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Le rôle des inférences et l'effet de l'origine culturelle du scripteur dans la compréhension et la production de texte


par Tristan Gouraud
IUFM du Bourget -   2002
  

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Vue

Mémoire

lumineuse individuelle

Ouïe

Synthèse

Graphie-phonie

onde sonore

Commentaires : "L'activité mentale semble se résumer à la maîtrise des mécanismes associatifs" (COHEN, MAUFFREY, 1990).

Cette conception reflète l'idée de l'époque qui partait du principe que pour savoir lire, il suffisait au lecteur de connaître le phonème correspondant à chaque caractère graphique, d'être capable de les associer et d'en faire la synthèse pour accéder au sens par l'intermédiaire de l'oralisation ou de la subvocalisation. De cette idée découlent les méthodes syllabiques. Dans ce cas, comment ferait le lecteur pour donner un sens distinct à des homophones comme "sent" "sang" "sans" "cent"? De plus il est évident que lire un texte à haute voix prend beaucoup plus de temps qu'une lecture silencieuse, ce qui prouve que nous ne procédons pas uniquement selon ce schéma lorsque nous lisons. "Déchiffrement/vocalisation apparaissent clairement comme un circuit parasite dans l'accès au sens" (COHEN, MAUFFREY, 1990).

* Conception actuelle

Texte

écrit

Activité

Mentale B

Vue

onde

lumineuse

Mémoire

individuelle

Sens

Mémoire artificielle +/- éventuel

sillage sonore

subvocalisation

Commentaires: "Ce schéma n'exclut pas la subvocalisation mais la nie en tant que précédent la prise de sens" (COHEN, MAUFFREY, 1990).

Dans ce cas, le lecteur en attente de signification devant un texte écrit, ce qui implique déjà une attitude qui n'est pas évidente et innée, émet des hypothèses qu'il vérifie à l'aide de quelques indices graphiques sans passer par une oralisation ou une subvocalisation systématique de toutes les syllabes.

Ce schéma peut fonctionner lorsqu'il s'agit de reconnaître un mot que le lecteur a déjà lu ou dont il peut deviner le sens de manière indiscutable grâce au contexte. S'il se trouve devant un mot qu'il n'a jamais rencontré sous sa forme écrite, pour peu que ce mot ait une orthographe inhabituelle, il semble qu'il soit obliger de passer par une correspondance grapho-phonétique qui lui permettra d'accéder au sens si ce mot fait partie de son lexique.

Ces deux conceptions ne semblent pas être suffisantes, indépendamment l'une de l'autre, lorsqu'il s'agit de décrire ce que fait le lecteur lorsqu'il lit. Depuis, d'autres recherches ont mis en évidence deux processus distincts utilisés au cours de la lecture pour accéder au sens.

"Les études concernant les mécanismes d'identification des mots et leur développement ont montré l'intervention des procédures basées sur des représentations phonologiques." (ALEGRIA, LEYBAERT, 1988)

D'après des théories récentes citées par J. LEYBAERT et J. ALEGRIA, lorsqu'on rencontre un mot écrit, il y a deux façons d'accéder à sa signification :

- la voie directe (ou processus "d'adressage") : le mot est reconnu globalement et le lecteur passe directement du signifiant graphique au signifié dans son lexique interne,

- la voie indirecte (ou processus "d'assemblage") : le lecteur, devant le mot écrit, opère une correspondance graphème/phonème et accède à sa signification en utilisant des "routines déjà créées pour comprendre la parole". Il fait appel dans son lexique interne à une image mentale phonologique.

Des expériences ont montré une utilisation fréquente de la voie indirecte chez les bons lecteurs face à des mots peu courants, leurs performances ayant une relation avec leur habileté à déchiffrer. Les mauvais lecteurs, peu rapides dans l'exercice de la correspondance grapho-phonétique, se baseraient plus volontiers sur le contexte pour tenter d'accéder directement à la signification du mot rencontré avec un pourcentage d'erreurs plus important.

La voie indirecte, même si elle n'est pas la seule à intervenir dans la lecture, paraît fondamentale puisqu'elle permet au lecteur d'accéder à la signification d'un mot qu'il n'a encore jamais rencontré sous sa forme écrite.

1.1.2. Le comportement de lecteur

L'enfant, avant d'avoir commencé à apprendre à lire tel qu'on le conçoit lorsqu'on parle du cours préparatoire, a déjà une expérience de l'écrit qui est présent dans son environnement. Selon le milieu dans lequel il vit, son expérience va être plus ou moins riche. Un enfant à qui on lit des histoires, qui voit des adultes utiliser l'écrit dans la vie quotidienne, pour le plaisir de lire, pour réaliser une tâche (recette, mode d'emplois, etc.), pour s'informer, pour communiquer, va peu à peu prendre conscience de ce que peut lui apporter l'écrit. Il va devenir curieux de l'écrit et comprendre que cet écrit est porteur de sens, qu'il a différentes fonctions et différents supports. Avant de savoir lire, il va pouvoir émettre des hypothèses à propos d'un texte, d'une affiche, se servir de certains indices comme la mise en page pour vérifier ses hypothèses. Même s'il lui manque encore les éléments qui lui permettront plus tard d'être autonome, il va développer un comportement de lecteur dans le sens où il sera, devant l'écrit, actif et en attente de signification.

Pendant les premières années d'école, il est important de favoriser cette curiosité face à l'écrit en proposant des activités autour de l'écrit, en l'utilisant dans la vie de la classe, dans une perspective de communication avec les parents, avec des correspondants, surtout pour des enfants qui dans leur milieu familial sont, pour diverses raisons, moins en contact avec l'écrit.

Il semble qu'un des atouts de réussite dans l'apprentissage de la lecture est que l'enfant ait très tôt un comportement de lecteur, qu'il prenne conscience qu'on ne lit pas pour lire mais parce qu'on en a besoin ou envie, qu'il soit curieux et actif face à l'écrit, ce qui l'incitera à développer des stratégies personnelles de recherche de sens.

1.1.3. Adaptation des stratégies aux objectifs de la lecture

"L'un des sommets les plus importants que l'on puisse atteindre en lecture est la flexibilité : lire de façon différente quand les buts sont différents" (RUSSEL cité par DOWNING, FIJALKOV, 1990).

Les compétences du bon lecteur se situent en effet, pour une partie, dans la faculté qu'il a de choisir à l'avance la stratégie la plus efficace par rapport au type d'écrit qu'il est sur le point d'aborder. Si l'on s'accorde un instant de réflexion, il est facile de constater qu'on ne lit pas un roman de la même façon qu'un tableau horaire de train, que le menu du restaurant, que la facture de l'E.D.F., etc.

Chaque type d'écrit a une fonction particulière qui implique de la part du lecteur une démarche adaptée. S'il est capable d'anticiper et de prévoir cette démarche, il gagne en rapidité et en efficacité. Pour que la lecture ne soit pas un exercice laborieux et ennuyeux, il est important pour le lecteur de pouvoir extraire l'information dont il a besoin et uniquement cette information en étant capable d'éliminer les éléments qui ne sont pas, pour lui, porteurs de sens.

De plus, un même support d'écrit, ne se prête pas toujours à la même lecture et c'est ce que le lecteur attend précisément de cet écrit qui doit induire la stratégie qu'il va utiliser.

On peut considérer que c'est entre le moment où on développe chez l'enfant un comportement de lecteur et le moment où il sera capable d'atteindre la flexibilité dont parle RUSSEL que se situe la période d'apprentissage.

1.2. Approche psychologique et cognitive de la compréhension

1.2.1. Le modèle procédural de la compréhension

Nous allons maintenant aborder la question du traitement de l'information d'un point de vue psychologique et cognitif : les théories que nous décrirons sont en effet davantage centrées sur les connaissances engrangées par le lecteur au moment où il découvre un texte.

Un individu qui s'apprête à comprendre, n'utilise pas directement les informations dans la forme conventionnelle du discours écrit (ou oral). C'est par l'intermédiaire de processus très complexes qu'il traitera ces informations. (VAN DIJK & KINTSCH, 1978)

Trois de ceux-ci sont intéressants :

                - la sélection

                - la hiérarchisation

                - la coordination

La sélection : c'est un phénomène qui permet à un lecteur placé face à un texte (ou un discours) de prendre en considération certaines informations et d'en délaisser d'autres.

La hiérarchisation : parmi la sélection qu'il aura effectué, certaines informations deviendront dominantes (celles qui réfèrent au thème général), d'autres resteront secondaires ou mineures, c'est le phénomène de hiérarchisation.

On peut supposer que la hiérarchisation varie en fonction des connaissances du lecteur et en fonction du contexte dans lequel ces connaissances ont été construites.

Le contexte culturel de l'individu, son origine, peuvent donc jouer un rôle déterminant dans ce processus.

La cohérence : ces informations seront organisées de façon définie. Cette organisation doit respecter certaines règles de cohérence interne et de cohérence textuelle, c'est le processus de construction de la cohérence

Un sujet qui s'efforce de comprendre un texte (ou un discours) reconstruit véritablement le sens et restructure de manière très complexe les informations textuelles.

Cette construction s'opère à différents niveaux :

- au niveau des macro-structures, c'est à dire des informations dominantes. Ceci réfère à la théorie de la structure et de la compréhension d'unités globales d'un discours ou de discours en tant qu'ensemble.

Une macro-structure est une structure de signification globale d'un texte (par exemple, je peux donner le résumé d'un texte). Les auteurs parlent alors de macro-processus, permettent de sélectionner et d'organiser les informations importantes de la base de texte pour former une représentation stable et à long terme. Le résultat des macro-processus est une représentation propositionnelle condensée et hierarchisée des informations initiales du texte.

- au  niveau des micro-structures, ceci réfère à la théorie de la compréhension de propositions et de séquences de propositions. Une micro-structure est une structure de signification d'une information locale dans un texte (par exemple je comprends une phrase, une proposition, je peux le résumer). Les micro-processus agissent sur la construction de propositions sémantiques et véhiculent une représentation « littérale » du contenu du texte appelée « base de texte ». 

. Pour van Dijk et Kintsch «il n'existe pas de processus unique de compréhension, mais des processus variables, dans des situations différentes, chez différents usagers du langage et pour différents types de discours» (1983). Nous voyons bien qu'il s'agit là d'une conception différente de celle de Cohen-Mauffrey. La psychologie, l'appartenance ethno-culturelle et langagière du lecteur sont ici beaucoup plus marquées.

1.2.2. La notion de stratégies dans la compréhension

Dans un ouvrage plus récent, les deux auteurs s'attachent au traitement de l'information on line (Kintsch, Van Dijk, 1983). Ils ne se centrent pas sur la représentation pour elle-même (le « produit fini ») mais sur les processus qui mènent à son élaboration. La lecture est considérée comme une activité stratégique dont le but est la construction d'une représentation cohérente. Cette construction s'élabore à deux niveaux : celui des micro et des macropropositions, les secondes organisant hiérarchiquement les premières. Parallèlement à cette construction, le sujet élabore un modèle de situation dans sa mémoire de travail (c'est-à-dire une mémoire à court terme) qui constitue le référent du texte lu. Il s'est bâti une représentation du monde, un modèle mental, que la lecture du texte a suscité et qu'elle alimente (Crinon, Legros, 1995).

Une définition de la stratégie, d'un point de vue général, est donnée : toute stratégie mise en place est motivée par un but à atteindre, lequel nécessite souvent une série d'actions organisées dans un même plan d'action. Ainsi l'on peut parler de macro-action de même que l'on parle de macro-proposition. Dans le traitement de l'information, le lecteur a également recours à des stratégies diverses pour comprendre un texte ou un discours.

Les stratégies servant la compréhension du langage et des discours et utilisant les connaissances relatives à l'organisation des textes et des discours, sont les suivantes :

- Les stratégies cognitives (même quand elles portent sur des actions concrètes) sont le résultat d'un processus mental contrôlé et ordonné, impliquant beaucoup d'information (ce qui n'est pas le cas de toutes les activités cognitives).

- Les stratégies langagières complète la description du comportement verbal en termes de règles : les règles stipulent ce qui est correct de façon général pour une communauté ; les stratégies décrivent ce qui est effectif ; les règles sont abstraites et formulées a posteriori pour des structures réalisées, les stratégies permettent à l'individu de gérer une tâche à plusieurs niveaux (tenant compte de plusieurs types d'informations), de façon linéaire et avec des ressources limitées.

- Les stratégies grammaticales utilisées pour comprendre et produire les structures spécifiées par la grammaire. On voit mieux la différence entre règles et stratégies : l'individu utilise des stratégies pour traiter l'information en temps réel, de façon linéaire ; les règles s'appliquent elles à des structures entières, achevées. Les stratégies grammaticales ne se fondent pas que sur l'information grammaticale, elles utilisent d'autres sources d'information (le contexte communicatif).

Les stratégies de compréhension du langage sont ainsi hiérarchisées (de l'interprétation du contexte général à celle de l'information de surface du texte) de façon à fournir des suppositions efficaces, rendant une partie de l'analyse stratégique des informations non nécessaire (au moins jusqu'à ce que l'on rencontre de l'information contradictoire).

1.2.3. Le rôle des connaissances culturelles dans la compréhension

Dans la perspective interculturelle de ce mémoire, voyons à présent en quoi le traitement de l'information est également conditionné par l'origine culturelle de l'individu. Nous expliquerons dans le même temps l'importance des inférences culturelles.

Les travaux de Van Dijk et Kintsch accordent effectivement une place prépondérante aux srtatégies culturelles pour comprendre un énoncé. Parmi les stratégies discursives, elles prévalent sur les stratégies sémantiques, car elles ont une action plus englobante que ces dernières. Elles correspondent à la sélection d'informations culturelles pertinentes pour la compréhension d'un discours. Elles sont très larges, et impliquent des connaissances concernant des lieux, des structures sociales, des types de discours, des valeurs, des connaissances, des croyances, des opinions, des idéologies, des attitudes, des objets de référence, etc.

Parmi les stratégies culturelles, on compte :

- Les stratégies sociales, impliquant des informations sur la structure générale du groupe social, sur ses institutions, rôles, fonctions, participants, genres de discours, etc. (on n'applique pas les mêmes stratégies pour comprendre un texte juridique, la réponse d'un ami dans une conversation, un étudiant au cours, etc.).

- Les stratégies interactionnelles : l'allocutaire est pris dans un processus de communication qui est une forme d'interaction sociale, à laquelle il participe. Les intentions, buts, motivations du locuteur dans le contexte interactionnel suscitent des attentes chez l'allocutaire (dans le cadre d'un dialogue).

- Les stratégies pragmatiques (type de stratégies interactionnelles) : compréhension et prédiction d'une part de quels types d'actes de langage sont faits par le locuteur, et d'autre part de leurs relations entre eux et vis-à-vis du macro-acte de langage réalisé par l'ensemble de son discours, des relations entre macro-actes, etc. Les stratégies pragmatiques combinent des informations propres aux expressions (intonation, ordre des mots, verbes, temps, etc.) et des informations propres au contexte. Le but est de dériver du discours des actes de langage globaux.

