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La politique étrangère des Etats Unis d'Amérique vis-à -vis de la République Démocratique du Congo: de 1990 à  2006

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par Mahatma Julien Tazi K. Tien-a-be
Université de Kinshasa - Diplome d'Etudes Supérieures en Relations Internationales 2009
  

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SECTION II. LA CRISE DE L'ETAT CONGOLAIS ET SES CONSÉQUENCES SUR SA POLITIQUE ÉTRANGÈRE

§.1. La crise de l'État Africain

Il est vrai que la crise de l'État est générale. Avant de la traiter en particulier pour la RDC, il nous convient de penser d'une manière ou d'une autre à la crise de l'État moderne en Afrique. En effet, les États africains d'une manière générale sont en crise et celle-ci se présente sur plusieurs aspects. Aux yeux de plusieurs analystes, l'État africain est confronté à deux situations actuelles. La première est relative à sa vraie nature, c'est-à-dire au fait qu'il soit un État importé combiné à un processus d'hybridation et la deuxième est son incapacité à réaliser l'idéal étatique que l'on attend de lui, c'est en fait sa situation de faillite. De deux situations, C'est finalement moins la question de l'État importé qui est en cause que sa faillite. L'analyse que nous présentons dans cette partie du texte constate avec regret que depuis les indépendances, les États africains ont, une simple souveraineté négative celle-ci les oblige à accepter des interventions extérieures, de la part d'anciennes métropoles, d'autres puissances ou de la communauté internationale.

En outre, la guerre froide a bien transposé le continent Africain en un terrain d'affrontement entre les deux blocs. L'URSS, souvent par l'intermédiaire des forces cubaines, y a soutenu des mouvements de libération et certains gouvernements (Angola, Mozambique, Éthiopie de Mengistu, etc.). De leur côté, les Occidentaux sont intervenus, par exemple, en RDC et en Afrique du Sud, en soutien au régime de l'apartheid contre ses voisins du nord. Quant à la Libye du colonel Kadhafi, elle a longtemps accueilli, soutenu et armé de nombreux mouvements recouvrant des causes très diverses et intervenant très activement au Tchad ainsi qu'en Ouganda et au Soudan. (103(*))

De ce qui précède, l'État africain qui est une structure d'importation ne peut en aucune manière répondre aux besoins de ses innombrables populations. Ainsi, sur tous les plans, l'État africain est faible. L'affaiblissement des États a entraîné de brusques flambées de violence alimentées par la pression démographique et la question foncière. La démission de l'État en Afrique a créé des souverainetés de substitution. Ainsi, les clivages d'ordre ethnique, socio-économique ou religieux ont été instrumentalisés par des forces inconnues. (104(*))

La perte de contrôle des États sur le territoire national a suscité aussi des phénomènes de recomposition territoriale, en particulier au niveau des marges et des zones frontalières, où se sont développés de nombreux trafics jouant sur les différentiels des taux de change et sur les réseaux mafieux (drogue, diamants, etc.). L'émergence de ces territoires trans-étatiques informels révèle certes la faiblesse actuelle de nombreux États. Elle apparaît également comme un élément de réorganisation territoriale qui ne remet pas en cause les frontières étatiques, mais au contraire les exploite (105(*)).

Les éléments que nous avons soulignés dans les lignes qui ont précédé peuvent encore être précisés sur le plan d'analyse économique. En effet, depuis la conclusion du traité de Westphalie (1648), le principe d'organisation de la société et de la souveraineté, en particulier en Afrique, les allégeances communautaires, ethniques, tribales, s'apposent à la construction étatique.

Actuellement, les États nations, fondement de la démocratie moderne, se débattent dans de grandes difficultés d'adaptation au contexte de l'intégration mondiale. Plusieurs points méritent d'être soulignés. L'État nation s'est constitué pour répondre à un besoin de sécurité, avec une armée, ciment de la défense. Si en Europe la notion d'ennemi extérieur ne se pose plus, en Afrique elle est d'actualité. L'ouverture des frontières a diminué les possibilités de contrôle de l'État sur les citoyennes et citoyens qui participent à des réseaux transnationaux, se déplacent, physiquement ou virtuellement. Notons, pourtant, que la disparition des frontières n'est certes pas complète, dans la mesure où la plupart d'entre elles restent effectives sur les plans institutionnel, juridique et culturel.

L'État perd, peu à peu, ses principales compétences, devant une économie privatisée et internationalisée de plus en plus, et aussi dans certains domaines qui doivent être gérés au-dessus de son niveau : environnement, santé, criminalité, communication... Il est ancré à son territoire national et enserré dans une série de contraintes politiques, institutionnelles et juridiques alors que les entreprises sont beaucoup plus libres d'agir au niveau mondial. Enfin, les minorités, les régions, les villes, les ethnies, les diverses catégories sociales réclament une certaine indépendance et mêlent autonomie culturelle et politique (106(*)).

Si la situation continue, elle affectera la substance même de l'intérêt national. En effet, beaucoup d'économistes affirment que dans un monde sans frontières l'intérêt national n'a plus vraiment sa place, l'État n'étant le plus souvent qu'un organisme à subventions et protection sociale. Certains écrivent, par exemple: « Dans une économie planétaire, à l'ère de l'information, des travailleurs compétents, des réseaux étendus de fournisseurs, les ingrédients qui sont le «diamant» de la compétitivité, fonctionnent aussi bien, et peut-être mieux, quand ils sont localisés de part et d'autre de frontières politiques et échappent ainsi au fardeau de l'intérêt national (107(*)).

Il serait impossible d'exploiter toutes les ressources de l'économie planétaire tant que les États mettent au premier plan l'intérêt national et la défense de leur souveraineté. Ils devraient, au contraire, aider les initiatives régionales à créer des points d'accès économiques dans d'autres pays. Un défenseur de cette idéologie donne l'exemple suivant : « Les États-Unis sont bien préparés à jouer ce rôle de catalyseur grâce à leurs ambitieux mouvements de déréglementation de l'économie et à leur longue tradition de décentralisation au niveau des États sous un parapluie fédéral. Quarante-sept des cinquante États ont, par exemple, leurs propres représentants au Japon (108(*)). »

La structure étatique qui est en crise a entraîné la crise des services publics. La fonction publique n'est si pas totalement à la rue, mais n'existe que de non. L'armée et la police sont généralement à la solde des dirigeant véreux qui les ont détournés de leurs missions classiques celle de la protection de l'État et des personnes ainsi que de leurs biens. Décrite de cette manière, ces services publics ne peuvent plus rien représenter face aux acteurs internationaux. En pleine modernité, l'Afrique ressemble aujourd'hui en la situation de la fin du Moyen Âge où les seigneurs n'accomplissaient plus leur rôle de solidarité communautaire, mais essayaient surtout d'accroître leur richesse en oubliant les autres.

Un autre élément à souligner est bien sûr les multinationales. Elles contribuent donc de manière déterminante à façonner l'environnement et à effriter l'autorité de l'État africain. Jamais dans l'histoire, les entreprises privées n'ont eu un tel pouvoir. Elles n'obéissent plus à aucun critère démocratique, mais imposent des modes de production et de consommation, des modes de vie, choisis par elles. Parce qu'elles suscitent des investissements, créent des emplois, apportent des revenus, elles sont choyées par les gouvernements qui se font une intense concurrence pour les attirer. Elles échappent à la démocratie puisqu'elles ne peuvent être sanctionnées par personne (sinon par leurs résultats économiques), puisqu'elles n'ont de comptes à rendre qu'à leurs actionnaires, et ne subissent pas le contrôle fiscal de leur pays d'origine. (109(*))

Toute analyse portant sur la crise de l'État due au phénomène économique ou à toute autre transformation doit, à notre humble avis, tenir grandement compte des facteurs organisateurs de l'État moderne. En effet, selon une définition largement partagée, l'État, mieux, l'État moderne, est constitué de trois éléments de base : un territoire, sa population et un pouvoir souverain.

La fin des territoires, la mobilité transnationale et le mélange des populations et de leurs identités, ainsi que l'érosion de la souveraineté sont trois phénomènes dans lesquels nous sommes immergés et qui nous affectent personnellement et continuellement.

Nous allons, ici analyser, ces facteurs afin de comprendre ce qui arrive à l'État nation actuel. En effet, le territoire est un espace dans lequel nous vivons. Tout d'abord, le territoire n'est pas une date, mais une construction : historiquement, il y a un pouvoir politique ainsi qu'un État qui lui donne des frontières, le fait de devenir un lieu spécifique où ses règles et obligations affectent la population qui y vit et lui donne un nom, déterminant ainsi« l'intérieur » et « l'extérieur ». (110(*))

Mais, la mondialisation, la révolution scientifique et technologique des moyens de transports et de communication ont commencé à déconstruire  de tels territoires. En effet, les territoires sont de plus en plus traversés par des flux transnationaux de biens, de capitaux, de populations, d'informations et de signes (images, sons, valeurs). De tels flux (l'extérieur pénétrant l'intérieur) échappent de plus en plus au contrôle des États, des réglementations et des directives. Les espaces destinés aux relations et aux activités de la société deviennent de plus en plus nombreux (prenez par exemple l'espace de communication sur le web, ou bien celui de la finance, des communautés et diasporas) et rompent la continuité et l'unité des territoires de l'État, traversent leurs frontières et sont interconnectés à travers des réseaux transnationaux appartenant à ces territoires. (111(*))

Le deuxième élément constitutif de l'État est la population. Il est également de plus en plus sujet aux dynamiques de la mondialisation et de la révolution scientifique et technologique. Les processus de migration de différentes natures et origines, ainsi que la mobilité transnationale professionnelle sont les principaux facteurs de ce changement.

L'homogénéité réelle ou prétendue (par les mythes et idéologies nationaux) et l'identité unique des populations n'existent plus. Plusieurs centaines de millions de personnes dans le monde entier ont des identités liées (anglo-indiens, sino-américains, italo-australiens... etc.) ou tout du moins des identités flottantes. Ils se sentent appartenir à de multiples cultures, acquièrent des nationalités multiples, vivent la diversité et la complexité des langues, des cultures, des religions et expérimentent plusieurs expériences et modèles de vies.

Des territoires déconstruits et hybrides, des populations vivant en diasporas, c'est le difficile puzzle que les politiques et les États ont à gérer dans une ère mondiale. Comment faire en sorte que des groupes d'individus de différentes origines, langues, cultures, religions vivent en paix et profitent ensemble du même territoire - bien que désarticulé, comme nous l'avons dit, en de nombreux espaces relationnels qui pourraient même devenir de plus en plus transnationaux ? Comment éviter le risque des conflits d'identité et d'épuration ethnique qu'une telle complexité peut engendrer ? Quelle architecture institutionnelle, quelles politiques sociales et culturelles devraient être élaborées pour y faire face ? (112(*))

Le troisième élément constitutif de l'État est la souveraineté. Dans sa définition traditionnelle, c'est le pouvoir « qui ne reconnaît aucun autre pouvoir au-dessus de lui et est la source de tous les pouvoirs en dessous de lui ». (113(*)) Dans la pratique, il y a désormais beaucoup de signes et de raisons, indiquant d'une part un changement des voies et des pouvoirs de la souveraineté, et, d'autre part, son érosion croissante. A l'origine de l'érosion et de la mutation du pouvoir de la souveraineté se trouvent de nombreux facteurs, non pas occasionnels, mais structurels :

· de manière transversale et fonctionnelle, l'émergence des sociétés civiles, non seulement nationales, mais aussi mondiales ;

· de manière descendante, la croissance des pouvoirs régionaux et locaux ;

· de manière ascendante, le développement de formes intergouvernementales et, dans certains cas même, des pouvoirs supranationaux (comme l'Union Européenne).

La souveraineté de l'État a changé et a connu une érosion du fait de la croissance de pouvoirs locaux et régionaux, qui se plaignent, négocient et souvent conquièrent sur le terrain leur propre autonomie. La souveraineté est de moins en moins la source de tous les pouvoirs en dessous d'elle-même, selon sa définition traditionnelle, car la mondialisation propose toujours plus souvent aux niveaux locaux de raisons et d`opportunités pour une plus large autonomie, sinon pour la séparation. (114(*))

Enfin, la souveraineté s'est également érodée par le dessus, à la fois par le nombre croissant de traités et réseaux internationaux, qui forcent les États à explicitement reconnaître les pouvoirs au-dessus d'eux-mêmes.

Il y a aujourd'hui, selon certaines estimations (par exemple, plus de 2 000 organisations internationales (elles étaient seulement 123 en 1951), plus de 100 courts internationales de diverses natures et fonctions, autant de corps quasi juridictionnels, et un nombre important et croissant de normes universelles, qui touchent à la fois les administrations nationales et les individus. (115(*))

De plus, d'importants processus d'intégration régionale sont initiés à un niveau continental (l'Union Européenne, mais aussi le Mercosur, l'Union Africaine,), qui peuvent entraîner des processus de réallocation et partagent comme les États les fonctions et les pouvoirs (pas seulement économiques). Comme l'a écrit Zaki Laidi et même - dans ses relations avec la société civile, les pouvoirs locaux et régionaux, les corps internationaux et supranationaux - l'État n'est plus un « Tout », comme veulent bien le prétendre les souverainistes traditionnels, mais seulement une partie, et est forcé de négocier son propre rôle et son propre pouvoir avec d'autres  parties  sous la forme d'une gouvernance multi acteurs et multi niveaux. (116(*))

Étant donné ce cadre analytique et d'interprétation, à quels défis doit faire face aujourd'hui un État en mutation, à la souveraineté érodée, et luttant, comme nous l'avons vu, avec un puzzle difficile et sans précédent composé de territoires fragmentés et de populations mobiles vivant en diaspora ? Le fait est que les États traditionnels, même le plus important et le plus puissant d'entre eux, ne sont plus capables d'assurer à leurs citoyens, sur leur propre territoire, les biens publics  fondamentaux pour fournir ce pour quoi ils ont été créés et ont été, au moins dans l'ère moderne, légitimés : paix et sécurité, développement économique, cohésion sociale, bien être public, protection de l'environnement, éducation... etc.

Ces biens, dans l'ère de la mondialisation, devraient soit être produits et assurés ailleurs, ou bien ne pourront plus être produits et assurés au niveau d'un seul État. En effet, comment la santé pourrait-elle être assurée aux citoyens d'un État, en présence d'une diffusion transnationale des maladies ou bien des conséquences des désastres environnementaux qui ont eu lieu ailleurs, dans une autre partie du monde ? Comment assurer la sécurité au sein des frontières de l'État, quand elles deviennent toujours plus poreuses, l'« extérieur » pouvant presque toujours se retrouver à l'intérieur, l'ennemi pourrait-il vivre dans notre maison ? Tous ces aspects, parmi d'autres, nourrissent une culture et une politique regrettable de peur et de suspicion qui contribue à une dégénération autoritaire des droits et, comme à un processus, de participation et d'inclusion.

* 103 BRUNEL S., L'Afrique et la crise de l'État, éd. Bréal, Paris, 2003, p. 65

* 104DU BOIS DE GAUDUSSON, J. et MÉDARD J-F. (sous dir.) - "La crise permanente de l'État et la recherche difficile de nouveaux modes de régulation" in L'État en Afrique : entre le global et le local, numéro spécial de la revue Afrique contemporaine, n°199 - octobre décembre 200, p98

* 105ALVERGNE C., Les politiques régionales à l'épreuve des faits Bruxelles, Quelle intégration régionale pour l'Afrique de l'Ouest ? - 11ème Colloque de l'ASRDLF : www.ulb.ac.be/soco/asrdlf -- 1, 2 et 3 Septembre 2004 : www.ulb.ac.be/soco/asrdlf/documents/Alvergne.pdf

* 106BRETON, R., Peuples et États, l'impossible équation, éd.Flammarion, Paris, 1998, p.46

* 107 PORTER, M., L'avantage concurrentiel des nations, éd. Inter Éditions, Bruxelles, 1993, p.31

* 108 OHMAE, K., De l'État nation aux États régions, Dunod, Paris, 1996

* 109 MAYOSSE, L., L'État Africain face à la mondialisation, éd. Éclipse, Paris, 2007, pp.60-61

* 110 BRINSSON, P., Comment le Processus de mondialisation change-t-il l'État ? , éd. De Minuit, Paris, 2000, p.60

* 111 MAYOSSE, L., op.cit., p.63.

* 112 BRINSSON, P., op.cit., p.71

* 113 GERVAIS-LAMBONY, P., Guerres, conflits et recompositions territoriales en Afrique noire, quelques remarques, éd. de l' Institut Universitaire de France, paris, 2003, p 230

* 114 DU BOIS de GAUDUSSON J et MÉDARD, J-F. , op.cit. , pp59-61

* 115 MICHELLON, T., Quel État pour l'Afrique, éd. L'Harmattan, Paris, 1984, p.120

* 116 ZAKI LAIDI, État fragmenté, éd. Sciences Po, Paris, 2000, p.158

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein