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L'accès de la société civile à  la justice internationale économique

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par Farouk El-Hosseny
Université de Montréal - LLM 2010
  

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4) «Free Trade Agreements with a heart»

Le Canada a signé récemment une série de traités bilatéraux d'investissements contenant des dispositions encourageantes. Les nouveaux accords entre le Canada, le Pérou et la Colombie incluent des dispositions sur l'environnement, les conditions de travail, mais également un volet sur la transparence et la lutte contre la corruption.

521 A. VAN DUZER op. cit., note 382, p. 11.

Les traités sont également accompagnés d'accords de coopération dans le domaine du travail et de l'environnement.

L'ambassadrice canadienne à Lima a déclaré que ces nouveaux traités bilatéraux signés par le Canada ne sont pas des traités typiques. Ils sont différents de tous les autres car ils sont des : « FTAs with a heart >>522. Le gouvernement canadien a déployé de véritables efforts afin de présenter ces nouveaux accords comme des instruments progressistes, responsables et non strictement marchands, tandis que les gouvernements du Pérou et de la Colombie les publicisent avec fierté. Les dispositions sur l'environnement et les droits du travail seraient en effet des preuves que ces États n'auraient pas engagé leurs peuples dans une transaction à sens unique; à savoir celle qui bénéficierait uniquement à l'investisseur canadien. Pour les soins de cette étude, nous procèderons à l'analyse du TBI signé avec la Colombie le 21 novembre 2008523 qui est fort similaire à celui signé avec le Pérou le 29 mai 2008.

Le préambule énonce que la promotion du développement durable, du respect et de la protection des lois environnementales, des droits fondamentaux et des droits du travail sont des objectifs cardinaux du traité. La réduction de la pauvreté et la reconnaissance de la liberté de manoeuvre étatique, dans la régulation du bien-être public, sont également enchâssées. Le chapitre sur l'investissement contient les clauses typiques sur le traitement national, la nation la plus favorisée, la norme minimale de traitement (Art. 803-805) et l'expropriation (Art. 811).

522 Voir site web du Ministère des affaires étrangères et du commerce internationale, « Sommaire : libre échange avec la Colombie et le Pérou >>, en ligne : http://www.international.gc.ca/commerce/multimedia/vid1.aspx .

523 Accord de libre échange entre le Canada et la Colombie (2008), en ligne : http://www.international.gc.ca/trade-agreementsaccords-commerciaux/assets/pdfs/Fr%2008%20Colombia%20FTA%20-%20%20Investment.pdf

Les dispositions du chapitre sur l'investissement consacrent également des règles portant sur des préoccupations non marchandes. D'abord, le traitement national et celui de la nation la plus favorisée peuvent être dérogés conformément aux cas prévus par ADPIC et ses dérogations. Tel qu'exposé plus haut, le traité confirme les dérogations aux règles d'ADPIC dans les cas d'urgence nationale ou de graves épidémies (Art. 809-4). Les parties pourront également exproprier ou nationaliser des investissements à des fins d'intérêt public. À cette fin, le traité renvoie la définition et l'interprétation de la notion d'intérêt public au droit international (Art. 811-1(a)). Le dumping social, soit l'assouplissement des mesures et des standards relatifs à la santé, à la sécurité et à l'environnement dans le but d'accommoder les investisseurs étrangers est prohibé (Art. 815). Des consultations entre les parties peuvent être tenues dans le cas de violation de cette disposition. Les parties sont par ailleurs invitées à encourager les entreprises à adopter volontairement des normes de responsabilité sociale des entreprises et à leur rappeler de l'importance de ces normes (Art. 816). Enfin, notons que ces dernières dispositions ne peuvent constituer le fondement d'une plainte devant le tribunal arbitral (Art. 819 (a)).

Le traité prévoit par ailleurs un accès à la procédure pour les « parties non contestantes » et donc ultimement pour la société civile (Art. 831). Le pouvoir du tribunal arbitral d'accepter les mémoires d'amicus curiae est confirmé. Les intervenants doivent avoir un intérêt significatif pour le litige, la procédure ne doit pas être perturbée et un fardeau trop lourd ou un préjudice ne doit pas être causé aux parties. Cette dernière condition est en effet prévue par l'article 37(2) du nouveau règlement d'arbitrage du CIRDI. Le principe de la publicité des audiences est

également retenu par le traité, même si le tribunal peut ordonner le huis clos ou établir toute procédure spéciale dans le but de protéger des informations confidentielles et ce, à la demande d'une partie contestante (Art. 830-2).

Notons tout de même que des voix pessimistes se sont soulevées des deux côtés. Les accords ont pour but principal de promouvoir l'exploitation minière et pétrolière, des activités qui sont fort polluantes. Les investissements visent des secteurs et zones hautement sensibles en matière d'environnement, de droits du travail et de droits des communautés indigènes, qui sont souvent ignorées ou négligées. Cette préoccupation est à jumeler au fait que le gouvernement colombien actuel fait face à de fortes critiques pour de flagrantes violations des droits de l'homme524. Le pays est en guerre civile depuis plus de quarante ans. Des rapports d'exécutions systématiques par l'armée et les paramilitaires de droite proches du pouvoir ne cessent d'alarmer la communauté internationale525. Des cas récents de déplacements forcés de communautés aux fins d'accommoder des projets miniers ont été également dénoncés526. Les défis pour les investisseurs canadiens peuvent être dangereux faute d'adopter une conduite exemplaire, une considération sincère des droits fondamentaux des communautés locales, et un respect des préceptes du développement durable.

Enfin, on est loin d'un traité qui oppose effectivement et véritablement les droits fondamentaux ou non marchands en tant qu'obligations juridiques

524 Projet accompagnement solidarité Colombie, « Honte ou dignité - Projet de loi C-23 sur l'ALE Canada - Colombie- Lettre à Michael Ignatieff », 25 mai 2009, en ligne : http://www.pasc.ca/spip.php?article489.

525 Constanza VIEIRA, «COLOMBIA: UN Confirms `Systematic' Killings of Civilians by Soldiers», 19 juin 2009, en ligne: http://www.ipsnews.net/news.asp?idnews=47300 .

526 Centre Europe Tiers Monde, «Human rights violations committed by transnational corporations in Colombia», decembre 2007, en ligne: http://www.cetim.ch/en/interventions_details.php?iid=288 .

contraignantes aux investisseurs. Les dispositions socio-environnementales du traité sont uniquement soumises à un processus de consultation. La responsabilité sociale des entreprises demeure auto-règlementaire et volontaire. Elle maintient ainsi son caractère de soft law, tel qu'édicté par les Directives de l'OCDE ou les Normes de l'ONU traitées plus haut.

On est loin également d'un traité garantissant un véritable accès à la justice à la société civile ou aux particuliers, c'est-à-dire une garantie de droit à un recours et de droit à un juge. Les collectivités ou les justiciables qui seraient lésés par des activités d'investisseurs, conduites sous l'égide du traité, n'auraient qu'à canaliser leurs plaintes à travers leurs bureaucraties gouvernementales ou à travers les recours internes prévus par les accords sur la coopération dans le domaine du travail et de l'environnement527. La voie des observations d'amicus curiae auprès du tribunal arbitral est cependant garantie. En revanche, l'investisseur bénéficie d'un recours direct dans le cas d'une éventuelle violation du traité. Le double standard perdure. Mais, il faut dire qu'il s'agit d'un début prometteur, à jumeler avec les autres développements que nous avons examinés tout au long de cette étude.

527 Article 3-1 : « Chacune des Parties s'assure de donner accès à des mécanismes d'exécution judiciaires, quasi judiciaires ou administratifs visant à sanctionner ou à corriger les infractions à son droit de l'environnement. », Accord sur l'environnement entre le Canada et la Colombie (2008), en ligne : http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accordscommerciaux/assets/pdfs/FR%20Colombia%20Environment%20Agreement%20_formatted_.pdf;

Article 4 : « Chacune des Parties garantit que toute personne ayant dans une affaire un intérêt reconnu par sa législation puisse, de façon opportune, saisir un tribunal habilité à faire exécuter son droit du travail, à donner effet aux droits en matière du travail de cette personne et à prononcer des mesures correctives. », Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la Colombie (2008), en ligne : http://www.rhdcc.gc.ca/fra/travail/accords_collective/accct/Canada-Colombie_acdt.pdf .

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille