L'accord de Cotonou et la lutte contre la pauvreté( Télécharger le fichier original )par Yaya MORA BROUTANI Institut d'études politiques de Toulouse - Master géopolitique et relations internationales 2006 |
Les aspects spécifiques liés à la jeunesseL'article 26 relatif à la jeunesse pose le principe d'une protection efficace envers cette catégorie fragile de la population. L'objectif de cette disposition consiste dans la valorisation du « potentiel de la jeunesse, de manière à ce que les jeunes gens soient mieux intégrés dans la société et puissent montrer toute l'étendue de leurs capacités ». D'une part, il s'agit de « protéger les droits des enfants et des jeunes, notamment des filles »128(*). Cette disposition est fondée sur la nécessité de combattre le travail des enfants et le tourisme sexuel. Sur ce dernier point, les institutions communautaires ont expressément pris position pour une lutte efficace contre l'exploitation sexuelle des enfants, au travers de divers textes.129(*) Sur le premier point, les partenaires entendent trouver une solution juste qui permettrait de protéger les mineurs contre une exploitation abusive de leur potentiel sans que les familles, qui bien souvent n'ont que cette seule source de revenus, ne soient pas totalement démunies de ressources. Néanmoins, « la pauvreté n'excuse pas tout »130(*). Il conviendrait, par exemple, d'employer à la place de l'enfant un des parents au chômage. La Communauté européenne par le biais de la coopération mais également les instances internationales telle que l'organisation internationale du travail s'emploient à éradiquer ce phénomène en renforçant les systèmes éducatifs des ACP et en informant les familles concernées. Ainsi, « l'OIT lutte contre les formes de travail qui privent l'enfant de son droit à l'enfance »131(*). Outre le fait que l'enfance est considérée comme une période privilégiée pour l'éducation et la construction nécessaire pour passer à l'âge adulte, le travail des mineurs est également condamnable pour les dérives et sévices qui en découlent. En effet, le travail dans les pays en voie de développement engendre des maltraitances (travail dans des conditions très défavorables, punitions, etc.). Les mêmes conséquences découlent de l'exploitation et du tourisme sexuels. C'est pour lutter contre ces conséquences en cascade désastreuses pour la jeunesse des États ACP, et plus généralement des PVD, que la Communauté européenne entend agir par le biais de la coopération. La protection des jeunes filles s'avère également nécessaire car la situation de la femme dans certaines civilisations tribales est nettement défavorable. D'autre part, le deuxième paragraphe de l'article 26 entend « valoriser les compétences, l'énergie, le sens de l'innovation et le potentiel de la jeunesse afin de renforcer leurs opportunités dans les domaines économique, social et culturel et d'élargir leurs possibilités d'emploi dans le secteur productif ». Il s'agit donc de soutenir l'initiative des jeunes en les aidant dans les démarches et dans les projets qu'ils entendent réaliser. Le troisième paragraphe s'attache à consacrer l'épanouissement des enfants par le biais d'activités culturelles et sportives. Ainsi, par l'intermédiaire d'associations ou d' « organismes émanant des communautés locales », les enfants peuvent « [...] développer leur potentiel physique, psychologique et socio-économique [...] ». Ainsi, l'accomplissement des enfants par l'éducation, la formation et les activités extra-scolaires prévalent donc sur toutes les formes d'exploitation auxquelles les pays en voie de développement procèdent actuellement. Le développement économique, humain et social passe par une rupture avec le modèle en vigueur et nécessite non seulement de rendre le travail décent mais également de n'employer que des hommes et femmes en âge de travailler, en tenant compte de leurs fragilités et en les protégeant efficacement des risques inhérents à l'emploi en question. La protection de l'enfance est d'autant plus nécessaire dans les États ACP ; en effet, ces pays en voie de développement connaissent pour la plupart des situations difficiles : pauvreté, exclusion mais également conflits armés, et.... Ainsi, la fragilité des mineurs est d'autant plus grande que les risques auxquels ils sont soumis sont nombreux et dangereux. Le quatrième paragraphe de l'article 26 entend « réintégrer les enfants dans la société dans le cadre de situations post-conflit, par le biais de programmes de réhabilitation ». Les nombreux orphelins de guerre, mais également pour cause de maladies132(*), se trouvent fragilisés et seuls pour survivre. Il convient donc pour les États de prendre de nombreuses dispositions afin de garantir la sécurité et une vie saine, épanouie, avec un libre accès à l'éducation et aux services de santé. La richesse et la diversité des cultures et coutumes dans les États ACP ont conduit les partenaires à insister sur l'importance du « développement culturel » et de sa place au sein de la coopération. Ainsi, l'article 27 de la Convention de Cotonou propose une approche basée sur quatre points : elle consiste à « intégrer la dimension culturelle à tous les niveaux de la coopération au développement », « reconnaître, préserver et promouvoir les valeurs et identités culturelles pour favoriser le dialogue interculturel », « reconnaître, sauvegarder et valoriser le patrimoine culturel, appuyer le développement des capacités dans ce secteur, et [...] développer les industries culturelles et améliorer les possibilités d'accès au marché pour les biens et services culturels. » Le Partenariat entend donc porter une attention particulière à la dimension culturelle afin à la fois de tenir compte des particularités régionales ou ethniques et d'instaurer un dialogue, de permettre des échanges ainsi qu'une compréhension entre les États parties à la Convention. En effet, « la culture englobe l'ensemble des valeurs, des modes de pensée et de comportement qui structurent de manière plus ou moins visible une société »133(*). Au niveau intra étatique, la culture peut être un facteur de développement du fait de sa dimension économique : créatrice d'emploi, génératrice d'investissements, la culture doit être exploitée par les États ACP comme alternative à une économie traditionnelle. Elle permet également la préservation d'un patrimoine culturel riche et son expansion par le biais de l'encouragement de la créativité des artistes. Le soutien à la culture permet aux États ACP d'affirmer leur identité culturelle propre mais également de promouvoir les échanges interculturels au sein de la zone ACP. B- Les modalités de la coopération régionale Les articles 28, 29 et 30 sont consacrés à la « coopération et intégration régionales ». Ces deux éléments doivent permettre d'intégrer les États ACP dans l'économie mondiale en permettant une « [...] libre circulation des populations, des biens, des services, des capitaux, de la main d'oeuvre et de la technologie entre les pays ACP », en partageant un savoir-faire et en coordonnant « [...] les politiques régionales et sous-régionales de coopération [...] ». Le renforcement des liens entre certains États du groupe ACP permettrait une cohésion d'ensemble et renforcerait la crédibilité et la compétitivité de ces pays en développement. Dès lors, certains États ACP créent des liens entre eux, soit sous la forme de l'intégration économique régionale soit sous forme d'une simple coopération. * 128 Article 26 a) * 129 Notamment l'action commune adoptée par le Conseil relative à la lutte contre la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des enfants, JOCE L 63 du 4 mars 1997 * 130 Dominique David, dossier relatif à la pauvreté, Courrier ACP-UE, précité, p. 56 * 131 Claude Dumont, Bureau international du Travail, Courrier ACP-UE précité, p. 57 * 132 Notons que le SIDA tue de nombreuses personnes dans les pays ACP, mais également qu'in subsiste de nombreuses épidémies mortelles. * 133 Compendium des stratégies de coopération, novembre 2001, précité. |
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