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L'offre éducative primaire au Burkina Faso. Approche économique et anthropologique

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par Julie Rérolle
Université Aix - Marseille 1 - Master 2 Langues Etrangères Appliquées "Intelligence économique, culture et organisation" 2007
  

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II) L'offre éducative au Burkina Faso

Les travaux d'économistes sur la demande éducative sont très nombreux et offrent un panorama assez complet sur la question. De plus en plus, les recherches sont dirigées vers la question de l'offre, que les spécialistes tentent de quantifier et d'expliquer pour formuler des politiques d'éducation dans les PVD. Comme nous l'avons déjà évoqué, la demande d'éducation au Burkina Faso est importante et ses déterminants sont nombreux, ce qui explique les disparités susmentionnées. Malgré les efforts financiers consentis par l'Etat, l'offre scolaire reste en deçà de la demande, compte tenu du rythme d'accroissement rapide de la population scolarisable (ce qui traduit d'ailleurs d'un autre paramètre : l'impact de la croissance démographique sur le secteur de l'éducation). Non seulement l'investissement financier actuel ne semble pas suffire pour scolariser les nouveaux enfants mais en plus les générations sont toujours de plus en plus nombreuses. Selon une estimation de l'UNESCO, en 2005, 1 202 000 enfants burkinabés n'étaient pas scolarisés42(*). Cependant, la question la plus urgente n'est pas celle de l'écart quantitatif entre offre et demande éducative mais plutôt en termes d'adaptation et d'adéquation de l'une à l'autre.

Quelle politique d'éducation faut-il mettre en place au Burkina Faso pour inciter les parents à inscrire tous leurs enfants ? Quel type d'éducation permettrait d'atteindre les objectifs cruciaux de l'enseignement ? Quel niveau, quelle filière, quel financement privilégier ? Quel objectif global viser ?

Nous allons désormais étudier les raisons pour un pays de développer l'éducation, en présentant la théorie de la croissance endogène, puis, dans une deuxième sous-partie nous verrons quelle politique éducative est possible. Cela nous donnera les bases nécessaires à l'analyse du système éducatif actuellement en place au Burkina Faso.

II.1) Approche économique de l'offre éducative

II.1.1) La croissance endogène

Théorie

La théorie de la croissance endogène est une réponse au modèle de Solow (croissance exogène) et se base sur la théorie du capital humain. Selon le modèle de Solow, en raison des rendements décroissants des facteurs de production43(*), les économies atteignent un point de croissance stationnaire. Mais grâce au progrès technique (ou innovations), qui accroit la productivité des facteurs, la croissance peut être maintenue. Cela signifie que les rendements d'échelle sont croissants car à long terme, la croissance est induite par les innovations. Tandis que le modèle de Solow considère ce progrès technique comme exogène (sans l'expliquer), la théorie de la croissance endogène, elle, le place au coeur de la croissance, qui est vu comme endogène dans le sens où il dépend des individus et plus précisément de leur comportement et compétences.

L'innovation nécessite des hommes qualifiés, des infrastructures performantes et des investissements en recherche et développement (R&D). Tandis que R. Barro considère que c'est en augmentant les infrastructures publiques, qu'on peut améliorer la productivité ; selon R Lucas, c'est plutôt par l'augmentation de connaissances (capital humain), grâce à l'enseignement ou la formation. Le capital humain est d'ailleurs transmissible et s'accumule d'une génération à l'autre (Lucas). Enfin, Romer (1987) pense que la R&D permet l'accumulation du capital humain, qui créé de la croissance, il faut donc investir en recherche.

Pour les pays développés, qui innovent, il faut une main-d'oeuvre qualifiée et compétente, qui sache inventer des nouvelles techniques et de nouveaux produits, et qui soit surtout capable d'utiliser du matériel sophistiqué. Les pays près de la « frontière technologique » vont donc miser sur l'enseignement supérieur pour former ces travailleurs. Ceux qui sont loin de cette frontière, les PVD, doivent choisir une éducation générale et de qualité (qui développent connaissances et compétences) qui permette le rattrapage technologique : le primaire et le secondaire (Aghion).

Ainsi, l'éducation opère une influence indirecte sur la croissance en améliorant la productivité des individus via les innovations et la diffusion technologique, et les pays, selon leurs besoins, doivent privilégier une certaine éducation : le supérieur pour les pays développés (innovation) et le primaire et secondaire pour les pays en développement (rattrapage). Aghion vient donc porter sa pierre dans la théorie de la croissance endogène en considérant imitation technologique et innovation comme facteurs de productivité et l'éducation comme facteur de croissance endogène.

Démonstration

Dans la théorie de Solow, il existe deux facteurs de production (input) : le capital physique : K, qui est reproductible ; et travail qualifié : L. Si on les double, alors la production (output) est aussi doublée :

2f (K,L) = f (2K, 2L)

La théorie de la croissance endogène modifie la fonction de production en stipulant qu'il y a deux facteur de production reproductibles : K et C (selon les auteurs : le capital humain, les infrastructures publiques ou la R&D). Si on multiplie par 2 tous les facteurs (K,C,L), alors la production va plus que doubler :

2f (K, L) = f (2K, 2L) < f [2(K+C), 2L].

La croissance économique est donc maintenue. La croissance endogène permet d'éviter que les rendements marginaux décroissants n'aboutissent à un état stationnaire.

La théorie de la croissance explique donc les situations de divergence entre les pays : certains n'arrivent pas à rattraper leur retard technologique soit parce qu'ils n'investissent pas dans la bonne éducation, ou pas assez en R&D ; ce qui les met dans des situations de « trappes à pauvreté ». Un pays caractérisé par une fertilité élevée et un niveau d'éducation bas est dans un cercle vicieux. En effet, « quand la génération précédente n'a pas assez investi dans l'éducation (...), l'éducation cesse d'être valorisée et la génération investit encore moins. (...) L'insuffisance passée des investissements éducatifs décourage l'acquisition actuelle de qualifications et ampute, de ce fait, la croissance future. » (Aghion, 2000, page 359) La fertilité est un des facteurs de situation de trappe de sous-développement.

On peut modifier la situation en changeant les conditions initiales : par un arbitrage entre « quantité et qualité des enfants » (Becker). Comme nous l'avons vu précédemment, la « qualité » d'un enfant, au sens de Becker, est mesurée par le volume de capital humain qu'on leur incorpore, c'est-à-dire l'éducation qu'on peut lui donner, et plus on a d'enfants, plus on doit limiter leur éducation. La taille de la descendance dépend du niveau d'instruction des parents - et surtout de la mère - car elle réalise qu'avoir trop d'enfants n'est pas « rentable », car le coût d'opportunité de l'éducation d'un enfant augmente si elle est éduquée. Pour baisser la fécondité, on peut donc augmenter la scolarisation des filles dans les pays en développement.

II.1.2) Les politiques d'éducation

Les institutions internationales et les gouvernements montrent depuis les années 1960 un regain d'intérêt pour les questions de l'éducation comme facteur de développement. Nous allons voir tout d'abord cet intérêt croissant pour les politiques éducatives, puis nous déterminerons quelle politique appliquer à quel contexte (en équilibrant équité et efficacité), avec celui du Burkina Faso.

II.1.2.1) De Jomtien à Dakar, puis aux Objectifs du Millénaire pour le Développement

Le PNUD, la Banque Mondiale, le FMI et d'autres institutions internationales soutiennent que l'éducation est un des piliers du développement. En 1990, lors de la Conférence mondiale sur l'éducation pour tous, tenue à Jomtien, en Thaïlande, les délégués de 155 pays ainsi d'autres intervenants se sont engagés à universaliser l'enseignement primaire et réduire l'illettrisme avant 2000. A la date butoir, alors que l'Enseignement Primaire Universel (EPU) n'est pas atteint, cet engagement est relancé lors du Forum Mondial sur l'Education à Dakar, qui insiste aussi sur la nécessité d'une éducation de base de qualité pour tous d'ici à l'an 2015 (et particulièrement sur la scolarisation des filles).

La même année, lors de l'Assemblée Générale des Nations Unies, les 191 Etats membres ont signé la Déclaration du Millénaire pour l'avènement d'un monde meilleur, qui confirme cet engouement pour l'éducation. Ils sont convenus de huit objectifs du millénaire pour le développement (OMD) à atteindre parmi lesquels deux concernent l'éducation : le deuxième OMD est d'assurer l'EPU et le troisième est de promouvoir l'égalité des sexes (notamment au sein de l'enseignement) et l'autonomisation des femmes.

On utilise différents indicateurs pour mesurer l'objectif 2 : i) le taux net de scolarisation dans le primaire44(*), ii) la proportion d'écoliers commençant la première année d'études dans l'enseignement primaire et achevant la cinquième et iii) le taux d'alphabétisation des 15 à 24 ans.

Comme on peut le voir sur le schéma45(*) ci-dessus, l'Afrique Subsaharienne est particulièrement « en retard » en ce qui concerne la scolarisation dans le primaire par rapport aux autres régions du monde, et l'évolution générale semble montrer qu'elle n'est pas prête de rattraper le niveau. Cependant, on note de nettes améliorations ces dernières années, comme nous le verrons dans le chapitre 2 : le taux brut de scolarisation dans le primaire est passé de 60,7% en 2006 à 39,9% en 1996, ce qui est une augmentation importante mais toujours insuffisante pour atteindre l'OMD 2. Sur la base de la progression actuelle de 2,8 points par an, le taux de scolarisation attendu à la date butoir (2015) est d'environ 86%. Atteindre l'objectif de 100% d'ici à 2015 est très ambitieux pour le Burkina Faso : il faudrait réaliser un accroissement annuel de 4 points du taux actuel de scolarisation.

Quant à l'objectif n° 3 (parité garçons/filles dans l'enseignement primaire avant 2005), il n'a pas été atteint et n'est pas prêt de l'être dans certaines régions, en raison des progrès insuffisants, notamment dans le domaine de l'éducation. Le ratio filles/garçons dans le primaire au Burkina Faso, comme nous l'avons vu précédemment, est passé de 0,645 en 1996 à 0,777 en 2005. De plus en plus de filles ont accès à l'enseignement primaire mais c'est encore trop insuffisant et cela laisse penser que la parité est encore loin d'être atteinte dans le pays.

II.1.2.2) Quelle politique pour le Burkina Faso ?

Politique éducative

Le problème économique de base auquel tous les gouvernements doivent faire face est l'allocation des ressources rares entre des objectifs concurrents : entre consommation et investissement (satisfaction immédiate des besoins contre création de capacité à produire dans le futur) et en matière d'éducation, entre « quantité et la qualité des élèves ». Un arbitrage est fait entre accueillir plus d'enfants (quantité) ou dépenser plus pour chacun (qualité). Le Burkina Faso essaie de poursuivre deux objectifs qui sont contraires : offrir un enseignement de masse et de qualité. D'autre part, comment les ressources devraient être allouées au sein du système éducatif, entre les différents niveaux, entre les formations générales et spécialisées, entre les différents types d'écoles, etc. ?

Avant de poser la question du financement, il faut se demander quelle offre éducative s'adapte à la demande sociale et privée et quelle éducation est efficace pour former des citoyens productifs et utiles. Tandis que certains auteurs pensent que le système scolaire nécessite plus d'argent, d'autres considèrent qu'il est inefficace et qu'il faut avant tout le réformer. Il semble que ces deux hypothèses sont complémentaires.

Comme le souligne la théorie de la croissance, les politiques d'éducation doivent être définies en fonction de l'état de développement du pays. Dans le cas du Burkina Faso, le retard en terme de développement implique de se focaliser sur l'enseignement de base, pour développer le niveau général d'éducation et ainsi, avoir une population en moyenne plus éduquée et apte à rattraper ou imiter la technologie des pays développés. Mais quelle éducation de base ? Pour quelle finalité spécifique ? A qui la donner ? Qu'est ce qu'il faut enseigner ? Dans quelle langue ? Quels doivent être les critères ?

Ce schéma, inspiré de la méthode des « 4 A » de l'ONU, montre qu'un système éducatif est effectif quand l'offre est acceptable (les populations en acceptent les objectifs) ; adaptable (le système est adapté aux différents besoins et contextes des élèves) ; avec une dotation adéquate (en personnes et en équipements, conformément aux besoins réels) et accessible (ouvert à tous).

13) L'effectivité du droit à l'éducation : un noeud de capacités

Or, on peut dors et déjà dire que parmi ces quatre critères, trois d'entre eux sont déjà loin d'être atteints par l'enseignement primaire au Burkina Faso : adaptabilité, accessibilité et dotation adéquate.

En effet, les programmes ne sont pas adaptés aux besoins de la population pour plusieurs raison. Tout d'abord l'utilisation du français fait perdre du temps et de l'argent, et ensuite la formation dans les matières généralistes n'est pas adaptée à la structure d'emploi traditionnelle où l'agriculture est le secteur majoritaire (il emploi 88,6 % de la population active et contribue pour plus d'un tiers du PIB).

Par ailleurs, l'école n'est pas accessible à tous, outre l'autosélection qui s'opère, le système de droits d'inscription et de bourses est très sélectif et élitiste (sur critères de revenu, d'âge et selon les résultats).

Enfin, les moyens humains et matériels sont inadéquats : personnel enseignant peu qualifié, taux d'encadrement insuffisant, manque de manuels, de fournitures, de salles de classe (nous étudierons ces variables de plus près dans le chapitre 2). Cette inadéquation rend les performances des élèves très insuffisantes, et inégales.

L'acceptabilité est une notion très subjective, mais l'étude des stratégies familiales montre que la population considère l'éducation - formelle du moins - comme peu utile, pas indispensable, voire parfois néfaste.

Les problèmes actuels de l'école burkinabé se situent aux niveaux de l'accès à l'éducation d'une part, et ensuite, de la qualité de l'offre éducative, comme nous allons le voir tout de suite. Les politiques d'éducation doivent donc chercher à définir ce qui pourrait pousser les enfants à aller à l'école (en termes de scolarisation et de participation) et les parents à les y inscrire (offrir des incitations à la demande), et comment améliorer l'effectivité et l'équité du système actuel, pour fournir un enseignement de qualité.

Politiques linguistiques

Selon Maurice Houis, il existe quatre modèles possibles pour l'enseignement français46(*) :

- l'enseignement monolingue en français sans référence aux langues africaines ;

- l'enseignement monolingue en français avec référence aux langues africaines ;

- l'enseignement bilingue, équilibrant les fonctions pédagogiques entre français et langues africaines ;

- l'enseignement monolingue en langues africaines avec éventuellement le français enseigné comme langue étrangère.

Le Burkina Faso, pour des raisons financières, a choisi de maintenir l'enseignement monolingue, datant de la période de la colonisation, avec parfois des références aux langues africaines47(*). Les résultats sont, comme nous l'avons vu, médiocres. « Les Etats ne devraient plus tergiverser, le contexte sociolinguistique leur impose le bilinguisme à l'école primaire et l'enseignement des langues africaines au secondaire et au supérieur. »48(*)

Nous allons désormais présenter succinctement le système éducatif burkinabé, qui est pluriel, ce qui nous servira par la suite à confronter l'offre et la demande d'éducation.

II.2) Structure de l'appareil éducatif burkinabé actuel

Le Burkina Faso possède un système éducatif complexe et diversifié, dont on limitera l'étude au cycle primaire uniquement. Il existe une branche formelle et une informelle, que nous allons commencer par présenter, puis nous verrons l'enseignement privé et public.

L'enseignement primaire est de loin, l'objectif prioritaire du gouvernement en matière d'éducation. On peut voir dans la pyramide éducative (document 14), que la grande majorité des effectifs sont concentrés dans ce premier cycle, ce qui s'explique entre autre par la part de la population d'âge scolaire (49% de la population a moins de 15 ans), et aussi par les politiques d'enseignement de masse, la forte sélection au-delà du primaire, la désillusion des études, le chômage des diplômés, etc. Plus on monte dans les niveaux, plus la pyramide se rétrécit, pour atteindre 127 étudiants du supérieurs pour 100 000 habitants (autrement dit, 0,127% de la population font des études supérieures). Cependant, ces élèves favorisés s'approprient 67% des ressources publiques, en raison du coût élevé de ce niveau.

14) Pyramide éducative 2002/2003

II.2.1) Education formelle et informelle

Le système éducatif dit « formel » est administré par trois différents ministères, (un pour le préscolaire, un pour l'enseignement de base et l'autre pour le secondaire et le supérieur49(*)) ; il est régi par la Loi d'Orientation du 9 mai 1996. Comme nous l'avons vu page 24, cette loi indique que l'école est obligatoire de 6 à 16 ans et chaque enfant doit recevoir une éducation « dès lors que les infrastructures (...) le permettent », et l'insuffisance de l'offre scolaire augmente avec le niveau d'enseignement (mais nous restreindrons notre recherche à l'enseignement primaire).

L'école publique burkinabé est fondée sur la même structure et les mêmes fondements de l'école coloniale. L'enseignement formel comprend un cycle primaire (« de base », sur lequel nous nous concentrerons), un cycle secondaire et l'enseignement supérieur50(*). L'éducation de base comprend l'enseignement préscolaire (3 ans), pour les enfants âgés de 3 à 6 ans et l'enseignement primaire (en principe obligatoire et gratuit) qui accueille les enfants à partir de 6 à 13 ans (le cours préparatoire : CP1, CP2 ; élémentaire : CE1, CE2 ; et moyen : CM1, CM2). La fin du cycle primaire est sanctionnée par le Certificat d'Etudes Primaires (CEP), nécessaire pour l'entrée en sixième. L'objectif de l'enseignement de base est la formation des enfants « à la vie sociale et aux responsabilités communautaires » et les programmes se fondent sur l'acquisition du savoir plutôt que de compétences. On y enseigne d'abord le français comme langue étrangère, qui devient ensuite la langue d'enseignement. Force est de constater que les langues nationales ne sont pas valorisées ou promues (comme le souhaite le décret de 1975).

Comme nous l'avons vu, la demande d'éducation de la part des familles et des enfants, a connu une croissance soutenue depuis les années 1960 et l'Etat a du investir massivement dans l'éducation. Très vite, l'enseignement qui se voulait « de masse », s'est trouvé être de mauvaise qualité (taux de redoublement élevé, taux de réussite aux examens etc.) et encore trop peu accessible (quantité).

Dans les années 1990, avec la croissance fulgurante des effectifs, les Programmes d'Ajustement Structurel (dont la finalité reste de privilégier le service de la dette) et la pression budgétaire auquel le gouvernement burkinabé a dû faire face, des stratégies pour le développement quantitatif (et qualitatif) du système éducatif ont été créées pour répondre à la demande croissante. Nous en énumèrerons trois : les classes à double flux, les classes multigrades et les écoles satellites. La classe à double flux consiste en une classe divisée en deux groupes qui suivent en alternance les cours. Cela permet de remédier au problème des effectifs pléthoriques (quantité), et d'améliorer le taux d'encadrement des élèves (qualité). Mais, la durée effective de la classe est très courte, ce qui va à l'encontre d'une école de qualité. Une classe multigrade, comme son nom l'indique, comprend des élèves de différentes années d'études (par exemple CP1 et CP2), ce qui permet de pallier au problème, en milieu rural surtout, de sous-utilisation des infrastructures et des maîtres. Les écoles satellites accueillent des enfants de 7 à 9 ans, qui n'ont jamais été scolarisés et dispensent uniquement les trois premières classes (CP1, CP2 et CE1), en langue locale. Ils doivent ensuite rejoindre une école normale. Cela permet une meilleure couverture scolaire dans les zones rurales (où les enfants vivent souvent loin des écoles).

Malheureusement, une forte proportion de la population n'a pas accès à l'enseignement formel et de nombreux scolarisés sont toujours analphabètes en raison de la mauvaise qualité du système scolaire. Avec des programmes plus flexibles, il existe donc en parallèle un système « non formel », défini par le MEBA51(*) comme « les activités d'éducation et de formation structurées et organisées dans un cadre non scolaire » qui a été créé pour pallier aux insuffisances du système formel. Il comprend l'éducation non formelle (c'est-à-dire hors-école) des enfants et l'alphabétisation des adultes.

Plusieurs structures accueillent la population, suivant l'âge des intéressés : les Centres Permanents d'Alphabétisation et de Formation (pour les 15-50 ans) ; les Centres d'Education de Base Non Formelle (pour les jeunes non- scolarisés ou déscolarisés de 10 à 15 ans) et les Centres de Formation des Jeunes Agriculteurs (15-18 ans). Toute personne désirant apprendre à lire et à écrire en ville comme en zone rurale dispose aujourd'hui d'infrastructures, plus ou moins accessible, habilitées à l'accueillir.

II.2.2) Enseignement public et privé

Le secteur de l'enseignement privé est défini comme les « établissements qui ne sont pas gérés par les pouvoirs publics mais contrôlés et gérés par des organismes privés, à but lucratif ou non, tels que des organisations non gouvernementales, des organismes confessionnels, des groupements d'intérêts, des fondations ou des entreprises commerciales52(*). » Il peut pallier aux défaillances de l'enseignement public, mais il peut aussi être inégalitaire en raison de droits d'inscription sont souvent plus élevés et parce que les structures sont majoritairement en zones urbaines. « La ségrégation est le résultat naturel d'un système éducatif privé, sélectif (...) inversement, l'intégration est le fruit d'un système fondé sur le financement public, national ou régional, de l'éducation.53(*) »

Au Burkina Faso, l'enseignement privé existe, mais il est assez embryonnaire. En effet, l'enseignement public dispose de 94% des infrastructures et 86% des effectifs en 2005, et la baisse des droits de scolarité ont joué en sa faveur en 1992. On remarque cependant une hausse de 3% des effectifs dans le privé entre 1999 et 2005 (passant de 11% de l'effectif total à 14%), ce qui participe à un meilleur accès à l'éducation en général.

Les structures privées peuvent être très différentes suivant l'organisation (institution, ONG, association locale ou même entreprise) qui les finance. On trouve plusieurs formes d'écoles religieuses : l'école coranique, les médersas, les écoles catholiques, et d'autres non-religieuses. Elles sont implantées majoritairement en ville et se développe surtout dans l'enseignement technique. Les écoles religieuses précitées véhiculent des valeurs de piété et leur développement est un signe fort de la part des populations d'une volonté de changement et d'un refus du système en place.

Un autre type hybride d'école que nous allons voir en détail dans le chapitre 3 est l'école bilingue qui est de base formelle mais dont la création et la gestion dépend du village.

Ainsi, l'offre éducative est très variée et se diversifie de plus en plus, avec notamment les classes à double flux, les classes multigrades et les écoles satellites dans le secteur formel ; les Centres Permanents d'Alphabétisation et de Formation, les Centres d'Education de Base Non Formelle et les Centres de Formation des Jeunes Agriculteurs dans l'informel et aussi avec le développement du secteur privé. 

Comment peut-on expliquer une telle diversité dans l'offre éducative ? C'est la manifestation d'une demande sociale diversifiée et du désengagement de l'enseignement public au profit de formules alternatives. De plus les récentes lois (Plan décennal de développement de l'éducation de base) et études gouvernementales (Etats Généraux de l'Enseignement) viennent appuyer ces initiatives privées et communautaires, comme nous le verrons dans le chapitre 3.

* 42 UNESCO, EPT « L'éducation pour tous en 2015. Un objectif accessible ? » Rapport Mondial de suivi sur l'EPT 2008

* 43 Ce qui signifie qu'une augmentation des facteurs de production engendre une augmentation de la production de plus en plus faible.

* 44 Taux net de scolarisation : nombre d'enfants inscrits à l'école primaire qui sont en âge officiel de fréquenter l'école primaire, exprimé en pourcentage du nombre total d'enfants qui sont en âge officiel de fréquenter l'école primaire. On peut aussi utiliser le taux net de fréquentation scolaire : nombre d'enfants qui fréquentent l'école primaire ou l'école secondaire qui sont en âge officiel de fréquenter l'école primaire exprimé en pourcentage du nombre total d'enfants qui sont en âge officiel de fréquenter l'école primaire.

* 45 Rapport annuel 2007 du PNUD http://www.undp.org/french/publications/annualreport2007/mdgs.shtml#goal2

Note : les pays à revenus élevés, selon la définition de la Banque Mondiale, sont exclus.

* 46 Somé Maxime Z. (2003), Politique éducative et politique linguistique en Afrique. Enseignement du français et valorisation des langues nationales : le cas du Burkina Faso. L'Harmattan, Paris, page 190

* 47 Nous verrons plus loin l'histoire des politiques éducatives et linguistiques du pays depuis la décolonisation.

* 48 Somé Maxime Z. (2003), Politique éducative et politique linguistique en Afrique. Enseignement du français et valorisation des langues nationales : le cas du Burkina Faso. L'Harmattan, Paris, page 190

* 49 Respectivement le MASF (Ministère de l'Action Sociale et de la Famille), le MEBA (Ministère de l'Enseignement de Base et de l'Alphabétisation) et le MESSRS (Ministère des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique)

* 50 Cf. schéma en annexe page 93 « Structure du système éducatif »

* 51 Ministère de l'Enseignement de Base et de l'Alphabétisation

* 52 UNESCO, EPT « L'éducation pour tous en 2015. Un objectif accessible ? » Rapport Mondial de suivi sur l'EPT 2008, page 74

* 53 Aghion, P. et Howitt P., (2000). « Théorie de la croissance endogène. » Editions Dunod Théories économiques, Paris, p 362

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