En outre, les connaissances qu'un élève a développées sur le monde qui l `entoure vont activer un modèle mental auquel il va se référer pour traiter toute nouvelle information délivrée par le texte. Ce modèle mental est donc éminemment dépendant de sa culture d'origine. Si, de surcroît, le texte lu fait référence à des composantes de cette culture ou s'il en est directement issu, le modèle mental n'en sera que plus riche. Les expériences menées à ce sujet montrent que les sujets lisent plus vite les textes portant sur leur propre culture et que la compréhension est plus fine.

Comprendre un énoncé (ou un discours), c'est donc faire correspondre une représentation mentale, bâtie sur les informations fournies par l'énoncé, à des informations qui en sont absentes et qui font partie des connaissances du sujet. Ce dernier fait donc des inférences lorsqu'il construit des informations non explicites dans le texte afin de bien le comprendre (Giasson, 1996). La compréhension fine d'un texte tient justement à cette capacité chez le lecteur à inférer au-delà du texte lui-même. Parmi les différents types d'inférences, les inférences de type causal retiendront notre attention car elles offrent une des variables de notre expérimentation. Avec elles, des relations de causalité s'établissent entre les événements ou les personnages. Les causes et les objectifs identifiés, le modèle de situation trouve toute sa cohérence. La mémorisation du texte est dès lors plus facile.

La compréhension relève donc du niveau cognitif global du sujet, mais aussi du contexte culturel dans lequel il a grandit ; contexte qui peut, le moment venu, être la source d'inférences favorisant cette compréhension.

1.2.4. De la compréhension à la production de texte

Nous venons de traiter de l'importance de l'origine culturelle et de l'activité d'inférence dans la compréhension de texte. Qu'en est-il de la production de texte ?

D'un point de vue théorique, on peut opposer deux conceptions de la production chez le scripteur expert (CRINON J., LEGROS D., 1997) :

De nombreux spécialistes l'envisagent en effet selon un processus linéaire. « Ils considèrent que cette activité implique un processus de planification, c'est-à-dire d'activation des informations pertinentes du point de vue des buts du scripteur et des contraintes de la situation, un processus de mise en mots et un processus de révision. Ils se situent généralement dans une perspective modulariste (Fayol, 1997). »

Pour d'autres chercheurs, les activités de révision et de verbalisation s'opèrent en parallèle et non l'une au terme de l'autre. Malgré les contraintes grammaticales et linguistiques impliquées par la production d'écrit, les processus en jeu seraient surtout d'ordre sémantiques. « La mise en mots ou la linéarisation des représentations, et en particulier, l'établissement de la cohérence sémantique locale et globale entre les propositions verbalisées s'appuient sur les règles en usage de la langue, mais aussi sur les informations contextuelles, pragmatiques et épistémiques pertinentes qui favorisent la récupération des connaissances disponibles sur le domaine (voir Denhière et Piolat, 1988 ; Legros, & Baudet, 1996 ; Zammuner, 1981). »

Cette dernière conception est celle qui donnerait le plus de sens à notre recherche. L'activation des informations pertinentes dans un texte de départ et la façon dont ces connaissances sont activées seraient donc liées aux connaissances mobilisées au moment de l'écriture. Cette relation est d'autant plus déterminante qu'on a remarqué chez les apprentis scripteurs des difficultés à activer suffisamment d'informations et à trier les éléments les plus pertinents (CRINON J., LEGROS D., 1997).

Au terme de ces quelques développements théoriques, nous pouvons donc nous risquer à émettre au moins deux hypothèses quant au résultat de notre expérience :

- Le questionnaire activant les inférences causales devraient favoriser la mobilisation de connaissances au moment de l'écriture. Cela devrait contribuer à la pertinence de la production.

- Le groupe d'élèves d'origine maghrébine, à la lecture du conte arabe, devraient  développé un modèle mental plus riche, à partir duquel ils activeront des connaissances au moment de l'écriture. De même on peut supposer que leurs productions seront quantitativement supérieures à celle du groupe d'origine française, voire plus pertinentes.

