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Langage & Politique en Catalogne : La définition d'une politique scolaire sur un marché linguistique compétitif


par Jean-Philippe SOL
Université Paris Dauphine - DEA 126 2001
  

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B - LA RECONSTRUCTION DU PASSÉ CATALAN

1 - Les objectifs de la relecture légitime du parcours historique de la langue

Cette assertion, selon laquelle le catalan constitue un attribut identitaire majeur, a poussé les catalans à procéder à une relecture légitimée de leur histoire linguistique. Juan Colomines i Puig, Président de la Commission de la Culture, dans son livre86(*), édité par la Generalitat sous le label du Departament de la Presidencia, La llengua nacional de Catalunya, fournit une illustration de cette relecture. Ce personnage politique (il a également été Député du Parlement catalan pendant 8 ans) incarne donc une forme de parole politique légitime concernant l'histoire de la langue catalane. Colomines propose dans son ouvrage une périodisation particulière de l'histoire de la langue catalane. Selon cette périodisation, après une période d'autonomie politique et culturelle, la première grande lutte pour la récupération linguistique irait de 1714 à 1931. Le choix de ces deux dates n'est évidemment pas neutre. 1714 correspond à la suppression indirecte , via le décret de Nova Planta, du catalan en consacrant le castillan comme seul idiome officiel au sein de la couronne d'Espagne, puis à la restauration du Catalan comme langue officielle en 1931 sous l'impulsion du leader catalan Fransesc Macia, lors de la création de la première Generalitat de Catalunya.

Dans le sens que lui prête Colomines, cette périodisation met en évidence le statut minoritaire du catalan et retrace l'historique des tentatives individuelles ou collectives permettant le recouvrement de l'usage légitime de la langue.

Il assume ainsi un type de discours vulgarisé et typifié par des membres du champ scientifique catalan87(*), principalement des historiens ou des sociolinguistes. L'ambition de ce discours est de démontrer qu'il a existé une identité catalane caractérisée par un passé politique, culturel et linguistique. Cette relecture du passé sert d'appui aux exigences linguistiques de la communauté autonome.

2 - La relecture historico-linguistique de la langue catalane

a) Le poids de l'histoire

Vallverdù remonte ainsi en 988 pour effectuer une généalogie scientifique et périodisée de la langue catalane : "Les vicissitudes historiques dont le catalan a souffert, d'un point de vue sociolinguistique, peuvent être examinés en 9 étapes" 88(*). La Catalogne a d'ailleurs connue une époque ou elle a pu bénéficier d'une réelle souveraineté politique et d'un âge d'or culturel, au XIIIe et XIVe siècles, notamment sous la direction de Jaume I89(*).

L'influence de la Catalogne médiévale fut territorialement importante, puisqu'elle forma une confédération avec l'Aragon, englobant Majorque et l'ensemble des Baléares (1129-1230), Valence (1232-1245), toujours revendiqués comme parties intégrantes du territoire catalan, puis en 1282, la Sicile, et, en 1323, la Sardaigne.

Cependant, nous sommes d'accord avec Andrée Bachoud90(*) pour affirmer que la suite est "faite de faisceaux d'événements où chaque cause a puisé de quoi nourrir son argumentaire, que ce soit pour affirmer une identité propre, la volonté d'autonomie et même de séparations de certaines régions d'avec l'Etat ou, au contraire, pour nourrir toutes les justifications d'une exaltation unitaire".

Suite à l'analyse de Fransesc Mercadé, cette vision de l'histoire et de la langue catalane reprend finalement les conclusions du "Congrès de la Culture Catalane" de 1977 auquel participait l'inteligentsia catalane et dont le rapport final mentionnait trois grandes étapes : "a) la formation de la nationalité (VIIIe - IXe siècles)... ; b) l'existence d'une personnalité politique propre (Xe - XVIIIe siècles)..; c) d'un centralisme uniforme (1714 - 1975 : à l'exception de la Mancommunitat de 1914 à 1925 et de la Generalitat de 1931 à 1939)"91(*).

b) La Catalogne est une nation-Etat

L'actualisation et la défense d'une trajectoire historique débouche sur l'extraction de postulats soutenant la politique de Normalisation Linguistique. La mise à jour d'une unité politique médiévale permet aux historiens nationalistes de prétendre que la Generalitat fut le précurseur de l'Etat Républicain moderne en Europe et de défendre le concept de nation-Etat, qui s'oppose à celui d'Etat-nation92(*). Cette définition explique l'importance accordée par la Generalitat à défendre une conception européenne dégagée de présupposés étatiques et fondée sur la reconnaissance de la pluralité linguistique du vieux continent. Cela explique aussi aussi la politique euro-régionaliste du gouvernement autonome. Cette vision identitaire recoupe celle de Valent Allmiral, l'un des fondateurs du nationalisme politique catalan, explicant la formation de son pays sur la base de critères ethnico-linguistiques.

c) Le catalan a toujours connu une situation diglossique

Le sociologue Fransesc Vallverdù dégage de l'histoire catalane un élément linguistique d'importance : "Bien que l'âge d'or des lettres catalanes ai commencé, en fait, au 14e siècle, la plus brillante période fut celle du 15e siècle. Comme nous l'avons vu, le catalan avait maintenant toutes les propriétés d'un langage national, d'un standard linguistique, et cette situation perdura" 93(*).

Vallverdù incorpore le concept de diglossie94(*), en distinguant un High Language (le castillan) d'un Low Language (le catalan), permettant de penser la domination longtemps séculaire du castillan sur le catalan au sein d'un même territoire. Les sociolinguistiques ont construit un arsenal conceptuel et terminologique sur la place et l'utilisation du catalan dans une société où le castillan reste prégnant. Joan Martí i Castell ne propose pas moins de 17 termes utilisant le mot langue afin de déterminer les implications politiques et sociales de la cohabitation sociale des deux langues95(*).

d) La notion de droits linguistiques

C'est cette vision diglossique de la société, aiguisée par la répression franquiste, qui soutend d'ailleurs la conception de la politique linguistique de la Catalogne autonome. La politique linguistique repose sur des droits linguistiques particuliers : "Droits linguistiques : possibilités légales et/ou morales qui sont en rapport avec l'utilisation de la langue propre. Les droits linguistiques servent à protéger les idiomes et à leur assurer une continuité normale"96(*). Ces droits ont ainsi été définis précisement par la Direction Générale de la Politique Linguistique en 1989. Cette notion de droits linguistiques permet de penser le bilinguisme institutionnalisé par la constitution espagnole. Ce bilinguisme est fondé sur le concept de langue propre, Llengua propia, avalisé par le statut d'autonomie de 1979.

La notion de droits linguistiques permet de concilier droits individuels et droits collectifs, comme le rappelle Jordi Pujol : "Nous devons définir et appliquer notre propre modèle basé sur les droits individuels mais avec la reconnaissance de ce que la langue propre, et le centre de gravité de la Catalogne, soit le catalan et que ceci confère certaines prérogatives avec, de surcroît, la nécessité et le devoir de compenser ce que les effets de la persécution justifient doublement"97(*).

e) La Catalogne détient des droits linguistiques sur les territoires catalans

Parallèlement, cette période médiévale permet à Colominès de définir "les domaines linguistiques de la Catalogne" : "Comme on peut le déduire à partir de ces faits, dès 1238, tous les territoires formaient une unité politique réelle qui dura jusqu'au début du XVIIIe siècle"98(*).

Pays Catalans que la Catalogne définit comme faisant aujourd'hui partie de son patrimoine linguistique et donc sur lesquels elle possède des droits linguistiques. Ces pays catalans comprennent la Catalogne légalement reconnue, le pays valencien, les bordures aragonaises de la Catalogne, les îles Baléares, le Roussillon français et la ville d'Alguer en Sardaigne99(*).

* 86 - COLOMINES i PUIG, J., La llengua nacional de Catalunya, Generalitat de Catalunya, 1992.

* 87 - WEBBER, J. & STRUETA, M., The Catalan Language : progress towards Normalisation, The Anglo-Catalan Society occasionnal Publications, 1991.

* 88 - VALLVERDU, F., "A socio-linguistic history of catalan", International Journal of the Sociologie of Language, 1984, n°47, p.13-28.

* 89 - VILAR, P., Catalua en la Espaa moderna, Critica, Barcelona, 1984.

* 90 - BACHOUD, A., "L'Espagne des autonomies", BURGI N., Fractures de l'Etat-nation, Kimé, 1994, pp. 167-179.

* 91 - MERCADE, F., Ibid, p.27.

* 92 - Le processus de contruction nationale peut être disjoint du processus construction étatique. LINZ, J.J., "State-Building and nation-Building", European Review, 1993, Vol.1, n°4, pp.355-359.

* 93 - VALLVERDU, F., Ibid, p.18.

* 94 - Le concept de diglossie permet de penser la domination institutionnelle et sociale d'une langue sur une autre au sein d'un territoire donné.

* 95 - MARTI i CASTEL, J., L'ùs social de la llengua catalana, Barcanova, Barcelona, 1992.

* 96 - MARTI i CASTEL, Ibid, p.145.

* 97 - PUJOL, J., Que representa la llengua a Catalunya ?, Generalitat de Catalunya, Barcelona, 1995, p.25.

* 98 - COLOMINES i PUIG, J., Ibid, p.18.

* 99 - Une carte des pays catalans peut être consulté en annexe.

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