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La puissance quasi-illimitée du parlement et la fragilité de la suprématie de la constitution de 1987

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par Destin JEAN
Université d'Etat d'Haà¯ti (Faculté de droit et des sciences économiques de Port-au-Prince).  - Licence 2009
  

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B. DES CONTROVERSES RELEVÉES SUR LA NATURE DU RÉGIME

Depuis l'adoption de la Constitution de 1987, elle n'a guère cessé de faire l'objet de commentaires et critiques. Pour l'essentiel, historiens s'intéressant à l'histoire constitutionnelle du pays, hommes politiques, constitutionnalistes et étudiants en droit ne cessent de confronter leurs points de vue relativement au régime politique institué par la Constitution. Elle est comme un laboratoire intéressant où s'affrontent les curiosités des initiés. En ce qui a trait à la nature du régime, les opinions sont largement partagées à telle enseigne que personne ne peut prétendre faire l'unanimité autour de sa position.

Le professeur Mirlande MANIGAT trouve « une imprécision originelle quant au type de régime politique voulu, ce qui a engendré une voie intermédiaire entre le système présidentiel et le système parlementaire ».143

Pour sa part, professeur Monferrier DORVAL144 pense que le régime politique institué par la Constitution de 1987 est un régime parlementaire dénaturé.

Quant au professeur Patrick PIERRE-LOUIS,145 le régime politique institué par la Constitution de 1987 est un régime parlementaire déséquilibré.

L'historien Claude MOISE eu à avancer : « La Chambre des Députés et le Sénat sont dotés de pouvoirs étendus comparables à ceux d'un régime parlementaire renforcé146. »

De son côté, l'historien Georges MICHEL pense qu'il s'agit d'un régime semiparlementaire147.

143 Voir Traité de Droit constitutionnel haïtien, op. cit., P. 516.

144 Monferrier DORVAL est professeur de droit constitutionnel à la l'U.E.H., tirée de ses notes de cours de droit constitutionnel à la FDSE.

145 Patrick PIERRE-LOUIS est professeur de droit constitutionnel à l'U.E.H., tirée de ses notes de cours de droit constitutionnel à la FDSE.

146 Le Pouvoir Législatif dans le système politique haïtien, 1999, op. cit., Page 126.

147 Le Nouvelliste du Lundi 4 Février 1991, no 33 996.

Selon Lyn FRANÇOIS148 : « Le régime constitutionnel haïtien n'a de parlementaire que le nom ou l'apparence tant il est vrai que l'omnipotence du Parlement fait plutôt penser à la consécration d'un régime directorial ou d'Assemblée ».

En ce qui me concerne, le régime politique institué par la Constitution de 1987 ne peut pas être assimilé, à mon humble avis, à un régime parlementaire classique, et encore moins, à un régime présidentiel, parce qu'il participe à la fois du régime parlementaire et du régime présidentiel. Au premier abord, si l'on s'en tient uniquement à l'agencement institutionnel des rapports entre les Pouvoirs publics constitutionnels, on peut être tenté d'avancer qu'il s'agit simplement d'un régime mixte à forte dominante parlementaire. Néanmoins, si l'on veut associer ce premier élément d'analyse aux prérogatives de législation illimitées accordées au Parlement,149 on pensera plutôt à l'organisation d'un régime d'Assemblée assoupli.

Toutefois, le Parlement n'arrive pas encore à prendre la place qui lui revient dans la « pratique » du régime, en raison de l'instabilité politique provoquant la discontinuité institutionnelle. Ce phénomène récurrent empêche de voir toutes les manifestations de la toute-puissance du Parlement.

§ 2.- LA « PRATIQUE » DU RÉGIME : DISCONTINUITÉ INSTITUTIONNELLE ET

CONTRADICTIONS

La Constitution de 1987, comparée à la Constitution américaine de 1787 ou à la Constitution française de 1958, est relativement jeune. Peut-être même trop jeune pour écrire un traité sur la pratique du régime qu'elle a institué. D'autant que l'instabilité politique vient, par intermittence, rompre l'expérience de la démocratie dans laquelle le pays dit s'engager et qui est, aujourd'hui encore, à une phase émergente.

148 Lyn FRANCOIS est maître de conférences à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Limoges (France) et Membre de l'Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques (OMIJ). Cette position est tirée dans un article soumis à Alter presse le 12 Février 2004. La page est consultée le 12 novembre 2008 sur le réseau alternatif haïtien d'information, cf. http://www.alterpresse.org.

149 Ici, nous pensons tout de suite aux articles 93, in fine, et 97-3 de la Constitution de 1987 référant à la loi pour fixer d'autres attributions à la Chambre et au Sénat. Or, la loi est fondamentalement l'oeuvre de ces deux organes institués par la Constitution. Donc, cela revient à leur accorder implicitement la compétence d'étendre leurs attributions. Jusqu'où peuvent-ils aller dans l'élargissement de leurs pouvoirs ? Le libellé de cet article fait problème.

Il n'en demeure pas moins que, depuis 1987, on a enregistré des tentatives de mise en oeuvre de la Constitution de 1987. Ces moments d'essai ont permis de déceler des survivances du présidentialisme traditionnel dans le comportement des Chefs d'Etat qui se croient obligés de se battre sur tous les fronts.

Ajouter à cela, le gros du Peuple ne semble pas encore intérioriser le nouveau système constitutionnel caractérisé essentiellement par la prédominance du Parlement. Dans l'idiosyncrasie de l'homme de la rue et peut-être même de la plupart de nos hommes politiques, le Président de la République reste et demeure un papa150, sinon le chef, alors que le parlementaire est généralement considéré comme un discoureur ou tout simplement un élément de blocage dans le sens péjoratif du terme. Cela est d'autant plus vrai que le gros de la population à tendance à transformer le parlementaire en « agent de développement » auquel on demande, lors des campagnes électorales, de promettre routes, électricité, ponts, écoles nationales, emplois, etc., au lieu de s'assurer que le candidat en face aura pu faire bonne figure au Parlement en jouant pleinement son rôle législatif et sa fonction de contrôle de l'action gouvernementale.

En effet, on peut facilement avancer que cette situation résulte du déficit d'information ou du faible niveau d'instruction de la population haïtienne. En fait, cette lecture ne se détourne pas de la réalité. Cependant, l'absence de continuité institutionnelle, conséquence de l'instabilité politique et de la faiblesse des institutions, n'en est pas moins une variable explicative du phénomène.

Depuis l'institution de la Constitution de 1987, cinq (5) législatures ont vu le jour. Cependant, elles ne se sont pas succédées dans le cadre d'une continuité institutionnelle. Les élections n'ont pas toujours lieu à temps pour pourvoir aux sièges devenus vacants au Sénat ou en vue du renouvellement intégral de la Chambre. Il arrive même que le Parlement soit devenu inopérant151 ou qu'une Législature entière soit emportée par un coup d'Etat152. De plus, le Peuple a déjà vu un Président de la République en fonction qui dit « constater la

150 L'on n'oubliera pas l'expression «Papa Vincent» ou celle de «Papa Doc» pour designer respectivement le Président Sténiot VINCENT et le Président François DUVALIER. Or, la tradition a la vie dure.

151 Le cas de la 45e Législature, particulièrement au cours de la période du coup d'Etat de 1991.

152 Le cas de la 44e Législature qui n'a pas tenu six (6) mois. Après l'échec des élections de novembre 1987, le Conseil National de Gouvernement (CNG) a organisé des élections en janvier 1988 desquelles sortirent un Président de la République, Lesly F. MANIGAT et une nouvelle Législature. En juin de la même année, un coup d'Etat militaire a emporté le Président de la République élu ainsi que le Parlement.

caducité du Parlement »153 et renvoyer le reste des parlementaires dont le mandat n'était pas pour autant arrivé à terme.

Parallèlement, la Constitution prévoit un mécanisme de rechange relativement facile à mettre en oeuvre en cas de vacance présidentielle. Même lorsque la voie constitutionnelle tracée n'est pas toujours respectée, la fonction présidentielle est toujours occupée. Or, à plusieurs reprises, le pays a fonctionné sans le Parlement. D'où, le citoyen ordinaire ou le non-initié en droit ou à la science politique peuvent en déduire que le Parlement n'a pas grande importance ; s'il doit exister, ses membres feraient mieux de jouer le rôle de relai du Pouvoir Exécutif, notamment dans les provinces. D'où, on peut considérer la discontinuité institutionnelle comme une cause possible de la perception du parlementaire comme « agent de développement » et comme une explication possible aux survivances du présidentialisme traditionnel décelées dans le comportement des Chefs d'Etat ; tandis que le cadre constitutionnel fait du Parlement l'épicentre du régime.

Cette discontinuité institutionnelle qui marque la « pratique » du régime et qui tend à affaiblir le Parlement, va être abordée à la lumière des exemples de crises et vides institutionnels (A) sans oublier l'épineux problème de l'instabilité politique et celui de la faiblesse des institutions (B).

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus