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La liberté du sujet éthique chez Kant et Fichte

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par Christophe Premat
Université Paris I - DEA d'Histoire de la Philosophie 2000
  

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TROISIÈME PARTIE :

Mise en oeuvre d'une communauté spirituelle qui signe le dépassement de la moralité par elle-même.

Chapitre 5 : L'idéal de la moralité nous élève pour nous inscrire au sein d'une "communauté éthique" chez Kant.

1) Cet idéal de la moralité est une idée de la religion : rapport entre Église invisible et Église visible.

La religion doit être au principe de la communauté éthique universelle, dont l'unité est assurée par un législateur commun. Kant définit l'Église invisible de la manière suivante : "une cité éthique sous la législation morale de Dieu est une Église qui, en tant qu'elle n'est pas l'objet d'une expérience possible, se nomme une Église invisible."103(*) Une telle Église n'est cependant compréhensible que schématisée, c'est-à-dire grâce à une Église visible, statutaire et historique. L'idéal de la moralité est une idée de la religion qui s'incarne dans cette Église visible, structurée par l'Église invisible. Les hommes sont toujours déjà unis dans des croyances d'église comme ils sont toujours déjà soumis, par ailleurs, à un pouvoir sous une loi de contrainte. Or, pas plus que la raison ne peut former par elle-même un gouvernement, pas plus elle ne peut produire le schème de la religion, c'est-à-dire une foi d'église statutaire. Le schème sensible d'une pure foi religieuse existe pourtant bien, c'est le christianisme. Le principe de la foi chrétienne n'est autre que la loi morale et la béatitude promise par lui n'est que la conséquence de la volonté sainte. La promesse d'un royaume de Dieu, hors du monde, alors que cependant la seule sainteté des moeurs est ordonnée en cette vie, est la seule solution historique jamais donnée au problème du Souverain Bien. La révélation de ce qu'est Dieu permet de fonder l'espérance et jamais le devoir comme tel. Il ne faut cependant pas oublier que le christianisme historique a donné prise à de nombreuses illusions et à de nombreux despotismes. Le rapport entre Église invisible et Église visible est un rapport qui montre la difficulté de l'élévation de l'homme au niveau de la communauté éthique.

Il faut pour cela, rappeler les distinctions essentielles faites entre état de nature juridique, état de nature éthique et communauté éthique, distinctions qui figurent dans La religion dans les limites de la simple raison. Nous devons d'abord faire la différence entre un état juridique civil et un état éthique et civil, car "un état juridique civil (politique) est un rapport réciproque des hommes entre eux, dans la mesure où ils sont soumis à des lois de droit publiques (qui sont toutes des lois de contrainte). Un état éthique et civil est celui où ils sont unis sous des lois qui ne contraignent pas, c'est-à-dire de pures lois de la vertu."104(*) Or, de même qu'on distingue de l'état juridico-civil, un état juridique, de même on distingue de l'état éthico-civil, un état éthique. Dans ces deux derniers cas, chacun se donne sa propre loi, le devoir ne pouvant pas être imposé par une autorité publique. Une société éthico-civile est une république morale, elle peut parfaitement se fonder dans une société juridique existante et comprendre les mêmes membres qu'elle. En fait, elle ne peut se constituer que si cette autre société existe déjà. Or, dans une société politique, les citoyens se trouvent déjà dans un état de nature éthique et le passage de l'état de nature éthique à une communauté éthique, délivrée de la contrainte, ne peut pas se faire sous l'égide de la société civile, autrement dit, la société civile n'est pas programmée pour réaliser ce passage. "En effet, que la société civile puisse obliger ses citoyens à entrer dans une communauté éthique, ce serait une contradiction puisque celle-ci implique en son concept la liberté par rapport à la contrainte."105(*) Un législateur ne peut pas imposer par la contrainte une constitution qui devrait réaliser des fins éthiques. L'homme doit impérativement sortir de l'état de nature éthique s'il veut accéder à la communauté éthique et en être un membre, parce que "l'état de nature éthique est un état d'incessantes attaques du mal, qui se trouve en l'homme et chez ses semblables et qui fait qu'ils pervertissent réciproquement leur disposition morale."106(*) L'instabilité de cet état de nature ruine la possibilité d'un établissement même de la liberté. Or, la communauté éthique, ou le "corps éthique" comme le nomme Kant, ne peut pas être légiféré de la même manière que le corps politique. Alors que la législation du corps politique vise à "restreindre la liberté d'un chacun aux conditions sous lesquelles elle peut coexister avec la liberté d'autrui suivant une loi universelle"107(*), la législation du corps éthique instaure positivement des lois qui réalisent la moralité. Le législateur d'une telle communauté ne peut pas être le peuple mais Dieu, car lui seul sait ce que sont les vrais devoirs. Les lois éthiques ne peuvent émaner que de sa perfection, ces lois réalisant le Bien. La communauté éthique peut être saisie sous le schème du peuple de Dieu, elle est l'Idéal auquel doivent parvenir les hommes. Cet Idéal n'est jamais complètement réalisable, il est la destination et la définition de l'Église visible : "L'Église visible est l'union effective des hommes en un tout qui s'accorde avec cet Idéal."108(*) Seul Dieu est capable de rendre un peuple moral, les hommes devant s'approcher indéfiniment de cette moralité. Une république morale sous des lois divines est une Église qui, dans sa conception pure, n'est pas objet d'expérience, qui est donc l'Église invisible, modèle de l'Église visible. L'Église visible est la société effective des hommes en vue de faire arriver sur la terre autant que possible le règne de Dieu. Ses caractéristiques sont les suivantes : premièrement, l'universalité, c'est-à-dire que si elle est divisée en des confessions différentes, elle doit accorder ses principes universellement dans une Église unique ; deuxièmement, la pureté, parce qu'elle ne peut admettre que des mobiles moraux puis troisièmement, la liberté, qui se manifeste dans l'indépendance par rapport au pouvoir politique et dans l'absence d'une domination quelconque d'un individu qui s'approprierait les relations intimes des membres ; quatrièmement, elle doit avoir une immutabilité dans sa constitution, parce qu'elle ne doit pas s'opposer aux changements exigés par les circonstances, du fait qu'elle se réfère toujours à des principes certains, déterminés par l'idée de sa fin. Il n'y a que la foi religieuse pure qui puisse fonder une Église universelle, car elle est une foi de la raison, et à ce titre elle est communicable à tout homme, tandis qu'une foi historique, reposant sur des faits, ne peut valoir que dans des limites de temps et de lieu. Le rapport entre la communauté éthique et sa schématisation sensible implique un effort constant des hommes pour atteindre une solidarité morale. Il faut une communauté éthique, au-dessus de la paix civile et internationale, reposant sur elle mais la fondant. Ne perdons jamais de vue l'image de la clé de voûte : la clé de voûte ne peut être placée au sommet de l'édifice qu'elle fait tenir debout qu'en dernier lieu ; c'est pourquoi l'ouvrage qui traite de la communauté éthique est tardif et, s'il vient à la fin, il ne bouleverse pas le système mais l'achève, permettant alors seulement de comprendre la véritable paix de l'humanité, pensée comme peuple de Dieu.

* 103 KANT, La religion dans les limites de la simple raison, Trad. GIBELIN, éditions VRIN, Paris, 1952, p.136.

* 104 KANT, La religion dans les limites de la simple raison, Ak.VI, 95, (tIII), p.115.

* 105 Ibid., Ak.VI, 95, (tIII), p.116.

* 106 Ibid., Ak.VI, 97, (tIII), p.117.

* 107 Ibid., Ak.VI, 98, (tIII), p.119.

* 108 Ibid., Ak.VI, 101, (tIII), p.122.

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