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Les voies d'exécution OHADA et le droit à  un procès équitable

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par Alain Brice FOTSO KOUAM
Université de Dschang/ Cameroun - DEA 2009
  

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§.1- LES DELAIS DE GRACE

Traditionnellement, il est admis que si le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette, même divisible, il peut néanmoins obtenir des délais de grâce, entendons par là le report ou l'échelonnement du paiement des sommes dues que le juge peut accorder compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier310(*).

C'est la substance même de l'article 39 de l'AUVE qui, reprenant en la matière les dispositions de l'article 1244 du code civil311(*), dispose notamment en son alinéa 2 : « Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, la juridiction compétente peut, sauf pour les dettes d'aliments et les dettes cambiaires, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite d'une année. Elle peut également décider que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital ».

Instaurée ainsi par l'Acte uniforme, cette règle s'avère incontestablement protectrice des intérêts du débiteur en ce sens qu'elle lui procure un certain répit. Ce qui par ricochet constitue une limite au droit du créancier d'obtenir rapidement le paiement de ce qui lui est dû. C'est qu'en effet, ces délais lorsqu'ils sont octroyés ont pour effet principal de suspendre les procédures de saisie. Le créancier nanti d'une créance liquide et exigible perd ainsi le droit de recourir aux mesures d'exécution. C'est ce qui explique que le législateur ait strictement réglementé l'institution dans son domaine (A) et sa durée (B).

A- LE DOMAINE DES DELAIS DE GRACE

Les délais de grâce sont des mesures de clémence à l'endroit d'un débiteur confronté à des difficultés d'exécution qui lui permettront de différer l'exécution de la décision. Lorsqu'ils sont accordés, le créancier voit ses intérêts sacrifiés à l'autel de ceux du débiteur défaillant.

Ce sacrifice doit néanmoins être cantonné dans de justes proportions. C'est en ce sens que le législateur subordonne leur octroi à des conditions strictes.

En l'occurrence, l'Acte uniforme fait injonction au juge pour accorder des délais de grâce de prendre en compte à la fois la situation du débiteur et les besoins du créancier. Sur le premier point, la jurisprudence bien établie, appuyée en cela par la doctrine en a déduit que le débiteur qui en fait la demande doit être malheureux, c'est-à-dire éprouver des difficultés réelles à faire face à ses engagements, et surtout de bonne foi312(*).

De surcroît, l'alinéa 3 de l'article 39 prescrit que le juge peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. Les actes dont s'agit peuvent s'entendre du dépôt ou de la consignation par le débiteur de sommes, d'effets ou valeurs à titre de garantie ou à titre conservatoire conférant le droit de préférence du créancier gagiste313(*).

Par ailleurs l'Acte uniforme exclut formellement du bénéfice des délais de grâce les dettes d'aliments et les dettes cambiaires. Cette exclusion se justifie aisément. Les premières le sont par le caractère alimentaire de la créance, justement sa destinée à assurer la satisfaction des besoins vitaux d'une personne314(*). Quant aux secondes, il est mis en avant le refus d'entraver la circulation rapide des effets de commerce du fait de leur caractère négociable. Il y va de l'intérêt du crédit et de l'économie en général. Et comme le relève fort opportunément un auteur, la jurisprudence des Etats semble s'établir dans ce sens315(*) même si parfois il arrive que les délais soient accordés en matière cambiaire sous prétexte que le débiteur pour témoigner de sa bonne foi, a continué malgré ses difficultés à payer la dette en effectuant des versements partiels acceptés par le créancier316(*).

On déduit dès lors par une lecture à contrario de l'article 39 que les délais de grâce sont partis pour concerner non seulement le débiteur de sommes d'argent, mais encore tous ceux qui sont tenus d'une obligation quelconque civile ou commerciale, de donner ou de faire.

Toutefois, il s'est posé en jurisprudence la question de savoir si les délais de grâce pouvaient concerner le maintien dans les lieux loués du locataire débiteur de loyers à l'encontre duquel il a été rendu une décision judiciaire d'expulsion. La CCJA, par un arrêt du 30 janvier 2003, a répondu par la négative en rappelant que le pouvoir d'accorder un délai de grâce n'englobe pas celui d'ordonner le maintien dans les locaux d'un locataire qui fait l'objet d'une mesure d'expulsion317(*).

Qu'a cela ne tienne, lorsqu'ils sont octroyés, les délais de grâce ont pour effet de suspendre la saisie engagée pendant une durée que le juge aura pris le soin de déterminer.

B- LA DUREE DES DELAIS DE GRACE

Lorsqu'il accorde des délais de grâce, le juge peut décider dans son ordonnance, en vertu de l'article 39, des modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme d'un délai qu'il aura prescrit.

La gamme des mesures qu'il peut être amené à prendre est importante. Ainsi, dans l'aménagement de la dette, le juge peut décider que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital318(*). Ce qui constitue une dérogation importante aux règles traditionnelles de l'imputation des paiements319(*).

Toutefois, le législateur n'a pas abordé le sort des intérêts. A ce propos, une certaine doctrine suggère qu'à défaut d'avoir permis au juge de réduire le taux d'intérêt s'agissant des sommes correspondant aux échéances reportées, l'article 39 aurait pu prévoir que les sommes dues ne produiront pas d'intérêt pendant le délai de grâce octroyé par le juge320(*).

Ce qui est explicite par contre c'est que le juge peut par exemple décider de reporter purement et simplement la dette. En ce cas, le débiteur est autorisé à exécuter son obligation à une date ultérieure déterminée.

Tout autant, il peut décider d'échelonner le paiement c'est-à-dire l'étaler dans le temps. Ce qui a pour effet de transformer une obligation à exécution instantanée en une obligation à exécutions successives321(*). Ainsi, plutôt que d'avoir à payer sa dette à telle ou telle période, la possibilité est donnée au débiteur, sur telle période, de payer telle ou telle somme à telle ou telle fréquence322(*).

Quoi qu'il en soit, le report ou l'échelonnement des paiements des sommes dues accordé par le juge ne peut excéder la durée plafonnée à une année323(*) par le législateur qui toutefois ne s'est pas intéressé sur son point de départ.

Devant le silence du texte communautaire, il peut être fait appel à la jurisprudence. C'est ainsi que celle-ci décide que le délai de grâce court à compter du jugement lorsque celui-ci est contradictoire324(*). Dans les autres cas et notamment en présence d'une décision rendue par défaut ou réputée contradictoire, il ne court que du jour de la signification du jugement.

En clair, lorsqu'ils sont octroyés par le juge, les délais de grâce suspendent les procédures d'exécution contre le débiteur dans un délai fixé par le juge sans que ce délai n'excède le délai légal réduit à une année. Passé ce délai, les poursuites peuvent reprendre leur cours, à moins que le débiteur ne fasse l'objet d'une procédure collective.

* 310 GUILLIEN (R), VINCENT (J), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 186. V° délai de grâce.

* 311 Cet article prévoit « Le débiteur ne peut point forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette, même divisible.

Les juges peuvent, néanmoins, en considération de la position du débiteur et usant de ce pouvoir et surseoir à l'exécution des poursuites toutes choses demeurant en l'état.

En cas d'urgence, la même faculté appartient, en tout état de cause, au juge des référés.

S'il est sursis à l'exécution des poursuites, les délais fixés par le code de procédure civile pour la validité des procédures d'exécution seront suspendus jusqu'à l'expiration du délai accordé ».

* 312 TGI Mifi, n° 12/Civ du 2 mars 1999, Transafricaine Assurance c/ SAAH Dominique et Noundou Victor, Juridis Périodique n° 48, 2001 cité par KUATE TAMEGHE (S.S), op. cit., n° 191, p. 163 ; CA d'Abidjan, arrêt n°86 du 20 janvier 2004, Cissé Yao Jules c/ Assa Bernard Brou Yao, juriscope.org ; ESSAMA (J.A), les délais de grâce avec l'entrée en vigueur de l'Acte uniforme portant voies d'exécution, Revue Africaine des Sciences Juridiques n° 3, Mars 2003, p. 154 et s.

* 313 Il peut aussi s'agir de la fourniture d'une garantie ou de la substitution de garantie lorsque la précédente a péri. Art. 40.

* 314 CA d'Abidjan, Mme Mermoz Roch Pauline et autres c/ Société INDUSCHIMIE, Juriscope.org.

* 315 TPI Dschang, ordonnance n° 19 du 7 juin 2001, Wamba Pierre c/ Société d'Epargne et de Crédit Sc Nking ; TPI Yaoundé, ord. n° 1127 du 2 septembre 1999, p. 37, n° 1158/C du 14 septembre 1999, RCDA n° 2, p. 37 et 38, Obs. IPANDA cité par KUATE TAMEGHE (S), op cit., n° 191, Note de bas de page n° 628, p. 162.

* 316 TGI Ouagadougou, jugement n° 002 du 14 janvier 2003, Ouédraogo B. Cyriaque c/ Sté Burkinabé de Financement, Ohadata J-04-45 cité par DIOUF (N), op. cit., commentaire sous article 39, p. 778.

* 317 CCJA, arrêt n° 002, Société Delmas Vieljeux Côte d'Ivoire c/ Compagnie Ivoirienne d'Export Import. Ibid.

* 318 Art. 39 al. 2.

* 319 Cf. art. 1253 à 1256 du C. civ.

* 320 ASSI-ESSO (A.-M), DIOUF (N), op. cit., n° 68, p. 45.

* 321 ESSAMA (J.A), op cit., p. 157.

* 322 KUATE TAMEGHE (S.S), op. cit., n°187, p. 160.

* 323 Deux années en droit français.

* 324 Civ. 2e, 12 février 2004, BICC n° 596 du 15 mai 2004.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille