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L'assistance médicale au décès en Suisse

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par Garin Gbedegbegnon
Université de Fribourg - MA Politique sociale, analyse du social 2006
  

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2.2. La mort autodélivrance

La particularité de la mort autodélivrance est qu'elle vise à s'affranchir du monde médical, mais également de l'acceptation chrétienne de la mort délivrance soumise à la Grâce de Dieu. Elle est portée par des médecins qui, en réponse à l'acharnement thérapeutique, veulent promouvoir la liberté du patient à décider par lui-même, s'il veut ou non mettre un terme à son existence.

Dans cette perspective, le fondement éthique repose sur le droit civique qui assure au citoyen la liberté de disposer de son corps et de son esprit, et sur le droit pénal qui l'autorise à se suicider, tout comme à un tiers de l'assister au suicide, pour autant que ce ne soit pas pour des motifs égoïstes. En pratique, cette forme de mort légitime vise simplement à faciliter autant que possible l'accès du patient à des produits létaux, si possible sans que le médecin ne serve de médiateur entre le mourant et la mort. Un médecin témoigne alors de la simplicité de cette pratique, vu l'absence de contrôle institutionnel : «  Vous savez, par le passé, justement, il y avait les malades qui recevaient l'ordonnance de ma part. Je leur ai toujours dit d'aller dans deux différentes pharmacies. Personne ne savait d'où ils avaient le médicament parce qu'ils ne disaient pas de qui ils les avaient reçus. Ils mettaient peut-être sur la table une petite lettre : je me suis suicidé, je ne voulais plus vivre. Alors la police est venue, puis sortie. Je n'ai même pas eu de téléphone. Tandis que maintenant, il y a toute la machine qui arrive. C'est institutionnalisé. Moi je trouve que c'est bien, parce qu'aussi la publicité qu'on fait met ces questions dans l'oreille des médecins, du public227(*). »

La temporalité de l'innovation s'inscrit dans une logique de progrès social ou technologique. Si la mort autodélivrance relève de la temporalité de l' « innovation radicale228(*) » c'est qu'elle institue une rupture par rapport à la mort clinique et même par rapport à la mort naturelle pour trois raisons essentielles. Premièrement, le médecin perd sa centralité dans la relation thanatologique, car c'est le malade qui décide du moment opportun pour mourir. Deuxièmement le fondement éthique n'est plus lié à la déontologie, mais au cadre sociojuridique défini par le code pénal. Finalement, la gestion sociale de la mort est projetée dans l'espace civil et socialement débattue, car dépossédée de son écrin clinique.

La limite évidente de la mort autodélivrance consiste en sa relative clandestinité, dans la mesure où faute d'une connaissance suffisante de la posologie de certains médicaments, le mourant procède au suicide par ses propres moyens sans que la sécurité de son acte ne soit assurée, ni même vérifiée par le médecin ayant délivré l'ordonnance229(*). L'absence d'un médecin pose problème, car lorsque l'autodélivrance échoue l'issue de la situation peut devenir dramatique, comme le laisse entendre le témoignage critique d'un médecin-conseil d'Exit : « Il y a eu des histoires après que certaines personnes aient eu des sacs en plastique sur leur tête et que, lorsque cela ne marchait pas, ils s'étaient étouffés. Des histoires malsaines, qui reviennent toujours et qui portent de l'ombre à Exit. Ceux de l'ancienne garde ont dit qu'il n'y avait pas besoin des médecins, qu'il n'avait pas besoin de certificat médical, que le patient pouvait choisir lui-même. Il voulait le faire de façon plus ouverte, plus libérale230(*) ».

Aussi, très rapidement, les médecins favorables à l'autodétermination du patient en fin de vie se sont engagés politiquement par le biais des associations comme Exit-ADMD-Suisse Romande et Dignitas plus tard, afin d'obtenir une reconnaissance sociale de la pratique de l'assistance médicale au suicide, non seulement auprès des autorités politiques et judiciaires, mais aussi auprès des instances éthiques de l'ASSM et de la FMH qui énoncent les principes déontologiques de la profession médicale.

Dans cette perspective de légitimation auprès des différents acteurs institutionnels de la gestion sociale de la mort, les transactions menées par les médecins étaient des négociations. Il s'agissait d'obtenir une reconnaissance et un consensus suffisant pour assurer une pratique transparente de l'assistance au suicide, sans que pour autant le droit à exercer la profession médicale des médecins délivrant les ordonnances pour les produits létaux ne soit mis en jeu. Le cadre sociojuridique et la faveur de l'opinion publique ont finalement permis que la pratique de l'assistance médicale au suicide ne soit plus clandestine, mais en contrepartie le contrôle institutionnel des instances de santé publique et judiciaires s'est formalisé et institutionnalisé.

* 227 P6 947129 (226 : 235)

* 228 BOUTINET J. P., op. cit., p. 219.

* 229 Dans un article consacré aux problèmes cliniques de la pratique de l'euthanasie active et de l'assistance au suicide, plusieurs auteurs mettent en évidence la méconnaissance des médecins en matière de la posologie spécifique aux produits utilisés dans le cadre de l'assistance médicale au décès. Ils montrent également que la pratique de l'assistance au décès n'est pas encore sûre. Cf. GROENEWOUD J. et alii, «Clinical problems with the performance of euthanasia and physician assisted suicide in the Netherlands», in The New England Journal of Medecine, Vol. 342, no 8, 24 Février 2000.

* 230 P5 220802 (460 : 468)

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