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La liberté d'expression face à la religion: analyse de la jurisprudence de la CEDH

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par F. KORA
Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2007
  

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PREMIERE PARTIE : La liberté d'expression dans ses relations avec la religion.

Chapitre I : Une transposition restrictive de la jurisprudence relative à la morale.

La jurisprudence en matière de protection religieuse illustre les transferts qui peuvent se produire dans les créations de la Cour. La Cour reprend donc, dans ce cadre, les principes fixés dans les affaires Müller et Handyside5(*.Toutefois, elle écarte le fondement de la morale pour utiliser la protection des droits d'autrui et la protection de la liberté religieuse.

Section I : Une approche jurisprudentielle similaire

La juridiction européenne inaugure sa jurisprudence relative à la protection de la religion par l'affaire Otto-Preminger6(*).Celle-ci fut le socle de cette construction jurisprudentielle car elle fut confirmée dans d'autres arrêts tels que «Wingrove contre Royaume-Uni du 25 novembre 1996 et I. A contre Turquie du 13 septembre 2005«3.

La Cour, dans ses arrêts, adopte des principes similaires à ceux dégagés dans la jurisprudence relative à la morale.

A.) Une marge d'appréciation étatique étendue

Avant toute analyse, il s'avère nécessaire de rappeler les faits de l'arrêt Otto-Preminger. Cette affaire concernait l'Institut Otto-Preminger, association cherchant à promouvoir la créativité sous toutes ses formes organisa au Tyrol autrichien une série de projections du film - interdit au moins de 17 ans -« Le concile d'amour ». Ce film satirique était tiré d'une pièce de théâtre présentant le procès intenté à Oskar Panizza pour blasphème. Il prenait pour cible « les représentations figuratives simplistes et les excès de la foi chrétienne ». Il fut interdit, sur requête du diocèse d'Innsbruck, pour violation de l'article 118 du code pénal autrichien réprimant « le dénigrement de doctrines religieuses » et la copie fut saisie7(*).Après avoir épuisé sans succès les voies de recours internes, l'Institut se tourna vers la Cour européenne des droits de l'homme, arguant que la saisie du film était une violation de son droit à la liberté d'expression.

La régularité de l'ingérence étant subordonnée classiquement par la Cour à trois conditions, la Cour examina les faits à la lumière de celles-ci. Cependant, l'intérêt se portera à ce niveau sur la troisième condition8(*): la nécessité de l'ingérence. C'est en voulant donc vérifier ce critère que la Cour énonce, au paragraphe 50 de l'arrêt Otto-Preminger que, « Comme pour la morale il n'est pas possible de discerner à travers l'Europe une conception uniforme de la signification de la religion pour la société. Partant, les autorités nationales ont une large marge d'appréciation pour juger de la nécessité de l'ingérence ».

Ce raisonnement est une transposition du paragraphe 20 de l'arrêt Müller relatif à la protection de la morale .En effet, la marge d'appréciation permet aux autorités nationales de fixer elles-mêmes, compte tenu du contexte social et culturel propre à chaque Etat, la nature et le niveau de l'injure qu'elles entendent sanctionner .La Cour ne donne pas de critères européens qui s'imposeraient à chaque Etat. Il est donc en particulier, parfaitement possible et légitime qu'en pratique le niveau de l'injure ou de l'outrage pris en compte par les autorités nationales soit différent d'un pays à l'autre. L'attitude de la Cour défavorise toute harmonisation dans l'application de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales dans ce domaine. Elle définit aussi implicitement une lignée jurisprudentielle réservée. Au motif pris de la diversité des conceptions nationales en ce domaine, la Cour abandonne dans une large mesure au décideur national la tâche de fixer le seuil de protection des convictions religieuses.

Par ailleurs, la Cour souligne, dans l'arrêt Wingrove9(*), qu' «une plus grande marge d'appréciation est généralement laissée aux Etats contractants lorsqu'ils réglementent la liberté d'expression sur des questions susceptibles d'offenser des convictions intimes, dans le domaine de la morale et, spécialement, de la religion ». En jouant sur la «technique de la marge d'appréciation«, la Cour, par un étrange effet de balancier, en vient à valoriser à l'excès dans un cas (Otto-Preminger Institut) la liberté de religion10(*). Le rôle de la Cour se limite, par conséquent, à une protection contre l'arbitraire. La Cour européenne est en mesure d'avaliser des mesures répressives particulièrement énergiques telles que l'interdiction totale de diffusion d'un film vidéo ou encore l'interdiction de production d'un film ainsi que sa confiscation. Une telle autolimitation semble peu compatible avec sa jurisprudence existante sur la liberté d'expression. Cependant une logique intrinsèque et linéaire se dégage de cette jurisprudence : un respect essentiel du principe de subsidiarité et surtout une marge d'appréciation qui, trop maladroitement utilisée, a pu conduire aux justifications les plus confuses. La Cour fonde largement son raisonnement sur le constat des décisions internes mais on ne peut en déduire, selon la Haute juridiction, que la marge d'appréciation étatique soit illimitée11(*). Cette autolimitation emporte des conséquences sur la portée de son contrôle, y compris sur le test de proportionnalité.

* 5 Cour eur. d. h., 7 décembre 1976 Handyside c. Royaume-Uni &Cour eur. d. h.,24 mai 1988 Müller et autres c. Suisse concernaient la protection de la morale.

* 6 Cour eur. d. h., 20 septembre 1994 Otto-Preminger Institut c. Autriche.

* 7 Arrêt Otto-Preminger Institut c. Autriche §16

* 8 L'étude des deux premières conditions se fera ci-après. Ce choix a été opéré afin de mieux appréhender la logique de la Cour.

* 9 Cour eur. d. h., 22 octobre 1996, Wingrove c. Royaume-Uni

* 10 Rappelons-le la liberté de religion n'est pourtant pas directement en cause.

* 11 Arrêt Giniewski c. France du 31 janvier 2006 §44

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