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L'accès de la société civile à  la justice internationale économique

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par Farouk El-Hosseny
Université de Montréal - LLM 2010
  

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2) Une approche intégrée et progressiste

Les différends internationaux économiques contemporains dépassent les problématiques strictement économiques ou commerciales. Des questions de droits de l'homme, de droit environnemental et de droits socio-économiques, donc de droits

437 A. VAN DUZER op. cit., note 382, p. 6.

438 Delyan DIMITROV et Laurence SHORE, «The Public Interest In Private Dispute Resolutions», dans KLAUSEGGER et al. (dir.), Austrian Arbitration Yearbook 2009 , Vienne, Manz C.H. Beck Stampfli, 2009, p.163.

439 S. CHARNOVITZ, loc. cit., note 30, p. 491.

440 R. CASANOVA-JIMENEZ, op. cit., note 43, p.89.

441 Id., note 43, p.92.

non marchands, sont manifestement en cause et ce, de plus en plus442. Des critiques soulèvent ainsi l'aveuglement de la jurisprudence du droit international économique quant à la prise en compte de ces questions dans le cadre de leurs analyses juridiques443.

Pourtant, le cadre normatif semble immuable à cette prétention. À titre d'exemple, les préambules de l'ALENA et de l'OMC reconnaissent explicitement le développement durable. Le Chapitre XI de l'ALENA prévoit également des dispositions d'exceptions concernant la validité et le droit de recourir aux mesures restrictives, sociales et environnementales, incarnant l'intérêt public (Articles 1101(4) et 1114 (1)). Ces articles constitueraient l'équivalent de l'article XX(b) du GATT444. De plus, l'accord rejette et décourage le dumping social. Tel qu'abordé plus haut, il s'agit d'une stratégie étatique visant à adoucir les mesures de protection de l'environnement, de la sécurité et de la santé au travail dans le but d'encourager les investissements étrangers445. Les parties ont prévu également l'Accord nordaméricain de coopération dans le domaine de l'environnement, qui établit le développement durable en tant qu'un de ses principaux objectifs446. L'Accord nordaméricain de coopération dans le domaine du travail impose également aux parties l'obligation de maintenir de hauts standards de travail447. Ces articles constituent le fondement juridique pour l'adoption de mesures visant à protéger les préoccupations et les droits non marchands. Ils accordent à ces mesures légitimité et harmonie dans le

442 R. BUCKLEY et P. BLYSCHAK, loc. cit., note 36, p. 356.

443 K. MOLTKE et H. MANN, loc. cit., note 50, p. 111.

444 D. SCHNEIDERMAN, loc. cit., note 34, p. 90.

445 Article 1114 (2), l'Accord de libre échange nord-américain, (1994).

446 Article 1(b) : « favoriser un développement durable fondé sur la coopération et sur des politiques environnementales et économiques cohérentes », l'Accord nord américain de coopération dans le domaine de l'environnement, (1994).

447 Article 2: « (...) each Party shall ensure that its labour laws and regulations provide for high labour standards, consistent with high quality and productivity workplaces, and shall continue to strive to improve those standards in that light», l'Accord nord américain de coopération dans le domaine du travail, (1994).

contexte de protection et d'encouragement de l'investissement ou du commerce mondial448.

Par ailleurs, le droit de l'investissement étranger est constitué par un système ramifié, non structuré, de règles émanant de traités bilatéraux, régionaux, multilatéraux, de codes de conduite et autres instruments449. Il s'agit d'un cadre juridique combinant règles formelles et semi-formelles (hard et soft law)450. Celui-ci serait inadéquat et insuffisant vu que les règles contraignantes de ce régime couvrent uniquement les droits des investisseurs (hard law - traités et accords) et non leurs obligations (soft law - codes de conduite et initiatives internationales telles que le Pacte mondial)451.

Selon une perspective strictement positiviste, ces traités ne sanctionnent pas conventionnellement des questions d'intérêt public ou non marchandes452. En d'autres termes, leurs dispositions n'obligent pas les parties à respecter les exigences du développement durable à titre d'exemple. En principe, les tribunaux appliquant les traités ne seraient donc pas tenus de prendre en compte ces questions. L'analyse par les tribunaux de la notion d'expropriation illustre cette problématique. Selon nous, la question suivante s'impose : comment tracer la limite entre les mesures légales, non discriminatoires, visant un intérêt public et légitime, donc non assujetties à compensation pour expropriation, et celles qui entraîneraient expropriation et

448 C. BROWER, op. cit., note 315, p.384.

449 Eva NIEUWENHUYS, «Global Development through International Investment Law: Lessons learned from the MAI», dans Nico SHRIJVER et Friedl WEISS (dir.), International Law and Sustainable Development, Leiden, Martinus Nijhoff, 2004, p. 296.

450 S. PICCIOTTO, op. cit., note 43, p. 184; D. SCHNEIDERMAN, loc. cit., note 34, p. 9.

451 E. NIEUWENHUYS, op. cit., note 449, p. 297.

452 E. KENTIN, loc. cit., note 42, p.330.

compensation453? Il faut par ailleurs se demander si l'état du droit actuel édicterait que toute mesure de ce type constituerait automatiquement une expropriation454. Nombreuses décisions arbitrales ont été ainsi critiquées pour avoir retenu une analyse strictement économique afin de déterminer s'il y a eu ou non expropriation donnant ouverture à compensation par l'État poursuivi.

Une illustration de la prise en compte d'une analyse strictement économique se retrouve dans les arguments soulevés par Methanex contre les États-Unis et la décision dans Metalclad c. Mexico. En effet, Methanex considérait que les mesures californiennes constituaient de l'expropriation violant l'article 1110 de l'ALENA. L'argumentation de Methanex se basait sur une analyse qui tenait compte uniquement de l'impact économique causé par les mesures en cause455. Cette approche a déjà été retenue dans un différend antérieur, Metalclad c. Mexico couvert également par le Chapitre XI de l'ALENA. Il ne s'agit donc pas d'une approche étrangère à la jurisprudence du Chapitre XI de l'ALENA456.

La filiale mexicaine de Metalclad s'est vue refuser l'octroi d'un permis de construction municipal à plusieurs reprises. Le refus était fortement lié à la gestion des déchets toxiques industriels de la filiale. 20,000 tonnes de déchets chimiques coulaient dans les réserves d'eau potable de la municipalité, entraînant des manifestations importantes de la part de la communauté locale457. Le tribunal n'a pas pris en compte ces facteurs et n'a pas reconnu l'intérêt public en cause, ni le motif de santé publique justifiant le refus d'octroi du permis. D'autant plus qu'en présence de

453 Id., note 42, p. 327.

454 Id., note 42, p.329.

455 H. MANN, op. cit., note 390, p.6.

456 D. SCHNEIDERMAN, loc. cit., note 34, p. 83.

457 Id., note 42, p. 82.

ces faits, Metalclad ne pouvait pas se prévaloir valablement de l'argument d'expropriation458. Au contraire, les divers obstacles bureaucratiques et administratifs auxquels Metalclad a fait face ainsi que ledit refus ont été jugés en tant que violations au principe du traitement juste et équitable de l'article 1105, s'agissant d'une expropriation selon l'article 1110 de l'ALENA459. En effet, la décision accorde aux investisseurs ce qu'ils invoquent typiquement dans ces litiges, c'est-à-dire une portée et une interprétation assez large de la notion d'expropriation460.

Le tribunal dans Methanex a en revanche opté pour une approche progressiste afin d'analyser s'il y a eu ou non expropriation, en adoptant une approche similaire à celle proposée et soulevée par les amicus curiae représentés par la société civile. En effet, le tribunal a trouvé que les mesures règlementaires ne constituaient pas une expropriation, non assujetties donc à une compensation. L'analyse du tribunal a été guidée par certains critères, soit : (a) les mesures entérinent un objectif d'intérêt public, tel que la protection de l'environnement; (b) elles doivent être non discriminatoires; (c) et adoptées selon un processus légal, soit conformément au bénéfice des garanties ou des protections requises par le droit (due process) et non selon un processus arbitraire ou discrétionnaire461. La mesure en question était basée sur une étude scientifique effectuée par l'University of California et non sur des motifs politiques tel que suggéré par Methanex462.

458 Id., note 34, p. 84.

459 E. KENTIN, loc. cit., note 42, p.330.

460 S. TULLY, loc. cit., note 47, p. 322.

461 D. SCHNEIDERMAN, loc. cit., note 34, p. 95; H. MANN, op. cit., note 390, p.7; Methanex Corporation c. United States of America, Decision of the Tribunal on Petitions from Third Persons to Intervene as «Amici Curiae, précité note 376, p.14.

462 Id., note 34, p. 93.

Le tribunal dans Methanex a ainsi rejeté l'approche de Metalclad en refusant de prendre en compte un facteur économique unique. Il a choisi d'adopter une approche éclectique afin de parvenir à sa décision. Le tribunal dans Metalclad avait:

« (...) took an approach much more akin to a classic police powers approach under international law. (...) In effect, the Methanex Tribunal has applied a modern regulatory

approach to the police powers concept, an approach long argued for by IISD and other civil society groups »463.

Cette approche éclectique serait véritablement inspirée des préceptes du développement durable et du principe d'intégration qui en découle. Selon ces principes, une analyse globale des intérêts et des problématiques en cause devrait avoir lieu afin de parvenir à une décision juste et équilibrée464. Les tribunaux appliquant les règles du Chapitre XI de l'ALENA seront certainement réticents à imposer des limites et des restrictions absolues au pouvoir règlementaire des États visant la protection des préoccupations non marchandes465.

De nombreux auteurs soulèvent ainsi que la jurisprudence du droit international économique au XXIème siècle sera de plus en plus focalisée sur les droits socio-économiques. Selon eux, cet exercice d'équilibre et de conciliation sera de plus en plus en cause466. En dépit du fait que la stare decisis n'existe pas dans ce type de juridictions, ils sont d'avis que la décision dans Methanex a établi un précédent467.

463 H. MANN, op. cit., note 390, p.6.

464 E. KENTIN, loc. cit., note 42, p.333.

465 C. BROWER, op. cit., note 315, p.398.

466 Id., note 315, p.399.

467 H. MANN, op. cit., note 390, p.9.

BGT c. Tanzanie468 est une autre décision où le tribunal a décidé conformément à ladite approche progressiste, soit en prenant également en compte dans son analyse des facteurs autres qu'économiques. Un consortium anglo-allemand s'est vu accordé une concession pour la distribution de services d'eau potable et de traitement d'égout aux résidents de Dar Es Salam. Cette concession entraîne la privatisation de la fourniture de ces services de base. Il importe de noter que cette concession a été octroyée selon les exigences d'un prêt accordé à la Tanzanie en 2003 par la Banque mondiale et autres institutions bancaires. Le prêt de 140 millions de dollars américains a pour but l'amélioration et l'expansion du système de traitement d'eau et d'égout de Dar Es Salam.

La Tanzanie a cependant révoqué la concession et a entrepris d'autres mesures contre le consortium. La concession a été révoquée notamment à cause du défaut de la part de BGT de respecter ses engagements contractuels. BGT a considéré que ces mesures constituaient une expropriation et une violation du traitement juste et équitable. L'entreprise a donc poursuivi la Tanzanie devant le CIRDI en vertu du TBI Grande Bretagne - Tanzanie.

Cinq ONG spécialisées dans le domaine des droits de l'homme, du développement durable et de l'environnement ont présenté une demande d'intervenir à titre d'amicus curiae. Le tribunal a accepté cette demande en exigeant la présentation d'un mémoire conjoint de tous les amici curiae. Cette décision a été rendue nonobstant l'opposition de BGT en vertu du nouveau règlement d'arbitrage du

CIRDI, que nous examinerons ci-dessous469. En citant Methanex, cette décision a été également appuyée par l'existence d'un intérêt public considérable en cause, qui dépasse les questions typiquement soulevées dans l'arbitrage commercial international470.

Les amici curiae ont notamment soulevé l'existence d'obligations de droits de l'homme et de développement durable applicables à l'investisseur dans l'opération d'infrastructures essentielles au bien-être de la population. Applicables initialement à l'État, ces obligations lui sont transposées dès le moment où l'investisseur devient l'opérateur privé responsable de la fourniture de services de base essentiels à la population. Cette affirmation a été reprise dans la décision du tribunal qui a confirmé que l'accès à l'eau potable est un droit de l'homme tel que reconnu par l'ONU, et tel que consacré par les objectifs du Millénaire471. Les amici curiae ont soutenu que BGT n'a pas respecté cette responsabilité étant donné le déclin dans l'accès à l'eau potable dans plusieurs zones de Dar Es Salam. Donc, BGT a violé ses obligations contractuelles. En les considérant « utiles », le tribunal a pris en compte les soumissions des amici curiae quant à la responsabilité et l'obligation des investisseurs étrangers dans les secteurs hautement sensibles pour la collectivité tels que la distribution d'eau potable472.

Toutefois, BGT avait soulevé de nombreuses difficultés, d'empêchements administratifs et d'autres mesures qui ont entravé la conduite de ses opérations. Le

469The Lawyers' Environmental Action Team, Legal and Human Rights Center, Tanzania Gender Networking Programme, Center for International Environmental Law, et International Institute for Sustainable Development. Voir Biwater Gauff (Tanzania) Ltd v. United Republic of Tanzania, précité note 468, p.17.

470 Id., note 468, p. 101.

471 Id., note 468, p.107.

472 Id., note 468, p.112.

tribunal a affirmé qu'une diligence préalable repose aux investisseurs avant de décider de se lancer dans leur investissement. Il a signalé que les risques inhérents aux affaires ne relèvent pas du champ d'application de la notion d'expropriation473. Cet argument a été également soulevé par les amici curiae dans leur mémoire. Le tribunal a ainsi trouvé que les violations de la Tanzanie n'ont pas causé les pertes subies par BGT, rejetant ainsi ses demandes pour l'octroi de dommages à titre de compensation pour expropriation.

Retournons à présent au niveau de l'OMC, où les arguments de droit de la société civile, confirmés par l'ORD, peuvent décidément avoir effet sur la jurisprudence de l'OMC et sur l'interprétation de son droit474. En effet, lorsque la société civile intervient dans un différend, non seulement elle plaide ce que le droit est, mais également ce que le droit devrait être. Plusieurs ONG environnementales cherchent ainsi à ce que les accords de l'OMC soient interprétés à la lumière des principes du développement durable et d'autres principes de droit environnemental, ou que les questions environnementales aient préséance sur les questions économiques dans le cas de contradictions ou de conflits475. La société civile vise clairement à intervenir dans ces différends pour soulever des préoccupations d'intérêt public, les associer à l'interprétation du droit international économique et les inclure dans le développement de ce droit à travers sa jurisprudence476. Leur intervention aurait un impact sur le droit international économique conformément à l'idée soulevée par Charles-Emmanuel Côté :

473 Id., note 468, p.178.

474 R. CASANOVA-JIMENEZ, loc. cit., note 43, p.39.

475 Id., note 43, p.41.

476 C. CÔTÉ, op. cit., note 35, p. 416.

« Il est permis de penser toutefois qu'il contribuera à l'élargissement des perspectives et au décloisonnement du droit international économique, par la prise en considération des

aspects non-commerciaux de son application et celle des autres branches du droit international »477.

C'est ce que nous noterons dans «Shrimps» et dans EC-Asbestos où l'organe d'appel a dû trouver un équilibre entre des problématiques environnementales et de santé publique, et des mesures restrictives au commerce entraînant la violation de droits économiques478. Selon la doctrine, la décision de l'organe d'appel dans «Shrimps» est sans aucun doute édifiante479. La décision marque et illustre un défi notoire auquel l'ordre juridique international fait face, soit la transformation de cet ordre par l'avènement de nouveaux acteurs non étatiques480. Ces derniers invoquaient effectivement la nécessité d'intégrer le droit de l'environnement au droit de l'OMC481.

L'ORD a cependant décidé que les mesures étatiques unilatérales restrictives au commerce étaient non recevables même en présence de motifs environnementaux482. En se prévalant des principes de la Déclaration de Rio et de l'Agenda 21, «Shrimps» reconnaît la légitimité des mesures de protection de l'environnement restrictives au commerce. Cette reconnaissance s'applique

477 Id., note 35, p. 419.

478 D. SCHNEIDERMAN, loc. cit., note 34, p. 66; Id., note 35, p. 405.

479 États-Unis -- Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, précité note 74.

480 L'auteur attribue également ce même effet à l'affaire Pinochet puisque cette décision défiait à son tour un des piliers de cet ordre juridique international : l'immunité souveraine. Voir P. SANDS, op. cit., note 35, p. 180.

481 H. ASCENSIO, loc. cit., note 67, p.925.

482 D. SCHNEIDERMAN, loc. cit., note 34, p. 65.

également aux mesures à portée extra-juridictionnelle lorsque celles-ci sont fondées sur un consensus international483.

Dans cette affaire, les États-Unis avaient interdit l'importation de crevettes provenant de quatre États asiatiques : l'Inde, la Malaisie, la Thaïlande et les Philippines. La méthode utilisée dans ces États pour pêcher les crevettes était, selon la position américaine, nuisible à l'environnement. Cette méthode causait la mort accidentelle des tortues, allant à l'encontre d'un règlement fédéral américain484. Les Tiger Economies impliquées contestaient cette interdiction qui, selon eux, serait une violation incontestable des principes de libre échange de l'OMC. Le soupçon au regard de ces mesures a été évidemment immédiat. Les pays en développement en général craignent la mise en place de telles mesures restrictives au commerce par des économies puissantes, justifiées par le prétexte de la protection de l'environnement. Bien évidemment, de telles mesures rentreraient dans le cadre d'un New Wave Protectionism485, dangereux car des préoccupations légitimes comme celles de l'environnement ou reliées au droit du travail seraient utilisées comme outils protectionnistes.

Le groupe spécial a décidé que les mesures contestées étaient incompatibles avec l'alinéa XI (1) du GATT de 1994, étant des restrictions quantitatives autres que

483 États-Unis -- Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, précité note 74, Paragraphe 168; E. KENTIN, loc. cit., note 42, p.331.

484 Turtle Conservation; Shrimp Trawling Requirements, 52. Fed. Reg. 24244 (June 29, 1987) dans P. SANDS, op. cit., note 35, p. 534.

485 Le New Wave Protectionism ou « protectionnisme vert » est à nuancer avec le Grandfather Protectionism. Ce dernier impliquaient notamment la mise en place de barrières tarifaires et d'impositions discriminatoires aux produits étrangers. L'objectif du GATT était d'éliminer de telles mesures pour protéger et accroître le commerce mondial, tandis qu'avec le New Wave Protectionism, les États membres de l'OMC font face à de nouvelles formes et méthodes protectionnistes plus subtiles basées à titre d'exemple sur la protection de l'environnement ou les normes du travail. Voir Rubens RICUPERO, «Trade and Environment : Strengthening Complementarities and Reducing Conflicts», dans Gary P. SAMPSON et W. BRADNEE CHAMBERS (dir.), Trade, Environment, and the Millenium, New York, United Nations University Press, 2002, p.32; P. ROSIAK, loc. cit., note 34, p. 112.

celles permises par l'accord. Par ailleurs, celles-ci ne pouvaient être justifiées au regard des exceptions générales de l'article XX du GATT de 1994 et de son paragraphe (g) concernant la conservation des ressources naturelles épuisables486. L'organe d'appel a cependant surpris de nombreux commentateurs en décidant que ces mesures étaient provisoirement justifiées selon l'article XX (g) du GATT de 1994. Les États-Unis auraient un intérêt juridique dans la protection des tortues, ressource naturelle commune et en danger d'extinction487, infirmant ainsi la décision du groupe spécial, mais en ajoutant que les mesures des États-Unis ne satisfaisaient pas aux prescriptions générales énoncées dans le texte introductif de l'article XX du GATT de 1994488.

Dans l'affaire CE- Asbestos489, le différend est survenu suite à l'adoption d'un décret français interdisant l'utilisation de l'amiante ou des produits en contenant. L'organe d'appel a décidé que la France avait le droit de protéger la santé publique en vertu de l'article XX(b) du GATT, signalant toutefois que l'ORD ne serait peut être pas aussi inflexible vis-à-vis les mesures d'intérêt public restrictives au commerce490. La décision a donc reconnu le droit de la France de protéger la santé publique en adoptant des mesures restrictives au commerce de l'amiante.

Ce constat a indiqué clairement que l'organe d'appel est soucieux d'interpréter les accords de l'OMC à la lumière des autres traités et accords du droit

486 La décision du Groupe spécial concordait avec la jurisprudence du GATT, notamment celle dans États-Unis- Restrictions à l'importation de thon (Plainte du Mexique) (1994), GATT Doc. DS29/R; Voir Id., note 35, p. 112.

487 États-Unis -- Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, précité note 74, Paragraphe 187; P. SANDS, loc. cit., note 35, p. 535.

488 D. SCHNEIDERMAN, loc. cit., note 34, p. 66.

489 Communautés européennes - mesures affectant l'amiante et les produits en contenant (Plaignant : Canada), WT/DS135/R, adopté le 12 mars 2001.

490 Id., note 34, p. 66.

international491. C'est ce que l'ILA, organisation de la société civile dont nous avons traité, encourageait dans le but d'accroître la transparence de l'OMC492. L'organe d'appel a également soulevé le principe de précaution dans son analyse de la compatibilité des mesures européennes contre le boeuf américain dans CE-Hormones. Selon ce principe, en cas de risque de dommages graves, l'absence de preuve scientifique déterminante ne devrait pas justifier l'omission d'adopter des mesures visant à protéger l'environnement ou la santé publique493. Il s'agit d'un grand principe préétabli par la Déclaration de Rio de 1992, au même titre que le développement durable. Il est inclus dans les Directives de l'OCDE et les Normes de l'ONU traitées plus haut494, il fait également partie des 10 principes essentiels du Pacte mondial (Principe 7)495.

L'interprétation de la notion d'expropriation ou du droit de l'OMC devrait ainsi considérer la règle de droit internationale dans les deux sens. D'une part, la protection d'investissement ou le commerce mondial et d'autre part, la validité de la règlementation des aspects non marchands496. Une approche inspirée du développement durable contribuerait en effet à éclaircir cette problématique puisqu'elle entraînerait la reconnaissance du pouvoir de l'État de gérer et de règlementer ses ressources naturelles. Selon ce même cadre, un haut degré de gouvernance est exigé visant à garantir des procédures justes, équitables, conformes

491 P. LAMY, loc. cit., note 70, p. 18; E. KENTIN, loc. cit., note 42, p. 324.

492 P. DE WARRT, loc. cit., note 56, p.286.

493 E. PETERSMANN, loc. cit., note 24, p. 656.

494 Organisation de coopération et de développement économique, « Les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales », 31 octobre 2001, en ligne : http://www.oecd.org; Partie V - Environnement; Commentaires sur les Normes sur la responsabilité en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales et autres entreprises, U.N. Doc. E/CN.4/Sub.2/2003/38/Rev.2 (2003), en ligne : http://www1.umn.edu/humanrts/links/commentary-Aug2003.html; Paragraphe 14 e).

495 « Principe 7 : Les entreprises sont invitées à appliquer l'approche de précaution aux problèmes touchant l'environnement », Voir site web du Pacte mondiale,: http://www.pactemondial.org/environnement.html.

496 E. NIEUWENHUYS, op. cit., note 435, p. 297.

au droit à la propriété et de la jouissance qui en découle497.C'est effectivement ce que prévoit Agenda 21 qui vise ultimement l'intégration du développement durable à des niveaux pluridimensionnels498.

Ainsi, il est clair que depuis Metalclad, en résumant, beaucoup de choses ont changé. La décision n'était pas parvenue à équilibrer l'intérêt particulier des investisseurs et l'intérêt public en cause499. La société civile est désormais devenue garante de l'équilibre entre intérêt particulier et intérêt public. Face à sa pression, les tribunaux et les membres de l'ALENA ont adopté de nombreuses pratiques visant la promotion de la transparence du règlement de différends tel que nous le verrons dans les paragraphes qui suivent500.

Le déroulement public de l'instance, la publication des documents relatifs au litige, l'accès aux plaidoiries et la permission des présentations d'amicus curiae sont des développements progressistes. Ces décisions illustrent les efforts de la société civile pour établir la prise en compte, la considération et l'analyse de préoccupations d'intérêt public dans l'application du droit international économique501.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote