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L'accès de la société civile à  la justice internationale économique

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par Farouk El-Hosseny
Université de Montréal - LLM 2010
  

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2) Vers le modèle du procès équitable

L'asymétrie au niveau de l'accès à la justice internationale économique serait un éloignement du modèle du procès équitable qui protège les droits fondamentaux

325 Id., note 324, p.673.

326 Id., note 34, p. 185.

327 Id., note 34, p. 3.

328 M. DELMAS-MARTY, op. cit., note 63, p. 19.

329 M. DELMAS-MARTY, op. cit., note 5, p. 187.

330 E. DARANKOUM, op. cit., note 54, 151.

99 de tous les justiciables. Les exigences du procès équitable sont contenues notamment dans l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1946) qui a

inspiré les autres instruments juridiques internationaux qui traitent du procès équitable331. L'article énonce que :

« Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle332. »

La Déclaration universelle des droits de l'homme n'a pas de valeur normative à cause notamment de l'absence de contrôle juridictionnel333. Elle demeure en revanche un instrument de référence334. La source de l'article 14 du Pacte

international relatif aux droits civils et politiques (ci-après le « Pacte ») et l'article 6-1
de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) est en effet l'article 10
de la DUDH. Elle a également inspiré d'autres instruments internationaux tels que la

Convention américaine des droits de l'homme (1969) et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981)335.

L'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ciaprès le « Pacte ») stipule le droit à un procès équitable et les garanties procédurales disponibles à tout justiciable. Le Pacte permet des communications individuelles

331 L'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), l'article 6-1 de la Convention Européenne des droits de l'homme (1950), et de nombreux TBI contiennent également des exigences en matière de procès équitable.

332 Article 10, Déclaration universelle des droits de l'homme (1948).

333 S. GUINCHARD, op. cit., note 276, p.88.

334 Id., note 276, p.89.

335 Id., note 276, p. 407.

contre les États signataires devant le Comité des droits de l'homme de l'ONU336. Ce recours vise uniquement les particuliers excluant ainsi les personnes morales. Il est ineffectif à moins que l'État signataire n'ait adhéré à un protocole facultatif. Tous les États ne sont donc pas liés par ce mécanisme.

La CEDH est cependant génératrice de la jurisprudence la plus abondante en matière de droits de l'homme. Son article 34 établit que toute personne peut instituer un recours directement contre un État signataire qui a violé les obligations de la convention devant la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. Le requérant peut être un particulier, une personne morale, une ONG ou un simple regroupement de personnes. La CEDH garantit ainsi un accès à la justice internationale à toute personne, soit la garantie d'un droit à un recours et le droit à un juge. La société civile peut à ce titre se prévaloir d'un recours institué en vertu de l'article 34 de la CEDH. Tel que nous le verrons plus loin, les juridictions du droit international économique ne garantissent pas un tel droit à la société civile.

Le procès équitable permet par ailleurs d'assurer le respect des garanties d'une bonne justice et la protection des garanties fondamentales337. En effet, la garantie d'un procès équitable compte parmi les piliers de toute société démocratique338. Les garanties d'une bonne justice sont illustrées notamment par la publicité des audiences, par l'indépendance et l'impartialité du tribunal ainsi que par l'obligation de délai raisonnable pour juger339.

336 Id., note 276, p.90.

337 S. GUINCHARD, op. cit., note 276, p.408.

338 Julie MEUNIER, « Le procès équitable devant la Cour européenne des droits de l'homme », dans Hélène RUIZ FABRI (dir.), Procès équitable et enchevêtrement des espaces normatifs, Paris, Société de législation comparée, 2003, p.191.

339 Id., note 276, p.412.

La publicité de la procédure (débats et prononcé de la décision) est un principe fondamental consacré par l'article 6-1 de la CEDH protégeant les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public et contribuant à préserver la confiance dans les cours et les tribunaux. La publicité de la procédure octroie une transparence de l'administration de la justice qui contribue à l'atteinte de l'objectif du déroulement d'un procès équitable.

Le standard du procès équitable peut se transposer avec flexibilité d'un espace normatif à un autre340. Tel qu'évoqué auparavant, les Principes ALI / UNIDROIT de procédure civile transnationale facilitent ce transfert. Elles énoncent les garanties de droits fondamentaux de la procédure, elles-mêmes inspirées d'un rapprochement des systèmes juridiques. Leur objectif est d'élaborer : << une procédure mondialisée pour une économie mondialisée »341. Le Pacte, l'article 6-1 de la CEDH et les Principes d'ALI/UNIDROIT permettent l'atteinte d'un modèle du procès équitable universel. Les préceptes d'équité, de loyauté, de liberté d'accès à la justice et de liberté de la défense ont été transposés dans les engagements internationaux et européens342. En effet, l'influence notoire des instruments internationaux des droits de l'homme ou de libertés et des droits fondamentaux domine l'ordre juridique. Le domaine procédural est également affecté, on parle alors de droits fondamentaux du procès cristallisés343. L'accès à la justice est une question d'ordre public international. Un véritable droit substantiel à un procès équitable conforme aux exigences d'un État démocratique et

340 Payam SHAHRJERDI et Vincent TOMKIEWICZ, V., << Le procès équitable dans l'espace normatif de l'OMC », dans Hélène RUIZ FABRI (dir.), Procès équitable et enchevêtrement des espaces normatifs, Paris, Société de législation comparée, 2003, p.269.

341 E. DARANKOUM, op. cit., note 54, p. 159.

342 S. GUINCHARD, op. cit., note 276, p.19.

343 E. DARANKOUM, op. cit., note 54, p. 162.

par la même aux garanties fondamentales d'une bonne justice s'internationalise344. Nous pouvons dès lors examiner le transfert de ces exigences aux juridictions du droit international économique.

Ces exigences semblent être assurées prima facie par le Mémorandum de règlement de différends de l'OMC. Les règles de l'organisation consacrent en effet une garantie juridictionnelle du droit à un recours, d'un droit à un appel, de l'indépendance et de l'impartialité des membres, du caractère raisonnable du délai pour rendre et exécuter les décisions, de la publicité des décisions ainsi que de l'exigence de la bonne foi dans l'engagement des procédures345. Les États impliqués dans un différend doivent en revanche consentir à la publicité de l'audience, à savoir son ouverture au public, ce qui s'est déjà passée à maintes reprises face à la pression citoyenne et à celle de la société civile346. La confidentialité des audiences à l'ORD est notamment un élément qui démontre l'absence d'une qualité juridictionnelle, confidentialité d'ailleurs remise en question et délibérée dans le cadre de la réforme de l'ORD prévue à Doha347.

Ladite réforme concerne également la question de la soumission des mémoires d'amicus curiae à l'ORD. En effet, l'équité ou l'éthique procédurale sont des notions qui permettent de croire qu'une procédure équitable suffit à garantir une décision juste. Or, le but à travers la procédure d'amicus curiae est en partie de: « (...) garantir, grâce à ses lumières, un procès équitable (...) »348. Les soumissions

344 Id., note 276, p.19.

345 P. SHAHRJERDI et V. TOMKIEWICZ, op. cit., note 340, p.271.

346 OMC Nouvelles 2005, « L'OMC ouvre pour la première fois au public une procédure de groupe spécial », 12 septembre 2005, en ligne : http://www.wto.org/French/news_f/news05_f/openpanel_12sep_f.htm.

347 S. GUINCHARD, op. cit., note 276, p.958.

348 Raymond GUILLIEN et Jan VINCENT, « Lexique des termes juridiques », Paris, Dalloz, 2003, p.39.

d'amicus curiae soulèvent au tribunal des faits et des arguments en vue de l'aider à rendre une décision plus juste et complète. Le droit commun du procès légitimerait, même dans la sphère internationale judiciaire, les interventions d'amicus curiae349.

L'amicus curiae est effectivement recevable devant les tribunaux pénaux internationaux, la Cour européenne des droits de l'homme de même que la Cour interaméricaine des droits de l'homme350. La question est fortement débattue au niveau de la CIJ où a priori cette procédure est ouverte uniquement aux organisations internationales intergouvernementales351. Au niveau de l'OMC, des mémoires d'amicus curiae ont été communiqués au groupe spécial et à l'organe d'appel dès le premier différend qu'ils ont réglé. Suivant le précédent du GATT, les deux instances ont rejeté ces mémoires352. En effet, cette position se conformait à la nature et à la vision exclusivement et strictement interétatique du GATT héritées par l'OMC353.

La situation a évolué depuis puisqu'aujourd'hui la jurisprudence de l'OMC impliquant les interventions d'amicus curiae émanant de la société civile et d'entités corporatives est importante. Ces interventions ont été effectuées en dépit de l'absence de dispositions qui les permettent explicitement. Tel que nous le verrons, annexer le mémoire à celui d'un État partie au litige est l'unique voie garantissant à un acteur non étatique d'être entendu par le groupe spécial ou l'organe d'appel. Il s'agit d'une faculté soumise à l'entière discrétion des membres. Le droit d'être entendu de ces acteurs n'est ni reconnu ni garanti; seuls les États parties bénéficient de ce droit.

349 M. DELMAS-MARTY, loc. cit., note 5, p. 161.

350 M. DELMAS-MARTY, op. cit., note 7, p. 166; Voir également H. ASCENSIO, loc. cit., note 67, p.901-902.

351 Selon une interprétation de l'article 34, paragraphe 2, du Statut de la Cour, Voir Id., note 67, p.906.

352 H. GAO, op. cit., note 293, p.405.

353 P. SANDS, op. cit., note 35, p. 544.

En tant que juridiction interétatique, le système de l'ORD est caractérisé par son horizontalité où la souveraineté des États demeure un principe cardinal; d'où l'opposition ardue à toute forme d'intervention dans ce système par la société civile354. L'idée est évidente également à la CIJ où l'État demeure le principal acteur et partie aux différends. Tel que nous l'avons vu, ceci n'est plus tout à fait véridique pour l'OMC, où les États sont notamment perçus comme les porte-paroles des acteurs économiques dans le domaine de règlement des différends.

La situation diffère en revanche dans le cadre de l'arbitrage des différends d'investissements. Les acteurs non étatiques y sont des justiciables pour qui : « le juge « naturel », de droit commun, est et reste le juge interne»355. Ces personnes s'attendent à une justice équivalente à celle qui se trouve en droit commun. Le CIRDI, en tant que mécanisme international de règlement de litige entre personnes privées et États, a pu faire preuve de sa capacité à institutionnaliser les exigences du procès équitable356. La nouvelle réforme de sa procédure a permis notamment l'intervention de la société civile dans le procès et la publicité des audiences. Il s'agit d'un droit d'accès à la procédure qui consacre le droit d'intervenir et non d'un droit d'accès à la justice, qui vise le droit à un recours et à un juge. Or, le droit prévu par la réforme vise uniquement l'intervention dans la procédure à titre d'amicus curiae et non à titre de partie au litige. Nous examinerons plus en détail ladite réforme plus loin.

354 S. GUINCHARD, op. cit., note 276, p.955.

355 Id., note 276, p.956.

356 S. GUINCHARD, op. cit., note 276, p.989.

Donc, ni l'accès à la justice ni l'accès à la procédure ne sont garantis pour la société civile à l'ORD. Nous verrons que cela vient de changer au niveau de l'arbitrage des différends d'investissement. L'idée de l'accès à la justice de la société civile est cardinale étant donné que la complexité, les coûts et les rapports de force ont un effet dissuasif pour les justiciables. L'accès à la justice économique internationale par des justiciables lésés n'est pas prévu. L'investisseur qui violerait des droits fondamentaux par son activité ne serait a priori pas sanctionné par la justice internationale économique. Les multinationales ou les investisseurs sont les uniques acteurs qui peuvent se prévaloir d'un accès à la justice internationale économique. Ce monopole d'accès devrait être brisé afin de permettre à tous les justiciables et toutes les parties prenantes affectés par le différend d'investissement d'être entendus. Tel que traité plus haut, le déni de justice aux ressortissants étrangers, qui est une violation de droit international, ne devrait pas conduire à un déni de justice aux justiciables locaux ou nationaux affectés par le différend. Un double standard est évidemment en cause.

En effet, à l'exception de l'espace européen, les instruments et les réparations d'accès direct pour soulever des violations de droits de l'homme demeurent largement inefficaces. A l'inverse, l'accès direct des individus contre les États pour soulever des violations de droit international devant des juridictions internationales fleurit dans le domaine d'arbitrage d'investissements. L'action de la société civile en défense et en représentation d'intérêts collectifs pourrait remédier à ce double standard ou à cette asymétrie relative à l'accès à la justice. Certains groupes de la société civile ont été effectivement reconnus comme défenseurs de ces intérêts

collectifs - traditionnellement garantis et protégés par l'État - au niveau

international357. En revanche, ceux-ci sont souvent dilués et ignorés eu égard aux réticences politiques, aux discrétions et sélectivités, aux manques de ressources, aux soucis des représailles ou encore aux contraintes contractuelles face à l'investisseur. L'intervention de la société civile, mieux informée et avisée, pour la défense des intérêts collectifs s'impose.

De plus, cela contribuerait à un rapprochement d'un modèle de démocratie universelle ou internationale participative-délibérative. En ce qui concerne la société civile et les diverses parties prenantes, ce modèle leur permettrait d'avoir un accès approprié à l'information, de participer aux processus décisionnels ainsi que d'avoir un accès effectif aux procédures administratives et judiciaires358. L'accès à l'information, la participation aux décisions et processus normatifs internationaux et l'accès aux recours (administratifs et judiciaires) sont en effet les trois axes de la gouvernance mondiale359.

Reconnaître le droit d'agir de la société civile dans un souci de gouvernance et d'effectivité des droits fondamentaux, c'est reconnaître l'émergence de nouveaux intérêts et la complexité des relations économiques internationales. Il s'agirait enfin de remédier à cette asymétrie qui établit un double standard indu et injuste entre les investisseurs et les autres justiciables.

357 C. CÔTÉ, op. cit., note 35, p. 303.

358 E. DARANKOUM, op. cit., note 54, p. 160.

359 Id., note 54, p. 161.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway