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L'accès de la société civile à  la justice internationale économique

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par Farouk El-Hosseny
Université de Montréal - LLM 2010
  

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5) L'opposition à leur participation

Nombreux sont ceux qui considèrent les multinationales comme agents de leurs pays d'origine, qui proviennent majoritairement des pays développés. Suivant cette vision, les multinationales représenteraient une menace à la souveraineté de l'État dans lequel elles interviennent291. Elles contribueraient à l'inégalité entre les pays et constitueraient un apport à la position des pays développés. Cet argument vaut également pour la société civile. Cette dernière est intervenue pour la première fois devant l'ORD à titre d'amicus curiae dans l'affaire de «Shrimps» pour appuyer la position américaine. C'est à ce titre que la plupart des membres de l'OMC, notamment ceux des pays en développement292, ont critiqué la jurisprudence du groupe spécial et de l'organe d'appel qui a permis pour la première fois ce type d'interventions. Ils considèrent la question de la permission des interventions d'amicus curiae comme une question substantive et non procédurale, à décider et à

291 J. ZERK, op. cit., note 34, p.10.

292 Notée lors de différentes rencontres et conférences, Voir S. TULLY, op. cit., note 47, p. 255-257.

trancher donc par la voie d'un amendement du Mémorandum à sanctionner uniquement par les États membres293. Nous traiterons l'affaire de «Shrimps» plus en détail par la suite. Étant donné la stagnation des négociations du cycle de Doha et les désaccords entre les différents États membres, les organes de l'OMC ont dû réagir face aux pressions de la société civile. Cette dernière frappe sans cesse à leurs portes, bien fermées auparavant, mais qui ont dû désormais s'ouvrir progressivement294. Laisser à l'ORD la tâche de se prononcer sur des questions aussi problématiques risque d'engendrer des tensions et controverses au sein de l'OMC295.

Les membres de l'OMC se sont ainsi mis d'accord pour négocier une réforme de l'ORD (novembre 2001 - Doha)296. Ce projet de réforme devenait impératif afin d'adresser la controverse entourant la participation d'amicus curiae au sein du processus de règlement de différend de l'organisation. Plusieurs pays en développement soupçonnent et n'apprécient nullement le rôle de la société civile, en considérant sa participation comme un apport ou une contribution à la force des pays développés. La raison de ce rejet réside en ce que la plupart des acteurs de la société civile proviennent des pays développés297.

Cet argument repose principalement sur l'expérience dans «Shrimps»298 et dans le cadre d'autres décisions devant l'ORD où les communications d'amicus curiae soulevant des droits et des problématiques non marchandes ont été utilisées

293 Henry GAO, «Amicus Curiae in WTO Dispute Settlement: Theory and Practice», China Rights Forum, 2006, en ligne: www.hrichina.org/public/PDFs/CRF.1.2006/CRF-2006-1 Amicus.pdf, p.55; C. CÔTÉ, op. cit., note 35, p. 410.

294 H. ASCENSIO, op. cit., note 67, p.900.

295 E. PETERSMANN, op. cit., note 24, p. 662.

296 R. PRATAP, «India and Dispute Settlement Reform Negotiations: A Critical Appraisal», dans K. BYTTEBIER et K. VAN DER BORGHT (ed.), «WTO Obligations and Opportunities: Challenges of Implementations», London, Cameron May, 2007, p. 367.

297 N. QUOC DINH, op. cit., note 221, p.114.

298 États-Unis -- Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes (Plaignants : Inde, Malaisie, Pakistan, Thailande), WT/DS58/AB/R, adopté le 6 novembre 1998, DSR 1998:VII, 2755.

pour complémenter et soutenir les arguments des États-Unis et de la Communauté européenne299. La question qui se pose donc est la distinction entre d'une part, l'assistance des tribunaux dans des matières relevant de l'intérêt public telles que l'environnement et les droits de l'homme et d'autre part l'assistance des parties afin d'influencer la décision en leur faveur300. Cette question évoque directement la polémique du New Wave Protectionism où des mesures légitimes, visant la protection de l'environnement à titre d'exemple, seraient présumées et considérées comme des mesures protectionnistes (ou d'expropriation dans le vocabulaire du droit de l'investissement)301. Paradoxalement, ce sont les pays en développement qui ont le plus besoin de ces mesures de protection. Elles assureraient en effet un développement durable et équitable de leurs économies et de leurs sociétés fragiles302. Ce sont également les pays en développement qui ont le plus besoin d'assistance de la part de la société civile et du secteur privé afin d'effectivement accéder et participer à l'ORD303.

Le débat dépasse la question de l'ORD. Initialement, l'Inde et la Chine étaient contre le recours à l'amicus curiae. Elles s'opposaient au principe même de la participation des ONG dans la prise de décisions et dans l'élaboration de politiques sur la scène internationale économique304. Selon elles, ces organismes proviennent de pays développés et adoptent des positions et des valeurs sur l'environnement et les droits de l'homme qui ne reflètent nécessairement pas celles des pays en

299 Voir Institut international pour le développement durable, «Doha Briefing Series: Developments Since the Fourth WTO Ministerial Conference», février 2003, en ligne: http://www.ictsd.org/pubs/dohabriefings/doha8-review-dispute.pdf.

300 Id., note 288

301 C. CÔTÉ, op. cit., note 35, p. 411.

302 James HARRISON, «The Human Rights Impact of the WTO», Oregon, Oxford and Porland, 2007, p.121.

303 Voir C. BOWN et B. HOEKMAN, op. cit., note 4.

304 S. CHARNOVITZ, op. cit., note 30, p. 508.

développement305. Certaines ONG seraient également des entités pseudo-politiques, think tanks, lobbies et groupes protectionnistes qui se faufilent tous dans cette large et hétérogène famille de la société civile306. Dans un différend opposant la Pologne et la Thaïlande, une organisation nommée la Consuming Industries Trade Action Coalition désirait intervenir à titre d'amicus curiae, ce qui a suscité une opposition virulente de la Thaïlande. Cette dernière invoqua un conflit d'intérêts flagrant car ladite organisation aurait utilisé le même conseiller juridique que la Pologne307.

Outre cet argument, nombreux sont ceux qui partagent l'avis que les multinationales et la société civile feraient mieux de mener leurs activités de plaidoyer à l'égard de leurs gouvernements à l'interne plutôt qu'à l'égard d'une organisation internationale308. C'est dans cette optique que des voix s'élèvent contre l'idée d'accorder un statut de personnalité juridique à ces acteurs, ces voix craignant une consolidation et un apport à la position des pays développés309. Ils craignent leur manque d'imputabilité et soulèvent également le danger que des groupes d'intérêts, tels que des groupes protectionnistes, puissent nuire au projet de parvenir à un régime de commerce mondial équitable et équilibré310. Ceux qui sont en faveur de l'intervention de la société civile au sein de l'OMC sont en revanche d'avis que cela ne fera qu'augmenter la transparence et le soutien à l'OMC.

305 S. CHARNOVITZ, op. cit., note 30, p. 482.

306 R. BUCKLEY et P. BLYSCHAK, op. cit., note 36, p. 371.

307 La Pologne aurait violé ses obligations de confidentialité, des documents seraient passés à travers le cabinet juridique la représentant, et qui représentait également la CITAC. Thaïlande - Droits antidumping sur les profilés en fer ou en aciers non alliés et les poutres en H en provenance de Pologne, (Plaignant : Pologne), WT/DS122/AB/R, adopté le 5 avril 2001; H. ASCENSIO, op. cit., note 67, p.919.

308 Id., note 24, p. 483.

309 P. DUMBERRY, op. cit., note 45, p.107.

310 T. MERON, op. cit., note 66, p.321.

Par ailleurs, l'acceptation des interventions d'amicus curiae non sollicitées pose un problème aux pays en développement. Ces derniers n'auraient pas la capacité de répondre à de telles interventions à cause des contraintes de temps et de moyens financiers. Une autre préoccupation est d'assurer que de telles interventions n'affecteront pas l'égalité entre les parties. C'est à cet effet que l'Inde désire l'adoption d'une réforme de l'ORD. Elle propose d'ajouter un paragraphe à ce sujet à l'article 13 du Mémorandum. L'ajout serait l'équivalant à l'article 37(2) du nouveau Règlement d'arbitrage du CIRDI311. En vertu de cet article, le tribunal arbitral s'assure que l'intervention non sollicitée ne perturbera pas l'instance et ne causera pas une charge excessive ou un préjudice à l'une des parties.

Finalement, l'idée de permettre les interventions d'amicus curiae est soulevée afin d'accroître la transparence de l'OMC, un argument adopté par les États-Unis puisque selon eux : <<The public has a legitimate interest in the proceedings >>312. Cette proposition est férocement rejetée par de nombreux pays en développement qui insistent sur la nature interétatique du processus de règlement de différends. L'intervention de ces personnes privées est considérée comme une atteinte à leur souveraineté. Ces pays sont également conscients de la << privatisation de l'État >> dans les pays développés313. En ouvrant cette porte à l'amicus curiae, ils craignent justement l'entrée de puissants groupes corporatistes, d'agents étatiques pseudo

311 R. PRATAP, op. cit., note 296, p. 374.

312 Institut international pour le développement durable, «Doha Briefing Series: Developments Since the Fourth WTO Ministerial Conference», février 2003, en ligne: http://www.ictsd.org/pubs/dohabriefings/doha8-review-dispute.pdf.

313 P. SANDS, op. cit., note 35, p. 535.

politiques déguisés en associations industrielles, commerciales, syndicales, centres de recherches et think tanks314.

Paradoxalement encore, ce sont les pays en développement qui ont le plus besoin de transparence dans ces instances internationales en général et dans les différends d'investissements internationaux en particulier. Une transparence accrue aura pour effet de se prémunir contre un « capitalisme prédateur » qui contesterait - au nom de la protection et la promotion des investissements étrangers - la légitimité des mesures d'intérêt public nécessaire au développement de leurs sociétés.

En bref, pour les soins de cette étude, l'opposition des pays en développement illustre la catégorisation des multinationales et de la société civile en tant qu'acteurs non étatiques complices dans leur prolifération dans l'ordre juridique international, façonné - tel que nous l'avons soulevé - par les États, pour les États. Tout au long de cette partie, nous avons pu identifier d'autres thèmes tels que l'intérêt mutuel pour des préoccupations non marchandes et la règle de droit internationale, le soutien et le recours aux normes de soft law ainsi que le rôle dans l'initiation des différends au sein de l'OMC qui mettent en lumière cette complicité entre les deux acteurs et ce, en dépit de l'arche-rivalité que nombreux sembleraient percevoir hâtivement.

Notre objectif était d'illustrer la symétrie qui existe entre les deux forces en tant qu'acteurs non étatiques afin de mettre en perspective l'asymétrie évidente au niveau de l'accès à la justice internationale économique, traitée ci-dessous. Notons enfin que la position des pays en développement à l'égard de la société civile est loin d'être cohérente ou catégorique. Cette confusion résulte du fait que des ONG ont

314 R. BUCKLEY et P. BLYSCHAK, op. cit., note 36, p. 371.

soutenu tantôt la position des pays en développement dans de nombreuses causes et luttes telles que la réforme d'ADPIC, tantôt la position de pays développés tel que l'indique l'expérience de «Shrimps».

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