81.

* 62 Lavabre (Marie-Claire), Le fil rouge. Sociologie de la mémoire communiste, Paris, Presses de la FNSP, 1994, pp. 267-277.

* 63 Halbwachs (Maurice), « Nécessite d'une communauté affective », in La mémoire collective, Paris, PUF, 1968, p. 204. Cité dans Lavabre (Marie-Claire), op.cit, p. 269.

* 64 Par exemple, on peu noter qu'aucun des interviewés n'est abonné au Monde Diplomatique

* 65 Cette observation n'est bien sûr pas un cas isolé mais est utilisée ici comme un exemple afin de faciliter la démonstration du propos.

* 66 Il est possible de mettre en parallèle cette remarque avec les observations de Marie-Claire Lavabre. Selon elle, l'identité communiste est une construction qui nécessite un ensemble de processus sans cesse renouvelés : « L'identité communiste n'est pas donnée comme l'est l'identité familiale ou nationale : on ne naît communiste que par métaphore et nul n'est communiste avant d'avoir choisi de l'être, nul ne le reste qui ne fait le choix renouvelé ou transformé de persévérer en son être communiste ». Lavabre (Marie-Claire), op.cit, p.264.

* 67 La notion de champ appartient au registre spécifique de la sociologie de Pierre Bourdieu. Nous adopterons pour l'instant une acception plus générale en le définissant comme un ensemble de références communes à un groupe.

* 68 « Ce « nous » tout à la fois communautaire et sociétaire, est garanti par un ensemble de rites d'entrée et de confirmation de l'identité collective (cartes et timbres d'adhésion, cérémonies annuelles de renouvellement de l'adhésion, manifestations extérieures, insignes, etc...) authentifiant la qualité spécifique des membres associés par rapport aux « ils » non-associées de l'extérieur du groupement [...] ». Ion (Jacques), op.cit, p.29.

* 69 Idem., p.82.

* 70 Cf., Igniacio Ramonet « Désarmer les marchés », Le Monde Diplomatique, décembre 1997, p.1. Cf., annexe n°10, p.26.

* 71 Cf., « Attac, c'est parti ! », Le Monde Diplomatique, juillet 1998, p.2.

* 72 Cf., Attac, « Au départ un éditorial », Tout sur Attac, p.10.

* 73 On peut lire dans le Monde un mois avant la création d'Attac : « Toute seule, ou presque, la machine s'est emballée. Il a suffit que, à la fin d'un éditorial du Monde Diplomatique, Igniacio Ramonet évoque l'idée d'une organisation non gouvernementale [...] pour que les lecteurs de ce mensuel en pleine expansion [...] s'enthousiasment. Lettres par « milliers », chèques substantiels, création de comités locaux : la surprise est énorme, raconte le directeur du Monde Diplomatique. » in Chemin (Ariane), Mauduit (Laurent), « Les partisans d'une taxation des transactions financières passent à l' « Attac » », Le Monde, 8/05/1998, p.6.

* 74 Son texte est doté d'une forte part symbolique qui fait de lui un « appel ». Par exemple, le champ sémantique de la démocratie et de la citoyenneté est très présent dans le texte. Il oppose ainsi un lexique dépréciatif évoquant la finance mondiale (« l'insécurité généralisée », la « jungle ou les prédateurs feront la loi », « l'intolérable ») à un discours qui se rattache à un ensemble de valeurs « morales » (« l'exercice de la démocratie », les « garants du bien commun », un « chantier civique majeur », une « exigence démocratique minimale », un « impôt mondial de solidarité »).

* 75 Cette mythification de l'origine de l'association est renforcée, comme nous le verrons, par le fait que l'association a connu une progression très rapide de ses adhérents.

* 76Cassen (Bernard), « Attac : d'abord comprendre », Education populaire : le retour de l'utopie, Politis, n°29, 02-03/2000, Hors série, p. 39.

* 77 Cf. Attac, Tout sur Attac, op.cit, p. 26.

* 78 Ibid., p. 26.

* 79 Ibid, p. 9.

* 80 Ibid., p. 9.

* 81 Cette hypothèse nécessiterait des développements plus conséquents qui ne peuvent être faits ici. Toutefois, cette remarque amène a s'interroger plus longuement sur les registres de militantisme qui sont proposés aux adhérents.

* 82 Bernard Cassen indique lors d'une conférence : « les adhérents, eux, se retrouvèrent immédiatement dans la formule déjà citée - un mouvement d'éducation populaire tourné vers l'action- qui leur fur proposée en avril 1999 dans le premier numéro de notre bulletin Ligne d'Attac ». Cassen (Bernard), « Nous sommes tous des apprenants, art.cit., p. 10.

* 83 Cf., Tout sur Attac, op.cit,. p. 26.

* 84 Témoignage chrétien, qui est un membre fondateur d'Attac, publiait un article consacré à Attac qui s'intitulait « Attac, le renouveau de l'éducation populaire ». Ginisty (Bernard), « Attac, le renouveau de l'éducation populaire », Témoignage chrétien, 24/06/1999.

* 85 Cassen (Bernard), « Nous sommes tous des apprenants, art.cit, p. 10.

* 86 Cassen (Bernard), « Pour des associations « citoyennes » en prise sur le mouvement social », in Le Monde diplomatique, 06/1997, p. 20.

* 87 Les publications d'Attac se réfèrent fréquemment à la Ligue de l'enseignement qui est décrite, parmi les associations d'éducation populaire, comme « la doyenne et l'archétype ». La ligue de l'enseignement a été créée en 1866 par Jean Macé. Elle est présentée comme un défenseur de l'idée républicaine puisqu'elle a soutenu les lois sur l'enseignement en 1882 et les lois laïques de 1901, 1904 et 1905. Cf, Tout sur Attac, op.cit, p. 9.

* 88 « Ce qui caractérise les mouvements éducatifs (et qu'ils se nomment eux-mêmes de jeunesse ou « d'éducation populaire » n'est pas indifférent), c'est la prise en compte spécifiques des publics qu'ils tendent à convertir. Ce qui distingue en effet la plupart des mouvements, c'est l'intérêt pour le « bas »[...] » in Ion (Jacques), La fin des militants, op.cit, p. 41.

* 89 Cf. « La progression numérique des adhésions », annexe n°4, p. 10.

* 90 Denis Pingaud, La gauche de la gauche, Paris, Ed Seuil, 2000, p. 94.

* 91 Attac, Tout sur Attac, op.cit, p. 7.

* 92 « Ne serait-ce que par le gonflement de ces effectifs Attac constitue, au terme de ces deux ans d'existence un phénomène à contre-courant des grandes tendances de la vie politique [...] Le développement de l'association s'est en effet imposé comme un contre-exemple au déclin généralisé des militances traditionnelles [...] ». Weil (Nicolas), « Attac. Ni norme anglo-saxonne ni modèle américain de contestation », Le Monde, 5/06/2000, p. 6

* 93 Cf., Attac France, Compte rendu de C.A, 6/09/1999.

* 94 Ibid.

* 95 Cf., Attac France, Compte rendu de C.A, 02/09/2000.

* 96 Dély (Renaud), Losson (Christophe), « Le PS débordé par la déferlante Attac », Libération, 21/06/2000, p. 12.

* 97 F.K, « Attac, cette gauche qui gêne la gauche », Express, 14/06/2001, p. 92.

* 98 Losson (Christophe), « Les mouches du coche d'Attac », Libération, 27/08/2001, p. 9.

* 99 « Attac s'organise », Le Monde Diplomatique, 08/1998, p. 2.

* 100 « Attac », Le Monde Diplomatique, 09/1998, p. 2.

* 101 « Attac s'organise », art.cit, p. 2.

* 102 « On en apprend tous les jours sur Attac : il suffit de consulter les nombreuses coupures de la presse régionale qui nous parviennent quotidiennement et qui rapportent les activités foisonnantes des comités locaux. Sans parler des analyses que publient à un rythme accéléré les médias nationaux et certaines revues théoriques, auxquels il faut ajouter de premiers travaux universitaires. C'est que le phénomène Attac intrigue et parfois même déconcerte ». Attac, Tout sur Attac, op.cit, p. 7.

* 103 Le philosophe britannique Austin distingua dans sa théorie du langage deux types d'énoncés : certains énoncés ont une fonction constatative ou descriptive, tandis que les énoncés performatifs correspondent à des actes de langage, c'est-à-dire qu'ils servent à agir sur autrui. De cette distinction, Austin déduira que tout acte d'énonciation est porteur d'un contenu locutoire (interprété en terme de sens) et d'une valeur illocutoire d'actes de discours. Austin définit cette dernière comme étant « un acte effectué en disant quelque chose, par opposition à'acte de dire quelque chose ». Austin (John), How to do Things with words, Oxford U.P., 1962 ; trad. De G. Lane, Quand dire, c'est faire, Paris, Seuil, 1970, pp. 122-113. Cité dans Morichère (Bernard), Philosophes et

philosophies, Paris, Nathan, Tome 2, pp. 445-446.

* 104 On peut d'ailleurs noter que ceci n'est pas le propre d'Attac, puisque les méthodes utilisées sont proches de celle que José Bové avait mis en oeuvre à l'occasion du démontage du McDonald's de Milleau.

* 105 On pourrait citer, par exemple, un ensemble d'articles de presse consacrés à des manifestations unitaires où le nom d'Attac est, très souvent, un des seuls qui apparaît.

* 106 Ces propos nous ont été relatés par une militante du comité isérois qui a participé à cette manifestation, puis ils ont été confirmés par un autre militant parisien rencontré à Gênes. N'ayant pas participé personnellement à cette manifestation, nous tenons à prendre certaines réserves sur ces informations qui demanderaient à être recoupées par d'autres sources.

* 107 Nous avons pu également observer le mécontentement de plusieurs militants durant le sommet de Gênes, pour qui le but recherché par la direction nationale d'Attac serait avant tout, d'obtenir un certain succès médiatique, plutôt que de faire aboutir réellement les revendications dont est porteur le mouvement.

* 108 J-P-F, « Sous le soleil ? Pas exactement... », Le Dauphiné Libéré, 2/05/2001.

* 109 Prés de 300.000 francs ont ainsi été collectés. Cf. Denis Pingaud, La gauche de la gauche, op.cit, p. 97.

* 110 Bernard Cassen est également un universitaire. Il fut agrégé d'anglais en 1961. Il a participé à la création de la faculté libre de Vincennes en mai 68, avec Hélénes Cixous et Pierre Domergues, qui a été pendant plusieurs années une plate-forme et une vitrine de l'extrême gauche. Il entama une collaboration avec le Monde Diplomatique. En 1981, au lendemain de la victoire de François Mitterrand, Jean-Pierre Chevènement lui confia la direction de la Mission d'information industrielle, scientifique et technique (MIDIST). Puis il décida de se consacrer exclusivement au mensuel. Par ailleurs, il occupe une chaire européenne Jean Monnet à l'université Paris VIII. Ibid., p. 99.

* 111 Cf,. « Charte de l'association Attac. Texte adopté le 3 juin 1998 », annexe n°7, p. 19.

* 112 Cf. « Statuts de l'association Attac adoptés par l'Assemblée constitutive du 3 juin 1998 », annexe n°8, p. 20.

* 113 Cf. Ibid., article n°4.

* 114 Ibid., article 7-3. Par ailleurs on peut noter que depuis le lancement de l'association vingt réunions du C.A ont eu lieu.

* 115 Ibid., article 7-1.

* 116 Trautmann (Flore), « Révoltés Enthousiastes. Venu des quatre coins de France, les militants ont longuement débattu de l'identité de leur mouvement », L'Humanité, 25/10/1999.

* 117 On peut noter que malgré son nom le Collège des fondateurs comprend certaines personnes qui n'ont pas participé à la fondation d'Attac. En effet, les statuts de l'association prévoient que peuvent participer au Collège, « les personnes physiques et morales qui ont créé l'Association et celles qu'elles désigneront, à la majorité des deux tiers, pour les compléter ou les remplacer ». Cf. annexe n°8, article 11. C'est ainsi, qu'à l'occasion du C.A du 29/03/1999, six personnes morales ont été adoptées à l'unanimité comme membres fondateurs : l'APEIS (Association pour l'emploi l'information et la solidarité), AGIR ICI, l'UFAL (Union des Familles Laïques), la CNAFAL (Confédération Nationale des Familles Laïques), la FFMJC (Fédération Française des Maisons de Jeunes et de la Culture) et la Ligue de l'enseignement. Cf. Attac France, « Compte rendu du C.A du 29/03/1999 ».

* 118 Nous détaillerons certaines de ces organisations ultérieurement. Cf. « Structures de l'association », annexe n°9, p. 24.

* 119 Annexe n°8, article 12.

* 120 « Situé au coeur du dispositif d'Attac, le CS a pour objectif de produire de l'information déclinée de manière à être abordable par tous, sous toutes les formes, sur les aspects de la sphère financière internationale, et de la communiquer, notamment aux comités locaux et adhérents de l'association. Le conseil se fixe en outre la tâche de formuler des propositions concrètes qui pourront servir de base à des campagnes d'actions publiques. » Passet, (René), « Un bilan à la fin 2000 ».

* 121 Annexe n°8, article 12.

* 122 Lignes d'Attac est un 4 pages édité de façon mensuelle par la direction nationale. On peut y trouver les positions officielles de l'association. Le premier numéro date d'avril 1999.

* 123 Cf. René Passet, « Un bilan à la fin 2000 », op.cit.

* 124 Cf. Tout sur Attac, p. 19.

* 125 Cf. annexe n°8, article 11.

* 126 Ibid., article 7-4.

* 127 Le Monde diplomatique parle d'un « choix symbolique par le souci de décentralisation de l'association et de sa volonté d'être particulièrement présente dans une région [...] où les logiques financières ont provoqué le plus de ravages». « Attac », Le Monde diplomatique, 09/1998, p. 2.

* 128 « On notera une absence dans les statuts : celle des comités locaux, qui se sont pourtant affirmés comme des lieux privilégiés de l'action militante. A vrai dire, aucun des fondateurs n'avaient prévu qu'ils connaîtraient un tel développement. Cet oubli a été largement réparé par une charte régissant leurs rapports avec la direction nationale d'Attac, et par l'adoption de statuts types pour ceux d'entre eux souhaitant se doter d'une personnalité juridique en se constituant en association ». Attac, Tout sur Attac, op.cit, p. 107.

* 129 « Les groupes locaux qui le souhaitent pourront se constituer en association (Loi 1901), la personnalité juridique leur permettant d'ouvrir un compte bancaire, de demander des subventions, de réserver des salles municipales, etc. De même ils pourraient recueillir eux-mêmes les adhésions. Ils en conserveraient le quart (soit 50 F sur 200 F pour le tarif « actifs ») et reverseraient les 3/4 à Attac national ». Cf., Attac France, « Compte-rendu du C.A du 18/11/1998 ».

* 130 Cf., « Statuts Types des comités locaux « loi 1901 » », article 8-4.

* 131 Cf., Attac France, Tout sur Attac, op.cit.. et Cf. « Attac et Bercy », Le Monde diplomatique, 11/1998, p. 6.

* 132 Cf., Attac France, « Attac, mode d'emploi », Paris, été 1998.

* 133 Cf., Statuts Types des comités locaux « loi 1901 », op.cit, article 4.

* 134 Bazri (Nadia), « A Grenoble Attac s'organise... », art.cit.

* 135 Cf., Attac Isère, Rapport moral, 01/2000.

* 136 Attac Isère, Lettre aux adhérents, 05/2001.

* 137 Cf., « Statuts de l'association », annexe n°14, p. 31.

* 138« La participation de la moitié au moins des membres du Conseil d'administration est nécessaire pour la validité des délibérations ». Annexe n°14, article n°9. « L'Assemblée générale se compose de tous les membres à jour de leur cotisation. Elle se réunit chaque année. Pour être valide elle doit réunir un tiers au moins de ses membres. » Ibid., article 10.

* 139 Nous parlons uniquement des membres les plus militants du comité (J.K, T.I, P.O, qui sont par ailleurs membres du C.A).

* 140 Ginisty (Bernard), Rapport financier pour 1999.

* 141 « Tout membre peut demander l'inscription à l'ordre du jour de toute question qu'il désire voir traitée. Il adresse, à cet effet, une lettre recommandée avec accusé de réception au président avant la réunion du Conseil qui précède la convocation de l'Assemblée générale. Le Conseil statue sur cette demande ». Cf., annexe n°8, article 10-3, p. 22.

* 142 Attac Isère, « Position d'Attac Isère sur l'adhésion des partis et collectivités », 10.01.2000. annexe n°17, p. 35.

* 143 Attac Isère, « Demande d'inscription à l'ordre du jour de l'AG 2000 d'Attac », 20.07.00, annexe n° 21, p. 41.

* 144 Lignes d'Attac avait publié les noms des huit candidats qui avaient été « investis » par leur circonscription « afin d'éclairer le vote des membres d'Attac, puisque nul ne peut connaître individuellement chacun des candidats ». Il était ajouté : « Il va de soi, que quel que soit le degré de représentativité de chacune de ces candidatures, elles sont toutes salutairement légitimes et égales en droit. Elles apparaissent donc par ordre alphabétique, sur le bulletin de vote, sans mention d' « investiture » par une « circonscription » ou par un ou plusieurs comités ». On peut noter que sur les huit candidats présentés de façon collective, tous ont été élus au C.A. Attac France, « Tout sur les assises de la Ciotat. Elections : mode d'emploi ». Lignes d'Attac, Paris, n°3, 09/1999.

* 145 Cf., « Organigramme du processus de réforme des statuts », annexe n°3, p. 9.

* 146 Cf., annexe n°8, Article 10-9, p. 22.

* 147 Ibid., article 10-7, p. 22.

* 148 Ibid., p. 22.

* 149 « Il [Bernard Cassen] signale, par ailleurs, les difficultés à surmonter pour une modification éventuelle des statuts, en raison des quorums très élevés requis à chaque étape. Avec les effectifs actuels, par exemple, il faudrait que plus de 14 000 membres votent sur première convocation, et plus de 11 000, sur la seconde convocation. Or à St-Brieuc, ils n'ont été que 4200 à voter... ». Attac France, « Rapport du Conseil d'administration », 11/11/2000, p. 3.

* 150 Par ailleurs, il faut rappeler que ce sont les membres fondateurs qui ont initialement écrit les statuts de l'association. Ils sont donc à la fois juges et parties.

* 151 Une publication de la direction nationale précise que « Cette disposition [la composition du C.A] a été prévue pour assurer la pérennité et le pluralisme d'Attac, en décourageant par avance toute tentative d'entrisme par une minorité organisée. Les membres fondateurs, dont la très grande majorité sont des personnes « morales », constituent la garantie utile du pluralisme d'Attac ». Attac Franc, « Tout sur les assises de la Ciotat. Elections : mode d'emploi », Lignes d'Attac. Paris, n°3, 09/1999, p. 3.

* 152 Les comités locaux du Var, de Rennes et de Paris ont critiqué, lors de l'AG, le mode de fonctionnement de l'association eu égard au manque de démocratie. Cf. Forcari (Christophe), « Attac en pleine crise de croissance », Libération, 30 octobre 2000.

* 153 Attac France, « Rapport du Conseil d'administration du 11/11/2000 », p. 3.

* 154 Les travaux de cette commission semblent pour l'instant s'orienter sur l'idée qu'une réforme des statuts n'est pas souhaitable.

* 155 On peut noter que les enquêtés prennent, parfois, une certaine distance avec l'usage qui en est fait. Julie précise qu'il s'agit pour elle d'un terme « galvaudé », Lionel préfère parler de « république représentative : « Je pense que c'est un système antidémocratique, d'ailleurs nos sommes pas dans une démocratie car il n'y a pas la participation de tous. Nous sommes dans une république représentative. J'ai des réticences aussi à utiliser le mot des citoyens, il est tellement galvaudé qu'il ne signifie plus grand-chose ».

* 156 On peut observer que la conception de la direction (qui est perçue comme une « coordination ») développée par Luc et celle des dirigeants nationaux est la même.

* 157 Un débat a eu lieu lors du C.A du 18/03/2000, au cours duquel un membre actif a mis à l'ordre du jour les problèmes de « démocratie interne » au sein d'Attac. Le compte rendu du C.A note : « Elle [le membre actif] constate le sentiment qu'elle investit son temps à perte dans sa participation au C.A. Elle fonde ce sentiment sur son étonnement renouvelé de ne pas être mieux associée aux dernières actions (réunion des comités européens, celle des acteurs culturels, participation au congrès des partis politiques et espère - habitant le Vaucluse - être au moins sollicitée pour la préparation de l'action au Festival d'Avignon...). Elle pose la question du rôle des nouveaux élus au C.A avec le but d'optimiser l'organisation pour une mise en commun des idées et des savoir-faire et éviter qu'un petit nombre s'arroge du pouvoir ». Cf., Attac France, « Compte rendu du C.A du 18/03/2000 ».

* 158 Jacques Ion énumère les trois qualités qui étaient précédemment attribuées à la langue de bois : « D'abord, l'unicité : la langue de bois est une, et ne tolère aucun discours divergent; elle suppose un corps uni, dans une logique de combat où la moindre discordance pourrait donner prise à l'adversaire. Ensuite, l'opacité : ce qui est exprimé au collectif peut être le produit de discussions internes, mais rien de cette élaboration ne doit transparaître; en quelque sorte, la décision échappe à ces énonciateur individuels pour acquérir, à l'image de la loi, un statut quasi-intemporel [...] D'où sa troisième qualité : sinon la fixité, du moins la permanence relative. Autant de caractéristiques aujourd'hui décriées : déni des expressions individuelles, non-transparence, inadéquation avec le réel, tels sont les reproches les plus couramment formulés ». Ion (Jacques), La fin des militants, op.cit, p. 70.

* 159 Ibid., p. 70.

* 160 Le précédent C.A comportait neuf élus. Il est précisé dans le rapport d'activité que « cinq [sont] présents effectivement aux réunions ». C'est pourquoi, le nouveau C.A élu le 24 février 2001 comporte désormais 18 membres. Attac Isère, Rapport d'activité, 2001.

* 161 Pour répondre aux critiques formulées lors de l'Assemblée générale du 24 février 2001, une motion présentée par le C.A fut adoptée en vue de la préparation d'une Assemblée générale extraordinaire : « L'AG d'Attac-Isère réunie ce 24 février 2001constatant les difficultés rencontrées en 2000 pour mandater les représentants à l'Assemblée générale d'Attac-national sur une position reconnue par la majorité des adhérents, demande la convocation d'une Assemblée générale extraordinaire dans le mois qui précédera l'Assemblée générale nationale, afin d'élaborer une position majoritaire. Cette Assemblée générale extraordinaire, se transformera en Assemblée ordinaire pour les exercices suivants ». Attac Isère, Lettre aux adhérents, 05/2001.

* 162 Denni (Bernard), « L'engagement politique », in Grawitz (Madelaine), Leca (Jean), Traité de science politique, Paris, PUF, Tome III, 1985, p. 361.

* 163 Cf., Tableau « Présentation biographique des enquêtés ».

* 164 Cécile est membre du C.A. Toutefois, elle reconnaît y participer très rarement.

* 165 Ion (Jacques), op.cit, p. 71.

* 166 Ibid., p. 71.

* 167 A l'occasion de l'AG de St Brieuc, une lettre destinée aux adhérents exprimait les positions du C.A isérois vis-à-vis de la direction nationale. Elle se concluait par un appel aux adhérents : « En conséquence, nous avons décidé de voter contre le rapport d'activité, afin de sanctionner ce déficit démocratique et monter notre volonté d'obtenir une AG extraordinaire pour modifier les statuts. Nous appelons tous les adhérents qui rejoignent notre analyse à faire de même ». Cf., « Lettre aux adhérents, « Appel en vue de l'Assemblée générale de Saint-Brieuc », 5/10/2000, annexe n° 22, p. 43.

* 168 On peut noter que Lionel, qui exerce l'activité de psychologue, pose le problème dans des termes psychanalytiques. Il s'agirait, selon lui, d'un besoin pour les militants isérois d'obtenir une reconnaissance de la part du « père ». (« On est un peu dans la dialectique difficile du fils qui reproche à son père et qui cherche à être reconnu »). Par ailleurs, on peut rapprocher cette analyse des propos de Luc, selon qui « À Attac comme ailleurs, il y en a qui ne veulent pas être parricide et le père c'est Cassen dans l'affaire ! ».

* 169 Le comité isérois a fait parvenir un premier courrier en novembre 1999 à Bernard Cassen, au sujet du statut des députés qui sont adhérents d'Attac. Cf., Guillot (Nicole), Reinisch (Raymond), « A l'attention de Bernard Cassen », 11/1999, annexe n°15, p. 33. Un second courrier, voté au sein du C.A, a été adressé à Cassen en février 2000 pour exprimer le désaccord du comité avec l'appel de Morsang et l'adhésion des collectivités territoriales. Cf., C.A d'Attac Isère, « A l'attention de Bernard Cassen », 02/2000, annexe n°18, p. 37. De plus, un dossier, qui résumait les débats et les prises de position au sein du comité, avait été envoyé en juin 2000. Enfin, une proposition « d'ouverture d'un débat » a été envoyée à Casse, par le C.A isérois pour demander une réflexion sur le fonctionnement interne de l'association. Cf., C.A d'Attac Isère, « Demande d'ouverture d'un débat », 20/07/2000, annexe n°20, p. 39. Les quatre courriers sont restés sans réponses.

* 170 L' « Heure Bleue » est une salle de spectacle située sur la commune de St Martin d'Hères. Le terme désigne au sein de l'association un week-end de conférences qui avait été organisé par le comité le 30/09 et le 1/10/2000.

* 171 « Dévalorisée au centre du système politique, dont les partis et les institutions en constituent le moteur, l'action légitime se réfugie dans les marges : à la périphérie et dans les mouvements spécialisés ». Lancelot (Alain), « SOS politique », Express, 10/11/1989, p. 11. Cité dans Varennes (Stanislas), Le militantisme associatif : participer autrement, op.cit.

* 172 Mehl (Dominique), « Culture et association », Sociologie du travail, n°1, 01/1982, p. 27. Cité dans Varennes (Stanislas), Le militantisme associatif : participer autrement, op.cit.

* 173 Ramonet (Igniacio ), « Désarmer les marchés », art.cit, annexe n°10, p. 26

* 174 Un article paru dans le Monde Diplomatique résume les conclusions de cette rencontre : « La réunion a mis en évidence le très fort intérêt pour la création de cette ONG internationale répondant aux objectifs proposés par Igniacio Ramonet dans son éditorial du mois de décembre 1997 ». « Attac », Le Monde diplomatique, 04/1998, p. 2.

* 175 « Attac », Le Monde diplomatique, 05/1998, p. 14.

* 176 Cf., Attac France, Compte rendu du C.A du 17/02/1999.

* 177Cf., Chantal Aumeran, , Pierre Tartakowsky, Rapport d'activité, Assemblée générale d'Attac La Ciotat, 23 octobre 1999.

* 178 Barthélémy (Martine), Les associations : un nouvel âge de la participation, op.cit, p. 222.

* 179 Ibid., p. 222.

* 180 Jacques Ion désigne ces critiques par le terme de dénonciation des « pratiques d'appareils ». Il remarque, d'ailleurs, qu'un changement sémantique du terme « appareil » a eu lieu. Il est doté aujourd'hui d'une connotation péjorative. Il s'apparenterait à ce qui relève du « superficiel et du rigide ». Ion (Jacques), La fin des militants, op.cit, p. 67.

* 181Pallard (Jacques), « Rapports sociaux, stratégies politiques et vie associative », Sociologie du travail, n°3, 07-09/1981, p. 323. Cité dans Varennes (Stanislas), Le militantisme associatif : participer autrement, op.cit.

* 182 Philippe Theyr note que l'une des vertus principale de telles organisations [associations] serait d'être fortement mobilisatrices, tout en étant faiblement hiérarchisées et contraignantes » in Theyr (Philippe), « Réflexions sur le développement associatif », Revue d'économie sociale, 04-06/1985, p.130. Cité dans Varennes (Stanislas), op.cit.

* 183 On peut observer que les dirigeants décrivent Attac comme une structure souple. En effet, l'autonomie des comités locaux est souvent mis en avant au sein des brochures officielles ou encore dans la presse. « Ce foisonnement, cette diversité provient aussi de la structure même de l'association. Un mot le résume : souplesse. Les comités travaillent en toute autonomie ce qui facilite la prise en charge d'initiatives les plus originales les unes que les autres ». « Attac, une idée qui marche », L'Humanité hebdo, 23-24/10/1999, p. 12.

* 184 Il s'agit d'un groupe d'économistes qui a été fondé suite à l' « Appel contre la pensée unique ».

* 185 « L'engagement ne suppose plus une démarche globale d'adhésion, mais un « accord parcellaire » ». Reynaud (Emmanuelle), in Mendras (Henri), La sagesse et le désordre, Paris, Ed Gallimard, 1980, pp. 271-286.

* 186 Ibid., p. 279.

* 187 Le déroulement des réunions publiques s'effectue au sein du comité selon un processus strictement réglementaire. Un ordre du jour a été précédemment établi par le C.A. Les prises de parole ont lieu à tour de rôle et il est interdit de couper la parole à l'intervenant en cours. De plus, en vue de respecter un planning horaire, chaque intervention est délimitée dans le temps.

* 188 Ion (Jacques), op.cit, p. 68.

* 189 Ibid, p. 69.

* 190 Cf., Attac Isère, « Compte rendu de l'Assemblée générale d'Attac Isère-38 », Grenoble, 24/02/2001.

* 191 Peut-être est-il possible d'expliquer ce paradoxe, comme nous l'avons déjà fait précédemment, par le fait que les militants isérois souhaitent la reconnaissance du comité dans les statuts nationaux. La démarche vis-à-vis du national (le respect des statuts) implique que les militants adoptent la même position au sein du comité isérois. Toutefois, il s'agirait davantage d'un attachement formel que d'une réelle conviction.

* 192 Cf., Denni (Bernard), Lecomte (Patrick), Sociologie du politique, 1990, p. 159.

* 193 A l'occasion d'un séminaire international consacré à la Taxe Tobin, il fut convenu à propos des crises économiques de 1997 que « le régime de finance globalisée, né de la libéralisation et de la déréglementation des flux de capitaux, porte une responsabilité écrasante dans l'avènement de cet état de choses ». Attac France, « Pourquoi la taxe Tobin », texte adopté par le séminaire international d'économistes réunis par Attac, qui s'est tenu à la maison de l'Amérique Latine à Paris, 25/01/1999 in Tout sur Attac, p. 73.

* 194 Ramonet (Igniacio), «Désarmer les marchés », op.cit, annexe n°10, p. 26.

* 195 On peut préciser que contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas pour sa proposition de taxe que James Tobin a reçut le prix Nobel d'économie en 1981 mais pour ses travaux sur la composition des porte feuilles des fonds spéculatifs. Le fait que Tobin soit Nobel d'économie est présent lors de chaque présentation de la taxe que publie l'association. Cela témoigne, selon nous, d'une tentative de crédibiliser l'idée de la taxe par la réputation de son auteur. Cf., Sahuc (Michel), « La taxe Tobin : soin palliatif du capitalisme », Le Monde libertaire, 17/-23/12/1998.

* 196 François Chesnais note d'ailleurs que la proposition de Tobin est très largement inspirée d'une idée formulée par Keynes en 1936 à propos des marchés boursiers : « La création d'une lourde taxe d'Etat frappant toutes les transactions se révélerait peut-être la plus salutaire des mesures permettant d'atténuer aux Etats-Unis la prédominance de la spéculation sur l'entreprise. » Keynes, La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt, de la monnaie, Chapitre 12 in François Chesnais, Tobin or not Tobin. Une taxe internationale sur le capital, Paris, Esprit frappeur, 1998, p. 59.

* 197 Une conférence internationale s'est tenue aux Etats-Unis, à Bretton Woods en 1944 dans laquelle les participants se sont mis d'accord sur la création d'un système monétaire dont l'objectif était de surmonter l'instabilité monétaire et financière chronique des années 1920 et 1930. La pierre angulaire de ce système était la convertibilité du dollar en or à un taux fixe, le taux de change des autres monnaies se déterminant à leur tour par référence au dollar. Ce système a pris fin au début des années 70. Le déficit croissant du budget américain provoqua une forte poussée spéculative sur l'or en 1971, contraignant les autorités fédérales américaines à mettre fin à la convertibilité du dollar en or. La stabilité monétaire pris fin et les principaux pays industrialisés firent « flotter » leur monnaie. Le taux de change vis-à-vis des autres monnaies fut désormais fixé par le jeu de l'offre et de la demande. Les taux se mirent à varier les uns par rapport aux autres de façon importante et il devint possible de spéculer en effectuant des transactions dans un court laps de temps. Ibid, p. 19.

* 198 Nicolas Kaldor, disciple direct de Keynes, a défini la spéculation comme une « opération non liée à l'avantage tenant à l'usage d'un bien ou d'une transformation quelconque. » Ibid, p. 25

* 199 Tobin souligne que « ce qu'il faut préciser pour un pays, c'est la possibilité d'avoir un minimum de politique monétaire nationale indépendante. Voilà ce qui m'intéresse ». Le Monde, 17/11/1998.

* 200 Cf., Chesnais (François), op.cit, p. 25.

* 201 François Chesnais, membre du Conseil scientifique d'Attac, observe que « Lorsqu'il a formulé sa proposition en 1972, James Tobin voulait préserver l' « économie réelle » de l'interférence de la finance et préserver l'autonomie des gouvernements en matière de politique macro-économique [...] Le souci de Tobin était d'éviter que les marchés de devises deviennent l'une des arènes de la spéculation ». Faujas (Alain), « Les avatars de la taxe Tobin ou comment calmer la spéculation financière ? », Le Monde, Supplément Le Monde Economie, 1/09/1998, p. 6.

* 202 Lors d'une interview, il a déclaré : « A vrai dire, en Europe, on s'est souvent trompé sur le sens de ma taxe. On pensait que je voulais taxer les mouvements de capitaux pour dégager des ressources qui iraient à un organisme international comme l'ONU, qui les mettrait au service du développement ou de l `environnement. Ce n'était aucunement ma priorité ». Le Monde, 17/11/1998.

* 203 En 1970, le volume mondial des transactions quotidiennes sur le marché des changes s'élevait à 10 milliards de dollars. Il est passé à 75 milliards en 1980, à 500 milliards en 1990 et à 1 800 milliards en 1997. Seulement 7 ou 8% de ces transactions correspondraient à des règlements commerciaux. Cf., Chesnais (François), op.cit, p. 52.

* 204 Sahuc (Michel), « La taxe Tobin : soin palliatif du capitalisme », op.cit.

* 205 Fabre (Clarisse), « Le comité Attac de l'Assemblée nationale prépare son offensive », Le Monde, 23/09/1999.

* 206 La charte fondatrice d'Attac note que « Même fixée à un taux particulièrement bas de 0,05%, la taxe Tobin rapporterait près de 100 milliards de dollars par an. Collectée, pour l'essentiel, par les pays industrialisés où sont localisées les grandes places financières, cette somme pourrait être reversée aux organisations internationales pour des actions de lutte contre les inégalités, pour la promotion de l'éducation et de la santé publique dans les pays pauvres, pour la sécurité alimentaire et le développement durable », Cf. annexe n°7, p. 19.

* 207 Ramonet (Igniacio), « Désarmer les marchés », op.cit, annexe n°10, p.26

* 208 « Il reste du devoir de chaque Etat national de mener des politiques de protection sociale et de solidarité, d'éducation, de santé publique, et de protection de l'environnement, et de prévoir les budgets nécessaires. » Conseil scientifique d'Attac, « Dix questions sur la taxe Tobin ».

* 209 Un adhérent d'Attac a écrit dans ce sens sur Internet : « Par contre il y a une erreur sur les intentions de Tobin lorsqu'il a proposé sa taxe, pour lui l'argent récolté il s'en fichait [...] En fait Attac a fait de Tobin un économiste à visées humanistes alors que le but de sa taxe est d'ordre purement technique et clairement réformiste. » Acounis (Henri), « Extrait du quotidien Le Devoir du 6 mai 2001 », http://www.attac-talkg.org. 8/05/2001.

* 210 Cf., Chemin Ariane, Laurent Mauduit, « Le ministère des finances juge irréaliste une taxation des mouvements de capitaux », Le Monde, 2/10/1998, p. 7.

* 211 On peut d'ailleurs noter que le sens que donnent les fondateurs d'Attac à la taxe Tobin n'est guère différent que celui que Tobin lui-même lui accordait, à savoir rendre aux Etats une part de leur autonomie et de leur marge d'action.

* 212 Cf., Attac France, « Pourquoi la taxe Tobin » in Tout sur Attac, op.cit, p. 72.

* 213 Ibid., p. 66.

* 214 Les transactions financières comportent trois dimensions : les transactions monétaires, les obligations et les actions.

* 215 « Très rapidement, nous avons pris conscience que cet objectif, si important qu'il soit, restait limitatif, car l'imposition des opérations spéculatives [...] n'est nullement la seule mesure envisageable pour maîtriser quelque peu les ravages du capital en folie. » Cassen, ( Bernard), Comprendre et agir avec Attac, op.cit.

* 216 Les enquêtés semblent attacher assez peu d'importance à cet élargissement. Seule Julie qui a adhéré dés le début de l'association l'a évoqué. Elle est, par ailleurs, l'une des responsables du groupe « économie » ce qui explique peut être son attachement à cette idée

Julie : « D'ailleurs le nom d'Attac, c'est la taxation des transactions financières et c'est beaucoup plus large que la taxe Tobin. La taxe Tobin joue sur les marchés monétaires et sur le changement de monnaie, la taxation des transactions financières c'est ça, mais c'est aussi les actions, les fonds de pension, c'est-à-dire ces flux financiers qui n'obéissent à aucune loi [...] Il y a eu beaucoup de discussion au début, la proposition de Ramonet c'était une taxation centrée sur la taxe Tobin mais lors de sa création il y a eu une réflexion au niveau national entre les membres fondateurs et on a décidé une taxation des transactions financières. Et c'était déjà beaucoup plus large que la taxe Tobin, c'était une remise en cause de la manière dont circule argent de façon libre et sans contrôle. »

* 217 Cf., Attac France, «Plate-forme du mouvement international « Attac » », 11-12/12/1998.

* 218 « Certains pensent que la taxe Tobin serait inefficace, car les opérateurs financiers pourraient la contourner. Mais c'est le propre de tous les impôts que d'être confrontés à l'évasion fiscale [...] La mise en oeuvre de cette taxe exige que l'on s'attaque aux paradis fiscaux. ». Conseil scientique d'Attac France, « Pourquoi la taxe Tobin », in Tout sur Attac, op.cit, p. 71.

* 219 Chesnais (François), op.cit, p. 43.

* 220 Ibid., p. 45.

* 221 Ibid., p. 12.

* 222 On peut noter qu'il s'agit là uniquement des revendications soutenues par le siège d'Attac. Il sera question des revendications propres aux comités locaux par la suite.

* 223 Conseil scientifique, «Empêcher le hold up des transnationales sur le vivant », 06/1999. In Tout sur Attac, op.cit, p. 96.

* 224 Déclaration du bureau d'Attac, «Sanctionner la grande criminalité écologique et instaurer la responsabilité pénale personnelle des P-DG », 4/01/2000, in Tout sur Attac, op.cit, p. 53.

* 225 Lettre du bureau aux animateurs des comités locaux, « Contre la spéculation boursière à l'école », 8/03/00, in Tout sur Attac, op.cit, p. 62.

* 226 « Le bureau national d'Attac a décidé de s'associer à l'appel des quatre organisations de chômeurs - AC !, APEIS , CGT chômeurs et MNCP contre le Plan d'aide au retour à l'emploi (PARE) signé par le Mouvement des entreprises de France (Medef) et deux confédérations syndicales minoritaires, et il demande au gouvernement de refuser d'avaliser un tel projet ». Attac France, Communiqué, Paris, 03/07/2000. Le bureau a signé la pétition contre le projet PARE proposée par des mouvements de chômeurs.

* 227 « Attac ne peut que dénoncer l'attitude de Danone, multinationale française en pleine santé, qui détruit la vie de ceux qui ont participé aux profits records annoncés en 2000 [...] Attac a décidé de s'associer à l'appel au boycott des produits Danone lancé par les salariés des entreprises de Calais et de Ris-Orangis et incite tous ses comités et groupes locaux et adhérents à se mobiliser et à sensibiliser nos concitoyens sur les lieux de vente ». Attac France, Communiqué, Paris, 04/01/2001. http://www.attac.org.html

* 228 Il est important de rappeler que les comités locaux sont autonomes et ils sont libres de prendre n'importe quelle position à condition que celle ci respecte la charte de l'association.

* 229 La commission Publicité, Image, Pouvoir, site internet comité local Attac Strasbourg, connecté le 13/06/2001. http://www.local.attac.org/strasbourg/commissions/comp1p.html http://www.local.attac.org/strasbourg/commissions/comp1p.html

* 230 On peut noter qu'il n'a pas encore commencé à fonctionner véritablement et qu'aucune réunion n'a eu lieu faute d'une prise en charge suffisante.

* 231 « La taxe Tobin apparaît comme une "porte d'entrée" pédagogique, accessible et sérieuse sur les enjeux de la crise financière et de l'ordre financier international; en se fixant l'objectif de réduire les inégalités et les marges de manoeuvre des logiques dont elles procèdent, elle dessine la possibilité d'un "autre monde" ». Aumeran (Chantal), Tartakowsky (Pierre), « Rapport d'activité », Assemblée générale d'Attac, La Ciotat, 23 octobre 1999.

* 232 Sa vocation « n'est pas de réunir seulement les femmes d'Attac 14ème ni de créer un pôle qui fonctionne de façon périphérique et marginale dispensant ainsi la totalité des militants de la réflexion sur le sujet. Le but est au contraire de porter à l'intérieur du comité Attac, pour tous les sujets abordés, la dimension des femmes, en montrant qu'une analyse sexuée pourrait être faite sur des thèmes comme les rapports économiques, la violence ou la santé. » In Groupe « femmes et mondialisation » d'Attac 14ème, http://www.local.attac.org/attac14groupe01.htm http://www.local.attac.org/paris14/FM/Archives/attac14groupefm07.htm

consulté le 30/07/2001.

* 233Cf., Attac 14éme, Pour un Attac pluriel et mixte, http://www.local.attac.org/paris14/FM/Archives/attac14groupefm07.htm femmes.paris14@attac.org consulté le 30/07/2001.

* 234 « Le thème « Femmes et Mondialisation » a mobilisé plusieurs membres d'Attac dans un groupe de réflexion national dont l'ambition est de convaincre de la nécessité d'intégrer le genre dans toutes les analyses. L'analyse de genre est une dimension transversale à tous les terrains occupés par Attac, et non pas un domaine d'action adjacent. » In Problématique du groupe thématique 'Femmes et mondialisation' d'Attac, exposée au Conseil scientifique, juin 2000, http://www.local.attac.org/paris14/FM/Archives/attac14groupefm17.htm http://www.local.attac.org/paris14/FM/Archives/attac14groupefm17.htm consulté le 30/07/2001.

* 235 Nous savions que certains adhérents (par le biais du site internet Attac talk) réprouvaient la participation d'Attac au boycott, le plus souvent en raison du risque d'amalgame avec le rôle des syndicats.

* 236 On peut remarquer que Laurent au cours de l'entretien exprime à plusieurs occasions son refus des réactions trop « épidermiques » et trop « brutales ». Il semblerait qu'il inclue le boycott dans celles ci.

* 237 Ces trois adhérents sont ceux que nous avons considérés en introduction comme les moins impliqués dans le comité isérois. On peut supposer que l'assimilation des revendications progresserait de façon croissante avec l'intégration des individus à l'association. L'implication des adhérents rendrait alors compte de la différence des points de vue.

* 238 Ras l'Front, se définit comme un « Réseau de lutte antifasciste » qui a été fondé en 1996 par un texte d'appel écrit par Gilles Perrault intitulé « l'Appel des 250 ». Le réseau rassemble plus de cent collectifs en France autour d'une charte, dans laquelle figure l'objectif commun à défendre : « Présents sur tous les terrains où se développe l'idéologie des droites extrêmes, ces comités, réseaux ou simples équipes militantes ont choisi de lutter [pour] analyser les raisons de cette montée en puissance du Front national ». Le mouvement ne se limite pas au Front National et s'est élargi à d'autres revendications telles que la lutte contre les lois Pasqua, la lutte contre toute politique ou acte raciste, la défense des droits des femmes, notamment le droit à l'avortement, la lutte contre le chômage, considéré comme le «fumier sur lequel prospèrent les idées du Front national ». Les enquêtés insistent sur le fait que l'organisation de Ras l'Front est beaucoup plus « lâche » que celle qui régit Attac puisque l'ensemble des actions se décident entre les collectifs et que le national y occupe une place beaucoup plus réduite. De même, selon eux, les relations y sont beaucoup plus informelles

* 239 Cf., Charte, annexe n°7, p.19.

* 240 Le comité local isérois entretient des relations avec de nombreuses associations, le MRAP pour la question du racisme, la confédération paysanne pour le problème de l'écologie, le Centre d'Annulation de la Dette du Tiers Monde (C.ADTM). Nous préciserons ces relations dans la suite de notre travail.

* 241 Un des enquêtés (Thomas) a spontanément abordé le problème de la « marchandisation de la culture » en cours d'entretien afin de monter en quoi il s'agit d'un problème sur lequel Attac a un droit de parole : « Il y a un groupe culture à Attac qui s'est mis en place et ça bouge [...] On veut une culture pour tout monde et on refuse la marchandisation des oeuvres d'art que ce soient les peintures, sculptures, oeuvres musicales. Je pense que cela peut avoir son importance dans la périphérie des problèmes économiques, c'est-à-dire que l'individu est aussi, c'est un individu qui a des besoins vitaux, des besoins fondamentaux [et]des besoins de création. C'est un créateur et à tous les niveaux [...] Il faut passer à ce moment-là par des écoles, même s'il faut un apprentissage à un certain niveau, aujourd'hui cet apprentissage est destiné à des élites et pour qu'elle soit rentable. Je pense qu'Attac à quelque chose à dire parce que ça fait partie des droits fondamentaux ».

* 242 Attac avait été conçu initialement par Ramonet comme une ONG.

* 243 Julien Freund définit le conflit comme « la mise en cause d'un rapport de forces ou d'une relation inégalitaire entre les acteurs sociaux, ou encore comme l'affrontement entre deux êtres ou groupes qui manifestent une intention hostile à propos d'un droit ». Freund (Julien), Sociologie du conflit, Paris, PUF, 1983, p. 240.

* 244 Cf. Didier Lapeyronnie, « Le renouveau des conflits sociaux », Sciences Humaines, Hors-série n°26, 09/10/1999, pp. 50-54.

* 245 Ibid, p. 52.

* 246 Ibid., p. 51.

* 247 Le taux de syndicalisation était en 1968 de 16%, en 1978 de 17,6% et en 1988 de 9,6%. Cf. Mouriaux (René) « Les syndicats sous la Ve République » in Chagnollaud (Dominique) dirigé par, La vie politique en France. Paris, Ed du Seuil, 1993, pp. 344-364.

* 248 Cf., Aguiton (Christophe), « Pistes pour un renouveau syndical des mouvements sociaux », 01/1997. In Aguiton (Christophe), Bensaïd (Daniel), Le retour de la question sociale, Ed Page Deux, Lausanne, 1997, p. 215.

* 249 René Mouriaux, op.cit., p. 357.

* 250 On peut noter que ce sont ces mêmes catégories de population qui vont constituer les principaux acteurs des conflits sociaux des années 1990.

* 251 On peut citer comme exemple de ce type de conflit, la coordination des infirmières qui eu lieue en 1998. Cf. Lapeyronnie (Didier), art.cit, p. 51.

* 252 Cf. Lopez (Veronique), « Les nouveaux contre-pouvoirs », in Politis, 9/11/2000, pp. 26-31.

* 253 Pour une présentation des associations qui sont membres fondateurs d'Attac, cf., «Les réseaux d'Attacants», annexe n°6, p. 14.

* 254 La grève des cheminots commença le 17 novembre et pris fin le 9 janvier. Cf. Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), Le mouvement social en France. Essai de sociologie politique, Ed La dispute, Paris, 1998, Chronologie, p. 207.

* 255 Cf., Wievorka (Michel), « Un nécessaire aggiornamento », in Nouveaux regards, n°12, Hiver 2000.

* 256 Le 7 décembre les syndicats participèrent à une journée d'action nationale et interprofessionnelle.

* 257 Des manifestations eurent lieu le 25 novembre à Paris, Bordeaux, Marseille et Toulon..

* 258 En décembre 1995, l'association Droits Devant ! ! lança l' « appel des sans » lors de l'occupation du centre Beaubourg à Paris.

* 259 La journée nationale d'action du 12 décembre réunît 985 000 personnes selon le ministère de l'intérieur et 2, 2 millions selon les syndicats et celle du 16 décembre rassembla entre 585 000 personnes selon le ministère de l'intérieur et deux millions selon les syndicats.

* 260 D'après un sondage, 57% des salariés du secteur public, 53% des salariés du secteur privé et 58% des chômeurs approuvaient les grèves de décembre 1995.

* 261 Cf., Duhancourt (Pierre), « Travaux pratiques », in Nouveaux regards, n°12, Hiver 2000, p. 7.

* 262 Ce mouvement s'est déroulé en trois étapes. Tout d'abord, la réclamation pat les chômeurs d'une prime de Noël, puis l'occupation des Assedic au sujet du montant de l'allocation chômage, et enfin une revendication au plein emploi adressée vers le patronat.

* 263 Daniel Bensaïd note que « on a déjà beaucoup spéculé sur la signification de cette explosion sociale. Nombre de journalistes veulent y voir la dernière grève archaïque à une époque qui s'achève. Et pourquoi pas la première grande grève antilibérale du siècle qui vient ? ». Bensaïd (Daniel), op.cit, p. 110.

* 264 Cf. Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit, p. 222.

* 265 « Ces conflits ne peuvent être tenus pour des luttes de repli sur l'entreprise : ils cristallisent les alliances sociales larges sur le thème « nous ne voulons pas mourir » et élargissent plutôt les espace de lutte pour l'emploi ». Perret (Jean Marrie), « Deux années de luttes sociales dans le privé », in Essai de repérage 96-97, Cahiers de Ressy, N°1, mars 1998, p. 6. Cité dans Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit, p. 167.

* 266 Nous accepterons la définition qu'en donne Sidney Tarrow qui a l'avantage de mettre l'accent sur la forme d'un mouvement social et sur les affinités de ses participants ainsi que sur les relations qu'ils entretiennent avec les acteurs extérieurs à celui-ci. Il définit un mouvement social comme « une contestation collective avec des objectifs communs et un sentiment de solidarité dans une interaction prolongée avec des élites, opposants et autorités». Sidney Tarrow, Power in movement, social movements, collective action and politics, Cambridge University Press, 1994, p. 3.

* 267 Ansart (Pierre), Les sociologies contemporaines, Paris, Ed du Seuil, collect « Points », 1990, p. 342.

* 268 Cf., Touraine (Alain), « La voix et le regard », in Sociologie des mouvements sociaux, Ed du Seuil, Paris, 1978, p. 48.

* 269 On peut noter que cette critique est également celle que Wievorka porte aux grèves de décembre 1995. Cf., Aguiton (Christophe), Bensaïd (Daniel), Le retour de la question sociale, op.cit, p. 64.

* 270 Wievorka (Michel), « Un nécessaire aggiornamento », op.cit.

* 271 Cf. Touraine (Alain), Le grand refus, Réflexions sur la grève de décembre 1995, Paris, Fayard, 1996, p. 320.

* 272 Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit, p. 46.

* 273 On peut citer Christophe Aguiton, Daniel Bensaïd, Sophie Béroud, René Mouriaux et Michel Vakaloulis.

* 274 « Au cours de son développement les acteurs mobilisés font l'expérience de leur propre force, réalisent qu'il est possible de faire « autre chose », discutent sur des problèmes réputés « compliqués » tels que la protection sociale, réservés ordinairement aux seuls spécialistes ». Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit, p. 120.

* 275 « Le « projet » du mouvement social ne précède pas la mobilisation cognitive des acteurs en lutte, il la présuppose ». Ibid., p. 125.

* 276 « Certains objecteront sans doute avec bon sens, qu'à requérir autant de critères, autant de conscience, à exiger de lui à un tel niveau, à lui réclamer d'emblée un projet « sociétal » alternatif, le « mouvement social » risque fort bien de devenir un objet « sociologiquement introuvable ». Il est rare en effet que la conscience précède l'action, qu'un mouvement naisse d'un modèle ou d'une idée, et non pas d'une lutte, d'un conflit d'intérêt. La conscience vient en marchant ». Aguiton (Christophe), Bensaïd (Daniel), op.cit, p. 9.

* 277 Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit , p. 110.

* 278 « L'élargissement de la grève à d'autres salariés du secteur publique [...] renforce politiquement la mobilisation du premier secteur et fait ressortir la puissance du mouvement social dans sa dimension multi-sectorielle. Cette extension est la base objective qui permet d'inscrire stratégiquement et idéologiquement la lutte contre le plan Juppé dans la logique de défense non seulement de la protection sociale mais du service publique en tant que tel. L'objectif central reste le retrait de la réforme gouvernementale. Mais il catalyse désormais une contestation politique capitale, celle de la modernisation de l' « Etat social » ». Idid, p. 114.

* 279Christophe Aguiton note que « s'il doit rester une idée forte de ce renouveau militant, c'est la conviction qu'il est possible d'agir, de changer les choses. Contre tout fatalisme qui avant renvoyait les décision à « ceux d'en haut », les mouvements de ces dernières années ont manifesté une formidable aspiration à prendre en mains les affaires de la cité et à construire consciemment son propre avenir ! ». Aguiton (Christophe), « Militer », Le monde de l'éducation, juin 1997. In Aguiton Christophe), Bensïd (Daniel), Le retour de la question sociale, p. 205.

* 280 Isabelle déclare regretter que suite aux événements de 1995, des structures ne se soient pas mis en place pour accompagner cette « demande d'action » et que le mouvement de contestation soit « tombé à plat ». Cela rejoint l'idée qu'Attac a repris à son compte la contestation qui s'exprimait déjà en 1995.

* 281Wievorka (Michel), op.cit.

* 282 Ibid.

* 283 « Un mouvement social ne se définit pas seulement par la volonté de ses acteurs de s'engager dans la vie de la cité et de s'y organiser pour revendiquer leurs droits ou des droits nouveaux. Un mouvement social, c'est surtout une histoire née de l'esprit à la fois des acteurs et des spectateurs ». Guilhaumou (Jacques), La parole des sans. Les mouvements actuels à l'épreuve de la révolution française. Paris, ENS édition, 1998, p. 13.

* 284 Ibib., p. 107.

* 285 Aguiton (Chrsitophe), , « Militer », op.cit, p. 198.

* 286 Malgré la structure binaire de la démonstration, qui oppose l' « ancien » mode de mobilisation, aux « nouvelles » formes, qui a été adoptée afin de rendre plus explicite le propos, la coupure visible n'est pas aussi nette.

* 287 Ibid., p. 199.

* 288 Ibid., p. 199.

* 289 « Des adhérents de Sud préféreront alors pendre leur bannière syndical s'ils marchent contre le chômage, ou celle des pétitionnaires s'ils manifestent contre la loi Debré ». Ibid., p. 200.

* 290 Ibid., p. 200.

* 291 Ainsi Michel Vakaloulis observe qu'au cours des conflits sociaux des années quatre-vingt dix, « des réseaux se sont bien constitués autour de la défense des « sans », constellation effervescentes qui réunissent diverses associations aux pratiques radicales (DAL, Droits Devant ! ! Comité des sans logis) des groupes politiques d'extrême gauche et des syndicats engagés de par leur opposition combative, leur situation d'opposition, leur nécessité de sortir d'un isolement catégoriel ou bien de par une réflexion sur les implications liées à leur positionnement professionnel ». Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit, p. 183.

* 292 On peut citer les sommets de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), de la Banque Mondiale (BM), du Fonds Monétaire International (FMI) et de l'Organisme pour la Coopération et le Développement en Europe (OCDE).

* 293 On peut citer par exemple le G-8 qui regroupe chaque année les huit pays les plus industrialisés de la planète ou encore le sommet de Davos qui rassemble les personnalités économiques et les décideurs.

* 294 Cf., « Porto Allegre-Davos : la guerre des mondes », Politis, 18/01/2001.

* 295Gus Masiah, président de l'Association internationale de techniciens experts et chercheurs (Aitec), déclarait que « [les manifestations organisées à l'occasion des contre-sommets] ont marqué l'entrée en scène des mouvements sociaux ; une alliance qui a trouvé un point d'orgue lors des manifestations d'opposition à la conférence de l'OMC à Seattle, fin 1999 : on a assisté à une coalition de fait rassemblant des ONG, des mouvements consuméristes écologistes, paysans, de défense des droits des « sans », etc. On a vu la naissance d'un mouvement social mondial ». Ibid.

* 296 Cf., Observatoire de la mondialisation, Lumière sur l'AMI. Le test de Dracula, Paris, L'Esprit frappeur, 1998, p. 83.

* 297 L'Observatoire de la mondialisation précise que le projet de l'AMI comporte trois volets : « Le premier consiste à accorder à l'accord en négociation le statut juridique de traité, le plus élevé dans la hiérarchie des sources de droit. Le second crée, à côté des moyens de recours nationaux offerts aux « investisseurs », un système juridictionnel autonome interne à l'AMI, qui permet aux groupes industriels et financiers effectuant des opérations transnationales de citer les Etats devant les tribunaux d'arbitrage qui ne sont ni plus ni moins que des tribunaux de commerce internationaux. Enfin, le projet de traité met en place un dispositif très savant destiné à donner aux mesures de déréglementation un caractère d'irréversibilité et à faire évoluer le texte de l'AMI dans le sens d'une libéralisation toujours plus complète ». Ibid., p. 45.

* 298 On peut supposer que la constitution de l'association ne serait pas sans rapports avec cet événement. Le lancement de l'association qui était peut-être en préparation aurait été décidé en raison de l'actualité qui était favorable au mouvement.

* 299Cf., « De Seattle à Gênes», annexe n°7, p. 11.

* 300 Le sommet de Genève devait servir à faire le bilan des progrès sociaux accomplis dans le monde depuis le sommet de Copenhague en 1995. Lors de celui ci la communauté internationale s'était fixé des objectifs à atteindre en matière de réduction de la pauvreté et des inégalités dans le monde. Après cinq années, les objectifs affichés n'étaient pas atteints et la conférence de Copenhague a été considérée par le président de l'assemblée générale de l'ONU (Théo Ben Gurirab) et par son secrétaire général (Kofi Annan) comme un échec.

* 301« Concept à géométrie variable, la participation associative est définie ici comme un processus volontaire de mobilisation des individus dans un groupe constitué plus ou moins durable et intervenant dans la sphère publique ». Bathélémy (Martine), op.cit, p. 12.

* 302Cf., Dumont (Louis), Essais sur l'individualisme, Paris, Le Seuil, 1983.

* 303Ion (Jacques), op.cit, p. 20.

* 304« Le fait associatif se déploie à l'interface de la primarité [registre dominant de la famille et la sociabilité de type traditionnel] et de la secondarité [domaine propre de l'économie et de la sphère politico-administrative], de la communauté organique et de la société contractuelle ou, mieux, qu'il opère un brassage et une transformation de logiques opposées, permettant d'accomplir des tâches fonctionnelles [relevant du principe sociétaire] sous la forme de la personnalisation [relevant du principe communautaire] » Caillé (Alain), « Don, association et solidarité » in Produire les solidarités : la part des associations. Paris, Mire, 1998, p. 31. cité dans Bathélémy (Martine), op.cit.

* 305 Cf., Ion (Jacques), op.cit, p. 26.

* 306 Ibid., p. 36.

* 307 Ibid., p. 37.

* 308 Ibid., p. 37.

* 309 L'observatoire du changement social et culturel observa, à partir du début des années soixante, le développement d'une vie associative très intense. Cette phase se caractérisa par l'émergence et la relance d'associations familiales (Association Populaire des Familles, Confédération Syndicale du cadre de Vie, etc.), de promotion culturelle ou encore d'éducation populaire (Fédération françaises des Maisons de Jeunes et de la Culture, Léo Lagrange).

* 310 Ibid., p. 43.

* 311 « L'évolution du statut des acteurs de l'action collective est à rapprocher de l'avènement d'une nouvelle phase « post-moderne » du processus général d'individualisation à l'oeuvre depuis une trentaine d `années dans les sociétés industrielles et démocratiques ». Barthélémy (Martine), op.cit, p.143.

* 312 Ibid., p. 77.

* 313 Ion (Jacques), op.cit, p. 45.

* 314 Pour décrire ce processus, Hannertz parle d'une considération d' « atomes anonymes » à la prise en compte d' « acteurs en mouvement ». Cf. Hannertz (Ulf), Explorer la ville, trad.franç. Issac Joseph, Ed de Minuit, Paris, 1983, 420 p. Cité dans Ion (Jacques), op.cit, p. 50.

* 315 François de Singly note que « l'individu contemporain souhaite l'invention d'un modèle de lien [social] qui l'autorise à rester soi-même (voire, mieux, à contribuer à devenir lui même) au sein d'un groupe, d'une association ». De Singly (François), Individualisme et lien social, p. 34. Cité dans Barthélémy (Martine), op.cit, p. 145.

* 316 « On veut désigner par là la possibilité, hier rarissime, qu'une même personne puisse dépasser les limites de sa constellation d'appartenance ». Ion (Jacques), op.cit, p. 49.

* 317 Ion (Jacques), op.cit, p. 50.

* 318 « Aux côtés des « militants » que leurs engagements passés et leurs itinéraires définissent à priori comme « politiques », des individus interviennent dans l'espace public, d'abord à partir de leur expérience personnelle, que ce soi celle du chômeur ou de l'usager des transports, celle du séropositif ou du handicapé, celle du sans-logis ou de l'étranger ». Barthélémy (Martine), op.cit, p.156.

* 319 « A l'insertion dans les conglomérats se substitue la possibilité de pluri-appartenances structurellement indépendantes les unes des autres et connectées seulement par le sujet lui-même. Le réseau n'est donc plus une donnée initiale, il est le résultat de l'action ». Ion (Jacques), op.cit, p. 80.

* 320 Denis Pingaud, dans son ouvrage La gauche de la gauche, décrit les « tribus de la gauche radicale ». L'auteur décrit ces tribus: « Elles se proclament 100% à gauche mais n'aiment pas Lionel Jospin [...] Leurs bases syndicales et associatives sont solides, leur influence électorale s'affirme. Inventives et têtues elles poursuivent sous d'autres formes les combats de la génération de mai 68. Leur endurance contre les vents et marées du libéralisme force le respect d'une partie du peuple de gauche. Ce sont les tribus de la gauche radicale, autrement dit de la gauche de la gauche. » Il distingue quatre groupes qui ont chacun un territoire respectif : les associations qui sont apparues depuis 1990 et qui ont un mode d'action protestataire et radical (les agitateurs), les syndicats dissidents qui sont nés de la scission avec les centrales traditionnelles, les groupes de réflexions qui occupent un rôle de contre-expertise dans les mobilisations antilibérales (les savants) et les formations politiques d'extrême gauche. Pingaud (Denis), op.cit, p. 9.

* 321 Le tableau en annexe présente les principales organisations qui sont fondatrices d'Attac. Nous avons privilégié les plus récentes, qui témoignent, selon nous, de la radicalité sociale dont est issue l'association. On privilégiera ici la place de ces organisations dans Attac. Cf., annexe n°6, p. 14.

* 322 Dans une tribune parue dans Le Monde, Bourdieu déclarait « Il [le manifeste] marque le début d'un vaste travail collectif [...] visant à définir les principes d'une véritable alternative politique à la politique néo-libérale qui tend à s'imposer dans tous les pays, parfois sous l'égide de la social démocratie, et à inventer les moyens organisationnels et institutionnels nécessaires pour en imposer la mise en oeuvre [...] Il importe de rassembler, d'abord à l'échelle européenne, les collectifs concernés, syndicats, associations et ONG de lutte pour les droits fondamentaux, dans un réseau organisé, dont la forme est à inventer, qui soit capable de cumuler les forces, d'orchestrer les objectifs, et d'élaborer des projets communs ». Bourdieu (Pierre), « Pour des Etats généraux du mouvement social européen », Le Monde, avril 2000.

* 323 Julien Lusson, au titre de l'Aitec, Richard Dethyre, pour l'Apeis et Vincent Espagne en tant que représentant de Droits devants ! sont membres du C.A.

* 324 On peu noter que parmi les membres du C.A figurent Jean-Pierre Beauvais au titre de la revue Politis et Bernard Ginisty au titre de la revue Témoignage chrétien.

* 325 René Passet, le président du Conseil scientifique précise qu'il s'agit d'un regroupement « de personnes venues d'horizons divers. Certains sont keynésiens, d'autres marxistes, et d'autres encore nous on rejoint par le biais de l'économie du développement ou des problèmes mondiaux de l'environnement ». Faujas (Alain), « Les avatars de la taxe Tobin ou comment calmer la spéculation financière ? », Le Monde, Supplément Le Monde Economie, 1/09/1998, p. 6.

* 326 « Plus que d'un conseil - évoquant une structure fermée - c'est d'un réseau - structure ramifiée, ouverte, non hiérarchisée et susceptible de s'étendre en fonction des besoins - qu'il convient de parler. » Passet (Renet), « Un bilan à la fin 2000 »

* 327 Bensaïd (Daniel), « Contre-réforme libérale et rébellion populaire », in New left review, n°215, 01/02/1996. Cité dans Aguiton (Christophe), Bensaïd (Daniel), Le retour de la question sociale, op.cit, pp. 104-122.

* 328 Aguiton (Christophe), op.cit, p. 131.

* 329 Michel Caron, secrétaire national de la CFDT, dévalorisa les associations protestataires telles que le DAL ou Droits Devant ! : « Sans rien proposer d'alternatif, les nouvelles associations ne construisent rien. La CFDT coopère avec des associations d'invention comme les Restos du Coeur à l'intervention concrète et efficace sur le terrain ». Caron (Michel), « Nouveaux Mouvements Sociaux, les hussards du ici et maintenant », in CFDT Magazine, n°216, juin 1996.

* 330 Cf., Béroud (Sophie), Mouriaux (René), Vakaloulis (Michel), op.cit, p. 146.

* 331 Hervé Alexandre est membre du C.A au titre de la FGTE-CFD

* 332 Jean-Christophe Chaumeron, le représentant de la Fédération des finances CGT, est membre du C.A d'Attac.

* 333 Tartakowsky a été élevé dans une culture militante communiste. Son père, journaliste à L'humanité, était un des animateurs de la MOI, l'organisation du PCF pour l'immigration. Sa mère, responsable CGT, a participé à la reconstruction de la centrale à la libération. Il se fit connaître, comme homme d'appareils, au début des années 80, par sa participation à la reprise en main brutale d'Antoinette, le mensuel féminin de la CGT, pour une partie de l'équipe avait été licencié pour avoir a voulu appliquer la ligne d'ouverture, décidée par Georges Séguy lors du 40e congrès. Puis prenant ses distances avec l'orthodoxie sous Louis Viannet, il a été considéré comme un contestataire prônant la rénovation. Entretenant de meilleures relations avec Bernard Thibault, il s'est rapproché de sa centrale syndicale. De plus, il a quitté le PCF en août 1991, après le putsch manqué contre Gorbatchev. Cf., Monnot (Caroline), « Un homme d'appareil », Le Monde, 5/06/2000, p. 6.

* 334 « Notre idée est que la dimension interprofessionnelle doit prendre une plus grande place : le mouvement était interprofessionnel et de ce renouveau syndical devait sortir des formes de rénovation. L'idée est de constituer une forme d'organisation confédérale où se retrouveraient les grandes fédérations ou les syndicats nationaux ». Aguiton (Christophe), « Le point d'inflexion de novembre-décembre 1995 » in Futur Antérieur, n°33-34, 01/1996.In Aguiton (Christophe), Bensaïd (Daniel), Le retour de la question sociale, p. 122.

* 335 Monnot (Caroline), « La gauche « mouvementiste » soutient la Confédération paysanne », Le Monde, 23/08/1999, p. 5.

* 336« Attac solidaire de José Bové et des militants de la Confédération paysanne », Lignes d'Attac, n°8, 09/2000, p.3.

* 337 Des destructions ont eu lieu fin août dans le département de la Drôme, les militants d'Attac réunis à Arles pour l'université d'été de l'association sont venus leur « prêter main-forte ». Serafini (Tonino), « Dans la Drôme les OGM s'arrachent à la pelle », Libération, 27/08/2001, p. 1.

* 338 On peut noter que la situation des interviewés correspond aux résultats de l'enquête quantitative menée par Thomas Marty. En effet, parmi les militants toulousains de l'échantillon, le syndicat le mieux représenté est la CFDT (64% des syndicalistes qui ont été enquêtés sont adhérents à la CFDT), suivi de la CGT et de Sud avec respectivement 21,4% et 14, 3%. Cf. Marty (Thomas), op.cit, p. 100.

* 339 Gallin (Dan), « Réinventer la politique du mouvement syndical » in Attac, Contre la dictature des marchés, La dispute-Syllepses-Vo éditions , 1999, pp. 103-121.

* 340 C'est également le cas de Lionel qui a quitté F.O « en très bon termes » quelques mois après son adhésion à Attac.

* 341 Cf., Rapport d'activité 2000

* 342 Cf., Attac Isère, Lettre aux adhérents, 05/2000.

* 343 Attac Isère a ainsi pu rassembler la somme de 8843 F. Cf., Attac Isère, « Résultat prévisionnel 2000 », « Rapport d'activité 2000 ».

* 344 Cécile estime que l'Unef-Id a récupéré « politiquement » la section du campus de SOS-Racisme.

* 345 Nous rappelons, qu'actuellement, parmi les membres du C.A d'Attac Isère, une seule personne (Thomas) a participé à la création du comité.

* 346 Attac Isère, Position d'Attac Isère sur l'adhésion des partis et collectivités. Cf., annexe n°17, p. 35.

* 347 Ces discussions ont eu lors du C.A du 5 juin 2001d'Attac Isère.

* 348 « Le Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde est un réseau international qui milite pour [...] l'information, la sensibilisation du plus large public possible sur la question des inégalités Nord-Sud (ouvrages, revue, conférences-débats, formations, rencontres internationales, etc.) [...] L'angle d'attaque du C.ADTM est la dette du Tiers Monde, avec comme objectif d'annuler la dette extérieure publique du Tiers Monde et d'ensuite briser la spirale infernale de l'endettement par l'établissement de modèles de développement socialement justes et écologiquement durables. Dans ce but, le C.ADTM milite pour la constitution d'un fonds de développement démocratiquement contrôlé par les populations locales et alimenté par l'annulation de la dette extérieure publique du Tiers Monde; la rétrocession des biens mal acquis; la taxation des transactions financières (taxe de type Tobin); l'augmentation de l'Aide Publique au Développement à 0,7% du PIB des pays riches; l'établissement d'un impôt mondial exceptionnel sur les grosses fortunes; la conversion des dépenses militaires mondiales en dépenses sociales et culturelles. Enfin, le C.ADTM encourage l'émancipation des femmes, la réforme agraire radicale et la réduction généralisée du temps de travail ». Site internet : http://users.skynet.be/cadtm/.

* 349 Parmi les enquêtés, Cécile, François et Thomas cumulent des appartenances politiques, associatives ou syndicales. Toutefois, Cécile et François sont peu engagés dans le comité isérois. Ils ne sont pas par ailleurs des « nouveaux militants ». Ils n'apparaissent pas, selon nous, représentatifs des militants isérois.

* 350 Perrineau (Pascal), « Pour une histoire de l'engagement politique » in Perrineau (Pascal) dir., L'engagement politique, Paris , Presse de la FNSP, 1994, pp. 13-19.

* 351 Ibid, p. 15.

* 352 Cf., Dominique Memmi, « L'engagement politique », op.cit, p. 310.

* 353 Samuel Barnes définit la participation politique comme « des activités volontaires de citoyen en tant qu'individu (individual citizens) qui visent à influencer, soit directement, soit indirectement les choix politiques aux différents niveaux du système politique », in Barnes (Samuel), Kasse (Max), Political action, mass participation in five western democraties, Beverly Hills, Sage, p. 42. Toutefois la définition qu'en donne Alain Lancelot semble plus adéquate car moins excluante; selon lui la participation s'élargit jusqu'à toucher « l'intervention des citoyens dans le domaine spécialisé des affaires publiques », in Lancelot (Alain), Les attitudes politiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1974, deuxième édition, 1ére édition 1965, p. 6.

* 354 « Après le premier âge métaphysique [de la science politique] qui avait mis en exergue la nécessité du citoyen actif et engagé, le 2ème âge positif découvre la réalité du citoyen passif ». Perrineau (Pascal), « Pour une histoire de l'engagement politique », op.cit, p. 15.

* 355 Barthélémy (Martine), op.cit, p. 196.

* 356 Nous reprenons ici l'expression à Martine Barthélémy. Ibid, p.197.

* 357 Cf., Bourdieu (Pierre), « La représentation politique. Eléments pour une théorie du champ politique », Actes de la recherche en sciences sociales, 36-37, février-mars, 1981.

* 358 Philippe Corcuff définit le champ comme « une sphère de la vie sociale qui s'est progressivement autonomisée à travers l'histoire autour de relations sociales, d'enjeux et de ressources propres, différents de ceux des autres champs [...] Chaque champ est alors un champ de forces- il est marqué par une distribution inégale des ressources et donc un rapport de forces entre dominants et dominé- et un champ de luttes- les agents sociaux s'y affrontent pour conserver ou transformer ce rapport de forces ». Corcuff (Philippe), Les nouvelles sociologies, Paris, Ed Nathan, 1995, p. 32.

* 359 Bourdieu (Pierre), op.cit, p. 5.

* 360 Bourdieu définit le champ politique comme étant « un microcosme, c'est une sorte de monde séparé, de monde à part, fermé sur lui même, en grande partie, pas complètement, sinon la vie politique serait impossible, mais assez fermé sur lui même et assez indépendant de ce qui se passe à l'extérieur ». Bourdieu (Pierre), Propos sur le champ politique, PUL, Lyon, 2000, p. 35.

* 361 Bourdieu observe que le « constat de la capacité inégale d'accès au champ politique est extrêmement important pour éviter de naturaliser les inégalités politique ». Ibid.., p. 53

* 362 Corcuff (Philippe), op.cit, p. 36.

* 363 Agrikoliansky (Eric), « Carrières militantes et vocations à la morale : les militants de la Ligue des Droits de l'Homme dans les années 1980 », Devenirs militants, RFSP, vol 51, n°1-2, 02-04/2001, pp. 27-46.

* 364 Bourdieu (Pierre), Le sens pratique, Paris, Ed Minuit, 1980, p. 88. Cité dans Corcuff (Phillippe), op.cit., p. 32.

* 365 « Les différences primaires, celles qui distinguent les grandes classes de conditions d'existence, trouvent leur principe dans le volume global de capital, comme ensemble des ressources effectivement utilisables, capital économique, capital culturel, et aussi capital social... ». Bourdieu (Pierre), La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Ed Minuit, 1979, p. 128.

* 366 Des statistiques sur la composition des adhérents nationaux nous ont été fournies par la direction d'Attac France. En revanche, aucune donnée sur la composition du comité local n'est disponible. C'est pourquoi nous reporterons les tendances générales issues de l'analyse des données nationales à l'échantillon du comité local. De plus, nous aurons recours à deux autres sources distinctes qui nous semblent pertinentes. Nous utiliserons avec profit les données fournies par une enquête du mensuel Le Monde diplomatique sur le profil sociologique de ses lecteurs. Cf., « Qui sont les lecteurs du Monde diplomatique ? », Le Monde diplomatique, octobre 1998, pp. 14-15. D'autre part, les données extraites de l'enquête de Thomas Marty ont également été utilisées. En effet, bien que la configuration spatio-temporelle de l'enquête quantitative qu'il a réalisée ne soit pas la même que la nôtre, elle peut nous permettre de corroborer certaines de nos observations. De plus, l'implantation du comité Attac Toulouse n'est pas fondamentalement distincte du comité isérois. En effet, les deux villes présentent de nombreuses similitudes. Toulouse et Grenoble sont, tout d'abord, deux agglomérations de plus de 400.000 habitants (respectivement 608.000 et 400.100), d'autres part, elles ont connu un essor économique comparable. Tandis que Toulouse a polarisé l'essentiel de l'industrie aéronautique et spatial français (50% des emplois) et a développé un important réseau de recherche médicale, Grenoble a su allier l'industrie et la recherche dont elle détient le second rang après Paris. Enfin, les deux villes détiennent un pôle universitaire équivalent avec le regroupement de trois universités pour chacune d'entre elles. Cf. Rey (Alain) dirigé par, Le petit Robert des Noms Propres, Paris, Ed Le Robert, 1996, p. 2259. Les données mentionnées ci-dessus sont reproduites dans deux schémas, p. 157.

* 367 C'est à dire 6 postes principaux. Pour une description et une explication générale Cf., Desrosières (Alain), Thévenot (Laurent), « La nomenclature de 1982 : les professions et catégories socioprofessionnelles », Les catégories socioprofessionnelles, Paris, La découverte, 1988, pp. 67-88..

* 368 La catégorie socioprofessionnelle est absente de notre échantillon d'enquêtés. Cela s'explique par le fait que les enquêtés ont tous été contactés au sein du groupe Grenoble du comité isérois. Peut-être, aurait-il été plus facile de rentrer en contact avec des agriculteurs dans les groupes situés à Vienne ou Voiron.

* 369 La catégorie des « Ouvriers » ne figure pas dans la composition socioprofessionnelle qui nous a été fournie par le siége d'Attac. On peut supposer qu'elle représente moins de 1% de l'ensemble des adhérents et qu'il n'a pas été choisi, à ce titre, de la faire figurer. Cette catégorie est en revanche représentée à 6,5% dans l'échantillon de l'enquête « Toulouse ».

* 370 Ce phénomène peut être mis en lien avec le fait que l'adhésion est, peut-être, moins répandue parmi les comités « campus » que parmi le reste des adhérents. Par exemple, sur Grenoble Cécile nous avoue que parmi la douzaine de personnes qui militent sur le campus, plusieurs ne sont pas adhérents. Les étudiants accorderaient, semble t-il, plus de valeur au militantisme qu'à l'adhésion formelle au mouvement.

* 371 On peut remarquer que ce découpage de la catégorie Cpis dans la présentation des adhérents n'est peut-être pas anodin. D'autant plus, qu'il reste très contestable. Pourquoi avoir distingué la catégorie des enseignants chercheurs » de celle des « Professions intellectuelles supérieures », tandis que la nomenclature de l'INSEE de 1982 n'opère pas cette distinction et les regroupe sous l'appellation de « Professeurs, professions scientifiques » (cpis 34). Il semblerait, avant tout, que le fait de diviser cette catégorie permette de la rendre moins visible.

* 372 « La sociologie l'a amplement démontré : le fait associatif appartient plutôt à une formation sociale déterminée, celle des « nouvelles classes moyennes » qui, à partir de la fin des années cinquante, bouleversent les rapports numériques entre les groupes sociaux, en même temps que le concept acquiert une reconnaissance officielle et légitime scientifiquement ». Barthélémy (Martine), op.cit, p. 70.

* 373 « Les classes moyennes apparaissent comme un phénomène central des sociétés capitalistes contemporaines bien qu'elles se présentent davantage comme une nébuleuse que comme un ensemble structuré; elles ne sont pas polarisés par un groupe social : ni les cadres, ni les enseignants, ni les employés de bureau, ni a fortiori les indépendants ne sont en mesure de représenter à eux seuls cette vaste configuration ». Bosc, « Le nouveau paysage des classes moyennes » in Stratification et transformations sociales. la société française en mutation, Paris, Nathan, 1993, p. 155.

* 374 Cf., Ansart (Pierre), Les sociologies contemporaines, op.cit, pp. 121-128.

* 375 « Les rapports de classe ne sont pas seulement liés à des forces de production, à un état de l'activité économique et de la division technique du travail; ils sont l'expression en termes d'acteurs sociaux de l'action historique elle-même, de la capacité de la société d'agir sur elle-même par l'investissement » Touraine (Alain), Production de la société, Paris, Ed Seuil, 1973, p.31. Cité dans Ansart (Pierre), Les sociologies contemporaines, op.cit, p. 123.

* 376 « Nous vivons en ce moment le passage d'une société verticale, que nous avions pris l'habitude d'appeler une société de classes avec des gens en haut et des gens en bas, à une société horizontale où l'importance est de savoir si on est au centre ou à la périphérie ». Ibid, p. 125.

* 377 Par exemple, on peut noter qu'en 1993, 40% des hommes actifs occupés appartenant à la PCS Professions intermédiaires avaient un père qui était ouvrier. Cf., Enquête F.Q.P 1993. L'étude porte sur 6 022 000 hommes de 40 à 59 ans. Cf., Beitone (Alain), Dollo (Christine), Gervasoni (Jacques), Le Masson (Emmanuel), Rodrigues (Christophe), Sciences sociales, Paris, Ed Dalloz, 1997, p. 349.

* 378 Barthélémy (Martine), « Le militantisme associatif », in Perrineau (Pascal) dir., L'engagement politique, Paris , Presse de la FNSP, 1994, pp. 87-114.

* 379 Chauvel (Louis), Le destin des générations. Structures sociale et cohortes en France au 20éme siécle, Paris, PUF, 1998, p. 34.

* 380 De 1960à 1980, la progression des employés passe de 18% à 26% de la P.A, tandis qu'elle se stabilise à partir du début des années quatre-vingts autour de 29%. Cf., Chauvel (Louis), op.cit, pp. 39-40.

* 381 « La catégorie des employés s'inscrit donc, plus tardivement que celle des ouvriers, dans un processus au travers duquel son poids au sein de chaque grand secteur de l'emploi salarié tend à diminuer au profit de catégories moins qualifiées ». Chenu (Alain), L'archipel des employés, Paris, Insee Etudes, 1990, p. 41. Cité dans Marty (Thomas), op.cit, p. 71.

* 382 Chauvel (Louis), op.cit, p. 38.

* 383 On peut remarquer que le seuil du nombre de bacheliers est très faible au sein des employés. Alors que les professions intermédiaires comptent 41,5% de bacheliers, les employés n'en comptent que 16,5%. Cf. Desrosières (Alain), Thévenot (Laurent), op.cit, p. 84.

* 384 Dogan (Mattei), Narbonne (Jacques), Les françaises face à la politique, Paris, Ed A. Colin, 1955, p. 191.

* 385 Chagnollaud (Dominique), Science politique, Paris, Dalloz, 1999, p. 161.

* 386 Cf., document « Structures générationnelles comparées », p. 167.

* 387 Cf., Etat des lieux, annexe n°12, p. 29.

* 388 Plusieurs cars, en provenance de la région parisienne notamment, étaient constitués pour l'essentiel de personnes du 3éme âge. La convivialité apparaissait très forte au sein de ces groupes.

* 389 Les statistiques produites par la direction d'Attac ne sont en effet pas assez affinés pour une explication détaillé. Trois classes d'âge sont uniquement prises en compte : 18-30 ans, 30-60 ans, plus de 60 ans. On peut légitimement se demander les raisons de ce découpage assez flou.

* 390 Chauvel (Louis), op.cit, p. 14.

* 391 Nous nous référons à la définition que donne l'historien March Bloch d'une génération. « Les hommes qui sont nés dans une même ambiance sociale, à des dates voisines, subissent nécessairement, en particulier dans leur période de formation, des influences analogues. L'expérience prouve que leur comportement présente, par rapport aux groupes sensiblement plus vieux ou plus jeunes, des traits distinctifs ordinairement forts nets. Cela jusque dans leurs désaccords qui peuvent être des plus aigus. Se passionner pour un même débat, fût-ce en sens opposé, c'est encore se ressembler. Cette communauté d'empreinte, venant d'une communauté d'âge, s'appelle une génération ». Bloch (Marc), Apologie pour l'histoire, Paris, Ed A..Colin, 1974, p. 150.

* 392 « C'est toute une génération de couches moyennes qui acquiert alors une certaine vision du monde, un système de normes et de valeurs dont elle restera imprégnées, malgré les évolutions diverses. Cette nouvelle culture va être transmise plus ou moins consciemment aux générations diverses ». Le Goff (Jean-Pierre), Mai 68, l'héritage impossible, Paris, Ed La découverte, 1998, p. 20.

* 393 Un tract du comité isérois, diffusé à l'occasion de la conférence de Susan George qui a eu lieu sur Grenoble le 13/11/2000, s'intitule « Utopie », on peut y lire : « L'utopie ?, c'est rêver, penser, faire que cela se réalise. Mais certains rêvent et appliquent un monde qui devient un cauchemar pour l'immense majorité du monde. A nous de se le réapproprier. Semez de l'utopie vous récolterez du réel ! ». On peut également noter que plusieurs articles du Monde diplomatique parus lors de la création d'Attac se réfèrent explicitement au thème de l'utopie. Cf., Halimi (Serge), « Notre utopie contre la leur », Le Monde diplomatique, mai 1998, p. 14. Igniacio Ramonet, « Besoin d'utopie », Le Monde diplomatique.

* 394 Par exemple, un slogan comme « Un autre monde est possible » nous semble relever du même esprit que celui de mai 68.

* 395 En effet, les mouvements se réclamant de l'écologie politique étaient des groupes non-violents, fondés sur la convivialité et qui visaient à une prise de conscience écologique à l'aide d'un travail pédagogique d'explication. Le principal ressort de l'engagement de ses groupes était la référence à la citoyenneté. Les similitudes avec Attac sont très importantes comme en témoigne ce tract de « Paris écolo » publié en 1978 : « Les écolos sont des simples citoyens que leur vie et leur avenir leur appartient. La politique est d'abord affaire de citoyens ». Cité dans Le Goff (Jean-Pierre), op.cit, p. 388.

* 396 Parmi les différentes « sensibilités politiques », celle à laquelle les enquêtés toulousains se réfèrent le plus est celle de l'écologie politique (45,5%). Cf., Marty (Thomas), op.cit, annexes, p. 12.

* 397 Ibid, p. 9.

* 398 Lionel effectuait à l'époque son service militaire en Lybie. A son retour, en 1970, il a participé à des manifestations « qui étaient dans la lignée de mai 68. C'était, ajoute t-il, un peu une revanche sur mai 68 ».

* 399 Freinet (1896-1966) était un instituteur français qui refusa de pratiquer une pédagogie qu'il considérait comme trop autoritaire. Il expérimenta une méthode éducative « active » fondée sur la personnalité de l'enfant et le travail en groupe. Il créa sa propre école qui devint une école expérimentale et qui servit de modèle à plusieurs réformes éducatives. Cf., Rey (Alain) dirigé par, Le petit Robert des Noms Propres, op.cit, p. 783.

* 400 Julie : « Je suis venu à Attac car un jour dans Marianne j'ai vu un petit entrefilet sur l'accord de l'AMI. Cet article analysait cet accord et là je me suis dit : « Ce n'est pas possible, ce n'est pas possible qu'on laisse faire un truc pareil ! » Je crois que ça été mon déclic. Un mois après il y avait la création d'Attac et je me suis dit Attac c'est ce qu'il me faut [...] Je me suis dit ce n'est pas possible que les gouvernements laissent faire ça ».

* 401 Agrikoliansky (Eric), op.cit.

* 402 L'individualisme méthodologique, selon Wipper, consiste à « attribuer la primauté analytique aux faits sociaux, et la primauté théorique aux individus en tant qu'il prennent des initiatives ». Wippler, « The structural-individualistic approach in dutch sociology : toward an exploratory social science », The Netherlands, Journal of sociology, n°14, 1978, pp. 135-155. Cité dans « A quoi sert l'individualisme méthodologique ». Chazel (François), Action collective et mouvements sociaux

* 403 Chazel (François), « A quoi sert l'individualisme méthodologique en sociologie ? », Action collective et mouvements sociaux.

* 404 Barthélémy (Martine), op.cit, p. 213.

* 405 Par exemple, plusieurs enquêtés n'ont pas, ou quasiement pas, recours à cette notion. Cécile et Isabelle ne l'utilisent pas (zéro occurrence) et Luc s'y réfèrent très peu (trois occurrences). D'autres, comme Fabien (3), Thomas (3) l'utilisent à quelques reprises. Enfin, certains, Laurent (9), Julie (9) et Bernard (10) s'y réfèrent assez fréquemment. Par ailleurs, Lionel critique l'utilisation qui est faite du terme (« J'ai des réticences aussi à utiliser le mot de citoyen, il est tellement galvaudé qu'il ne signifie plus grand-chose »).

* 406 Cette représentation qui est propre à Attac semble en lien direct avec la présentation que l'association fait d'elle même. Elle nous apparaît pas être en rapport direct avec l'adhésion des enquêtés.

* 407 Sophie Duchesne, Le paradoxe de la citoyenneté, in Pascal Perrineau, L'engagement politique. Déclin ou mutation ?, Paris, Presse de Sciences Po, 1994, pp. 185-214.

* 408 Comme le rappelle Dominique Schnapper, le citoyen est, en premier lieu le « membre d'une communauté politique », il se définit par l'exercice de ses droits et de ses devoirs civiques et par sa participation aux décisions de l'Etat, au nom de la volonté générale. C

* 409 « L'usage de la « citoyenneté associative » ou encore de la citoyenneté active » par les associations renvoie très directement à l'analyse du discours associatif, autonomie, responsabilité et créativité des acteurs, nouvelles pratiques politiques et changements « par le bas » ». Barthélémy (Martine), op.cit, p. 215.

* 410 Becker (Howard), Outsiders. Etude sociologique de la déviance, Paris, Ed Métaillé, 1985.

* 411Guillot (Caroline), Le militantisme à la Ligue des Droits de l'Homme : une entreprise morale et politique, Grenoble, Mémoire IEP , Ihl (Olivier) sous la responsabilité de, 1998-1999.

* 412Cf., Varennes (Stanislas), op.cit, p. 24.

* 413 Gustave Massiah, membre du Conseil scientifique d'Attac, a tenu une conférence, à l'occasion de la première université d'été d'Attac, au sujet de l'annulation de la dette du tiers-monde : « La question du partage ne concerne pas seulement les différents acteurs de l'économie au sein de la nation. Elle s'applique au moins autant à l'échelle de la planète ». Massiah (Gustave), « De l'ajustement structurel au respect des droits humains », Une économie au service de l'homme, Paris, Ed Mille et une nuits, 2001, p.248.

* 414 L'engagement au sein de la LCR ne correspond pas pour autant à un engagement humanitaire. Toutefois, les problèmes internationaux occupent dans ce parti politique, au moins dans leur discours, une place assez importante. Ceci explique que les enquêtés ayant milité à la LCR se référent plus régulièrement aux préoccupations d'ordre « humanitaire ».

* 415 Marty (Thomas), op.cit, annexes, p. 12.

* 416 L'annulation de la dette des pays pauvres est un thème très récurrent au sein des conférences organisées par Attac. Beaucoup de comités disposent d'ailleurs d'un groupe de réflexion thématique qui est dédié à cette revendication.

* 417 « En fait, il ressort un certain humanisme, un certain altruisme du discours de ces personnes; un discours dont il faut noter qu'il est très proche de celui de leurs organisations. Reste à savoir, et cela est difficile, si elles ont adhéré à l'association parce que celles ci défendaient des valeurs auxquelles elles étaient très attachées, ou si c'est l'association qui, une fois qu'elles y sont rentrées, les a imprégnées de ces valeurs. En fait, il semble que ces deux aspects soient complémentaires ». Varennes (Stanislas), op.cit, p. 24.

* 418 Cf., Fillieule (Olivier), Sociologie de la protestation, Paris, L'Harmattan, 1993, p. 44.

* 419 Cf., Fillieule (Olivier), Péchu (Cécile), p. 149.

* 420 Inglehart (Ronald), The silent revolution. Changing Values and Political Styles among Western Publics, Princeton, Princeton University Presse, 1977.

* 421 Cf., Fillieule (Olivier), Péchu (Cécile), p.123-128. Et Op.cit., Lafargue (Jérôme), pp.49-50.

* 422 Verba. S & Nye. N. H, Participation in America : Political democracy and Social Equality, New York, Harper and Row, 1972. Cité dans op.cit., Fillieule (Olivier), Péchu (Cécile), p. 125.

* 423 L'Enquête mondiale sur les valeurs (World Value Surveys, WVS) qu'utilise Inglehart porte sur 61 pays répartis sur six continents. Cf., Inglehart (Ronald), « Choc des civilisations ou modernisation culturelle du monde ? », Le Débat, n°105, 1999, pp. 21-54.

* 424 Cette hypothèse est d'ailleurs vérifiée, en partie, par le niveau de diplôme qu'il est possible de constater parmi les adhérents d'Attac. Selon l'étude réalisée par Thomas Marty tandis que 11,1% de la P.A nationale est dotée d'un diplôme supérieur au Bac+2, ce même taux s'élève à 73,1 parmi les personnes de l'échantillon du comité Attac Toulouse. Cf., Marty (Thomas), op.cit, p. 87.

* 425 Marx (Karl), Le 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte, 1851, Ed Sociales, 1969.

* 426 Cf., Neveu (Erik), op.cit, p. 46.

* 427 Op.Cit., Fillieule (Oliveir), Péchu (Cécile), p. 82.

* 428 Gaxie (Daniel), « Economie des partis et rétributions du militantisme », Revue Française de Sciences Politiques, vol 27, n°1, fev 1977, pp. 123-154.

* 429 Ibid, p. 126.

* 430 « Sans nier que les mobiles idéologiques puissent être dans certains cas un facteur de mobilisation politique, on peut s'attendre à ce que d'autres incitations viennent les appuyer et les renforcer et que ceux qui consacrent leur temps et leur énergie à un parti soient rétribués d'une manière ou d'une autre ». Ibid, p. 128.

* 431 Ibid, p. 129.

* 432 On peut par exemple citer François, Julie ou encore Luc qui en tant que président consacre la majeure partie de son temps à l'association.

* 433 « L'engagement représente une dimension déterminante de l'image qu'ils [les militants] perçoivent d'eux même et qu'ils renvoient à d'autres autres [ainsi] la participation, même très indirecte, à une activité politique constitue une pratique nécessaire à l'estime de soi » Agrilolansky (Eric), La Ligue des droits de l'Homme (1947-1990). Pérennisation et transformation d'une entreprise de défense des causes civiques, thèse de sciences politiques pour doctorat, IEP Paris, Favre (Pierre), 1997.

* 434 Nous supposons que le discours tenu par Isabelle visait à justifier le fait qu'elle ne soit pas très impliquée dans l'association.

* 435 Op.cit., Gaxie (Daniel), pp. 131-132.

* 436 On peut évoquer, par exemple, la présentation de la taxe Tobin qui a été faite par une militante, qui par ailleurs est professeur d'économie, lors de la réunion plénière du 22/05/2001, ou encore la présentation du mécanisme de l'AGCS par un militant lors de la réunion du groupe de réflexion consacré au « Service publique ».

* 437 Par exemple, lors du C.A du 7/04/2001, Luc, le président d'Attac Isère, a proposé de présenter la conférence faite par à l'occasion du prochain salon du naturel qui aura lieu à l'Albenc en septembre 2001. Thomas insistait pour que ce soit « une dame » qui le fasse.

* 438 « Si des êtres humains se réunissent en groupements économiques ou en clans familiaux, en association ou en confraternité de sang, il faut y voir là sûrement la conséquence de nécessités et d'intérêts spéciaux. Pourtant, par delà ces contenus particuliers, toutes ces socialisations s'accompagnent du sentiment propre et de la satisfaction qu'il procure du fait que l'on est justement socialisé, eu égard à la valeur de la formation d'une société comme telle ». Simmel (Georges), Sociologie et épistémologie, PUF, 1981, p. 124. Cité dans Blondiaux (Loïc), « Les clubs politiques », Politix, 02/1988, p. 42

* 439 Par exemple, Mosci Ostrogorski qui a analysé l'évolution des organisations politique anglaises durant le 19éme siècle, observe que suite à l'élargissement du suffrage, le Caucus a étendu la propagande politique aux classes populaires par le moyen de soirées et de divertissements destinés à « créer une association de sentiments entre ceux qui sont conviés à les partager et les partis politiques ». Ostrogorski (Mosci), La démocratie et les partis politiques , Ed Fayard, 1993, 2éme éd, 1912, p. 239.

* 440 Op.cit, Blondiaux (Loïc), p. 39.

* 441 Mehl (Dominique), « Culture et action associative » », Sociologie du travail, n°1, 01/1982, p. 26.

* 442 L'entretien avec Laurent a eu lieu le 2/05/2001, soit le lendemain de la mobilisation à laquelle il se réfère. Par ailleurs, il s'agissait de la première action du comité à laquelle il participait.

* 443 Ion (Jacques), op.cit, pp. 60-64.

* 444 « Dans l'engagement distancié, c'est la personne singulière qui se trouve impliquée, voire exhaussée. La mobilisation n'y signifie pas renoncement à soi, bien au contraire. Mais cette implication personnelle est toujours circonstanciée, et suppose donc constamment sa suspension potentielle. Engagement de soi va toujours alors avec engagement réversible ». Ibid, p. 83.

* 445 Le compte rendu de la commission « Formation interne et externe » du comité isérois notait parmi les propositions qui ont été formulées à l'occasion de l'AG : « Recenser toutes les compétences des adhérents et faire appel à eux sur des thèmes précis ».Attac Isère, Rapport d'activité 2001, p. 8.

* 446 « L'évolution n'est pas rectiligne et il n'y a pas substitution d'un modèle à un autre. La figure du militant traditionnel peut ainsi se retrouver au sein même de nouvelles formes [...]C'est dire que le large mouvement d'affaiblissement du nous repéré précédemment doit aussi être mesuré à l'aune de ces résurgences fortes [...] C'est dire également qu'on ne saurait lire l'évolution selon sur un axe unique, définitivement orienté. Si nous sommes convaincus que la perspective sociétaire est bien en train de prendre le pas sur la perspective communautaire, on ne saurait pour autant éliminer de l'analyse du fait associatif contemporain toute dimension de sociabilité ». Ibid, p. 92.

* 447 Bien qu'il soit délicat de déterminer précisément la taille de ce groupement, il semblerait qu'il se compose d'une vingtaine d'individus. Toutefois, il est possible de distinguer au sein de celui ci une seconde niche dans laquelle la sociabilité interne serait encore plus marquée. Ce second groupement serait constitué de cinq ou six individus.

* 448 Une adhérente nous a expliqué les difficultés qu'elle rencontrait pour s'intégrer au comité isérois.

* 449 Chantal Aumeran, Pierre Tartakowsky, Rapport d'activité, Assemblée générale d'Attac La Ciotat, 23 octobre 1999.

* 450 Cassen (Bernard), « Nous sommes tous des apprenants » in Une économie au service de l'homme, Paris, Mille et une nuits, 2001, pp. 9-16

* 451 L'ouvrage Tout sur Attac avait été vendu à 35 000 exemplaires six mois après son lancement. Les retombées commerciales des ventes ne sont pas négligeables malgré le faible coût d'un ouvrage (dix francs, mais dix-sept francs depuis peu) puisque la maison d'édition Fayard (très critiquée au sein de l'association en raison de son affiliation avec Lagardère Groupe) offre 10% de droits d'auteurs à l'association. Cf., Ferrand (Christine), « La contestation : un marché de poche », Livre Hebdo, 01/12/2000.

* 452 Les militants du comité local ont par exemple, durant l'année 2000, tenu un stand à l'occasion de la journée de la Femme (8/03/2000), de la journée du 1er mai, de la fête interculturelles de la Villeneuve (24/06, Isère), de la foire « L'avenir au naturel » de l'Albenc (2-3/09, Isère), de la marche mondiale des femmes (14/10), des journées « Marché Solidaire et commerce équitable » qui ont eu lieu à Vizille (24-25/11, Isère), du salon Naturissima « La vie au naturel » (2-5/12).

* 453 Durant l'année 2000, en sus des stands déjà cités, une distribution de tracts a eu lieu sur la place Felix Poulat sur l'AGCS (2/12) et un stand a été tenu sur la campus (13/11). Ibid., pp. 4-5. On peut noter que ce manque d'investissement des militants dans la distribution de tracts est confirmé par l'enquête de Thomas Marty selon laquelle 12,5% des enquêtés seraient prêts à participer à la distribution de tracts. Marty (Thomas), op.cit, annexes, p. 11.

* 454 Berthelot (Jacques), Le dictionnaire de notre temps, Paris, Hachette, 1988, p. 476.

* 455Un militant d'Attac a écrit dans ce sens sur internet : « J'en profite également pour souhaiter que nous autres à Attac sachions nous déprendre d'un certain complexe de supériorités de « militants de gauche ». Je m'explique : nous sommes tellement persuadés que nous avons un message important à délivrer aux « masses » (la taxe Tobin, la dénonciation critique de l'économie financiarisée, etc.), que nous avons parfois tendance à sous estimer l'état réel de conscientisation et d'éducation de la société civile dans ces domaines [...] La société civile n'est pas si ignorante et inerte qu'on le croit en ce qui concerne la taxe Tobin [...] ». Douillard (Luc), « Cher Bernard Cassen », Attac talk, 26/03/2001.

* 456 « Mais, très vite, il est apparu que les adhérents voulaient non seulement qu'on leur communique une information « du tract au livre », élaborée de manière rigoureuse, mais ils entendaient aussi se l'approprier afin de mieux agir, ce qui impliquait une démarche pédagogique. On passait de la diffusion unidirectionnelle d'un émetteur vers un récepteur- caractéristique de la presse- à un schéma plus interactif et plus réactif, relevant, lui, de la formation ». Cassen (Bernard), « Une économie au service de l'homme », op.cit, p. 13.

* 457 Ibid, p. 15.

* 458 Cf., Université d'été 2001, Présentation générale, p. 1.

* 459 Cf., Université d'été 2000, Programme.

* 460 On peut noter que dernières universités d'été d'Attac qui ont eu lieu à Arles du 24 au 28 août 2001ont également rassemblé 700 personnes. Il est étonnant que malgré la progression de 10 000 adhérents proclamés par l'association, pas plus de militants ne soient présents. Cela confirmerait peut-être la disproportion entre la rapide ascension du nombre d'adhésions revendiquées et la véritable représentativité du mouvement. Cf, Losson (Christian), « Taxe Tobin : Attac continue le combat. », Libération, 28/08/2000. Belleret (Robert), « Les militants d'Attac ajustent leurs arguments contre la mondialisation libérale », Le Monde, 28/08/2001, p. 5.

* 461 « Qu'est ce que la monnaie ? Ses fonctions. La bourse. La spéculation. L'emprise contemporaine de la finance. Pourquoi la taxe Tobin ? », « A propos du chômage de masse et du plein emploi. », « A propos des retraites et de l'épargne salariale. », « A propos de l'environnement », « A propos de l'annulation de la dette extérieure ». Par ailleurs, les intervenants venaient pour beaucoup du conseil scientifique d'Attac, comme René Passet, Bruno Jetin, Jacques Nikonoff ou Michel Husson, d'autres intervenaient en tant que membres fondateurs d'Attac, Philippe Frémeaux, rédacteur en chef d'Alternatives économiques, Pierre Khalfa ou encore Susan George. Cf., Université d'été 2001, p. 2.

* 462 « Les travailleurs sociaux ont à prendre conscience qu'ils sont les agents premiers de la solidarité », « Electronique citoyenne : comment maîtriser la machine, de sa prise en main à son utilisation dans un cadre militant ? ». Ibid, p. 3.

* 463 L'argumentaire qui a été utilisé provient d'un tract du comité Attac Dieppe qui a été récupéré au cours de l'AG de St Brieuc. Il a été choisi en raison de sa forme didactique qui facilite la démonstration. « A propos de la taxe Tobin », Le Mascaret. Bulletin du comité Attac de Dieppe, n°7, octobre 2000, p. 3. Il figure en page suivante.

* 464 Cf., Tobin : la taxe pour les esprits faibles, Les dossiers de l'iFrap (Institut Français pour la Recherche sur les Administrations Publiques), n°64, septembre/octobre 1999, p. 3. Cet institut qui a édité une brochure très critique sur Attac constitue probablement un groupe d'opposants à l'association.

* 465 Cf., Conseil scientifique d'Attac France, « La taxe Tobin : comment la gérer et pour financer quoi ? », document disponible sur le site : http://attac.org/fra/asso/doc/doc.14.htm, p. 4

* 466 Ces citations sont extraites à partir de prises de notes effectuées lors de la réunion.

* 467 Cassen (Bernard), « Des libertés liberticides ».

* 468 Cette constatation s'appuie sur la base de plusieurs réunions et ne porte pas uniquement sur le débat auquel nous venons de nous référer.

* 469 Mis à part les ouvrages qui semblent assez peu lu par les adhérents, le Conseil scientifique publie des « 4 pages » consacrés à certains thèmes de réflexion (AGCS, dette, taxe Tobin, etc.). Elles sont largement diffusées au sein du comité.

* 470 Les documents distribués par les militants lors de diffusions de tracts sont le plus souvent ceux qui proviennent de la direction nationale d'Attac.

* 471 « Ils étaient plus de 700, alignés dans la longue halle au bois des anciens chantiers navals de la Ciotat, venus de toute la France, s'initier à cette économie qui, pour la plupart d'entre eux, restait une discipline mystérieuse. Pendant quatre jours, du 23 au 26 Août 2000, ils allaient supporter stoïquement huit heures d'enseignement quotidiens dont six heures de cours magistraux et deux heures de travaux en groupes, avec une soif intense d'apprendre et de comprendre. Il aurait fallu bien plus pour les décourager que le bombardement pédagogique auquel ils étaient soumis. Car cette première université d'été- contrairement à ce qui se fait généralement -était intégralement consacrée à l'enseignement, non aux petites phrases des grands chefs ». Passet (René), « une soif de comprendre » in Attac, Une économie au service de l'homme, op.cit, pp. 17-20.

* 472 On peut également noter que lors de certaines réunions la présence d'un expert, qui n'est pas toujours matériellement faisable, est remplacée par la diffusion d'un documentaire (le comité Attac Lyon a, par exemple, en monté une vidéo sur l'OMC) puisque le comité isérois dispose d'une vidéothèque. Cf., Attac Isère, Rapport d'activité 2001, p. 2.

* 473 Cf., Caillois (Roger), L'homme et le sacré, Paris, Reed Gallimard, 1988, 1er éd 1950, p. 247.

* 474 Cf., Cabin (Philipe), « Dans les coulisses de la domination », Sciences humaines, n°105, mai 2000, pp. 24-28.

* 475 « Le capital symbolique est une propriété quelconque, force physique, richesse, valeur guerrière, qui perçue par des agents sociaux dotés des catégories de perception et d'appréciation permettant de la percevoir, de la connaître et de la reconnaître, devient efficiente symboliquement, telle une véritable force magique : une propriété qui, parce qu'elle répond à des attentes collectives, socialement constituées, à des croyances, exerce une sorte d'action à distance, sans contact physique ». Bourdieu (Pierre), Raison pratiques, Paris, Ed Seuil, 1994, p. 245.

* 476 « Un des effets de la violence symbolique est la transfiguration des relations de domination et de soumission en relations affectives, la transformation du pouvoir en charisme ou en charme propre à susciter un enchantement affectif ». Ibid., p. 187.

* 477 La pertinence de la métaphore de la domination reste toutefois limitée du fait qu'il l ne s'agit au sens qu'en donne Weber, c'est-à-dire la « chance pour des ordres spécifiques, de trouver obéissance de la part d'un groupe déterminé d'individus ». Weber (Max), Economie et société, 1920, tome 1, Paris, Plon, Reed 1971, p. 219.

* 478 Parmi trois types de domination légitimes (rationnelle, traditionnelle et charismatique), Max weber précise que la domination charismatique repose « sur la soumission extraordinaire au caractère sacré, à la vertu héroïque ou à la valeur exemplaire d'une personne, ou encore d'ordres révélés ou émis par celle-ci (domination charismatique) ». Ibid., p. 220.

* 479 Lors de l'AG 2000, les conclusions de la commission « Formation interne et externe » ont d'ailleurs formulé des propositions tenant compte de cette limite. En effet, il était proposer d' « organiser et favoriser les échanges entre les « experts » économistes et les adhérents », mais il était également proposé d'« envisager une auto-formation des adhérents qui le désirent par la constitution de groupes de travail par thème de réflexion : échange des interrogations et des compréhensions, travail à partir de documents d'Attac mais aussi d'autres sources, appel à des « experts » en fonction des interrogations et d'un travail élaboré entre nous pour consolider les acquis et se les réapproprier avec nos mots ».Attac Isère, « Rapport moral 2000 », op.cit, p. 8.

* 480 Ion (Jacques), « Engagement associatif et espace public » in Mouvements, n°3, 04/1999, p. 67.

* 481 Ion (Jacques), op.cit, pp. 74-75.

* 482 Charles Tilly a mit en évidence que progressivement les mobilisations locales fondées sur les solidarités communautaires (1650-1850) ont cédé la place à des mobilisations nationales et autonomes (1850-1980). Erik Neveu suppose que l'avènement des mobilisations internationales apparu au cours des années quatre-vingt-dix avec les mouvements anti-mondialisation pourrait constituer une 3ème génération de répertoire d'action. Cf., Tilly (Charles), La France conteste. De 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986, pp. 544-545. Cf., Neveu (Erik), op.cit, p. 60.

* 483484 La notion de « répertoire d'action collective » établit « l'hypothèse d'un choix délibéré chez ceux qui revendiquent, entre des modes d'action bien définis, les possibilités de choix et les choix eux-mêmes changeant essentiellement en fonction des chois précédents. Dans on acception moyenne, l'idée de répertoire présente un modèle où l'expérience accumulée d'acteurs s'entrecroise avec les stratégies d(autorité, en rendant un ensemble de moyens d'action plus pratique, plus attractif, et plus fréquent que beaucoup d'autres moyens qui pourraient, en principe, servir les mêmes intérêts ». Tilly (Charles), « Les origines de l'action collective contemporaine en France et en Grande-Bretagne », Xxe siècle, Revue d'Histoire, n°4, 1984, p. 99

* 485 Cf., op.cit, Lafargue (Jérôme), pp. 35-36.

* 486 « C'est le moment que choisissent quelques dizaines de militants d'Attac pour s'élancer en maillots de bain de la Promenade des Anglais sur la plage Beaurivage. « Nous n'avons pas peur de nous mouiller pour défendre les droits sociaux ! » clament ces révoltés en se jetant dans l'eau fraîche, drapeaux rouges et pancartes d'Attac à la main. Une véritable nuée de téléobjectifs et de caméras se trouve opportunément sur la plage pour immortaliser la scène. Du jamais vu, sauf lorsque les plus grandes stars montent les marches du Palais des festivals, à Cannes ». FK, Express, art.cit, p. 94.

* 487 Ibid, p. 95.

* 488 Weil (Nicolas), «Attac débarque à Jersey pour dénoncer les paradis fiscaux », Le Monde, 9/06/2001.

* 489 Parmi les activités auxquelles les militants attachent le plus d'importance, la « participation aux soirée festives » apparaît comme la première réponse fournie par les enquêtés avec 54,7%. Cf, Marty (Thomas), op.cit, annexes, p. 11.

* 490 « Si cette légitimité par le nombre ne serait subitement disparaître, elle n'est plus l'alpha et l'oméga » résumant par un chiffre la puissance du groupement [...] Il faut convenir qu'une transformation est en cours à travers laquelle l'idée de masse comme expression de la puissance, caractéristique des groupements de même appellation, n'a plus l'évidence qu'elle pouvait avoir ». Ion (Jacques), op.cit, p. 73.

* 491 Ibid, pp. 74-75.

* 492Attac France, Tout surAttac, op.cit, p. 12.

* 493 Ibid, p. 13.

* 494 La direction nationale envisage également de louer la salle du palis des congrès. Ce type de rassemblement de grande ampleur conforte notre hypothèse.

* 495 « L'action violente [...] est habituellement écartée des analyses de la participation, soit qu'on la considère comme d'une autre nature, soit que les indicateurs utilisés ne permettent pas sa prise en compte. Pourtant, la violence constitue selon nous un recours, virtuel, présent à l'état potentiel dan s l'action collective [...] La mesure de la part tenue par l'action violente dans les modes de participation doit être au centre de l'interrogation sur la nature du comportement protestataire ». in « La manifestation comme indicateur de changement politique », p. 114-139.

* 496 Cf., op.cit, Lafargue (Jérôme), p. 35.

* 497 Le black bloc n'est pas à proprement parler une organisation mais un mode d'affrontement et de protestation. Les groupes autonomes désignés par ce terme sont apparus en 1992 lors de violences dirigées vers la Banque mondiale. Cf., Losson (Christian), « Des anti-mondialisation dans la tactique de l'affrontement. Des mouvements anars radicalisent la contestation », Libération, 18/06/2001, p. 3.

* 498 Un périmètre de sécurité avait été délimité au sein de la ville de Gênes. Un mur grillagé en rendait l'accès impossible aux manifestants. Dubois (Nathalie), « Pendant le G8, Gênes coupé du monde. L'Italie a prévu de nombreuses mesures de sécurité pour encadrer le sommet du 20 juillet », Libération, 18/06/2001, p. 4.

* 499 « Ce comportement [de violence] est triple à rejeter. D'abord, il constitue une violation des pratiques de concertation démocratique des coordinations qui se mettent en place à l'occasion des grands rassemblements contre les politiques néo-libérales des institutions internationales et européennes. Ensuite, par l'attention prioritaire que lui accordent les médias, il permet de passer sous silence les enjeux et l'ampleur de ces mobilisations. Enfin, et plus grave encore, il fournit opportunément des arguments à tous ceux [...] qui, inquiets à juste titre du rejet populaire que suscitent leurs politiques, croient y trouver une parade en tentant de criminaliser la contestation d'un ordre social profondément injuste ». Attac France, « Déclaration du Bureau d'Attac France : après les incidents de Göteborg », 19/06/2001. Document disponible sur le site http://www.attac.org/tra/asso/doc/doc.62.htm.

* 500 « C'est la loi des rendements décroissants. Si les actions violentes se répètent trop, notre travail en souffrira [...] Pour quelques cons ingérables, on passe pour des anticapitalistes primaires, anti-européens violents. Ces violences d'anars ou de casseurs son plus antidémocratiques que les institutions qu'ils combattent soi disant ». Cf., Losson (Christian), op.cit, p. 3.

* 501Cf., Losson (Christian), « Christophe Aguiton, un des responsables d'Attac : « On doit comprendre l'impatience et les frustrations des militants », Libération, 18/06/2001, p. 4.

* 502 « Christophe Aguiton, secrétaire général d'Attac et porte parole d'AC !, a une biographie bien remplie : militant LCR depuis 28 ans (durant les années 1970, il a même été responsable su service d'ordre( !) de la Ligue); expulsé de la CFDT en 1988, il fonde Sud. Passionné de stratégie militaire, c'est un vrai dur ». Cf., Lecaussin (Nicolas), « Taxe Tobin : la taxe pour les esprits faibles », op.cit, p. 9. 

* 503 Un militant d'Attac a publié sur un internet un message dans lequel il accusait la LCR d'entrisme : « En clair [...] la LCR disposerait d'un service d'ordre clandestin, qui s'auto-institue pour encadrer les adhérents d'Attac et les conduire dans des situations critiques, non discutées collectivement et préalablement. On comprend mieux la « compréhension » bienveillante d'Aguiton [...] pour les violences à Göteborg. Ces violences font partie du spectacle officiel. Elles sont prévues inévitables, voire préméditées et souhaitées, par l'appareil trotskiste, à l'insu des militants d'Attac ». Douillard (Luc), « Attac jouet de la LCR ? », message diffusé sur Attac-talk, 24/06/2001.

* 504 « En revanche, depuis quelques années, les affrontements sont devenus une sorte de rituel, apparemment inévitable, selon un scénario que l'on décrirait à l'avance. Chaque fois, les forces de l'ordre des villes où va se tenir le grand rendez-vous transforment les lieux de passage et de travail des participants officiels en une zone de haute sécurité, sous le contrôle de milliers de policiers anti-émeutes, et, pratiquant une sorte de surenchère préventive, prennent des mesures draconiennes d'interdiction d'accès aux périmètres ainsi protégés, voire aux villes elles-mêmes, comme ce fut le cas à Québec, et de manière encore plus caricaturale, récemment à Gênes ». Petrella (Ricardo), « Criminaliser la contestation », Le Monde diplomatique, août 2001, p. 6.

* 505 Cette position est d'ailleurs celle de plusieurs adhérents d'Attac qui soutiennent la violence. Par exemple un militant déclarait sur internet : « Je pense que les violences nous rendent plus visibles du grand public, et poussent de plus en plus de gens à s'informer auprès d'organisations comme Attac. De plus [...] s'il y a des violences on nous tends le micro pour le déplorer, et s'il n'y en a pas on ne nous tend pas le micro [...] Pourquoi ne pas demandez aux Black Blocs (et autres) de revendiquer toutes leurs actions violentes [...] Cela permettrai de faire clairement la part des choses, d'un côté ce qui est imputable à des manifestants (dont on continuera à déplorer les méthodes) et ce qui ne l'est pas [...] Et cela évitera des amalgames malheureux... ». Goareguer (Pascal), « Götebog suite, et un peu de politique », Attac talk, 06/07/2001.

* 506 On peut noter, d'ailleurs, que les militants du comité se tournent fréquemment vers Thomas pour résoudre les problèmes pratiques qui sont rencontrés quotidiennement (la constitution d'un tract unitaire, l'organisation de déplacements pour un contre-sommet).

* 507 Des photos servant de support visuel sont situées en annexes. Nous nous y reporterons régulièrement.

* 508 Cf., annexe n°24, photo n°2.

* 509 Cf., annexe n°24, photo n°3-4.

* 510 Cf., annexe n°27, photo n°14.

* 511 Cf., annexe n°26, photo n°5-6-7.

* 512 Cette remarque ne repose pas sur une impression personnelle mais elle se fonde sur des discussions avec des militants ultérieures aux événements.

* 513 Il semblerait selon les propos de Luc que des personnes aient annoncé que le service d'ordre d'Attac organisait un replis des militants. Ceci s'avérait être faux.

* 514 N'ayant pu assister à l'université d'été 2001, ces propos nous ont été relatés par des militants du comité isérois.

* 515 Les militants du comité isérois avaient déjà pris contact précédemment avec la communauté de l'Arche qui propose des formations aux techniques de non-violence.

* 516 La manifestation qui a eu lieu le 21 juillet s'est finie par le déclenchement de mouvements de panique. Le cortège Attac s'est alors disséminé. Le groupe des militants isérois était également divisé. Des altercations ont eu lieu entre des groupes anarchistes et les carabiniers au milieu desquels se trouvaient pris certains manifestants pacifistes. Les militants isérois n'ont pas su comment réagir; ils ont alors tenté de retourner à leur campement. Leur mode de protestation pacifique était en décalage avec les violences qui ont eu lieu.

* 517 « Dans le cadre d'une recherche qualitative, la preuve de la validité des résultats est difficile à fournir de façon immédiate : ce n'est pas le test de validation qui est jugé, mais la fiabilité des modèles tirés de l'observation. Les modèles sociaux demandent de nombreuses confrontations avec des instances très diverses [...] Mais il existe des instruments [...] le principal est la saturation des modèles. Ces derniers sont dégagés progressivement de l'observation. Au début, ils sont très flous et sans cesse remis en cause par de nouvelles observations. Puis ils deviennent plus nets et se stabilisent, les faits confirmant les grandes lignes, et précisant les points de détails; jusqu'au moment où il est possible de considérer qu'il y a saturation : les dernières données recueillies n'apprennent plus rien ou presque. A ce stade le chercheur a éprouvé lui même la validité des résultats ». Kaufmann (Jean-Claude), L'entretien compréhensif, Paris, Ed Nathan, 1996, p. 29.

* 518 Nous rappelons ici le renouveau de l'engagement tel qu'il est décrit par Jacques Ion et Martine Barthélémy. Cf., Ion (Jacques), La fin des militants ?, op.cit. Bathélémy (Martine), Associations : un nouvel âge de la participation, op.cit

* 519 Cf., Ion (Jacques), op.cit, pp. 35-50.

* 520 Ion (Jacques), op.cit, p. 49.

* 521 Cf., ibid.. pp. 67-72.,

* 522 Mayer (Nonna), « Les mutations du militantisme » in Hommes et libertés, n°97, 1998, p. 88.

* 523 « Le modèle distancié suppose quant à lui des individus déliés de leurs appartenances, valorisant des ressources personnelles, se mobilisant ponctuellement sur des objectifs limités pour une durée déterminée, privilégiant l'action directe et l'efficacité immédiate même restreinte ». Ion (Jacques), op.cit, p. 100.

* 524 Il est question ici exclusivement des « nouveaux » militants (dont il s'agit d'interroger la nouveauté) pour lesquels Attac représentent un réveil de la participation. On peut par ailleurs noter que parmi les enquêtés, ceux qui cumulent plusieurs adhésions et que nous avons décrit comme étant des militants professionnels, ne correspondent pas non plus au modèle décrit par Jacques Ion. En effet, malgré leurs différentes adhésions, les enquêtés restent insérés dans un même réseau idéologique. La remarque que fait Jacques Ion à propos des anciens modes d'organisations semble s'appliquer à eux : « Bien sûr, la pluri-appartenance associative était déjà souvent la règle de fait mais elle se passait à l'intérieur des conglomérats, la détention de plusieurs cartes ne faisant alors que traduire les différentes façons de manifester une appartenance socio-idéologique, l'intensité de l'investissement dans tel ou tel groupement satellite reflétant souvent une sorte de division du travail militant selon les trajectoires socioprofessionnelles ou le sexe ». Ibid, p. 49.

* 525 « L'organisation est la source d'où naît la domination des élus sur les électeurs, des mandataires sur les mandants, des délégués sur ceux qui les délèguent. Qui dit organisation dit oligarchie ». Michels (Roberto), Les partis politiques, Paris, Flammarion, 1971.

* 526 Duverger (Maurice), Les partis politiques, Paris, A. Collin, 1957, 1ère éd. 1951, pp. 84-85.

* 527 Bourdieu (Pierre), « La représentation politique. Eléments pour une théorie du champ politique », art.cit, p. 6.

* 528 Duverger (Maurice), op.cit, p. 85.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King