2. Expérimentation

2.1. Méthode

2.1.1. Participants

La mise en oeuvre de cette expérimentation a nécessité la participation de deux classes de Cours Moyen. En effet, l'analyse des résultats est d'autant plus significative que l'effectif de participants est important. Idéalement, il eut fallu que les deux classes soient du même niveau. Or, il s'agissait d'une classe de CM1 et d'une classe de CM2. Néanmoins, on peut juger que cet écart n'a pas influé sur les résultats.

La classe de CM1 est une classe de l'école Pierre Sémart, une école d'application de la ville de Saint-Denis. Le nombre total d'élèves y est de 24 mais ils n'étaient qu'au nombre de 21 ce samedi-là. Hormis quelques-uns d'origine subsaharienne, on y compte à peu près une moitié d'origine française (de par les deux parents ou de par un seul parent) et une moitié d'origine maghrébine (de par au moins un des deux parents). Le niveau de la classe est jugé moyen par l'enseignante. Aucun d'entre-eux n'a de grosse difficulté en lecture.

La classe de CM2 appartient à l'école Roger Sémat, toute proche de l'école Pierre Sémart, dans le même quartier de Saint-Denis. L'ensemble des deux classes provienne donc du même milieu social, de classe moyenne et de classe défavorisée. Cette classe compte habituellement 25 élèves contre 20 le jour de la manipulation. Les sous-groupes de population sont à peu près les mêmes que dans le CM1. Le niveau de la classe est jugé entre moyen et très moyen par l'enseignante ,en remplacement. Les deux classes comptent un bon nombre d'enfants parlant une autre langue que le français à la maison (des langues européennes et l'arabe).

Parmi ces 41 élèves, nous n'avons retenu que 33 sujets pour l'expérimentation : 6 élèves n'étaient ni d'origine française ni d'origine maghrébine et deux autres semblaient avoir mal compris la consigne concernant la production de texte.

2.1.2. Matériel

Pour cette expérience nous avons utilisé un conte arabe intitulé « Le roi coiffé d'une panse de brebis » dans une version réduite. La tâche de production consistait pour les élèves à produire la suite du conte dont seule la première moitié leur a été lue puis distribuée pour une lecture silencieuse (voir annexe 1).

Afin d'évaluer l'importance des inférences dans l'activité de compréhension et de production, nous avons déterminé deux sous-groupes d'élèves répondant chacun à un questionnaire différent à propos du texte. L'un portait sur les informations directement délivrées par le texte ; l'autre faisait appel à des connaissances extérieures au texte et devant activer des inférences causales chez le lecteur :

Q1 : Questionnaire portant sur les individus, objets présents dans l'histoire ainsi que sur les actions ou événements

1. Qui est Haroun-al-Rachid ?

2. Qu'est-ce qu'un vizir ?

3. Qu'est-ce qu'une panse ?

4. Comment Haroun-al-Rachid parvient-il à gagner de l'argent pour vivre ?

5. Combien d'années Haroun-al-Rachid garde-t-il sa fausse identité ?

6. Qui est-ce qui répudie son épouse ?

7. De quel animal la brebis est-elle la femelle ?

Q2 : Questionnaire de type causal portant sur les relations entre les événements (causalité du monde physique) et/ou les actions (causalité intentionnelle) de l'histoire

1. Quel est le rôle du vizir dans l'histoire ?

2. Comment Haroun-al-Rachid apprend-il sa destinée ?

3. Pourquoi Haroun-al-Rachid se retrouve-t-il habillé d'une panse de brebis et de haillons ?

4. Pourquoi Haroun-al-Rachid ne veut-il pas être reconnu ?

5. Pourquoi est-ce que le fait que le gendre du gouverneur répudie son épouse est un événement important ?

6. Pourquoi la fille du gouverneur doit-elle épouser un autre homme et divorcer ?

La tâche distractive appelait les élèves à remplir une fiche de renseignements (voir annexe 2).

2.1.3. Procédure

Ø 1ème étape :

Donner la consigne : « je vais vous lire un conte jusqu'à la moitié, il faut bien écouter pour bien comprendre et pouvoir répondre aux questions ».

Lecture de la moitié du conte par le professeur.

Ø 2ème étape : le questionnaire

Les élèves travaillent sur les questions sans le texte.

- Consigne : « Vous lisez ces questions et vous y répondez. Si vous ne comprenez pas une question, vous levez la main et je vous explique. Je vous laisse 10 minutes. »

- Partager la classe en deux :- un groupe va travailler sur le questionnaire Q1

- un autre groupe va travailler sur le questionnaire Q2

Ø 3ème étape : Donner le texte à lire aux enfants.

Consigne : « vous allez lire vous même le conte, il faut être attentif pour comprendre et retenir le plus d'informations possible . »

Ø 4ème étape : tâche distractive (5 min.) : fiche de renseignements.

Leur demander de remplir la fiche de renseignements : âge, lieu de naissance, origine...

Ø 5ème étape : Résumé (tâche dite « de rappel »)

Consigne : « vous allez réécrire tout ce que vous avez retenu du conte. Je vous laisse 8 minutes .Si à la fin vous avez oublié une information importante vous pouvez la rajouter »

Ø 6èmeétape : Production

Consigne : « vous allez écrire la fin du conte vous-même. Je vous laisse 12 minutes. » Aide pour la transition : le maître relit la dernières phrase de la première moitié du conte.

Ø 7èmeétape : Lecture de la fin du conte par le professeur.

2.2. Résultats et analyses

Les productions de cette expérience exploratoire ont été analysées du point de vue quantitatif et du point de vue qualitatif. Le point de vue quantitatif renvoie au nombre de propositions produites par les élèves, alors que le point de vue qualitatif renvoie à la pertinence de ces propositions par rapport au début du récit. L'évaluation selon les deux points de vue a été codée en fonction de 3 indices.

Pour le point de vue quantitatif : 1 = de 0 à 7 propositions ; 2 = de 8 à 13 propositions ; 3 = plus de 14 propositions.

Pour le point de vue qualitatif : 1 = peu pertinent ; 2 = moyennement pertinent : 3 pertinent/très pertinent (voir annexe 3).

Les données ont été analysées selon le plan : S< G2 * Q2 > * P2 dans lequel les lettres S, G, Q, P renvoient respectivement aux facteurs Sujet, Groupe (G1 = enfants d'origine française ; G2 = enfants d'origine maghrébine), Q (Q1 = Questions sur la base de texte ; Q2 = questions sur les inférences), P (P1 = nombre de propositions produites ; P2 = qualité des propositions produites).

Les faibles effectifs, ainsi que le système de codage adopté (de 1 à 3) ne permettent d'obtenir de résultats très significatifs, cependant les tendances de cette expérience exploratoire sont très intéressantes et valident les hypothèses. Ils devront être confirmés en vue d'être validés scientifiquement.

Les élèves du groupe 2 produisent davantage de propositions que ceux du groupe 1 (2 vs 1,719) . les enfants qui ont lu le début d'un conte issu de leur culture produisent une suite beaucoup plus importante que les enfants du groupe 1.

Le type de questionnaire proposé favorise lui aussi l'activité de production. Les élèves qui ont été soumis au questionnaires sur les inférences produisent plus de propositions que les élèves qui ont été soumis au questionnaire sur la base de texte, c'est-à-dire sur les définitions des mots du texte (2,059 vs 1,656), (F>1).

La tendance de l'interaction entre les facteurs Groupe et Questionnaire est très intéressante. Elle indique que les questions posées portant sur la base de texte n'ont pas d'effet sur le facteur Origine culturelle. Le questionnaire Q1 en effet entraîne une production de 1,667 chez les enfants d'origine française et de 1,643 chez les enfants d'origine maghrébine. En revanche le questionnaire Q2 entraîne une production de 1,786 chez les enfants d'origine française, mais de 2,250 chez les enfants d'origine maghrébine. Les résultats conformes aux hypothèses permettent de supposer que les questions sur les inférences permettent d'activer d`avantage de connaissances en rapport avec la culture d'origine des élèves et que ces connaissances activées favorisent la production des élèves d'origine maghrébine, voir figure 1.

Figure 1 : Effet des deux types de questionnaire sur la production des deux

groupes d'élèves

L'aspect quantitatif de la production (1,939) tend à être supérieur à l'aspect qualitatif (1,788) (F>1). Ce résultat semble indiquer que les connaissances activées en rapport avec l'origine du texte et l'origine des enfants favorise l'activité de production plus que la qualité de la production.

Ce résultat tend à être confirmé par l'interaction des facteurs Groupe et Type de production (aspect quantitatif et aspect qualitatif). On observe en effet qu'il y a très peu de différence entre l'aspect quantitatif et l'aspect qualitatif de la production des enfants français (1,750 vs 1,688), alors que chez les enfants d'origine maghrébine, l'aspect quantitatif est beaucoup plus important que l'aspect qualitatif. Si ces résultats se confirmaient, ils devront être interprétés avec prudence. On peut en effet considérer que le codage qualitatif est en partie déterminé par nos modèles de schémas de récit influencés par les modèles éthnocentrés, c'est-à-dire déterminés par la culture occidentale dominante (voir Maître de Pembroke, Legros et Rysman, 2001 ; Legros & Maître de Pembroke, à paraître, Noyau, 2002). Ce résultat en tout cas a des implications importantes au niveau de la didactique du texte et au niveau de l'apprentissage interculturel.

Figure 2 : Effet des questionnaire sur la production des deux groupes d'élèves

La tendance de l'interaction entre les facteurs Questionnaire et Type de production est aussi très intéressante. Elle indique que le questionnaire sur la base de texte n'a pas d'effet sur le type de production (Q1 Quantitatif : 1,625 ; Q1 Qualitatif : 1,688), alors que le questionnaire Q2 sur les inférences entraîne une différence importante entre l'aspect quantitatif de la production (2,235) et l'aspect qualitatif (1,882).

Figure 3 : Effet des questionnaires sur l'aspect quantitatif et qualitatif de la production

2.3. Implications pédagogiques 

Les tendances observées résultent d'une expérience exploratoire et devront être confirmées et précisées dans un cadre expérimental plus large. La participation d'un plus grand nombre d'élèves renforcerait ainsi la validité scientifique de ces analyses. Toutefois, ces dernières constituent une ouverture à la fois pour la recherche sur la compréhension et la production interculturelle et pour la didactique interculturelle du texte. Les avancées dans ce domaine révèlent que des systèmes d'aide à la compréhension sont envisageables, en agissant notamment sur le processus de recours au contexte.

Dans cet ordre d'idée, il s'agit pour l'enseignant non plus de travailler avec ses élèves uniquement sur le sens du texte, sur les informations qu'il contient, mais davantage sur le sens que les élèves lui donnent. En effet, il nous est apparu que le lecteur accède particulièrement au sens du texte en activant des connaissances propres à lui seul et qui enrichissent la représentation mentale qu'il s'est construite. Favoriser ce type d'activation, par l'usage de textes et de questionnaires ciblés, semble donc propice pour pallier aux difficultés liées à la compréhension. S'agissant de la production, notre travail a confirmé que l'activité d'inférence est profitable également à la tâche d'écriture. Notre expérience se limitait à l'étude d'un premier jet, mais d'autres recherches ont abouti à des résultats similaires, à l'examen de révisions de productions.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote