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L'offre éducative primaire au Burkina Faso. Approche économique et anthropologique

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par Julie Rérolle
Université Aix - Marseille 1 - Master 2 Langues Etrangères Appliquées "Intelligence économique, culture et organisation" 2007
  

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I.2) Les déterminants de la demande individuelle

L'analyse économique répertorie les déterminants de la demande individuelle et sociale d'éducation, qui sont d'une part les coûts et d'autre part, les impacts - ou les avantages anticipés - de l'éducation, qui peuvent être économiques ou extra-économiques.

I.2.1) Les déterminants économiques

Comme nous l'avons énoncé précédemment, les individus opèrent un calcul coût-avantages afin de déterminer s'ils vont investir ou non dans l'enseignement. La corrélation éducation-croissance permet de comprendre la demande sociale33(*) d'éducation ; quant à la demande individuelle, il s'agit d'un calcul sur la causalité éducation-productivité-gain. La décision de poursuivre ses études, à quelque niveau que ce soit, est le fruit d'une analyse entre coûts et avantages économiques et d'autres facteurs sociaux, religieux, culturels, etc.

I.2.1.1) Les coûts directs et indirects

Le coût privé de l'éducation est constitué d'une part des dépenses directes de l'éducation : droits d'inscription et les frais annexes comme l'achat de matériel, de livres et parfois d'uniformes, le transport. Ils varient d'un niveau et d'un établissement à l'autre et peuvent être réduits par les bourses et autres aides financières de l'Etat. D'autre part, il y a le coût indirect, majoritairement constitué du manque à gagner du temps passé à l'école plutôt qu'à travailler : « la valeur du revenu ou du travail domestique non payé auquel il faut renoncer explique en grande partie la faiblesse de la demande d'éducation »34(*).

Au Burkina Faso, le coût d'opportunité que l'école représente et le revenu sont les principaux freins à la scolarisation car ils conditionnent la demande (individuelle et sociale. Les familles à faibles revenus ne peuvent pas se permettre de scolariser tous leurs enfants. En effet, « le coût de l'enseignement primaire pour les familles (droits plus manque à gagner) est de 200 000 F.CFA par an »35(*) alors que le revenu moyen est de 157 430 F. CFA pour 2004. La demande effective est une fonction positive du revenu (Meerman, (1979) car certaines familles préfèrent consommer cette somme dans le court-terme pour améliorer le quotidien plutôt que de l'investir dans l'enseignement de leurs enfants, qui en plus, rapportera des bénéfices incertains. Et même si l'enseignement est gratuit et que le sacrifice est moindre, les coûts indirects liés à la fréquentation scolaire et le manque à gagner suffisent souvent à dissuader les familles.

I.2.1.2) Les avantages escomptés

Les avantages économiques anticipés peuvent être directs ou indirects. L'avantage direct le plus important est, bien entendu le revenu plus élevé tout au long de la vie active, lié à la corrélation éducation-gain présupposée dans la théorie du capital humain.

Mais l'analyse en termes de coût-avantages ne suffit pas à expliquer la demande individuelle d'éducation. En effet, un individu n'est pas totalement libre de ses choix ; son "profil" (âge, statut, aptitudes, perspectives de gains et aussi milieu d'origine, etc.) et d'autres facteurs externes entrent en compte et agissent sur sa demande d'éducation. Il existe des éléments économiques indirectement lié à l'individu, qui sont susceptibles d'affecter sa demande d'enseignement.

Le niveau de chômage du pays, par exemple, lié aux avantages anticipés du travail qualifié (gains plus élevés) et la conjoncture générale (politique, économique et sociale) peuvent aussi jouer fortement sur la demande d'éducation et c'est notamment une des raisons actuelles de la sous-scolarisation actuelle au Burkina Faso. En effet, le chômage des diplômés (résultant, entre autre, de la saturation du marché du travail et au manque de dynamisme économique) découragent les familles à scolariser leurs enfants car l'investissement est supérieur aux avantages anticipés. Il règne un certain désenchantement en ce qui concerne le rôle de l'école au Burkina Faso, en raison, notamment, de son incapacité à assurer la mobilité sociale ou un emploi mieux rémunéré.

1.2.2) Les déterminants extra-économiques

« Contribuant à l'équilibre et à l'épanouissement des élèves, les préparant à la vie active et collective, l'éducation a des fonctions multiples36(*). » En effet, l'éducation peut avoir une multitude d'« effets externes » extra-économiques sur l'individu, qui vont influer sur sa demande.

Déterminants indirects

Des facteurs économiques indirects ou extra-économiques, d'ordre culturel ou social, sont susceptibles de faire considérablement varier la demande d'éducation. Anderson (1983) a étudié la contribution de la sélection sociale sur l'accès à l'enseignement, en prenant comme facteurs le niveau d'éducation du père, sa profession et le revenu familial. Il montre que l'accès à l'école est inégal selon ces trois critères et que si les parents d'un enfant sont illettrés, qu'ils ont de bas revenus et un faible statut social, il aura moins de chance d'être scolarisé. D'autant plus qu'au Burkina Faso, cette catégorie de personnes défavorisées vit majoritairement en zone rurale, où l'accès à l'école est souvent plus difficile pour des questions de distance et/ou de mauvaise communication. Les déterminants extra-économiques jouent plus en la défaveur de la demande de scolarisation des filles.

D'après le schéma récapitulatif suivant (graphique 11), le profil type d'un enfant non-scolarisé est une fille qui vit en zone rurale, dans un ménage pauvre et dont la mère n'est pas éduquée. La définition de ce profil permet de savoir quel type de personne a une demande d'éducation inférieure et donc de rechercher des solutions, en termes d'incitations notamment, pour stimuler cette demande et pour approcher l'égalité des chances en matière de scolarisation.

11) Distribution/répartition des enfants non-scolarisés (%) 2001

100

47

53

18

82

23

77

25

75

0

20

40

60

80

Homme

Femme

Milieu urbain

Milieu rural

Les 40% plus riches

Les 60% plus pauvres

Mère éduquée

Mère sans éducation

Données : Education Pour Tous (2007)

La représentation et l'acceptation de l'école par la société ou la famille influe également, contre la scolarisation des enfants. Autrefois vue à travers le prisme de la colonisation, l'Ecole a mis du temps à faire peau neuve et à être vue comme bénéfique par les burkinabés, qui se souvenaient de l'école coloniale, des programmes inadaptés, des valeurs étrangères inculquées à leurs enfants et des chocs intergénérationnels. Après l'indépendance, l'Ecole avait regagné la confiance des burkinabés, qui avaient retrouvé le « goût des études ». Ils la voient désormais comme une « machine à chômeurs » et le doute sur l'intérêt de l'instruction a regagné du terrain.

« Pour ceux qui n'ont pas été à l'école, l'enseignement proprement dit n'est pas réellement considéré, il ne fonde pas non plus d'attentes particulières.  L'important (...) réside dans la capacité de l'ancien élève à trouver du travail. (...) Chômage, inutilité des études, mais également besoin de main-d'oeuvre, souci de l'avenir et nécessité de prévoir la transmission de son patrimoine, ... tout cela et bien d'autres paramètres culturels et sociaux, entrent en compte dans la demande d'éducation, orientent les pratique éducatives (...) »37(*)

Cependant, d'autres familles, qu'Anderson appelle « éducogènes » aspirent à faire instruire leurs enfants parce que les générations précédentes ont reçu une bonne éducation et qu'ils perçoivent l'intérêt d'être instruits. La qualité de l'éducation - que nous aborderons plus loin - est un pilier de l'analyse contemporaine et peut affecter la demande sociale d'éducation car les mauvais résultats et les redoublements découragent les familles.

D'autres facteurs extra-économiques tels que le groupe ethnique, la langue, le lieu de résidence, l'état de santé ou encore la religion conditionnent aussi la demande d'éducation. Malheureusement, ce genre d'études, qui aideraient grandement à comprendre la sous-scolarisation, ne sont pas en nombre suffisant. Le peu de recherches qui existe montrent que l'origine sociale agit de façon déterminante sur la demande d'éducation. Les stratégies familiales d'éducation seront analysées dans le chapitre 2, partie I.2.

Apports d'autres disciplines

Il est intéressant d'enrichir les apports des économistes avec des approches sociologiques et anthropologiques car l'éducation est un objet multidimensionnel, qui peut être abordé sous différents angles. Les sociologues (Bourdieu, Durkheim) voient en l'école un lieu essentiel de socialisation et d'acquisition de la culture. Si son contenu le permet, l'éducation peut promouvoir la justice sociale, la tolérance et développe l'esprit de solidarité et la fraternité grâce à l'acquisition d'une culture commune. L'éducation permet l'épanouissement personnel et donne les bases pour exercer sa citoyenneté et d'accroitre les potentialités de l'individu de mener la vie qu'il souhaite. Enfin, l'école réduit des inégalités sociales et le travail des enfants. Tout cela pousse les individus à aller à l'école et les familles à scolariser leurs enfants. Nous étudierons de plus près l'approche anthropologique dans le troisième chapitre.

Pour résumer l'effet de l'éducation, du point de vue de l'économie, de la sociologie et de l'anthropologie, voilà un schéma qui montre les influences qu'exerce l'éducation individuelle et collective. Elles sont variées et contribue de manière générale au bien-être de l'individu, dans le respect de sa dignité et de ses droits.

12) Effets de l'éducation individuelle et collective

Source : Cochrane (1979), p. 30.

Les effets externes de l'éducation sont donc multiples mais « invariablement assortis de jugements qualitatifs qui diffèrent d'un auteur à l'autre. » (Blaug). De nombreuses tentatives d'estimation de l'impact social de l'investissement en capital humain ont, jusqu'à présent, été vaines. Cependant, les institutions et les gouvernements s'accordent tous à reconnaître l'instruction comme bénéfique pour l'individu et en ont fait un droit fondamental.

Reconnaissance de l'éducation comme un droit fondamental

Afin d'étendre encore les champs d'étude, on peut donc rajouter que l'éducation possède également une valeur intrinsèque : c'est un droit fondamental qui permet l'épanouissement de l'individu qui la reçoit (Sen). Elle est en effet reconnue comme un droit fondamental, du niveau international jusqu'au niveau local, car « la démocratie, c'est d'abord la lecture pour tous. Partager le savoir c'est partager le pouvoir. »38(*) Nous allons brièvement énoncer les textes de loi qui reconnaissent ce droit et qui peuvent appuyer notre étude.

Au niveau international

L'article 26 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 déclare :

« 1. Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. (...) 2. L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. (...)»

D'autre part, la Convention Internationale des Droits de l'Enfant de 1989, que le Burkina Faso a ratifié, répertorie les droits de l'enfant, les missions de l'éducation et introduit aussi la notion de langue :

« Article 29 - 1. Les États parties conviennent que l'éducation de l'enfant doit viser à : a) Favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons et des ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ; (...) c) Inculquer à l'enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles (...) ; d) Préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d'origine autochtone (...)»

Par cet article, la convention définit les objectifs pédagogiques de l'enseignement et impose la transmission de certaines normes et valeurs considérées comme universelles et justes, afin de développer les « dons et aptitudes mentales et physiques » de l'enfant. Ces valeurs concernent, entre autre, le respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales, des parents, des valeurs nationales et du milieu naturel. Elle introduit aussi la notion de langue, qui nous intéresse pour la suite de notre étude.

Au niveau africain

Les principes de l'article 26 de la DDHC sont confirmés dans l'article 17 de la Chartre Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples39(*) de 1981 :

« 1) Toute personne a droit à l'éducation. 2) Toute personne peut prendre part librement à la vie culturelle de la Communauté. 3) La promotion et la protection de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la Communauté constituent un devoir de l'Etat dans le cadre de la sauvegarde des droits de l'homme. »

Au Burkina Faso

La Constitution de 1991 du Burkina Faso40(*), aux articles 18 et 27, reconnaît l'éducation comme un droit fondamental et s'engage à la promouvoir

« Article 18 : L'éducation, l'instruction, la formation, (...) constituent des droits sociaux et culturels reconnus par la présente Constitution qui vise à les promouvoir. (...)

Article 27 : Tout citoyen a le droit à l'instruction. L'enseignement public est laïc. L'enseignement privé est reconnu. La loi fixe les conditions de son exercice. »

D'autre part, la Loi d'Orientation de l'Education41(*) adoptée en 1996 définit les orientations scolaires et professionnelles, donne la structure du système éducatif, le fonctionnement des structures, et le contenu général des cursus, ainsi que les exigences pour être enseignant. Dans l'article 4 de la loi, il est indiqué que les langues d'enseignement sont aussi bien le français que les langues nationales, sans autre explication ou définition. Elle précise que l'école est obligatoire de 6 à 16 ans mais hélas, les réalités tant économiques que culturelles du pays ne permettent pas l'application de ce principe, car le Burkina Faso manque cruellement de places disponibles.

« Article 2 : l'éducation est une priorité nationale. Tout citoyen a droit à l'éducation sans discrimination fondée sur le sexe, l'origine sociale, la race ou la religion. L'obligation scolaire couvre la période d'âge de 6 à 16 ans. Aucun enfant ne doit être exclu du système éducatif avant ses 16 ans révolus, dès lors que les infrastructures, les équipements, les ressources humaines et la réglementation scolaire en vigueur le permettent. (...) Article 4 : Les langues d'enseignement sont le français et les langues nationales. (...) Article 18 : L'éducation non formelle concerne toutes les activités d'éducation et de formation, structurées et organisées dans un cadre non scolaire. (...) »

Ainsi, la demande d'éducation peut être vue comme le résultat d'un calcul rationnel entre coûts et avantages. Ses déterminants sont nombreux, et peuvent constituer un moteur ou au contraire, un frein. La demande d'éducation au Burkina Faso est très importante mais se heurte, comme nous allons le voir, à une offre inadaptée a la demande et aux besoins.

* 33 La demande sociale est constituée de l'ensemble des décisions individuelles

* 34 Psacharopoulos, G. et Woodhall, M., (1988) L'éducation pour le développement. Une analyse des choix d'investissements. Economica, Paris, page 179

* 35 Idem

* 36 Malinvaud Edmond, 1994 Education et développement économique, Economie de l'éducation - Economie et Prévision, Paris, page 1

* 37 Gérard Etienne (1997) La tentation du savoir en Afrique. Politiques, mythes et stratégies d'éducation au Mali. Karthala, Paris, page 25-26

* 38 Antonioli Albert (1993) Le droit d'apprendre. Une école pour tous en Afrique. L'Harmattan, Paris, page 41

* 39 http://www.achpr.org/francais/_info/charter_fr.html

* 40 http://droit.francophonie.org/df-web/publication.do?publicationId=4245

* 41 http://www.meba.gov.bf/SiteMeba/documents/textes/loi-orientation-education-decembre96.pdf

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams