WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Tap-tap bwafouye face a l'urbanisation de port-au-prince (une approche ethnosociologique du transport collectif a port-au-prince)

( Télécharger le fichier original )
par Theuriet DIRENY
Université d'état d'Haiti - Licence en anthropo-sociologie 2000
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PREMIERE PARTIE : CADRE MÉTHODOLOGIQUE

CHAPITRE I.- COMPRENDRE LA PROBLEMATIQUE DU TAP-TAP

1.1.- IMPORTANCE ET SITUATION DE L'ETUDE.

Notre sujet de recherche: « Le tap-tap bwafouye face à l'urbanisation de Port-au-Prince » est conçu pour évoquer la question du transport collectif urbain dans la ville de Port-au-Prince, capitale de la République d'Haïti, qui fait face depuis des décennies, à des problèmes d'ordre sociodémographique. L'aire métropolitaine de cette ville « absorbait déjà en1990 plus de 75% de la population des principales villes du pays »1(*). En 1997 l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI) a estimé la population de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince à 1 556 588 habitants soit 95.02% de la population urbaine du département de l'Ouest2(*) dans lequel elle est située. Ce qui laisse présager le scandale que représente la demande de mobilité quotidienne dans cette ville qui, en 1987 déjà, connut un déplacement quotidien de 1 070 0003(*) alors qu'elle franchissait la barre de 1000000 habitants. Une population qui depuis n=a cessé d'augmenter et qui augmentera encore puisque Port-au-Prince reste la seule ville d'Haïti dotée de certaines infrastructures proches de la modernité. Elle incarne en ce sens, le mieux être, le rêve d'un lendemain meilleur, l'espace de transition de mobilité sociale. N'ayant pas les infrastructures adéquates pour accueillir les migrants venus et du monde rural et des villes de provinces, Port-au-Prince devient le théâtre quotidien de l'insalubrité, de l'improvisation et de l'incommodité.

C'est dans cet atmosphère qu'évolue le transport collectif dont les véhicules y afférents (yole, kazèn, bwafouye, kokorat, rachepwèl...) transportent un nombre d'usagers nettement au-dessus de leur capacité d'accueil. Qui pis est, la plupart de ces véhicules à l'instar du kokorat et du rachepwèl, ne sont pas conçus à de telle fin. Cependant, ils concurrencent fortement le minibus bwafouye qui lui-même a une touche locale et garantit en ce sens, un minimum d'emploi à plus d'un. Quoi que conçu pour le transport collectif d'usager, aux heures de pointe, le « minibus bwafouye » est aussi inconfortable que les autres. Ainsi avons nous pensé qu'avec le processus d'urbanisation de Port-au Prince le « bwafouye » cédera à la concurrence des autres types de transport collectif de l'aire métropolitaine.

Nous présumons que notre sujet sera d'un apport capital pour la littérature du transport collectif urbain haïtien qui souffre de l'inattention des dirigeants concernés de chez nous. Les quelques rares documents haïtiens y relatifs produits par de rares intellectuels haïtiens sont aussi traversés par cette inattention.

Jeter des bases pour une planification de la mobilité quotidienne dans l'aire métropolitaine eu égard à la montée vertigineuse de sa population telle est, en résumé, la finalité vers laquelle tend notre démarche.

Par conséquent, cette démarche, tout en s'inspirant de l'ensemble des problèmes dont les grandes lignes viennent d'être évoquées et qui seront approfondies à notre problématique, aura à montrer clairement, à partir des objectifs du travail par où devrions-nous passer pour atteindre notre finalité. C'est dans cette logique que nous avons formulé les objectifs suivants:

1.2.- OBJECTIF GÉNÉRAL:

Mesurer l'impact de l'urbanisation de Port-au-Prince sur le devenir du « tap-tap bwafouye ».

1.3.- OBJECTIFS SPÉCIFIQUES:

A) Faire ressortir l'interaction existant entre la ville, l'urbanisation et le transport collectif;

B) Chercher à faire comprendre le lien entre la ville de Port-au-Prince, son urbanisation et ses tap-tap;

C) Tenter de déceler la véritable cause du ralentissement du « tap-tap bwafouye » observé dans la circulation automobile à Port-auPrince,particulièrement,sur« l'autoroute » de Carrefour.

1.4.- PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE

La problématique n'est autre que la démarche adoptée pour résoudre le problème. Cette démarche selon A. Gélédan, « passe généralement par l'adoption d'une grille d'analyse particulière qui va fournir les outils nécessaires à l'obtention de la réponse »4(*). Plus explicite encore et pour répéter M. Beaud disons que « la problématique c'est l'ensemble construit autour d'une question principale, des hypothèses de recherche et des lignes d'analyse qui permettront de traiter le sujet choisi. »4(*)

Le problème du transport collectif, par analogie avec la fonction des différents types de tap-tap, est lourd de conséquence pour la ville de Port-au-Prince. Les usagers, sur la quasi totalité du réseau routier composé de 600 kilomètres de voies dont seulement 240 sont revêtus soit en béton bitumeux soit en béton hydraulique soit en adoquin5(*)..., restent pendant des heures bloqués soit à attendre le passage d'un moyen de transport collectif pouvant les amener à destination, soit à l'intérieur d'un moyen de transport dans un long embouteillage. Cet embouteillage imputable à la carence infrastructurelle de Port-au-Prince est le résultat d'une non-planification laquelle selon le sociologue C. Souffrant traduit l'incohérence entre la conduite d'une institution et le mouvement démographique, économique, technologique... Port-au-Prince en conséquence semble évoluer en marge des normes d'urbanisme et de circulation. Son parc automobile qui représente 81% de celui de toute la République est inadéquat au besoin de déplacement ou de mobilité quotidienne. Il suffit de parcourir le réseau routier aux heures de pointe pour constater l'inefficacité du système de transport. En effet, les moyens de transport collectif sont inappropriés, improvisés et insuffisants. Ils transportent à longueur de journée, un nombre excessif d'usagers qui voyagent régulièrement dans la plus grande incommodité sans pourtant atteindre leur destination dans le temps escompté.

De ce fait le déséquilibre entre la demande de mobilité et les moyens de transport collectif est pertinent. Tout le monde constate la paralysie manifeste des déplacements liés à la division des tâches: déplacements quotidiens des citadins vers les lieux de travail, vers les établissements scolaires, vers les centres d'achat. Ce fractionnement de la vie sociale impose de participer à des transferts quotidiens sous forme de navettes. Des obligations que le port-au-princien accomplit dans la plus grande difficulté quand on sait qu'avec l'insécurité et le «black-out» le fonctionnement de la vie sociale est réduit au grand maximum à 12 heures d'activités. De cette difficile situation dépend aussi la fin du phénomène "bèkfè" (chauffeur de tap-tap travaillant environ 20 heures par jour).

En conséquence à Port-au-Prince la vie se bouscule. Des migrants venus tant du monde rural que des villes de province s'entassent dans des bidonvilles, se déplacent vers les usines de sous-traitance, gagnent les rues à la recherche du pain quotidien, convertissent les voies de circulation d'automobile en de véritables marchés, érigent des tentes partout sur les trottoirs, augmentent considérablement et simultanément la population et l'effectif des chômeurs. Tous croient dans un bien être que seule Port-au-Prince, avec son apparence de modernité, peut leur procurer.

Ainsi se profile l'urbanisation de Port-au-Prince qui se réalise dans un total déséquilibre à cause premièrement d'une non-planification et ensuite de la concentration des différents biens et services dans cette ville. Cela témoigne d'abord de l'absence de tout projet, ensuite d'une certaine hyper centralité: deux causes majeures au sous-développement de cette ville; car selon Y. Bonello « La ville est faite de projets successifs qui se corrigent progressivement ». Il ne peut y avoir de visions arrêtées pour une ville. Il faut toujours impliquer l'inachevé, repenser un projet à partir de nouvelles donnes. En d'autres mots, la ville ne peut être conçue sans avoir une vision prospective c'est-à-dire sans penser le futur, sans prévoir ses délimitations tant au point de vue infrastructurel que superstructurel sinon elle tombe dans le piège de l'hypercentralisation. Cette dernière, toujours pour répéter Y.-H Bonello « conduit à la perte des grands équilibres que sont:

· d'une part, la qualité du vivre ensemble dans l'espace urbain,

· d'autre part, la dynamique du développement de la ville ».6(*)

L'évidente réalité à laquelle est soumise la population port-au-princienne nous pousse à réfléchir sur les éléments de solutions appropriées à la demande de mobilité quotidienne dans la ville de Port-au-Prince. A cet égard nous avons formulé trois (3) hypothèses:

1- Le « tap-tap bwafouye » moyen de transport collectif et générateur d'emplois - avec les problèmes de circulation, ses problèmes de confort et de capacité d'accueillir un grand nombre d'usagers - ne pourra pas résister longtemps encore, à la concurrence des autres types de moyen de transport et à l'assaut des contradictions de la ville de Port-au-Prince où l'urbanisation n'est pas planifiée.

2- Plus un tap-tap facilite le transport d'un nombre excessif de passagers au voyage plus il rapporte au chauffeur plus ce tap-tap lui paraît intéressant.

3- Plus un tap-tap surchargé permet à son chauffeur de faire du profit moins le chauffeur se soucie du confort des usagers.

1.5.- REVUE DE LITTERATURE

Nous avons, pendant près de dix ans, cherché une documentation appropriée à l'orientation de notre démarche. Dans le contexte haïtien, malheureusement, la question du transport collectif urbain est abordée superficiellement nous avons eu recours à la littérature étrangère qui dans le domaine possède une riche documentation. Aussi avons-nous passé en revue des textes à caractères théoriques traitant des aspects du transport collectif urbain liés à la ville et à l'urbanisation.

Cette investigation documentaire nous a permis:

· de faire une analyse épistémologique du transport collectif lié à la ville;

· d'avoir une vue d'ensemble sur la problématique du transport dans les villes.

MERLIN Pierre, dans son ouvrage « Les Transports Parisiens » a présenté les moyens de transport comme un corollaire du développement de la ville et un élément de cohérence entre les différents facteurs de ce développement dont l'essor industriel en est le principal. « En l'absence des moyens de transport, écrit-il, au lieu d'être une métropole Paris serait devenu une juxtaposition de quartiers sans lien ni hiérarchie »7(*).

REMY Jean et VOYE Lilianne, dans leur oeuvre commune « La Ville Ordre et Violence » dégagent l'importance des moyens de transport collectif dans l'urbanisation et leur rôle régulateur dans la production industrielle. Ils établissent le lien existant entre les travailleurs, l'usine et le transport collectif. Le développement des transports collectifs a rendu possible, selon eux, l'éloignement spatial entre la résidence des travailleurs et l'usine (espace de contrôle du travail pour un accroissement de la production horaire). L'usage des moyens de transport, en ce sens, a contribué à instaurer un calcul sur le temps et même à exalter le respect. Ainsi l'urbanisation interfère-t-elle avec l'industrialisation dans la mesure où elle a été rendue possible par le développement des moyens de se déplacer qui permettraient de vivre sa vie hors travail dans des endroits distant des lieux de travail8(*).

Dans l'oeuvre éditée chez ROBBERT LAFFONT en 1976 et intitulée: « Les Transports », l'auteur, à partir d'analyse, a fait comprendre que l'urbanisme et l'urbanisation sont des facteurs corrélés qui ne peuvent se passer des transports urbains. A son avis, « planifier l'urbanisation indépendamment des transports urbains peut conduire à un étranglement de la circulation »9(*).

Une publication des Nations Unies : « Urban transport development with particular reference to developing countries » laisse prévoir que le bon fonctionnement de la ville ne peut se réaliser sans les moyens de transport collectif. Selon cette publication les moyens de transport collectif sont comme une béquille pour la ville, un élément de jonction entre les activités sociales et économiques qui se déroulent dans la ville, une nécessité pour tous types de travailleurs, une complémentarité socio-économique et administrative, un paramètre de l'urbanisation. "Quand les services fournis par le transport public sont interrompus, les affaires et les services sont paralysés"10(*). Cette paralysie des activités ou de la vie urbaine plonge la ville dans un déséquilibre.

BONELLO Yves-Henri, dans son ouvrage « LA VILLE » montre qu'en dehors de l'habitat, l'emploi, le commerce et les activités culturelles; les transports sont aussi comptés parmi les facteurs d'équilibre de la ville. Ils assurent la mobilité qui est au centre de la question urbaine et au coeur du processus d'urbanisation. Une mobilité qui prend la double forme: « les déplacements dans la ville liés à la division des tâches et les migrations liées aux cycles de la vie et à la vie socioprofessionnelle »11(*).

1.6.- APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE ET TECHNIQUE D'ENQUETE

Notre approche se situe dans le champ de la sociologie urbaine. Dans ce contexte nous sommes partis de la méthode dite: « méthode de l'étude des traces »12(*) considérée comme une forme d'observation différée résidant dans l'analyse de documents appropriés et de statistiques officielles aptes à nous procurer des informations nécessaires pour une parfaite compréhension du transport collectif urbain dans la ville de Port-au-Prince.

L'observation, à n'en pas douter, dans le cadre de notre sujet et pour le bon déroulement de notre démarche nous a servi comme méthode d'orientation ou de construction des premières idées qui constituent la matière brute à partir de laquelle nous avons constitué le moule qui donne le profil convenable à notre étude et qui en quelque sorte fournit les premiers éléments d'enquête.

On comprend déjà que nous faisons appel à une troisième méthode il s'agit bien de l'enquête. Ici, la phase pratique ou expérimentale de notre observation est mise à l'épreuve. Cela nous a poussé à recourir à d'autres outils méthodologiques comme l'entretien et le questionnaire. Deux techniques qui, bien entendu, nous permettent, dans un premier temps, d'aller sur le terrain interviewer des carrossiers et interroger des chauffeurs dans le but de déceler leur attitude respective quant à la concurrence des différents types de tap-tap et leur opinion quant à la question du transport collectif à Port-au-Prince.

Nous nous sommes entretenus aussi avec des cadres de certaines institutions qui, à partir de leur perception et du vocabulaire dégagé de l'ensemble de nos entrevues antérieures avec des carrossiers et chauffeurs, nous ont permis d'élaborer un questionnaire à l'intention des chauffeurs. Ceci dit nos véritables enquêtés ne sont que les chauffeurs; ou en d'autres termes un échantillon de 48 chauffeurs de tap-tap.

Pour bâtir cet échantillon nous avons choisi la méthode des quotas. En raison des conditions du déroulement de l'enquête et estimant que les chauffeurs à interroger sont, pour la plupart, d'un bas niveau d'instruction nous avons utilisé le questionnaire « auto-administré »13(*). Dans une certaine mesure toutes les conditions requises à l'utilisation de ce type de questionnaire ne sont pas réunies. Cela nous oblige à procéder à un face à face pour la collecte des données qui se réalise par des enquêteurs présents sur le terrain et qui remplissent ce questionnaire selon le dire de chaque enquêté.

Signalons que l'absence quasi totale de travaux scientifiques dans le domaine du transport collectif urbain en Haïti, l'irrégularité et les contradictions des donnés chiffrées fournies par l'Office Assurance des Véhicules Contre Tiers (OAVCT) et le Service de la Circulation des Véhicules (SCV), le « peu d'intérêt » dont nourrit l'IHSI pour les données en matière de transport collectif urbain tant dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince que pour les autres villes d'Haïti nous empêchent de circonscrire formellement notre recherche dans un intervalle de temps donné.

* 1 IHSI, tendances et perspectives de la population d'Haïti au niveau régional (département, arrondissement et commune 1980-2005), Port-au-Prince, 1992, p.27

* 2 IHSI, Haïti: Projection de la population totale par arrondissement et par commune, Port-au-Prince 1997

* 3 Lavalin International, Plan directeur d'urbanisme de Port-au-Prince (secteur transport), septembre 1988 p.19

* A. Gélédan, Economie (l'analyse des documents et la dissertation), Librairie Classique Eugène, Paris 1986, p.13

* 4 M. Beaud, l'Art de la thèse, Edition La découverte, Paris, 1997, p.32

* 5 Coordination des unités techniques de planification et de programmation (MTPTC), Diagnostic sectoriel, janvier, 1997

* 6 Y.-H Bonello, La ville, PUF, Paris 1996, p.34, coll. Que sais-je?

* 7 P. Merlin, Les transports parisiens (Etudes de géographie économique et sociale), Robbert laffont, Paris, 1967, p.76

* 8 J. Rémy, L. Voyé, Ville ordre et violence (formes spatiales et transaction sociale), Presses Universitaire de France, Paris, 1981.

* 9 Robbert Laffont, Les transports, Paris, 1976, p.27

* 10 United Nations, Urban transport development with particular reference to developing countries, New York, 1989, p.5

When public transport services are discontinued, business and services are paralyzed (traduit par nous)

* 11 Y. Bonello, La ville, Presses Universitaire de France, Paris 1996,p.63 collection Que sais-je?

* 12 R. GHIGLIONE et B. MATALON, Les enquêtes sociologiques (Théories et pratique), Armand colin, Paris, 1978, p.11

* 13 ibid, p.144

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry