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Les chambres régionales des comptes


par Jean-Philippe SOL
ENS Cachan - DEA Action Publique et Sociétés Contemporaines 2001
  

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[3) Le métier de magistrat au sein de la chambre

Reste que le métier de magistrat consiste à analyser les comptes et rien que les comptes. Comme le souligne Philippe Boeton, l'un des problèmes majeurs reste la compréhension du comportement des gestionnaires : « Nous avons pas mal de magistrats qui n'ont jamais fait d'administration active... Ils sont restés dans le domaine juridictionnel... Mais ils n'ont pas connu la difficulté pour le gestionnaire de se confronter au droit, or pour bien contrôler, il faut aussi comprendre comment les gestionnaires sont amenés à prendre des décisions »52(*).

Pourtant, l'accueil que l'on réserve au magistrat n'est pas systématiquement emprunt de suspicion. « Les élus que je connais, ils sont tout à fait bien disposés à notre égard et ils attendent avec intérêt le résultat de nos travaux...

Ils ont besoin d'une information extérieure par rapport à ce que leur dise les autres élus ou les autres fonctionnaires territoriaux »53(*).

Les correspondants techniques ou fonctionnels des magistrats financiers sont également bien intentionnés à leur encontre. « La CRC, raconte Christian Marquet, secrétaire général adjoint de Roanne, voulait surtout s'assurer que la vie financière de la ville était bien pilotée », ce qui l'a conduit à éplucher dans le détail la gestion de la dette et de la trésorerie.

Christian Marquet a donc transmis au magistrat, pour toute la période contrôlée, l'ensemble des rapports qu'il rédige à l'intention de la commission des finances. Ceux-ci, au delà des gains réalisés, rendent compte de la stratégie d'endettement et de la gestion de la trésorerie adoptée par la direction des finances. Résultat : les observations de la chambre « mettent en évidence que Roanne s'est redonné des marges de manoeuvres en jouant sur son bas de bilan » »54(*).

Pour Joël Lebourg, secrétaire général, il faut cependant nuancer le tableau55(*) : « Personne ne peut contester le rôle primordial joué par les chambres régionales des comptes dans le contexte global de décentralisation, je ne contesterais pas les avis émis par les éminents administrateurs territoriaux, ardents (trop ?) défenseurs des cours régionales des comptes. Cependant, on peut par exemple déplorer que la relation avec le magistrat en charge d'un contrôle ne soit pas basée sur la collaboration, mais davantage,...sur la méfiance, la recherche d'un moindre indice d'une faute, le côté inquisitorial et le sentiment qu'il y a, a priori, forcément « magouille » quelque part .................. Mais lorsqu'on parle d'efficacité et d'efficience, soucis dont devrait s'inspirer les collectivités locales, je pense que les lenteurs observées au niveau des juridictions, quel qu'en soit l'ordre, deviennent de plus en plus inadmissibles. Il est parfois difficilement compréhensible que des observation, voire des sanction, portent sur des faits ou des décisions génératrices de droits, prises plusieurs années auparavant, dans les conditions réglementaires, avec contrôle de légalité avec l'appui. 

Il n'est pas question de mettre en doute les compétences des « détenteurs » du contrôle de légalité, qui manquent, eux aussi, de moyens. Mais, en parallèle, le contrôle a priori qui doit être effectué se heurte, lui aussi, au problème des compétences et des moyens. »

Le magistrat chargé de contrôler les comptes trouve sur son chemin d'enquête le prescripteur du maniement des fonds (l'ordonnateur) et le comptable , celui qui manie les fonds.

Ces derniers vérifient les fonds après en avoir examiné la validité et contrôlent le dispositif comptable (qualité de l'ordonnateur, disponibilité des fonds, validité de la créance, caractère libératoire du règlement).

Corrélativement, le comptable est responsable des opérations liées aux maniement des fonds mais il ne peut cependant pas s'opposer au donneur d'ordre.

Comme le souligne un observateur impliqué, Régis de Castelnau, Avocat-conseil aux collectivités locales,  « de nombreux ordonnateurs ont dû faire l'apprentissage ,.., d'un mode de contrôle auquel, jusque-là, ils n'avaient pas été confrontés »56(*). L'auteur ne présume pas de résultats quantifiables mais la confrontation personnelle a du renforcer la sévérité du comptable.

« En deux mots et pour parler des contentieux, la tâche de la chambre vise deux types de personnes, les ordonnateurs, les comptables. ...Les comptables, ça passe par voie de jugement... Ce contentieux peut se poursuivre devant la Cour des comptes.. Le Conseil d'Etat faisant office de Cour de cassation dans notre ordre de juridiction.... Côté ordonnateur, le contentieux pourrait être la contestation par l'ordonnateur des observations qui sont faites par la chambre des comptes...

Je m'assure quand même que la chambre a suivi la procédure qui permet à l'ordonnateur de contredire et notamment, la CRC est obligé de proposer à

l'ordonnateur une audition. »57(*)

L'examen de gestion pose le délicat problème du partage entre opportunité et régularité ; car le juge n'a pas à émettre des jugements sur les choix qui relèvent de la responsabilité politique de l'élu. Aussi, l'aspect juridictionnel n'est pas l'aspect qui pose le plus de problème aux magistrats car c'est aussi le plus balisé.

Là ou des questions se posent de plus en plus fréquemment, c'est dans le domaine de l'examen de la gestion.

«  Désormais, dans la plupart des contrôles de gestion, on prend quelques secteurs de politiques publiques et on va essayer d'approfondir. On a examiné par exemple la gestion des déchets ménagers........... On ne peut pas dire que les lettres des chambres soient vraiment des audits.... .....Les grands comptes relèvent de la plénière, donc on examinera dans cette formation les très grandes collectivités, la région, les deux départements, le CHU, les grosses collectivités, Evreux, Le Havre »58(*).

Comme l'ajoute Jacques Pagès, le Président de section de la chambre régionale de Haute-Normandie : « Le contrôle de gestion est assez difficile à définir sachant qu'il y a, à mon sens, quelques passages obligés : quelle est la situation financière de la collectivité ? Les verrous nécessaires à une bonne utilisation des fonds publics ont-ils été mis en place au sein des services de la collectivité ? Les opérations de dévolutions des marchés se sont-elles correctement déroulées ?

Autant dire que le contrôle de la gestion apparaît comme la mission principale des chambres régionales sachant que progressivement nous nous orientons vers une évaluation des politiques publiques : les objectifs que s'est fixé l'organe délibérant sont-ils atteints ? »59(*).

Et ce passage du contrôle de gestion à l'évaluation des politiques publiques est une évolution éminemment récente.

« La modification essentielle que je verrais [Par rapport à sa période de magistrat, entre 1986 et 1993]... C'est que nous nous tournons à l'heure actuelle beaucoup plus vers le contrôle de gestion...

On est en train de se tourner beaucoup plus vers l'ordonnateur que vers le comptable, c'est peut-être pour ça que les ordonnateurs ruent un petit peu dans les brancards... Les sénateurs.. notamment...réclamait que le ministère public conclut explicitement sur les observations de gestion qui sont émises... Cela veut dire qu'ils essayaient de dresser une barrière juridique supplémentaire....... On s'accroche beaucoup plus aux situations financières des communes...

Ces analyses financières se font dans deux directions , si vous voulez, l'évolution de la commune elle-même et puis les comparaisons avec les autres collectivités..... On se dirigerait vers une appréciation de la manière de travailler du comptable »60(*).

Il est vrai que ceux-ci évoluent également : «  Il y a des technicités de plus en plus grande dans les collectivités locales et notamment la technique financière ..... La technique financière évolue énormément... Alors nous avons des formations permanentes »61(*).

D'autres sujets de récrimination peuvent apparaître. « Du côté des comptables... C'est de leur imposer des sanctions et des mises en débet.. sur des sujets sans doutes mineurs et qui ne reflètent pas les anomalies que eux ils connaissent.. Ils doivent se dire qu'on ne va pas là où c'est important...

Peut-être peuvent-ils penser également qu'on les piège assez facilement sur des anomalies qu'ils ont commises... Et ils ne peuvent pas tout voir... Du côté des élus, je ne pense pas qu'ici, en Haute-Normandie, on nous fasse vraiment des reproches de contrôle d'opportunité »62(*) .

Cette dernière assertion est confirmée par Jacques Pagès : « Au niveau juridictionnel, c'est d'être parfois un peu trop sévère.... Par les élus, c'est de nous immiscer un peu trop dans la gestion de leur collectivité alors qu'ils ne considèrent responsables que devant l'électeur. Pourtant, il n'y a aucun exemple de contrôle dans lequel nous serions mêlés d'opportunité »63(*).

L'opportunité est le concept qui détermine le lien institutionnellement agonistique entre le magistrat et l'élu. A la légitimité démocratique de l'un, se superpose la légitimité technocratique et administrative de l'autre, chargé d'éviter, de façon la plus objective et la plus neutre qui soit, aux concitoyens un naufrage financier, comme par exemple la ville d'Angoulême, dans les années précédentes.

* 52 Extrait de l'entretien avec Philippe Boeton, magistrat à la chambre régionale de Haute-Normandie.

* 53 Extrait de l'entretien avec Philippe Boeton, magistrat à la chambre régionale de Haute-Normandie.

* 54 La Gazette des Communes, n° 1516 du 13/09/2001.

* 55 « Collectivités - CRC : non à la méfiance », La Gazette des Communes, n°1535 du 31/01/2000.

* 56 B. Boyer, R. De Castelnau, Portrait des chambres régionales des comptes, L.G.D.J, 1997, p.70.

* 57 Extrait de l'entretien avec Monsieur Ruellan, Commissaire du Gouvernement à la chambre régionale de Haute-Normandie.

* 58 Extrait de l'entretien avec Rémi Janner, magistrat à la chambre régionale de Haute-Normandie.

* 59 Extrait de l'entretien avec Jacques PAGES, Président de section à la chambre régionale de Haute-Normandie.

* 60 Extrait de l'entretien avec le Commissaire du Gouvernement Ruellan, à la chambre régionale de Haute-Normandie.

* 61 Extrait de l'entretien avec Monsieur Ruellan, Commissaire du Gouvernement à la chambre régionale de Haute-Normandie.

* 62 Extrait de l'entretien avec Philippe Boeton, magistrat à la chambre régionale de Haute-Normandie.

* 63 Extrait de l'entretien avec J. PAGES, Président de section à la chambre régionale de Haute-Normandie.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery