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L'assistance médicale au décès en Suisse

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par Garin Gbedegbegnon
Université de Fribourg - MA Politique sociale, analyse du social 2006
  

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2.3.4. La médiation

L'ultime modalité de transaction médicale identifiée dans le cadre de cette recherche est la médiation. Tout comme la négociation, elle est centrée sur l'obtention du consensus entre tous les interlocuteurs. Cependant, la légitimité de la pratique envisagée étant d'ores et déjà acquise auprès des autorités politiques, médicales et religieuses, l'orientation symbolique du projet thanatologique étant fixée d'emblée, le contenu de l'accord porte plus sur l'organisation de la prise en charge du mourant et la réalisation du projet thanatologique. La conduite en est clairement confiée au médecin.

Dans cette forme de transaction, l'obtention du consensus de tous les acteurs concernant le projet thanatologique semble être une condition de réussite. De façon évidente, le projet se déroule d'autant mieux que tous les acteurs y adhèrent et y trouvent une place. Donc, dans le cadre de cette forme de transaction, ce sont les conditions dans lesquelles le consensus est obtenu qui sont importantes. Celles-ci dépendent essentiellement du cadre dans lequel se déroule la médiation médicale et de la spécialité du médecin qui la mène.

En milieu hospitalier, en règle générale, le médecin en charge du patient mène le projet thanatologique, sauf si,à la demande du patient, le médecin de famille (ou de confiance) représente les intérêts de celui-ci. A domicile ou en établissement médicosocial, c'est un médecin généraliste qui s'occupe de l'antalgie du mourant. Chaque lieu impose ses règles.

A domicile, le médecin généraliste est confronté aux profanes que sont les proches. Il lui revient de vérifier que toutes les conditions soient remplies pour que le suivi médical et les soins quotidiens au mourant puissent être accomplis dans de bonnes conditions. Il interagit donc avec le personnel infirmier des soins à domicile et la famille, de façon à ce qu'une présence permanente soit assuré auprès du mourant. Il s'agit donc organiser le tournus tout en délégant les tâches aux profanes. Ceci implique une approche plus systémique que proprement médicale.

En milieu institutionnel, le consensus est plutôt recherché entre les professionnels, comme le relate un médecin généraliste officiant dans un EMS. « Jusqu'à présent, ça a été convenable d'avoir une rencontre avec l'infirmière responsable de l'unité et...finalement aussi un représentant de la direction de l'EMS, l'infirmière-cheffe adjointe et moi et entre les trois, on doit avoir vraiment une unanimité et on... c'est vrai que ces décisions sont des fois rapides, parce que finalement chacun arrive déjà avec ses idées, en connaissant le patient et puis on fait un peu le point et on décide. Il faut être sur la même longueur d'onde, je crois que si on n'est plusieurs fois pas d'accord, on arrête de travailler ensemble165(*). » Le consensus est essentiel à la cohérence de la prise en charge institutionnelle. Dans le témoignage précédent, chacun des interlocuteurs représente en effet un pouvoir distinct, le représentant de la direction, la mission publique de l'établissement (autrement dit l'Etat), le médecin, le pouvoir médical et l'infirmière-cheffe, l'entourage direct du mourant. Le consensus obtenu entre eux garantit en quelque sorte que le compromis impliquant les différents mondes en présence soit maintenu.

Le consensus tel qu'il peut être obtenu au sein d'un établissement hospitalier implique dans un premier temps le collège des médecins et dans un deuxième temps l'équipe soignante. La présence quotidienne de celle-ci auprès du mourant la place d'emblée en intermédiaire entre les proches, les médecins et le mourant. Dans ce contexte, il est normal que le consensus se fasse en considérant le bien-être supposé du patient, dont le médecin s'assure par le compte-rendu du corps soignant, lors des visites médicales. Les situations critiques sont discutées de façon collective. « Là, on est dans un exemple où on peut avoir des avis totalement divergents, où l'infirmière peut dire, moi, je préfère qu'on arrête ou bien moi, je crois qu'il faut continuer et puis, le docteur peut avoir un autre avis. On essaie de faire au mieux, on essaie de faire un consensus. Et puis, on a fait le consensus, qu'on allait lui offrir un traitement maximal, sans respiration artificielle en se disant que si on devait recourir encore à une respiration artificielle, on entrerait dans une complication supplémentaire que là, ce n'était pas raisonnable. On s'est tous mis d'accord avec cette décision. Le patient a passé le cap, et puis, c'est bien166(*). ».

Finalement, il apparaît que l'intérêt du patient est cependant représenté au mieux, s'il désigne lui-même un représentant, de préférence son médecin traitant, qui soit le dépositaire de ses souhaits, auprès du médecin hospitalier. Un médecin psychiatre le laisse d'ailleurs bien entendre en déclarant avoir accompagné plusieurs de ses patients en tant que consultant. « Et à l'hôpital, j'ai été la revoir et j'ai discuté avec le médecin hospitalier qui était responsable et avec qui on a pu discuter en clair. J'ai pu lui dire que selon le souhait de la patiente qu'on ne prolonge pas, ce que l'on fait régulièrement avec les gens qui peuvent parler, qui n'ont pas peur de le faire ».

Ce rôle d'intermédiaire suppose de la part du médecin une bonne compréhension de la psychologie du mourant, ainsi qu'une connaissance approfondie de la technique antalgique pour être à même de vérifier si le programme antalgique répond aux souhaits particuliers. « Oui, oui, j'ai aussi fonctionné pendant sept ans comme consultant à l'hôpital, et là ma double formation en psychiatrie et en médecine générale, cela aide bien. On parle la langue avec les assistants de médecine interne et on se rend mieux compte de où se trouvent les difficultés, car on est quand même à l'extérieur en tant que psychiatre consultant. On n'a pas de gestes à faire, le geste c'est l'autre qui le fait. Mais on peut mettre les gens ensemble pour leur permettre de discuter167(*). ». Au-delà de ces compétences techniques, la particularité de ce rôle de médiateur est que le médecin en charge du patient n'est pas forcément celui qui pose l'acte euthanasique - en l'occurrence lorsqu'il s'agit d'une euthanasie dite active indirecte - mais celui qui influe sur la prise de décision.

La particularité essentielle de la transaction médicale qu'est la médiation est qu'elle opère une division de la responsabilité quant aux conséquences de la décision euthanasique. Chacun des acteurs, de facto, en prend une part de responsabilité. Une autre caractéristique non négligeable est que le médecin n'est pas en situation de devoir se légitimer, sa position est d'emblée forte, en tant que médiateur et coordinateur.

En fin de compte, quelle que soit la forme de transaction envisagée, il apparaît que chacune d'elle implique de la part du médecin des compétences et des connaissances très pointues - que ce soit du point de vue technique, relationnel - qu'il n'acquiert en principe qu'après bon nombre d'années de pratique. L'à priori selon lequel les médecins recourent à l'assistance au décès, en particulier à l'euthanasie active, sont ceux qui sont les plus inexpérimentés ne se vérifie pas dans le cadre de notre enquête. Par ailleurs, en milieu hospitalier, la hiérarchie au sein du collège des médecins est telle que les décisions critiques n'incombent généralement pas aux médecins assistants, mais bien au chef de clinique ou au médecin-chef, selon la taille de l'hôpital ou de la clinique. Cette remarque confirme l'idée que l'assistance médicale au décès nécessite du médecin une bonne connaissance du champ social et professionnel dans lequel il officie, car la gestion de l'incertitude qu'implique la gestion du projet n'est pas des plus anodines. C'est pourquoi, la suite de ce travail est consacrée aux risques inhérents à la transaction médicale.

* 165 P9 05092002 (647 : 660)

* 166 P11 169632 (842 : 858)

* 167 P2 780088 (443 : 449)

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo