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La liberté du sujet éthique chez Kant et Fichte

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par Christophe Premat
Université Paris I - DEA d'Histoire de la Philosophie 2000
  

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b) Orientation vers une science philosophique de l'éthique : action du sujet éthique vécue depuis son enracinement métaphysique.

Consistant dans une perpétuelle reprise et dans une invention de tous les instants, notre vie est l'accomplissement de la création du monde par le Verbe divin, non pas comme la création d'un ordre figé, mais d'un ordre actif et lui-même vivant, qui passe par la liberté et sollicite toutes les libertés en vue de l'édification d'une société spirituelle qui est le point le plus élevé auquel tend la liberté. Fondé par la liberté, ce monde n'est pas l'objet d'un pur spectacle, ce n'est pas un monde à contempler, mais un monde à façonner et à remodeler en permanence, l'éthicité ne nous amenant jamais vers un état achevé. La science philosophique de l'éthique désigne cette science qui fonde un système transcendantal du monde intelligible ; le but de l'humanité, au cours de sa vie sur terre, est de régler avec liberté tous les rapports en son sein sur le modèle de la raison, afin de ménager un accès à ce monde intelligible. Ainsi, l'accès à ce monde intelligible nécessite la renaissance du sujet comme sujet éthique, et cela n'est possible que s'il y a soumission pratique de l'être à la liberté. Comme l'écrit Bernard Bourgeois, « l'idéalisme éthique démontre dans son contenu même la légitimité, le droit de la présupposition à laquelle il doit son existence de fait : l'absoluité de la liberté qui fonde tout le reste. Il ne se contente pas d'affirmer que seule la croyance en la liberté peut amener à penser que le Moi pose l'être, mais établit que le Moi ne pose l'être que parce qu'il est liberté. »123(*) Cette science philosophique de l'éthique s'enracine dans une vie spirituelle constamment tournée vers l'activité morale et rendue possible par l'affirmation originaire de cette liberté, qui n'est pas une condamnation, mais une promesse. Cette science permet au sujet d'effectuer un recommencement absolu dans sa vie, recommencement qui l'ouvre à un monde nouveau. « Le brouillard qui m'aveuglait se dissipe à mes yeux. Je reçois un nouvel organe, et c'est, en lui, un monde nouveau qui s'ouvre à moi. Il s'ouvre à moi exclusivement par le commandement de la raison et ne se rattache en mon esprit qu'à ce commandement. »124(*) Le sujet regarde un monde nouveau, car la liberté éthique a modifié son oeil et l'a transformé en oeil spirituel. L'éthicité donne au sujet de nouveaux organes pour voir ce monde et y agir, car ce monde n'est pas seulement l'objet d'une contemplation.

L'intention de Fichte est double, puisqu'il veut d'une part fonder l'unité du Savoir en deçà de la disjonction du théorique et du pratique, et d'autre part dépasser l'éthique telle que l'avait établie Kant dans une doctrine supérieure du savoir « moralement » qualifiée, puisque par elle-même, elle devait ouvrir la perspective d'une moralité supérieure. Cette science philosophique de l'éthique reconsidère le concept de devoir-être qui, comme impératif, est un principe immédiat de la moralité. Celui-ci est déterminé par lui-même dans une doctrine de la morale, mais dans une doctrine supérieure du savoir, il est déterminé par la réalité interne de Dieu. Or, celui qui ne sait décrire le concept moral que comme loi morale, c'est-à-dire comme impératif catégorique et postulat, ne le connaît qu'en image et à travers un représentant. La raison se sait image de la positivité infinie de l'Être absolu, elle est destinée à être adéquatement ce qu'elle est à l'origine. La science de l'éthique doit manifester le sens ultime de la vie de la raison et mettre en lumière le contenu réel et définitif de toute action rationnelle. Le devoir-être avait chez Kant un sens primordialement formel ; l'impérativité fut sa seule façon d'être, grâce à laquelle il reposait sur lui-même en autonomie fermée. Fichte veut dépasser cette dimension formelle et s'orienter vers une doctrine réelle de la morale (Sittenlehre). La science philosophique de l'éthique met en évidence que le devoir-être n'est pas un simple impératif catégorique et formel, sa réalité venant du fait qu'il est l'image de l'Absolu. L'auto-réalisation de la raison comme image de l'Absolu constitue le sens et le contenu définitifs auxquels sont ordonnés tout devoir et toute action morale concrète. On aurait alors une différenciation entre une moralité inférieure, qui aurait une fonction positive dans la régulation des actions quotidiennes mais qui ne répondrait pas pleinement aux exigences d'une science philosophique de l'éthique et une moralité supérieure, dans laquelle l'action humaine serait comprise et vécue depuis son enracinement métaphysique. La science philosophique de l'éthique va beaucoup plus loin que le criticisme radical kantien qui, comme le dit Manzana, « malgré son orientation vers l'universalité de la loi morale ne peut pas fonder une éthique de responsabilité ordonnée à la communauté humaine réelle, mais seulement une éthique de l'intention et de l'intériorité, orientée aussi, en réalité et en dernière instance, vers le salut personnel. »125(*) Ce qui lie et donne un véritable contenu à cette éthique de la responsabilité, c'est l'image de l'Absolu. Kant en est resté à l'auto-responsabilité éthique de la personne comme condition préalable pour devenir membre du corps éthique, sans assumer jusqu'au bout la transformation radicale de l'individu dans la communauté éthique.

* 123 Bernard BOURGEOIS, L'idéalisme de Fichte, éditions PUF, Paris, 1968, p.24.

* 124 FICHTE, La destination de l'homme, Trad. Franç. Jean-Christophe GODDARD, éditions GF, Paris, 1995, p.186.

* 125 J.MANZANA, « L'unité de la doctrine du savoir et de la philosophie pratique dans la dernière philosophie de J.G Fichte », in Revue de métaphysique et de morale, tome 86, Juillet-septembre 1981, éditions A.COLIN, p.295-296.

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