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L'utilisation des nouvelles technologies dans le procès civil : Vers une procédure civile intégralement informatisée ?


par Sophia BINET
Université LUMIERE LYON 2 - Master Droit Processuel 2005
  

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SECTION 2 - La cohabitation de l'homme et de la machine dans le délibéré, une perspective à délimiter

Des systèmes fondés sur une intelligence artificielle dans le domaine du droit sont nés à la fin des années 1980. Ces outils dénommés « systèmes experts » ou « systèmes à base de connaissance », sont un des plus beaux fleurons de l'intelligence artificielle bien qu'ils présentent certaines failles (I). Destinés à aider l'homme, ils ne servent cependant pas à le remplacer mais bien à l'assister intelligemment (II) ce qui semble correspondre aux exigences de sécurité juridique.

I. Une intelligence artificielle au service de l'élaboration d'une décision : les systèmes experts

Le concept « Artificial Intelligence » a été utilisé pour la première fois à Darthmounth College aux Etats-Unis en août 1956, lors d'une conférence réunissant un ensemble de scientifiques de haut niveau qui proposaient de réaliser des programmes d'ordinateurs doués d'intelligence. Il est délicat à définir puisque de nombreuses confusions et interprétations erronées demeurent. En effet, sachant qu'il est au départ difficile d'expliquer la notion d'intelligence, l'intelligence artificielle ne peut pas être aisé à décrire. Néanmoins, le Professeur Martine Quenillet l'a défini comme un regroupement de concepts, méthodes et procédures élaborées par les hommes pour simuler les activités liées à la pensée et au raisonnement humain95(*). Le but est alors de fournir des résultats qui pourraient être ceux de l'intelligence humaine mais il ne s'agit pas de simuler l'ensemble de pensée ou de la raison humaine.

C'est en se fondant sur cette technique que les systèmes experts ont été créés puisque ceux-ci ont pour fonction d'assister l'homme pour résoudre les problèmes dans lesquels l'aide d'un expert s'avère particulièrement utile voire indispensable. A quoi servent concrètement ces outils ? Est-il possible de réellement les appliquer avec profit au domaine juridique ? L'étude approfondie de leur histoire et fonctionnement est un préalable nécessaire (A) afin de savoir quels sont leur avantages et inconvénients (B).

A. L'utilisation des systèmes experts appliqués au droit

1. Historique

L'année 1970 marque le début de l'application des systèmes experts au droit. En effet, à cette époque aux Etats-Unis, l'informaticien BUCHANAN et le juriste HEADRICK (Université de Stanford), publièrent les premiers résultas d'une recherche détaillée sur l'utilisation de ces outils. Peu de temps après, Thorne McCARTY, aujourd'hui considéré comme le père de ce domaine d'activité, réalisa le système « Taxman » qui a pour objet d'analyser les conséquences fiscales d'une transaction commerciale et qui encore de nos jours un des systèmes les plus connus.

Depuis les années 1985, la combinaison de l'informatique traditionnelle du traitement des données et de l'informatique de type intelligence artificielle s'est beaucoup développée et à l'heure actuelle, il est possible de concevoir sept différents systèmes experts : diagnostic, de planification, guides, de contrôle, de modélisation de documents, d'aide à la recherche documentaire, d'aire à l'analyse des textes juridiques et ceux à vocation d'enseignement. Il ne convient pas de les étudier successivement puisqu'ils ne concernent pas tous la problématique de notre développement. Néanmoins, il est intéressant de se pencher sur l'analyse du système expert de diagnostic qui est un processus automatisé de résolution d'une difficulté juridique.

2. L'intérêt de leur fonctionnement : des outils pour reformuler le droit

Les systèmes experts accompagnent le processus de décision du juge de manière à mémoriser son raisonnement dans un domaine particulier.

En effet, dans les systèmes de diagnostic, l'ordinateur propose une solution spécifique au problème qui lui est soumis96(*). Les décisions sont commandées par une combinaison de facteurs dont elles résultent de façon mécanique. Ce système repose sur l'enchaînement « Si...alors... ». Par exemple, imaginons que ledit système doit aider le magistrat sur un litige concernant une demande de condamnation au paiement d'une somme d'argent. Il fera son cheminement vers la décision, fondé d'une part sur les textes applicables dans le domaine concerné (non règlement des loyers et loi de 1989 sur la bail d'habitation, non règlement des échéances d'un contrat de vente, dommages et intérêts fondés au titre de la responsabilité civile, etc.) et la jurisprudence, et d'autre part, tenant compte des règles de procédures (compétence du juge, pièces produites à prendre en compte ou non selon que le principe du contradictoire a été respecté, etc.). Tout comme le juge vérifie si les conditions prévues par la loi sont réunies, le système s'interroge sur chacune d'elles et la réponse affirmative à chaque interrogation permet la poursuite du raisonnement. : si telle condition est remplie, alors telle règle s'applique.

Le magistrat participe à la création de ce qui sera son outil d'aide à l'élaboration de la décision et contrôle le processus. La sécurité juridique dans sa sphère d'activité ne peut qu'être renforcée par un tel exercice d'autant plus que l'outil peut l'aider à vérifier ses connaissances lors du traitement des dossiers. Dès lors, un tel système décharge le juge d'un certain nombre de dossier, étant à l'évidence adapté aux règles juridiques existantes qui résultent de la loi, de la jurisprudence de la Cour de cassation, de la Cour d'appel de son ressort, voire de la chambre où le juge exerce sa propre pratique.

Néanmoins, diverses difficultés se heurtent à l'utilisation systématique des systèmes experts. Il semble alors que les performances de l'informatique ne puissent pas égaler celles des spécialistes du droit.

B. La réalisation d'un système expert : les limites de la faisabilité

Dans de nombreux cas, le système expert n'est d'aucune aide pour le magistrat qui devra apprécier seul la situation de faits.

En effet, tout d'abord, lorsque la situation présentée au juge n'a pas été prévue par la loi, qu'elle n'a fait l'objet d'aucune décision de jurisprudence, ou encore si des éléments de faits nouveaux sont apportés au débat, le système expert ne fournit plus de réponse et n'est dès lors plus compétent. Le juge reprend donc le dossier seul et fait son office de juge97(*). Son pouvoir créateur paraît donc ne pas pouvoir être remplacé par la machine.

Ensuite, il faut savoir que même si les systèmes experts peuvent permettre un meilleur rendement et une réduction du coût des services, ils sont eux-mêmes onéreux, voire de manière considérable98(*). En effet, afin de les faire fonctionner, des informaticiens qualifiés sont indispensables et il faut payer les experts humains, ce qui prend des proportions importantes. Ainsi, les bénéfices qui résultent de leur utilisation devront excéder ces coûts afin qu'ils puissent être mis en place. Néanmoins, il paraît difficile de quantifier le profit engendré par cette technologie car elle est pour partie de nature intangible99(*).

Aussi, il est fréquent que certains litiges mêlent plusieurs difficultés, dont certaines relèvent largement de l'appréciation humaine. Le juge tient compte d'une série de critères, en leur accordant une importance variable selon les demandes, les dossiers, sa propre connaissance et chacun de ces éléments peuvent influer sur l'appréciation des autres. Dans ces cas où le raisonnement humain a une place indispensable, la machine n'est donc d'aucun secours100(*).

Enfin, le système expert peut engendrer des problèmes humains et d'organisation. En effet, la source du savoir et de l'expertise est l'expert humain lui-même. Or, il est permis de penser qu'il n'est pas toujours facile de convaincre un expert de consacrer de longues périodes de son temps pour la réalisation du système, d'autant plus s'il n'a pas l'assurance que ce dernier pourra fonctionner de manière efficace dans le cadre d'une organisation spécifique. Certains utilisateurs peuvent avoir le sentiment qu'on leur ôte des compétences, ou encore ils peuvent se sentir moins à l'aise devant des systèmes informatiques que devant des êtres humains. Dès lors, le professionnel du droit qui ne désire pas faire une utilisation de la technologie informatique constitue une limite première à l'instauration des systèmes experts dans le domaine du droit.

Par conséquent, les systèmes experts ne sont pas infaillibles et leur maniement par le juge ne peut pas être systématique. Néanmoins, ils constituent une technologie moderne et appréciable qui peut très bien être utilisée pour des litiges déterminés. L'important est là aussi de distinguer les domaines qui nécessitent l'intervention de l'homme et ceux qui peuvent être relayés par une machine.

* 95 M. QUENILLET, Droit et intelligence artificielle : mythes, limites et réalités, Petites Affiches n°11, p. 11

* 96 Voire par exemple le système d'aide à la détermination de la nationalité française développé dans sa version prototype au laboratoire d'informatique juridique de Montpellier (I.R.E.T.I.J), système qui face à une série de problèmes techniques et financiers ne fut jamais installé dans le réseau des greffes ; M. QUENILLET, Le système-expert nationalité, in Système experts et droit, CRID, Namur, Ed. Story Scientia, 1988.

* 97 Article 4 du Code civil «Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice».

* 98 En 1988, la société Cap Sogeti a chiffré à 1.800.000 Francs (soit 274.408,23 €) la réalisation d'un système expert en droit de la nationalité française limitée aux problèmes posés par les ressortissants de Madagascar.

* 99 M. QUENILLET, Droit et intelligence artificielle: mythes, limites et réalités, Petites Affiches n°11, p. 11, op. cit. note 95.

* 100 Supra p.82

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery