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Stigmatisation et adhérence aux traitements anti rétroviraux (ARV) dans deux populations de patients séropositifs à  Bamako et à  Ouagadougou

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par André Ngamini Ngui
Université de Montréal - Msc. En Santé Communautaire 2006
  

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I -1 Problématique

La stigmatisation des personnes atteintes de certaines maladies n'est pas un phénomène nouveau. L'histoire nous apprend que l'apparition d'une maladie est toujours le plus souvent accompagnée de sentiment de rejet des malades au sein de la société. Ce fut le cas pour la variole, la lèpre, l'épilepsie et aujourd'hui, le SIDA (Zacks et al.2006). Ce sentiment qui est aussi ressenti par les malades eux-mêmes entrave le traitement et la prévention de nouvelles infections (Green, 1995). Il existe aujourd'hui une littérature assez diversifiée sur la stigmatisation des patients atteints de certaines maladies comme la schizophrénie, l'épilepsie, le SIDA et leur adhérence au traitement. Ertugul et al. (2004) rapportent que les patients schizophréniques qui se sentent stigmatisés ont plus de symptômes de dépression. Lee et al. (2005) quant à eux montrent que la stigmatisation cause l'anxiété et la détresse chez les schizophrènes. Dans une étude sur l'association entre la stigmatisation et la santé mentale, Lai et al. (2000) soutiennent que la stigmatisation a des effets négatifs sur l'auto estime des schizophrènes. De plus, ces malades se referment sur eux-mêmes, limitant ainsi leur chance d'accès à l'emploi. Une étude psychiatrique réalisée par Sirey et al. (2001) trouve qu'une bonne adhérence aux traitements était associée à une faible stigmatisation des patients dépressifs. Des études menées auprès des épileptiques révèlent que la stigmatisation dont sont victimes ces malades seraient un obstacle majeur à leur adhérence aux traitements antiépileptiques (Buck et al. 1997; Paschal et al. 2005).

Au Pakistan, Mull et al. (1989) trouvent que 30% des 18 000 épileptiques ne suivent pas leur médication. En recherchant plus en profondeur les raisons de ce refus d'adhérence à la médication, les auteurs se rendent compte que près de la moitié des non-adhérents nie tout simplement d'être malades. Au fait, le refus de reconnaître sa maladie est une stratégie pour les patients de ne pas affronter la stigmatisation liée à l'épilepsie au sein de la population. De leur côté, Ulrich et al. (1993) trouvent que les femmes épileptiques sont moins adhérentes que les hommes. Leurs investigations montrent que les femmes épileptiques sont plus stigmatisées que les hommes et c'est ce qui justifierait cette différence en matière d'adhérence.

Dans le domaine du SIDA, les recherches prouvent que les malades du SIDA souffrent de discrimination et de stigmatisation où qu'ils soient dans le monde mais, on n'a

11 pas encore recensé tous les effets possibles de cette stigmatisation sur le comportement des personnes vivant avec le SIDA (Green, 1995). Une étude ethnographique menée auprès des enfants et adolescents au Brésil par Ernesto et al. (2006) révèle que la stigmatisation décourage les jeunes à rechercher des soins lorsqu'ils sont testés positifs au SIDA. Toujours par peur d'être stigmatisés, ces jeunes refusent de s'engager dans des campagnes de sensibilisation contre le SIDA.

Utilisant aussi une approche ethnographique, Rebecca et al. (2004) trouvent que la stigmatisation empêche les femmes séropositives au VIH de rechercher des soins ou de l'aide. Ces dernières préfèrent garder leur statut de peur d'être stigmatisées ou d`être chassées de leur emploi. Le fait d'être stigmatisé ou de se percevoir stigmatisé peut empêcher des malades de chercher des soins ou de demander de l'aide qui pourrait contribuer à l'amélioration de leur qualité de vie (Edwards, 2006). Dans son étude qualitative auprès des femmes Afro Américaines souffrant de SIDA, Edwards (1996) vient à l'évidence que la peur d'être stigmatisée est la cause principale de la non adhérence aux traitements.

A travers ces quelques études, on peut comprendre que l'association entre la stigmatisation et l'adhérence est possible. Cependant, le chemin causal par lequel la stigmatisation influence l'adhérence est encore peu exploré. La plupart des études que nous avons consultées utilisent une approche descriptive, ce qui n'apporte pas la preuve d'une association causale; elles mettent plutôt en évidence des corrélations.

Mais, il faut aussi ajouter que la majorité des recherches sur le Stigma ont porté sur l'attitude du grand public en général, laissant ainsi de côté le point de vue des malades concernés qui font l'expérience de la stigmatisation dans leur quotidien.

Dans un continent comme l'Afrique où le SIDA est encore entouré d'idées préconçues, vivre avec le SIDA est toute une épreuve pour les sidéens, ce qui peut même les décourager de suivre toute thérapie pour leurs soins de santé. Il paraît donc urgent d'étudier quel effet peut avoir la stigmatisation des personnes vivants avec le VIH (PvVIH) en Afrique sur leur adhérence aux traitements Anti Rétro Viraux (ARV) dans un contexte où le déficit mondial en matière de traitement du SIDA constitue une urgence sanitaire de portée mondiale. Au fait, Plus de 40 millions de personnes vivent aujourd'hui avec le VIH/SIDA, dont 95% dans les pays à ressources limitées (Malta et al. 2005 ; ONUSIDA 2004). Selon l'ONUSIDA (2004), au moins 6 millions d'entre elles souffrent d'une pathologie associée au VIH à un stade avancé et ont besoin d'un traitement antirétroviral (ARV). De ces 6 millions

12 de personnes, 4,1 millions vivent en Afrique au sud du Sahara, où la quasi-totalité des États souffrent d'une carence de systèmes de santé et où il est difficile de bénéficier de prévention, de soins et d'un traitement adéquat. Jusqu'à la fin de l'année 2001, moins de 4% des personnes ayant besoin d'un traitement antirétroviral dans les pays en développement recevaient le traitement et moins de 10% des personnes vivant avec le VIII (PvVIII) avaient accès aux traitements palliatifs contre les infections opportunistes liées au VIII (Malta et al. 2005). Au nom de l'urgence sanitaire, la communauté internationale s'est mobilisée pour aider les pays en voie de développement à lutter contre cette pandémie.

Il convient de souligner que c'est l'annonce faite a la Xè conférence de Vancouver en 1996 sur l'efficacité des multithérapies antirétrovirales utilisant les protéases, qui a suscité chez certains militants du droit à la santé, responsables de santé publique et donateurs privés, une prise de conscience militante en faveur de la diffusion de ces progrès thérapeutiques en Afrique. Ainsi, en septembre1997 s'est ouvert à Dakar au Sénégal, une consultation scientifique qui a permis de définir les pré-réquis à la diffusion des traitements antirétroviraux et de préciser les protocoles thérapeutiques. En décembre de la même année, quelques chefs d'États et de gouvernements réunis à Abidjan en Côte - d'Ivoire lors d'un sommet sur le SIDA et les MST apportent leur appui politique en annonçant la mise en oeuvre prochaine de programmes de traitements antirétroviraux dans plusieurs pays africains.

Le Sénégal est le premier pays de l'Afrique subsaharienne à mettre en place dès 1998 un programme public de distribution de médicaments antirétroviraux (ARV). Il sera suivi au courant de la même année par l'Ouganda et la Côte-d'Ivoire dans le cadre spécifique de « l'Initiative ONUSIDA pour un meilleur accès aux médicaments », avec le soutien technique de l'ONUSIDA (Ndoye et al.2002). Le Burkina-Faso leur emboîte le pas en 1999 (Vinh-Kim et al.2003).

Si dès le départ, le scepticisme entourant la question de l'accès aux traitements antirétroviraux en Afrique était lié à la question financière car, pour les décideurs et les bailleurs de fonds qui se basaient sur les analyses de certains économistes qui prétendaient que le traitement par les ARV était susceptible d'engloutir la totalité du budget de santé de certains États, aujourd'hui la question scientifique majeure n'est plus tant économique mais, est centrée plutôt sur l'adhérence ou l'observance aux traitements ARV. En effet, dans une perspective d'optimisation des stratégies thérapeutiques et de lutte contre l'échec thérapeutique, les recherches et les actions visant à améliorer l'observance des traitements de

13 l'infection par le VIH connaissent de plus en plus un développement important en particulier depuis l'émergence des multithérapies (Barber, 2002 ; Benjaber et al. 2005 ; Bungener et al. 2001 ; Casalino, 2005 ;Delpierre et al. 2003 ; Spire et al. 2004 ; Valentin, 2005 ; Volberding et al. 1998 ). Bien que des progrès notables aient été enregistrés dans le traitement du VIH, des barrières pour le succès à long terme persistent. Aujourd'hui, on est unanime sur le fait qu'une adhérence maximale des patients au traitement est nécessaire pour garantir l'efficacité thérapeutique et arrêter le développement de la maladie (Ow Fong et al. 2003 ; Valentin, 2005). Malheureusement, on constate que l'adhérence aux traitements ARV reste inachevable pour certaines PvVIH (Volberding et al. 1998). Les médecins sont régulièrement confrontés à la difficulté du suivi de leurs prescriptions ou « adhérence » au traitement. Une récente étude de Vinh-Kim et al (2003) montre que les efforts du gouvernement Burkinabé pour faciliter l'accès aux ARV n'ont pas suffi pour augmenter l'adhérence à un niveau suffisamment élevé.

Qu'est ce qui peut justifier le fait que malgré les efforts des soignants et même parfois la connaissance des risques encourus en cas de mauvaise adhérence au traitement, les PvVIH persistent à ne suivre qu'une partie de la prise en charge ? Pourquoi en dépit de tout, des PvVIH continuent de se mettre dans une situation de danger, parfois au risque de leur vie ?

La plupart des études sur la question d'adhérence aux traitements ont été réalisées dans les pays développés (Menzies et al. 1993 ; Ow Fong et al. 2003). Cependant, leurs résultats sont généralisables dans les autres parties du monde. La plupart de ces études (Gordillo et al. 1999 ; Haynes et al. 2002 ; Hinkin et al. 2004 ; Lanièce et al. 2003 ; Nemes et al, 2004) soutiennent que l'adhérence des patients aux traitements est un phénomène complexe et peut se situer au niveau des interactions entre les facteurs liés au patient ou entre les facteurs liés au traitement (Ow Fong et al. 2003). Mais au plan analytique, plusieurs auteurs (Castro, 2005 ; Knobel et al. 2000 ; Malta et al. 2005) soutiennent que l'adhérence aux traitements ARV est déterminée par une conjonction d'éléments situés dans le système de santé (infrastructure sanitaire, mécanismes de financement y compris les frais, qualité des relations entre le patient et le personnel soignant ; conservation des médicaments) ; le capital social (support du réseau social, statut social, le manque de domicile fixe ou l'incarcération) ; les facteurs socioéconomiques (guerre, violence politique, coût des médicaments, manque de revenu, coût du transport, coût du manque à gagner suite aux déplacements pour aller s'approvisionner en médicaments) ; les conceptions culturelles de la santé et de la maladie

14 (sur l'étiologie et la transmission, sur le personnel soignant, sur l'efficacité et la toxicité du médicament, sur le type de soin) ; les caractéristiques personnelles (âge, sexe et genre, le groupe ethnique, l`éducation, la religion, la profession), les facteurs psychologiques ( l'estime de soi et la motivation, les conditions morales suite à la maladie), les facteurs cliniques (l'immunologie et le stade clinique du VIII/SIDA, l'occurrence et la sévérité des infections opportunistes, la grossesse ou l'allaitement, la symptomatologie au début du traitement, les effets secondaires désirables et indésirables) ; le régime antirétroviral (nombre de médicaments à prendre par régime et par jour ; la composition thérapeutique des régimes de médicaments).

Selon le peu de littérature qui existe sur le sujet, l'association entre la stigmatisation et l'adhérence aux traitements ARV n'a pas encore reçu une attention particulière. Quelques auteurs des sciences sociales, anthropologues pour la plupart (Desclaux, 2002 ; Vidal 2002 ; Ouattara 2002 ; Micollier 2002) l'ont mentionné dans leurs études sans en faire une analyse particulière. Pourtant, il serait intéressant de s'y attarder surtout en ce qui concerne le VIII / SIDA dans la mesure où la stigmatisation associée à cette maladie est particulièrement destructrice parce qu'elle affecte le plus souvent les individus et les groupes de la société les plus pauvres et les plus vulnérables. Pour la plupart, ces individus ou groupes subissent déjà une exclusion et une discrimination. Au niveau de la société, la stigmatisation peut conduire au silence et au refus de reconnaître l'existence du VIII / SIDA et d'y faire face. Cette situation renforce l'ignorance et la peur, favorise les préjugés, laissant ainsi libre cours aux comportements à risque et permettant aux attitudes hostiles de se perpétuer. La stigmatisation est aussi la meilleure façon de réduire au silence et d'exclure les partenaires fondamentaux dans la réponse au fléau du VIII / SIDA.

L'objectif de la présente étude est de décrire la stigmatisation chez les PvVIII et d'examiner les liens entre l'adhérence aux traitements Antirétro-Viraux chez les PvVIII et la stigmatisation. Au fait, il serait pertinent de comprendre en premier lieu les déterminants de la stigmatisation car, est un concept abstrait et on ne peut agir directement sur elle pour la diminuer. Le moyen adéquat pour y parvenir serait d'agir plutôt sur ses déterminants.

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