WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les chambres régionales des comptes


par Jean-Philippe SOL
ENS Cachan - DEA Action Publique et Sociétés Contemporaines 2001
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

    DEA « ACTION PUBLIQUE ET SOCIÉTÉS CONTEMPORAINES » - ECOLE NORMALE SUPERIEURE DE CACHAN - 2000/2001

    DIRECTEUR DU MEMOIRE : Jean-Claude Thoenig

    LES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES

    LA CHAMBRE RÉGIONALE DE HAUTE-NORMANDIE

    Pour une approche sociologique d'un système d'action local et une mise en perspective de l'action des magistrats financiers au travers du rôle du contrôle financier externe exercé par les chambres régionales des comptes (1982 - 2000)

    DEA « ACTION PUBLIQUE ET SOCIÉTÉS CONTEMPORAINES » - ECOLE NORMALE SUPERIEURE DE CACHAN - 2000/2001 1

    Note générale de présentation 7

    Introduction 7

    I - LES DONNÉES STRUCTURALES DU SYSTEME D'ACTION LOCAL : LES COLLECTIVITÉS LOCALES, LE REPRÉSENTANT DE L'ETAT, LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES 13

    LE PHÉNONEME DE LA DÉCENTRALISATION ET LE CONTRÔLE DES COMPTES 13

    LES DIMENSIONS CONSTITUTIVES DE LA GESTION PUBLIQUE TERRITORIALE 15

    [1) La définition nationale des compétences 15

    [2) La répartition locale des compétences 16

    LES RESSOURCES (RECETTES) DES COLLECTIVITÉS LOCALES : EXPRESSION DES MECANISMES DE SOLIDARITE ENTRE LE CENTRE ET LA PERIPHERIE PUIS ENTRE LES DIFFERENTS ELEMENTS DE LA PERIPHERIE 18

    [1) L'utilisation de la péréquation comme mécanisme redistributif vertical 19

    [2) Emergence de mécanismes de péréquation horizontale 19

    [3) Le fonds de correction des déséquilibres régionaux 20

    [4) La puissance financière des collectivités territoriales 20

    LE POLYMORPHISME TERRITORIAL AUTORISE UNE ACTION PUBLIQUE FLEXIBLE 21

    [1) La visée rationnalisatrice des réformes de regroupement territorial émanant du centre 21

    [2) Une action publique flexible 22

    LA DYNAMIQUE DE LA DÉCONCENTRATION COMME MODALITÉ DES NOUVELLES RELATIONS CENTRES-PERIPHERIES ET LES MUTATIONS DES MODALITES DE LA TUTELLE 23

    [1) La déconcentration dans le cas français 23

    [2) Une mise en oeuvre récente 24

    L'ETAT ET LA GESTION PUBLIQUE TERRITORIALE : UNE DÉLÉGATION DE COMPÉTENCES ET DE MOYENS ASSORTIS D'UNE PERMANENCE DU RÉGIME DU CONTRÔLE FINANCIER ET BUDGÉTAIRE 25

    [1) La rémanence de l'oeil central sur les fonds territoriaux 25

    [2) Un partenariat obligé 26

    UNE AUTONOMIE POLITIQUE SOUS CONTRÔLE 27

    [3) L'établissement du budget comme vecteur initial des politiques publiques locales 27

    [4) Un contrôle en forme de triangle de fer 28

    [5) Le rôle fondamental du Préfet 30

    LE RÔLE DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES DANS L'ANALYSE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALES 31

    [1) Les missions des chambres régionales des comptes 31

    [2) Eléments quantitatifs 33

    La Chambre Régionale des Comptes de Haute-Normandie 34

    Eléments quantitatifs de l'activité des chambres régionales au niveau national 35

    [3) Quelques cas concrets d'affaires publiques 35

    II - ESQUISSE D'ANALYSE DU MODE DE FONCTIONNEMENT DE LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES 39

    LE FONCTIONNEMENT DE LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES 39

    [1) Organisation générale des chambres 39

    [2) La particularité des chambres régionales des comptes 40

    L'ORGANISATION INTERNE DE LA CHAMBRE 42

    [1) L'agenda : programmation des contrôles et rationalisation des moyens 42

    [2) Une rationalisation croissante des activités 45

    [3) L'autonomie des magistrat 46

    [4) Au rythme de l'organisation : collégialité et contradiction 49

    LA PLACE DE LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES DANS LE SYSTÈME DE RÉGULATION POLITICO-ADMINISTRATIF 51

    [1) Ce qu'elle n'est pas : l'exemple des Autorités Administratives Indépendantes 51

    LE MÉTIER DE MAGISTRAT FINANCIER PUISSAMMENT ENCADRÉ PAR LES MEMBRES DE LA COUR DES COMPTES 52

    [1) Les membres d'un corps 52

    [2) De la division du travail au sein d'une chambre régionale des comptes 54

    [3) Le métier de magistrat au sein de la chambre 55

    [4) Une organisation en réseau dirigée par les membres de la cour des comptes 60

    III - LE MAGISTRAT FINANCIER DE LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES DANS LE SYSTÈME DE RÉGULATION POLITICO-ADMINISTRATIF FRANÇAIS 65

    DÉMARCHE COMPARATIVE DES ÉVOLUTIONS POLITICO-ADMINISTRATIVES RÉCENTES 67

    [1) Les différents niveaux de l'Action Publique : l'exemple Européen 67

    [2) Les évolutions des paradigmes liés au contrôle public 69

    [3) Le contrôle juridictionnel versus le système de l'Audit 70

    LE SYSTÈME D'ACTION LOCALE DANS L'ARÈNE POLITIQUE 71

    [1) Des problèmes publics locaux 71

    [2) Les relations entre la chambre et les Préfets 73

    [3) La chambre régionale et le juge judiciaire 74

    L'INTÉGRATION DES ENJEUX AU NIVEAU NATIONAL 75

    [1) Un processus politique qui a contribué à solidifier le périmètre d'intervention des chambres régionales des comptes 75

    [2) Le Sénat comme agrégation des revendications politiques locales et réceptacle des capacités d'intégration politique 76

    [3) Des demandes d'adaptation différenciées 78

    [4) La profondeur des réseaux d'action publique 80

    [5) Tableau synoptique des réseaux d'acteurs liés au système d'action 82

    POSITION NATIONALE, POSITION LOCALE : DE L'EXAMEN DE GESTION À L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES 83

    [1) Un magistrat n'est pas Préfet : les deux corps du roi 83

    [2) Le contrôle de gestion ou l'évaluation des politiques publiques ? 84

    [3) Vers une évolution sensible du mode de régulation ? 87

    [4) Intégration et non-résolution de problèmes 88

    [5) Le modèle français du contre-rôle 89

    CONCLUSION. 94

    Un système d'action orienté vers un ajustement marginal 94

    La réponse des magistrats 95

    BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE 97

    Note générale de présentation

    Je tiens à remercier la Présidente de la chambre régionale de Haute-Normandie, Madame Lamarque, pour l'accueil qu'elle a bien voulu me réserver, comme tous les magistrats et collaborateurs de la chambre de Haute-Normandie.

    Sur le mémoire en tant que tel, j'ai essayé d'appliquer quelques concepts et d'utiliser différentes afin d'élucider autant que possible les quelques questions présentées en introduction. Le mémoire n'est pas exhaustif mais j'ai essayé d'utiliser au mieux ce dont je disposais, compte-tenu des moyens ou des informations auquel j'ai pu avoir accès.

    Je suis par ailleurs persuadé, à la suite de cette rédaction, que les travaux de type comparatif, comprenant les pays de l'Europe de l'Est et dans une perspective européenne, peuvent être fructueux pour enrichir une approche sociologique des phénomènes politico-administratif liés à la réorganisation des territoires.

    Introduction

    Les chambres régionales des comptes constituent une nouveauté au sein du système politico-administratif français, puisqu'elles participent d'un renouvellement des modalités de contrôle des territoires exercé par l'Etat.

    Avec la décentralisation et les « droits et libertés » accordés aux différentes collectivités locales, le mode de régulation territoriale de l'action publique a, de ce fait, profondément évolué et a été perçu comme tel par l'ensemble des fonctionnaires territoriaux1(*). La nature proprement politique de la décentralisation a engendré une modification des types d'actions locales engendrées par la démultiplication des territoires politiques.

    Le modèle de la régulation croisée2(*), qui décrivaient le comportement particulier d'acteurs locaux en quête de ressources pour leurs fiefs dans un schéma vertical et hiérarchique, semble avoir vécu, même si l'Etat reste un acteur important dans la régulation des territoires.

    « Le passage d'un modèle de régulation croisée à un modèle marqué par l'institutionnalisation de l'action collective interroge sur les modèles de coopération à travers lesquels l'action publique se construit en même temps que sur les transformations de sa nature même. C'est parce qu'on est passé historiquement d'une logique de production d'action publique, fondée sur la fourniture de services, à une logique de construction d'action publique, définie par la mise en cohérence des interventions publiques, que les relations entre les acteurs se sont considérablement »3(*).

    Il nous semble donc intéressant d'analyser les métamorphoses de ce mode de régulation en étudiant notamment le fonctionnement d'une chambre régionale des comptes, celle de Haute-Normandie, au travers des déclarations de différents acteurs et de rapporter cette situation locale au contexte national.

    La position des acteurs permettront de nous éclairer les évolutions d'un mode de régulation4(*) particulier : celui du contrôle financier externe des collectivités territoriales par le système administratif périphérique et de l'évolution de l'action publique territoriale.

    En effet, si le système de la régulation croisée5(*) semble avoir vécu, pour laisser la place à une territorialisation croissante de l'action publique, associée à une redistribution du rôle des acteurs6(*), il reste à s'interroger sur les formes de réorganisation des pouvoirs décisionnels des acteurs, liés au désengagement partiel de l'Etat des circuits de décisions budgétaires et à l'évolution du régime de la tutelle. On s'achemine donc vers une analyse partielle d'un gouvernement local7(*), qui représenterait la totalité des actions publiques déterminées par les collectivités locales au sein d'une juridiction donnée.

    Quels sont les enjeux, les contraintes ou les marges de manoeuvres propres à chaque acteur dans cette nouvelle donne qui réunit les collectivités territoriales, les chambres régionales des comptes et le Préfet ?

    Quels sont les lignes de fractures entre ces différents participants au système d'action local ? Et comment s'organisent-ils face aux enjeux déterminant leur participation à la régulation du système d'action local ?

    Pour accompagner l'apparition de centres de décision politiques indépendants des organes de l'Etat , le législateur à prévu l'existence de Chambres Régionales des Comptes, dont la mission va consister à appliquer localement, sur un territoire donné, les missions de contrôle juridictionnelles et financières normalement et historiquement échues à la Cour des comptes.

    La majorité des tutelles, administratives, financières ou techniques, pesant sur les institutions publiques locales ont été supprimées, allégées ou assouplies (d'où l'explication, notamment, du titre de la loi : « Droits et libertés des communes, des départements et des régions »).

    De fait, si les contrôles de légalité, portant par exemple sur les règles budgétaires budgétaire (faisant intervenir représentant de l'Etat et CRC8(*)) peuvent être effectués en amont ; le contrôle de gestion, voire l'évaluation des politiques publiques, sont effectuées à posteriori, ex-post, sur des territoires au sein desquels l'autonomie locale a donc été profondément renforcée.

    Cependant, si les magistrats financiers des chambres régionales n'ont pas la faculté, eu égard à la légitimité démocratique des élus, d'exercer un contrôle d'opportunité de telle ou telle dépense d'investissement, concept désignant en l'occasion la faculté de jugement subjectif des magistrats financier, la publicité effectuée autour de la gestion des comptes publics concourent à la mutation politique des territoires administratifs et à l'établissement de nouvelles règles de fonctionnement au sein du système d'action local.

    Car c'est bien là l'un des points central de l'explication du système d'action local.

    Les élus, disposant, suite aux différentes réformes, de pouvoirs décisionnels importants, notamment en termes d'investissements de structures, n'ont pas forcément goût aux analyses financières formulés par les magistrats, qu'ils prennent pour des prescriptions ni à la publicité faite autour des examens de gestion, lesquels s'insèrent dans l'espace politique local et perturbent ainsi les conditions de réalisation du marché politique local, comme l'obtention des ressources rares.

    Si le cadre législatif et réglementaire a sensiblement évolué, sous l'impulsion des politiques, depuis les lois de 1982, ce n'est pas le cas du cadre institutionnel qui a conservé une configuration identique. Aussi, devrions-nous peut-être, pour expliquer les modes de coordination et d'intégration des enjeux, nous reporter à d'autres analyses.

    Nous nous retrouvons ici dans le sillage de P. Le Galès, à la suite de Jessop, « la gouvernance au sens de la sociologie politique est donc définie comme un processus de coordination d'acteurs, de groupes sociaux, d'institutions pour atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des environnements fragmentés, incertains »9(*). Dans ce contexte, l'analyse des types d'acteurs et de leurs ressources procède d'une démarche visant à élucider les mécanismes régulant le système d'action local.

    Le concept de régulation renvoie ici aux caractéristiques énoncé par Lange et Regini10(*) pour lesquels la régulation se déploie sous trois formes distinctes : le mode de coordination de diverses activités ou de relations entre acteurs, l'allocation de ressources en lien avec ces activités ou ces acteurs, enfin la régulation des conflits.

    De ce fait le magistrat financier participe de ce mouvement de réorganisation des territoires, modifiant ainsi le métabolisme du système d'action local. Souvent en conflit, de manière légitime, avec les élus ou les représentants des organismes contrôlés, le magistrat financier est devenu progressivement le véritable contrôleur des actes des collectivités territoriales.

    Sa position, son statut et ses capacités d'interventions font donc l'objet de négociations récurrentes entres les diverses représentants des parties concernées, dont l'élite des magistrats financiers, les membres de la Cour des comptes, et ce, filtrées par la fragmentation politique des territoires et la particularité du système politique français.

    Dans un premier temps, nous allons nous intéresser au principal sujet de préoccupation des magistrats financiers : les collectivités territoriales. Celles-ci, grâce à la décentralisation, se sont vus accordées une large autonomie fonctionnelle et décisionnelle leur permettant, à l'aide de larges montants financiers, de financer de nombreux d'infrastructures liés à leurs compétences. Les modalités de contrôle par l'Etat de ces collectivités se sont donc modifiés.

    Dans un deuxième temps, nous allons voir comment les magistrats fonctionnent au sein des chambres, dont le fonctionnement apparaît spécifique au sein du paysage administratif français, au sein d'un corps principalement représenté par les membres de la Cour des comptes. Les magistrats financiers apparaissent conscients des enjeux territoriaux et nationaux liés à l'activité de leur chambre et des chambres régionales des comptes.

    Enfin, nous nous intéresserons à l'aspect dynamique du système d'action local, au travers de l'étude des conflits, des enjeux ou des cas d'espèces, qui structurent l'opposition entre les élus, décisionnels en matière d'investissement public et les magistrats financiers, responsables de jure de la bonne tenue des comptes publics. Cette partie nous permettra de nous interroger sur le comportement des acteurs en situation d'ajustement des positions.

    I - LES DONNÉES STRUCTURALES DU SYSTEME D'ACTION LOCAL : LES COLLECTIVITÉS LOCALES, LE REPRÉSENTANT DE L'ETAT, LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES

    LE PHÉNONEME DE LA DÉCENTRALISATION ET LE CONTRÔLE DES COMPTES

    Le Cabinet de Conseil Arthur Andersen, dans le cadre d'une « Mission commune d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locale », réalisée en partenariat avec des élus de la nation, a présenté le résultat d'une enquête, par l'intermédiaire de son Directeur associé, Eric Woerth, responsable des collectivités locales, devant le Président de la séance, M. Jean-Paul Delevoye.

    Au cours de son intervention, M. Woerth a esquissé une typologie comparative des collectivités locales en Europe et distingué trois groupes de pays : les pays à caractère unitaire (Danemark, Royaume-Uni), les pays fortement régionalisés (Espagne, Italie) et les pays à caractère fédéral (Allemagne), témoignant de la diversité des organisations administratives européennes.

    La France - et c'est donc confirmé par les acteurs du secteur privé - appartient au groupe des pays unitaires, malgré les mesures qui ont assouplies son mode de fonctionnement politico-administratif. Les lois de 1982 ont opéré en France une décentralisation des compétences en faveur des collectivités locales. Cette attribution de compétences propres aux différents échelons - commune, département, région - est historiquement profondément novatrice dans un pays marqué par une puissante centralisation administrative.

    Le cadre administratif français reste d'ailleurs unitaire en soi, sur le plan administratif, avec le recours aux principes de la déconcentration, et comparativement aux autres pays européens11(*), notamment ceux disposant d'un cadre fédéral. La différence existant entre les principes et les applications de la décentralisation, d'une part, et les principes et les applications de la déconcentration, d'autre part renvoie, bien évidemment à l'organisation de l'ordre politique mais relève surtout d'une philosophie différente.

    La déconcentration12(*) renvoie à l'idée, simple, d'amélioration qualitative et quantitative de l'Etat. Cela permet notamment, des gains de temps, grâce à l'absence d'aller-retour entre le centre et la périphérie, et une meilleure efficience de l'action publique grâce une meilleure connaissance du terrain par les fonctionnaires locaux. Si elle permet de réaliser mieux et plus vite, elle pose également, comme on le verra quelques problèmes.

    La décentralisation relève d'une autre logique. Politique par nature, elle engendre des problèmes politiques qui ont inévitablement un impact sur l'organisation des pouvoirs publics, la réalisation des missions de service public ou de l'intérêt général existant cependant depuis longtemps. Elle contribuent de ce fait à remodeler les modalités du gouvernement local, telles qu'elles sont exercées par les différentes collectivités présentes sur un territoire donné. Cette dimension innovante de la politique de décentralisation a d'ailleurs été clairement perçue par les acteurs13(*) puisque que l'on est passé de réformes par petites touches à une réforme « par les structures », impulsée par le centre.

    Il est vrai que les tentatives antérieures, lors des années 1960 en ce qui concerne les régions et au début des années 1970 pour les communes, avec le dispositif censé favoriser le regroupement des communes, n'ont forcément donné les résultats escomptés14(*). L'action de Gaston Deferre va donc être largement novatrice dans la mesure où elle rompt avec les tentatives avortées du passé pour donner aux différents territoires de nouvelles règles du jeu. Le système d'action qui en découle va donc être restructuré par les textes fondateurs de la décentralisation.

    LES DIMENSIONS CONSTITUTIVES DE LA GESTION PUBLIQUE TERRITORIALE

    Pour reprendre la grille d'analyse édictée par Kiser et Ostrom, dans « The three world of action »15(*), quelles sont les règles de constitutionnalisation par lesquels se structurent les règles de choix et qui déterminent les conditions de possibilité de l'action des acteurs ?

    [1) La définition nationale des compétences

    Quels sont donc les textes établissant le canevas du nouveau système d'action ?

    La loi du 2 mars 1982, celles du 7 janvier et du 22 juillet 1983 ont précisé les principes fondamentaux de la répartition des compétences selon lesquels les transferts doivent se faire en bloc dans la mesure du possible ; affirmation du principe d'égalité entre les collectivités locales, transferts de moyens corrélatifs aux transferts de compétences.

    Les capacités de produire ou d'interpréter les possibilités décentralisatrices relèvent d'un mixte de loi et de règlement. L'article 72 précise que « les collectivités s'administrent dans les conditions prévues par la loi » et le législateur ou le politique a également la faculté de puiser au sein de l'article 34, qui prescrit le régime électoral des collectivités locales et leur mode d'organisation, ainsi que sur la jurisprudence du conseil d'Etat.

    [2) La répartition locale des compétences

    Ainsi, les communes, les départements et les régions «  concourrent avec l'Etat à l'administration et à l'aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi qu'à la protection de l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie » (Art. L. 1111-2 du CGCT) et l'article L. 1111-4 de préciser : « La répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'Etat s'effectue, dans la mesure du possible, en distinguant celles qui sont mises à la charge de l'Etat et celles qui sont dévolues aux communes, aux départements ou aux régions de telle sorte que chaque domaine de compétences ainsi que les ressources correspondantes soient affectés en totalité soit à l'Etat, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions »

    Les modalités du transfert ont attribué à la région des compétences, principalement en matière de planification régionale, de développement économique et d'aménagement du territoire ; de protection du patrimoine et des sites ; de formation professionnelle et d'apprentissage ; des lycées ou de l'habitat et du logement social. Depuis 1986, la Région assure ainsi la construction, l'équipement, les dépenses d'entretien et de fonctionnement des lycées et des établissements d'éducation spéciale. Ce qui représentait 42% de l'ensemble des dépenses des d'investissements des Régions en 1990, sans parler du plan Université 2 000.

    Le département récupère le droit d'établir un plan d'aide à l'équipement rural ; d'être compétent pour l'ensemble des prestations légales en matière d'aide sociale ; de s'occuper des transports scolaires ou de s'occuper de tourisme et d'action culturelle. 80% des dépenses départementales sont concentrées sur trois secteurs : la voirie, l'action sanitaire et sociale. Par exemple, le département finance le RMI, à hauteur de 20% des dépenses engagées par l'Etat l'année précédente.

    Quant à la commune16(*), elle s'occupe entre autre du plan d'occupation des sols ; a un droit de regard sur le patrimoine architectural et urbain ; elle peut également s'occuper du logement social. Les investissements sont souvent concentrés dans l'urbanisme opérationnel, tel la réhabilitation de quartiers anciens ou la création de logement.

    Le département est ici le principal bénéficiaire des différentes lois de décentralisation, puisqu'il reçoit des compétences en matière d'action sanitaire et sociale, de logement, d'équipement rural et d'enseignement public, alors que la région a un rôle plus limité - ses compétences portent principalement sur l'aménagement du territoire mais également plus stratégique, car, de par sa position au sein du système français (commune, département, région, centre, Europe), elle joue un rôle central d'évaluation et de réflexion sur l'avenir du territoire dont elle détient la vision proche. En outre, dans une Europe qui semble vouloir faire de la Région le pivot du développement économique et social, cette unité semble bien positionnée pour affronter les échéances futures17(*).

    LES RESSOURCES (RECETTES) DES COLLECTIVITÉS LOCALES : EXPRESSION DES MECANISMES DE SOLIDARITE ENTRE LE CENTRE ET LA PERIPHERIE PUIS ENTRE LES DIFFERENTS ELEMENTS DE LA PERIPHERIE

    Pour mémoire, les principales recettes sont constituées des quatre taxes directes locales que sont le foncier bâti, le foncier non bâti, la taxe d'habitation et par la taxe professionnelle.

    Ce qui représente 85% du total des impôts communaux, 65% du total des impôts départementaux, 60% du total des impôts régionaux.

    Certes, ils existent d'autres impôts locaux comme la taxe d'enlèvement sur les ordures ménagères, la taxe locale d'équipement ou la taxe sur les véhicules à moteur mais ils restent mineurs.

    Les produits tirés de la gestion du patrimoine ou de la vente de services, représentent 15% des ressources des collectivités locales. Ce qui peut être, par exemple, la vente de bois ou la tarification de droits d'accès aux bibliothèques.

    Cependant, il faut bien mettre en évidence, dans une perspective de sociologie des organisations politiques, que le système législatif et réglementaire mis en place n'est pas un système fédéral, mais un aménagement du système unitaire.

    Les mécanismes de solidarité financière, comme les liens organiques entre le système administratif et le système politique, témoignent de la forte intrication des intérêts entre les acteurs du gouvernement local et le système politico-administratif. Différents systèmes témoignent de cette solidarité à géométrie variable

    [1) L'utilisation de la péréquation comme mécanisme redistributif vertical

    la péréquation date de 1975, complété en 1983 par un fonds national et en 1991 par une péréquation spécifique de Taxe Professionnelle provenant de grandes surfaces18(*).

    Le département répartit les montants entre les communes dites défavorisées, définies en fonction de leur potentiel fiscal ou de l'importance de leurs charges. 2 milliards de Francs ont ainsi été redistribués en 1993.

    On observe également le Fonds National de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) à partir de 1983, affecté par la mis en place du fonds national de péréquation prévue par une loi de 1995.

    Cette loi prévoit une part principale provenant de l'ancienne première part du Fonds National de Taxe Professionnelle résultant de la cotisation nationale de Taxe Professionnelle et d'une dotation versée par l'Etat ainsi que d'une dotation de compensation de taxe professionnelle. Comme on le voit, l'application de principes d'équité peut aboutir à des montages financiers complexes. Ceci va se confirmer avec le point suivant.

    [2) Emergence de mécanismes de péréquation horizontale

    C'est le cas du fonds de solidarité des communes de la Région Ile-de-France (FSRIF) créé par la loi du 13 mai 1991. Il s'agit d'un prélèvement sur les ressources fiscales des communes riches dont le Potentiel Fiscal par habitant est supérieur de 40% au potentiel fiscal moyen par habitant des communes de la région. Le taux varie entre 8 et 10% ; le montant est obligatoirement plafonné à 5% du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune.

    Les conditions d'éligibilité ont changé en 1996 : elles tiennent compte du potentiel fiscal moyen par habitant, proportion de logements sociaux, proportion des bénéficiaires d'aides au logement, revenu moyen par habitant.

    [3) Le fonds de correction des déséquilibres régionaux

    Crée par la loi ATR du 6 février 1992, il est alimenté par un prélèvement sur les recettes fiscales des régions, dont le potentiel fiscal majoré par Habitant est supérieur à la moyenne nationale. Son montant est réparti entre les régions dont le PF majoré par habitant est supérieur à la moyenne nationale d'au moins 15%. En 1998, 389 millions de francs ont été prélevés sur 3 régions pour être attribués à 14 régions.

    [4) La puissance financière des collectivités territoriales

    Quant aux transferts de l'Etat aux collectivités locales, ils représentent 30% de leurs recettes totales19(*). Dans le désordre, nous pouvons citer la Dotation Globale de Fonctionnement, les dotations de compensation, la Dotation Globale d'Equipement, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, les dotations scolaires, les subventions étatiques, les subventions européennes, voire les subventions locales.

    Il convient ici de faire la distinction entre des subventions, qui sont des aides accordées discrétionnairement pour le financement de dépenses particulières et des dotations sont accordées automatiquement sans aucune affectation précise d'emploi , en principe, ce qui écarte tout contrôle. Enfin, le recours à l'emprunt constitue une dernière catégorie de ressources non négligeables.

    En d'autres termes, les compétences des entités territoriales se sont vues assorties de marges de manoeuvres financières croissantes : aux 475 milliards de recettes fiscales locales perçues en 1999, s'ajoutent les quelques 300 milliards de francs de concours de l'Etat.

    Cette responsabilisation, se caractérisant notamment par une liberté d'investissement ex-ante, intervient dans un contexte la reprise des investissements, à titre d'exemple, va s'avérer « inéluctable.

    Les transports en commun où les projets en cours devraient nécessiter 60 milliards de francs d'ici 2005 ; dans le domaine de l'environnement -

    eaux usées et traitements des déchets - où l'on évalue les besoins d'investissements à quelque 125 milliards de francs sur la période 1997- 2005 »20(*).

    LE POLYMORPHISME TERRITORIAL AUTORISE UNE ACTION PUBLIQUE FLEXIBLE

    [1) la visée rationnalisatrice des réformes de regroupement territorial émanant du centre

    Le responsable politique local, dans la réalisation de ses projets d'infrastructure, afin de répondre à la demande sociale et politique émanant de ses concitoyens et de valider ses objectifs politiques, se voit en outre doter de différents outils afin de rationaliser ses possibilités d'investissements.

    Il a en ainsi la possibilité de s'associer afin d'optimiser ses investissements ou d'augmenter ses chances d'obtenir telle ou telle infrastructure dans le cadre notamment de l'aménagement du territoire car il dispose de plusieurs outils permettant une syndication efficiente : syndicat à vocation unique ou multiple, intercommunalité, communauté de communes ou communauté d`agglomérations voire pays depuis 1999 et les projets de lois dits « Chevènement ».

    La France et ses 36 000 communes, héritage administratif de la révolution française, est obligé de mener de nombreux projets transversaux, de nature verticale ou horizontale, afin de pouvoir satisfaire les multiples ambitions territoriales.

    Les contrats de plans sont souvent signés avec la région car c'est à ce niveau que

    s'effectue la planification, notamment au travers de l'activité de la Conférence régionale de l'aménagement et du développement du territoire, qui procure des avis sur les schémas départementaux et interdépartementaux, des chartes intercommunales portant sur la réalisation d'équipement ou de services peuvent donner lieu à des conventions avec l'Etat, le département ou la région.

    Deux exemples sont significatifs.

    A Orléans, il existe une communauté de communes d'environ 260 000 habitants et les services administratifs de la ville d'Orléans travaillent la main dans la main avec ceux du conseil général du Loiret, pourtant d'un bord politique différent21(*).

    A Rouen, la création d'une communauté d'agglomération de 400 000 personnes environ symbolise la volonté du maire de miser sur une forte coopération intercommunale. Forte de 33 communes, cette nouvelle forme de syndication (après, notamment, l'existence d'un syndicat intercommunal à vocation multiple -SIVOM - dont l'existence a permis la réalisation d'un Tramway). Cette nouvelle forme de coopération a permis la réalisation d'un centre de traitement des eaux usés ou la construction d'un centre de traitement des déchets, et bouleverse les comportements locaux liés à la défense de petits territoires22(*).

    [2) Une action publique flexible

    Nous nous retrouvons donc dans la perspective de ce que certains ont appelé une « action publique flexible »23(*) caractérisée par une logique de construction d'action publique. Cette émergence du local comme prescripteur politique et non plus comme souscripteur, au sein d'un système d'action local abandonnant le système de la régulation croisée24(*), a fragmenté les territoires et restructuré les enjeux.

    Les élus locaux deviennent directement responsables de leurs actes politiques avec la mise en place de juridictions administratives.

    Si l'aspect matériel de la gestion des infrastructures est en plein bouleversement, avec notamment le recours éventuel aux groupes privés qui fragilisent la position de nombreux services de l'Etat25(*), c'est surtout l'aspect gestionnaire des collectivités locales qui perturbent l'arène politique.

    En émettant un avis publique sur la gestion des collectivités territoriales, les magistrats des chambres régionales des comptes participent à la recomposition du système d'action local. L'Etat est désormais en retrait mais comme nous allons le voir, il reste profondément au courant de ce qui se passe sur ces territoires.

    LA DYNAMIQUE DE LA DÉCONCENTRATION COMME MODALITÉ DES NOUVELLES RELATIONS CENTRES-PERIPHERIES ET LES MUTATIONS DES MODALITES DE LA TUTELLE

    [1) La déconcentration dans le cas français

    La déconcentration procède dans le cas français de la décentralisation.

    Techniquement parlant, la déconcentration opère un dessaisissement des autorités centrales de l'Etat au profit d'autorités territoriales qui agissent dans le cadre de circonscriptions administratives. Il existe un lien de subordination qui, précisément, distingue la déconcentration de la décentralisation.

    La loi du 6 février 1992, dite « Loi Joxe », lequel allait devenir président de la Coure des Comptes, a donc permis d'évacuer la majeure partie des problèmes en appliquant le principe de subsidiarité, puisque les échelons infra-nationaux récupérant les missions ne relèvent pas de la compétence immédiatement supérieure. La décentralisation a donc, par contrecoup , engendrer la déconcentration qui est donc apparu aux responsables politiques comme la condition d'une représentation ferme et cohérente de l'Etat, adaptée à la nouvelle donne polycentrique.

    [2) Une mise en oeuvre récente

    Bien positionnée dans la hiérarchie des priorité définies par le gouvernement Rocard, dès 1989, (et perpétuée par le gouvernement Juppé), elle est également destinée à répondre à trois facteurs censés remettre en cause l'Etat : Le manque de légitimité de son action locale, la baisse de ses capacités techniques, la crise de motivation de ses agents.

    Le mouvement profite alors de la création des projets de service [objectifs de modernisation] et des centres de responsabilités [autonomie de gestion élargie] et la « révolution copernicienne »26(*) est notamment consacrée par la charte de la déconcentration, édictée en 1992, en introduisant le principe de subsidiarité, consacrée à l'échelle européenne.

    Plusieurs points sont ici à préciser :

    · Les administrations centrales assurent désormais un rôle de « conception, d'animation, d'évaluation et de contrôle »

    · Les services extérieurs sont désormais dits déconcentrés

    · La circonscription régionale assume désormais des politiques de développement économique et régional, d'aménagement du territoire ainsi que la coordination des politiques de la culture, de l'environnement, de la ville et de l'espace rural.

    · Le préfet de Région a même des pouvoirs de direction sur ses collègues départementaux dans les deux premiers domaines et il est comptable de l'application des norme européennes

    · La circonscription départementale est néanmoins reconnu comme étant l'échelon naturel de déconcentration des procédures administratives. C'est l'échelon de droit commun de la mise en oeuvre des politiques gouvernementales et européennes, et ses moyens sont directement allouées par les administrations centrales. Le Préfet a la faculté de s'appuyer sur ses chefs de services et sur des chefs de projets pour des mission transversales.

    L'ETAT ET LA GESTION PUBLIQUE TERRITORIALE : UNE DÉLÉGATION DE COMPÉTENCES ET DE MOYENS ASSORTIS D'UNE PERMANENCE DU RÉGIME DU CONTRÔLE FINANCIER ET BUDGÉTAIRE

    [1) La rémanence de l'oeil central sur les fonds territoriaux

    D'intimes mécanismes de coopération subsistent entre les exécutifs locaux et les services administratifs est souvent intime, pour ne pas dire organique.

    Ce sont par exemple les services fiscaux qui communiquent l'évolution des bases et des taux d'imposition ou les comptables du Trésor qui peuvent effectuer des études financières. C'est encore la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) qui fournit des tableaux chiffrés ou des ratios fixant des moyennes nationales par type de collectivité et par strate démographique, dont l'utilisation permet notamment de préparer le montage technique du projet de budget . Mais l'Etat intervient aussi, comme nous l'avons vu, afin de fournir différentes avances ou des subventions exceptionnelles.

    C'est le cas des avances gratuites sur les impôts locaux, après avis du Trésorier Payeur Général (TPG) sur les communes et par le ministre des finances sur proposition du Préfet et avis du TPG dans le cas des départements et des régions.

    C'est le cas également des avances pour aides de trésorerie ou de subventions exceptionnelles, principalement aux bénéfices des communes, par le ministère de l'intérieur. L'Etat autorise en effet des facilités de trésorerie. En ce qui concerne le versement des ressources, il joue le rôle de fermier général et de banquier et il règle les montants des dotations et subventions qu'il accorde aux collectivités locales selon des modalités variables.

    Il assure le recouvrement de l'impôt des impôts locaux ; prend en charge la différence entre les montants des rôles et le montant effectivement encaissé. Il est banquier car il fait des avances sur recettes en utilisant la procédure des comptes d'avances des comptes spéciaux du trésor.

    En ce qui concerne les dotations et subventions : la Dotation Globale de Fonctionnement est versée mensuellement ; la Dotation Globale d'Equipement est versée par trimestre pour les communes et pour les départements ; le FCTVA est versé au début de l'année suivant le vote du compte administratif.

    Cependant, la trésorerie des collectivités locales reste gérée par les services de l'Etat. En effet, il subsiste une obligation de dépôts des fonds au Trésor, même s'il existe deux possibilités de placement des fonds libres remontant à une circulaire du 5 mars 1926 dite « Doumer - Chautemps « , confirmée par une circulaire du Directeur de la Comptabilité publique du 18 déc. 1990, à savoir les placements budgétaires et les placements de trésorerie.

    D'ou la tentation du recours à des organismes tiers afin d'échapper à l'obligation du dépôt au trésor. Cela peut être l'utilisation de Société d'Economie Mixte et des offices publics d'HLM, voire l'existence d'organisme satellites créés ad hoc.

    [2) Un partenariat obligé

    Par ailleurs, les subventions européennes, dont l'objet est de compenser des déséquilibres économiques structurels, transitent par les services administratifs de la région et notamment par le secrétariat général d'action régional (SGAR).

    Enfin, notamment en raison des critères de convergences imposés par l'adhésion aux mécanismes de l'Union Européenne, l'Etat et les collectivités locales deviennent partenaires afin de maîtriser les dépenses publiques : en 1996, il y a eu conclusion d'un pacte de stabilité des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales destinés à maîtriser l'évolution des principaux concours dits actifs. En 1999-2001, c'est le contrat de croissance et de solidarité prévoyant que les dotations comprises dans son périmètre normé évoluent en fonction d'indices composé de l'indice des prix à la consommation hors tabac.

    Comme le souligne Patrice Duran, « Cofinancement, partenariat et contractualisation constituent de plus en plus les piliers de la gestion territoriale des affaires publiques, ce qui entérine le fait que gouverner est bien affaire d'action collective et qu'il y a mutualisation des ressources comme des risques »27(*).

    Les droits et libertés des collectivités territoriales sont donc bornés par les mécanismes organiques de solidarité financière. Il y a véritablement mutualisation des ressources et transferts de ressources financières, alors que l'Etat conserve un poids important dans le système.

    Les lieux décisionnels se fragmentent sur l'ensemble du territoire, suivant une logique de polycentricité. Pour autant, suivant la description à laquelle nous avons procédé, il n'y a pas, à proprement parler, de dé liaison entre le centre et la périphérie, mais une reformulation des modes de coopération et d'organisation.

    Du régime de la tutelle, le système a évolué vers des contrôles plus décentralisés et plus diversifiés, respectant toutefois, sous d'autres formes, les problèmes classiques.

    UNE AUTONOMIE POLITIQUE SOUS CONTRÔLE

    Cependant, voir dans le déploiement de la décentralisation un retrait des possibilités de contrôle de la gestion publique locale serait illusoire. Si la fragmentation des politiques publiques est réelle, si les relations entre le centre et la périphérie ont évolué de façon significative, le contrôle de l'action publique territoriale reste fort et s'effectue sur différents niveaux.

    [3) L'établissement du budget comme vecteur initial des politiques publiques locales

    En effet, l'activité du Préfet s'exerce dès l'établissement du budget de la collectivité, qui observe peu ou prou les mêmes règles que lors de l'établissement du budget de l'Etat. Le budget local se fabrique de la même façon que le budget national .

    Avec les mêmes exceptions : Normalement,  il n'y a pas de correspondance entre les recettes et les dépenses. Cependant, de nombreux textes prévoient des exceptions avec des obligations d'affectation de certaines recettes qui constituent autant d'atteinte à l'autonomie de gestion des collectivités locales.

    Il peut y avoir ainsi des exceptions : subventions spécifiques accordées pour un objet déterminé ; des emprunts ; voire certaines ressources fiscales comme la taxe de séjour destinée à favoriser la fréquentation touristique de la commune ou le versement destiné aux transports en commun ; enfin des dotations de l'Etat qui ne sont pas libre d'usage comme les dotations scolaires.

    Des activités financières de certains services publics locaux méritent d'autre part d'être individualisées dans des budgets annexes. Par exemple des activités de régie, de la production de biens ou de la dispense de prestations. Il y a donc prise en compte des mouvements financiers, en négatif ou en positif, dans les soldes généraux du budget principal, ce qui limite l'atteinte au principe d'unité budgétaire.

    En revanche, des pratiques de débudgétisation portent plus gravement atteinte à ce principe puisqu'on arriver à confier des opérations financières d'intérêts local à d'autres personnes morales que la collectivité, telles que les Sociétés d'Economie Mixte ou les associations, dont l'activité préoccupent souvent les magistrats des chambres régionales des comptes.

    Même si l'établissement du budget est doté des mêmes caractéristiques que celles observées au niveau national, les responsables politiques locaux sont en effet surveillés de multiples manières.

    [4) Un contrôle en forme de triangle de fer

    Pour résumer de façon schématique, c'est une espèce de triangle de fer qui ceinture l'activité des collectivités territoriales. En amont, c'est le Préfet, qui applique essentiellement le principe de légalité ; en aval, c'est la chambre régionale des comptes, qui effectue un contrôle juridictionnel et financier ;

    en arrière-plan, la gestion matérielle des fonds étant confiée, comme nous l'avons déjà constaté, au Trésor. Parallèlement à ces attributions de compétences et à une relative indépendance en termes décisionnels, liée notamment à leur statut d'élus., il existe une multitude de contrôles qui encadrent solidement l'activité des collectivités locales.

    - Le contrôle politique

    Le budget primitif peut être adopté après avis du Conseil Economique et Social régional. Consécutivement au vote, le budget est transmis au représentant de l'Etat et aux citoyens, lesquels ont la faculté de poser des recours de nature administrative. Les assemblées ont le droit d'obtenir des informations en cours d'exécution de budget et elles doivent également publier des rapports annuels. Depuis 1992, la loi Sapin a renforcé le pouvoir d'information des élus locaux et le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celles-ci.

    - Le contrôle de légalité ensuite.

    Le représentant de l'Etat, le Préfet, a en effet la faculté d'utiliser le déféré préfectoral afin de saisir le tribunal administratif, en cas de non-respect du principe de légalité. Par ailleurs, l'intérêt pour agir est admis au bénéfice des contribuables de la collectivité et des membres de l'assemblée locale ayant apportée leur concours à l'adoption de la décision attaquée y compris les membres du Conseil économique et social régional (CE, 1988, Département du Tarn contre Limouzy et autres).

    Ce qui veut dire que le recours pour excès de pouvoir est accessible en cas, par exemple, d'absence d'inscription d'une dépense obligatoire28(*).

    L'annulation pour défaut de légalité externe peut également être invoqué puisque le vice de forme a même été prononcé pour omission d'une formalité substantielle.

    - Le contrôle budgétaire

    Plusieurs cas de figures sont ici possibles et ils font l'objet d'un contrôle notamment par la Chambre régionale des comptes. C'est le cas lorsqu'il y a un retard dans l'adoption du budget primitif, un budget voté en déséquilibre, un budget exécuté en déséquilibre ou en cas de défaut d'inscription d'une dépense obligatoire.

    [5) Le rôle fondamental du Préfet

    Le préfet peut en effet saisir la chambre régionale des comptes qui exerce un contrôle de type administratif. Le Préfet peut également, avec intervention ou pas de la chambre régionale des comptes, procéder, relativement à une dépense obligatoire non répertoriée, à un mandatement d'office ou à une inscription d'office au budget.

    Outre le contrôle de légalité, le Commissaire de la République a la charge des services extérieurs de l'Etat dans le département . Le préfet se voit ainsi doté, au niveau préfectoral essentiellement, de pouvoirs croissant. Ce dernier devient l'interlocuteur central et incontournable des collectivités locales. Au-delà de son rôle dans le contrôle juridictionnel ou budgétaire, le préfet a le monopole de la signature des conventions passées avec les collectivités ou leurs établissements publics et joue un rôle crucial de coordinateur des actions publiques.

    C'est une sorte de Chef de Projet, de facilitateur au sens anglo-saxon du terme, quelqu'un qui met en relation, et qui joue donc un rôle pivot dans l'espace politique local.

    Comme nous allons le voir, le Préfet devient ainsi le pilier de la contractualisation défini par l'amélioration majeure et profonde des conditions de la décentralisation car la déconcentration opérée en 1992 s'affirme comme une réforme majeur de l'Etat.

    Créé en 1800 sous l'ère napoléonienne, le Préfet joue toujours un rôle essentiel au sein de l'administration française car le département reste le pivot de l'architecture administrative française.

    Depuis les lois de 1982, ils dirigent les services extérieurs de l'Etat, c'est-à-dire qu'ils dirigent et coordonnent l'action des Chefs de Service. De fait, tous les flux d'information passe par les préfets, qu'ils viennent du centre ou qu'il soient transversaux. Depuis 1992, le département est donc la circonscription administrative de référence et les compétences du représentant du gouvernement concernent divers domaines, tel la culture , l'ordre public, les affaires sanitaires et sociales, l'équipement. Il est un interlocuteur permanent des élus territoriaux et sa connaissance des affaires locales facilitent les processus de coordination liés à l'exercice de ses fonctions.

    Nous pouvons donc dire que le rôle du Préfet s'enrichit de responsabilités managériales puisqu'on lui demande d'assumer expressément de nouvelles fonctions, ce qu'il assumait peut-être implicitement, en sus de ses prérogatives définies à l'article 72 al.3 et qui stipulent que le « délégué du gouvernement à la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Les préfets de région, ont quant à eux, un rôle particulier puisqu'ils répartissent les autorisations de programme après avis du Comité d'Action Régional.

    LE RÔLE DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES DANS L'ANALYSE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALES

    [1) Les missions des chambres régionales des comptes

    Les Chambres Régionales interviennent dans différents cas de figures29(*).

    Plus précisément, les missions assignées aux chambres régionales des comptes sont de trois niveaux :

    - les chambres régionales des comptes peuvent, en certains cas, effectuer un contrôle des actes budgétaires, c'est-à-dire émettre des avis sur les conditions d'adoptions et de mise en oeuvre du budget des collectivités et établissements publics locaux.

    - Elles exercent également un contrôle juridictionnel sur la régularité des comptes retraçant l'exécution du budget par le comptable. C'est là l'origine de leur mission. Elles sont juges des comptes. Selon les termes du Code des Juridictions financières, elles s'assurent, depuis 1988, « de l'emploi régulier des crédits, fonds et valeurs ».

    - Enfin, les chambres régionales procèdent à des examens de la gestion de l'ordonnateur, c'est-à-dire la personne, en général élue, qui procède à la mise en oeuvre budgétaire et financière de ses projets politiques. C'est souvent l'occasion de procéder à une véritable évaluation des politiques menées par les différentes collectivités.

    C'est le point le plus sensible de leur activité puisque les observations de gestion donnent lieu à publicité et de ce fait, rentrent directement dans la fabrication du jeu politique local. Elles « examinent la gestion des collectivités territoriales », toujours selon les termes du code des juridictions financières.

    Les élus réclamant par moment, quand ils critiquent l'activité des chambres, la stricte application du concept d'opportunité puisqu'ils estiment que les magistrats financiers n'ont pas à juger de la légitimité de leur action et qu'ils doivent se borner à la régularité des actions engagées par les édiles.

    Les chambres peuvent ainsi être amenées à s'intéresser à la gestion de fait, portant sur la manipulation non autorisée des fonds publics et qui peuvent aboutir à rendre inéligible la personne convaincue de manipuler des fonds publics hors du cadre réglementaire. Elles interviennent également dans d'autres domaines tel que les analyses de marchés et de délégation de service public, ou bien encore l'alerte des collectivités actionnaires d'économie mixte.

    Leur périmètre d'intervention est donc très important.

    Jean-luc Potier et Vincent Boeuf ont ainsi retenu différentes valeurs permettant de se retrouver dans les choix fondant les principes d'intervention des chambres, tels que l'on peut les percevoir au travers de l'analyse des lettres d'observations définitives30(*) : le contrôle interne ; la sincérité budgétaire ; l'équilibre financier ; la sobriété dans l'emploi des fonds publics ; la régularité des décisions de gestion ; la transparence des décisions et des bilans d'activités ; l'évaluation des politiques publiques ; le respect des compétences entre collectivités et les établissements publics locaux ; la délégation des missions de service public ; l'égalité d'accès à la commande publique ; la mise en conformité.

    Comme on le verra par la suite, elles sont donc amenés de plus en plus à qualifier l'action publique, par ce qu'on appelle l'évaluation des politiques publiques.

    Avant de s'interroger sur les modifications du système de régulation locale, nous voudrions présenter quelques éléments qualitatifs et quantitatifs relatifs aux chambres régionales des comptes.

    [2) Eléments quantitatifs

    Pour faire une brève présentation chiffrée, elles sont au nombre de 25, présentes sur l'ensemble du territoire. Elles exercent leur contrôle sur plus de 100 000 organismes.

    1 200 personnes environ travaillent dans les diverses chambres régionales.

    Soit, au premier juin 1998 : 25 présidents de chambre, membres de la Cour des comptes ; 322 membres du corps des conseillers de chambre régionale des comptes [conseiller rapporteur, commissaire du gouvernement et présidents de section] ; 341 agents de vérification ; 463 agents administratifs

    La Chambre Régionale des Comptes de Haute-Normandie

    La chambre régionale des comptes de Haute-normandie comprend une Présidente, Madame Danièle Lamarque, un Président de section, Monsieur Jacques Pagès et un commissaire du Gouvernement, Monsieur Denis Ruellan.

    Il y a par ailleurs une demi-douzaine de conseillers (le nombre varie régulièrement), qui sont des magistrats de la chambre régionale des comptes, une dizaine d'assistants de vérification, qui sont autant d'auxiliaires d'enquêtes pour les magistrats, un secrétaire général, Christian Quille, une greffière, madame Bernagout, une documentaliste, madame Lardinois et une douzaine de personnel administratif.

    Le Périmètre de contrôle de la CRC de Haute-Normandie comprend :

    - des collectivités locales : la région de Haute-Normandie, les Départements de Seine-Maritime et de l'Eure et 611 communes

    - des établissements publics locaux : 179 établissements publics communaux, 548 syndicats intercommunaux et centres de groupements de collectivités, 76 établissements du secteur hospitalier, 218 associations syndicales autorisées et associations foncières de remembrement, 254 collèges lycées, écoles normales et autres établissements d'enseignement du second degré, 1 office public d'HLM

    - par délégation de la Cour des compte : 10 établissements publics nationaux dont 2 universités et 2 chambres d'agriculture.

    Sur 3 ans, de 1997 à 1999, on a ainsi notamment observé 14 lettres d'observation définitives et 440 jugements dans le domaine du contrôle juridictionnel dont 1 jugement de gestion de fait, 2 jugements de condamnation à amende, 9 jugements de débet. Par ailleurs, la chambre à contribué à des enquêtes inter-chambres dans le domaine de la voirie départementale, des ordures ménagères, de l'organisation des soins psychiatriques ou des équipements médicaux matériels lourds. Enfin, 45 tonnes de pièces justificatives ont été livré à la chambre régionale des comptes.

    Eléments quantitatifs de l'activité des chambres régionales au niveau national

    Types d'organismes

    Nombre d'organismes

    Régions

    26

    Départements

    100

    Communes

    36 542

    Etablissements publics de coopération intercommunale

    19 728

    Autres établissements publics locaux

    40 096

    EPLE (lycées, collèges, enseignements spécialisé)

    7 576

    Etablissements sanitaires et sociaux (1995)

    2 514

    Offices Publics HLM et OPAC

    282

    Total

    106 864

    Source : Ministère de l'intérieur, D.G.C.L, Rapport du gouvernement au parlement, édition 1996, publiée fin 1997,et Cour des comptes.

    Nombre de lettres d'observations définitives :

    Organismes

    1994

    1995

    1996

    1997

    Collectivités locales

    483

    438

    515

    439

    Etablissements publics locaux

    172

    185

    243

    207

    Autres organismes publics (HLM, Hôpitaux,...

    204

    204

    199

    205

    SEM

    59

    53

    71

    71

    Associations (subventionnées ou contrôlées par le public)

    71

    78

    81

    73

    Total

    989

    958

    1109

    95

    Source : rapport public de la cour des comptes - 1998

    [3) Quelques cas concrets d'affaires publiques

    La production d'affaires locales, liées à l'intervention des chambres régionales des comptes est importante mais l'objet de ce compte-rendu n'est pas d'identifier des coupables mais de dresser un répertoire des types d'interventions des chambres.

    Le compte-rendu de l'activité des chambres est régulièrement publiée, quelque soit la forme prise, notamment par « La Gazette des Communes ». Nous allons ici prendre un article de 199731(*) qui reprend les différents cas de figures relevés par les chambres régionales des comptes.

    Celui-ci met en avant un certain nombre de points qui révèle souvent une absence de contrôle de la part de la collectivité locale ou une légèreté manifeste dans la gestion de certaines de ses affaires. Ainsi, la critique portée à l'insuffisance prévisionnelle approximative des actions de communication du département de Charente-Maritime ou les voyages d'études organisés par le département des Pyrénées-Atlantiques, de 1985 à 1991, qui aurait dû se solder par des rapports publics, « pour éviter des interprétations malveillantes ».

    Par ailleurs, si les chambres l'importance des enjeux économiques, elles s'inquiètent de la facilité avec laquelle les collectivités locales délaissent le contrôle des contreparties lors de financements accordées aux entreprises.

    Enfin, l'aspect financier et budgétaire devient primordial dans la mesure où il permet de déterminer les marges de manoeuvres associées. Il faut savoir analyser la santé financière des organismes contrôlés, à partir de divers ratios financiers dont celui de l'endettement. Il faut noter que beaucoup de collectivités locales ont ici recours à des cabinets d'audits, qui leur apporte expertise et regard extérieur, comme celui dirigé par Régis de Castelnau, Avocat-Conseil et qui a produit diverses publications relatives à son champ d'activité professionnel.

    Souvent, la hausse des recettes, liée au poids du passé ou aux souhaits d'investissements, est inéluctable.

    La position des collectivités locales, eu égard aux enjeux politiques et économiques, est souvent ambiguë, comme en témoigne la position de la ville de Nancy, qui en 1994, suite à une renégociation de la dette, n'a pas communiqué tous les éléments en temps utiles aux assemblées délibérantes qui n'ont pu, de ce fait, porter une éventuelle controverse.

    En ce qui concerne l'évaluation des politiques publiques, les chambres régionales recherchent de plus en plus à estimer l'adéquation entre les moyens financiers et les résultats atteints.

    «  La chambre régionale d'Ile-de-France procéda à un contrôle global des centres municipaux de santé de la commune de Sartrouville, qui permit d'évaluer trois dimensions : niveau du suivi financier de l'activité ; évolution de l'exploitation ; adéquation entre les besoins à satisfaire et le fonctionnement du service public. La commune dispose de deux centres municipaux de santé (CMS), le centre Maurice Berteaux créé en 1936 et situé dans le centre ville, et le centre Yves Culot, ouvert en 1981 sur le plateau de la cité des indes. Proposant des services médicaux ou patients bénéficiant du tiers payant, les deux centres offrent une large palette de spécialités : L'ORL, la cardiologie, l'ophtalmologie ainsi que l'acupuncture, l'allergologie ou l'angiologie. Compte tenu des délais mis par la commune pour rassembler, à la demande de la chambre, les rapports financiers et d'activité, le suivi des deux centres apparaît insuffisant. »

    « Avec une activité en constante progression, les deux centres présentent tous les deux des budgets fortement déséquilibrés, le déficit total pour 1994 ayant atteint 7,6 millions de francs, soit 150 francs par habitant. Les tableaux [d'analyse de l'activité] montrent que les déficits étaient en régression, essentiellement grâce à l'effort accompli par les centres pour récupérer les impayés en informatisant l'envoi systématique e relances ; les niveaux de déficit restent cependant préoccupant. (....) Les efforts de gestion qui ont été accomplis doivent être poursuivis et accentués. La municipalité devra notamment tendre vers la meilleure adéquation possible entre les besoins à satisfaire et le fonctionnement des centres. La chambre prend acte de l'intention annoncée par le maire de réduire au maximum les déficits des deux centres »32(*).

    L'évaluation concerne tous les domaines d'interventions des collectivités. Cela peut être en l'occurrence la gestion des compétences routières, comme la maintenance des chaussées à la charge des départements, l'évaluation des caisses de crédit municipal, l'évaluation des politiques d'aides économiques aux entreprises ou encore l'évaluation de politiques culturelles, telle que celle effectuée par la chambre régionale des Pays de la Loire sur l'action culturelle de la ville de Nantes., ou bien l'évaluation des dépenses d'action sociale ou l'évaluation de la stratégie touristique.

    II - ESQUISSE D'ANALYSE DU MODE DE FONCTIONNEMENT DE LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES

    Nous allons maintenant nous intéresser au monde opérationnel, meublée par les33(*) stratégies et comportements des acteurs, de la chambre régionale des comptes de Haute-Normandie, rapporté au contexte global dans lequel évolue les chambres régionales des comptes.

    LE FONCTIONNEMENT DE LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES

    [1) Organisation générale des chambres

    Chacune des 25 chambres régionales des comptes est organisée à partir d'un modèle généralement partagé. On peut distinguer trois ensembles homogènes : les formations de délibéré (la chambre, les sections), le ministère public, les services administratifs. Varient donc d'une chambre à l'autre : le nombre de sections, le nombre de magistrats et d'assistants qui y sont affectés.

    Toute modification de l'organisation et du fonctionnement des chambres est précédée de l'avis du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes 34(*).

    D'après le code des juridictions financières, il y a dans chacune des régions une chambre régionale des comptes (C. jur. Fin., art. L. 210-1), qui peuvent être, par décret, divisées en sections.

    Chaque chambre régionale des comptes est composé d'un président et de deux conseillers au moins et lorsque les chambres sont divisées en sections, chaque section est composée de trois membres au moins.

    Les chambres sont assistés d'un commissaire de gouvernement, pris d'entre les membres de la chambre, délégué par décret pour exercer les fonctions du ministère public sous la surveillance du procureur général près la Cour des comptes. Un secrétaire, qualifié général, assure le fonctionnement du greffe et des services administratifs. Un greffier est désigné parmi les assistants de vérification, enregistre les comptes et les actes et pièces destinés à la chambre, note les décisions prises et en suit l'exécution

    Les présidents sont des conseillers maîtres ou des conseillers référendaires à la Cour des comptes, nommés sur leur demande et sur la proposition du premier président, par décret du président de la République. Les conseillers des chambres régionales des comptes constituent un corps particulier, au sens du statut général de la fonction publique, fixé par la loi du 10 juillet 1982.

    [2) La particularité des chambres régionales des comptes

    Il est également intéressant de recenser les traits spécifiques de cet organe de régulation financière déconcentré :

    - Son fonctionnement est marqué par une grande collégialité, en termes de réunion délibérante, incluant par exemple un quorum minimal de 3 magistrats.

    - Le traitement des dossiers est ritualisé, selon des règles et des procédures précises. La définition des Programmes de Travaux, c'est-à-dire l'agenda des interventions, fait l'objet d'une attention toute particulière, car il peut avoir un impact sur l'agenda politique local.

    - Les magistrats forment un corps homogène, recrutés au sein de la cour des comptes ou par concours et dépendant, en termes de carrière, du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

    - Ce sont des technocrates35(*) disposant d'une expertise légitime, eu égard à leurs compétences et à leurs modes de recrutement. Des bureaucrates professionnels ancrés dans leurs expertises et leur rapport à l'administration. Les coûts de transaction, en cas de changements d'activité professionnelles, sont très élevés puisqu'ils seraient probablement obligés de quitter l'administration.

    - Cette indépendance professionnelle est forte puisque que les magistrats sont inamovibles.

    - Le représentant de l'Etat, le commissaire du gouvernement, ne siège pas au sein de la chambre. Cependant, son rôle est primordial puisqu'il assure l'interface les autres CRC, communique avec le centre, et magistrat, il s'assure de façon prudentielle du bon déroulement juridique de certaines affaires.

    - Les chambres sont en effet autonomes. Comme le soulignait M. Pierre JOXE lors de son intervention au Sénat, il « en revanche admis qu'il pouvait exister des différences de jurisprudence ou de rythme de contrôle,...[mais]... s'agissant de juridictions, la cour des comptes ne disposait d'aucun pouvoir hiérarchique sur les chambres régionales des comptes »36(*).

    - Cependant, l'imbrication est profonde entre les CRC et la Cour des Comptes. D'abord, parce que le rapport de complémentarité est évident avec la Cour des Comptes dont le but est de contrôler l'Etat, les entreprises publiques ou les organismes de sécurité sociale.

    - Et surtout parce qu'il existe des liens organiques. A titre d'exemples :

    * Le premier Président de la Cour des Comptes est également le président du conseil supérieur des chambres régionales des comptes, instance de supervision de l'activité des chambres régionales des comptes

    * Le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes est dominé par les membres du corps des conseillers à la Cour des comptes.

    * Les présidents des chambres régionales des comptes sont eux-mêmes simultanément membres de la Cour des Comptes.

    * Le premier président de la Cour des comptes et, auprès de lui, le secrétaire général, sont en charge de la gestion administrative et budgétaire des chambres.

    * Il est également l'interlocuteur du gouvernement et du Parlement pour tout ce qui se rapporte aux chambres régionales des comptes, notamment les projets de lois et décrets

    * Un comité de liaison coordonne les enquêtes communes à la Cour et aux Chambres régionales

    * Depuis la loi du 5 janvier 1988, la Cour des comptes est chargée d'une mission d'inspection permanente d'inspection à l'égard des chambres régionales et territoriales des chambres

    L'ORGANISATION INTERNE DE LA CHAMBRE

    [1) L'agenda : programmation des contrôles et rationalisation des moyens

    La programmation des contrôles est un exercice délicat dans la mesure où il doit garantir impartialité et égalité de traitement pour chaque contrôlé. Guy Piolé souligne que « le décret du 23 août a entériné une procédure d'élaboration des programmes de contrôle, lesquels doivent donner lieu à une décision annuelle du président de la chambre, pris après avis du ministère public et après consultation de la chambre elle-même, en formation plénière ».

    Pour être plus précis, c'est au président de la CRC qu'incombe de définir l'organisation et le programme annuel des travaux de sa chambre, comme la répartition des listes d'organismes et collectivités à contrôler.

    « Parmi les impératifs, juger les comptes dans un délai raisonnable..... Pour cela, nous nous imposons une programmation quadriennale. Nous avons également la volonté d'une certaine harmonisation de nos contrôles avec ceux des autres chambres. Pour cela, nous nous référons aux travaux de commissions ou de comités regroupant des membres de la Cour ou des chambres qui élaborent des guides de contrôle. Nous traitons ainsi des thèmes tel que ceux afférents, par exemple, aux personnels territoriaux, à tel ou tel aspect de gestion des hôpitaux et bientôt à celui de l'intercommunalité mise en place par référence à la loi Chevènement : aspects juridiques des transferts de compétences, aspects financiers de ces transferts.. »37(*)

    Le rôle du Président est ici important puisqu'il a la faculté d'entériner ou le contrôle de gestion d'une collectivité pouvant survenir à quelques encablures d'une échéance électorale conditionnant le renouvellement du mandat de l'élu en question. La programmation des chambres peut donc recouvrer le cas échéant un caractère stratégique pour les entités contrôlées et, à ce titre, elle engage formellement l'ensemble des magistrats de la chambre. Cette possibilité d'irruption d'un magistrat, en plein cycle électoral, a poussé les sénateurs à proposer un délai de six mois de neutralité aucune lettre d'observation définitive ne pourrait être envoyé à un ordonnateur38(*).

    Le modèle de la compétence géographique des sections ou des magistrats est fréquent mais non exclusif. Ce modèle consiste schématiquement à attribuer des territoires à chaque magistrat. Il existe en effet des répartitions différentes, selon la nature des organismes contrôlés (section hospitalière, section enseignement secondaire/supérieur) ou selon la nature des missions accomplies (contrôle budgétaire pour l'un, juridictionnel pour l'autre).

    Par ailleurs, « pour une bonne partie de nos enquêtes, travailler seul n'a pas de sens et il est intéressant de travailler avec d'autres.... Ca se traduit d'abord par un travail sur la programmation qui commence en n-1 entre tous les présidents de chambre régionale...Les 25 ... avec les présidents de chambre de la Cour qui sont au nombre de 7. Le travail étant préparé par un comité de liaison, qui lui fonctionne en continu, qui doit se réunir une fois par mois, et qui est chargé de la coordination des enquêtes »39(*). En outre, le Président de la chambre peut donner le ton : « Je les pousse à faire une programmation horizontale, régionale, de façon à avoir des éléments de comparaison sur des organismes comparables... Par exemple, plusieurs établissements scolaires »40(*)

    La répartition des attributions entre sections et l'affectation des magistrats et assistants en leur sein est du ressort du président de la chambre, à travers ses décisions organisationnelles. Ainsi, dans certaines CRC, le programme indique une répartition par trimestre. Certains magistrats préfèrent également commencer par les gros comptes afin de terminer de façon plus légère. Il peut y avoir également, comme on l'a vu, des découpages par secteur ou par département.

    La problématique de la spécialisation sectorielle se heurte toutefois à la polyvalence requise pour évoluer, faire face aux imprévus liés aux charges de la chambre ou la mobilité des magistrats. Le rythme des contrôles budgétaires ou des saisines et des demandes motivées peut être éminemment variable, puisqu'ils peuvent émaner de plusieurs côtés, et donc peser sur le volume annuel d'une chambre.

    Il peut également y avoir des départ non compensés de certains conseillers comme les enquêtes inter-chambres produisent des effets sur les calendriers des CRC41(*).

    [2) Une rationalisation croissante des activités

    L'activité des chambres régionale des chambres est récente. Par ajustement progressif ou par expérience, des processus de rationalisation de l'activité des magistrats ont permis une adaptation à différentes situation.

    Le périmètre d'investigation est librement choisi, ce qui permet par exemple, la mise en place de procédures de contrôle rapide pour les petits comptes. La CRC de Midi-pyrénées a mis en place des procédures de contrôle rapide pour les petits comptes. Un équipe d'un conseiller et de 2 assistants s'occupe des collectivité de moins de 3 000 habitants et dont le budget est inférieur à 10 MF.

    La CRC d'Aquitaine a élaboré un dispositif à quatre niveaux : le contrôle normal, sélectif sur un thème donné, le contrôle accéléré et un contrôle pour les tout petits comptes

    A l'instigation de Jacques Pagès, Président de section, un système équivalent a été mis en place au sein de la chambre régionale de haute-normandie. «  Il y eu création d'une cellule d'apurement [permettant la routinisation du processus de traitement des petits comptes]... J'en suis responsable au niveau du personnel administratif... il y a deux magistrats qui sont là pour apporter en chambre tout ce qui concerne cette cellule »42(*).

    Il est vrai que de nombreux petits comptes ont souvent posé quelques problèmes, en raison tout simplement du nombre imposant de communes en France.

    La réforme de 1988 a permis de remédier pour partie à ce type de problème en confiant aux comptables supérieurs du Trésor (les Trésoriers Payeurs Généraux et les receveurs particuliers des finances) l'apurement administratif des comptes des communes ou groupements de communes dont la population n'excède pas 2.000 habitants et dont le montant des recettes n'excède pas 2 000 millions de Francs.

    Ce qui a permis que le nombre de jugements rendus au titre du contrôle des comptes soit divisé par deux ou trois, faisant ainsi « sortir » quelques 24 000 communes.

    Symbole d'une mesure purement technique et faisant l'objet d'un consensus de la part de toutes les parties (élus ou magistrats), la Cour des comptes, dans son rapport public de 1991, avait relevé que cette diminution permettait sa concentration sur le contrôle des grandes collectivités et des établissements publics importants.

    [3) L'autonomie des magistrat

    Les conseillers de chaque section43(*) fournissent des propositions de contrôle en n-1 pour l'année n, avec une estimation temporelle pour la durée de chaque contrôle. Là encore, les modalités des travaux des chambres peuvent varier selon les endroits. Quelque puisse être cependant la marge de manoeuvre des conseillers dans la programmation des contrôles collégialement défini, les engagements des chambres envers le contrôle quadriennal minimise les marges de manoeuvres.

    Néanmoins, il est vrai que chaque magistrat, une fois son programme défini, est plus ou moins libre d'organiser de façon libre son agenda.

    Son activité s'apparente ici à celle du praticien libéral exerçant son art en toute liberté et cet état d'esprit, visant à promouvoir l'autonomie d'action de chaque magistrat, est vivement souhaité. C'est pourquoi le contrôle exercé par le Président de chambre est plus formel que matériel, même s'il reste réel.

    Nous allons ici prendre divers exemples, extraits de la gazette des communes44(*).

    Maurice Banos, 65 ans, issu de la Direction générale des impôts, est conseiller de CRC depuis 1983 (Lorraine, Franche-Comté puis Rhône-Alpes), dont sept ans dans la fonction de commissaire du gouvernement. Il est Président de section depuis cinq ans.

    A à la tête de la troisième section de la CRC, il anime une équipe composée de sept magistrats et de neuf assistants de vérification, et il préside, tous les mercredis, les séances de délibéré relatives à sa section.

    Il est associé à l'élaboration du programme annuel de contrôle de la chambre (arrêté par le président) et participe au comité de coordination qui se réunit toutes les semaines (président, présidents de section, représentant du ministère public, secrétaire général, greffier).

    « Je laisse travailler mes magistrats. Certains, avant d'arrêter leurs thèmes de contrôle, en discutent avec moi, d'autres non. Certains comptent les jours consacrés à chaque dossier, d'autres non. Je ne suis pas derrière eux tous les jours, mais nous avons au moins un rendez-vous d'étape formalisé, au mois de juin, pour constater l'état d'avancement du programme de contrôle. Je ne corrige pas les rapports présentés par les magistrats, car certains prendraient très mal le fait qu'on leur demande de rectifier. Pour les projets de lettres d'observations destinées aux ordonnateurs, en revanche, il m'arrive de réécrire, avant de les soumettre au président. Les qualités que doit manifester un président de section sont l'ouverture d'esprit et la disponibilité - sans parler de la compétence, évidemment ».

    Jean-Pierre Clot, 42 ans, est conseiller de tribunal administratif (dix ans de pratique à Clermont-Ferrand puis à Lyon), en mobilité à la CRC depuis 1996.
    Le conseiller de CRC est, simultanément, rapporteur quand il instruit ses propres dossiers (contrôle des comptes des comptables publics, examen de la gestion des collectivités territoriales, procédures de contrôle budgétaire) et juge quand il participe aux délibérations de sa section ou à celles de la CRC sur les dossiers présentés par ses collègues.

    « Dans un tribunal administratif, on ne se détermine qu'en fonction de l'écrit. En CRC, même si on trouve des tas de choses dans la liasse, le contrôle se fait aussi au travers des relations avec les contrôlés, et c'est le plus intéressant. On nous dit souvent, dans les collectivités, que si on avait respecté les règles, on aurait perdu du temps. Il nous revient de montrer quels sont les risques juridiques et financiers encourus en ne respectant pas les règles. Nous sommes en position de dire : ne faites plus ça à l'avenir.

    Car mieux vaut, à mon sens, une régulation qui passe par notre truchement que par le juge pénal. Ce métier doit être abordé avec prudence et circonspection. Dans le cadre de l'examen de la gestion, comment s'imaginer qu'on va faire en quelques semaines ce que le contrôle de légalité n'a pas fait en plusieurs années ? Il ne suffit pas d'avoir le pouvoir de tout contrôler, encore faut-il en avoir les moyens matériels. L'amateurisme pourrait être un risque. Se contenter de dire, en faisant le bilan de dix ans d'un contrat de délégation de service public, " Ça a raté ", me semblerait un peu facile... »

    Gérard Jousserand, 51 ans, conseiller de CRC depuis 1986 (Champagne-Ardenne jusqu'en 1991, Rhône-Alpes ensuite), est désormais Commissaire du gouvernement.
    « Le commissaire du gouvernement, représentant du ministère public, doit apporter à la chambre une certaine sécurité juridique, en veillant à ce que les décisions prises soient conformes à la loi et à la jurisprudence. Une trentaine de magistrats à la chambre signifie autant de points de vue différents. Le commissaire du gouvernement doit essayer d'uniformiser les décisions rendues par la CRC, d'autant qu'il peut se créer des comportements différents selon les sections ».

    Son quotidien consiste à rédiger des « conclusions » sur les rapports présentés par les magistrats instructeurs (de façon obligatoire pour les jugements, facultative pour l'examen de la gestion des collectivités), et assiste aux séances de délibéré pour les dossiers les plus importants. Il sert aussi de conseiller juridique pour ses collègues et pour les assistants de vérification.

    « Quand j'étais magistrat du siège, je trouvais que le ministère public était trop exigeant, et qu'il ne voulait pas prendre en compte les réalités de terrain. Devenu commissaire du gouvernement, j'ai changé instantanément de rôle, et c'est moi, maintenant, qui focalise les réactions d'humeur, car je suis perçu comme un empêcheur de tourner en rond. Les commissaires du gouvernement sont là pour faire respecter la loi, et ils ne peuvent avoir aucun état d'âme, sinon ils seraient déconsidérés. »

    [4) Au rythme de l'organisation : collégialité et contradiction

    Le processus de production de la chambre est cependant marqué . Nous nous attacherons ici à préciser le processus de procédure de contrôle juridictionnel et le contrôle de gestion opéré par les CRC, qui sont des attributions propres des chambres.45(*)46(*)

    Le processus est presque toujours le même, après la désignation d'un rapporteur ou d'une équipe : le magistrat opère un retrait des comptes auprès du greffe et débute des investigations qui vont le conduire notamment à dépouiller des liasses et mener des investigations physiques auprès des entités concernées. Une fois le rapport rédigé, celui-ci sera transmis pour avis, accompagné des propositions juridictionnelles, au ministère public.

    Le rapport passe ensuite en délibéré : le rapporteur commente, le commissaire du gouvernement conclut, délibération éventuelle, prise de décision ; soit le comptable reçoit décharge en cas de validité des comptes, soit on lui adressera des injonctions afin de compléter le dossier ; à l'issue du délibéré, le rapporteur rédige un projet de jugement : finalisé, il sera co-signé par le président de chambre ou de section ; notification du jugement au comptable, examen des réponses apportées par le comptable, nouveau rapport, nouveau délibéré, autant de fois que nécessaire jusqu'au jugement définitif, si les réponses et justifications sont jugées insuffisantes, il lui sera infligé un débet [somme restant définitivement à la charge du comptable public], la chambre peut, enfin, infliger des amendes dans certains cas de figures.

    Le contrôle de gestion des collectivités locales et établissements publics locaux a lieu, lui, d'office, soit depuis la loi du 6 février 1992 sur la demande motivée des préfets ou des représentants légaux des collectivités locales autorisées.

    Les chambres s'intéressent donc à la régularité des opérations, impliquant ici les ordonnateurs et les comptables, mais aussi sur depuis 1988, sur « l'emploi régulier des crédits, fonds ou valeurs », dont les comptes peuvent être complétées par des vérifications sur place, opérées dans les mêmes conditions et formes que celles effectuées par la cour des comptes.

    La chambre a également la faculté d'inviter toute personne concernée par une gestion particulière. En cours, ou en fin d'instruction, une première contradiction, informelle, est établie entre le rapporteur ou le président de la chambre régionale et les ordonnateurs intéressés.

    Après examen du rapport par la chambre, une seconde contradiction, formelle, est établie suivant une procédure calquée sur la procédure juridictionnelle (C. Jur. Fin., art. L. 241-9). Ensuite, la procédure prévoit la communication des lettres provisoires d'observation aux ordonnateurs, lesquels ont la faculté de se représenter devant la chambre afin de compléter éventuellement leur parade, mais n'ont pas d'autre type de recours.

    Et c'est également l'une des sources de récrimination des contrôlés, qui ne se retrouvent pas devant une juridiction classique, tel un tribunal administratif, et n'ont donc pas de possibilités de recours.

    Les observations définitives sont notifiées par le président aux ordonnateurs et aux représentants légaux des collectivités ou établissements publics intéressés. Ces lettres étaient d'abord secrètes , après la loi du 8 mars 1982 ; depuis la loi du 15 janvier 1990 (art. 16-II), la chambre communique le contenu des lettres aux conseils délibérants des organismes concernés par l'avis et les tiers peuvent en prendre connaissance dès que cette communication a eu lieu (décret du 23 août 1995, art. 117). La même procédure s'applique, toute chose égale par ailleurs, aux organismes agissant, par exemple, par délégation de service public.

    LA PLACE DE LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES DANS LE SYSTÈME DE RÉGULATION POLITICO-ADMINISTRATIF

    [1) Ce qu'elle n'est pas : l'exemple des Autorités Administratives Indépendantes

    Organe administratif territorialisé, la chambre régionale des comptes ne ressemblent pas à d'autres entités administratives telles les autorités de régulation ou les agences, à vocation sectorielle ou thématique.

    En ce qui concerne les autorités de régulation, elles modifient considérablement le paysage politique et administratif de notre pays. La régulation a en effet changé de dimension. L'Etat régule afin de garantir la vie collectivité de certains débordements, comme les atteintes à la liberté individuelle ou d'arbitrer les litiges portant sur l'activité de certains marchés.

    Nous pouvons ici citer le médiateur de la République (1973), la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL - 1978), le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA - 1989), L'autorité de Régulation des Télécommunications (ART - 1996), la Commission régulation de l'électricité (CRE - 2 000).

    Elles ont en commun une indépendance statutaire, une impartialité affichée et une autonomie de gestion qui leur permet d'assumer un rôle d'arbitre.

    Le développement de ces instances est récent et corrélatif d'une tendance très contemporaine de déléguer un rôle d'arbitre, dans des secteurs déterminés, à des institutions dégagées de tout lien de subordination hiérarchique ou administrative et au sein desquelles règne la collégialité et l'expertise.

    Cette tendance est lourde et se retrouve même au sein d'instances de contrôle administrative, telle les chambres régionales des comptes, dont le fonctionnement interne peut s'apparenter, en raison de son indépendance de décision et de sa collégialité, à une AAI. Pour autant, il est difficile de classifier les AAI. Elles ne sont ni déconcentrées, en raison de l'absence de lien hiérarchique, ni décentralisées.

    Ce ne sont pas non plus des agences, qui regroupent de façon formelle, des intérêts particuliers afin de réguler ou d'observer un secteur d'activité particulier, comme les agences de l'eau. Cependant, elles participent de ce qu'on appelle la gouvernance, la régulation politique par la règle. En ce sens, elles participent, au même titre que la décentralisation et la déconcentration, de la mutation du système politico-administratif français.

    LE MÉTIER DE MAGISTRAT FINANCIER PUISSAMMENT ENCADRÉ PAR LES MEMBRES DE LA COUR DES COMPTES

    [1) Les membres d'un corps

    Les effectifs des CRC stagnent, et les grandes chambres, en sous-effectifs chronique, ont peu de chance de s'étoffer. L'effectif est en effet quasi-constant depuis 1992. La gestion des hommes et des effectifs est donc importante compte du volume de comptes à traiter. Les présidents de CRC ne maîtrisent pas les mouvements géographiques de leurs magistrats et n'ont aucun moyen de procéder à des rééquilibrages. La CRC de Rhône-Alpe, en 1995, a du traiter 102 dossiers de contrôle budgétaire, soit 4 dossiers par conseiller, en 1996, l'une des sections de la chambre a enregistré un ratio de 16 dossiers par conseiller. Dans le même temps, la CRC de Poitou-Charentes en a reçu neuf seulement (un par conseiller).

    D'autre part, les magistrats ont la faculté de partir en « mobilité ». Au printemps 1997, 64 des 391 magistrats du corps (16,4% des effectifs) se trouvaient ainsi mis à disposition, en détachement ou en mobilité.

    De ce fait, les présidents doivent gérer la contradiction entre l'intérêt, pour la chambre, qu'un conseiller enrichisse ses compétences et la problématique d'un conseiller disparu.

    En conséquence de quoi, les chambres sont mal préparées, quelque puisse être l'inégale répartition des entités sur le territoire, aux évolutions quantitatives, telles le volume du contrôle budgétaire ou le nombre des demandes émanant des préfet ou des ordonnateurs locaux. Divers recrutements exceptionnels ne suffisent apparemment pas à combler les attentes, même si celui de 1996 avait permis le recrutement exceptionnel de 117 magistrats.

    A cet égard, la position de Danièle Lamarque, présidente de la chambre régionale de Haute-Normandie, est révélatrice des incertitudes pesant sur le sort des magistrats financiers et il est également révélateur de certaines lignes de partage au sein du corps :47(*) « La réforme du statut des conseillers des chambres, qui viendra prochainement, nous l'espérons, devant le parlement, comporte à cet égard des mesures significatives. Ce texte assure un déroulement de carrière plus fluide, avec la réduction du nombre de grades de quatre à trois. Il ouvre une faculté d'intégration à la cour. Il garantit une meilleure transparence dans la gestion des carrières. Pour être complète, cette réforme doit être assortie d'une remise à niveau des rémunérations accessoires des conseillers de chambre : leur évolution a pris du retard par rapport à celles de corps comparables recrutés à la sortie de l'ENA.....De même, nous ne maîtrisons pas complètement la gestion de la mobilité professionnelle, qui est l'une des conditions de la « respiration » du corps et de son enrichissement.... L'inamovibilité protège ses membres, en faisant intervenir des instances consultatives à des moments sensibles que la nomination, la mobilité, la promotion ».

    [2) De la division du travail au sein d'une chambre régionale des comptes

    Par ailleurs, les magistrats financiers ne sont pas les seuls magistrats financiers. Certes, ils sont responsables de l'enquête et passe en sessions de délibérés pour écouter le cas échéant les remarques de leurs collègues mais ils s'appuient également sur des assistants de vérification. Ces derniers forment souvent tandem avec les magistrats.

    Comme le souligne Madame Karbouche, « leur parcours professionnel et personnel peut les amener à avoir des compétences et des capacités différentes, donc le magistrat confie des tâches très différentes à un assistant selon son, selon son envie, selon sa curiosité, selon sa capacité »48(*). Les assistants sont aussi amenés à travailler avec différents magistrats au cours de leur carrière : « Je faisais partie des premiers assistants lors de la création des chambres, à l'époque on était trois, bon, au niveau administratif, je viens de la Direction Générale des Impôts (DGI), je suis mis à disposition par la DGI auprès de la chambre des comptes..... Notre travail consiste à, c'est un travail de pur contrôle... C'est nous qui commençons la vérification à partir d'un programme qui nous est transmis par le magistrat, qui lui-même à eu son programme par la présidente de la chambre.... C'est nous qui examinons les pièces comptables ... ...(il y a) plusieurs manières de procéder selon les binômes... Soit il laisse entière liberté à l'assistant, soit il lui fixe des objectifs, vous vérifiez les investissements sur telle ou telle année.. »49(*).

    Françoise Barnier, attaché d'administration centrale au ministère de Finances, a été également mise à la disposition d'une chambre régionale. Elle aussi co-instruit les dossiers de contrôle en vérifiant physiquement les documents et en rédigeant, le cas échéant, des rapports ou des projets de lettres d'observation. :

    « L'angoisse ici [CRC Rhône-Alpes] est la même que dans n'importe quel corps de contrôle : ne pouvant faire du contrôle exhaustif, on n'est jamais à l'abri d'être passé à côté de quelque chose d'important .

    Quant on ne trouve rien, ou que des petites choses, ce n'est pas très valorisant pour le binôme conseiller-assistant de vérification, mais on se console en pensant que c'est bon signe pour les finances publiques»50(*).

    Un autre acteur joue un rôle important au sein de la chambre, c'est celui de Commissaire de gouvernement. « Le Commissaire de gouvernement est là pour faire de la veille juridique sur ce qui se passe dans la chambre... La deuxième chose et qui emploie 50% de mon temps, c'est de faire des conclusions sur les rapports de mes collègues... Ce n'est pas le cas dans toutes les chambres... Simplement les rapports contentieux font l'objet d'une communication obligatoire au gouvernement.. Et cette communication m'impose de faire des conclusions écrites. »51(*) Le Commissaire du Gouvernement est obligatoirement un ancien magistrat, qui connaît nécessairement les obligations liées à la fonction.

    [3) Le métier de magistrat au sein de la chambre

    Reste que le métier de magistrat consiste à analyser les comptes et rien que les comptes. Comme le souligne Philippe Boeton, l'un des problèmes majeurs reste la compréhension du comportement des gestionnaires : « Nous avons pas mal de magistrats qui n'ont jamais fait d'administration active... Ils sont restés dans le domaine juridictionnel... Mais ils n'ont pas connu la difficulté pour le gestionnaire de se confronter au droit, or pour bien contrôler, il faut aussi comprendre comment les gestionnaires sont amenés à prendre des décisions »52(*).

    Pourtant, l'accueil que l'on réserve au magistrat n'est pas systématiquement emprunt de suspicion. « Les élus que je connais, ils sont tout à fait bien disposés à notre égard et ils attendent avec intérêt le résultat de nos travaux...

    Ils ont besoin d'une information extérieure par rapport à ce que leur dise les autres élus ou les autres fonctionnaires territoriaux »53(*).

    Les correspondants techniques ou fonctionnels des magistrats financiers sont également bien intentionnés à leur encontre. « La CRC, raconte Christian Marquet, secrétaire général adjoint de Roanne, voulait surtout s'assurer que la vie financière de la ville était bien pilotée », ce qui l'a conduit à éplucher dans le détail la gestion de la dette et de la trésorerie.

    Christian Marquet a donc transmis au magistrat, pour toute la période contrôlée, l'ensemble des rapports qu'il rédige à l'intention de la commission des finances. Ceux-ci, au delà des gains réalisés, rendent compte de la stratégie d'endettement et de la gestion de la trésorerie adoptée par la direction des finances. Résultat : les observations de la chambre « mettent en évidence que Roanne s'est redonné des marges de manoeuvres en jouant sur son bas de bilan » »54(*).

    Pour Joël Lebourg, secrétaire général, il faut cependant nuancer le tableau55(*) : « Personne ne peut contester le rôle primordial joué par les chambres régionales des comptes dans le contexte global de décentralisation, je ne contesterais pas les avis émis par les éminents administrateurs territoriaux, ardents (trop ?) défenseurs des cours régionales des comptes. Cependant, on peut par exemple déplorer que la relation avec le magistrat en charge d'un contrôle ne soit pas basée sur la collaboration, mais davantage,...sur la méfiance, la recherche d'un moindre indice d'une faute, le côté inquisitorial et le sentiment qu'il y a, a priori, forcément « magouille » quelque part .................. Mais lorsqu'on parle d'efficacité et d'efficience, soucis dont devrait s'inspirer les collectivités locales, je pense que les lenteurs observées au niveau des juridictions, quel qu'en soit l'ordre, deviennent de plus en plus inadmissibles. Il est parfois difficilement compréhensible que des observation, voire des sanction, portent sur des faits ou des décisions génératrices de droits, prises plusieurs années auparavant, dans les conditions réglementaires, avec contrôle de légalité avec l'appui. 

    Il n'est pas question de mettre en doute les compétences des « détenteurs » du contrôle de légalité, qui manquent, eux aussi, de moyens. Mais, en parallèle, le contrôle a priori qui doit être effectué se heurte, lui aussi, au problème des compétences et des moyens. »

    Le magistrat chargé de contrôler les comptes trouve sur son chemin d'enquête le prescripteur du maniement des fonds (l'ordonnateur) et le comptable , celui qui manie les fonds.

    Ces derniers vérifient les fonds après en avoir examiné la validité et contrôlent le dispositif comptable (qualité de l'ordonnateur, disponibilité des fonds, validité de la créance, caractère libératoire du règlement).

    Corrélativement, le comptable est responsable des opérations liées aux maniement des fonds mais il ne peut cependant pas s'opposer au donneur d'ordre.

    Comme le souligne un observateur impliqué, Régis de Castelnau, Avocat-conseil aux collectivités locales,  « de nombreux ordonnateurs ont dû faire l'apprentissage ,.., d'un mode de contrôle auquel, jusque-là, ils n'avaient pas été confrontés »56(*). L'auteur ne présume pas de résultats quantifiables mais la confrontation personnelle a du renforcer la sévérité du comptable.

    « En deux mots et pour parler des contentieux, la tâche de la chambre vise deux types de personnes, les ordonnateurs, les comptables. ...Les comptables, ça passe par voie de jugement... Ce contentieux peut se poursuivre devant la Cour des comptes.. Le Conseil d'Etat faisant office de Cour de cassation dans notre ordre de juridiction.... Côté ordonnateur, le contentieux pourrait être la contestation par l'ordonnateur des observations qui sont faites par la chambre des comptes...

    Je m'assure quand même que la chambre a suivi la procédure qui permet à l'ordonnateur de contredire et notamment, la CRC est obligé de proposer à

    l'ordonnateur une audition. »57(*)

    L'examen de gestion pose le délicat problème du partage entre opportunité et régularité ; car le juge n'a pas à émettre des jugements sur les choix qui relèvent de la responsabilité politique de l'élu. Aussi, l'aspect juridictionnel n'est pas l'aspect qui pose le plus de problème aux magistrats car c'est aussi le plus balisé.

    Là ou des questions se posent de plus en plus fréquemment, c'est dans le domaine de l'examen de la gestion.

    «  Désormais, dans la plupart des contrôles de gestion, on prend quelques secteurs de politiques publiques et on va essayer d'approfondir. On a examiné par exemple la gestion des déchets ménagers........... On ne peut pas dire que les lettres des chambres soient vraiment des audits.... .....Les grands comptes relèvent de la plénière, donc on examinera dans cette formation les très grandes collectivités, la région, les deux départements, le CHU, les grosses collectivités, Evreux, Le Havre »58(*).

    Comme l'ajoute Jacques Pagès, le Président de section de la chambre régionale de Haute-Normandie : « Le contrôle de gestion est assez difficile à définir sachant qu'il y a, à mon sens, quelques passages obligés : quelle est la situation financière de la collectivité ? Les verrous nécessaires à une bonne utilisation des fonds publics ont-ils été mis en place au sein des services de la collectivité ? Les opérations de dévolutions des marchés se sont-elles correctement déroulées ?

    Autant dire que le contrôle de la gestion apparaît comme la mission principale des chambres régionales sachant que progressivement nous nous orientons vers une évaluation des politiques publiques : les objectifs que s'est fixé l'organe délibérant sont-ils atteints ? »59(*).

    Et ce passage du contrôle de gestion à l'évaluation des politiques publiques est une évolution éminemment récente.

    « La modification essentielle que je verrais [Par rapport à sa période de magistrat, entre 1986 et 1993]... C'est que nous nous tournons à l'heure actuelle beaucoup plus vers le contrôle de gestion...

    On est en train de se tourner beaucoup plus vers l'ordonnateur que vers le comptable, c'est peut-être pour ça que les ordonnateurs ruent un petit peu dans les brancards... Les sénateurs.. notamment...réclamait que le ministère public conclut explicitement sur les observations de gestion qui sont émises... Cela veut dire qu'ils essayaient de dresser une barrière juridique supplémentaire....... On s'accroche beaucoup plus aux situations financières des communes...

    Ces analyses financières se font dans deux directions , si vous voulez, l'évolution de la commune elle-même et puis les comparaisons avec les autres collectivités..... On se dirigerait vers une appréciation de la manière de travailler du comptable »60(*).

    Il est vrai que ceux-ci évoluent également : «  Il y a des technicités de plus en plus grande dans les collectivités locales et notamment la technique financière ..... La technique financière évolue énormément... Alors nous avons des formations permanentes »61(*).

    D'autres sujets de récrimination peuvent apparaître. « Du côté des comptables... C'est de leur imposer des sanctions et des mises en débet.. sur des sujets sans doutes mineurs et qui ne reflètent pas les anomalies que eux ils connaissent.. Ils doivent se dire qu'on ne va pas là où c'est important...

    Peut-être peuvent-ils penser également qu'on les piège assez facilement sur des anomalies qu'ils ont commises... Et ils ne peuvent pas tout voir... Du côté des élus, je ne pense pas qu'ici, en Haute-Normandie, on nous fasse vraiment des reproches de contrôle d'opportunité »62(*) .

    Cette dernière assertion est confirmée par Jacques Pagès : « Au niveau juridictionnel, c'est d'être parfois un peu trop sévère.... Par les élus, c'est de nous immiscer un peu trop dans la gestion de leur collectivité alors qu'ils ne considèrent responsables que devant l'électeur. Pourtant, il n'y a aucun exemple de contrôle dans lequel nous serions mêlés d'opportunité »63(*).

    L'opportunité est le concept qui détermine le lien institutionnellement agonistique entre le magistrat et l'élu. A la légitimité démocratique de l'un, se superpose la légitimité technocratique et administrative de l'autre, chargé d'éviter, de façon la plus objective et la plus neutre qui soit, aux concitoyens un naufrage financier, comme par exemple la ville d'Angoulême, dans les années précédentes.

    [4) Une organisation en réseau dirigée par les membres de la cour des comptes

    Comme le souligne la Présidente de la chambre, Madame Lamarque, le texte législatif pourrait ouvrir une faculté d'intégration à la Cour. Cette faculté d'intégration par le haut témoigne de l'enjeu pris par le développement des activités des chambres, qui, par contrecoup, revalorise le statut de magistrats dont la promotion est organiquement limitée.

    « La réforme du statut des conseillers de chambre, qui viendra prochainement, nous l'espérons devant le parlement, comporte à cet égard des mesures significatives. Ce texte assure un déroulement de carrière plus fluide, avec la réduction du nombre de grades de quatre à trois. Il ouvre une faculté d'intégration à la Cour. Il garantit une meilleure transparence dans la gestion des carrières »64(*).

    Recrutement dans le corps des magistrats de chambres régionales depuis 1983

    (source : Cour des comptes)

     

    En nombre

    En pourcentage

    ENA (recrutement direct)

    82

    21,4%

    Finances

    155

    40,5%

    Intérieur

    18

    4,7%

    Défense

    20

    5,2%

    Officiers

    12

    3,1%

    Education nationale

    19

    5,0%

    Affaires sociales

    22

    5,7%

    PTT

    8

    2,1%

    Agriculture

    4

    1,0%

    Premier ministre

    2

    0,5%

    Collectivités locales

    26

    6,8%

    Divers

    12

    3,1%

    Total

    383

    100%

    Car le fonctionnement des chambres est dominé par les membres de la Cour des comptes, une des plus vieilles institutions administratives françaises65(*), créée en 1807, postérieurement au Conseil d'Etat.

    Ainsi, comme on le constate, si la majorité des magistrats financiers n'est pas issu de l'ENA, c'est pourtant l'élite de l'ENA, les membres de la Cour des comptes, qui déterminent activement les orientations ou les prises de positions relatives à l'action des chambres régionales des comptes, qui coordonne l'action de celles-ci, qui assurent l'intégration des informations et orientent éventuellement les prises de position des gouvernants, notamment en ce qui concernent certaines nominations ou d'éventuelles évolutions réglementaires ou législatives.

    Ce qui ne veut pas dire qu'ils n'intègrent pas les avis ou recommandations des autres magistrats. Les textes réglementaires ou législatifs, leur organisation, le poids de l'histoire, leurs compétences et leurs capacités, la position de la Cour et des chambres au sein de l'édifice politico-administratif français leur confère une influence mesurable à leurs engagements ou leurs prises de position publiques.

    Madame Hélène Gisserot, Procureur général près la Cour des comptes, avait d'ailleurs rappelé, lors de son audition par les sénateurs, le jeudi 5 juin 1997, l'historique du contrôle technique opéré par les chambres régionales des comptes66(*). Et que celui-ci, de 1835 à 1982, suite à l'activité des conseils de préfecture, de 1807 à 1835, avait été effectué par la Cour des comptes.

    Le pilotage d'un certains nombre d'action se fait cependant en réseau, ce qui renforce les possibilités de réactions et d'adaptation de l'organisme.

    Et ce d'autant plus facilement que les progrès de l'informatisation67(*) et la mise sur pied d'un site Internet commun à l'ensemble des juridictions des comptes et accessible au public, d'un site intranet propre à chaque chambre et d'un extranet commun à toutes les juridictions, ces progrès techniques ont accompagné la mise sur pied d'une organisation basée sur la collégialité et des formules de commissions ou de comités qui peuvent être inter ou intra-chambres et qui peuvent également intégrer des membres de la Cour.

    C'est ainsi que la chambre régionale des comptes de Haute-Normandie a mis sur pied une commission des méthodes qui permet de réfléchir le cas échéant sur des thèmes particuliers, telle l'analyse financière.

    Toujours sous la houlette du Président de la chambre : « Je conserve la présidence de la commission des méthodes... On a lancé un séminaire interne sur l'analyse financière... Sinon les autres commissions sont présidées par le Président de Section...

    Donc çà, c'est la fonction de contrôle proprement dite, et j'ai une autre fonction qui est celle du management de la chambre.... Je suis membre de la commission technique paritaire au centre.... L'instance de partenariat avec les syndicats... Les assistants ont des problèmes spécifiques... La dernière partie de mes activités extérieures, ce sont les sorties.... Quand on est une juridiction autonome et fondé sur le secret, on a intérêt à sortir à l'extérieur.. »68(*) 

    Les présidents de chambre sont automatiquement des membres de la Cour des comptes, ce qui signifie que ce sont eux qui déterminent la notation et donc l'avancement des magistrats. Par ailleurs, c'est la Cour des comptes qui coordonne l'activité des chambres régionales des comptes et qui assure l'interface avec le gouvernement.

    Enfin, ce sont les présidents de chambres qui pilotent la diffusion des lettres d'observation définitives, en réécrivant le cas échéant le contenu de ces lettres destinées aux collectivités auditées et contrôlées.

    « Il y a le programme... Je préside les délibérés.. La section plénière..... Je signe toutes les lettres d'observations et je ne délègue pas... Je signe aussi les jugements... Par prudence »69(*) .

    Le magistrat financier n'est donc pas seul et son activité est solidement encadré

    par une hiérarchie dirigée par les membres de la Cour des comptes. Cette situation est à la fois une contrainte et une ressource pour les magistrats financiers.

    Une ressource car l'homogénéité de corps des responsables est un des garants des capacité de défense des intérêts des chambres régionales mais également une contrainte les membres disposent de facto des moyens de défendre de manière légitime les enjeux et des buts de l'institution.

    Comme nous l'avons vu au travers des divers entretiens rapportés, la représentation des intérêts des chambres régionales des comptes sont donc « monopolisés » (symboliquement) par les membres de la Cour des comptes, car ce sont eux qui détiennent les positions hiérarchiques les plus proéminentes, et le phénomène le plus saillant concerne donc la gestion des affaires publiques :

    « Nos enquêtes les plus complexes sont celles qui portent sur la gestion.

    Dans ce cas, la relation entre la Cour et les chambres n'est pas celle hiérarchique du double degré de juridiction. Elle est transversale et dépend de la participation volontaire des chambres....... Notre chambre de Haute-Normandie est très engagée dans ces démarches collectives : nous participons à des enquêtes dans les secteur hospitalier, la gestion des déchets, le RMI, les Casinos et bientôt la formation professionnelle »70(*)

    Cette maîtrise institutionnelle opérée par les membres de la Cour des comptes rejaillit sur les possibilités de trajectoire professionnelle des magistrats.

    Agnès Karbouche vient primitivement des Instituts Régionaux d'Administration (IRA). Elle était déjà cadre A mais elle n'est passée magistrate que récemment.

    Rémi Janner vient initialement de l'administration fiscale où il exerçait les fonctions d'auditeur des services. M. Jacques Pagès, Président de Section, vient de connaître une promotion puisqu'il est passé à ce grade lorsqu'il était magistrat à la chambre régionale d'aquitaine. Mais la promotion reste limité à un petit périmètre de postes. Même si, comme le souligne l'un d'entre eux, « il n'est pas interdit d'aller voir ailleurs ... Etablissement bancaire, spécialisé dans les financements aux collectivités locales... dans les entreprises... On peut toujours démissionner de l'administration... Et puis il y a la possibilité de créer un cabinet d'études ou de rejoindre un cabinet d'études... Il faut se constituer une clientèle »

    III - LE MAGISTRAT FINANCIER DE LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES DANS LE SYSTÈME DE RÉGULATION POLITICO-ADMINISTRATIF FRANÇAIS

    Nous nous retrouvons donc dans une situation désormais un peu mieux définie.

    D'un côté, des élus de la Nation se retrouvant dotés de compétences nouvelles, ayant désormais à coopérer dans la plupart des cas avec les services de l'Etat pour mener à bien les projets d'infrastructures et d'aménagements du territoire et continuant à être moteur dans le développement économique de leurs territoires, auxquels est attribué un principe de responsabilité, selon lequel les projets politiques, au travers des actions publiques locales et qui se voit confirmer, à posteriori, la justesse de ses actions entreprises. Comme pour une entreprise et ses commissaires aux comptes, lesquels certifient annuellement, les résultats des entreprises.

    Pourtant, les territoires politiques ne sont pas les lieux de marchés comme les autres. Les responsables politiques locaux, après des ajustements techniques acceptées par l'ensemble des parties, sont de plus en plus réticents. C'est que, depuis une dizaine d'années, les instances centrales et les pouvoirs politiques ont resserré les conditions de contrôle des comptes publics, notamment en raison de spectaculaires scandales politiques, qui ont touchés, sans exception, l'ensemble du spectre politique de la Nation.

    Publicité faite autour des lettres d'observation et développement spectaculaire des politiques d'évaluation ont rendu les élus territoriaux plus acerbes devant ce qu'ils estiment être, sur le fond, une ingérence de fonctionnaires dans leurs affaires d'hommes publics, appréciation surdéterminée par les particularités des organisations auxquelles ils ont affaire, l'invulnérabilité dont elles jouissent et les différences de comportements d'une chambre à l'autre

    Les scandales politico-financiers et la volonté réelle de la majorité des édiles de mener des politiques salubres et exemptes de retombées négatives ne leur font pas oublier qu'ils n'ont pas beaucoup de moyens de rétorsions face à des magistrats qui sont souvent leurs seuls contre-pouvoirs.

    Sous l'oeil d'un centre qui veille probablement à ne pas envenimer les rapports de forces politiques, les parties en présence, n'ayant pas la possibilité d'influer sur les régles édictées par le centre (pour de multiples raisons), se livrent à des stratégies d'ajustement permanentes, compte tenu des ressources disponibles. Les filières électives, les regroupements d'élus, les associations de conseillers ou les syndicats de magistrats sont autant de moyens, démultipliés par le cumul des mandats ou la superposition des réseaux de se positionner par rapport aux enjeux communs des multiples systèmes d'action locaux. Certes, il y a fragmentation des territoires mais il y a aussi, et surtout, un remembrement des enjeux qui définit les positions actuelles.

    L'utilisation des concepts de réseaux de politiques publiques va nous servir de référents afin d'élucider les récentes évolutions. Les acteurs mobilisent, chacun à l'aune de leurs propres contraintes, leurs ressources propres afin de peser dans les processus de coordination qui se créé, dans des environnements fragmentés et mouvants, perturbant ainsi les anticipations rationnelles fondées sur des systèmes de valeurs spécifiques.

    DÉMARCHE COMPARATIVE DES ÉVOLUTIONS POLITICO-ADMINISTRATIVES RÉCENTES

    [1) Les différents niveaux de l'Action Publique : l'exemple Européen

    TYPES D'INTERVENTIONS

    LOCAL - REGIONAL

    NATIONAL

    EUROPEEN

    POLITIQUE MONÉTAIRE ET BUDGÉTAIRE

    FINANCEMENTS DE PROXIMITÉ

    EPARGNE SOLIDAIRE

    POLITIQUE BUDGÉTAIRE

    DANS UN CADRE COORDONNÉ

    POLITIQUE MONÉTAIRE COMMUNE

    COORDINATION POLITIQUE BUDGÉTAIRE

    HARMONISATION FISCALE

    RELATIONS SOCIALES, PROTECTION SOCIALE, POLITIQUE DE L'EMPLOI

    ANIMATION BASSIN D'EMPLOI

    CRÉATION D'EMPLOIS PUBLICS LOCAUX

    PROTECTION SOCIALE

    RÉGULATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

    ACCORDS COLLECTIFS FAVORISANT UNE RÉGULATION SALATIALE

    DROIT DU TRAVAIL EUROPÉEN

    AGENDA SOCIAL

    POLITIQUES STRUCTURELLES

    DÉVELOPPEMENT LOCAL

    INFRASTRUCTURES LOCALES DE RÉSEAU

    DÉFINITIONS DES PRIORITES BUDGETAIRES

    AMENAGEMENT DU TERRITOIRE

    NORMES, RECHERCHE, INFRASTRUCTURE COMMUNAUTAIRE, POLITQIUE COMERCIALE ET DE LA CONCURRENCE (SERVICE PUBLIC EUROPÉEN)

    FONDS STRUCTURELS

    POLITIQUES SANITAIRES ET DE L'ENVIRONNEMENT

    GESTION DE L'EAU

    COLLECTE DES DÉCHETS

    NORMES SANITAIRES DE TRAITEMENT DES DECHETS

    POLITIQUES D'ECONOMIE D'ENERGIE

    NORMES SANITAIRES EUROPÉENNES

    GESTION DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX

    GESTION DES CONFLITS

    Grâce à ce tableau, nous pouvons nous rendre compte, en économie ouverte, à institutions constantes, et dans la perspective européenne, des enjeux liés à la territorialisation71(*).

    Les territoires prennent en charge l'aménagement opérationnel du territoire, sauf quand ils ne le peuvent pas, auquel cas, comme pour le maillage numérique, l'Etat passe des engagements avec des opérateurs privés, et le développement local.

    Ils sont aussi vecteur de développement économique et social. Si le rôle de l'Etat tend à s'affaiblir, c'est que celui-ci a fortement contribué à scier les branches sur lesquelles il était assis. La construction européenne , le marché, la mondialisation, la déréglementation sont autant de phénomènes venus du « haut ». D'un Etat monolithique-hiérarchique, nous sommes passé à une époque durant laquelle l'Etat dispose d'une palette d'outils variés lui permettant, à distance, de contrôler les fondamentaux économiques et de garantir la solidarité sociale. La décentralisation n'est pas, à proprement parler un outil, surtout si l'on considère l'histoire de l'administration française, mais son mode de fonctionnement actuel, avec des processus de dessaisissements partiels ou définitifs, participe de ce phénomène.

    Par ailleurs, avec l'existence de la Région tendant à être une forte unité politique autonome, le local est devenu un pivot important du développement. La maîtrise des enjeux administratifs et technocratiques reste donc fort puisque qu'il conditionne pour partie la scène politique locale, elle-même matrice d'un certain développement économique, puisque les territoires peuvent se retrouver en concurrence pour l'attribution de ressources permettant aux unités économiques d'effectuer des choix discriminants. L'exemple de l'installation de Toyota à Valenciennes ou d'une Usine Mercedes dans la Région de Nancy [pour fabriquer les voitures « Swatch »] est une illustration de ces mécanismes.

    [2) Les évolutions des paradigmes liés au contrôle public

    Pour Sylvie TROSA72(*), Rapporteur Général au Conseil Général de l'Evaluation, il existe actuellement une notion de culture du résultat qui se traduit par des formes de budgétisation par résultats.

    On s'est rendu compte que la notion d'objectifs relevait de processus agonistiques, ce qui, par dérivation, a poussé la notion de résultats, permettant d'aboutir plus facilement à une décision ou à un budget.

    La démarche comparatiste qu'elle a effectuée concerne les pays anglo-saxons, les pays nordiques, Singapour, Philippines. Parmi les tendances qu'elle discerne, elle dénote notamment celle du retour de l'Etat incarnée par l'école du nouveau contractualisme avec des démarches basés sur l'échange, l'écoute, des droits et obligations réciproques.

    Deux grandes évolutions sont également dénotées puisque nous serions passés d'un jeu de lego sur les structures institutionnelles à un travail sur le système consistant à faire fonctionner ensemble les différentes réformes (budget, évaluation, benchmarking, décentralisation, etc..) suivant un postulat stratégique partir du citoyen pour changer les structures.

    Ensuite, il y aurait des refléxions stratégiques à mener sur les services à délivrer, la façon de gérer les moyens humains et matériels, les outils de communication à mettre en oeuvre. Le management public devient ici prédominant dans la mesure ou il permet de penser et d'agir rationnellement sur des objets clairement construits. La tendance est ici à la simplification des objectifs et des indicateurs, avec l'utilisation du budget comme matrice des systèmes d'indicateurs et l'utilisation de systèmes d'informations fiables et peu complexes et l'utilisation de systèmes d'évaluations afin de mesurer les retombées sur l'environnement73(*).

    Les réformes administratives qui vont dans le même sens permettent en outre une comparaison au niveau international74(*) et l'on assiste, comme dans le cas français, au développement du principe de responsabilité avec la généralisation des contrôles a posteriori. La plupart des pays ont donc énormément travaillé sur l'évaluation et la responsabilité dans le cadre des orientations énoncées ci-dessus.

    [3) Le contrôle juridictionnel versus le système de l'Audit

    Cependant, des différences subsistent entre les différents modèles, entre le contrôle juridictionnel à la française et l'audit anglo-saxon : « Vous avez en fait deux grands systèmes.. L'un qui est le système de l'audit, qui est les système anglais, plus calé sur la certification et puis le système à la française, qui est le contrôle juridictionnel, qu'on partage avec quelques pays, la Belgique, l'Italie, le Portugal, l'Espagne........ Dans le système de comptabilité publique, vous avez un jugement des comptes qui n'est pas une certification..... Il y a quand même un jugement sur leurs comportements, sur la qualité des contrôles qu'ils ont exercé.... C'est une mission très particulière... L'audit anglo-saxon est davantage, est beaucoup plus proche des systèmes de certification »75(*).

    Des passerelles ont été mises en place afin de comparer les méthodes. C'est le cas par exemple avec la création de l'organisation des institutions régionales de contrôle externe des finances publiques (EURORAI), créée en 1992.. « L'un de mes collègues est allé en Angleterre pour voir comment ils font pour le contrôle des hôpitaux... On se rapproche des techniques d'Audit... Nous avons des contacts avec ces gens-là [les commissaires au compte] pour savoir comment ils opèrent... Nous sommes de moins en moins enfermés dans notre manière de faire.... L'évolution du contrôle de gestion en est une preuve... Nous avons intégré l'efficience, l'efficacité... C'est aussi l'un de nos soucis de savoir comment sont dépensés les fonds publics »76(*).

    LE SYSTÈME D'ACTION LOCALE DANS L'ARÈNE POLITIQUE

    [1) Des problèmes publics locaux

    Quelques exemples locaux, pris dans la presse locale normande, illustrent les types de situations rencontrés par les magistrats financiers.

    Cela peut être le cas d'un problème budgétaire. Début 2000, le conseil d'administration de l'hôpital du Havre avait refusé de voter le budget et avait retransmis l'objet du désaccord à la chambre régionale des comptes, en raison du déficit « structurel de l'établissement » et afin de stigmatiser l'absence de solutions financières.

    Prenons le cas de la gestion de la commune de Pont-Audemer, relaté par l'Eveil du 2 octobre 1996, illustré par les dérapages liés à la construction d'un complexe sportif : non-respect de la procédure d'appel d'offre, manque de transparence sur le processus de décision de l'entreprise chargée de réaliser le complexe, non-conformités des travaux et non-respect du cahier des charges initial. En outre, les travaux ont excédé le devis initial, pesant sur l'endettement de la commune.

    D'après les termes du rapport produit par le magistrat des comptes et rapporté dans le journal : « C'est ainsi que l'endettement se situait à 82,5 millions de francs au 31 décembre 1991 et s'approchait, l'année suivante, des 100 millions de francs. Il atteignait alors 10.653 francs par habitant, soit près du double de la moyenne nationale (5.717 francs) et de la moyenne régionale (5.484 francs) pour les communes appartenant à la même strate de population. »

    Et le rapport de préciser, un peu plus loin : « Jusqu'en 1995, les produits de fonctionnement n'ont pas permis de couvrir la totalité du financement des charges de fonctionnement et de remboursement de la dette, d'ou une marge d'autofinancement courant négative. Par ailleurs, la mobilisation des ressources internes n'était pas suffisante pour assurer à la collectivité une capacité d'autofinancement de ses investissements ».

    Le contrôle de la gestion de la ville ou de la collectivité permet souvent de mettre en évidence des erreurs ou des malversations. Les échos, en date du 19 septembre 2000, relate une lettre d'observation émanant de la chambre régionale des comptes, dans laquelle les magistrats auraient relevé des « anomalies de gestion dans la réalisation d'un parking de 535 places au centre hospitalier régional universitaire de Rouen (CHUR) .......... La CRC constate que ce montage a « permis de procéder, sans habilitation légale et sans appel à la concurrence, à la réalisation du marché des travaux », dont le coût total s'est élevé à 27 millions de francs ». Une fois les dégâts constatés, il ne reste plus à la collectivité qu'à assumer un plan d'austérité qui sanctionne le passif ou à faire appel directement à la manne de l'Etat.

    Pour la commune de Val-de-Reuil, soumis à un redressement financier, les conclusions du passif financier semblent positives, d'après les propos rapportés par le journaliste de « Paris-Normandie », en date du premier avril 2000. Pour Bernard Amsallem, le maire : « La difficulté la plus forte a été vécue par les habitants et notamment les propriétaires qui ont vu les taxes foncières augmenter considérablement. Cette hausse d'impôt aurait pu être évitée si le redressement s'était réellement fait en sept ans ». « La hausse des impositions locales a apporté 4,6 millions de francs dès la fin 1998..... Au titre du ministère de l'intérieur, l'Etat a accordé 4,6 millions de francs de subventions exceptionnelles.

    Quant au député François Loncle, il se réjouit surtout « de voir la ville conserver les fonds européens et de prendre une option intéressante vers une prochaine intercommunalité ». Le passif était de 37 millions de francs. La mise en place d'un mission interministérielle, animée par le préfet Thierry Klinger, a permis de maintenir les plans de développement économique et social tout en faisant retomber le passif à des niveaux compatibles avec le train de vie de la collectivité.

    Aussi, les élus, face à la production des chambres régionales des comptes, sont perplexes. Car c'est à la fois une ressource pour les postulants aux fauteuils des édiles en place et une contrainte, car il faudra bien gérer un problème parvenu sur la scène publique.

    Témoin de cette perspective, les débats animés du conseil municipal de Rouen, parus dans « Paris-Normandie » en date du 20 septembre 2000, entre l'ancien maire, François Gautier et le nouveau, Yvon Robert. « Des batailles de chiffres ponctuées par les graphiques (improvisés ?) du maire, on est passé aux coups plus bas, chacun s'efforçant de trouver des défauts dans la cuirasse de l'adversaire : « vous avez fait réaliser un audit de complaisance en 1995 pour noircir le tableau » a affirmé François Gauthier avant d'exhumer un rapport de la CRC de 1996 soulignant que le SIVOM avait mené plusieurs opérations sur le chantier du métro sans appel d'offres....Dans sa réponse, Yvon Robert a déploré le recours de Bertrand Bellanger aux défunts : « ce qui permet d'occulter le débat et de rejeter l'indignité sur les autres ». Revenant sur le métro, le maire a affirmé que son prédécesseur avait tout simplement saboté le dossier « pour ne pas que les socialistes puissent l'utiliser dans la campagne de 1995 ». .

    [2) Les relations entre la chambre et les Préfets

    De puis la disparition de la tutelle, le préfet contrôle a posteriori que les actes des collectivités locales et de leurs établissements publics sont conformes à la légalité. Cette légalité doit être externe et interne, et si elle n'est pas respectée, le préfet défère devant la juridiction administrative compétente.

    Mais le pouvoir du préfet va au-delà puisqu'il a la faculté de juger l'illégalité mineure et de ne pas déférer l'acte incriminé ou de ne pas exercer sa faculté d'autorité.

    Le préfet dispose donc d'une marge de manoeuvre appréciable, ce qui n'a pu manquer de susciter les réactions des CRC, qui ne pouvant exercer de pression sur le représentant de l'Etat, rappelle souvent aux ordonnateurs les dispositions légales en vigueur.

    Outre la capacité de manoeuvre du préfet, donnant de la souplesse au système, la règle de droit peut être mouvante, en fonction de la jurisprudence constituée.

    Néanmoins, le véritable contrôle de légalité est donc subordonné à la transmission des actes concernés alors même que rien n'empêcherait la CRC de se prononcer sur la légalité des actes des institutions concernées.

    Par contrecoup, les dissonances entre les différents organes administratifs provoquent souvent des réactions violentes chez les élus, qui ne comprennent pas les différences d'appréciations entre le Préfet et les CRC, et qu'il retrouve, par exemple, dans les lettres d'observations, et pourtant qui n'ont pas de faculté contentieuse.

    Ce qui provoque également des dissensions entre le corps préfectoral et les chambres régionales. « C'est-à-dire que eux [les préfets] vont voir, vont passer au contrôle de légalité tous les actes de la collectivité, donc ses marchés, le recrutement de ses personnels, etc.. C'est le contrôle de légalité qui remplace la tutelle .. [le préfet à la faculté de déférer au tribunal administratif, TA], le Préfet, dans son rôle de régulation, va éviter de multiplier les contentieux. De façon à ne pas embouteiller les TA avec les contentieux...Nous, on peut parfaitement percevoir des actes irréguliers mais qui ont quand même passé un filtre... Bon ça, c'est un problème d'articulation du fonctionnement du contrôle de légalité. C'est une des sources d'agacement des élus... ils se croyaient dans la sécurité et ils n'y sont pas »77(*).

    [3) La chambre régionale et le juge judiciaire

    Autre acteur potentiel des relations existant entre une CRC et son environnement, le juge judiciaire. Car les délits relevant du pénal échappent évidemment à l'autorité des CRC. Dans le rapport 1995, il est même précisé que la qualification des faits appartient à l'autorité judiciaire. Pour autant, les relations entres les deux autorités peuvent être consubstantielles car le juge judiciaire peut être demandeur d'information, à la suite de la publication de lettres d'observations définitives ou d'extraits publiés par la presse. Ainsi, sur les cas pouvant être qualifiés de délictueux :

    «  Les transmissions que nous avons fait portaient toutes sur des histoires de marché public.. Dans lesquels des personnes physiques et morales étaient impliquées... Cela étant, les transmissions que l'on fait au parquet pénal ne sont pas très nombreuses, il y en a 2, 3 par an.. On n'est pas dans le midi, Dieu merci »78(*).

    L'INTÉGRATION DES ENJEUX AU NIVEAU NATIONAL

    [1) Un processus politique qui a contribué à solidifier le périmètre d'intervention des chambres régionales des comptes

    Primitivement, rien ne laissait présager d'une telle évolution. La loi du 5 janvier 1988 peut être considérée comme étant technique, puisqu'elle faisait glisser le contrôle des petits comptes sous la tutelle du Trésorier Payeur Général et soulageait du même coup l'activité des chambres régionales des comptes.

    Ce sont les scandales politico-financiers qui ont contribué à remodeler le paysage, telle l'affaire Urba-Graco, ou encore le cas de la ville d'Angoulême ainsi que celle de Nice, puisque c'est en raison de l'action des magistrats régionaux que l'ancien maire a pris la fuite. Plus récemment et comme pour confirmer l'évolution récente, les travaux de la chambre régionale d'Ile-de-France ont permis de mettre en évidence de graves irrégularités portant sur la passation de marché public au niveau de la région Ile-de-France79(*).

    En effet, la loi n°90-55 du 15 janvier 1990, comporte une innovation fondamentale dans la mesure où elle pose le principe de la communication à l'assemblée délibérante des observations définitives formulées par les chambres régionales des comptes dans le cadre de l'examen de la gestion des collectivités locales. Nous sommes ici relativement loin des processus d'ajustements entre le politique et l'administratifs, tels qu'ils se déroulaient antérieurement à la réforme de 1982.

    Effectivement, dans la mesure les résultats du contrôle de gestion sont désormais publics, cela bouleverse tous les systèmes politiques locaux. Or, la procédure, si elle est contradictoire, ne prévoit pas de recours devant une quelconque juridiction d'appel, quand bien même il est prévu une procédure contradictoire.

    De fait, l'élu local est sérieusement perturbé, car la publicité induit une distorsion sur le marché politique local, et son relais étatique habituel, le préfet, ne peut plus lui être d'aucune utilité. Par ailleurs, la loi du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence des activités économiques à renforcé certaines règles de procédures applicables devant les chambres régionales des comptes et celle du 8 février 1995 a renforcé les pouvoirs des juridictions financières sur les services publics délégués. Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil d'Etat a pu contribuer à consolider le périmètre d'intervention des chambres80(*). Enfin, le législateur a réaffirmé sa volonté de traquer le moindre processus de dépense des fonds publics, par la loi du 12 avril, en renouvelant les obligations de conventions, lorsque les collectivités subventionnent des associations ou des sociétés d'économie mixte (SEM). Cette mesure vise clairement ce qu'on appelle autrement « les satellites ».

    [2) Le Sénat comme agrégation des revendications politiques locales et réceptacle des capacités d'intégration politique

    La grande chambre conservatrice, pour reprendre une expression de Thiers datant du siècle dernier, se fait l'écho directement ou indirectement (notamment par l'intermédiaire des nombreuses associations d'élus locaux) des revendications, récriminations ou observations critiques de l'activité des chambres régionales des comptes.

    Témoin de cette coalescence d'intérêt, le rapport n° 520 du Sénat, intitulé « CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES. Un dialogue indispensable au service de la démocratie locale » sous-titré « Commission des Finances - Commission des Lois . Groupe de travail commun sur les chambres régionales des comptes ».

    Comme le rappelle J.C. Thoenig81(*), la relation entre l'Etat et les collectivités locales s'est considérablement modifié depuis 1981. « Le changement passe désormais par les structures » et de fait, l'étude de son système d'action permettrait probablement de voir, à partir des études antérieures82(*), les mutations engendrées par les différentes dispositions législatives et administratives, tendant, a priori, à valider les hypothèses défendues par certains sur la « territorialisation » à l'oeuvre sur le territoire hexagonal83(*).

    Cette hypothèse de territorialisation est plus pertinente mais elle ne remet pas en cause les schémas d'intégration politique proposé par le système politique français. En raison des particularités du système électif français, du cumul des mandats et de la répartition des compétences et des attributions entre les deux chambres du modèle français, on peut ici légitiment considérer, eu égard à la position des sénateurs et à la qualité des intervenants, que le rapport témoigne de manière claire et légitime de la position d'une majorité d'élus locaux à l'encontre des chambres régionales des comptes. Cette action peut être considéré comme un remembrement des possibilités d'expression des gouvernements locaux.

    De façon générale, les élus n'ont pas à se plaindre de la décentralisation et vante même leur bilan. Ainsi, à la page 96 du rapport,  : «  Acteurs économiques et sociaux de premier plan, les collectivités locales apparaissent également dans leur quasi-totalité, comme des entités bien gérées, en dépit de la montée des dépenses incompressibles, de l'explosion des dépense sociales, des transferts de compétences mal compensés et de la progression modérée des concours de l'Etat. C'est ainsi que l'endettement des collectivités locales, qui s'élève à 825 milliards de francs, est resté stable : il représente, depuis plus de 20 ans, environ 10% du PIB.

    Cette dette équivaut à moins d'une année du total des budgets locaux, alors que l'Etat devrait consacrer deux ans et sept mois de son budget pour rembourser sa dette qui s'élève à 4.100 milliards de francs. En outre, les collectivités locales ont dégagé, en 1997, grâce notamment à une gestion active et avisée de leur dette, une capacité de financement également à 0,20% du PIB.

    Cet excellent résultat contraste avec les « contre-performances » de l'Etat et des organismes de sécurité sociale qui ont affiché un déficit équivalent à 3,2% du PIB. C'est la bonne gestion des collectivités locales qui a permis à la France de se qualifier pour l'euro. »

    Cependant, l'un des problèmes majeurs se posant aux élus concerne les lettres d'observation portant sur la gestion des organismes, établissements ou associations contrôlés.

    [3) Des demandes d'adaptation différenciées

    Ainsi, le contrôle budgétaire, permettant une surveillance juridique de l'adoption du budget, est très bien accepté car les mécanismes mis en place, notamment les possibilités de saisine, permettent probablement de solutionner des situations problématiques. De façon générale, s'ils critiquent les problèmes liés à l'articulation des compétences entre les Préfets et les magistrats, ils ne souhaitent ici que des améliorations positives, et même s'ils souhaitent créer un pôle de compétence juridique autour du Préfet (que visiblement, ils préfèrent), ils souhaitent surtout se prémunir contre « l'insécurité juridique », en créant, pourquoi pas des agences départementales regroupant les parties concernées.

    Un second groupe de reproches peut être discerné concernant l'asymétrie de traitement des collectivités locales, qui ne sont pas les mêmes d'une chambre à l'autre. Rapportés à leurs effectifs, les sénateurs ont même demander par la suite, et sans succès, une augmentation des moyens.

    Beaucoup plus problématique est le cas de l'examen de gestion puisque nombre d'élus s'en plaignent, eu égard au caractère public des lettres d'observations définitives.

    Les magistrats auraient ainsi du mal à distinguer le contrôle de régularité (le terme de référence) du contrôle d'opportunité, à proscrire, puisqu'ils supposent un jugement de valeur sur des projets politiques.

    Or, et les élus le soulignent eux-même, en raison de la variété des situations juridiques, de l'absence de consensus sur le périmètre d'application du concept de régularité, les magistrats peuvent être amenés à porter des jugements qui ne tiennent pas compte du contexte local.

    Pêle-mêle, les élus reprochent également l'absence de critères communs aux interventions des chambres, une procédure contradictoire limitée, dépourvue in fine de possibilité de recours [pas d'actes faisant grief, pas d'instance d'appel], et l'absence de véritables recommandations concrètes afin de solutionner les problèmes mentionnés. Aussi, les élus proposent-ils que le contrôle de gestion évolue vers un véritable audit permettant à la collectivité de s'appuyer sur un véritable outil d'aide à la décision.

    Ils sont surtout et très probablement irrités de n'avoir aucune source de recours devant les pouvoirs d'examen de gestion détenus par les chambres régionales des comptes, alors que leurs collègues étrangers ont même la faculté de nommer les responsables de l'Audit public.

    [4) La profondeur des réseaux d'action publique

    Chaque acteur détient donc sa propre logique, appuyé sur ses propres ressources.

    Dans un environnement hypercontraint, caractérisé par l'impossibilité des acteurs de changer directement les règles de droit fondamentales, comment peuvent-ils donc réagir. Nous allons ici nous appuyer sur les réseaux d'action publique afin d'avoir une approche différenciée de l'activité de l'Etat et « comme outil descriptif d'un Etat fragmenté »84(*).

    A partir des analyses formulés par Rhodes85(*) et qui portent sur l'analyse entre le centre national et les périphéries locales en Grande-Bretagne et le modèle de Wilks et Wright86(*), nous souhaitons reprendre quelques-uns des postulats formulés par ces auteurs afin d'éclairer les relations entre les acteurs du système d'action local. Rhodes postule notamment la dépendance des organisations vis-à-vis des ressources d'autres organisations, le nécessaire échange de ressources dans l'accomplissement des objectifs de l'organisation, l'importance d'un potentiel de pouvoir relatif et d'un niveau meso qui fait le lien entre le macro et le micro.

    Wilks et Wright mettant l'accent, dans un monde industriel, sur l'importance des réseaux sociaux et sur le fait que les communautés de politiques publiques et les réseaux de politique publique deviennent des processus de liaison permettant de façon systémique la circulation de l'information et l'intégration des problèmes.

    En outre, comme le souligne Andy Smith87(*), en France, le cumul des mandats permet de rendre les réseaux d'élus très performants, par exemple, grâce à la redynamisation de l'Association des Présidents de Conseils Généraux, mais on pourrait ici également citer l'Association des Maires de France ou s'interroger sur la place de l'Assemblée des districts et communautés de France, dirigée à l'époque des auditions réalisées par le Sénat, par Marc Censi.

    Sans approfondir le sujet, notons que tous ces groupements sont représentés par des hommes placés à droite de l'échiquier politique, mais par absence d'analyse et donc de données, nous nous abstiendrons d'y faire référence dans notre analyse.

    Comment se pratique alors la coordination des acteurs88(*) dans un système verrouillé par les régles du jeu édictées par le centre ?

    Certes, l'organisation des systèmes d'intérêts est marqué par le centralisme et le corporatisme, mais il n'empêche nullement les acteurs de participer au système d'action afin de protéger ce qu'ils estiment être leurs intérêts.

    Gérald Lehmbruch89(*), faisant le point sur la diversité des analyses portant sur l'organisation des stratégies administratives, constate que certains auteurs soulignent la particularité du cas français, marqué par le centralisme et le corporatisme. Ainsi, les problématiques de coordination au sein d'un secteur a fin de résoudre des problèmes ou liés à des thèmes mis sur agenda, se heurterait au poids des élites et des structures institutionnelles.

    Pour autant, et malgré l'évolution récente, qui a vu se modifier les rapports entre pouvoir et territoires, et même si l'action publique est flexible, peut-on pour autant être sur de son caractère fragmenté et incertain90(*) ?

    Dans le tableau qui suit et qui tente de modéliser les possibilités d'action en réseau des différents acteurs du système d'action local, nous avons essayé de mettre en évidence leurs possibilités d'action.

    [5) Tableau synoptique des réseaux d'acteurs liés au système d'action

    DÉFINITION DES ACTEURS

    TYPE DE RÉSEAU

    CARACTÉRISTIQUE DU RÉSEAU

    AUTONOMIE DU RÉSEAU

    FORCE DE PÉNÉTRATION DU RÉSEAU

    COLLECTIVITÉS LOCALES

    FILIÈRE ELECTIVE

    COMMUNAUTÉ DE POLITIQUE PUBLIQUE NATIONALE ET LOCALE

    STABILITÉ, MEMBRES STRICTEMENT SELECTIONNÉS SUR CRITÈRES DE STATUT, ARTICULATION HORIZONTALE LIMITÉE, ÉVOLUTION AU NIVEAU MACRO

    FORTE AUTONOMIE BASÉE SUR DES INTÉRÊTS SECTORIELS ET THÉMATIQUES.

    POSSIBILITÉ DE DÉFINITION DES ENJEUX ET DES BUTS DU SECTEUR D'ACTIVITÉ.

    PUISSANTE. LIENS PARTISANS ; LIENS SOCIÉTAUX ; DÉMULTIPLICATION POSSIBLE DES RESSOURCES DE LA FILIÈRE ÉLECTIVE VOIRE GOUVERNEMENTALE ; FORTE CAPACITÉ DE MOBILISATION ; ACCÈS AU NIVEAU MACRO, POSSIBILITÉ MARGINALE DE CHANGER LES RÈGLES DU JEU

    COLLECTIVITÉS LOCALES

    FILIÈRE ADMINSTR -ATIVE ET PROFESSIONNEL

    RÉSEAU A CARACTÈRE PROFESSIONNEL ; POSSIBILITÉ D'ACTION THÉMATIQUE

    STABILITÉ ; MEMBRES SELECTIONNÉS SUR DES CRITÈRES D'ORDRE PROFESSIONNEL ; FORTE ATICULATION HORIZONTALE. ARTICULATION MICRO/MÉSO PUIS MÉSO/MACRO AVEC LES CRC

    FORTE.

    LIÉS À LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS SOCIOPROFESSIONNELS.

    FAIBLE.

    PAS DE POSSIBILITÉS DE CHANGER LES RÈGLES.

    POSSIBILTÉ D'INTERVENIR SUR LES PÉRIMÈTRES D'EXPERTISES

    CHAMBRES RÉGIONALE DES COMPTES

    FILIÈRE CENTRALE

    PRÉSIDENTS DE CHAMBRE ET CORRESPONDANTS À LA COUR

    RÉSEAU À CARACTÈRE PROFESSIONNEL ;

    POSSIBILITÉ D'ACTION THÉMATIQUE RESTREINT AU CORPS OU OUVERT À L'ENSEMBLE DES MAGISTRATS

    TRÈS FORTE STABILITÉ

    SÉLECTION SUR CRITÈRES SCOLAIRES ET PROFESSIONNELS ; ARTICULATION HORIZONTALE ET VERTICALE ; ARTICULATION MÉSO/MACRO ;

    TRÈS FORTE.

    DÉFENSE DES INTÉRÊTS DU CORPS

    DÉFENSE DES INTÉRÊTS DE L'INSTITUTION

    CAPACITÉ A DÉFINIR LES BUTS ET LES ENJEUX DU SECTEUR

    FORTE

    POSSIBILITÉ D'INFLUENCER LES CHANGEMENTS DES RÈGLES, DE MODIFIER L'ORGANISATION INTERNE, DE PROVOQUER DES MUTATIONS OU DES NOMINATIONS, D'UTILISER DES RÉSEAUX INTERMINISTERIELS OU INTERGOUVERNEMENTAUX.

    CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES

    FILIÈRE PRINCIPALE 

    MAGISTRATS ET ASSIMILÉS

    RÉSEAU À CARACTÈRE PROFESSIONNEL ; POSSIBILITÉ D'ACTION THÉMATIQUE

    FORTE STABILITÉ.

    SÉLECTION SUR CRITÈRES, SCOLAIRES, PROFESSIONNELS ET ADMINISTRATIFS ; ARTICULATION ESSENTIELLEMENT HORIZONTALE

    FORTE

    DÉFENSE DES INTÉRÊTS DE LA PROFESSION. SYNDICAT DES MAGISTRATS PUISSAMMENT MAJORITAIRE (SMJ - 80% DES MAGISTRATS)

    FAIBLE

    CAPACITÉ LIMITÉ AU CORPS DES MAGISTRATS.

    PAS E POSSIBILITÉ DIRECT D'ACCÈS AU NIVEAU MACRO MAIS POSSIBILITÉ D'UTILISER LES RÉSEAUX THÉMATIQUES.

    POSITION NATIONALE, POSITION LOCALE : DE L'EXAMEN DE GESTION À L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

    Il s'agit maintenant de rattacher l'analyse des capacités de mobilisation des acteurs aux enjeux clivants du secteur dans lequel ils évoluent.

    [1) Un magistrat n'est pas Préfet : les deux corps du roi

    C'est à l'occasion de l'établissement de ce rapport que les plus éminents représentants de l'institution des comptes et des représentants du corps préfectoral ont pu définir leur position. M. Pierre Joxe, Président de la Cour des comptes, a eu ainsi l'occasion d'expliquer que l'articulation entre le contrôle de légalité et le contrôle de gestion était peu satisfaisante.

    Joël Thoraval, Préfet de la Région Ile-de-France, Président de l'association du corps préfectoral, a lui aussi souligné la complexité des interactions entre le magistrat financier et le représentant territorial de l'Etat pour le contrôle financier. Cependant, il a ajouté que les chambres régionales jouaient un rôle croissant dans la régulation de la décentralisation, contribuant ainsi à renforcer le sentiment d'insécurité juridique parmi les élus, liée à la double contrainte, juridique et financière. Il a néanmoins reconnu que les préfets avaient un pouvoir d'appréciation discrétionnaire des irrégularités et que le Préfet devait « tenir compte des réalités locales ».

    Comme on le voit, la position du représentant des Préfets n'est exactement la même que celle du représentant des magistrats financiers. Il est vrai que l'institution des chambres est récente et qu'elle a vite évolué. Reste que tous les acteurs ont à cette occasion, notamment sous l'impulsion des élus, pris conscience du glissement vers des problématiques financières plus complexes. Comme l'a rappelé Maître De Castelnau au cours de son audition, les contrôles financiers externes au niveau européen ne feront que renforcer la légitimité d'organes de contrôles financiers indépendants.

    [2) Le contrôle de gestion ou l'évaluation des politiques publiques ?

    Pour Madame Danièle Lamarque91(*), « l'examen de la gestion recouvre les axes de contrôle couramment décrits dans la terminologie internationale de l'audit par le triptyque des « 3 E » : économie, efficience et efficacité.......La vérification de l'efficience (les meilleures prestations au meilleur coût) commence à peine à s'imposer. Celle de l'efficacité (quantification du service rendu et degré de réalisation des objectifs) est encore à l'ébauche...................  La gestion et son contrôle sont ainsi appelés à suivre la même évolution, de la sécurité juridique et financière vers le suivi des performances et des résultats. L'évaluation de la réalisation d'un complexe sportif, ce n'est pas seulement l'assurance que la construction ait été régulièrement conduite : c'est aussi apprécier une gestion, des moyens, des utilisateurs, une politique, des effets sur la vie de la cité».

    Madame la Présidente est particulièrement impliqué dans cette démarche visant à généraliser des principes d'évaluation des politiques publiques, et elle constitue même une sorte de fer de lance, puisque elle-même fait du Conseil National de l'Evaluation, en qualité de membre de la Cour des comptes, lequel a été mis sur pied en février 1999 et dont le but est justement de développer ces problématiques en intégrant l'ensemble des acteurs territoriaux et en multipliant les analyses comparatives92(*).

    Cette tendance à la diffusion du modèle d'évaluation des politiques publiques et elle est acceptée par la plupart des acteurs du système d'action car elle correspond à un besoin de transparence et d'efficacité des fonds publics. « François Cellier, chargé de la Commission des méthodes des Chambres régionales des comptes, préfère répondre par un exemple précis et chiffré : le dernier contrôle effectué par la CRC Ile- de-France sur le syndicat des eaux de cette région a permis à quatre millions d'habitants d'économiser 50 centimes par mètre cube d'eau consommé.

    Le contrôle de la chambre a en effet débouché sur la renégociation du contrat liant le syndicat à son prestataire de services avec, à la clef, 133 millions de francs d'économies, répercutées en partie sur la facture des abonnées »93(*).

    L'intervention de la chambre régionale des Pays de Loire sur la politique culturelle de la ville de Nantes participait du même processus. Et il ici intéressant de voir sur quels critères les magistrats ont effectué leurs interventions. Ils ont d'abord défini quatre familles de paramètres suivants : évolution sur plusieurs exercices de la part du secteur culturel dans le budget de la ville en tentant d'expliquer les tendances constatées ; les priorités de l'intervention culturelle [répartition par secteurs] ; le financement de la dépense culturelle et le régime tarifaire ; le coût à l'usager.

    Ensuite, la chambre a procédé à, l'examen des missions et objectifs annoncés ; des charges et des produits budgétaires ; de la fréquentation ; de la tarification du service et des ressources annexes ; des relations avec des équipements culturels complémentaires ; de l'accueil des journalistes, pour l'opéra, et les catalogues d'exposition, pour le musée ; du degré de respect des imputations budgétaires ; du détail des dépenses de personnel.

    Et l'on a pu constater la même chose en Allemagne. La chambre régionale de Saxe a ainsi comparé, relativement à des installations de traitement des eaux, le coût des modes de gestion possibles (régie ou délégation), c'est-à-dire qu'elle a procéder à une mission classique d'audit afin de déterminer si le bon emploi des fonds, c'est-à-dire le concept de « Value-for-Money », a respecté. John Sherring, de l'Audit Commission of England and Wales, le résume très bien « Les collectivités locales ne peuvent plus se permettre de perdre de l'argent »94(*).

    En France, une première mission nationale d'évaluation des politiques publique a eu lieu en 1998 avec l'enquête sur la voirie routière des départements lancée par la Cour des comptes.

    Pour Vincent Potier, Directeur Général des Services, et Jean-Luc Boeuf, Secrétaire Général de la Roche-sur-Yon, qui commentent les activités des chambres, observent que ce phénomène est récent : « C'est une direction dans laquelle elles se lancent, l'évaluation au sens plein du terme , c'est-à-dire regarder les résultats par rapport aux objectifs fixés et aux moyens mis en oeuvre. On avait déjà vu cela avec l'étude de la CRC Haute-Normandie sur le Pont de Normandie. Mais cela devient quasi systématique sur la politique touristique et la politique économique. Il faut relever que les chambres ont une approche macro- économique, alors que, par comparaison, l'évaluation des contrats de plan, par exemple, a trop souvent eu une approche microéconomique. »95(*)

    [3) Vers une évolution sensible du mode de régulation ?

    Certes, il y a évolution relative du contenu des missions des chambres mais le phénomène de l'audit reste néanmoins problématiques. Car, pour beaucoup, cela serait dénaturer la mission initiale des magistrats et cela poserait beaucoup trop de problèmes. La mission des magistrats est de représenter la société afin de demander des comptes à tout agent public de son administration, en vertu de l'article de l'article 15 du préambule de la constitution. Aussi, les magistrats ne sont-ils pas forcément d'accord pour évoluer vers une position de conseil, qui ne correspond pas forcément aux idéologies de service public animant les systèmes de valeurs des cadres administratifs français.

    Pierre Rocca, Président du Syndicat des Juridictions Financières (SJF) reconnaît, lors du Congrès tenu par son syndicat en octobre 1998, que les positions prises par les sénateurs lors de l'établissement du rapport Amoudry sont nuancées et positives pour les chambres96(*).

    Cependant, « Nous ne pouvons être à la fois conseillers et contrôleurs de la gestion publique. Ce serait incompatible avec le droit européen le plus récent qui prohibe le mélange des genres entre fonctions juridictionnelles et fonction de conseil. Les lettres d'observations et les débats contradictoires qui les précèdent ont souvent un effet pédagogique. Nous expliquons le fondement de nos observations, qui le plus souvent sur le non-respect, par dérive issue de l'habitude, des règles simples ».

    Les magistrats financiers ne sont donc pas forcément acquis à une évolution de leurs métiers qui ne correspondraient à la nature véritable de leur mission ou à leur périmètre de compétence. En outre, les élus des collectivités locales ou territoriales, reprenant le principe d'opportunité voit toujours d'un mauvais oeil les interventions de nature prescritive. Les principes d'action du magistrat financier doivent être avant tout de nature descriptive : elles doivent se borner à l'énumération des faits prévus par les textes de lois. C'est ce que les élus suggèrent en reformulant le problème de l'examen de la gestion.

    [4) Intégration et non-résolution de problèmes

    En effet, les élus locaux, territoriaux et sénatoriaux ont beaucoup avancé dans leurs réflexions sur la place des chambres régionales des comptes.

    Les propositions avancées à la suite du rapport n° 520 du Sénat en sont un bon exemple. On relève notamment la préconisation d'un délai de neutralité de six mois, au cours duquel aucune lettre d'observation définitive (LOD) ne pourrait être envoyée ; une meilleure organisation des chambres afin d'éviter tout type de discrimination, en tout point des territoires ; la possibilité d'une forme de recours, avec la qualification des LOD (Lettres d'Observation définitives) de décisions susceptibles de faire grief.

    Surtout le rapport préconise une reformulation de l'examen de gestion, qualifié à l'article L. 211-8 du code des juridictions financières, en proposant les termes suivant : «  L'examen de gestion porte sur la régularité des actes de gestion et sur l'économie de moyens mis en oeuvre par rapport aux objectifs fixés par l'assemblée délibérante sans que ces objectifs, dont la définition relève de la responsabilité exclusive des élus, puissent eux-mêmes faire l'objet d'observations.

    Les observations que la chambre régionale des comptes formule à cette occasion mentionnent les dispositions législatives ou réglementaires dont elles constatent la méconnaissance. Elles prennent en compte expressément les résultats de la procédure contradictoire avec l'ordonnateur de la collectivité concernée.

    L'importance relative de ces observation dans la gestion de la collectivité ou de l'établissement public est évaluée. Enfin, elles formulent des recommandations sur les aspects de la gestion examinée par la chambre »

    [5) Le modèle français du contre-rôle

    Les sénateurs ne peuvent que proposer car ils n'ont aucun moyen de pression sur les chambres régionales des comptes. Ils ne peuvent en aucune façon modifier le cadre réglementaire de leurs actions.

    Ainsi que le souligne Bernard Levallois, Conseiller Référendaire à la Cour des comptes et Président de la chambre régionale des comptes d'Alsace, les récentes décisions prises par le Conseil d'Etat ne laisse d'autre choix aux pouvoirs publics que de renforcer la fiabilité juridique du contrôle de légalité97(*), notamment afin de protéger les petites communes contre des possibilités d'insécurité juridiques, qui est l'une des grandes sources d'insatisfaction territoriale.

    Ce motif d'insécurité juridique et le nombre important de communes en France (plus de 36 000) avait même conduit le Président du Syndicat des juridictions financières, M. Pierre Rocca, à proposer une réactivation d'agences départementales98(*) afin d'assister les petites communes. A contrario, M. Rocca n'est pas très favorable au développement de pôle de compétences communs avec les services préfectoraux, notamment en raison de l'implication des préfets dans les projets communs avec les collectivités territoriales et parcequ'il craint de ce fait un amoindrissement des moyens alloués aux chambres régionales.

    C'est aussi une façon de répondre à l'une des propositions du rapport Amoudry-Oudin qui préconisait éventuellement une assistance technique de magistrats financiers qui aurait été rattaché, au sein de pôles de compétences comprenant également d'autres magistrats territoriaux, au Préfet. Cette proposition, il est vrai, émanait d'un premier rapport, suggéré par le Conseil d'Etat en 1993.

    Le rapport Houssin (« Sur la simplification de l'Etat dans ses relations avec les collectivités locales ») préconisait également un renforcement des capacités juridiques des services déconcentrés de l'Etat.

    Le système français est en effet marqué par une forte indépendance de son système de contrôle externe. « Dans de nombreux pays, le contrôle externe des régions est organisé et financé par les régions elles-mêmes. Les responsables des institutions chargés du contrôle, les Présidents [des chambres allemandes] et des sindicaturas espagnoles ou les vérificateurs généraux des provinces du Canada, sont tous nommés par les collectivités qu'ils contrôlent.

    S'agissant des communes, que ce soit en Angleterre et au pays de Galle ou en Hollande, elles ont souvent le choix du contrôleur, comme une entreprise à le choix de son commissaire aux comptes.

    En Angleterre et au pays de Galle, le District audit, qui est une institution publique, est en concurrence pour le contrôle des communes avec les grands cabinets privés d'Audit »99(*).

    Dans un pays marqué par le centralisme et l'absence d'expériences politico-administratives marqués par le polycentrisme, les tentatives de réformes proposées s'inscrivent dans une logique d'indépendance juridictionnelle. Les membres de la Cour des comptes proposent donc des solutions en accord avec leurs fonctions et leur position au sein du système d'action.

    Alain Sérieyx, Président de la chambre régionale de Provence-alpes-côte-d'azur, conseiller référendaire à la Cour des comptes, en 1996, rappelait que la fonction était nouvelle et que la formule adoptée par le législateur, «particulièrement floue, permet toutes les interprétations, extensives ou restrictives »100(*) .

    Or, la présence d'apories législatives ou institutionnelles, voulues ou non par le législateur ou le décideur politique, ne peut que conforter le rôle fondamental des instances ou institutions en présence, dans la mesure ou l'absence de clivages est de nature à révéler la logique potentielle des institutions.

    Sans intervention de celui qui peut modifier les tables de la loi, ces dernières ont naturellement tendance à s'épanouir dans leur propre mode de fonctionnement.

    Les relations contrastées entre les chambres et les élus sont donc « une question d'une perpétuelle actualité ». Le modèle français est celui « du contre-rôle101(*) (contra-rotulus, à côté de ; « rotulus », rôle, registre : lire, et exploiter, des informations, à côté des collectivités examinées) qui est exercé par les chambres, participe de l'équilibre de la décentralisation.

    Il est confié à une juridiction indépendante, composée de magistrat statuant collégialement, placée en dehors des influences, qu'il s'agisse de celles des représentants et services de l'Etat, ou de celles des organismes locaux vérifiés ».

    Et surtout, l'auteur de réitérer la vocation de cette institution, qui est celle de contrôler les comptes en affirmant la plus stricte neutralité dans la conduite des affaires dont elle a la charge, tout en jouant le rôle qui est le sien dans l'éclairage de certains choix publics. La mission du magistrat financier reste donc emprunt de cet ethos de haut fonctionnaire, dont la vocation sert la collectivité nationale et les collectivités locales.

    Ce socle idéologique reste à rapporter, peut-être, à la particularité de la construction de l'idéologie Service Public, devenu un enjeu et une ressource légitime, au fil du développement des institutions étatiques et de l'intervention de l'Etat. Ce qui fait, qu'aujourd'hui, les institutions, acteurs ou instances de contrôle puisent dans cette idéologie afin de justifier leurs interventions.

    Aussi, surdéterminées par les logiques de corps et par l'histoire d'une institution prestigieuse, les solutions proposées ne peuvent être qu'un aménagement des dispositions existantes, telles qu'elles peuvent être conçues et réalisées au sein d'un espace institutionnel animé par des hauts fonctionnaires conscients de leurs responsabilité et de leurs compétences.

    Gilles Cazenave ne propose pas de solutions particulières si ce n'est une plus grande attention apportée à l'échange, au dialogue et à la publicité.

    Pierre Fabre102(*), Président de Section à la chambre régionale de Provence-Alpes-Côtes d'Azur, aurait une solution plus iconoclaste qui consisterait à fusionner les tribunaux administratifs avec les CRC. La solution aurait l'avantage, d'après l'auteur, de simplifier les structures administratives françaises, de faciliter d'éventuels recours contentieux, d'éviter des conflits de compétence et de créer un corps unique de magistrats, interchangeables dans les deux spécialités, administratives ou financières.

    Bernard Levallois103(*) préconise deux suggestions plus en rapport avec l'existant « La première serait de faire rentrer au Conseil supérieur des chambres régionales des comptes des représentants qualifiés des collectivités territoriales » afin qu'ils puissent participer à d'éventuelles propositions de réorganisation des chambres. « La deuxième serait de créer, auprès de ce Conseil supérieur, par exemple, un comité chargé de définir les normes de contrôle à exercer par les chambres régionales des comptes ».

    Laquelle question est traitée par la Commission des méthodes, à la Cour des comptes, qui n'a aucun pouvoir normatif et qui n'est qu'une simple instance de coordination.

    « Même s'il n'est pas toujours facile de dire où s'arrête le contrôle financier et où commence le contrôle d'opportunité, nous devons absolument nous pencher sur le risque de glissement vers le contrôle d'opportunité, insiste Daniel Hoeffel, sénateur du Bas-Rhin. Les élus locaux, en contrepartie de la transparence de leur gestion, sont en droit d'attendre le respect de leur fonction ».

    Aussi, faute d'une base légale suscitant un consensus notable, pour Philippe Limouzin-Lamothe, « les magistrats financiers s'assurent du respect du cadre légal et réglementaire et vérifient que les obligations de transparence sont satisfaites. Les critères d'appréciation économiques viennent en second, et en second seulement »104(*).

    Pour Roland Ries, à l'époque Maire de Strasbourg, « il faut s'acheminer vers l'élaboration de références communes, connues et acceptées de tous. Une fois les modalités pratiques du contrôle bien définies en amont, le débat sur l'opportunité perdra de son acuité ».

    CONCLUSION.

    Que peut-on dire alors de l'évolution de l'examen de gestion vers l'évaluation des politiques publiques, compte-tenu des éléments structurant les interventions des magistrats des cours des comptes ?

    Un système d'action orienté vers un ajustement marginal105(*)

    Compte-tenu des éléments que nous avons évoqués, l'évaluation des politiques publiques apparaît bien comme un processus d'ajustement du système d'action.

    A partir des éléments que nous avons évoqués et compte-tenu des caractéristiques du système d'action mettant directement en relation les trois acteurs principaux, à savoir, l'élu, représentant du territoire, le Préfet, représentant de l'Etat et responsable de la conduite de l'action de l'Etat sur le territoire et, enfin le magistrat financier, à qui il incombe de traquer les dysfonctionnements, les sociétés écrans, les détournements d'argent public ou les endettements disproportionnés. Ces missions de vertus publiques sont inscrites dans la logique des lois de décentralisation.

    Mais ce sont les politiques qui ont relancé le processus en déterminant des textes de lois, au début des années 1990, qui ont élargi les possibilités d'investigation des chambres régionales des comptes. Le coeur de cible : non pas les communes qui n'ont pas les moyens de mener des politiques dispendieuses, mais les villes ou les agglomération, telle Angoulême, telle Nice, telle Limoges, fauteuses de troubles.

    Face à ce resserrement des contraintes budgétaires et financières, les élus se sont organisé et ont eux-mêmes organisés leur défense, dont le rapport du Sénat est probablement la plus belle illustration.

    Celui-ci fait le point sur la décentralisation et prescrit un certain nombre de mesures, notamment étayé par le comportement vertueux de l'immense majorité des contrôlés, de manière à éliminer les points qui gênent l'action publique territoriale.

    Face à ce remembrement de la demande politique territoriale, la fragmentation de l'action administrative, comme en écho aux offensives des collectivités territoriales, tend à se résorber.

    La réponse des magistrats

    La Cour des comptes met progressivement en place des dispositifs visant à remembrer et mieux coordonner l'action de ses magistrats, et ce, sous l'impulsion des Présidents de chambres régionales, tous membres de la Cour des comptes.

    La réponse est organisationnelle (avec l'institution de réunions thématiques ou d'enquête inter-chambres) mais elle est également idéologique.

    Les élus attaquent sur l'examen de gestion et s'inquiètent d'une intrusion sans contrepartie juridictionnelle, qui perturbe le marché politique local et qui s'ajoute à l'insécurité juridique, lié concrètement à l'application conjointe du principe de légalité exercé par le Préfet et au contrôle effectué à posteriori exercé par les chambres régionales des comptes.

    Pour autant, compte-tenu des positions des acteurs, des possibilités offertes par les réseaux et du poids des institutions concernées, le processus d'ajustement ne peut pas déboucher sur la venue d'un audit réalisé selon les canons anglo-saxons en la matière. Vérifier la régularité des comptes, certes, mais les missions de service public méritent peut-être plus de considération qu'une simple certification, sans pour autant porter un jugement de valeur sur les objectifs.

    L'évaluation des politiques publiques relèvent de cette logique et c'est bien le dispositif qui est en train d'être mis en place par les magistrats. Ainsi que le souligne Patrick Gibert et Marianne Andrault106(*), le contrôle de gestion relèverait d'une approche entrepreneuriale, alors que l'évaluation des politiques publiques, s'inquiète du processus de réalisation de la politique comme de son impact sur l'environnement.

    Aussi, sachant que le canevas institutionnel ne peut être modifié que par le centre politique et qu'il faut certaines circonstances exceptionnelles pour le faire,

    La mise en avant de l'évaluation des politiques publiques et l'intensification des liens horizontaux et verticaux au sein de l'instance juridictionnelle peut être analysée comme la résultante d'un processus d'ajustement mettant essentiellement en relation les magistrats et les institutions dans lesquelles ils évoluent d'une part ; les élus territoriaux et les intérêts qu'ils revendiquent d'autre part.

    L'évaluation apparaît donc comme une troisième voie pertinente au sein du processus de régulation dynamique des conflits d'intérêts reliant les parties en présence.

    BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

    LES SOURCES TERRITORIALES

    Je remercie encore les magistrats et les personnels de la chambre régionale d'avoir voulu répondre à quelques questions. Leurs réponses ont complété et enrichi les entretiens ou remarques recueillis par les journalistes de la Gazette des Communes ou de Pouvoirs Locaux. Je remercie donc Madame Lamarque, Présidente de la chambre, M. Pagès, Président de section, Madame Karbouche, magistrat, MM. Boeton, Janner, Magistrats, M. Ruellan, Commissaire du Gouvernement.

    Beaucoup d'informations sont disponibles et directement accessibles grâce à la Gazette des Communes, qui consacrent de façon extrêmement sérieuse et claire, des reportages et des articles consacrés à l'ensemble des enjeux concernant les territoires et les collectivités locales qui s'y trouvent. Les personnalités interrogés sont souvent des cadres de la fonction publique territoriale.

    Les numéros utilisés et dont les références se trouvent en bas de page sont les suivantes : n°1447, n°1532 , n°1482. n° 1491, n°1475, n°1540, 1516, 1535

    Par ailleurs, nous avons utilisé un autre excellent magazine, Pouvoirs Locaux, disponibles auprès de l'Institut de la Décentralisation, situé à Boulogne (92). Ce dernier met à disposition des documents sur demande. Une base de donnée installée sur leur site Web permet une sélection des documents désirés. ( www.i-decentralisation.com). Les articles sont de qualités et l'oeuvre de spécialistes.

    Enfin, un incontournable. Le commentaire des Lettres d'Observation Définitives (LOD) par deux hauts fonctionnaires territoriaux. J.L. Boeuf, V. Potier,«l'essentiel des lettres d'observations définitives des CRC », La Gazette des communes, des départements, des régions, n°9, 3 mars 1997, fasc. n°2, par ex. ou celui utilisé dans le présent ouvrage du 6 mars 2 000.

    LES SOURCES PORTANT SUR LA COUR DES COMPTES ET LES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES

    En premier lieu, les institutions elles-mêmes, notamment par la voie d'un site internet d'excellente facture ( www.ccomptes.fr) ou par la documentation éminemment complète proposée par La Documentation Française, sa librairie ou sa salle de documentation, avec bases de données.

    Régis de Castelnau, avocat-conseil aux collectivités locales, et Bénédicte Boyer, ont évoqué leurs impressions dans l'ouvrage : Portrait des chambres régionales des comptes, Décentralisation et Développement Local, LGDJ, 1997. L'ouvrage a le mérite de mettre en évidence la jeunesse de l'institution et de donner un aperçu de l'ambiance qui règne dans les chambres.

    J. Magnet, Président de chambre à la Cour des comptes, La Cour des comptes, Berger-Levrault, 1997, présente une compilation intelligente du cadre réglementaire et législatif de l'activité des Beaucoup d'ouvrages portant sur la Cour ont été rédigés par les membres de la Cour et il faudrait également consulter l'ouvrage de C. Descheemaeker, Conseiller-maître à la Cour des comptes, La Cour des comptes, La Documentation Française, 1998 : il est un peu plus consistant et réaliste que le précédent. Il reprend les points développés par les magistrats normands et insiste notamment sur l'importance de l'éthique et de la formation continue pour les travaux des magistrats.

    G.Piole, Les chambres régionales des comptes, Coll. politiques locales, Crédit Local de France, L.G.D.J., 1999. Introductif, quantitatif et pratique.

    SUR L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE, LA DÉCONCENTRATION, LES RESSOURCES TERRITORIALES

    - Les ouvrages publiés par le Conseil d'Analyse Economique sont incontournables. Ils donnent les tendances concernant la majorité des enjeux, à partir de positions extérieures au théâtre opérationnel du monde administratif.

    « L'évaluation au service de l'avenir », Conseil National de l'Evaluation, rapport annuel 1999, La documentation française, 2 000.

    Sylvie Trosa, « Les réformes de l'Etat en France et en Europe », Etat et Gestion Publique, Conseil d'Analyse Economique, La Documentation Française, 1996.

    Anne-Marie Leroy, « Les réformes administratives dans les pays de l'OCDE », Etat et Gestion Publique, Conseil d'Analyse Economique, La Documentation Française, 1996

    G.Gilbert, V.Hespel, « Les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales », Etat et gestion publique, CAE, La doc.Française, 2000, p.64.

    Sylvie Hel-Thelier, « Organisation des pouvoirs et gestion publique : une comparaison des pays de l'Union Européenne », Etat et Gestion publique, CAE, la doc. Française, 2000.

    - Les cours prodigués par le Centre National d'Education à Distance pour une Licence d'Administration m'ont appuyé pour la partie administrative du mémoire.

    Cours Polycopié CNED - Alain Sorbara - unité portant sur les institutions administratives de la licence d'administration publique - 2000/2001.

    Voir à ce propos S. Verclytte, La Déconcentration en France, La Documentation française, 1995. O. Gohin, Institutions administratives, LGDJ, 1998. ; P. Bodineau et M. Verpeau, Histoire de la décentralisation, Coll. « Que-sais-je ? », PUF, 1997 ; J. B. Auby et J. F. Auby, Droit des collectivités locales, PUF, Coll. Thémis, droit Public, 1998.

    Comme il a été indiqué dans une note, la plupart des remarques sur la fiscalité locale sont issues des interventions de M. G. Gilbert, lors de son cours professé à l'ENS Cachan - DEA Action Publique et sociétés contemporaines - 2000/2001.

    Pour les aspects financiers, comptables et administratifs, relevant des collectivités territoriales, voir également : J.L. Gousseau, « Finances publiques : les finances locales », cours polycopié du CNED, unité de la licence d'administration publique, 2000-2001 et A. Sorbara, « Les institutions administratives de la France », cours polycopié du CNED, unité de la licence d'administration publique, 2000-2001. Voir également M. Bouvier, Les Finances Locales, LGDJ, 1998 ; A. Paysant, Finances locales, Droit Fondamental PUF, 1993.

    LES OUVRAGES THÉORIQUES

    - Pour les théories explicatives ou les approches des théories de la régulation :

    Les métamorphoses de la régulation politique, sous la Direction de Jacques Commaille et Bruno Jobert, Ed. LGDJ, 1998 et notamment : J. C. Thoenig, « L'usage analytique du concept de régulation » ; B. Jobert, « La régulation politique : le point de vue d'un politiste » ; E. Fouilleux, « Le polycentrisme : contrainte et ressource stratégique. Le cas de la politique agricole commune ». P. Le Galès, « Régulation, Gouvernance et Territoire ».

    L. Kiser et E. Ostrom, « The three world of actions. A metatheorical synthesis of institutional approaches», E. Ostrom (ed.), Strategics of Political Inquiry, Londres, 1982.

    - Sur les réseaux :

    Sous la direction de P. Le Gales et M. Thatcher, Les réseaux de politiques publiques : débat autour des policy networks, Logiques Politiques, L'Harmattan, 1995. On pourra citer : Andy Smith, « Réintroduire la question du sens dans les réseaux d'actions publiques ». B. Jouve, « Réseaux et communautés de politiques publiques en action ». G. Lehmbruch, « Organisation de la société, stratégies administratives et réseaux d'action publique ».

    Deux ouvrages peuvent être retenus à partir des bibliographies proposées :

    R.A..W. Rhodes, Control and Power in Central-Local relations, 1981.

    Wilks, Wright, Comparative government-industry relations. Western Europe and the United States, 1987.

    - Sur les phénomènes de territorialisation et d'action publique

    P. Duran, « Gouvernement local. Du gouvernement local au gouvernement des territoires », cours polycopié, ENS Cachan, 2000/2001.

    P. Duran, « Action publique, action politique », cours polycopié ENS Cachan, 2000-2001.

    P. Duran, J.C Thoenig, « L'Etat et la gestion publique territoriale », Revue Française de Sciences Politiques, 4, 1996.

    P. Duran, « De la régulation croisée à l'interdépendance généralisée », cours polycopié, Direction d'Etude Gouvernement des territoires, DEA Action Publique, ENS Cachan, 2000-2001.

    P. Gremion, Le pouvoir Périphérique, Seuil, Paris, 1976.

    P. Lange, M. Regini, »State, Market and Social Regulation», Cambridge University Press, Cambridge, 1989.

    J.C. Thoenig, « L'innovation institutionnelle », L'Action Publique, Morceaux choisis de la revue politiques et management public (PMP), sous la responsabilité de François Lacasse et Jean-Claude Thoenig, Ed. L'Harmattan, Paris, 1996.

    J.C. Thoenig, L'ère des Technocrates : les cas des Ingénieurs des Ponts, Logiques sociales, L'Harmattan, 1986.

    J.C. Thoenig, M. Crozier, « La régulation des systèmes organisés. Le cas du système de décision politico-administratif local en France », Revue française de sociologie, 16(1), janvier-mars 1976.

    - Enfin, dans le désordre, différents ouvrages nous ayant influencés ou pouvant avoir une importance.

    X. Greffe, Economie des politiques publiques, Prècis Dalloz, 1997.

    M.A. Frison-Roche, « Evolution du droit comme instrument étatitique d'une organisation économique» , Etat et gestion publique, CAE, La doc. Française, 1996.

    Y. Papadopoulos, Complexité des politiques publiques, Clefs-Montchrestien, 1998.

    * 1 J.C. Thoenig, « L'innovation institutionnelle », L'Action Publique, Morceaux choisis de la revue politiques et management public (PMP), sous la responsabilité de François Lacasse et Jean-Claude Thoenig, Ed. L'Harmattan, Paris, 1996.

    * 2 M. Crozier, J.C. Thoenig, «La régulation des systèmes organisés complexes. Le cas du système de décision politico-administratif local », Revue française de sociologie, 16 (1), janvier-mars 1976.

    * 3 P. Duran, J.C. Thoenig, « L'Etat et la gestion publique territoriale », Revue Française de Sciences Politiques, 4, 1996.

    * 4 Pour les théories explicatives ou les approches des théories de la régulation : Les métamorphoses de la régulation politique, sous la Direction de Jacques Commaille et Bruno Jobert, Ed. LGDJ, 1998 et notamment : J. C. Thoenig, « L'usage analytique du concept de régulation » ; B. Jobert, « La régulation politique : le point de vue d'un politiste » ; E. Fouilleux, « Le polycentrisme : contrainte et ressource stratégique. Le cas de la politique agricole commune ».

    * 5 M. Crozier, J.C. Thoenig, « La régulation des systèmes organisés complexes. Le cas du système de décision politico-administratif local en France », Revue française de sociologie, 16 (1), janvier-mars 1976.

    * 6 P. Duran, J.C Thoenig, « L'Etat et la gestion publique territoriale », Revue Française de Sciences Politiques, 4, 1996.

    * 7 P. Duran, « Gouvernement local. Du gouvernement local au gouvernement des territoires », cours polycopié, ENS Cachan, 2000/2001.

    * 8 Chambre Régionale des Comptes

    * 9 P. Le Galès, « Régulation, gouvernance et territoire », Les métamorphoses de la régulation politique, coll. Droit et société, sous la dir. De Jacques Commaille et B. Jobert, Ed. LGDJ, 1998..

    * 10 P. Lange, M. Regini, »State, Market and Social Regulation», Cambridge University Press, Cambridge, 1989.

    * 11 Sylvie Hel-Thelier, « Organisation des pouvoirs et gestion publique : une comparaison des pays de l'Union Européenne », Etat et Gestion publique, CAE, la doc. Française, 2000.

    * 12 Voir à ce propos S. Verclytte, La Déconcentration en France, La Documentation française, 1995.

    * 13 J. C. Thoenig, « l'innovation Institutionnelle », L'Action Publique, sous la direction de François Lacasse, Ed. L'Harmattan, 1996.

    * 14 P. Duran, J. C. Thoenig, «L'Etat et la gestion publique territoriale », Revue Française de Sciences Politiques, 4, 1996.

    * 15 L. Kiser et E. Ostrom, « The three world of actions. A metatheorical synthesis of institutional approaches», E. Ostrom (ed.), Strategics of Political Inquiry, Londres, 1982.

    * 16 Voir sur ces différents point : O. Gohin, Institutions administratives, LGDJ, 1998. ; P. Bodineau et M. Verpeau, Histoire de la décentralisation, Coll. « Que-sais-je ? », PUF, 1997 ; J. B. Auby et J. F. Auby, Droit des collectivités locales, PUF, Coll. Thémis, droit Public, 1998.

    * 17 Au niveau européen, la région a pignon sur rue et est formellement consultée avant chaque décision pouvant la concerner. Une charte européenne de l'autonomie locale existe et elle a été ratifiée par une trentaine de membres du Conseil de l'Europe.

    * 18 La plupart des remarques sur la fiscalité locale sont issues des interventions de M. G. Gilbert, lors de son cours professé à l'ENS Cachan - DEA Action Publique et sociétés contemporaines - 2000/2001.

    * 19 Cours Polycopié CNED - Alain Sorbara - unité de la licence d'administration publique - 2000/2001.

    * 20 G.Gilbert, V.Hespel, « Les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales », Etat et gestion publique, CAE, La doc.Française, 2000, p.64.

    * 21 Le Monde du 2 février 2001, p.11.

    * 22 Le monde du 3 février 2001, p. 12.

    * 23 J.C. Thoenig, P. Duran, «L'Etat et la Gestion Publique Territoriale», Revue Française de Science Politique, 4, 1996.

    * 24 J.C. Thoenig, M. Crozier, « La régulation des systèmes organisés. Le cas du système de décision politico-administratif local en France », Revue française de sociologie, 16(1), janvier-mars 1976.

    * 25 C'est le cas notamment des fonctionnaires de l'équipement.

    * 26 S. Verclytte, La déconcentration en France, p.28, 1997.

    * 27 P. Duran, « Action publique, action politique », cours polycopié ENS Cachan, 2000-2001.

    * 28 Pour les aspects financiers, comptables et administratifs, relevant des collectivités territoriales, voir notamment : J.L. Gousseau, « Finances publiques : les finances locales », cours polycopié du CNED, unité de la licence d'administration publique, 2000-2001 et A. Sorbara, « Les institutions administratives de la France », cours polycopié du CNED, unité de la licence d'administration publique, 2000-2001. Voir également M. Bouvier, Les Finances Locales, LGDJ, 1998 ; A. Paysant, Finances locales, Droit Fondamental PUF, 1993.

    * 29 G.Piole, Les chambres régionales des comptes, Coll. politiques locales, Crédit Local de France, L.G.D.J., 1999.

    * 30 J.L. Boeuf et V. Potier, « L'activité 1999 des chambres régionales des comptes », La Gazette des Communes, supplément, n°1540 du 6 mars 2000.

    * 31 J.L. Boeuf, V. Potier,«l'essentiel des lettres d'observations définitives des CRC », La Gazette des communes, des départements, des régions, n°9, 3 mars 1997, fasc. n°2.

    * 32 Supplément de La Gazette des Communes du 6 mars 2000 consacrée à l'activité des chambres régionales des comptes, p.33.-34.

    * 33 D'après L. Kiser et E. Ostrom, « The three world of actions. A metatheorical synthesis of institutional approaches», E. Ostrom (ed.), Strategics of Political Inquiry, Londres, 1982.

    * 34 Le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes :

    « Art. L. 212-16. - Il est institué un Conseil supérieur des chambres régionales des comptes. Ce conseil établit le tableau d'avancement de grade des membres du corps des chambres régionales des comptes et la liste d'aptitude de ces membres aux fonctions de président de chambre régionale. Il donne un avis sur toute mutation d'un magistrat. Tout projet de modification du statut défini par le présent code est soumis pour avis au Conseil supérieur des chambres régionales des comptes ».

    Ce conseil est également consulté sur toute question relative à l'organisation, au fonctionnement ou à la compétence des chambres régionale ».

    * 35 J.C. Thoenig, L'ère des Technocrates : les cas des Ingénieurs des Ponts, Logiques sociales, L'Harmattan, 1986.

    * 36 Intervention de M.Pierre Joxe, Président de la Cour des Comptes, Rapport du Sénat n° 520 , « Chambres régionales des comptes et élus locaux », p.201.

    * 37 Extraits de l'entretien avec M. Pagès, Président de Section à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 38 Cette proposition est comprise notamment dans le Rapport sénatorial relatif aux chambres régionales des comptes paru en 1998 et présenté par J.P. Amoudry et J. Oudin.

    * 39 Extraits de l'entretien avec Madame Lamarque, Présidente de la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 40 Extraits de l'entretien avec Madame Lamarque, présidente de la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 41 Régis de Castelnau, avocat-conseil aux collectivités locales, et Bénédicte Boyer, ont évoqué dans l'ouvrage : Portrait des chambres régionales des comptes, Décentralisation et Développement Local, LGDJ, 1997 , les problèmes concrets se posant à l'activité des chambres : les calendriers perturbés par le rythme incertain des contrôles budgétaires, les départs non-compensés de certains conseillers, l'interférence des enquêtes inter-chambres, mais également les rotations des interlocuteurs territoriaux qui fragilisent la capitalisation des connaissances au sein des chambres.

    * 42 Extraits de l'entretien avec M. Ducourt, Assistant de vérification à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 43 B. Boyer, R. De Castelnau, Portrait des chambres régionales des comptes, L.G.D.J, 1997. P.34-35

    * 44 Tirés de la Gazette des communes n°47, pp. 15-16.

    * 45 Nous rappelons ici pour information les compétences des CRC .:

    Le contrôle des comptes ; l'examen de gestion ; le rétablissement des budgets, sur demande du représentant de l'Etat ; La gestion de fait, portant sur la manipulation non autorisée des fonds publics

    Les CRC interviennent également dans d'autres domaines tel les analyses de marchés et de délégation de service public, ou bien encore l'alerte des collectivités actionnaires d'économie mixte

    * 46 J.Magnet, La Cour des comptes. Les institutions associées et les chambres régionales des comptes, Berger-Levrault, 1996, p. 342 et suiv.

    * 47 Allocution de mme Danièle Lamarque, Conseillère référendaire à la Cour des comptes, Présidente de la Chambre. Séance solennelle de la chambre régionale de Haute-Normandie du 11 février 2000. Extrait.

    * 48 Extraits de l'entretien avec Agnès Karbouche, magistrate à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 49 Extraits de l'entretien avec Monsieur Ducourt, assistant de vérification à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 50 Extrait de l'entretien accordé à la Gazette des Communes, « Les métiers de la CRC », n°1516 du 13/09/1999.

    * 51 Extrait de l'entretien avec Monsieur Ruellan, Commissaire du gouvernement à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 52 Extrait de l'entretien avec Philippe Boeton, magistrat à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 53 Extrait de l'entretien avec Philippe Boeton, magistrat à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 54 La Gazette des Communes, n° 1516 du 13/09/2001.

    * 55 « Collectivités - CRC : non à la méfiance », La Gazette des Communes, n°1535 du 31/01/2000.

    * 56 B. Boyer, R. De Castelnau, Portrait des chambres régionales des comptes, L.G.D.J, 1997, p.70.

    * 57 Extrait de l'entretien avec Monsieur Ruellan, Commissaire du Gouvernement à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 58 Extrait de l'entretien avec Rémi Janner, magistrat à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 59 Extrait de l'entretien avec Jacques PAGES, Président de section à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 60 Extrait de l'entretien avec le Commissaire du Gouvernement Ruellan, à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 61 Extrait de l'entretien avec Monsieur Ruellan, Commissaire du Gouvernement à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 62 Extrait de l'entretien avec Philippe Boeton, magistrat à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 63 Extrait de l'entretien avec J. PAGES, Président de section à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 64 Extraits de l'Allocution prononcée par Madame La Présidente Danièle Lamarque, lors de la séance solennelle du 11 février 2000.

    * 65 J. Magnet, Président de chambre à la Cour des comptes, La Cour des comptes, Berger-Levrault, 1997. Beaucoup d'ouvrages portant sur la Cour ont été rédigés par les membres de la Cour. Voir également l'ouvrage de C. Descheemaeker, Conseiller-maître à la Cour des comptes, La Cour des comptes, La Documentation Française, 1998 : il est un peu plus consistant et réaliste que le précédent. Il reprend les points développés par les magistrats normands et insiste notamment sur l'importance de l'éthique et de la formation continue pour les travaux des magistrats.

    * 66 Intervention de Madame H. Gisserot, Rapport du Sénat n° 520, p.173.

    * 67 D'après les déclarations de Madame Lardinois, Documentaliste à la chambre régionale des comptes de Haute-Normandie.

    * 68 Extrait de l'entretien avec Madame Lamarque, Présidente de la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 69 Extrait de l'entretien réalisé avec madame Lamarque, Présidente de la chambre régionale des comptes de Haute-Normandie.

    * 70 Extraits de l'allocution prononcée par la présidente de la chambre de Haute-Normandie, Danièle Lamarque. Séance solennelle du vendredi 11 février 2 000.

    * 71 Voir l'article de P. Le Galès, « Régulation, Gouvernance et Territoire », Les métamorphoses de la Régulation Politique, Sous la Dir. De J. Commaille et B. Jobert, LGDJ, 1998.

    L'auteur évoque la fragmentation des sociétés nationales et la structuration progressive d'un Espace politique, mais aussi les perspectives de recherche en Europe de l'Est.

    * 72 Sylvie Trosa, « Les réformes de l'Etat en France et en Europe », Etat et Gestion Publique, Conseil d'Analyse Economique, La Documentation Française, 1996.

    * 73 Il serait ici pertinent de comparer l'enseignement actuel dans les filières universitaires dédiés à la formation des hauts fonctionnaires, l'ENA ou les Instituts d'Etudes Politiques, mais également les universités étrangères qui dispensent de telles formations, par exemple l'Université de Londres ou la Bocconi de milan.

    * 74 Anne-Marie Leroy, « Les réformes administratives dans les pays de l'OCDE », Etat et Gestion Publique, Conseil d'Analyse Economique, La Documentation Française, 1996.

    * 75 Extrait de l'entretien avec Danièle Lamarque, Présidente de la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 76 Extrait de l'entretien avec Monsieur Ruellan, Commissaire du gouvernement à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 77 Extrait de l'entretien avec Madame Danièle Lamarque, Présidente de la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 78 Extrait de l'entretien avec Monsieur Ruellan, Commissaire du Gouvernement à la chambre régionale de Haute-Normandie.

    * 79 LE MONDE, mercredi 25 juillet 2001.

    * 80 Voir par exemple l'arrêt du 20 mai 1998 du Conseil d'Etat opposant la ville de Saint-Dizier à la CGE relativement à l'accès des documents financiers et comptables par la chambre régionale des comptes, en ce qui concerne la gestion de l'eau.

    * 81 J.C. Thoenig, « L'Innovation institutionnelle »,  L'Action Publique, sous la direction de François Lacasse, Ed. L'Harmattan, 1996.

    * 82M. Crozier, J.C. Thoenig, « La régulation des systèmes organisés complexes », Revue Française de Sociologie, DVI/1, p.3-32 ; P. Gremion, Le pouvoir Périphérique, Seuil, Paris, 1976.

    * 83 P. Duran, « De la régulation croisée à l'interdépendance généralisée », cours polycopié, Direction d'Etude Gouvernement des territoires, DEA Action Publique, ENS Cachan, 2000-2001.

    * 84 Sous la direction de P. Le Gales et M. Thatcher, Les réseaux de politiques publiques : débat autour des policy networks, Logiques Politiques, L'Harmattan, 1995.

    * 85 R.A..W. Rhodes, Control and Power in Central-Local relations, 1981.

    * 86 Wilks, Wright, Comparative government-industry relations. Western Europe and the United States, 1987.

    * 87 Andy Smith, « Réintroduire la question du sens dans les réseaux d'actions publiques ». Sous la direction de P. Le Gales et M. Thatcher, Les réseaux de politiques publiques : débat autour des policy networks, Logiques Politiques, L'Harmattan, 1995.

    * 88 B. Jouve, « Réseaux et communautés de politiques publiques en action ». Les réseaux de politiques publiques, débat autour des policy Networks, sous la dir. De P. Le Galès et M. Thatcher, Coll. Logiques Politiques, Ed . L'Harmattan, 1995.

    * 89 G. Lehmbruch, « Organisation de la société, stratégies administratives et réseaux d'action publique ». Sous la direction de P. Le Gales et M. Thatcher, Les réseaux de politiques publiques : débat autour des policy networks, Logiques Politiques, L'Harmattan, 1995.

    * 90 P. Duran, « De la régulation croisée à l'interdépendance généralisée. La bureaucratie a-t-elle un avenir ? », Groupe d'Analyse des Politiques Publiques, ENS Cachan, cours polycopié, 2000/2001.

    * 91 La Lettre du Management Public, n°30, novembre-décembre 2000, p.2.

    * 92 voir notamment « L'évaluation au service de l'avenir », Conseil National de l'Evaluation, rapport annuel 1999, La documentation française, 2 000.

    * 93 La Gazette des Communes, n° 1482 du 21/11/98, p.6.

    * 94 Cité par la Gazette des Communes, n° 1482 du 21/11/1998, p.6.

    * 95 La Gazette des Communes, n° 1491 du 01/03/1999, p. 17.

    * 96 La Gazette des Communes, n°1475 du 02/11/98, p.31.

    * 97 « Collectivités locales et chambres régionales des comptes : pour un partenariat », Gazette des Communes n°1532 du 10/01/2001, p.10.

    * 98 « Les chambres régionales des comptes ne peuvent être conseillers et contrôleurs », La Gazette des communes n°1475 du 02/11/1998., p. 31.

    * 99 Bernard Levallois, Président de la chambre régionale des comptes d'Alsace, , conseiller référendaire à la Cour des comptes, « Collectivités locales et chambres régionales des comptes : pour un partenariat », La Gazette des Communes n°1532 du 10/01/2000, p.10

    * 100 « Régulateurs ou gendarmes de la décentralisation », Droit et Décentralisation, Pouvoirs Locaux n°30, p.58-60.

    * 101 Gilles Cazenave, Président de la chambre régionale des comptes de Haute-Loire, conseiller référendaire à la Cour des comptes, « Comment évoluent les relations entre les chambres régionales et les élus locaux », Droit et Décentralisation, Pouvoirs Locaux, n°30, p.46-54.

    * 102 La Gazette des communes, « Manifeste en faveur de la fusion des CRC et des TA »,

    * 103 La Gazette des Communes, « Collectivités locales et chambres régionales des comptes : pour un partenariat », n°1532 du 10/01/2001, p.10.

    * 104 Extraits de la Gazette des Communes, n°1482 du 21/12/1998.

    * 105 Au sens économique du terme.

    * 106 P. Gibert, M. Andrault, « Contrôler la Gestion ou évaluer les politiques ? », L'Action Publique, sous la direction de François Lacasse, Ed. L'Harmattan, 1996.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote