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La liberté d'expression face à la religion: analyse de la jurisprudence de la CEDH

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par F. KORA
Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2007
  

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Chapitre II Les dérives d'une approche clémente

La jurisprudence sur la protection de la religion comporte des conséquences sociales importantes.

Section I : Les dangers contenus dans la jurisprudence relative à la protection de la religion.

La jurisprudence européenne pourrait engendre des pressions tant sur les individus que sur les pouvoirs publics.

A.)La notion du « chilling effect ».

Dans nos sociétés souvent présentées comme libérales, une pression croissante s'exerce sur le débat public autour des objets religieux. A mesure que s'étend le champ et le nombre des discours considérés comme sacrilèges, intolérables ou criminels, le droit est sollicité toujours davantage pour faire taire leurs auteurs, les punir ou les intimider. Les interventions des législateurs et surtout des juges, dont on prétend faire, souvent avec leur consentement, les arbitres du débat public, se multiplient.

Paradoxalement, la Cour européenne rappelait à chaque fois l'importance primordiale de la liberté d'expression, alors que ses solutions n'obéissaient vraiment à cette règle. On est dans le cadre du « politiquement correct » qui ne s'avère pas juridiquement satisfaisant. De telles décisions conduisent à l'appauvrissement du débat public, la crainte de la sanction incitant les auteurs 42(*)à une prudence excessive. C'est ce qu'on appelle en anglais le « chilling effect ». Ce «chilling effect« pourrait être compensé par l'effervescence communicationnelle, provoquée par l'évolution technologique et les nouveaux modes d'expression, qui ont littéralement fait exploser la quantité et la vitesse de circulation des informations, rendant la tâche des censeurs sinon impossible, du moins beaucoup plus difficile. Toutefois, sur le plan juridique, force est de constater que cette évolution se heurte encore à des difficultés et à des résistances.

En effet cette évolution technologique ne saurait remplacer les autres moyens de communication. Le «chilling effect » pourrait donc avoir un fort effet dissuasif sur le débat public. Il a été plusieurs fois dénoncé par les opinions dissidentes des juges européens dans le cadre de cette jurisprudence.

Cependant, la pression ne serait pas que sur les individus mais aussi sur les pouvoirs publics.

B.)Un encouragement déplorable aux sensibilités religieuses radicales.

La plupart des arrêts précités ont été prononcé dans des contextes assez particuliers, mais cela n'a pas empêché la Cour de garder sa lignée jurisprudentielle. En effet, la violence des réactions à la publication de caricatures de Mahomet dans la presse danoise a suscité une réaffirmation déterminée de la liberté d'expression dans le monde occidental. Cependant, l'arrêt Giniewski rendu à cette période ne cadrait pas avec ces affirmations. On pourrait dire qu'elle sert plutôt les fanatiques religieux car « comment ne pas voir qu'une association islamiste aurait sans doute pu obtenir, sous un système tel que celui mis en place par les juridictions françaises dans l'affaire Giniewski la condamnation des dessinateurs ? »43(*)

Les bases de cet encouragement à la radicalisation ont été posées comme pour toute cette lignée jurisprudentielle dans l'arrêt Otto-Preminger-Institut. Dans son article sur l'arrêt Otto-Preminger, P. Wachsmann se pose la question suivante : « l'arrêt Otto-Preminger-Institut ne risque-t-il pas de faciliter les pressions sur les pouvoirs publics, afin que ceux-ci interdisent des oeuvres jugées attentatoires aux sentiments religieux des croyants ? « La pesée sur la liberté d'expression que la Cour permet à la religion d'exercer, revient (...) à autoriser aux autorités publiques à imposer une conception de la morale religieuse. Cette question pourrait être appliquée à l'ensemble de la jurisprudence européenne. En outre, admettre la licéité de la pénalisation du blasphème dans une société démocratique conforte cette pression sur les autorités publiques. Il y aurait une inévitable multiplication des revendications émanant des groupes variés cherchant chacun à évincer de l'espace public des propos qui lui déplaisent.

La tolérance devrait être plus cultivée pour éviter cette pression croissante sur les pouvoirs publics qui ne fera qu'entraîner une transformation de nos sociétés démocratiques en sociétés théocratiques. Pour reprendre les termes de P-F Docquir « l'interdiction ou la répression de discours qui paraissent blasphématoires ou sacrilèges à une communauté - c'est-à-dire les propos qui portent atteinte à des éléments de son identité tels que la religion, les croyances ou convictions de tous ordres, voire à sa réputation ou son honneur - doit être radicalement dénoncée.

Contrairement à la jurisprudence, on peut dire que les opinions dissidentes servent mieux, ici, la protection de la liberté d'expression.

* 42Pour approfondir la question voir, B. Frydman, «Introduction : les propos qui heurtent, choquent ou inquiètent », Rev. ULB vol 35, 2007

* 43 P-F Docquir, « La Cour européenne des droits de l'homme sacrifie-t-elle la liberté d'expression pour protéger les sensibilités religieuses ? », Rev. trim. dr. h., 2006 p843

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld